M. le président. Le sous-amendement n° 129, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le I de l'amendement n° 44 par un 7° ainsi rédigé :
7° L'article L. 229-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 229-10. - I. - La quantité totale de quotas d'émission allouée et délivrée aux installations existantes du secteur de l'électricité est réduite de 25 % par rapport à la quantité prévue par le plan établi pour la deuxième période en application de l'article L. 229-8. La réduction qui en résulte à compter du 1er janvier 2009 au titre de chacune des années 2009 à 2012 est précisée par décret en Conseil d'État.
« II. - Les quotas d'émission qui ne sont plus alloués par application du I peuvent être vendus dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
« III. – À compter du 1er janvier 2009, pour les exploitants d'installations du secteur de l'électricité autorisées au cours de la durée du plan et ceux dont l'autorisation viendrait à être modifiée, la quantité de quotas affectée et délivrée dans les conditions définies au V de l'article L. 229–8 est réduite dans les mêmes proportions qu'au I par rapport à ce qu'elle aurait été en application du plan établi pour la deuxième période. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. La réserve de quotas pour les nouveaux entrants, adoptée au mois de mai 2007, est destinée aux nouvelles installations industrielles ou aux installations qui sont en extension. Elle comporte en début de période 2,75 millions de tonnes de CO2 par an. Or le dernier recensement des projets correspondant à de potentiels nouveaux entrants a conduit à évaluer les besoins annuels de quotas à 9 millions de tonnes de CO2 par an. Par conséquent, la réserve de quotas dont dispose actuellement la France ne suffit pas à servir les nouveaux entrants.
En l'absence de mesure particulière, les nouveaux entrants, au cours de la période 2008-2012, seront obligés d'acquérir à titre onéreux, sur le marché de quotas européen, 70 % des quotas qui leur seront nécessaires pour être en conformité.
Tout le monde le comprend, une telle situation conduirait à une inégalité de traitement par rapport aux installations existantes, constituerait une barrière à l'entrée de nouvelles entreprises sur le marché ou même risquerait d’aboutir à la remise en cause de projets d'implantation de nouveaux sites industriels.
C’est pourquoi le Gouvernement propose de mettre en place un dispositif visant à délivrer à titre onéreux, sous forme d'enchères, 25 % des quotas délivrés aux exploitants des installations existantes du secteur de la production d'électricité ainsi qu'aux nouveaux entrants de ce secteur, le reste étant délivré gratuitement. Il convient en effet de considérer que ce secteur n'est pas soumis à la concurrence internationale.
Ce dispositif vise en outre à faire sorte que soit délivré gratuitement l'ensemble des quotas aux nouveaux entrants des autres secteurs d'activité, qui sont, eux, soumis à la concurrence internationale.
Le mécanisme qui vous est soumis n’est pas parfait, je le concède : il consiste à reprendre des quotas qui ont été accordés pour les redistribuer, et ce en vue d’assurer le plus d’équité possible. Dès l’origine, l’évaluation ayant été mal ajustée, l’allocation n’a pas été optimale. Ne rien faire provoquerait des inégalités importantes.
Permettez-moi d’apporter deux précisions.
Premièrement, d’aucuns ont pu reprocher à ce sous-amendement de ne pas prendre en compte les spécificités du mix énergétique français, d’ignorer le problème de base qui tient à la répartition des quotas entre les États membres. Ainsi, la France dispose de 130 millions de tonnes par an, contre 482 millions de tonnes par an pour l’Allemagne et 246 millions de tonnes par an pour le Royaume-Uni.
Certes, la base de répartition des quotas est différente, mais les spécificités de notre système national ont été prises en compte lors de la répartition de l’effort européen dans le cadre du protocole de Kyoto. Ainsi, alors que la France s’est engagée à stabiliser ses émissions de gaz à effet de serre, d’autres pays ont pris des engagements beaucoup plus drastiques. Il est donc justifié que la fixation de l’allocation de quotas diffère selon les pays.
Deuxièmement, on pourrait nous opposer que cette mesure n’est pas eurocompatible puisqu’elle consiste à revenir sur une allocation qui a été accordée. En fait, elle l’est ! En effet, au moment où la Commission européenne avait approuvé le plan national d’affectation des quotas français, au mois de mars 2007, la décision de la Commission européenne précisait : « Le plan national d’allocation de quotas peut être modifié sans accord préalable de la Commission si la modification concerne les quotas alloués à certaines installations, dans les limites de la quantité totale de quotas [...] ou si elle consiste à réduire le pourcentage des quotas à allouer gratuitement.... »
Il était donc bien prévu de pouvoir procéder à des ajustements si l’allocation initiale se révélait imparfaite. C’est dans cette situation que nous sommes aujourd'hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Je suis très gêné par ce sous-amendement, dont l’objet est de prévoir qu’à compter du 1er janvier 2009 les électriciens français devront acquérir 25 % de leurs quotas de carbone, alors que 90 % leur sont aujourd’hui alloués gratuitement. Le Gouvernement entend régler ainsi le problème de l’insuffisance de la réserve de quotas pour les projets d’extension ou de création d’industries, aujourd’hui fixé à 2,9 millions de tonnes par an, alors qu’il en faudrait sûrement près de 8 millions de tonnes. Ce différentiel de plus de 5 millions de tonnes est problématique.
La commission des affaires économiques a considéré qu’il s’agissait là d’une mauvaise méthode, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, le mix énergétique français pour la production d’électricité est le moins carboné d’Europe. Nous notons que l’atout nucléaire et hydraulique français, qui nous permet d’être aussi vertueux en matière d’émission de CO2, n’est, une fois de plus, pas reconnu. Dès lors, je ne vois pas pourquoi il conviendrait de pénaliser les électriciens français.
Ensuite, ce sous-amendement est contraire à la réglementation communautaire, notamment aux positions régulières de la Commission européenne. Cette dernière fait souvent valoir la nécessité de bien définir les règles de marché du carbone, avant que ne débute la seconde période du plan national d’affectation de quotas, le PNAQ II, qui doit couvrir la période 2008–2012.
Enfin, l’adoption de ce sous-amendement aurait des conséquences financières non négligeables pour les électriciens, en l’occurrence EDF et la SNET, c'est-à-dire aujourd'hui Endesa France, laquelle verrait son résultat d’exploitation annuel réduit de 30 %.
La commission ne possède pas d’éléments très précis lui permettant d’apprécier si, oui ou non, il est nécessaire de disposer d’une réserve de 8 millions de tonnes par an dès 2009 pour les extensions et les créations d’industries.
Le dispositif que vise à mettre en place ce sous-amendement ignore le problème de base tenant à la répartition entre les États membres des efforts de maîtrise des émissions de CO2, qui fait que notre pays dispose de 130 millions de tonnes, alors que l’Allemagne s’est vu attribuer un plafond de 482 millions de tonnes, le Royaume-Uni de 246 millions de tonnes et l’Espagne de 152,7 millions de tonnes. Là encore, nous déplorons fortement que le nucléaire français n’ait pas été pris en compte dans le calcul de ces allocations.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Certes, la commission est, je le répète, très embarrassée, car elle comprend qu’en procédant ainsi le Gouvernement ait voulu privilégier les nouveaux entrants ou les entreprises en extension. Mais ce sous-amendement fait surtout porter le poids de cette mesure sur les électriciens, dont les pratiques sont vertueuses. À l’échelon communautaire, cette démarche vertueuse n’est pas payée en retour.
Lorsque nous avons participé aux travaux du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, en Allemagne, nous avons voulu montrer – sans prosélytisme aucun ! – que la France avait fait un choix courageux voilà une trentaine d’années en privilégiant la filière nucléaire. Hélas, nous n’avons pas été entendus ! Bien pis, certains pays, comme l’Allemagne ou l’Italie, ont manifesté de l’aversion pour un tel choix !
Il faudra, assez rapidement, obtenir des convergences en matière énergétique, car on ne peut pas toujours demander aux mêmes de faire des efforts, surtout lorsque cela pénalise nos entreprises. Or, dans le marché européen de l’énergie, lorsque nous vendons de l’électricité à l’Allemagne – pays pour lequel nous avons beaucoup d’amitié –, celle-ci n’est guère regardante sur son origine, pourtant nucléaire à 80 % !
Peut-être pourrons-nous imaginer une voie médiane de sortie sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je comprends très bien les réticences de la commission des affaires économiques. C’est vrai, ce sous-amendement n’est pas très « vendeur », si j’ose dire. L’allocation initiale était mal ajustée ; il convient donc aujourd'hui de reprendre à certains ce qui leur avait été accordé, ce qui n’a rien d’agréable, c’est le moins que l’on puisse dire !
Permettez-moi d’apporter éléments complémentaires pour tenter de vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs.
Avons-nous réellement besoin de 9 millions de tonnes par an ? En réalité, cette évaluation est jugée plutôt basse : nous risquons d’avoir besoin de davantage ! Elle a été établie sur la base de la programmation pluriannuelle des investissements pour le secteur électrique. Elle identifie un besoin supplémentaire de 3 gigawatts de moyens de semi-base et de 3,1 gigawatts de moyens de pointe à l’horizon 2015, ce qui correspond à des affectations de quotas de 13 millions de tonnes de CO2 sur la période 2008-2012, soit 2,6 millions de tonnes par an pour la seule production d’électricité. Nous sommes donc bien cohérents avec le chiffre de 9 millions de tonnes pour la période.
Ces prévisions de besoins sont multiservices et ont été confirmées par une mission constituée de l’inspection générale des finances, l’inspection générale de l’environnement, le Conseil général des Mines et le Conseil général des Ponts et chaussées. Il s’agit, par cette énumération, non pas d’avancer un argument d’autorité, mais de souligner que cette évaluation n’est en rien fantaisiste : elle est le résultat de travaux longs et poussés et est considérée comme assez prudente.
J’en viens au mix électrique français et à ses particularités. Ne risque-t-on pas de pénaliser EDF alors que cette entreprise est, en Europe, l’un des électriciens qui émet le moins de CO2, grâce au nucléaire ?
L’idée de rendre une partie des quotas payante n’est pas nouvelle. Elle n’est pas seulement présente dans le Grenelle de l'environnement, elle l’est aussi dans la proposition de la Commission européenne pour la révision du système européen de quotas. La France n’est pas la première à se tourner vers cette mise aux enchères des quotas : l’Allemagne et le Royaume-Uni le font déjà. Si d’autres pays se sont résolus à revenir sur la position qui avait été initialement prise, c’est bien que la méthode n’est pas absolument scandaleuse ; au demeurant, ainsi que je l’ai expliqué, nous sommes aujourd'hui contraints d’y recourir.
Tels sont les éléments que je suis en mesure de vous fournir. J’espère qu’ils seront à même de vous convaincre de la nécessité à laquelle nous devons faire face. Cette décision n’était pas facile : nous ne l’avons pas prise de gaité de cœur, mais nous avons besoin de 9 millions de tonnes de quotas par an.
Il ne s’agit pas, monsieur le rapporteur, de favoriser les nouveaux entrants, mais de rechercher l’équité à leur égard. Le Gouvernement veut rendre équitable un système qui, en l’état, ne l’est pas, compte tenu de l’évaluation imparfaite qui a été établie au moment de l’élaboration du plan national d’allocation des quotas.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 129.
M. Jean Desessard. Ce débat est, certes, passionnant, mais avons-nous eu le temps de le préparer ? Il porte sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sur la répartition des quotas. À ce sujet, je veux en cet instant citer le rapport de M. Bizet, aux termes duquel « pour le plan national d’allocation des quotas couvrant la période 2008-2012[…] ce sont plus de 1 200 installations françaises qui sont concernées ». Comment voulez-vous examiner ce sujet en quatre jours ?
M. Bizet poursuit : « L’État a alors pour tâche de répartir cette quantité globale de quotas entre les installations industrielles entrant dans le champ d’application du dispositif ».
Il est fort intéressant de constater, aujourd’hui, que M. le rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques, formule des propositions, alors que l’État, qui était chargé d’opérer la répartition, dépose un sous-amendement, dont nous avons eu connaissance la veille du débat. Est-ce sérieux ?
Un débat, dont on comprend bien les enjeux, a eu lieu entre M. le rapporteur et Mme le secrétaire d’État. Mais il est tout de même bien cavalier de traiter ainsi un sujet aussi important – les quotas –, qui touche l’économie et la défense de l’environnement !
Mme Évelyne Didier. C’est d’ailleurs un « cavalier » !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, si vous le permettez, je m’exprimerai et sur le sous-amendement n° 129 et sur l’amendement n° 44.
S’agissant de l’amendement n° 44, je m’en tiendrai à formuler des observations sur le 1° du I, dont l’objet est de modifier des dispositions qui se sont avérées inapplicables en droit français, le dispositif n’étant pas opérationnel. À la lecture de votre rapport, monsieur Bizet, j’ai même cru comprendre que la haute administration avait du mal à trouver une solution technique fiable.
Afin de résoudre le problème, vous proposez que les chaudières et les systèmes de climatisation puissent faire « l’objet d’entretiens, de contrôles périodiques ou d’inspections », les conditions de mise en œuvre de ces opérations étant renvoyées à un décret.
Faute de temps suffisant pour réellement expertiser les conséquences d’une telle mesure, nous ne pouvons que nous étonner du délai de transposition. En outre, compte tenu de l’impact potentiel de ces mesures sur le pouvoir d’achat des ménages, déjà malmené, et alors que des dispositions très proches pourraient être adoptées lors de l’examen du projet de loi résultant du Grenelle de l’environnement, nous souhaitons nous élever une nouvelle fois contre une méthode de travail inadaptée.
J’en viens maintenant au sous-amendement n° 129, par le biais duquel le Gouvernement nous demande d’approuver une modification de la répartition des quotas d’émission de gaz à effet de serre, dont le détail et les modalités seront précisés par décret en Conseil d’État.
Au regard de la décision de la Commission européenne du 26 mars 2007 relative au plan français d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre, ce transfert semble conforme.
Pourtant, il nous est permis de nous interroger sur plusieurs points, qui méritent que vous nous apportiez des précisions, madame la secrétaire d’État.
Premièrement, en ce qui concerne le II du sous-amendement, nous souhaitons obtenir plus d’informations sur le calcul du prix de vente de ces quotas et, par conséquent, sur le contenu du futur décret. En effet, on peut redouter une certaine spéculation si ces quotas sont mis aux enchères dans un contexte financier international plus qu’incertain. Nous ne pouvons pas ignorer l’incidence de la crise financière actuelle sur un marché de quotas d’émission de gaz à effet de serre ni celle de la crise du prix du pétrole sur une mise aux enchères de quotas en provenance du secteur de l’électricité.
Deuxièmement, nous avons quelques inquiétudes à la lecture des remarques que la Commission européenne vous a adressées au sujet du nouveau plan national d’allocation. Dans sa décision du 26 mars 2006, la Commission regrette des projections d’émissions insuffisamment crédibles – fait que vous reconnaissez –, un manque de transparence et d’informations dans la méthode d’allocation de quotas, une mauvaise planification de cette allocation, un risque de dépassement de la quantité totale de quotas alloués, une augmentation de l’allocation de quotas gratuits qui pourrait entraîner une distorsion de concurrence.
Nous souhaitons donc obtenir plus d’informations au sujet de la mise en œuvre de ce plan.
Là encore, nous regrettons la méthode qui est employée pour examiner un sujet aussi important que le système de quotas, et dont l’importance s’accroîtra considérablement dans les années à venir.
Nous déplorons, je le répète, le manque de temps, une analyse incomplète, eu égard à l’histoire et aux choix énergétiques de notre pays, qui a retenu les énergies nucléaire et hydraulique.
Si j’osais, je vous demanderais, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir retirer le sous-amendement n° 129, afin de laisser aux députés un temps de réflexion largement supérieur à celui dont nous avons disposé. Nous allons en effet nous prononcer sur un texte sans en connaître les conséquences.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Lors de nos travaux en commission, je vous avais reproché, monsieur le rapporteur, de n’avoir porté que très tardivement à notre connaissance le contenu de certains amendements. Vous m’avez alors fait remarquer que vous ne pouviez pas nous livrer vos commentaires à leur sujet avant d’en avoir vous-même pris connaissance. Mes reproches étaient donc injustes et je vous prie de m’en excuser.
Madame la secrétaire d’État, au moment où l’on parle de revalorisation et de respect du Parlement, la moindre décence aurait voulu que le Parlement puisse travailler dans de bonnes conditions sur des sujets aussi importants. Et nous allons encore être appelés à examiner, dans la suite de la discussion, d’autres amendements portant sur des sujets importants qui auraient mérité que nous disposions de plus de temps pour les étudier convenablement.
Par ailleurs, je partage totalement l’avis de M. le rapporteur sur la conduite exemplaire de la France et sur ses choix, dont il est quelquefois très difficile de faire valoir le bien-fondé. Cela étant, force est de constater que les personnes s’élevant aujourd'hui contre le nucléaire sont beaucoup moins nombreuses qu’auparavant ; j’en veux pour preuve la lecture de quelques unes de journaux publiées voilà cinq ou sept ans. J’ai posé la question de savoir si des découvertes récentes en matière nucléaire pouvaient expliquer ce changement d’attitude, mais personne n’a su me répondre.
En tout cas, certains – le général de Gaulle le premier – ont fait preuve d’une capacité d’anticipation et de prospective supérieure à d’autres, qui ne se sont rendu que très tardivement compte des réalités auxquelles était confronté notre pays.
Madame la secrétaire d’État, je crois que l’on se trompe de combat. Je vous demande uniquement, et de manière solennelle, de nous communiquer les chiffres des quotas dédiés à la France et aux autres pays européens. Vos services, fort compétents, étant présents dans cet hémicycle, -ils pourraient sans doute faire le calcul nécessaire pour que nous sachions quel quota est affecté à chaque habitant. Le fait pour la France d’être plutôt vertueuse la conduit-elle à être aujourd’hui plus mal servie que d’autres pays ? Est-il admissible que la vertu soit pénalisée ?
Mieux vaut essayer de récupérer des quotas en demandant à certains pays européens, largement avantagés en la matière et susceptibles, de ce fait, de développer des industries bien plus nombreuses que la France ne peut le faire, de réduire un peu leurs quotas, d’adopter des conduites plus vertueuses et d’émettre moins de CO2.
Madame la secrétaire d’État, vous avez parlé d’équité. Pour ma part, je l’appelle de mes vœux. Mais je crains qu’il ne s’agisse là d’un système profondément inéquitable à la base. Rétablissez l’équité à la base. Ensuite, nous pourrons parler de distribution équitable des quotas.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
M. Marcel Deneux. Comme M. le rapporteur, je suis gêné devant ce sous-amendement n° 129 au regard tant de sa forme que de son opportunité.
Je suis très perplexe, madame la secrétaire d’État, quant aux conséquences de votre démarche sur la vie des entreprises du secteur concerné, c’est-à-dire le secteur électrique.
Ce sous-amendement vise à modifier le système d’allocation des quotas d’émission de CO2, tel qu’il a été fixé par le deuxième plan national d’affectation des quotas, pour la période 2008-2012. Ce plan a été validé par la Commission européenne.
Ce document, finalisé voilà seulement un an, prévoit une quantité totale de quotas affectés par la France pour les installations concernées par la directive sur son territoire : 129 millions de tonnes de CO2 annuellement, dont 25 millions de tonnes, soit environ un cinquième, attribuées au secteur industriel de l’électricité.
Ces quotas ont été bien calculés puisqu’ils sont déjà largement atteints dans le secteur de l’électricité et que les principales entreprises de ce secteur doivent acheter d’autres quotas pour faire face à une croissance pourtant faible.
Le sous-amendement n° 129 vise à réduire de 25 % la quantité totale de quotas d’émission allouée aux installations existantes du secteur de l’électricité, pour les attribuer aux nouveaux entrants, tous secteurs confondus.
Cette proposition appelle un certain nombre de remarques de ma part.
Tout d’abord, pourquoi faire peser sur le seul secteur électrique cette réduction de quotas alloués ?
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. Marcel Deneux. Vous avez évoqué l’absence de concurrence internationale ; je ne partage pas ce point de vue. Quoi qu’il en soit, le secteur électrique ne représente qu’un cinquième du total des quotas. En diminuant de 5 % les quotas alloués, tous secteurs confondus, on obtiendrait le même résultat.
Mais surtout, le deuxième PNAQ prévoit déjà une procédure particulière pour les nouveaux entrants. L’an dernier, une réserve de quotas a été déterminée, essentiellement en prenant en compte les prévisions de nouvelles installations ou d’extensions d’installations.
Lors de réunions de concertation avec les industriels, il a été demandé aux fédérations professionnelles d’estimer le montant d’émissions de CO2 pour les nouveaux entrants, compte tenu de leur connaissance des investissements importants prévus à l’horizon 2008-2012.
La réserve de quotas nécessaire a été estimée, fort justement, à 2,74 millions de tonnes de CO2 par an. Je veux rappeler une clause de ce protocole, qui envisage le cas de figure que vous décrivez, à savoir l’insuffisance des quotas. Le protocole dispose que, dans le cas où le nombre de quotas mis en réserve serait insuffisant, le PNAQ prévoit que l’État peut se porter acquéreur de quotas pour compléter cette réserve. Cette mesure permet de faire face à la situation actuelle de la France et répond à la question relative à l’opportunité du sous-amendement n° 129.
En réalité, l’État ne peut pas assumer ce protocole parce qu’il ne veut pas ou ne peut pas payer. Si tel est le cas, il faut le dire clairement ! (M. Jean Desessard fait un signe d’assentiment.) Si l’on recherche une recette fiscale, de 100 millions d’euros, par exemple, reconnaissons-le et faisons preuve d’imagination pour les trouver. Ainsi, le Parlement délibérera dans la transparence, des arguments techniques moins fallacieux seront avancés et des vérités pourront être énoncées.
Enfin, en ce qui concerne la production d’énergie, le parc électrique français génère des émissions très faibles de CO2, du fait du recours massif à l’énergie nucléaire et aux énergies renouvelables pour la production d’électricité. Dès lors, il existe, dans notre production d’énergie, peu de gisements de réduction des émissions de dioxyde de carbone:
Voilà pourquoi j’adhère pleinement aux propos du rapporteur et de Dominique Braye.
Madame le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire que, dans la situation actuelle, une nouvelle réflexion s’impose. Autrement dit, il faut revoir la copie, car ce qui nous est proposé ne nous satisfait pas.
M. Ladislas Poniatowski. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous donner quelques précisions et quelques chiffres, afin de dissiper la confusion que j’ai laissé s’installer : le Gouvernement propose de vendre non pas des quotas d’électricité, mais des quotas de CO2.
Le secteur du nucléaire n’achète pas de quotas. Cela s’adresse donc au parc thermique, qui représente actuellement 10 % de la production électrique, mobilisés essentiellement pour gérer la pointe de consommation.
Le Gouvernement veut que 25 % de ces 10 % soient mis en vente : seuls 2,5 % de la production d’électricité seraient donc touchés par les enchères, et pas l’ensemble de la production. Le nucléaire, qui ne produit pas de CO2, n’est bien sûr pas concerné.
M. Ladislas Poniatowski. On n’a pas 10 % de thermique !
M. Ladislas Poniatowski. C’est beaucoup moins !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Ce pourcentage a d’ailleurs augmenté quelque peu, malheureusement. (M. Ladislas Poniatowski s’exclame.)
La question du prix a été soulevée. Le choix n’est pas fait de savoir s’il s’agira d’une vente à prix fixe ou d’une vente aux enchères. De toute façon, le prix ne serait pas supérieur à celui du marché, qui oscille actuellement entre 23 euros et 25 euros.
Si je fais un calcul « de coin de table », j’estime que cela représenterait environ 100 millions d’euros. Pour une entreprise ayant une capitalisation boursière de plus de 100 milliards d’euros, 100 millions d’euros pour 500 térawatt-heures, cela équivaut à 0,02 centime d’euro au kilowatt-heure, pas seulement au kilowatt-heure thermique, mais à tous les kilowatt-heures, puisqu’il y a mutualisation. Ce montant est très modeste.
Je reviendrai d’un mot sur la proposition de M. Braye d’une allocation des quotas par habitant. Certes, un tel système serait juste. Telle fut d’ailleurs la question préjudicielle que souleva la délégation indienne lors des négociations destinées à faire suite au protocole de Kyoto. À terme, le système international devra s’orienter dans cette direction.
Cependant, actuellement, il n’est pas organisé de cette manière. À l’intérieur de l’Union européenne, les quotas sont alloués en fonction des données historiques de production de gaz à effet de serre ; ce sont les objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre attendues dans le cadre du protocole de Kyoto qui prennent en compte les spécificités nationales d’aujourd’hui.
La France s’est vu allouer 130 millions de tonnes de CO2 par an, l’Allemagne 482, le Royaume-Uni 246 et l’Espagne 152. Si la quantité est inférieure dans notre pays, c’est effectivement parce qu’il produit moins de gaz à effet de serre.