Sommaire
Présidence de M. Adrien Gouteyron
2. Saisine du Conseil constitutionnel
Mme Odette Herviaux, M. le président.
4. Responsabilité environnementale. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi déclaré d’urgence.
Article additionnel après l’article 1er
Amendements identiques nos 60 de Mme Evelyne Didier, 82 de M. Jean Desessard et 120 de Mme Odette Herviaux. – Mme Évelyne Didier, M. Jean Desessard, Mme Odette Herviaux, M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 38 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 39 de la commission et sous-amendement no 123 du Gouvernement. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l’article 4
Amendement n° 66 rectifié ter de M. Bruno Retailleau et sous-amendement no 132 du Gouvernement. – M. Bruno Retailleau, Mme la secrétaire d'État, M. le rapporteur, Mme Odette Herviaux. – Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 40 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Division additionnelle après l’article 5
Amendement n° 41 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Jean Desessard. – Adoption de l'amendement insérant une division et son intitulé.
Articles additionnels après l’article 5
Amendement n° 42 rectifié de la commission et sous-amendements nos 62 à 64 de M. Henri de Richemont et 88 à 90 de M. Jean Desessard. – MM. le rapporteur, Henri de Richemont, Jean Desessard, Mmes la secrétaire d'État, Évelyne Didier, MM. Dominique Braye, Bruno Retailleau, Thierry Repentin, Mme Odette Herviaux. – Rejet des sous-amendements nos 62, 88, 63, 90 et 64, le sous-amendement no 89 devenant sans objet ; adoption de l’amendement no 42 rectifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 43 de la commission et sous-amendement no 130 de M. Jean Desessard. – MM. le rapporteur, Jean Desessard, Mmes la secrétaire d'État, Évelyne Didier, Odette Herviaux. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 44 de la commission et sous-amendement no 129 du Gouvernement. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Jean Desessard, Thierry Repentin, Dominique Braye, Marcel Deneux, Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.
Suspension et reprise de la séance
Sous-amendement no 129 rectifié du Gouvernement. – Mme la secrétaire d'État, MM. le rapporteur, François Fortassin, Ladislas Poniatowski, Marcel Deneux, Dominique Braye, Jean Desessard, Thierry Repentin, Mme Évelyne Didier, M. le président de la commission. – Retrait du sous-amendement no 129 rectifié ; adoption de l'amendement no 44 insérant un article additionnel.
Amendement n° 45 rectifié de la commission et sous-amendement no 131 de M. Jean Desessard. – MM. le rapporteur, Jean Desessard, Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ; Mmes Odette Herviaux, Évelyne Didier. – Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 47 rectifié bis de M. Dominique Braye. – MM. Dominique Braye, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mmes Odette Herviaux, Évelyne Didier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 96 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Daniel Soulage. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 97 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Mmes Odette Herviaux, Évelyne Didier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 98 rectifié du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Jean Desessard, Dominique Braye, Daniel Soulage, Thierry Repentin, le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 46 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean Desessard. – Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
M. Dominique Braye, Mmes Évelyne Didier, Odette Herviaux, MM. Jean Desessard, le secrétaire d'État.
Adoption du projet de loi.
M. le rapporteur.
5. Dépôt d'une proposition de loi
6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
8. Dépôt de rapports d'information
compte rendu intégral
Présidence de M. Adrien Gouteyron
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 26 mai 2008, par plus de soixante sénateurs et, le 27 mai 2008, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
3
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour un rappel au règlement.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, j’ai constaté ce matin que la mention utilisée sur le site internet du Sénat pour qualifier le sort que la commission et le Gouvernement avaient réservé à la plupart de nos amendements était la suivante : « satisfait ou sans objet ». Même si nous sommes habitués à cette terminologie, elle nous paraît inappropriée. Nous avons en effet défendu nos amendements et ceux-ci sont « tombés », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas été soumis au vote.
Depuis plusieurs années, le Sénat a choisi d’utiliser une technique parlementaire qui, si elle est permise certes, peut laisser croire à ceux qui ne la maîtrisent sur le bout des doigts – j’en ai encore eu des échos ce matin – que nos amendements ont été majoritairement satisfaits, ce qui n’est pas notre avis, ou qu’ils sont sans objet, ce qui n’est pas non plus le cas.
Il serait sans doute judicieux d’être plus précis sur le déroulement de nos séances. Cela aurait pour effet non seulement de rétablir la vérité des débats, mais surtout de faire œuvre de pédagogie sur les techniques parlementaires vis-à-vis de ceux qui suivent nos travaux.
M. Jean Desessard et Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Cependant, je tiens à faire observer à quel point l’information des citoyens et des parlementaires est importante pour le Sénat, puisque, grâce à la mise en ligne sur internet, chacun peut avoir connaissance du sort réservé aux amendements, ce qui n’est pas le cas partout. (Sourires.)
Cela étant, il est tout à fait possible que se pose un problème de terminologie. Les mentions que vous évoquez sont celles que nous utilisons traditionnellement, mais rien ne nous empêche de voir si elles peuvent être améliorées de façon à être mieux comprises.
4
Responsabilité environnementale
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi déclaré d’urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, après déclaration d’urgence, relatif à la responsabilité environnementale (nos 288, 2006-2007, et 348).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er.
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 60 est présenté par Mme Didier, MM. Billout, Danglot et Le Cam, Mme Terrade.
L’amendement n° 82 est présenté par MM. Desessard et Muller, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L’amendement n° 120 est présenté par Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Pastor et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre V du livre Ier du code de l’environnement est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre…
« Actions en réparation
« Art. L.… - Les obligations liées à la réparation des préjudices liés aux dommages causés à l’environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le présent code, le code de la santé publique et les livres I et II du code rural se prescrivent par trente ans, à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
« Art. L.… - La victime d’un préjudice visé à l’article précédent, afin de prouver le bien-fondé de sa demande, peut solliciter auprès du président du tribunal compétent, ou du juge d’instruction si une information judiciaire est ouverte, une expertise indépendante, réalisée aux frais de l’auteur présumé du dommage. »
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 60.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement se décline en deux points : la prescription trentenaire et l’expertise. Il s’agit de sujets que j’ai déjà évoqués dans l’une de mes précédentes interventions, mais je tiens à y insister.
Premier point : l’article L. 161-5, conformément à l’article 17 de la directive, vise à poser le principe de la prescription trentenaire : les demandes de réparation ne seront plus opposables au pollueur lorsque plus de trente ans se seront écoulés depuis l’émission, l’événement ou l’incident ayant causé le dommage. Cette disposition présente l’inconvénient majeur de dédouaner l’exploitant peu scrupuleux qui aurait caché avec succès un tel événement, sans compter qu’elle sera difficile à appliquer pour des pollutions multicausales.
Le Conseil d’État, dans un arrêt du 8 juillet 2005, avait marqué un pas dans la réglementation des sites et sols pollués en reconnaissant l’applicabilité du principe de prescription trentenaire. Il avait censuré la cour administrative d’appel de Marseille, qui avait considéré que l’obligation de remise en état du site était imprescriptible. Ainsi, lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuis la date à laquelle la cessation d’activité a été portée à la connaissance de l’administration, le préfet ne peut plus imposer à l’exploitant la charge du coût entraîné par la remise en état d’un site.
Toutefois, cette jurisprudence ne s’applique pas dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site ont été dissimulés, l’obligation de remise en état restant alors imprescriptible.
Même s’il est restrictif, l’arrêt du Conseil d’État présente donc au moins l’avantage de ne pas opposer la prescription dans le cas où les faits auraient été dissimulés. C’est un progrès !
Notre amendement va dans ce sens : nous demandons que le point de départ de cette prescription soit porté au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Second point : le projet de loi élude la question de l’évaluation des dommages. Il ne pose pas la nécessité de garantir une expertise indépendante et impartiale.
Or, les crédits accordés à la recherche publique ne cessant de diminuer, nous sommes dans une situation où les autorités publiques renvoient presque systématiquement à l’expertise privée. Dès lors, comment éviter les conflits d’intérêt ? Il est donc nécessaire que les experts soient des tiers n’ayant aucun lien financier avec l’entreprise mise en cause.
De plus, on ne saurait mettre légitimement à la charge de la victime ou de la collectivité le coût des analyses nécessaires pour prouver la pollution et son origine. En conséquence, nous demandons que l’expertise indépendante soit réalisée aux frais de l’auteur présumé du dommage.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 82.
M. Jean Desessard. L’objet de cet amendement est de préciser le régime des actions en réparation en cas de dommage environnemental afin de garantir l’accès à la justice des victimes.
Le 6 mai 2008, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, une proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile. Ce texte entend instaurer un régime particulier pour la réparation des dommages causés à l’environnement.
Jusqu’à présent, en matière industrielle, la jurisprudence administrative s’est accordée sur un délai de trente ans à compter de la cessation d’activité – lorsque cette dernière a été régulièrement portée à la connaissance de l’administration et en dehors des cas de dissimulation de dangers ou d’inconvénients –, au cours duquel la remise en état du site peut être demandée.
Après des débats importants, ce délai de trente ans a été inscrit dans la loi et a été élargi à d’autres domaines, conformément au délai prévu par la directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale. Mais la rédaction retenue souffre d’imprécisions, ce qui est source d’insécurité juridique. Le texte proposé par cet amendement vise donc à répondre aux questions soulevées en précisant plusieurs points.
Tout d’abord, le régime concerne en général les obligations liées à la réparation des dommages causés à l’environnement, et pas uniquement les obligations financières. La réparation en nature, comme la remise en état des lieux, n’est ainsi plus exclue.
Ensuite, le régime d’exception vise les installations, travaux, ouvrages et activités régis non seulement par le code de l’environnement, mais aussi par le code de la santé publique, le code rural et le code forestier. Ainsi, les dommages à l’environnement causés par les produits phytosanitaires réglementés par le code rural bénéficieront de ce régime plus adapté que celui de droit commun.
Enfin, le délai de trente ans commence à courir à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Sont ainsi pris en compte les cas où, par exemple, l’auteur de l’atteinte à l’environnement a dissimulé une pollution ou ne s’en est pas rendu compte, en cas de pollution souterraine ou d’enfouissements de déchets qui n’auraient pas été portés à la connaissance de l’administration.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour présenter l’amendement n° 120.
Mme Odette Herviaux. Je veux juste apporter quelques précisions afin de compléter les propos de mes collègues Mme Didier et M. Desessard.
Le délai de trente ans que nous visons dans nos amendements est conforme à celui qui est prévu par la directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale. Vous conviendrez, mes chers collègues, que cette proposition s’inscrit totalement dans la logique de sa transposition.
Le sens du deuxième article proposé pour ce chapitre s’inscrit, lui, dans l’esprit de l’amendement n° 121, que nous avons défendu hier soir. Celui-ci visait à proposer la transposition de l’article 12 de la directive et la mise en place d’un mécanisme d’alerte environnementale. Or, madame la secrétaire d’État, vous nous avez demandé de le retirer en nous assurant que le décret prévu par l’article L. 165-2 nous donnerait entièrement satisfaction. J’espère que vous êtes toujours sur cette ligne. C’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir accepter le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques. La directive prévoit que sont exclus les dommages dont le fait générateur est survenu plus de trente ans auparavant. Le projet de loi reprend très exactement cette disposition et il n’apparaît pas opportun de la modifier.
En outre, le projet de loi s’aligne sur les dispositions adoptées très récemment dans la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, qui dispose que les obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l’environnement par les installations, les travaux, les ouvrages et les activités se prescrivent par trente ans à compter du fait générateur du dommage. Cette rédaction ayant fait l’objet d’un consensus de tous les groupes politiques du Sénat, il n’apparaît pas non plus opportun de revenir sur ce point.
En ce qui concerne les évaluations, le projet de loi prévoit qu’elles sont transmises au préfet et financées par l’exploitant.
La commission est donc défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Le Gouvernement souscrit aux observations de M. le rapporteur et émet un avis défavorable sur ces amendements. En vertu du droit commun, le recours au juge des référés permet de solliciter une expertise contradictoire. Il n’est donc pas utile d’introduire une précision supplémentaire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 60, 82 et 120.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 2
La loi du 29 décembre 1892 modifiée sur les dommages causés à la propriété privée par l’exécution des travaux publics est ainsi modifiée :
I. - Au troisième alinéa de l’article 9, après les mots : « du code de l’environnement » sont ajoutés les mots : «, ainsi que des travaux de réparation des dommages à l’environnement exécutés en application des articles L. 160-1 et suivants du même code, ».
II. — L’article 20 est complété par les mots suivants : «, ainsi qu’aux travaux de réparation des dommages à l’environnement prévus par les articles L. 160-1 et suivants du code de l’environnement. »
III. — Il est ajouté à l’article 20 un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’occupation temporaire est autorisée pour l’exécution de travaux de réparation des dommages causés à l’environnement, l’administration peut déléguer ses droits à la personne qui les réalise, au sens des articles 1er, 4, 5, 7, 9, 12 et 18 de la présente loi. »
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I — Rédiger comme suit le II de cet article : II. — L’article 20 est ainsi rédigé : « L’occupation temporaire des terrains peut être autorisée pour les actions visées aux articles 1er et 3 de la présente loi et pour réaliser les aménagements et ouvrages provisoires nécessaires à la défense nationale et à la sûreté de la navigation aérienne, aux opérations de dépollution ou de remise en état ou aux travaux de réparation des dommages à l’environnement prévus par les articles L. 160-1 et suivants du code de l’environnement.
Lorsque l’occupation temporaire est autorisée pour l’exécution de travaux de réparation des dommages causés à l’environnement, l’administration peut déléguer ses droits à la personne qui les réalise, au sens des articles 1er, 4, 5, 7, 9, 12 et 18 de la présente loi. »
II — En conséquence, supprimer le III de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Il est ajouté au chapitre V du titre V du livre V du code de justice administrative un article L. 555-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 555-2. - La levée du caractère suspensif d’une opposition à un titre exécutoire pris en application de certaines mesures de consignation prévues par le code de l’environnement est décidée par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue, statuant en référé. Elle est régie, selon le cas, par le II de l’article L. 162-18, le III de l’article L. 514-1 et l’article L. 541-3 dudit code. » – (Adopté.)
Article 4
Il est inséré au chapitre Ier du titre V du livre VI du code de l’environnement un article L. 651-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 651-8. - Pour l’application à Mayotte des articles L. 160-1 à L. 166-2 :
« 1° Le représentant de l’État peut compléter les listes mentionnées au a et au d du 3° du I de l’article L. 161-1 ;
« 2° Le 1° de l’article L. 162-15 n'est pas applicable à Mayotte ;
« 3° Les agents commissionnés par le représentant de l’État et assermentés sont habilités à constater les infractions aux dispositions du titre VI du livre Ier. »
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 651-8 du code de l’environnement, remplacer les mots :
des articles L. 160-1 à L. 166-2
par les mots :
du titre VI du livre Ier
II. - Dans le deuxième alinéa (1°) du même texte, remplacer la référence :
d
par la référence :
c
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Le sous-amendement n° 123, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le II de l’amendement n° 39 :
II. Supprimer le 1° du même texte.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour présenter le sous-amendement n° 123 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n°39.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. L’amendement n° 2 rectifié bis vise à réécrire le 3° du I de l’article L. 161-1 en supprimant la référence à des listes d’espèces et d’habitats fixées par arrêté. L’adaptation qui est prévue par le 1° de l’article L. 651-8 du code de l’environnement, créé par l’article 4 du projet de loi, pour l’application à Mayotte de cette disposition de l’article L. 161-1 concernant ces listes, est de ce fait devenue inutile. Il s’agit donc d’une mise en cohérence avec les votes précédents.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 39, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 123 ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Darniche, Revet et Soulage et Mme Keller, est ainsi libellé :
Après l’article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre IV du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Dans l’intitulé du titre, après les mots : « de l’environnement », sont insérés les mots : « et collectivités territoriales » ;
2° Dans l’intitulé du chapitre II, après les mots : « des associations », sont insérés les mots : « et des collectivités territoriales » ;
3° Le chapitre II est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L.… — Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel ils exercent leurs compétences et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement, à l’amélioration du cadre de vie, à la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, à l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, la sûreté nucléaire et la radioprotection, ainsi qu’aux textes pris pour leur application. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement, qui a été approuvé par la commission des affaires économiques, est dans son principe assez symbolique, mais sa portée peut être étendue en raison de ses applications concrètes.
Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, la notion de responsabilité se situe au cœur du développement durable, et nous nous sommes réjouis ensemble lorsque, le 16 janvier dernier, le tribunal de grande instance de Paris, faisant œuvre de création jurisprudentielle, a reconnu l’existence d’un préjudice écologique.
Toutefois, les collectivités territoriales ont le plus grand mal à obtenir l’application de ce concept jurisprudentiel. En effet, les normes en vigueur en France aujourd’hui restreignent la possibilité pour elles de se constituer partie civile en cas de préjudice écologique.
Il faut, par exemple, que la collectivité soit propriétaire du bien directement touché par le dommage ou que la loi lui confère une compétence spécifique en matière de protection de l’environnement.
Par conséquent, dans la plupart des cas, en dépit de l’apparition de cette création jurisprudentielle de préjudice écologique, les collectivités ne pourront pas s’en prévaloir, parce qu’elles n’auront pas la capacité de se constituer partie civile. Une telle situation est assez injuste, et ce pour trois raisons.
Premièrement, les collectivités, quelles qu’elles soient – les communes, les départements et les régions – ou leurs groupements sont toujours en première ligne pour réparer les conséquences d’une catastrophe naturelle et effectuer les premières dépenses. C’est incontestable !
Deuxièmement, les associations qui sont reconnues et agréées en matière d’environnement peuvent, elles, se constituer partie civile en cas de dégâts directs ou indirects dans le ressort duquel elles exercent leur activité. Donc, certaines associations qui ne procèdent pas du suffrage universel disposent de cette capacité à agir, qui est refusée aux collectivités et à leurs assemblées délibérantes élues au suffrage universel.
Troisièmement, enfin, une brèche a déjà été ouverte, parce que c’était le bon sens, dans le code de procédure pénale, puisque les collectivités ont la possibilité de se constituer partie civile, même lorsqu’elles ne sont pas propriétaire du terrain sur lequel est advenu un incendie volontaire.
Pour toutes ces raisons, il est temps de moderniser notre droit et de prendre acte de la maturité juridique des collectivités territoriales, après le grand phénomène de décentralisation.
Cet amendement est assez précis. Il ne crée pas une règle générale. Il tend au contraire à réserver la possibilité, en matière de poursuites, de déceler qui est l’auteur d’une faute. Il n’est pas question d’arracher à l’État et à son ministère public une sorte de droit régalien. Les collectivités dans leur ensemble veulent simplement pouvoir se prévaloir d’un juste droit consécutivement à cette reconnaissance du préjudice écologique.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Le sous-amendement n° 132, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa de l’amendement n° 66 rectifié bis par les mots :
, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour présenter le sous-amendement n° 132 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 66 rectifié bis.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Le Gouvernement approuve totalement l’intention de M. Retailleau. Nous avions d’ailleurs évoqué la possibilité, à l’occasion du jugement prononcé dans l’affaire de la marée noire de l’Erika, d’amender ce projet de loi relatif à la responsabilité environnementale. La jurisprudence qui a suivi cette catastrophe a, d’une certaine façon, anticipé nos travaux et invité à apporter quelques compléments au texte.
C’est précisément l’objet de votre proposition, monsieur le sénateur. Toutefois, le Gouvernement a déposé un sous-amendement à l’amendement n° 66 rectifié bis, car la possibilité de se constituer partie civile apparaît trop étendue.
Par ce sous-amendement, nous proposons de permettre la constitution de partie civile des collectivités territoriales ou de leurs groupements, mais comme parties jointes, lorsque les poursuites ont déjà été engagées.
Cela voudrait dire que les poursuites peuvent être engagées par toutes les personnes qui sont les victimes personnelles et directes des pollutions, mais aussi, comme vous l’avez signalé, par plusieurs acteurs publics agissant au nom de l’État en ce domaine : le ministère public, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Office national de la chasse et de la faune et le Centre des monuments nationaux.
De nombreux acteurs peuvent agir au nom de l’intérêt général. Le Gouvernement souhaite donc que les collectivités territoriales puissent se constituer partie civile comme parties jointes. Cela permettra de conserver une grande latitude tout au long de la procédure.
En fait, la faculté donnée aux collectivités locales ou à leurs groupements d’agir dès le stade de l’instruction leur permettra d’exercer tous les droits reconnus aux parties civiles, notamment l’accès au dossier d’instruction et les demandes d’actes.
Elles pourront ensuite, si l’affaire est renvoyée devant une juridiction de jugement, faire valoir leurs droits, et en particulier obtenir la réparation du préjudice subi. Donc, grâce aux dispositions de ce sous-amendement, elles pourront défendre pleinement leurs intérêts en matière de protection de l’environnement. Mais le cadre que nous proposons, moins étendu que le vôtre, monsieur Retailleau, nous paraît mieux adapté à la situation.
M. le président. Monsieur le sénateur, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par le Gouvernement ?
M. Bruno Retailleau. Madame la secrétaire d’État, votre argumentation est double.
D’une part, vous estimez que le champ d’application de notre amendement est trop large. D’autre part, vous tenez à subordonner la capacité à agir des collectivités à celle du ministère public ou d’une personne lésée. Je traiterai ces deux questions séparément.
Après concertation avec M. le président de la commission et M. le rapporteur, je pense qu’il est possible de vous donner satisfaction concernant la restriction de la possibilité de se constituer partie civile. Je suis prêt à rectifier l’amendement n° 66 rectifié bis en supprimant les termes suivants : « à l’amélioration du cadre de vie, à la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, à l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, la sûreté nucléaire et la radioprotection ». Nous pourrions nous en tenir là pour une définition de principe.
Le Gouvernement souhaite également conditionner la capacité des collectivités à la mise en mouvement de l’action du ministère public ou d’une personne privée victime d’une infraction. Ce n’est pas possible. Certes, l’intérêt général peut être défendu par différents acteurs comme le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ou l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS. Mais pour quelle raison les collectivités locales auraient-elles besoin d’être prises par la main par le ministère public ou par une personne particulière pour faire valoir leurs droits ?
Poser une telle exigence revient à vider notre amendement de sa substance et de son objet, qui consiste à faire entrer les collectivités territoriales de plain-pied dans l’âge adulte de la maturité juridique. Il est très important de prendre acte de cette décentralisation et de lui donner sa pleine puissance en matière juridique.
Mes chers collègues, je voudrais le redire, il ne s’agit en aucun cas de créer une règle de portée générale concernant l’intérêt à agir. Ce droit est limité aux collectivités territoriales. Il ne s’agit pas non plus de poursuivre l’auteur des faits.
Aujourd’hui, le problème se pose en ces termes : lorsqu’une marée noire survient, il suffit que la plage sur laquelle la galette polluée est apparue ne soit pas la propriété de la collectivité territoriale concernée pour que cette dernière ne puisse se prévaloir d’un intérêt à agir. Vous le savez, lors de telles catastrophes, la collectivité a autre chose à faire que de vérifier le cadastre pour savoir à qui appartient le domaine en question. Elle est trop occupée à retrousser ses manches et à tenter de dépolluer au plus vite le site endommagé. Lorsque la pollution a lieu sur le territoire de la collectivité, elle subit forcément un préjudice même si elle n’en est pas propriétaire.
Bref, si M. le président de la commission et M. le rapporteur sont d’accord pour restreindre le champ de l’action civile, j’accepte de rectifier mon amendement. Mais il ne faudrait pas pour autant le vider de sa substance ! (Bravo ! et applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 66 rectifié ter, présenté par MM. Retailleau, Darniche, Revet et Soulage et Mme Keller, est ainsi libellé :
Après l’article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre IV du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Dans l’intitulé du titre, après les mots : « de l’environnement », sont insérés les mots : « et collectivités territoriales » ;
2° Dans l’intitulé du chapitre II, après les mots : « des associations », sont insérés les mots : « et des collectivités territoriales » ;
3° Le chapitre II est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L.… — Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel ils exercent leurs compétences et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement ainsi qu’aux textes pris pour leur application. »
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. En cas de dommage à l’environnement, seules peuvent se constituer partie civile les collectivités propriétaires du bien affecté ou celles qui exercent une compétence particulière sur celui-ci.
Le présent amendement tend à prévoir que toutes les collectivités sur les territoires desquels survient un dommage peuvent se porter partie civile, ce qui me paraît tout à fait opportun et pertinent. Cette question a fait l’objet d’un débat au sein de la commission, et je tiens à remercier notre collègue Bruno Retailleau de l’apport de sa réflexion.
S’agissant du sous-amendement du Gouvernement, sur lequel la commission n’a pu se prononcer, j’y étais personnellement plutôt défavorable, dans la mesure où il restreignait davantage la capacité à agir des collectivités que celle des associations.
M. Bruno Retailleau. C’est exact !
M. Jean Bizet, rapporteur. À mon sens, il fallait au minimum placer au même niveau les collectivités locales et les associations. J’ai le plus grand respect pour la démocratie participative, et les collectivités locales ne sont que les émanations de la démocratie représentative. Mais n’oublions jamais la démocratie représentative !
La rectification suggérée par M. Retailleau restreint peut-être le champ de l’action, mais elle permet aux collectivités locales d’être sur le même plan que les associations. Cette solution me convient parfaitement, car elle est équilibrée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement rectifié ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. La difficulté est que les concepts de « préjudice direct » ou de « préjudice indirect » et la jurisprudence qui s’est construite autour d’eux conviennent assez mal à l’environnement.
En effet, le cas auquel vous faisiez référence à l’instant, celui de galettes de fioul qui arriveraient sur une plage privée mais relevant par ailleurs d’une commune, n’est pas considéré comme un préjudice direct. Pourtant il s’agit d’un préjudice pour la commune.
Dans l’idéal, il aurait fallu pouvoir inventer une notion qui transcende ce débat entre le préjudice direct, qui est un concept trop restreint, et le préjudice indirect, qui ouvre peut-être trop vers l’inconnu.
Vous proposez, monsieur le sénateur, au travers de cet amendement n° 66 rectifié ter, une version très extensive, même si j’ai apprécié votre geste consistant à en restreindre le champ. Cela dit, en tenant compte de vos arguments, le Gouvernement peut se ranger à votre proposition et émettre un avis favorable.
Par conséquent, monsieur le président, je retire le sous-amendement n° 132.
M. le président. Le sous-amendement n° 132 est retiré.
La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Je comprends parfaitement le sens de l’amendement de Bruno Retailleau et je partage tout à fait son analyse.
J’aurais toutefois préféré qu’il conserve – quand on est issu des départements de l’Ouest, on est particulièrement sensible à certains risques – la référence à la protection de l’eau et à la lutte contre les pollutions.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, le problème avec l’eau et l’air, c’est qu’ils ne sont pas circonscrits à un territoire puisque l’eau et l’air circulent.
Si, d’une part, on accepte le préjudice indirect et, d’autre part, on l’applique à des fluides qui se déplacent, les saisines risquent d’être sans fin et les procédures ne seront plus du tout maîtrisées. C’est la raison pour laquelle je préfère en rester à la formule acceptée par M. Retailleau.
Mme Odette Herviaux. Les pollutions sont là !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Oui, mais elles peuvent dépasser les limites des collectivités et engendrer des saisines vraiment compliquées à gérer par les tribunaux.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 66 rectifié ter.
(L’amendement est adopté à l’unanimité.)
M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
Article 5
Le dernier alinéa de l’article L. 229-13 du code de l’environnement est remplacé par les dispositions suivantes :
« Toutefois, il n’est pas procédé à la délivrance des quotas prévue à la deuxième phrase de l’alinéa précédent en remplacement des quotas annulés à l’issue de la période triennale débutant le 1er janvier 2005. »
M. le président. L’amendement n° 40, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Cet article a été adopté dans la loi de finances pour 2008. Il n’a donc plus d’utilité ici.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 41, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 5, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre II
Dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement
II. - En conséquence, avant l’article 1er, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre Ier
Dispositions relatives à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l’environnement
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer un titre relatif à la transposition de plusieurs directives communautaires actuellement en retard de transposition et pour lesquelles la France fait l’objet de procédures de mise en demeure ou d’avis motivé de la Commission européenne.
Ces directives relevant toutes du domaine de l’environnement, il apparaît cohérent du point de vue juridique de les rassembler dans un titre unique portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement.
En conséquence, cet amendement crée également un titre Ier au sein du projet de loi regroupant les dispositions relatives à la responsabilité environnementale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je n’ai pas eu le temps de déposer un sous-amendement dans la mesure où ce projet de loi a été déclaré d’urgence.
Si j’en avais eu le temps, j’aurais proposé d’ajouter, après les mots : « Dispositions relatives à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l’environnement », les mots : « déposées à la va-vite par M. le rapporteur parce que le Gouvernement n’a pas eu le temps de le faire et étudiées à la va-vite par l’ensemble des parlementaires » ! (Sourires.)
Ce sous-amendement aurait eu le mérite d’expliquer la façon dont nous avons travaillé !
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi intitulée est insérée dans le projet de loi, après l’article 5.
Articles additionnels après l’article 5
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le paragraphe 1 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre VIII du titre Ier du livre II est ainsi rédigé :
« Paragraphe 1
« Incriminations et peines
« Art. L. 218-10. - Pour l’application de la présente sous-section :
« La convention Marpol désigne la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, faite à Londres le 2 novembre 1973, telle que modifiée par le protocole du 17 février 1978 et par ses modificatifs ultérieurs régulièrement approuvés ou ratifiés.
« Le terme « navire » désigne soit un bâtiment de mer exploité en milieu marin de quelque type que ce soit, notamment les hydroptères, les aéroglisseurs, les engins submersibles et les engins flottants, soit un bateau ou un engin flottant fluvial, lorsqu’il se trouve en aval de la limite transversale de la mer.
« La définition des rejets est celle figurant au 3 de l’article 2 de la convention Marpol.
« Art. L. 218-11. - Est puni de 6 000 euros d’amende le fait, pour tout capitaine ou responsable à bord d’un navire, de se rendre coupable d’un rejet de substance polluante en infraction aux dispositions des règles 15 et 34 de l’annexe I, relatives aux contrôles des rejets d’hydrocarbures, ou en infraction aux dispositions de la règle 13 de l’annexe II, relative aux contrôles des résidus de substances liquides nocives transportées en vrac, de la convention Marpol.
« En cas de récidive, les peines encourues sont portées à un an d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
« Art. L. 218-12. - Les peines relatives à l’infraction prévue au premier alinéa de l’article L. 218-11 sont portées à sept ans d’emprisonnement et 700 000 euros d’amende pour tout capitaine ou responsable à bord d’un navire-citerne d’une jauge brute inférieure à 150 tonneaux, ou de tout autre navire d’une jauge brute inférieure à 400 tonneaux dont la machine propulsive a une puissance installée supérieure à 150 kilowatts.
« Art. L. 218-13. - Les peines relatives à l’infraction prévue au premier alinéa de l’article L. 218-11 sont portées à dix ans d’emprisonnement et 1 000 000 euros d’amende pour tout capitaine ou responsable à bord d’un navire-citerne d’une jauge brute supérieure ou égale à 150 tonneaux ou de tout autre navire d’une jauge brute supérieure ou égale à 400 tonneaux, ainsi que pour tout responsable de l’exploitation à bord d’une plate-forme.
« Art. L. 218-14. - Est puni de sept ans d’emprisonnement et de 700 000 euros d’amende le fait, pour tout capitaine ou responsable à bord d’un navire, de jeter à la mer des substances nuisibles transportées en colis en infraction aux dispositions de la règle 7 de l’annexe III de la convention Marpol.
« Art. L. 218-15. - Est puni d’un an d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait, pour tout capitaine ou responsable à bord d’un navire, de se rendre coupable d’infractions aux dispositions des règles 3, 4 et 5 de l’annexe V, relatives aux interdictions de rejets d’ordures, de la convention Marpol.
« Art. L. 218-16. - Est puni, selon le cas, des peines prévues aux articles L. 218-11 à L. 218-15, le fait, pour tout capitaine ou responsable à bord d’un navire de commettre dans les voies navigables jusqu’aux limites de la navigation maritime les infractions définies aux articles L. 218-11 à L. 218-15.
« Art. L. 218-17. - Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 180 000 euros d’amende le fait, pour tout capitaine de navire ou responsable à bord d’un navire auquel est survenu, en mer ou dans les eaux intérieures et les voies navigables françaises jusqu’aux limites de la navigation maritime, un des événements mentionnés par le protocole I de la convention Marpol ou pour toute autre personne ayant charge du navire, au sens de l’article 1er de ce protocole, de ne pas établir et transmettre un rapport conformément aux dispositions dudit protocole.
« Art. L. 218-18. - Dans le cas prévu à l’article L. 218-13, l'amende peut être portée, au-delà du montant prévu, à une somme équivalente à la valeur du navire ou à quatre fois la valeur de la cargaison transportée ou du fret.
« Art. L. 218-19. - Les peines prévues à la présente sous-section sont applicables soit au propriétaire, soit à l’exploitant ou à leur représentant légal ou dirigeant de fait s’il s’agit d’une personne morale, soit à toute autre personne que le capitaine ou responsable à bord exerçant, en droit ou en fait, un pouvoir de contrôle ou de direction dans la gestion ou la marche du navire ou de la plate-forme, lorsque ce propriétaire, cet exploitant ou cette personne a été à l’origine d’un rejet effectué en infraction aux articles L. 218-11 à L. 218-18 ou n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’éviter.
« Art. L. 218-20. - I. - Est puni de 4 000 euros d’amende le fait, pour tout capitaine ou responsable à bord d’un navire ou de l’exploitation d’une plate-forme, de provoquer un rejet de substance polluante, par imprudence, négligence ou inobservation des lois et règlements.
« Est puni de la même peine le fait, pour tout capitaine ou responsable de la conduite ou de l’exploitation à bord de navires ou de plates-formes, de provoquer par imprudence, négligence ou inobservation des lois et règlements, un accident de mer tel que défini par la convention du 29 novembre 1969 sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures, ou de ne pas prendre les mesures nécessaires pour l’éviter, lorsque cet accident a entraîné une pollution des eaux.
« Les peines sont portées à :
« 1° Un an d’emprisonnement et 90 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise au moyen d’un navire ou engin entrant dans les catégories définies à l’article L. 218-12 ;
« 2° Deux ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise au moyen d’un navire ou engin entrant dans les catégories définies à l’article L. 218-13.
« II. - Lorsque les infractions mentionnées au I ont, directement ou indirectement, soit pour origine la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ou une faute caractérisée qui exposait l’environnement à un risque d’une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer, soit pour conséquence un dommage irréversible ou d’une particulière gravité à l’environnement, les peines sont portées à :
« 1° 6 000 euros d’amende, lorsque l’infraction est commise au moyen d’un navire n’entrant pas dans les catégories définies aux articles L. 218-12 ou L. 218-13 ;
« 2° Trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende, lorsque l’infraction est commise au moyen d’un navire entrant dans les catégories définies à l’article L. 218-12 ;
« 3° Cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende, lorsque l’infraction est commise au moyen d’un navire entrant dans les catégories définies à l’article L. 218-13 ou d’une plate-forme.
« Lorsque l’infraction est commise au moyen d’un navire entrant dans les catégories définies aux articles L. 218-12 et L. 218-13 ou d’une plate-forme, l’amende peut être portée, au-delà de ce montant, à une somme équivalente à la valeur du navire ou à deux fois la valeur de la cargaison transportée ou du fret.
« III. - Lorsque les deux circonstances visées au premier alinéa du II sont réunies, les peines sont portées à :
« 1° Cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende, lorsque l’infraction est commise au moyen d’un navire entrant dans les catégories définies à l’article L. 218-12 ;
« 2° Sept ans d’emprisonnement et 700 000 euros d’amende, lorsque l’infraction est commise au moyen d’un navire entrant dans la catégorie définie à l’article L. 218-13.
« L'amende peut être portée, au-delà de ce montant, à une somme équivalente à la valeur du navire ou à trois fois la valeur de la cargaison transportée ou du fret.
« IV. - Les peines prévues aux I à III sont applicables soit au propriétaire, soit à l’exploitant ou à leur représentant légal ou dirigeant de fait s’il s’agit d’une personne morale, soit à toute autre personne que le capitaine ou le responsable à bord exerçant, en droit ou en fait, un pouvoir de contrôle ou de direction dans la gestion ou la marche du navire ou de la plate-forme, lorsque ce propriétaire, cet exploitant ou cette personne a été à l’origine d’une pollution dans les conditions définies au présent article.
« V. - Nonobstant les dispositions de l’article 121-3 alinéa 4 du code pénal, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait l’environnement à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
« Art. L. 218-21. - Un rejet effectué par un navire à des fins de sécurité, de sauvetage ou de lutte contre la pollution n’est pas punissable s’il remplit les conditions énoncées par les règles 4.1 ou 4.3 de l’annexe I ou les règles 3.1 ou 3.3 de l’annexe II de la convention Marpol.
« Un rejet se produisant au-delà des eaux territoriales françaises et provenant d’une avarie survenue au navire ou à son équipement n’est pas considéré comme une infraction de la part du propriétaire, du capitaine ou de l’équipage agissant sous l’autorité du capitaine s’il remplit les conditions énoncées par la règle 4.2 de l’annexe I ou la règle 3.2 de l’annexe II de la convention Marpol.
« Art. L. 218-22. - Les dispositions des articles L. 218-11 à L. 218-20 ne sont pas applicables aux navires de guerre et navires de guerre auxiliaires, ainsi qu’aux autres navires appartenant à un État ou exploités par un État et affectés exclusivement, au moment considéré, à un service public non commercial.
« Art. L. 218-23. - Lorsqu’une infraction prévue aux articles L. 218-11 à L. 218-20 a été commise depuis un navire étranger au-delà de la mer territoriale, seules les peines d’amende peuvent être prononcées.
« Lorsqu’une infraction prévue à l’article L. 218-20 a été commise depuis un navire étranger dans la mer territoriale ou dans les voies navigables jusqu’aux limites de la navigation maritime et qu’elle n’a pas pour origine la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ou une faute caractérisée qui exposait l’environnement à un risque d’une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer, seules les peines d’amende peuvent être prononcées.
« Art. L. 218-24. - I. - Le tribunal peut, compte tenu des circonstances de fait et notamment des conditions de travail de l’intéressé, décider que le paiement des amendes prononcées à l’encontre du capitaine ou du responsable à bord, en vertu des articles L. 218-11 à L. 218-20, est, en totalité ou en partie, à la charge de l’exploitant ou du propriétaire.
« Le tribunal ne peut user de la faculté prévue à l’alinéa précédent que si le propriétaire ou l’exploitant a été cité à l’audience.
« II. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues par la présente sous-section encourent également à titre de peine complémentaire la peine d’affichage de la décision prononcée ou de diffusion de celle-ci dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal.
« Art. L. 218-25. - I. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies à la présente sous-section. Elles encourent la peine d’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal.
« II. - Pour les infractions définies aux articles L. 218-11 à L. 218-20, elles encourent également la peine mentionnée au 9° de l’article 131-39 du code pénal. »
2° Le I de l’article L. 218-26 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa, les mots : « dispositions des règles 9, 10 et 20 de l’annexe I, de la règle 5 de l’annexe II » sont remplacés par les mots : « dispositions des règles 15, 17, 34 et 36 de l’annexe I, des règles 13 et 15 de l’annexe II » ;
b) Les cinquième (4°) et septième (6°) alinéas sont supprimés ;
c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 13° Les syndics des gens de mer. » ;
3° Dans le premier alinéa de l’article L. 218-30, les références : « L. 218-10 à L. 218-22 » sont remplacées par les références : « L. 218-11 à L. 218-20 » ;
4° À l’article L. 218-31, les références : « L. 218-10 à L. 218-22 » sont remplacées par les références : « L. 218-11 à L. 218-20 » ;
5° Dans le troisième alinéa (2°) du II de l’article L. 331-19, les références : « L. 218-10 à L. 218-19 » sont remplacées par les références : « L. 218-11 à L. 218-20 » ;
6° Dans le troisième alinéa (2°) du II de l’article L. 332-22, les références : « L. 218-10 à L. 218-19 » sont remplacées par les références : « L. 218-11 à L. 218-20 » ;
7° Dans le troisième alinéa (2°) du I de l’article L. 334-6, les références : « L. 218-10 à L. 218-19, L. 218-22 » sont remplacées par les références : « L. 218-11 à L. 218-20 »
II. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 706-107 est ainsi modifié :
a) Dans le deuxième alinéa, la référence : « L. 218-22 » est remplacée par la référence : « L. 218-20 » ;
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le tribunal de grande instance de Paris peut également connaître des infractions qui sont ou apparaissent d’une grande complexité dès le stade de l’enquête. »
2° L’article 706-108 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa, les mots : « à bord d’un navire français » sont supprimés ;
b) Dans le second alinéa, la référence : « L. 218-22 » est remplacée par la référence : « L. 218-20 ».
III. - Le présent article est applicable en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle ainsi rédigée :
Chapitre Ier
Dispositions renforçant la répression de la pollution marine
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer au sein du titre II un chapitre Ier relatif à la répression de la pollution marine, répression qui n’est pas une mince affaire. Il est cohérent, du point de vue de la clarté juridique, de rassembler au sein du même chapitre l’ensemble de ces dispositions.
Ces dispositions correspondent, dans une large mesure, à la transposition de la directive de 2005 relative à la pollution marine.
Cet amendement vise ainsi à répondre au retard de transposition de la France – nous avions jusqu’au 1er mars 2007 pour nous mettre en conformité avec nos obligations communautaires – qui fait actuellement l’objet d’un avis motivé de la Commission européenne pour transposition incomplète de cette directive.
Mes chers collègues, permettez-moi d’apporter quelques précisions sur cette directive.
Je vous rappelle qu’elle crée un cadre juridique permettant de sanctionner, notamment pénalement, les déversements d’hydrocarbures et d’autres substances nocives effectués par les navires dans les eaux communautaires. Elle représente une avancée considérable dans la protection de notre littoral, trop souvent souillé par des marées noires.
Ainsi, cette directive intègre dans le droit communautaire les dispositions de la convention internationale dite MARPOL sur la prévention de la pollution par les navires. Elle sanctionne administrativement et pénalement l’ensemble des personnes responsables de rejets polluants, quels que soient le type de navire et le pavillon, dans les eaux des États membres. Ce point est d’une importance capitale.
Cet amendement répond à trois points fondamentaux de la directive, certains étant en retard de transposition.
Tout d’abord, premier point, l’application des sanctions s’étendra à l’ensemble de la chaîne de transport – notre collègue Jean Desessard n’est pas encore convaincu, mais il fera, j’en suis persuadé, le moment venu, un acte de foi ! (Sourires.) C’est d’ores et déjà prévu dans le code de l’environnement et il n’est nul besoin de prendre des mesures supplémentaires pour se conformer à la directive.
Ensuite, deuxième point, la sanction des fautes résultant d’une « négligence grave » est prévue. Elle entraîne des adjonctions dans notre droit.
Ainsi, il convient d’introduire en droit français « la faute caractérisée qui expose l’environnement à un risque d’une particulière gravité que son auteur ne peut ignorer ».
Il convient également de sanctionner les personnes qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont contribué à sa réalisation.
Il convient, par ailleurs, d’incriminer les rejets involontaires résultant d’une négligence dans les mêmes conditions que ceux résultant d’un accident de mer.
Nous devons également profiter de cette transposition pour modifier notre droit.
D’une part, il convient de procéder à une mise en cohérence de l’échelle des sanctions. Il convient de diminuer les peines applicables aux rejets d’ordures, celles-ci étant actuellement aussi élevées que les peines applicables aux rejets de substances chimiques, alors que ces dernières sont beaucoup plus nocives.
D’autre part, il convient de sanctionner de façon équivalente le rejet volontaire de polluants, qu’il soit effectué directement ou qu’il soit contenu dans des conteneurs ou des citernes.
En effet, il serait contre-productif de prévoir des sanctions moindres pour certains rejets polluants au motif que ceux-ci sont contenus dans des enveloppes les transportant.
Enfin, troisième point, la directive impose de sanctionner les infractions commises en haute mer par les navires de tout pavillon. C’est pourquoi il convient de supprimer la distinction de nationalité entre les navires français et les navires étrangers pour ces rejets. C’est là également une très grande avancée.
Il convient enfin de supprimer dans le code de procédure pénale la restriction aux infractions commises « à bord d’un navire français », ce qui permettra au tribunal de grande instance de Paris d’être compétent pour des infractions commises hors des espaces maritimes sous juridiction française et quel que soit le pavillon du navire.
La rectification technique apportée sur la rédaction du troisième alinéa de l’article L. 218-10 concerne la définition des navires. Il s’agit tout simplement de clarifier la terminologie et de supprimer les appellations qui sont totalement obsolètes de bâtiment fluvial ou fluviomaritime.
M. le président. Le sous-amendement n° 62, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de l’amendement n° 42 pour l’article L. 218-18 du code de l’environnement par les mots :
dans une limite de 5 millions d’euros
La parole est à M. Henri de Richemont.
M. Henri de Richemont. La loi Perben II a aggravé fortement les sanctions relatives aux pollutions par les navires en cas de rejet volontaire. En effet, l’amende peut atteindre une fois la valeur du navire ou quatre fois la valeur de la cargaison.
Or il faut savoir qu’à bord des porte-conteneurs actuels la valeur d’un conteneur peut être de 100 000 euros. Cela signifie que la valeur de la cargaison à bord des porte-conteneurs peut atteindre 3 milliards d’euros, ce qui pourrait entraîner une amende de 12 milliards d’euros.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à la suite des drames de l’Erika et du Prestige on a souligné à plusieurs reprises le paradoxe suivant : ce sont les navires les plus vieux, qui ont le moins de valeur et le plus petit tonnage, qui transportent les produits les plus polluants et les plus dangereux !
Si l’on appliquait les sanctions telles que prévu, un navire transportant une marchandise particulièrement dangereuse serait passible d’une amende bien moindre qu’un navire plus important, en bon état, bien entretenu, transportant des marchandises non dangereuses, mais pouvant être néanmoins à l’origine d’une pollution.
C’est la raison pour laquelle l’objet de ce sous-amendement est de plafonner le montant de l’amende à 5 millions d’euros.
Une amende de 5 millions d’euros, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est déjà une amende très importante. C’est une amende supérieure à toutes celles qui existent aujourd’hui en Europe. À ma connaissance, il n’en a jamais été prononcé de ce montant par aucun tribunal.
Ce sous-amendement vise également à prendre en considération le fait que, aujourd’hui, le financement des navires est assuré, en référence à l’article 39 C du code général des impôts, qui a remplacé le groupement d’intérêt économique fiscal, le GIE fiscal, par les banques, lesquelles sont propriétaires du navire pendant toute la durée du financement, l’armateur n’étant que le locataire.
Il est bien évident que, si les banques ne peuvent apprécier exactement les pénalités encourues, elles éprouveront quelque réticence à financer ce type de navire, ce qui sera au détriment du pavillon français.
C’est la raison pour laquelle, sans remettre en cause les dispositions de la loi Perben II, il est fondamental, si l’on veut développer la filière de la marine marchande, de plafonner l’amende en question à 5 millions d’euros.
M. le président. Le sous-amendement n° 88, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de l’amendement n° 42 rectifié pour l’article L. 218-19 du code de l’environnement par une phrase ainsi rédigée :
Ces peines peuvent être appliquées à l’affréteur et/ou au commanditaire du fret.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je ferai tout d’abord une remarque de forme.
Je ne sais pas s’il faut féliciter M. le rapporteur de sa rapidité d’exécution…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !
M. Jean Desessard.… ou s’il faut s’en inquiéter puisque nous n’avons pas eu le temps d’examiner les dossiers.
Souvent, les personnes aves lesquelles je discute reprochent au Sénat d’aller un train de sénateur. Je vois que M. Bizet veut changer cela !
M. Georges Gruillot. C’est un grand sportif ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Mais entre aller un train de sénateur et prendre son temps pour étudier les textes, il y a une différence ! La rapidité, la précipitation avec lesquelles vous voulez nous faire travailler nous empêche de traiter correctement les dossiers !
Vous avez déposé cet amendement n° 42 mercredi dernier et nous n’avons eu qu’une semaine pour le sous-amender. Et encore, nous ne connaissions pas l’avis du Gouvernement !
Vous allez dire : ce n’est que pour une fois, ce texte doit être examiné en urgence, etc. Mais enfin, ce n’est pas la première fois que cela se produit et j’ai l’impression que ce ne sera pas la dernière !
Si vous voulez redonner du crédit au travail parlementaire, il faut vous y prendre autrement !
En ce qui concerne le fond de mon sous-amendement n° 88, je citerai l’exemple de l’Erika, qui a sombré le 12 décembre 1999 au large des côtes françaises. Il est intéressant de constater que le tribunal de grande instance de Paris a, le 15 janvier 2008 et en l’absence de textes clairs, eu l’audace de mettre en cause la responsabilité de l’affréteur, la société Total, en le condamnant à une amende maximale de 375 000 euros, pour « faute d’imprudence », caractérisée par le fait que l’affréteur Total n’a pas tenu compte de l’âge du navire - près de vingt-cinq ans - et de « la discontinuité de sa gestion technique et de son entretien ».
Cette catastrophe et d’autres sont à l’origine d’un tournant majeur dans l’évolution du droit de la sécurité maritime.
Je tiens à ce titre à saluer les mesures mises en place par l’Union, destinées à éviter la survenance de ce type de dommages. Cependant, nous manquons cruellement de moyens quant aux mesures à prendre et, plus particulièrement, quant aux personnes à mettre en cause.
Ce projet de loi est justement l’occasion de clarifier la situation juridique à ce sujet et de renforcer les moyens existants. En effet, à côté de ces mesures de prévention qui tendent à se multiplier, je vous invite aujourd’hui, mes chers collègues, à améliorer le dispositif d’imputabilité.
Je propose donc, par ce sous-amendement, d’élargir les possibilités de recours des parties civiles, publiques ou privées, de pollutions marines, en leur offrant la possibilité d’engager la responsabilité de l’affréteur ou du commanditaire du fret. Je pose à ce titre trois conditions non cumulatives.
Les personnes précitées peuvent ainsi être tenues pour responsables : soit en cas de négligence quant au choix du transporteur – j’ai cité à l’instant l’exemple de Total – il serait à ce titre judicieux que le terme même de « négligence » soit clairement défini en droit interne ; soit parce que ce même transporteur n’offre pas des garanties pour assurer totalement le paiement des réparations ; soit, enfin, parce que l’affréteur ou le commanditaire ont imposé un cahier des charges incompatible avec le respect des normes environnementales.
M. le président. Le sous-amendement n° 63, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé :
I. - Supprimer les II et III du texte proposé par le I de l’amendement n° 42 rectifié pour l’article L. 218-20 du code de l’environnement.
II. - En conséquence, dans le IV du même texte, remplacer les mots :
aux I à III
par les mots :
au I
La parole est à M. Henri de Richemont.
M. Henri de Richemont. Ce sous-amendement concerne le deuxième niveau de peine.
Je suis bien sûr le premier à considérer que les armateurs qui se sont rendus coupables, par l’intermédiaire des membres d’équipage, d’une pollution volontaire, d’un rejet volontaire à la mer, par exemple en déballastant à terre pour faire des économies, ou d’une pollution involontaire mais résultant d’une négligence doivent être condamnés.
Mais on peut se poser des questions sur l’alternative. Dans l’amendement n° 42 rectifié, il est question soit de « violation délibérée », soit de « dommage irréversible ou d’une particulière gravité » à l’environnement.
D’abord, et c’est un vrai débat, un dommage par pollution marine peut-il être irréversible ? C’est une question sur laquelle les experts ont débattu longuement sans apporter de réponse.
Ensuite, on peut se demander s’il est légitime d’infliger une sanction pénale uniquement en fonction de la nature du dommage.
Madame la secrétaire d’État, à bord d’un navire bien entretenu, auquel l’armateur a porté toute la diligence nécessaire, un fait imprévisible, tel qu’une avarie de barre ou une innavigabilité soudaine, voire une erreur de navigation, peut provoquer un abordage entre deux navires et, de ce fait, créer une pollution importante. La pollution peut être considérable, mais il est évident qu’elle ne résulte en aucune façon d’un acte volontaire ou d’une négligence dans l’entretien du navire.
C’est la raison pour laquelle sanctionner pénalement un dirigeant de navire, non pas parce qu’il a été négligent ou parce qu’il a commis un acte volontaire, mais uniquement parce qu’il est résulté d’un acte fortuit une pollution considérable, me paraît tout à fait excessif. C’est pourquoi j’ai déposé ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 89, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le IV du texte proposé par le I de l’amendement n° 42 rectifié pour l’article L. 218-20 du code de l’environnement par une phrase ainsi rédigée :
Ces peines peuvent être appliquées à l’affréteur et/ou au commanditaire du fret.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il s’agit d’un sous-amendement de cohérence avec la proposition déjà formulée dans le sous-amendement n° 88, à propos duquel je me suis précédemment expliqué.
M. le président. Le sous-amendement n° 90, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par le I de l’amendement n° 42 rectifié pour l’article L. 218-22 du code de l’environnement.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Vous voyez que, même dans l’urgence, nous nous sommes efforcés de déposer quelques sous-amendements, mais ils auraient certainement été mieux formulés si nous avions eu plus de temps. (Sourires.)
Le sous-amendement n° 90 a pour objet de supprimer le texte proposé par le I de l’amendement n° 42 rectifié pour l’article L. 218-22 du code de l’environnement, ainsi formulé : « Les dispositions des articles L. 218-11 à L. 218-20 ne sont pas applicables aux navires de guerre et navires de guerre auxiliaires, ainsi qu’aux autres navires appartenant à un État ou exploités par un État et affectés exclusivement au moment considéré à un service public non commercial. »
Je signale que les États ne sont pas exempts des responsabilités environnementales. J’ai donc du mal à comprendre cet alinéa, que je propose par conséquent de supprimer.
M. le président. Le sous-amendement n° 64, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de l’amendement n° 42 rectifié pour l’article L. 218-23 du code de l’environnement, supprimer les mots :
depuis un navire étranger
La parole est à M. Henri de Richemont.
M. Henri de Richemont. Mon dernier sous-amendement a, pour moi, une importance particulière.
Aux termes de la convention de Montego Bay, lorsqu’un dommage, une pollution ou même un acte a été commis en haute mer, c’est la loi du pavillon qui s’applique et, en ce qui concerne les pénalités pour rejet, la seule sanction que peut infliger un État, c’est une amende, et non une sanction pénale.
Le paradoxe est que, de ce fait, au large des côtes françaises et en haute mer seuls les navires battant pavillon français et les membres d’équipage à bord de ces navires peuvent se voir infliger une sanction pénale.
On m’objectera que la convention de Montego Bay doit s’appliquer et que, à partir du moment où les Français sont protégés à l’étranger, il est normal que nous protégions de la même façon les étrangers dans nos eaux territoriales.
Mais cessons l’hypocrisie ! Tout le monde sait que, par « navire étranger », on entend « pavillon de complaisance ». Je peux vous assurer, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’aucun État accordant des pavillons de complaisance n’a poursuivi pénalement un armateur ou un membre d’équipage pour avoir enfreint une règle édictée par les conventions de l’organisation maritime internationale, l’OMI, ou une disposition pénale. Aucune, en tout cas, pour rejet de pollution maritime !
Il se trouve donc que, en haute mer, ne pourraient se voir infliger une sanction pénale que les commandants français ou les commandants se trouvant à bord d’un navire français. Il y a là une discrimination grave qui va à l’encontre, madame la secrétaire d’État, de notre volonté de rendre attractifs le pavillon français et le pavillon européen.
Je suis de ceux qui pensent que la sécurité maritime passe par l’augmentation du nombre de navires sous pavillons français et européen. En effet, c’est le contrôle de l’entretien et du bon état du navire par l’État du pavillon qui, seul, permet de détecter d’éventuelles défectuosités au niveau des infrastructures. Donc, plus il y aura de navires sous pavillon français et sous pavillon européen, plus la sécurité maritime sera renforcée.
Or, par ce texte, en réservant les sanctions pénales uniquement aux armateurs français et à leurs membres d’équipage, vous incitez les armateurs à naviguer sous pavillon de complaisance, ce qui va à l’encontre du but recherché.
Telle est la raison pour laquelle j’ai déposé ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. À propos du sous-amendement n° 62, qui vise à plafonner les sanctions financières supportées par les responsables d’infraction de rejet à 5 millions d’euros, à titre liminaire, je tiens à préciser que le problème du plafonnement des sanctions pécuniaires provient des dispositions actuelles du code de l’environnement et non du dispositif de transposition adopté par la commission.
Sur la variabilité des peines, je voudrais faire remarquer à M. de Richemont qu’il existe dans notre droit d’autres exemples de peines variables. Ainsi, les peines prévues pour l’ouverture des magasins le dimanche varient en fonction du nombre de salariés employés le week-end.
En ce qui concerne l’absence de plafonnement, je précise que le montant des peines prévues à l’article L. 218-18 n’est qu’une limite supérieure que le juge n’est pas obligé d’atteindre. Il est bien dit que « l’amende peut être portée au-delà du montant prévu ». Le juge raisonnera en fonction de la nature et de la gravité de la pollution constatée. Avant de prononcer une peine, il est vraisemblable qu’il attendra les résultats d’expertise – documents de voyage ou de l’affréteur – pour évaluer la valeur de la cargaison ou du navire. Cela respecte bien le principe d’une proportionnalité des peines.
Néanmoins, je reste sensible à deux arguments de notre collègue.
Paradoxalement, les armateurs des navires peu scrupuleux s’exposent à des amendes plus faibles s’ils exploitent des navires de faible qualité, ce qui est effectivement contre-productif.
Par ailleurs, l’absence de plafond pose des problèmes pour l’assurance des navires français, ce qui peut constituer un frein au développement de notre flotte de commerce.
C’est pourquoi – et nous en avions débattu en commission – je tends vers un avis de sagesse, mais, avant de préciser dans quelle direction pourrait s’orienter cette sagesse, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce sous-amendement.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 88, je partage les préoccupations de nos collègues signataires. Toutefois, je leur demande de bien vouloir le retirer, puisqu’il est en fait déjà satisfait. (M. Jean Desessard s’exclame.)
La directive oblige bien les États à prévoir dans leur législation que l’ensemble des acteurs de la chaîne de transport susceptibles d’avoir une implication dans un rejet puissent être sanctionnés, comme je vous l’ai dit tout à l’heure.
L’article L. 218-19 dispose que sont sanctionnables le propriétaire, l’exploitant ou leur représentant légal ou dirigeant de fait - c’est peut-être sur ce point qu’il faut mettre l’accent, monsieur Desessard - s’il s’agit d’une personne morale, ou toute autre personne que le capitaine ou responsable à bord exerçant, en droit ou en fait, un pouvoir de contrôle ou de direction dans la gestion ou la marche du navire.
Cet article permet donc de sanctionner toute la chaîne de transport, c’est-à-dire toutes les personnes qui ont une responsabilité dans la conduite du navire, y compris l’affréteur et le commanditaire du fret.
M. Jean Desessard. Pas l’affréteur ! Où cela figure-t-il ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Je vous invite, monsieur Desessard, à relire l’article L. 218-19, vous le verrez très clairement. Cette disposition est de nature, me semble-t-il, à répondre à vos attentes.
Par conséquent, la commission demande le retrait de ce sous-amendement, auquel, sinon, elle donnera un avis défavorable.
Je ne cherche pas à vous tromper, monsieur Desessard, - vous savez, que ce n’est pas mon style, ni d’ailleurs celui d’aucun de mes collègues de l’UMP - si vous relisez l’article L. 218-19,…
M. Jean Desessard. Je l’ai sous les yeux !
M. Jean Bizet, rapporteur.… vous constaterez que le commanditaire du fret est précisément intégré dans la chaîne des responsabilités.
Le sous-amendement n° 63 vise à supprimer les deuxième et troisième niveaux de gravité pour les infractions de rejet involontaire de polluants en mer. Je précise que ces deuxième et troisième niveaux correspondent justement à la transposition de la directive communautaire. La suppression de ce paragraphe reviendrait à contrevenir à nos obligations communautaires, ce qui ne m’apparaît pas opportun. Nous manquerions à notre obligation élémentaire de transposition.
En effet, la directive « pollution marine » définit les infractions de pollution : celles-ci sont commises soit « intentionnellement », soit non intentionnellement, à savoir « témérairement » ou par « négligence grave ». Donc, malheureusement, je ne peux pas accéder à votre requête, monsieur de Richemont.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer ce sous-amendement, auquel, sinon, je donnerai un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 89 est en coordination avec le dispositif proposé au sous-amendement n° 88. Je demande donc à nos collègues de bien vouloir retirer ce sous-amendement, qui est déjà satisfait.
J’en viens au sous-amendement n° 90. L’article L. 218-22 exonère les navires d’État des sanctions applicables pour les rejets de polluants en mer. Je comprends à ce propos les préoccupations de nos collègues, mais je ne peux que leur rappeler que l’article 3 de la directive exclut explicitement ce type de navires et que le droit international exonère également les navires d’État.
Ainsi, conformément à l’article 32 de la convention de Montego Bay, « il ne peut être porté atteinte aux immunités dont jouissent les navires de guerre et les autres navires d’État utilisés à des fins non commerciales ».
Or la loi ne peut pas modifier une convention internationale. Ce n’est pas de notre compétence. C’est de la compétence du Président de la République, s’il le souhaite.
En outre, je tiens à observer que la directive n° 2004/35/CE exclut très clairement toute atteinte aux régimes de responsabilité civile en vigueur.
Pour toutes ces raisons, je demanderai à notre collègue de retirer ce sous-amendement n° 90, faute de quoi je formulerai un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 64 vise à soumettre les navires français et étrangers aux mêmes peines pour les infractions de pollution commises au-delà de la mer territoriale. Je comprends bien la préoccupation exprimée par notre collègue.
Je lui rappellerai simplement que nous raisonnons, en l’espèce, sur les eaux internationales. Tout comme la directive communautaire ici transposée, notre droit national respecte les conventions internationales en application de l’article 55 de notre Constitution. Nous ne pouvons pas intervenir sur ce type de norme.
M. Henri de Richemont. Je ne demande pas cela !
M. Jean Bizet, rapporteur. En l’occurrence, la convention de Montego Bay, que nous avons ratifiée, dispose clairement que « seules des peines pécuniaires peuvent être infligées en cas d’infractions […] commises par des navires étrangers au-delà de la mer territoriale ».
Je tiens donc à rappeler à notre collègue que, dans les eaux internationales, les navires étrangers sont insaisissables, l’État côtier ne pouvant infliger que des peines d’amende.
Ainsi, la loi ne saurait faire échec à une convention internationale. Je le regrette, parce qu’une telle disposition permettrait de moraliser la situation, mais elle ne relève malheureusement pas de la compétence du législateur.
M. Henri de Richemont. Mais si !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 42 rectifié, je l’ai déjà dit dans la discussion générale. Il nous faut transposer la directive n° 2004/35/CE : l’amendement de la commission des affaires économiques me semble tout à fait conforme à cet objectif.
En revanche, monsieur de Richemont, le Gouvernement ne peut pas souscrire à votre sous-amendement n° 62, et le problème ne tient pas au niveau du plafonnement de l’amende, mais à une question de principe.
Le texte de l’amendement n° 42 rectifié a pour objet de renforcer le dispositif de réparation des dommages graves causés à l’environnement. Il ne s’agit pas d’étalonner les réparations possibles. Aussi, le plafonnement des sanctions pose un problème de principe. Je comprends vos arguments, monsieur le sénateur, mais, soyez rassuré, les niveaux maximaux ne sont jamais atteints.
Au sujet de l’amendement n° 88 de M. Desessard, M. le rapporteur a rappelé les dispositions de l’article L. 218-19 du code de l’environnement, je n’y reviendrai donc pas.
M. Jean Desessard. Je n’arrive pas à trouver ce qu’y lit M. le rapporteur !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Je le relis donc. Le texte de cet article, dans la rédaction résultant de la rédaction de la commission, permet de poursuivre « le dirigeant de fait, s’il s’agit d’une personne morale [exploitant le navire, ou] toute autre personne […] exerçant [à bord], en droit ou en fait, un pouvoir de contrôle ou de direction dans la gestion ou la marche du navire. »
Au-delà de la rédaction de cet article, je vous rappelle que ces dispositions ont permis au tribunal correctionnel de Paris, dans le procès de l’Erika, d’engager des poursuites et d’entrer en voie de condamnation à l’encontre non seulement du gestionnaire et de l’armateur du navire, mais encore de l’affréteur au voyage propriétaire de la cargaison de fuel, en raison de la connaissance qu’il aurait dû avoir de l’état du navire par l’intermédiaire de son service de vetting, chargé d’examiner la fiabilité du navire.
M. Jean Desessard. Mais il n’y a rien dans la loi !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. C’est bien la démonstration que, grâce à la jurisprudence, il peut y avoir une interprétation très vaste…
M. Jean Desessard. Que vous restreignez !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Non : que confirme l’article L. 218-19 du code de l’environnement dans la formulation lue par M. le rapporteur. Je partage donc son avis : votre sous-amendement est d’ores et déjà satisfait.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 63, je ne peux pas vous laisser dire, monsieur de Richemont, qu’on n’a jamais démontré le caractère irréversible de certaines pollutions marines. Quand le dommage causé à la biodiversité entraîne la disparition d’une espèce ou d’un écosystème, il est bien irréversible. Ce n’est pas forcément le cas de la pollution d’une plage où l’écosystème peut se reconstituer mais, si la pollution entraîne la mort biologique de tout un écosystème, le dommage est clairement irréversible, cela a été prouvé.
Par ailleurs, votre sous-amendement n° 63 vise à supprimer les causes d’aggravation des infractions de pollutions par imprudence. Je veux revenir sur les raisons pour lesquelles les termes que vous critiquez ont été retenus dans la rédaction de l’amendement n° 42 rectifié de la commission.
L’objet même de la directive 2004/35/CE est d’obliger les États membres à prévoir des sanctions dissuasives pour les rejets commis par négligence grave ou par témérité, à côté des infractions de rejets volontaires. Nous manquerions à notre devoir de transposition de la directive si nous ne traduisions pas la notion de négligence grave dans notre législation pénale, qui ne la connaît pas à proprement parler.
Plutôt que de reproduire des termes que le juge national n’a jamais été conduit à rencontrer ni à interpréter à ce jour – et qui pourraient donc poser des problèmes –, la commission a estimé préférable de se référer à des concepts déjà maniés par le juge en utilisant les termes de « violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence » ou bien de « faute caractérisée ». Ils sont couramment interprétés dans d’autres types de poursuites et fournissent matière à une jurisprudence qui permet ainsi d’avoir des références.
Ces mêmes notions ont été introduites dans le code pénal par votre collègue Pierre Fauchon, dans les lois du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d’imprudence ou de négligence et du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels. Elles sont aujourd’hui considérées comme donnant lieu à une jurisprudence abondante et équilibrée.
Enfin, s’agissant de la répression aggravée du rejet ayant eu pour conséquence un dommage environnemental « irréversible » ou « d’une particulière gravité » – je ne reviens pas sur le concept d’irréversibilité –, il ne semble ni anormal ni exceptionnel de prévoir que les montants des sanctions soient relevés.
On peut établir un parallèle avec d’autres dispositions du code pénal : les homicides involontaires sont plus lourdement punissables que les blessures involontaires. Il est donc normal, dans le cas présent, que la peine soit alourdie en fonction de la gravité du dommage causé.
Le Gouvernement souhaite conserver la gradation des peines et est donc défavorable au sous-amendement n° 63.
Le sous-amendement n° 89 appelle la même réponse que le sous-amendement n° 88.
Sur le sous-amendement n° 90, qui porte sur les navires d’État et les navires de guerre, je souscris entièrement à l’explication donnée par M. le rapporteur.
M. Jean Desessard. Cela veut dire que l’État est au-dessus des lois !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Mais non !
Le droit international public n’interdit pas à l’État français de sanctionner les rejets de ses propres navires. Mais les peines sont essentiellement supportées par l’armateur : donc l’État se condamnerait lui-même.
L’État est la seule personne morale de droit public dont la responsabilité pénale ne peut pas être engagée.
M. Jean Desessard. Il n’y a pas que la responsabilité pénale !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Laissez-moi terminer !
Au-delà de l’État, il y a la responsabilité pénale des agents de l’État pour des fautes commises dans l’exercice de leurs fonctions. De telles mises en cause peuvent être envisagées : elles l’ont été dans le cadre du procès de l’Erika, puisque des agents de l’État ont pu faire l’objet de poursuites avant d’être finalement relaxés par le tribunal.
En ce qui concerne les navires étrangers, nous nous heurtons au principe de l’immunité de juridiction des États en droit international public : un État ne peut juger un autre État. Dans un conflit de ce genre, la solution peut consister en un règlement par voie diplomatique, d’arbitrage ou par l’entremise de la Cour internationale de justice. Mais on ne peut pas s’affranchir de ces contraintes.
Par exemple, si un navire de guerre ne respecte pas les réglementations de l’État dont il traverse les eaux territoriales, l’État côtier peut l’inviter à quitter immédiatement ses eaux territoriales. Il n’existe pas d’autre type de règlement dans un tel cas de figure. Je comprends que vous estimiez qu’une telle situation ne soit pas complètement satisfaisante, mais le droit international public n’autorise actuellement rien de plus.
Vous l’avez compris, le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 90.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 64, je comprends très bien l’argument de M. de Richemont, car il est tout à fait imparable.
Il y a une grande mauvaise foi…
M. Henri de Richemont. De ma part ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Non, de la mienne ! (Sourires.)
C’est faire preuve de mauvaise foi, disais-je, que de vous renvoyer à la convention de Montego Bay. Cela dit, nous ne pouvons pas agir autrement. M. le rapporteur l’a d’ailleurs excellemment rappelé, nous ne pouvons pas revenir sur les stipulations d’une convention internationale, pas plus dans cet hémicycle qu’à l’Assemblée nationale.
Cette situation est extrêmement frustrante, mais il arrive assez souvent, en matière de droit de l’environnement, que l’on se heurte, par exemple, aux règles de l’Organisation mondiale du commerce qui sont peu adaptées aux problèmes environnementaux. L’envie de les changer est grande, mais c’est impossible dans le cadre du Parlement.
Je reconnais donc l’extrême mauvaise foi de cette réponse, que vous avez d’ailleurs anticipée. Il m’est impossible de vous en faire une autre. L’avis du Gouvernement sur ce sous-amendement n° 90 ne peut donc qu’être défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. J’avais émis le souhait d’entendre les explications du Gouvernement sur le sous-amendement n° 62.
La commission des affaires économiques avait largement débattu sur ce point. Je ne m’étais pas montré insensible à la rationalité de la réflexion de notre collègue Henri de Richemont. Cela dit, le juge n’est pas contraint dans sa décision quant au montant des peines. Il peut fort bien ne pas aller jusqu’au maximum.
M. Jean Bizet, rapporteur. Dans la mesure où nous intervenons dans le cadre de la transposition de la directive n° 204/35/CE sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux – il serait d’ailleurs plus pertinent de l’appeler : directive relative à la prévention et à la réparation des dommages causés aux biens « inappropriables » tels que l’environnement – plafonner le montant des amendes reviendrait à lancer un mauvais message à nos concitoyens, puisque les plus graves atteintes à l’environnement que notre pays ait connues – j’espère qu’il ne s’en reproduira pas demain – ont été des pollutions marines.
Je me range donc à l’avis du Gouvernement et je demande à notre collègue Henri de Richemont de bien vouloir retirer son sous-amendement ; dans le cas contraire, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur de Richemont., le sous-amendement n° 62 est-il maintenu ?
M. Henri de Richemont. Oui, monsieur le président. Je souhaiterais m’expliquer brièvement car j’ai écouté avec grand intérêt les explications de Mme la secrétaire d’État et de M. le rapporteur.
Madame la secrétaire d’État, vous nous avez parlé de réparation. Or, dans le cas présent, il ne s’agit pas de la réparation de dommages mais d’une amende.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Henri de Richemont. En matière de réparation, vous savez bien que la responsabilité du propriétaire du navire et de l’affréteur est limitée, ce qui n’est pas le cas en matière d’amende. Or nulle part ailleurs dans le monde sont prononcées des amendes pouvant atteindre 12 milliards d’euros ! Vous me dites que le juge peut ne pas monter à ce niveau de sanction, mais il en a la faculté !
M. Henri de Richemont. Aujourd’hui, la construction navale n’est possible que grâce au financement des banques qui sont propriétaires des navires. En sachant qu’elles peuvent encourir de telles amendes, elles seraient complètement folles de vouloir continuer à financer des navires !
C’est la raison pour laquelle je propose, comme cela se fait ailleurs en Europe, de limiter le montant maximal de ces amendes à 5 millions d’euros – somme déjà considérable pour une amende – pour permettre à toutes les parties prenantes au financement des navires de poursuivre ce financement.
Nous souhaitons que des Français continuent à financer, à produire des navires et à porter notre pavillon. Si les Français sont les seuls à être pénalisés en ignorant les sanctions auxquelles ils sont exposés, vous détruisez la filière navale française !
C’est la raison pour laquelle je demande au nom de quoi nous devrions êtres plus sévères que tous les autres pays européens ! Plafonnons ces amendes à 5 millions d’euros – même si ce plafond est supérieur à ceux des autres pays – et les financeurs sauront au moins exactement quel est le montant maximal des amendes auxquelles ils s’exposent.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Je comprends votre souci d’harmonisation européenne, monsieur de Richemont. Il se défend et pourrait être plaidé devant les institutions de l’Union européenne. Mais, vous le sentez bien, l’amende de 12 milliards d’euros est très théorique ! Les choses ne fonctionnent pas ainsi !
Je le répète, nous nous trouvons face à un problème de principe : nous transposons une directive qui ne porte pas uniquement sur la réparation des dommages mais, d’une manière plus générale, sur la responsabilité environnementale. Dès lors, fixer un tel plafond pour ce type de pollution, qui est très emblématique, ce serait adresser un mauvais signal. Encore une fois, jamais des amendes de 12 milliards d’euros n’ont été prononcées !
M. Henri de Richemont. Cinq millions d’euros, c’est déjà considérable !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Certes, mais le coût des pollutions l’est aussi !
La directive porte plus encore sur la prévention que sur la réparation. Le risque de sanctions doit donc peser. Si le plafond est fixé à 5 millions d’euros, cela signifie que tout est assurable !
M. Henri de Richemont. Non, une amende n’est pas assurable !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Soit, mais c’est tout de même prévisible !
Notre objectif est de faire au maximum de la prévention pour éviter qu’un dommage ne survienne. Prévoir un plafond pour ce type de pollution reviendrait à délivrer un message qui ne serait pas cohérent avec le reste des dispositions du texte. Il y a bien là, au-delà du problème purement technique concernant le montant de l’amende, une question de cohérence politique du projet de loi. Je reste donc très défavorable à ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 62.
Mme Évelyne Didier. Je vais évidemment voter contre ce sous-amendement, mais je tiens à relever au passage qu’un montant de 5 millions d’euros pour une amende est considéré par des sociétés ou des banques comme « raisonnable » au regard de la valeur du navire et de sa cargaison. Et il s’agit dans tous les cas, je le rappelle, de multinationales ; je trouve donc, dans ces conditions, qu’il est un peu abusif de faire jouer la fibre patriotique en en appelant à la défense du pavillon français, comme s’y est employé M. de Richemont.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 88.
M. Jean Desessard. M. le rapporteur m’a invité à lire attentivement la rédaction proposée pour l’article L. 218-19 du code de l’environnement : quelle est-elle donc ? « Les peines prévues à la présente sous-section sont applicables soit au propriétaire, soit à l’exploitant ou à leur représentant légal ou dirigeant de fait s’il s’agit d’une personne morale, soit à toute autre personne que le capitaine ou responsable à bord exerçant, en droit ou en fait, un pouvoir de contrôle ou de direction dans la gestion ou la marche du navire ou de la plate-forme, lorsque ce propriétaire, cet exploitant ou cette personne a été à l’origine d’un rejet effectué en infraction aux articles L. 218-11 à L. 218-18 ou n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’éviter. »
Selon M. le rapporteur, l’affréteur ou le commanditaire du fret sont inclus parmi les personnes susceptibles, aux termes de cette rédaction, d’être sanctionnées. Selon moi, il n’y a qu’un cas de figure où ils sont inclus.
Premier cas : les peines peuvent être appliquées à l’affréteur ou au commanditaire du fret s’il y a négligence quant au choix du transporteur. Ainsi, dans l’affaire de l’Erika, Total a été condamné parce que le bâtiment était trop vieux et que la compagnie n’avait pas pris assez de précautions. Mais cela ne pourra sans doute plus être le cas demain si la loi ne vise plus le commanditaire.
Sur ce point, madame la secrétaire d’État, vous vous êtes livrée à un véritable tour de passe-passe ! D’ailleurs, ne nous avez-vous pas dit vous-même que vous assumiez votre mauvaise foi ? (Sourires.)
M. Jean Desessard. En effet, vous avez cité l’exemple de l’Erika pour vous opposer à mon sous-amendement, mais il devrait plutôt nous inciter à faire figurer le commanditaire du fret dans l’article L. 218-19.
Deuxième cas : le transporteur choisi n’offre pas les garanties permettant d’assurer totalement le paiement des réparations : il peut s’agir, par exemple, d’un défaut d’assurance. Le client ne peut pas le savoir, mais il doit prendre toutes les précautions nécessaires. La rédaction proposée par la commission exclut la condamnation du client dans ce cas de figure.
Troisième cas, l’affréteur ou le commanditaire du fret a imposé un cahier des charges incompatible avec le respect des normes environnementales. Monsieur le rapporteur, je vous l’accorde, on peut effectivement considérer que, dans cette hypothèse, la rédaction qui est proposée – « exerçant en droit ou en fait un pouvoir de contrôle ou d’une direction dans la gestion » – permet bien de condamner l’affréteur ou le commanditaire : l’établissement d’un cahier des charges – lequel, en l’occurrence, ne serait pas assez contraignant – peut être considéré comme l’exercice d’un pouvoir de direction.
En revanche, dans les deux premiers cas de figure, l’affréteur ou le commanditaire ne seront pas condamnés : l’adoption d’une telle disposition conduirait à une situation dans laquelle la compagnie Total ne serait pas aujourd'hui condamnée.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je vous invite donc à mon tour à bien analyser les conséquences de la rédaction qui nous est proposée pour l’article L. 218-19. J’espère que vous allez entendre raison parce que je suis certain que, sur le fond, vous approuvez la condamnation de Total.
M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote.
M. Henri de Richemont. Je voudrais simplement apporter une explication d’ordre technique. Nous ne discutons pas ici du cas de l’Erika, mais bien du problème des rejets en mer.
Les navires disposent de citernes pour stocker les boues et les eaux sales avant qu’elles soient déchargées. Un dispositif appelé « séparateur 18 ppm » permet de détecter, lors du rejet en mer, la présence d’hydrocarbures dans les eaux sales et de stopper le processus. Or certains chefs-mécaniciens, pour faire des économies, désactivent le séparateur 18 ppm ou ne l’entretiennent pas. L’affréteur, que ce soit Total ou un autre, est évidemment dans l’incapacité de savoir si le chef-mécanicien va « bidouiller » ou non le séparateur !
Sans me prononcer sur le fond de ce sous-amendement, je répète que nous ne sommes pas ici dans un cas semblable à celui de l’Erika. Le débat porte sur la question purement technique des instruments de bord destinés à permettre le rejet des seules eaux propres : en cas de déficience ou de négligence technique, il est normal que la personne qui est chargée de l’entretien du navire soit condamnée parce qu’elle n’a pas fait correctement son travail.
M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 89 n’a plus d’objet.
La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 63.
M. Henri de Richemont. Que les choses soient bien claires : je suis absolument d’accord pour que tout comportement fautif, qu’il soit volontaire ou qu’il résulte d’une négligence, fasse l’objet d’une condamnation. Ce comportement doit être sanctionné, car toute négligence entraînant une pollution est totalement inacceptable.
Ce qui me pose un problème dans le premier alinéa du II de l’amendement n° 42 rectifié, c’est le fait qu’une alternative soit posée : si, je le répète, j’en approuve le premier terme, celui qui prévoit la sanction d’un comportement fautif qui est à l’origine d’un risque pour l’environnement, je conteste le bien-fondé du second terme, celui qui justifie la sanction par le fait que, même en l’absence de tout comportement fautif, de toute négligence, « un dommage irréversible ou d’une particulière gravité » a été causé à l’environnement.
M. Dominique Braye. Il peut y avoir eu comportement fautif : c’est au tribunal d’en décider !
M. Henri de Richemont. Comment envisager qu’une condamnation pénale puisse être prononcée même en l’absence de faute, qu’elle le soit uniquement en raison des conséquences observées ?
Il peut survenir à bord d’un navire une innavigabilité soudaine, une avarie de barre ou un abordage, qui provoque une pollution. Et si cette dernière est importante, elle devrait entraîner une condamnation pénale ? Cela me paraît inconcevable !
M. le président. Monsieur Desessard, le sous-amendement n° 90 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d’État, je suis très gêné par la réponse que vous m’avez, de bonne foi, apportée. (Sourires.) En effet, vous avez relevé une contradiction dans mon argumentation : les conventions internationales interdisent en effet qu’un État soit condamné pour défaut d’entretien ou de contrôle des navires ou des équipages.
Mais ne peut-on faire évoluer cette situation ? Doit-on attendre que les décisions se prennent au niveau international ? Le parlement d’un État a-t-il encore la possibilité d’être une force de proposition ? Je le souhaite. Actuellement, le Parlement ne peut confier à l’exécutif qu’une délégation sans mandat pour négocier au niveau international. Il faudrait peut-être donner aux assemblées la possibilité de délibérer des réformes qu’elles voudraient voir émerger au niveau européen ou international et de mandater le Gouvernement en ce sens.
C’est dans cet esprit, monsieur le président, que je maintiens mon sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 64.
M. Henri de Richemont. Madame la secrétaire d’État, loin de moi l’idée de penser que vous puissiez être de mauvaise foi, …
M. Jean Desessard. C’est elle-même qui le dit ! (Sourires.)
M. Henri de Richemont. … mais reconnaissez que nos propos à tous, sur ce sujet, sont empreints d’une grande hypocrisie.
M. Henri de Richemont. Vous avez souligné qu’on ne pouvait pas toucher à la convention de Montego Bay. Rassurez-vous, ce n’est pas ce que je vous demande ! Je ne fais que réclamer l’alignement, en dehors de nos eaux territoriales, du régime des navires français sur celui des navires étrangers. Il faut supprimer toute discrimination à l’encontre du pavillonnement français. La convention ne vous oblige pas à infliger des sanctions pénales aux navires français alors que vous ne le faites pas pour les bateaux étrangers.
Ma proposition me paraît vraiment relever du simple bon sens ! Il s’agit uniquement de permettre aux armateurs et aux officiers français de bénéficier des mêmes avantages que leurs homologues étrangers.
En incitant les armateurs à choisir un pavillon français, nous créerons plus de sécurité maritime, ce qui correspond à votre objectif, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Monsieur de Richement, le dispositif que vous proposez est certes conforme au droit international – en l’espèce la convention de Montego Bay –, mais non à la directive communautaire.
M. Henri de Richemont. Mais si !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Non ! Si ce sous-amendement était adopté, la France ne satisferait plus à l’objectif visé par la directive.
M. Henri de Richemont. La directive est muette sur le sujet !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Ce n’est pas mon interprétation, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Je ne suis pas avocat, et je suis encore moins spécialiste des problématiques que notre collègue Henri de Richemont manie avec beaucoup …
M. Roland du Luart. De talent !
M. Jean Bizet, rapporteur. … de finesse et de pertinence, mais également – je le dis avec toute l’amitié que je lui porte –, avec un peu de perversité. (Rires.)
M. Henri de Richemont. Pas du tout !
M. le président. Disons : de malice !
M. Jean Bizet, rapporteur. En effet, il est tout de même délicat de ne pas appliquer les mêmes sanctions aux capitaines et aux armateurs français selon que l’infraction incriminée a été commise dans les eaux territoriales ou dans les eaux internationales.
Mon cher collègue, vous souhaitez une harmonisation des sanctions applicables aux navires français et aux navires étrangers en cas de pollution dans les eaux internationales.
M. Henri de Richemont. Oui !
M. Jean Bizet, rapporteur. Mais le système serait alors quelque peu pervers. Un navire français serait moins condamné pour une infraction commise dans les eaux internationales que pour la même infraction commise dans les eaux territoriales.
Notre débat d’aujourd'hui s’inscrit dans la perspective d’une transposition de directive communautaire.
M. Henri de Richemont. Mais la directive n’évoque pas ce sujet !
M. Jean Bizet, rapporteur. Or, en adoptant ce sous-amendement, nous irions à l’encontre de la directive que nous souhaitons transposer.
Reconnaissez qu’il y a tout de même dans votre proposition quelque chose d’un peu malicieux, et je ne peux pas vous suivre sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont.
M. Henri de Richemont. Mes chers collègues, admettez que le système actuel est tout de même problématique.
Alors qu’un navire étranger est passible d’une condamnation pénale seulement s’il pollue dans les eaux françaises, un navire français peut être soumis à telle sanction pour des dégradations causées aussi bien dans les eaux territoriales que dans les eaux internationales. Avouez qu’une telle situation dépasse l’entendement ! Par conséquent, j’ai soulevé ce problème non pas en raison d’une quelconque « perversité », mais bien au nom du bon sens !
Il s’agit simplement d’aligner le régime des navires français sur celui qui est applicable aux navires étrangers, afin, encore une fois, de défendre le pavillonnement français.
Si nous instituons une discrimination en défaveur des pavillons français, ne nous étonnons que tout le monde opte pour des pavillons de complaisance ! En revanche, si nous souhaitons garantir la sécurité maritime, il faut aider le pavillonnement français. C’est une simple question de bon sens, et cela ne remet nullement en cause les objectifs de la directive.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat suscite une véritable interrogation, que nous sommes nombreux à partager.
Certes, je comprends bien l’argumentation de M. le rapporteur. Il est effectivement anormal qu’un navire français ne soit pas soumis aux mêmes sanctions selon qu’il commet une infraction dans les eaux territoriales ou dans les eaux internationales.
Pour autant, est-il normal qu’à infraction similaire, un navire français soit plus fortement condamné qu’un navire étranger ?
À cet égard, permettez-moi de formuler une observation. S’agissant du Grenelle de l’environnement, sujet que nous avons largement évoqué, nous sommes un certain nombre de sénateurs à partager le même point de vue. Selon nous, chaque fois que nous soumettons nos entreprises à de nouvelles contraintes, et ce alors que nos voisins les plus proches ne font pas de même, nous nous tirons une balle dans le pied.
Ainsi, actuellement, en matière de quotas d’émission de dioxyde de carbone, nous sommes particulièrement défavorisés par rapport à nos voisins allemands. D’ailleurs, les dirigeants du groupe Arcelor Mittal ont clairement brandi la menace de délocaliser la totalité de leurs activités françaises vers l’Allemagne, car les règles en matière d’émissions de CO2 y sont nettement moins contraignantes.
On ne peut plus continuer comme cela ! N’oublions pas que nous sommes un petit pays et que nous vivons tous sur la même planète !
Pour ma part, en compagnie de M. le président de la commission des affaires économiques, j’ai eu l’occasion d’aller négocier les règles applicables aux cimentiers en matière de quotas d’émissions de CO2. Nous avons alors dressé un constat simple : plus les contraintes qui pèsent sur les cimentiers français sont lourdes, plus notre pays est amené à importer du ciment de Turquie. Or celui-ci est fabriqué dans des conditions nettement moins respectueuses de l’environnement, avec des émissions de CO2 beaucoup plus importantes, sans compter celles qui sont liées au transport de ce matériau pondéreux.
Par conséquent, soyons raisonnables ! Nous sommes tous dans le même bateau ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Et ce bateau, il bat pavillon français ou étranger ? (Nouveaux sourires.)
M. Dominique Braye. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas soutenir un dispositif qui ferait peser une charge supplémentaire sur une activité française. Essayons tout de même de penser à notre économie !
Mme Évelyne Didier. Mais nous ne faisons que cela ! C’est à notre environnement que nous ne pensons pas suffisamment !
M. Dominique Braye. L’environnement est un enjeu important, à condition que les progrès en la matière soient partagés par tous. Mais cessons de « plomber » notre industrie !
M. Jean Desessard. C’est l’industrie qui plombe l’air ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Les arguments avancés par nos collègues Henri de Richemont et Dominique Braye sont très pertinents. Une telle différence de traitement entre les navires français et les navires étrangers n’est effectivement pas satisfaisante. Simplement, elle relève de ce que j’appellerai la « loi du pavillon ».
Dès lors, la seule solution pour sortir de cette situation réside dans une éventuelle modification de la convention internationale de Montego Bay.
M. Henri de Richemont. Ça, c’est complètement utopique !
M. Jean Bizet, rapporteur. Je suggère donc à Mme la secrétaire d’État, qui rencontre le Président de la République beaucoup plus souvent que nous, de lui préciser que la représentation nationale ne pourra plus accepter longtemps de telles disparités.
À mon sens, c’est la seule solution pour le moment. En attendant, je prie notre collègue Henri de Richemont de retirer son sous-amendement.
M. Henri de Richemont. Sûrement pas !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Le sujet est, certes, difficile.
Simplement, comme d’autres sénateurs élus du littoral atlantique, je représente un département dont les plages sont régulièrement polluées par des boulettes de mazout.
Sans doute les règles françaises sont-elles beaucoup plus exigeantes que les dispositions internationales. Mais faut-il aligner les normes les plus rigoureuses sur les normes les plus faibles, ou l’inverse ? Devons-nous baisser la garde et donner raison à des pays bien moins rigoureux que nous en matière de défense de l’environnement ? En raison de son extraordinaire patrimoine maritime – notre pays est celui qui, au sein de l’Union européenne, dispose des plus vastes eaux territoriales – la France ne doit-elle pas au contraire porter des exigences environnementales fortes ? C’est mon sentiment.
Certes, je comprends bien le sens du sous-amendement de notre collègue Henri de Richemont. Selon lui, si nous adoptions un tel dispositif, qui est au demeurant astucieux, le système des sanctions applicables aux navires pollueurs serait mieux encadré.
Néanmoins, l’adoption de ce sous-amendement constituerait, me semble-t-il, un mauvais signal. Et je dis cela en tant qu’élu d’un département confronté pratiquement tous les deux ou trois ans à des dégazages.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Les arguments sur la compétitivité des entreprises et de notre économie sont parfaitement légitimes, et ce pour deux raisons.
D’abord, c’est l’économie qui nous fait vivre.
Surtout, en imposant des normes trop strictes, nous risquons de provoquer des délocalisations vers des pays dans lesquels il n’existe aucune règle environnementale. Ce serait susciter ce qu’on appelle des « fuites de pollutions ».
Mais comment devons-nous réagir face à un tel problème ? M. Retailleau a bien posé les enjeux du débat : nous ne pouvons pas répondre à ce phénomène par une baisse de nos exigences.
C’est pourquoi le Gouvernement garde une attitude de fermeté. Il maintient systématiquement ses exigences et essaye de les porter au niveau international, y compris en étant extrêmement innovant s’agissant des instruments.
C’est notamment le cas en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En l’occurrence, notre démarche est double. D’abord, nous négocions avec nos partenaires européens dans le cadre du paquet « énergie-climat » et nous prenons des engagements. Mais, dans le même temps, et afin que notre argumentation reste crédible, dans l’hypothèse où nous interlocuteurs ne prendraient pas d’engagements équivalents, en particulier pour l’après-2012, c'est-à-dire la période qui suivra l’application du protocole de Kyoto, nous étudions activement la possibilité d’instituer des systèmes de compensation à nos frontières, dans le respect des règles fixées par l’Organisation mondiale du commerce.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à nous accompagner dans cette démarche : ne renonçons pas à nos exigences environnementales et continuons au contraire à les défendre avec fermeté ; en revanche, soyons très innovants sur la scène internationale pour inciter nos partenaires à adopter de telles règles, le cas échéant au moyen d’instruments un peu énergiques, voire coercitifs, comme les systèmes de compensation à nos frontières en matière d’émission de CO2.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez au non-spécialiste que je suis d’exprimer son sentiment sur ce débat. (Sourires.)
Me de Richemont nous a fait profiter de ses compétences juridiques et de ses plaidoiries enflammées, qui ont d’ailleurs déjà dû résonner dans d’autres enceintes que cet hémicycle. (Nouveaux sourires.)
Puis, Dominique Braye a expliqué pourquoi, selon lui, si nous n’adoptions le sous-amendement n° 64, nous nous tirerions une balle dans le pied en pénalisant nos entreprises, donc notre économie.
Mais, mes chers collègues, de quoi parlons-nous ? Nous parlons d’infractions ! À titre personnel, je n’imagine pas que le principal critère d’une entreprise, lorsqu’elle doit choisir un pavillon, soit le régime des sanctions applicables aux infractions. Je suis en total accord avec Dominique Braye lorsqu’il dit que les contraintes environnementales ne doivent pas entraver l’activité au quotidien de nos entreprises. Mais « l’activité au quotidien de nos entreprises », ce n’est pas de commettre des infractions !
MM. Dominique Braye et Georges Gruillot. Vous avez raison !
M. Bruno Retailleau. Et c’est d’ailleurs bien cela qui fait toute la difficulté de ce débat !
M. Thierry Repentin. Par conséquent, nous mélangeons, me semble-t-il, deux problèmes de nature différente.
Le sujet soulevé par M. de Richemont ne relève pas du débat d’aujourd'hui. Il nécessiterait des discussions au sein des instances internationales. En attendant, le dispositif que le sous-amendement n° 64 vise à instituer ressemble fort à un cavalier législatif.
Quoi qu’il en soit, je doute que les chefs d’entreprise français choisissent leur pavillon en fonction de la possibilité de commettre des infractions. Ce n’est tout de même pas cela leur principale motivation !
M. Dominique Braye. Vous m’avez convaincu ! Je m’abstiendrai donc, ce qui est rare ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l'amendement n° 42 rectifié.
Mme Odette Herviaux. S’agissant de la directive visée par cet amendement, si mes souvenirs sont exacts, le Conseil et la Commission n’étaient pas nécessairement d'accord sur le dispositif à mettre en place.
C'est la raison pour laquelle une telle anticipation semble quelque peu gênante. D’ailleurs, mes collègues sont intervenus à plusieurs reprises pour rappeler les difficultés que nous avons éprouvées à saisir toutes les subtilités – comme le précisait tout à l’heure M. Desessard, il n’est pas question pour nous de rechercher dans le texte ce qui n’y figure pas – contenues dans cet amendement.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre débat d’aujourd'hui s’inscrit dans un contexte particulier. Hier, vous avez choisi d’exclure les pollutions marines du principe « pollueur-payeur », en raison, selon vous, des conventions internationales, que nous venons d’ailleurs d’évoquer de nouveau à l’instant.
Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, le 7 avril dernier, le conseil des ministres des transports de l’Union européenne a rejeté les deux propositions du paquet « Erika 3 » qui nous semblaient les plus importantes.
Cet amendement vise à mettre l’échelle des sanctions en cohérence, en instituant une troisième catégorie d’infractions volontaires. Il s’agit d’une « faute caractérisée qui exposait l’environnement à un risque d’une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer ». En clair, cela concerne la « témérité » ou la « négligence grave ».
Certes, nous sommes favorables à la proportionnalité des peines, mais une dégradation des sanctions en fonction des types de rejet polluant pose tout de même un problème. Dans certains cas, cela pourrait aboutir – et la lecture comparée du texte de la directive à transposer et de celui de cet amendement confirme un tel sentiment – à alléger les sanctions qui existent déjà à l’encontre des infractions considérées comme moins préjudiciables à l’environnement. Ainsi, l’infraction de rejet d’ordures, pour laquelle il était prévu une peine de sept ans d’emprisonnement et de 700 000 euros d’amende, passerait apparemment à seulement un an d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
Cela va, à mon avis, à l’encontre des objectifs affichés par ce chapitre intitulé : « Dispositions renforçant la répression de la pollution marine ».
Par conséquent, sauf erreur d’interprétation, nous nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je fais miens beaucoup des arguments invoqués par ma collègue Mme Herviaux.
Je regrette, pour ma part, que le commanditaire du fret ne soit pas inclus dans le champ de l’amendement et je crains que, contrairement au jugement qui a été prononcé contre Total lors de l’affaire de l’Érika, il ne puisse plus être considéré comme responsable après que ce texte sera entré en vigueur.
C’est pourquoi je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Si j’ai bien compris, le texte permet de mettre en cause le commanditaire ou l’affréteur, mais c’est tellement subtil qu’il a fallu toute l’excellence d’un juge pour arriver à condamner Total.
N’est-il pas aussi de notre responsabilité de faire en sorte que la loi soit claire, que les termes employés soient aussi explicites que possible, afin de faciliter le travail des juges ? Si le texte permet effectivement d’incriminer le commanditaire ou l’affréteur – le client, en quelque sorte –, pourquoi ne pas aider les juges en l’inscrivant dans la loi de manière beaucoup plus évidente ? (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
L'amendement n° 43, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
I. - L'article L. 221-1 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) La troisième phrase est ainsi rédigée :
« Des normes de qualité de l'air définies par décret en Conseil d'État sont fixées, après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, en conformité avec celles définies par l'Union européenne et, le cas échéant, par l'Organisation mondiale de la santé. » ;
b) Au début de la dernière phrase, les mots : « Ces objectifs, seuils d'alerte et valeurs limites sont régulièrement réévalués » sont remplacés par les mots : « Ces normes sont régulièrement réévaluées » ;
2° Le II est supprimé ;
3° Dans la première phrase du III, les mots : « objectifs mentionnés » sont remplacés par les mots : « normes mentionnées ».
II. - L'article L. 221-2 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée :
« Un dispositif de surveillance de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé et sur l'environnement couvre l'ensemble du territoire national » ;
b) À la fin de la seconde phrase, le mot : « intéressée » est remplacé par les mots : « , notamment ceux des agglomérations de plus de 100 000 habitants » ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État fixe la liste des substances surveillées ainsi que les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1. La liste et la carte des communes incluses dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants sont annexées à ce décret. »
III. - L'article L. 221-6 est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, les mots : « Sans préjudice des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ,» sont supprimés ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « Lorsque les objectifs de qualité de l'air ne sont pas atteints ou lorsque les seuils d'alerte et valeurs limites mentionnées à l'article L. 221-1 sont dépassés ou risquent de l'être » sont remplacés par les mots : « Lorsque les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 ne sont pas respectées ou risquent de ne pas l'être » ;
b) Dans la deuxième phrase, les mots : « valeurs mesurées » sont remplacés par les mots : « niveaux de concentration de polluants ».
IV. - Le premier alinéa de l'article L. 222-1 est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, les mots : « atteindre les objectifs de qualité de l'air mentionnés à l'article L. 221-1 » sont remplacés par les mots : « respecter les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 applicables à ce plan » ;
2° Dans la dernière phrase, les mots : « des objectifs » sont remplacés par les mots : « des normes ».
V. - Après les mots : « le cas échéant, », la fin du troisième alinéa de l'article L. 222-2 est ainsi rédigée : « si les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 222-1 n'ont pas été respectées ».
VI. - À l'article L. 222-3, après le mot : « notamment » sont insérés les mots : « les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 applicables aux plans régionaux pour la qualité de l'air. Il fixe également ».
VII. - L'article L. 222-4 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Les mots : « les valeurs limites mentionnées à l'article L. 221-1 sont dépassées ou risquent de l'être » sont remplacés par les mots : « les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 applicables aux plans de protection de l'atmosphère ne sont pas respectées ou risquent de ne pas l'être » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les zones mentionnées au premier alinéa, le recours à un plan de protection de l'atmosphère n'est pas nécessaire lorsqu'il est démontré que des mesures prises dans un autre cadre seront plus efficaces pour respecter ces normes. » ;
2° La deuxième phrase du II est supprimée ;
3° Le IV est supprimé ;
4° En conséquence, la référence : « V » est remplacée par la référence : « IV ».
VIII. - L'article L. 222-5 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le plan de protection de l'atmosphère et les mesures mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article L. 222-4 ont pour objet, dans un délai qu'ils fixent, de ramener à l'intérieur de la zone la concentration en polluants dans l'atmosphère à un niveau conforme aux normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1. » ;
2° Dans la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « les objectifs de qualité de l'air mentionnés » sont remplacés par les mots : « les normes de qualité de l'air mentionnées » et le mot : « atteindre » est remplacé par le mot : « respecter ».
IX. - À l'article L. 222-7, après le mot : « section » sont insérés les mots : « , notamment les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 applicables aux plans de protection de l'atmosphère, ».
X. - L'article L. 223-1 est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Lorsque les seuils d'alerte sont atteints ou risquent de l'être » sont remplacés par les mots : « En cas d'épisode de pollution, lorsque les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 ne sont pas respectées ou risquent de ne pas l'être » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les normes de qualité de l'air mentionnées au premier alinéa applicables au présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'État pris après l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. »
XI. - Après l'article L. 224-2, il est inséré un article L. 224-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-2-1. - Les dépenses correspondant à l'exécution des prélèvements, analyses, expertises ou contrôles nécessaires pour vérifier le respect des spécifications techniques et des normes de rendement applicables à la fabrication, la mise sur le marché, au stockage, à l'utilisation, à l'entretien et à l'élimination des biens mobiliers visés au 1° du I de l'article L. 224-1 du présent code sont à la charge du vendeur de ce bien ou de son détenteur. »
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle ainsi rédigée :
Chapitre II
Dispositions relatives à la qualité de l'air
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer, au sein du titre II, un chapitre II relatif à la qualité de l'air.
Il paraît cohérent, du point de vue de la clarté juridique, de rassembler au sein du même chapitre l'ensemble des dispositions relatives à la qualité de l'air ambiant.
Ces dispositions correspondent, dans une large mesure, à la transposition de deux directives communautaires : celle du 12 février 2002 relative à l'ozone et celle du 15 décembre 2004 relative à divers polluants atmosphériques. La France devait effectuer leur complète transposition en droit interne respectivement avant le 9 septembre 2003 et avant le 15 février 2007.
Cet amendement vise ainsi à répondre au retard de transposition de la France. La France doit en effet rapidement se mettre en conformité avec ses obligations communautaires puisqu'elle fait l'objet d'un avis motivé de la Commission européenne pour transposition incomplète de ces textes.
Il convient de fournir quelques précisions. Ces directives sont des directives dites « filles », adoptées à la suite de la directive-cadre du 27 septembre 1996 concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant.
La directive du 12 février 2002 fixe des objectifs à long terme, des valeurs cibles pour 2010, un seuil d'alerte et un seuil d'information sur les concentrations d'ozone dans l'air ambiant. Elle établit également des méthodes et des critères communs pour évaluer les concentrations d'ozone et garantit la mise à disposition du public de l'information pertinente sur ce polluant. Elle promeut par ailleurs la coopération entre les États membres en vue de diminuer l'ozone dans l'air ambiant. Le non-respect des valeurs cibles oblige enfin les États membres à établir des plans d'action de réduction de l'ozone dans l'air ambiant.
La directive du 15 décembre 2004, qui concerne l'arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel et les hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'air ambiant, vise à appliquer le principe d'une exposition aussi faible que possible à ces différents agents cancérogènes pour l'homme. Elle détermine par ailleurs des méthodes et des critères pour l'évaluation des concentrations et du dépôt de ces substances ; elle garantit que des informations adéquates sont mises à la disposition du public.
Afin de se conformer aux obligations résultant de ces deux textes, je propose tout d'abord de modifier l'article L. 221-1 du code de l'environnement relatif à la qualité de l'air, en vertu duquel, en matière de pollution atmosphérique, la liste et la définition des normes de qualité de l'air relèvent du domaine législatif. Je propose de les déclasser pour introduire ces « normes » dans des textes de niveau réglementaire, ce qui est plus cohérent du point de vue juridique et permettra une réévaluation régulière et plus facile de ces normes selon les résultats des études médicales et épidémiologiques. Nous serons ainsi, au fil du temps, au plus proche de la réalité scientifique.
Je propose, en conséquence, d'adapter un certain nombre de dispositions du code de l'environnement à cette modification de l'article L. 221-1. Il s'agit essentiellement de modifications rédactionnelles visant à remplacer dans les articles concernés du code de l'environnement les notions d'« objectifs de qualité de l'air », de « seuils d'alerte » et de « valeurs limites » par celle de « normes de qualité de l'air ».
M. le président. Le sous-amendement n° 130, présenté par M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le a) du 1° du I de l'amendement n° 43 pour la troisième phrase de l'article L. 221-1 du code de l'environnement, après les mots :
qualité de l'air
insérer les mots :
ainsi que des valeurs-guides pour l'air intérieur
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. En guise de préambule, je voudrais tout d’abord évoquer un problème de forme. J’ai souvent entendu des ministres se réjouir, à l’issue d’un débat, de la contribution de la Haute Assemblée à l’enrichissement du projet de loi, principalement par la majorité, mais aussi, quelquefois, par l’opposition.
Or un seul sous-amendement a été déposé sur cet amendement de la commission, qui équivaut pourtant à deux ou trois articles d’un projet de loi ordinaire. Si nous n’avions pas dû examiner ce texte dans la précipitation, il y aurait eu beaucoup plus d’amendements « enrichissants » !
Mme Évelyne Didier. Tout à fait !
M. Jean Desessard. Je déplore, une fois de plus, que nous n’ayons pas eu le temps de contribuer davantage à l’enrichissement de ce texte-ci.
Malgré tout, j’ai déposé ce sous-amendement afin que soit mentionnée la qualité de l’air intérieur. En effet, on sait aujourd'hui qu’il existe aussi des pollutions à l’intérieur des habitations. De nombreux pays se sont d’ailleurs dotés de valeurs-guides qui éclairent les consommateurs soucieux d’évaluer la qualité de l’air de leur habitation.
En effet, la prolifération de matériaux émissifs - meubles agglomérés, peintures, vernis… - et de produits ménagers, d’hygiène, de cosmétique ou de bricolage charge l’air des maisons et des lieux publics de substances volatiles cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques.
Le minimum que l’on puisse faire est de fournir aux élus comme aux citoyens des outils de connaissance sur le sujet ! L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, a entamé ce travail. La loi doit en faire mention. L’excellent rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques réalisé par Marie-Christine Blandin a montré que ce sujet n’avait rien d’anodin.
Il faut donc prendre en considération la pollution de l’air non seulement à l’extérieur mais aussi dans les maisons et les locaux où l’on travaille.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. En l’occurrence, M. Desessard a eu tort de dire qu’il n’avait pas eu le temps de travailler et d’être réactif : son sous-amendement est pertinent et enrichit le texte. La commission a donc donné un avis favorable.
M. François Trucy. Voilà !
M. Jean Desessard. J’en reste coi ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le sous-amendement n° 130 est effectivement tout à fait intéressant. La qualité de l’air intérieur est un sujet de santé publique très important, de plus en plus reconnu. Il n’existe pas de législation communautaire en la matière, mais cela ne nous empêche pas d’établir des valeurs-guides.
Saisi de ce sujet, le CSTB, le Centre scientifique et technique du bâtiment, travaille d’ores et déjà sur des valeurs-guides.
Il s’agit, en vérité, d’un problème assez complexe. Les polluants sont en effet plus nombreux et divers à l’intérieur qu’à l’extérieur ; ils varient d’une habitation à l’autre, en fonction de la nature des sols, des peintures, des plafonds, des aérations, etc. Il est donc plus difficile d’établir des normes de qualité de l’air intérieur que des normes de qualité de l’air extérieur. Or il faut savoir qu’un adulte passe 90 % à 95 % de son temps à l’intérieur et un enfant, 85 % ; il y a donc bien lieu d’établir aussi des normes à cet égard.
Pour la parfaite information de la Haute Assemblée, je précise que la notion d’air intérieur, en matière d’environnement, concerne tout espace fermé, y compris mobile. L’air intérieur, c’est celui de la maison, du bureau, mais aussi celui de la voiture, celui du RER, celui du gymnase, etc., tous particuliers.
Très concrètement, un travail vraiment solide sur les valeurs-guides pour l’air intérieur prendra du temps, mais il est utile et important ; c’est pourquoi le Gouvernement est favorable à ce sous-amendement.
M. Jean Desessard. Je demande la parole.
M. le président. Vous ne serez pas resté coi bien longtemps, monsieur Desessard ! (Sourires.) Quoi qu’il en soit, je vous donne bien sûr la parole.
M. Jean Desessard. Je voulais tout simplement remercier M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État de l’avis favorable qu’ils ont émis sur ce sous-amendement.
M. le président. J’observe que ce sous-amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l’amendement n° 43.
Mme Évelyne Didier. Vous avez dit, monsieur le rapporteur, qu’il s’agissait de rassembler un certain nombre de textes. Comme M. Desessard, je n’ai eu ni le temps ni les moyens de travailler correctement sur ce projet de loi. En tout cas, j’aurais aimé que l’on m’explique pourquoi le mot « objectifs » est remplacé, à plusieurs reprises, par le mot « normes ». Quel est le but de ce changement de terminologie ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. La notion de « norme » est plus contraignante, en cohérence avec l’évolution du droit communautaire, plus contraignant en matière de pollution atmosphérique.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Cette directive, qui ne pose pas trop de problèmes, va dans le bon sens.
Je me permets simplement d’alerter le Gouvernement sur les enjeux d’une modernisation de la loi sur l’air et sur l’utilisation rationnelle de l’énergie, annoncée, elle aussi, lors du Grenelle de l’environnement. Après l’adoption du sous-amendement n° 130, il sera grand temps de revoir cette loi.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
J’observe que cet amendement a également été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 44, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa (2°) du II de l'article L. 224-1 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée :
« Prévoir que les chaudières et les systèmes de climatisation dont la puissance excède un seuil fixé par décret font l'objet d'entretiens, de contrôles périodiques ou d'inspections, dont ils fixent les conditions de mise en œuvre. » ;
b) Au début de la seconde phrase, les mots : « Dans le cadre de ces inspections, » sont remplacés par les mots : « Dans ce cadre, » ;
2° Le V de l'article L. 229-8 est ainsi rédigé :
« V. - Le plan met en réserve des quotas d'émission destinés à être affectés :
« 1° Aux exploitants d'installations autorisées, ou dont l'autorisation a été modifiée, après la notification initiale à la Commission européenne du projet de plan pour une période donnée et avant le début de sa mise en œuvre ;
« 2° Aux exploitants d'installations autorisées, ainsi qu'à ceux dont l'autorisation viendrait à être modifiée, au cours de la durée du plan.
« L'État peut se porter acquéreur de quotas en application du II de l'article L. 229-15 pour compléter cette réserve. »
3° L'article L. 229-12 est abrogé ;
4° Le IV de l'article L. 229-15 est supprimé ;
5° L'article L. 229-22 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« I. - Les unités de réduction des émissions et les unités de réduction d'émissions certifiées, respectivement délivrées en application des articles 6 et 12 du protocole de Kyoto précité et des décisions prises par les parties pour leur mise en œuvre, ainsi que les unités de réduction certifiée des émissions temporaires et les unités de réduction certifiée des émissions durables sont des biens meubles exclusivement matérialisés par une inscription au compte de leur détenteur dans le registre national mentionné à l'article L. 229-16. Ils sont négociables, transmissibles par virement de compte à compte et confèrent des droits identiques à leurs détenteurs. Ils peuvent être cédés dès leur délivrance. »
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« II. - Les unités de réduction certifiée des émissions temporaires et les unités de réduction certifiée des émissions durables sont définies à l'article 2 du règlement (CE) n° 2216/2004 du 21 décembre 2004 concernant un système de registres normalisé et sécurisé conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil et à la décision n° 280/2004/CE du Parlement européen et du Conseil. »
6° À l'article L. 229-23, après le mot : « directement » sont insérés les mots : « , ou indirectement, ».
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle ainsi rédigée :
Chapitre III
Dispositions relatives à la lutte contre l'effet de serre
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Mes chers collègues, toujours dans le même esprit, je vous propose, avec cet amendement, d'apporter quelques corrections à la transposition de trois directives, la première d'entre elles étant relative à la performance énergétique des bâtiments et les deux autres concernant le système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre.
En ce qui concerne le premier point, je vous rappelle qu’avec la loi de programme de 2005 sur la politique énergétique nous avons transposé une disposition d'une directive de 2002 relative au contrôle périodique des chaudières et des systèmes de climatisation.
Trois années après le vote de cette loi, ce dispositif n'est toujours pas opérationnel en raison de difficultés d'application.
D'une part, les professionnels appelés à réaliser les inspections doivent être indépendants de toute prestation commerciale dans le secteur du chauffage. Or, bien souvent, il s'agit de petites entreprises qui n'ont pas la possibilité de renoncer à leurs activités ordinaires pour se consacrer uniquement à des inspections.
D'autre part, les représentants des consommateurs ont eu du mal à admettre le principe même de ces inspections dans la mesure où elles ne se traduisent par aucune intervention sur l'équipement. Une incompréhension tend donc à naître entre le professionnel et le client.
Dans ces conditions, la commission des affaires économiques vous propose de corriger ces dispositions de manière à prévoir un entretien régulier de la chaudière ou du climatiseur, afin de répondre aux exigences de la directive.
En ce qui concerne le second point, il s'agit de corriger les articles du code de l'environnement qui concernent le système européen d'échange de quotas d'émission de CO2, mis en place en 2005 pour répondre aux engagements que nous avons pris en ratifiant le protocole de Kyoto. Je rappelle qu'en application de ce mécanisme les États membres de l'Union européenne sont tenus d'élaborer, tous les cinq ans, un plan national d’affectation des quotas d’émission de CO2. Celui-ci doit être notifié à la Commission européenne, qui peut demander des modifications. Les activités couvertes par les quotas de CO2 sont les secteurs de la production d'électricité et de chaleur ainsi que les activités industrielles les plus émettrices. Il paraît aujourd'hui nécessaire d'adapter à la marge ces dispositions, transposées dans notre droit depuis 2004.
Les corrections que je vous propose concernent le mécanisme de la réserve de quotas, qui couvre le cas des industries qui s'installent au cours de la période couverte par le plan national d’affectation des quotas. Elles visent à supprimer des dispositions désormais obsolètes et à introduire dans notre droit un nouveau mécanisme de flexibilité permettant aux acteurs ayant des obligations de maîtrise de leurs émissions de les satisfaire en participant à des projets de boisement ou de reboisement.
M. le président. Le sous-amendement n° 129, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le I de l'amendement n° 44 par un 7° ainsi rédigé :
7° L'article L. 229-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 229-10. - I. - La quantité totale de quotas d'émission allouée et délivrée aux installations existantes du secteur de l'électricité est réduite de 25 % par rapport à la quantité prévue par le plan établi pour la deuxième période en application de l'article L. 229-8. La réduction qui en résulte à compter du 1er janvier 2009 au titre de chacune des années 2009 à 2012 est précisée par décret en Conseil d'État.
« II. - Les quotas d'émission qui ne sont plus alloués par application du I peuvent être vendus dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
« III. – À compter du 1er janvier 2009, pour les exploitants d'installations du secteur de l'électricité autorisées au cours de la durée du plan et ceux dont l'autorisation viendrait à être modifiée, la quantité de quotas affectée et délivrée dans les conditions définies au V de l'article L. 229–8 est réduite dans les mêmes proportions qu'au I par rapport à ce qu'elle aurait été en application du plan établi pour la deuxième période. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. La réserve de quotas pour les nouveaux entrants, adoptée au mois de mai 2007, est destinée aux nouvelles installations industrielles ou aux installations qui sont en extension. Elle comporte en début de période 2,75 millions de tonnes de CO2 par an. Or le dernier recensement des projets correspondant à de potentiels nouveaux entrants a conduit à évaluer les besoins annuels de quotas à 9 millions de tonnes de CO2 par an. Par conséquent, la réserve de quotas dont dispose actuellement la France ne suffit pas à servir les nouveaux entrants.
En l'absence de mesure particulière, les nouveaux entrants, au cours de la période 2008-2012, seront obligés d'acquérir à titre onéreux, sur le marché de quotas européen, 70 % des quotas qui leur seront nécessaires pour être en conformité.
Tout le monde le comprend, une telle situation conduirait à une inégalité de traitement par rapport aux installations existantes, constituerait une barrière à l'entrée de nouvelles entreprises sur le marché ou même risquerait d’aboutir à la remise en cause de projets d'implantation de nouveaux sites industriels.
C’est pourquoi le Gouvernement propose de mettre en place un dispositif visant à délivrer à titre onéreux, sous forme d'enchères, 25 % des quotas délivrés aux exploitants des installations existantes du secteur de la production d'électricité ainsi qu'aux nouveaux entrants de ce secteur, le reste étant délivré gratuitement. Il convient en effet de considérer que ce secteur n'est pas soumis à la concurrence internationale.
Ce dispositif vise en outre à faire sorte que soit délivré gratuitement l'ensemble des quotas aux nouveaux entrants des autres secteurs d'activité, qui sont, eux, soumis à la concurrence internationale.
Le mécanisme qui vous est soumis n’est pas parfait, je le concède : il consiste à reprendre des quotas qui ont été accordés pour les redistribuer, et ce en vue d’assurer le plus d’équité possible. Dès l’origine, l’évaluation ayant été mal ajustée, l’allocation n’a pas été optimale. Ne rien faire provoquerait des inégalités importantes.
Permettez-moi d’apporter deux précisions.
Premièrement, d’aucuns ont pu reprocher à ce sous-amendement de ne pas prendre en compte les spécificités du mix énergétique français, d’ignorer le problème de base qui tient à la répartition des quotas entre les États membres. Ainsi, la France dispose de 130 millions de tonnes par an, contre 482 millions de tonnes par an pour l’Allemagne et 246 millions de tonnes par an pour le Royaume-Uni.
Certes, la base de répartition des quotas est différente, mais les spécificités de notre système national ont été prises en compte lors de la répartition de l’effort européen dans le cadre du protocole de Kyoto. Ainsi, alors que la France s’est engagée à stabiliser ses émissions de gaz à effet de serre, d’autres pays ont pris des engagements beaucoup plus drastiques. Il est donc justifié que la fixation de l’allocation de quotas diffère selon les pays.
Deuxièmement, on pourrait nous opposer que cette mesure n’est pas eurocompatible puisqu’elle consiste à revenir sur une allocation qui a été accordée. En fait, elle l’est ! En effet, au moment où la Commission européenne avait approuvé le plan national d’affectation des quotas français, au mois de mars 2007, la décision de la Commission européenne précisait : « Le plan national d’allocation de quotas peut être modifié sans accord préalable de la Commission si la modification concerne les quotas alloués à certaines installations, dans les limites de la quantité totale de quotas [...] ou si elle consiste à réduire le pourcentage des quotas à allouer gratuitement.... »
Il était donc bien prévu de pouvoir procéder à des ajustements si l’allocation initiale se révélait imparfaite. C’est dans cette situation que nous sommes aujourd'hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Je suis très gêné par ce sous-amendement, dont l’objet est de prévoir qu’à compter du 1er janvier 2009 les électriciens français devront acquérir 25 % de leurs quotas de carbone, alors que 90 % leur sont aujourd’hui alloués gratuitement. Le Gouvernement entend régler ainsi le problème de l’insuffisance de la réserve de quotas pour les projets d’extension ou de création d’industries, aujourd’hui fixé à 2,9 millions de tonnes par an, alors qu’il en faudrait sûrement près de 8 millions de tonnes. Ce différentiel de plus de 5 millions de tonnes est problématique.
La commission des affaires économiques a considéré qu’il s’agissait là d’une mauvaise méthode, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, le mix énergétique français pour la production d’électricité est le moins carboné d’Europe. Nous notons que l’atout nucléaire et hydraulique français, qui nous permet d’être aussi vertueux en matière d’émission de CO2, n’est, une fois de plus, pas reconnu. Dès lors, je ne vois pas pourquoi il conviendrait de pénaliser les électriciens français.
Ensuite, ce sous-amendement est contraire à la réglementation communautaire, notamment aux positions régulières de la Commission européenne. Cette dernière fait souvent valoir la nécessité de bien définir les règles de marché du carbone, avant que ne débute la seconde période du plan national d’affectation de quotas, le PNAQ II, qui doit couvrir la période 2008–2012.
Enfin, l’adoption de ce sous-amendement aurait des conséquences financières non négligeables pour les électriciens, en l’occurrence EDF et la SNET, c'est-à-dire aujourd'hui Endesa France, laquelle verrait son résultat d’exploitation annuel réduit de 30 %.
La commission ne possède pas d’éléments très précis lui permettant d’apprécier si, oui ou non, il est nécessaire de disposer d’une réserve de 8 millions de tonnes par an dès 2009 pour les extensions et les créations d’industries.
Le dispositif que vise à mettre en place ce sous-amendement ignore le problème de base tenant à la répartition entre les États membres des efforts de maîtrise des émissions de CO2, qui fait que notre pays dispose de 130 millions de tonnes, alors que l’Allemagne s’est vu attribuer un plafond de 482 millions de tonnes, le Royaume-Uni de 246 millions de tonnes et l’Espagne de 152,7 millions de tonnes. Là encore, nous déplorons fortement que le nucléaire français n’ait pas été pris en compte dans le calcul de ces allocations.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Certes, la commission est, je le répète, très embarrassée, car elle comprend qu’en procédant ainsi le Gouvernement ait voulu privilégier les nouveaux entrants ou les entreprises en extension. Mais ce sous-amendement fait surtout porter le poids de cette mesure sur les électriciens, dont les pratiques sont vertueuses. À l’échelon communautaire, cette démarche vertueuse n’est pas payée en retour.
Lorsque nous avons participé aux travaux du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, en Allemagne, nous avons voulu montrer – sans prosélytisme aucun ! – que la France avait fait un choix courageux voilà une trentaine d’années en privilégiant la filière nucléaire. Hélas, nous n’avons pas été entendus ! Bien pis, certains pays, comme l’Allemagne ou l’Italie, ont manifesté de l’aversion pour un tel choix !
Il faudra, assez rapidement, obtenir des convergences en matière énergétique, car on ne peut pas toujours demander aux mêmes de faire des efforts, surtout lorsque cela pénalise nos entreprises. Or, dans le marché européen de l’énergie, lorsque nous vendons de l’électricité à l’Allemagne – pays pour lequel nous avons beaucoup d’amitié –, celle-ci n’est guère regardante sur son origine, pourtant nucléaire à 80 % !
Peut-être pourrons-nous imaginer une voie médiane de sortie sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je comprends très bien les réticences de la commission des affaires économiques. C’est vrai, ce sous-amendement n’est pas très « vendeur », si j’ose dire. L’allocation initiale était mal ajustée ; il convient donc aujourd'hui de reprendre à certains ce qui leur avait été accordé, ce qui n’a rien d’agréable, c’est le moins que l’on puisse dire !
Permettez-moi d’apporter éléments complémentaires pour tenter de vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs.
Avons-nous réellement besoin de 9 millions de tonnes par an ? En réalité, cette évaluation est jugée plutôt basse : nous risquons d’avoir besoin de davantage ! Elle a été établie sur la base de la programmation pluriannuelle des investissements pour le secteur électrique. Elle identifie un besoin supplémentaire de 3 gigawatts de moyens de semi-base et de 3,1 gigawatts de moyens de pointe à l’horizon 2015, ce qui correspond à des affectations de quotas de 13 millions de tonnes de CO2 sur la période 2008-2012, soit 2,6 millions de tonnes par an pour la seule production d’électricité. Nous sommes donc bien cohérents avec le chiffre de 9 millions de tonnes pour la période.
Ces prévisions de besoins sont multiservices et ont été confirmées par une mission constituée de l’inspection générale des finances, l’inspection générale de l’environnement, le Conseil général des Mines et le Conseil général des Ponts et chaussées. Il s’agit, par cette énumération, non pas d’avancer un argument d’autorité, mais de souligner que cette évaluation n’est en rien fantaisiste : elle est le résultat de travaux longs et poussés et est considérée comme assez prudente.
J’en viens au mix électrique français et à ses particularités. Ne risque-t-on pas de pénaliser EDF alors que cette entreprise est, en Europe, l’un des électriciens qui émet le moins de CO2, grâce au nucléaire ?
L’idée de rendre une partie des quotas payante n’est pas nouvelle. Elle n’est pas seulement présente dans le Grenelle de l'environnement, elle l’est aussi dans la proposition de la Commission européenne pour la révision du système européen de quotas. La France n’est pas la première à se tourner vers cette mise aux enchères des quotas : l’Allemagne et le Royaume-Uni le font déjà. Si d’autres pays se sont résolus à revenir sur la position qui avait été initialement prise, c’est bien que la méthode n’est pas absolument scandaleuse ; au demeurant, ainsi que je l’ai expliqué, nous sommes aujourd'hui contraints d’y recourir.
Tels sont les éléments que je suis en mesure de vous fournir. J’espère qu’ils seront à même de vous convaincre de la nécessité à laquelle nous devons faire face. Cette décision n’était pas facile : nous ne l’avons pas prise de gaité de cœur, mais nous avons besoin de 9 millions de tonnes de quotas par an.
Il ne s’agit pas, monsieur le rapporteur, de favoriser les nouveaux entrants, mais de rechercher l’équité à leur égard. Le Gouvernement veut rendre équitable un système qui, en l’état, ne l’est pas, compte tenu de l’évaluation imparfaite qui a été établie au moment de l’élaboration du plan national d’allocation des quotas.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 129.
M. Jean Desessard. Ce débat est, certes, passionnant, mais avons-nous eu le temps de le préparer ? Il porte sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sur la répartition des quotas. À ce sujet, je veux en cet instant citer le rapport de M. Bizet, aux termes duquel « pour le plan national d’allocation des quotas couvrant la période 2008-2012[…] ce sont plus de 1 200 installations françaises qui sont concernées ». Comment voulez-vous examiner ce sujet en quatre jours ?
M. Bizet poursuit : « L’État a alors pour tâche de répartir cette quantité globale de quotas entre les installations industrielles entrant dans le champ d’application du dispositif ».
Il est fort intéressant de constater, aujourd’hui, que M. le rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques, formule des propositions, alors que l’État, qui était chargé d’opérer la répartition, dépose un sous-amendement, dont nous avons eu connaissance la veille du débat. Est-ce sérieux ?
Un débat, dont on comprend bien les enjeux, a eu lieu entre M. le rapporteur et Mme le secrétaire d’État. Mais il est tout de même bien cavalier de traiter ainsi un sujet aussi important – les quotas –, qui touche l’économie et la défense de l’environnement !
Mme Évelyne Didier. C’est d’ailleurs un « cavalier » !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, si vous le permettez, je m’exprimerai et sur le sous-amendement n° 129 et sur l’amendement n° 44.
S’agissant de l’amendement n° 44, je m’en tiendrai à formuler des observations sur le 1° du I, dont l’objet est de modifier des dispositions qui se sont avérées inapplicables en droit français, le dispositif n’étant pas opérationnel. À la lecture de votre rapport, monsieur Bizet, j’ai même cru comprendre que la haute administration avait du mal à trouver une solution technique fiable.
Afin de résoudre le problème, vous proposez que les chaudières et les systèmes de climatisation puissent faire « l’objet d’entretiens, de contrôles périodiques ou d’inspections », les conditions de mise en œuvre de ces opérations étant renvoyées à un décret.
Faute de temps suffisant pour réellement expertiser les conséquences d’une telle mesure, nous ne pouvons que nous étonner du délai de transposition. En outre, compte tenu de l’impact potentiel de ces mesures sur le pouvoir d’achat des ménages, déjà malmené, et alors que des dispositions très proches pourraient être adoptées lors de l’examen du projet de loi résultant du Grenelle de l’environnement, nous souhaitons nous élever une nouvelle fois contre une méthode de travail inadaptée.
J’en viens maintenant au sous-amendement n° 129, par le biais duquel le Gouvernement nous demande d’approuver une modification de la répartition des quotas d’émission de gaz à effet de serre, dont le détail et les modalités seront précisés par décret en Conseil d’État.
Au regard de la décision de la Commission européenne du 26 mars 2007 relative au plan français d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre, ce transfert semble conforme.
Pourtant, il nous est permis de nous interroger sur plusieurs points, qui méritent que vous nous apportiez des précisions, madame la secrétaire d’État.
Premièrement, en ce qui concerne le II du sous-amendement, nous souhaitons obtenir plus d’informations sur le calcul du prix de vente de ces quotas et, par conséquent, sur le contenu du futur décret. En effet, on peut redouter une certaine spéculation si ces quotas sont mis aux enchères dans un contexte financier international plus qu’incertain. Nous ne pouvons pas ignorer l’incidence de la crise financière actuelle sur un marché de quotas d’émission de gaz à effet de serre ni celle de la crise du prix du pétrole sur une mise aux enchères de quotas en provenance du secteur de l’électricité.
Deuxièmement, nous avons quelques inquiétudes à la lecture des remarques que la Commission européenne vous a adressées au sujet du nouveau plan national d’allocation. Dans sa décision du 26 mars 2006, la Commission regrette des projections d’émissions insuffisamment crédibles – fait que vous reconnaissez –, un manque de transparence et d’informations dans la méthode d’allocation de quotas, une mauvaise planification de cette allocation, un risque de dépassement de la quantité totale de quotas alloués, une augmentation de l’allocation de quotas gratuits qui pourrait entraîner une distorsion de concurrence.
Nous souhaitons donc obtenir plus d’informations au sujet de la mise en œuvre de ce plan.
Là encore, nous regrettons la méthode qui est employée pour examiner un sujet aussi important que le système de quotas, et dont l’importance s’accroîtra considérablement dans les années à venir.
Nous déplorons, je le répète, le manque de temps, une analyse incomplète, eu égard à l’histoire et aux choix énergétiques de notre pays, qui a retenu les énergies nucléaire et hydraulique.
Si j’osais, je vous demanderais, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir retirer le sous-amendement n° 129, afin de laisser aux députés un temps de réflexion largement supérieur à celui dont nous avons disposé. Nous allons en effet nous prononcer sur un texte sans en connaître les conséquences.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Lors de nos travaux en commission, je vous avais reproché, monsieur le rapporteur, de n’avoir porté que très tardivement à notre connaissance le contenu de certains amendements. Vous m’avez alors fait remarquer que vous ne pouviez pas nous livrer vos commentaires à leur sujet avant d’en avoir vous-même pris connaissance. Mes reproches étaient donc injustes et je vous prie de m’en excuser.
Madame la secrétaire d’État, au moment où l’on parle de revalorisation et de respect du Parlement, la moindre décence aurait voulu que le Parlement puisse travailler dans de bonnes conditions sur des sujets aussi importants. Et nous allons encore être appelés à examiner, dans la suite de la discussion, d’autres amendements portant sur des sujets importants qui auraient mérité que nous disposions de plus de temps pour les étudier convenablement.
Par ailleurs, je partage totalement l’avis de M. le rapporteur sur la conduite exemplaire de la France et sur ses choix, dont il est quelquefois très difficile de faire valoir le bien-fondé. Cela étant, force est de constater que les personnes s’élevant aujourd'hui contre le nucléaire sont beaucoup moins nombreuses qu’auparavant ; j’en veux pour preuve la lecture de quelques unes de journaux publiées voilà cinq ou sept ans. J’ai posé la question de savoir si des découvertes récentes en matière nucléaire pouvaient expliquer ce changement d’attitude, mais personne n’a su me répondre.
En tout cas, certains – le général de Gaulle le premier – ont fait preuve d’une capacité d’anticipation et de prospective supérieure à d’autres, qui ne se sont rendu que très tardivement compte des réalités auxquelles était confronté notre pays.
Madame la secrétaire d’État, je crois que l’on se trompe de combat. Je vous demande uniquement, et de manière solennelle, de nous communiquer les chiffres des quotas dédiés à la France et aux autres pays européens. Vos services, fort compétents, étant présents dans cet hémicycle, -ils pourraient sans doute faire le calcul nécessaire pour que nous sachions quel quota est affecté à chaque habitant. Le fait pour la France d’être plutôt vertueuse la conduit-elle à être aujourd’hui plus mal servie que d’autres pays ? Est-il admissible que la vertu soit pénalisée ?
Mieux vaut essayer de récupérer des quotas en demandant à certains pays européens, largement avantagés en la matière et susceptibles, de ce fait, de développer des industries bien plus nombreuses que la France ne peut le faire, de réduire un peu leurs quotas, d’adopter des conduites plus vertueuses et d’émettre moins de CO2.
Madame la secrétaire d’État, vous avez parlé d’équité. Pour ma part, je l’appelle de mes vœux. Mais je crains qu’il ne s’agisse là d’un système profondément inéquitable à la base. Rétablissez l’équité à la base. Ensuite, nous pourrons parler de distribution équitable des quotas.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
M. Marcel Deneux. Comme M. le rapporteur, je suis gêné devant ce sous-amendement n° 129 au regard tant de sa forme que de son opportunité.
Je suis très perplexe, madame la secrétaire d’État, quant aux conséquences de votre démarche sur la vie des entreprises du secteur concerné, c’est-à-dire le secteur électrique.
Ce sous-amendement vise à modifier le système d’allocation des quotas d’émission de CO2, tel qu’il a été fixé par le deuxième plan national d’affectation des quotas, pour la période 2008-2012. Ce plan a été validé par la Commission européenne.
Ce document, finalisé voilà seulement un an, prévoit une quantité totale de quotas affectés par la France pour les installations concernées par la directive sur son territoire : 129 millions de tonnes de CO2 annuellement, dont 25 millions de tonnes, soit environ un cinquième, attribuées au secteur industriel de l’électricité.
Ces quotas ont été bien calculés puisqu’ils sont déjà largement atteints dans le secteur de l’électricité et que les principales entreprises de ce secteur doivent acheter d’autres quotas pour faire face à une croissance pourtant faible.
Le sous-amendement n° 129 vise à réduire de 25 % la quantité totale de quotas d’émission allouée aux installations existantes du secteur de l’électricité, pour les attribuer aux nouveaux entrants, tous secteurs confondus.
Cette proposition appelle un certain nombre de remarques de ma part.
Tout d’abord, pourquoi faire peser sur le seul secteur électrique cette réduction de quotas alloués ?
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. Marcel Deneux. Vous avez évoqué l’absence de concurrence internationale ; je ne partage pas ce point de vue. Quoi qu’il en soit, le secteur électrique ne représente qu’un cinquième du total des quotas. En diminuant de 5 % les quotas alloués, tous secteurs confondus, on obtiendrait le même résultat.
Mais surtout, le deuxième PNAQ prévoit déjà une procédure particulière pour les nouveaux entrants. L’an dernier, une réserve de quotas a été déterminée, essentiellement en prenant en compte les prévisions de nouvelles installations ou d’extensions d’installations.
Lors de réunions de concertation avec les industriels, il a été demandé aux fédérations professionnelles d’estimer le montant d’émissions de CO2 pour les nouveaux entrants, compte tenu de leur connaissance des investissements importants prévus à l’horizon 2008-2012.
La réserve de quotas nécessaire a été estimée, fort justement, à 2,74 millions de tonnes de CO2 par an. Je veux rappeler une clause de ce protocole, qui envisage le cas de figure que vous décrivez, à savoir l’insuffisance des quotas. Le protocole dispose que, dans le cas où le nombre de quotas mis en réserve serait insuffisant, le PNAQ prévoit que l’État peut se porter acquéreur de quotas pour compléter cette réserve. Cette mesure permet de faire face à la situation actuelle de la France et répond à la question relative à l’opportunité du sous-amendement n° 129.
En réalité, l’État ne peut pas assumer ce protocole parce qu’il ne veut pas ou ne peut pas payer. Si tel est le cas, il faut le dire clairement ! (M. Jean Desessard fait un signe d’assentiment.) Si l’on recherche une recette fiscale, de 100 millions d’euros, par exemple, reconnaissons-le et faisons preuve d’imagination pour les trouver. Ainsi, le Parlement délibérera dans la transparence, des arguments techniques moins fallacieux seront avancés et des vérités pourront être énoncées.
Enfin, en ce qui concerne la production d’énergie, le parc électrique français génère des émissions très faibles de CO2, du fait du recours massif à l’énergie nucléaire et aux énergies renouvelables pour la production d’électricité. Dès lors, il existe, dans notre production d’énergie, peu de gisements de réduction des émissions de dioxyde de carbone:
Voilà pourquoi j’adhère pleinement aux propos du rapporteur et de Dominique Braye.
Madame le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire que, dans la situation actuelle, une nouvelle réflexion s’impose. Autrement dit, il faut revoir la copie, car ce qui nous est proposé ne nous satisfait pas.
M. Ladislas Poniatowski. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous donner quelques précisions et quelques chiffres, afin de dissiper la confusion que j’ai laissé s’installer : le Gouvernement propose de vendre non pas des quotas d’électricité, mais des quotas de CO2.
Le secteur du nucléaire n’achète pas de quotas. Cela s’adresse donc au parc thermique, qui représente actuellement 10 % de la production électrique, mobilisés essentiellement pour gérer la pointe de consommation.
Le Gouvernement veut que 25 % de ces 10 % soient mis en vente : seuls 2,5 % de la production d’électricité seraient donc touchés par les enchères, et pas l’ensemble de la production. Le nucléaire, qui ne produit pas de CO2, n’est bien sûr pas concerné.
M. Ladislas Poniatowski. On n’a pas 10 % de thermique !
M. Ladislas Poniatowski. C’est beaucoup moins !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Ce pourcentage a d’ailleurs augmenté quelque peu, malheureusement. (M. Ladislas Poniatowski s’exclame.)
La question du prix a été soulevée. Le choix n’est pas fait de savoir s’il s’agira d’une vente à prix fixe ou d’une vente aux enchères. De toute façon, le prix ne serait pas supérieur à celui du marché, qui oscille actuellement entre 23 euros et 25 euros.
Si je fais un calcul « de coin de table », j’estime que cela représenterait environ 100 millions d’euros. Pour une entreprise ayant une capitalisation boursière de plus de 100 milliards d’euros, 100 millions d’euros pour 500 térawatt-heures, cela équivaut à 0,02 centime d’euro au kilowatt-heure, pas seulement au kilowatt-heure thermique, mais à tous les kilowatt-heures, puisqu’il y a mutualisation. Ce montant est très modeste.
Je reviendrai d’un mot sur la proposition de M. Braye d’une allocation des quotas par habitant. Certes, un tel système serait juste. Telle fut d’ailleurs la question préjudicielle que souleva la délégation indienne lors des négociations destinées à faire suite au protocole de Kyoto. À terme, le système international devra s’orienter dans cette direction.
Cependant, actuellement, il n’est pas organisé de cette manière. À l’intérieur de l’Union européenne, les quotas sont alloués en fonction des données historiques de production de gaz à effet de serre ; ce sont les objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre attendues dans le cadre du protocole de Kyoto qui prennent en compte les spécificités nationales d’aujourd’hui.
La France s’est vu allouer 130 millions de tonnes de CO2 par an, l’Allemagne 482, le Royaume-Uni 246 et l’Espagne 152. Si la quantité est inférieure dans notre pays, c’est effectivement parce qu’il produit moins de gaz à effet de serre.
M. Dominique Braye. On pénalise la vertu !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. En revanche, nous avons obtenu un engagement de stabilisation de nos émissions de gaz à effet de serre, là où l’Allemagne doit les réduire de 21 % et le Royaume-Uni, de 12 %. C’est sur la tendance à la diminution des émissions de gaz à effet de serre que l’argument nucléaire a joué.
Pour terminer, je préciserai que l’objectif du Gouvernement est non pas de récupérer 100 millions d’euros, mais de résoudre un problème très concret : celui, par exemple, d’une entreprise chimique ou papetière qui veut s’étendre. S’il n’est pas possible de lui faire une proposition, au titre des nouveaux entrants, pour un quota de CO2, elle ira s’installer ailleurs.
M. Dominique Braye. Cela s’est déjà vu avec Arcelor-Mittal !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je peux vous donner des exemples très concrets. J’ai été saisi de deux projets d’Arcelor-Mittal, l’un à Dunkerque, l’autre à Fos-sur-Mer. Des allocations sont-elles prévues pour les nouveaux entrants ou pour des extensions d’entreprises existantes ? J’ai également été saisi d’un projet d’extension de la papeterie Georgia-Pacific à Houdonville dans l’Eure, et de deux projets de sucrerie dans l’Aisne. Il s’agit de projets d’extension ou de projets de nouveaux entrants. Aucune réserve de quotas n’est prévue pour ces projets-là.
Que faire ? Tel est l’objet de ce sous-amendement. J’admets toutes les critiques, mais si la solution que propose le Gouvernement pour résoudre ce problème très concret est, certes, imparfaite, elle a le mérite d’exister. Il ne faut pas oublier qu’au-delà il y a de la croissance et de l’emploi.
M. François Fortassin. À quoi ça sert d’être vertueux ?
M. Dominique Braye. Répartir la pauvreté n’a jamais été de bonne méthode !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. À cet instant du débat, chacun d’entre vous, mes chers collègues, s’est exprimé sur ce sous-amendement et a fait part de ses inquiétudes.
Si la commission a émis un avis défavorable dans un premier temps, c’est parce que ce sous-amendement la préoccupe. En effet, contrairement à ce qu’a prétendu M. Desessard, la question des quotas d’émission de CO2 est suivie avec beaucoup d’attention par la commission, notamment par M. Braye.
À l’heure où notre pays est engagé dans une politique de construction ambitieuse – 550 000 logements sont construits chaque année, dont 100 000 logements sociaux –, il faut être attentif au fait que le besoin en matériaux est grand. De plus, il ressort du Grenelle de l’environnement qu’il faut développer les infrastructures, routières et autoroutières, mais aussi pour le transport du fret ferroviaire et fluvial. Là aussi, nous avons besoin de matériaux. Il serait tout de même regrettable que ces matériaux ne puissent pas être produits en France.
Il convient de rendre hommage aux gouvernements de droite qui ont décidé le développement de notre politique électronucléaire, puis sa relance, comme celui de M. Raffarin, à une époque où nombreux étaient ceux qui s’y opposaient. Aujourd’hui, chacun reconnaît ses vertus en termes de protection de l’environnement.
Il ne faudrait pas qu’une fois de plus nos entreprises soient pénalisées. La commission a auditionné des chefs d’entreprise, et, qu’ils soient cimentiers ou sidérurgistes, tous lui ont fait part de leurs vives inquiétudes : comme M. Braye le disait tout à l’heure, s’ils ne peuvent pas répondre à la demande du marché français depuis notre territoire, ils le feront de l’étranger, mais en étant conscients de perturber l’environnement par l’acheminement de ces matériaux.
Nous sommes parvenus à un moment crucial du débat. Aussi, monsieur le président, je demande une suspension de séance d’un quart d’heure – car nous avons une bonne connaissance de ce dossier – pour que nous puissions, en concertation avec Mme la secrétaire d’État, élaborer une réponse adaptée, peut-être – je n’ai pas d’idée préconçue – en rectifiant le sous-amendement, ainsi qu’elle l’a suggéré.
M. Ladislas Poniatowski. Le sous-amendement est scandaleux ! N’acceptez pas n’importe quel compromis, monsieur le président Emorine !
M. Dominique Braye. M. le président de la commission sait bien qu’il ne pourra pas faire passer n’importe quoi !
M. François Fortassin. Retrait du sous-amendement !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour tenter de sortir de la difficulté que nous rencontrons, je vais vous faire une proposition. Je le répète, je comprends tout à fait les réserves exprimées sur notre dispositif par la Haute Assemblée, notamment par la commission des affaires économiques. Cela étant, vous-mêmes pouvez comprendre le souci qui est le nôtre de ne pas avoir à refuser l’entrée sur le marché à de nouveaux entrants potentiels et, partant, de ne pas avoir à déplorer la délocalisation de projets industriels hors de notre territoire.
Dans le système que je vous propose, la fixation du niveau de réduction nécessaire des quotas alloués se ferait désormais sur une base annuelle et pourrait donc varier, année après année, en fonction des besoins, sans pour autant pouvoir dépasser la limite de 25 %. Ce taux, qui avait été initialement retenu comme une valeur figée, deviendrait ainsi une valeur plafond.
La réduction serait fixée tous les ans par décret, sur le fondement d’une évaluation annuelle, réalisée par les ministres chargés de l’environnement et de l’énergie. Ces deux fonctions sont aujourd'hui assurées par M. Borloo. Mais, dans l’hypothèse où elles seraient un jour dissociées, une telle précision nous garantit que tous les points de vue seront bien pris en compte.
Par conséquent, monsieur le président, je rectifie le sous-amendement n° 129, en modifiant ainsi le premier alinéa du I de l'article L. 229-10 du code de l'environnement : « La quantité totale annuelle de quotas d’émission allouée et délivrée aux installations existantes du secteur de l’électricité est réduite dans la limite de 25 % par rapport à la quantité prévue par le plan établi pour la deuxième période en application de l’article L. 229-8. La réduction qui en résulte à compter du 1er janvier 2009 est fixée chaque année par décret pris sur le fondement d’une évaluation annuelle, réalisée par les ministres chargés de l’environnement et de l’énergie, des besoins de quotas d’émission destinés à être affectés aux exploitants d’installations dont la mise en service est prévue dans le courant des années suivantes ainsi qu’à ceux dont l’autorisation viendrait à être modifiée au cours de la même période, et non couverts par la réserve de quotas prévue par le plan visé ci-dessus. »
J’espère que cette proposition pourra tous nous rassembler.
M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 129 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Avant le 3° du I de l'amendement n° 44, insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
2° bis L'article L. 229-10 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 229-10. - I. - La quantité totale annuelle de quotas d'émission allouée et délivrée aux installations existantes du secteur de l'électricité est réduite dans la limite de 25 % par rapport à la quantité prévue par le plan établi pour la deuxième période en application de l'article L. 229-8. La réduction qui en résulte à compter du 1er janvier 2009 est fixée chaque année par décret pris sur le fondement d'une évaluation annuelle, réalisée par les ministres chargés de l'environnement et de l'énergie, des besoins de quotas d'émission destinés à être affectés aux exploitants d'installations dont la mise en service est prévue dans le courant des années suivantes ainsi qu'à ceux dont l'autorisation viendrait à être modifiée au cours de la même période, et non couverts par la réserve de quotas prévue par le plan visé ci-dessus.
« Les ministres soumettent au plus tard le 31 octobre de chaque année l'évaluation des besoins de l'année suivante à l'avis de la commission d'examen du plan national d'affectation des quotas de gaz à effet de serre.
« II. - Les quotas d'émission qui ne sont plus alloués par application du I peuvent être vendus dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
« III. - À compter du 1er janvier 2009, pour les exploitants d'installations du secteur de l'électricité autorisées au cours de la durée du plan et ceux dont l'autorisation viendrait à être modifiée, la quantité de quotas affectée et délivrée dans les conditions définies au V de l'article L. 229-8 est réduite dans les mêmes proportions qu'au I par rapport à ce qu'elle aurait été en application du plan établi pour la deuxième période. »
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Au cours de la suspension de séance, nous avons essayé de trouver le moyen de sortir du dilemme auquel nous sommes confrontés. Toutefois, comme l'ensemble de mes collègues de la commission des affaires économiques, je reste plutôt indisposé par ce genre de sous-amendement.
M. Ladislas Poniatowski. Absolument ! Il faut voter contre !
M. Jean Bizet, rapporteur. Madame la secrétaire d'État, je vous rassure, un tel malaise est antérieur au présent texte. Il date de l’époque où ont été fixés et distribués les quotas « d’origine », avec les disparités que l’on connaît entre la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Je ne rappellerai pas les chiffres, mais force est de constater que de tels écarts n’étaient pas convenables, les montants alloués ne prenant pas en compte la notion d’énergie électrique produite à partir de la filière nucléaire.
Malgré tout, et je reviens sur ce que Mme la secrétaire d'État disait tout à l’heure, dans le cadre de la période qui s’annonce, celle du PNAQ II, l’Allemagne sera contrainte de diminuer de 21 % ses émissions de CO2. Les quotas qui lui ont été alloués s’élèveront ainsi à 482 millions de tonnes. Parallèlement, la France ne sera pas tenue de diminuer les siens.
Je prends acte également de la dimension économique évoquée, en termes de croissance et d’emploi, par Mme la secrétaire d’État.
La commission n’a pas pu se prononcer sur ce sous-amendement rectifié. À titre personnel, j’y suis assez favorable, d’autant qu’il est prévu que la fixation annuelle, qui tend à « coller » au plus près à la réalité afin de ne pas handicaper notre pays ainsi que les entreprises ayant choisi de s’y implanter et de s’y développer, sera réalisée par les ministres en charge de l’environnement et de l’énergie, et non par le seul ministre de l’environnement.
Chaque année, au plus tard à la date du 31 octobre, l’évaluation des besoins de l’année suivante sera fixée dans la limite de 25 %. Dans ces conditions, nous pourrons obtenir des quotas supplémentaires.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Je comprends bien l’embarras de Mme la secrétaire d’État face à cette situation quelque peu insolite. Toutefois, ce replâtrage ne change strictement rien au fond de l’affaire. En l’occurrence, madame la secrétaire d’État, vous ne parviendrez à convaincre personne.
Avec ce type de replâtrage, vous allez néanmoins sans doute parvenir à faire adopter votre sous-amendement. Mais la commission des affaires économiques, qui avait étudié ce dossier en détail, va se ridiculiser, et je ne parle pas de l’ensemble de la représentation nationale. Je vous le dis sans méchanceté : ce n’est pas un moment glorieux de la vie de notre République !
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Je déplore le fléchissement de M. le rapporteur. (M. Jean Desessard s’esclaffe.)
Mme Évelyne Didier. Pourtant, il a du mal à fléchir !
M. Ladislas Poniatowski. La rectification apportée au sous-amendement du Gouvernement ne change rien !
Prévoir que la quantité totale annuelle de quotas d’émission allouée sera réduite « dans la limite de 25 % » ou « de 25 % », comme dans la rédaction initiale, cela revient au même. Il suffira en effet, chaque année, de fixer la barre au maximum, à savoir 25 %. Je regrette donc que notre rapporteur ne s’en soit pas tenu à la position initiale de la commission des affaires économiques.
Madame la secrétaire d’État, malgré tout le respect que je vous dois et l’affection que je vous porte,...
M. Jean Bizet, rapporteur. Ça commence mal !
M. Ladislas Poniatowski. ...je tiens à vous dire que votre sous-amendement est un mauvais coup porté au secteur électrique français. (Mme Évelyne Didier s’exclame.)
En ce domaine, la France est exemplaire, et je serais même tenté de dire qu’elle est vertueuse. Vous n’ignorez pas qu’un contentieux oppose pourtant notre pays à la Commission de Bruxelles, qui conteste le poids de notre électricité d’origine nucléaire par rapport à celle provenant d’autres sources d’énergie. Ce contentieux porte notamment sur le prix de l’électricité. Pour notre part, nous considérons que nous sommes capables de produire de l’électricité propre, qui ne dégage pas de CO2, à un prix qui prend en compte tous les coûts.
Avec ce sous-amendement, non seulement vous tapez le secteur électrique, mais vous donnez également des arguments aux anti-nucléaires français et à la Commission de Bruxelles, qui est hostile à l’électricité produite « à la française ».
Par ailleurs, pourquoi serait-il si urgent de voter ce sous-amendement ? Je ne sais pas ! (M. Dominique Braye acquiesce.)
Parmi les exemples que vous avez cités, madame la secrétaire d’État, je connais celui de Georgia-Pacific, à Hondouville. Or, cette entreprise ne connaît aucun problème d’installation lié aux quotas de CO2, mais seulement un souci de permis de construire. Cet exemple était donc mauvais.
En fait d’urgence, nous ne sommes pas à deux ou trois mois près. Je suis d’accord avec Marcel Deneux, qui suggérait de prendre le temps de la réflexion. D’autres textes relevant de votre responsabilité et de votre compétence, notamment celui qui fait suite au Grenelle de l’environnement, seront présentés prochainement au Parlement. Prenez donc le temps d’étudier cette question et vous pourrez alors nous présenter d’autres arguments.
En cet instant, je reste sur la position adoptée initialement par la commission des affaires économiques. La rectification que vous avez apportée à votre sous-amendement n’en est pas une, madame la secrétaire d’État. Mon hostilité reste donc intacte par rapport à la première rédaction.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Contrairement à ce que vous affirmez, il y a bien urgence si l’on considère la date butoir du 31 octobre. Il nous faudra bouger avant le 1er janvier 2009.
Si nous voulons travailler sur une base annuelle et ajuster au plus près, nous devons définir les objectifs pour l’année prochaine. C’est le sens de la date butoir du 31 octobre prévue dans le sous-amendement n° 129 rectifié.
Si nous fixons de façon systématique le pourcentage de quotas à 25 % à partir du 1er janvier, nous disposons d’un délai de six mois. En revanche, si nous choisissons de travailler sur une base annuelle, méthode plus fine qui répond à certaines des remarques que vous avez faites et qui permet d’ajuster au plus près, cela nous prendra plus de temps et nous sommes donc encore davantage dans une situation d’urgence.
Si nous voulons que tout soit prêt à la date du 31 octobre, cette disposition doit être adoptée aujourd’hui. La loi Grenelle prendra plus de temps !
M. Ladislas Poniatowski. Mais ne faites pas payer les électriciens ! Si c’est vraiment urgent, trouvez une autre formule ! C’est une très mauvaise solution !
M. Jean Desessard. Je sais qu’il s’agit d’un débat interne à l’UMP, mais je voudrais intervenir ! (Sourires.)
M. le président. Votre tour viendra, monsieur Desessard.
La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
M. Marcel Deneux. Sans doute ai-je la tête trop dure, mais je ne suis pas convaincu par les arguments que je viens d’entendre. Certains d’entre eux sont d’ailleurs faux et n’auraient pas dû être employés.
Le PNAQ, tel qu’il a été prévu, est un outil parfait, qui permet de régler toutes les situations. Je l’ai déjà dit, la seule question qui se pose est de savoir si l’État peut, ou non, payer. C’est cela, le fond du débat ! Tout le reste est littérature.
Je suis d’accord avec Ladislas Poniatowski : il n’y a pas d’urgence à traiter cette question. Pour quelle raison vous entêter, madame la secrétaire d’État, au risque de créer un incident ?
Retirez ce sous-amendement et nous pourrons discuter de cette proposition plus tard dans la sérénité.
M. Ladislas Poniatowski. Tout à fait !
M. Marcel Deneux. Entre autres arguments, vous avez invoqué le potentiel des autres pays. Je refuse de dire que la France a été maltraitée lors de l’attribution des quotas. En effet, cela signifierait que nos négociateurs, qui sont des fonctionnaires de très grande qualité, se sont fait rouler, ce qui n’est pas vrai.
M. Dominique Braye. Si ! Ils se sont laissé rouler !
M. François Fortassin. Ils ont été roulés dans la farine !
M. Marcel Deneux. On ne peut pas utiliser ce genre d’arguments. Cette négociation a été très bien menée !
Je souhaite que l’on agisse avec sagesse, que le Gouvernement retire le sous-amendement n° 129 rectifié et que nous puissions discuter, entre personnes civilisées, en utilisant de véritables arguments. Si ce n’est pas possible, nous serons obligés de voter contre ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Compte tenu de l’intervention de M. Deneux, je souhaite ajouter un argument. Avant d’approuver de manière définitive le Plan national d’affectation des quotas, la Commission attend que la France adopte une position sur la question des nouveaux entrants. En l’état actuel des choses, l’approbation de la Commission est donc suspendue à cette position française.
Nous ne pouvons pas continuer à travailler sur la base de notre PNAQ, en renonçant à ajuster. La Commission a identifié le problème et attend que nous trouvions une solution : nous sommes donc bien dans une situation d’urgence par rapport à la date butoir du 31 octobre.
M. Thierry Repentin. Il n’y a pas de mise en demeure !
M. Ladislas Poniatowski. Trouvez une autre solution !
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Je ne déplore pas, pour ma part, l’évolution de M. le rapporteur, car il doit gérer la globalité du texte. Mais j’en appelle solennellement au président de la commission des affaires économiques : notre commission a pris une position et celle-ci demeure.
Si l’obstination est une qualité, l’entêtement est un défaut, madame la secrétaire d’État. Retirez ce sous-amendement ! Une lecture doit avoir lieu à l’Assemblée nationale et une commission mixte paritaire sera réunie : vous avez donc tout le temps de faire adopter une disposition.
Évitez de vous faire battre, et par-là même de faire battre le Gouvernement, par la majorité ! De toute façon, vous n’avez convaincu personne. Comment le pourriez-vous ?
Par ailleurs, je tiens à insister sur une question de forme. Monsieur le président de la commission, il n’est pas possible de travailler sur des sujets aussi importants à l’occasion d’une suspension de séance d’un quart d’heure et de rédiger un sous-amendement sur un coin de table ! Redonnons un peu de crédibilité à nos travaux ! Pour y parvenir, il suffit que le Gouvernement retire son sous-amendement. À défaut, nous voterons contre, à l’unanimité ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. le président de la commission des affaires économiques nous avait dit que le débat était bien préparé, que les sujets étaient maîtrisés et que tout allait bien se passer. Or nous travaillons dans la précipitation et nous assistons à un débat en direct entre le groupe de l’UMP et le Gouvernement, et même entre les membres de l’UMP.
M. Dominique Braye. C’est la démocratie ! Nous n’avons pas le petit doigt sur la couture du pantalon, monsieur Desessard !
M. Jean Desessard. Je suis prêt à voter votre sous-amendement, madame la secrétaire d’État, mais cela n’arrangera pas vos affaires ! (Sourires.) Cela ne changera pas non plus grand-chose au vote.
Comme l’a dit M. Deneux, il est ennuyeux que vous invoquiez la défense de l’environnement s’agissant de l’énergie thermique et de la production d’électricité. Nous pourrions être favorables, après tout, à la taxation de l’énergie thermique en proportion de ses émissions de gaz à effet de serre. Mais la véritable question est de savoir qui a 100 millions d’euros et, surtout, qui va payer. Et là, nous en revenons à la situation de juillet dernier, lorsque la majorité, sans débattre et dans un élan unanime, a accordé 15 milliards d’euros aux Français les plus riches. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Bécot. Ça n’a rien à voir !
M. Jean Desessard. Mais si ! Désormais, vous êtes coincés, vous ne pouvez plus rien faire ! (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.) Vous en êtes réduits à rechercher 100 millions d’euros et vous voulez faire payer les électriciens !
Ce matin, j’ai rencontré M. Martin Hirsch qui m’a dit que pour le RSA on a un peu d’argent mais que s’il en faut plus, ce sera au détriment de la prime pour l’emploi, c’est-à-dire sur le dos des smicards.
Ainsi, à avoir voulu suivre M. Sarkozy en engageant, en début de quinquennat, on ne sait pourquoi, cette dépense inutile de 15 milliards d’euros, vous êtes maintenant coincés !
Il ne s’agit plus d’un débat sur la responsabilité environnementale, il s’agit de savoir comment économiser petit à petit, semaine après semaine, mois après mois, pour essayer de récupérer les 15 milliards d’euros ainsi dilapidés ?
Mme Christiane Hummel. C’est n’importe quoi !
M. Dominique Braye. Monsieur Desessard, vous seriez mieux sur les planches du TNP !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Monsieur Braye, vous avez annoncé un vote unanime. Laissez au moins au groupe socialiste le soin d’arrêter sa propre position ! Certes, il n’est pas exclu de vous rejoindre, après réflexion, notamment s’il s’agit de dire au Gouvernement qu’il ne nous donne pas les moyens de travailler sérieusement sur une question fondamentale.
Il est assez cocasse de voir le Gouvernement supplier le Parlement d’accorder cette autorisation qui pose un vrai problème de fond. On voit les risques que l’on prend à privilégier la transposition d’une directive par ordonnance, et donc à ne pas travailler en amont avec le Parlement. C’est une belle illustration de la nécessité de faire travailler les parlementaires en confiance, dans la transparence, sur des sujets qui nous concernent tous sur nos territoires, quelle que soit notre appartenance politique.
Pour légiférer en toute connaissance de cause sur cette question, nous avons besoin d’une évaluation parlementaire. Il est courant d’entendre, autour du zinc du café du Commerce, que les élus n’assument pas les conséquences de leurs actes. Pour pouvoir le faire, encore faudrait-il leur donner une étude d’impact !
Si l’adoption de ce sous-amendement conduit à faire payer les électriciens français, je sais qu’au-delà, sur le territoire national, leurs clients, particuliers ou non, seront impactés. Élu d’un territoire de montagne avec beaucoup d’industrie électro-intensive, je voudrais savoir si cela a une répercussion. Or aujourd’hui, faute de temps, personne n’est en mesure de me répondre.
Madame la secrétaire d’État, je vous réitère donc ma proposition, certes un peu iconoclaste, de retirer votre sous-amendement pour donner à nos collègues députés la chance que nous n’avons pas eue de travailler sérieusement et dans la « décence », pour reprendre le propos de l’un de nos collègues parlementaires.
M. Dominique Braye. C’est la sagesse !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Une fois n’est pas coutume, je vais remercier mes collègues de l’UMP qui ne veulent pas s’associer à ce vote. En effet, si les élus siégeant sur les travées de l’opposition avaient été les seuls à reprocher le manque de temps pour travailler et l’absence de sérieux de la méthode, on se serait moqué d’eux, les taxant d’opposition systématique !
M. Dominique Braye. C’est parce que vous le dites aussi quand il n’y a pas lieu ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Évelyne Didier. Mon cher collègue, ce qui apparaît ici, c’est notre difficulté à travailler normalement.
L’enjeu, pour la majorité, c’est de choisir où prendre l’argent. Dans les caisses de l’État, que l’on dit vides ? Dans la poche des électriciens, mais au risque d’un report sur le prix de l’électricité ?
Ma position est simple : non seulement je ne voterai ni contre, ni pour, mais je refuse de participer à un vote de ce type. Je ne participe pas au vote !
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Plusieurs membres de la commission m’ont interpellé sur le fait que la commission n’a pas examiné la rectification de ce sous-amendement. Mais ce n’est pas la première fois que se produit une rectification en séance d’un amendement ou d’un sous-amendement. Le débat montre bien que chacun a ses propres réactions.
Cela étant, après avoir entendu tous les intervenants, je suggère à Mme la secrétaire d’État de réserver ce sous-amendement, pour laisser le temps d’apporter des précisions, même si nous sommes plusieurs à être bien informés sur les quotas d’émission de CO2. Mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui dépasse la sphère de l’UMP – même s’il nous arrive d’être en désaccord entre nous, c’est la démocratie. C’est bien dans cette enceinte que nous allons prendre une décision, si le Gouvernement maintient ce sous-amendement. C’est cela, la démocratie !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. J’entends bien la demande qui monte de toutes les travées d’avoir plus de temps pour travailler sur cette proposition. Vous connaissez désormais les données du problème, mais aussi le calendrier, qui, je le redis, est assez serré.
Je suis consciente que les choses ne sont pas mûres. Aussi, je retire ce sous-amendement. Je suggère à la commission de retravailler avec le ministre en charge de l’énergie sur ces questions pour arriver à une proposition satisfaisante, que vous pourriez examiner à l’automne, éventuellement dans le cadre du projet de loi de finances. C’est à vous de voir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. Quoi qu’il en soit, le débat aura été utile.
Le sous-amendement n° 129 rectifié est retiré.
Monsieur le rapporteur, l’amendement n° 44 est-il maintenu ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Il l’est, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
L'amendement n° 45 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 522-18 du code de l'environnement, sont soumis aux dispositions du présent article, jusqu'à ce qu'ils soient soumis à l'autorisation prévue à l'article L. 522-4 du même code, les produits biocides, au sens de l'article L. 522-1 dudit code, suivants :
1° Les produits biocides destinés à l'assainissement et au traitement antiparasitaire des locaux, matériels, véhicules, emplacements et dépendances utilisés :
a) Pour le transport, la réception, l'entretien et le logement des animaux domestiques ou pour la préparation et le transport de leur nourriture, à l'exception des désinfectants utilisés soit contre les maladies contagieuses du bétail soumises à déclaration obligatoire, soit contre celles qui font l'objet d'une prophylaxie collective organisée par l'État ;
b) Pour la récolte, le transport, le stockage, la transformation industrielle et la commercialisation des produits d'origine animale et végétale ;
c) Pour la collecte, le transport et le traitement des ordures ménagères et des déchets d'origine animale ou végétale ;
2° Les produits biocides rodenticides.
II. - 1° Dans l'intérêt de la santé publique et de l'environnement, l'autorité administrative peut interdire l'utilisation de ces produits ou limiter ou déterminer leurs conditions d'utilisation ;
2° Tout produit visé au I n'est mis sur le marché, au sens du V de l'article L. 522-1 du code de l'environnement, que s'il a fait l'objet d'une autorisation transitoire délivrée par l'autorité administrative et des déclarations prévues aux articles L. 522-13 et L. 522-19 de ce même code.
Cette autorisation transitoire est délivrée à condition que :
a) La ou les substances actives contenues dans le produit figurent, pour le type d'usage revendiqué, sur les listes mentionnées à l'annexe II du règlement communautaire (CE) n° 1451/2007 de la Commission, du 4 décembre 2007, concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l'article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits biocides ;
b) Aucune des substances actives contenues dans le produit ne fasse l'objet d'une interdiction de mise sur le marché ayant pris effet à la suite d'une décision de non inscription sur les listes communautaires mentionnées à l'article L. 522-3 dudit code ;
c) Le produit soit suffisamment efficace dans les conditions normales d'utilisation, contienne une teneur minimale en amérisant pour les produits rodenticides et respecte les conditions d'étiquetage des produits biocides prévues à l'article L. 522-14 dudit code.
3° L'utilisation des produits visés au I dans des conditions autres que celles prévues dans la décision d'autorisation transitoire et mentionnées sur l'étiquette est interdite ;
4° L'octroi de l'autorisation transitoire n'a pas pour effet d'exonérer le fabricant et, s'il est distinct, le titulaire de cette autorisation, de la responsabilité que l'un ou l'autre peut encourir dans les conditions du droit commun en raison des risques liés à la mise sur le marché de ce produit pour l'environnement, la santé de l'homme et des animaux.
Les modalités d'application du présent paragraphe sont fixées par décret en Conseil d'État.
III. - 1° Les dispositions du chapitre II du titre II du livre V du code de l'environnement s'appliquent aux produits visés au I du présent article, à l'exception du 1° et du 2° du I et du 1° du II de l'article L. 522-16 de ce même code ;
2° Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de mettre sur le marché un produit biocide visé au I sans l'autorisation transitoire prévue au II du présent article.
Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait d'utiliser un produit biocide visé au I non autorisé en application de ce même II.
IV. - Sans préjudice de l'article L. 522-18 du code de l'environnement, les autorisations délivrées aux produits biocides visés au I du présent article dans les conditions prévues par l'article 7 de l'ordonnance n° 2001-321 du 11 avril 2001 relative à la transposition de directives communautaires et à la mise en œuvre de certaines dispositions du droit communautaire dans le domaine de l'environnement, et non échues à la date d'entrée en vigueur du présent article, sont prorogées jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article L. 522-4 de ce même code pour ces produits.
V. - Les dépenses résultant de la conservation, de l'examen, de l'exploitation et de l'expertise des informations fournies dans les dossiers de demandes d'autorisations transitoires mentionnées au II, ou des essais de vérification, peuvent être mises à la charge des producteurs, des importateurs ou des responsables de la mise sur le marché.
VI. - À compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, à l'article 7 de l'ordonnance n° 2001-321 du 11 avril 2001 relative à la transposition de directives communautaires et à la mise en œuvre de certaines dispositions du droit communautaire dans le domaine de l'environnement, ratifiée par la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, les mots : « ils restent en vigueur » sont remplacés par les mots : « ce dernier article reste en vigueur ».
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle ainsi rédigée :
Chapitre IV
Dispositions relatives aux produits biocides
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. D’origine européenne, la réglementation relative à la mise sur le marché de produits biocides, destinés à repousser ou détruire les organismes nuisibles, prévoit une procédure en deux temps : tout d’abord, une évaluation à l’échelle communautaire des substances actives donnant lieu à leur inscription, le cas échéant, dans l’une de ses annexes ; ensuite, la délivrance, à l’échelle nationale, d’une autorisation de mise sur le marché des produits comportant ces substances.
En France, cette délivrance est réalisée par le ministère en charge de l’environnement, sur la base de l’analyse technique des produits réalisée par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, dont nous a souvent parlé notre collègue Desessard.
Toutefois, une période transitoire a été prévue pour les produits comportant des substances qui ne sont pas encore inscrites au niveau communautaire : ils peuvent néanmoins bénéficier d’une autorisation transitoire de mise sur le marché.
Parmi ces produits, certains, de nature agricole ou agroalimentaire, font l’objet d’une procédure spécifique puisque l’autorisation provisoire est délivrée par le ministère en charge de l’agriculture, après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA.
Coexistent donc deux procédures – l’une transitoire, l’autre pérenne – et deux autorités administratives – le ministère en charge de l’environnement et celui qui est en charge de l’agriculture – pour gérer ces produits biocides. Cela est source de confusion et de complexité pour les professionnels concernés.
Le présent amendement tend donc à simplifier ce système en transférant compétence au ministère chargé de l’environnement pour délivrer les autorisations transitoires de mise sur le marché jusqu’alors octroyées par le ministère de l’agriculture, sans modifier en pratique le dispositif d’encadrement réglementaire de ces produits. Cela ne fait qu’anticiper ce qui se passera à l’échéance de 2012.
M. le président. Le sous-amendement n° 131, présenté par M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le V de l'amendement n° 45 rect., remplacer les mots :
peuvent être mises à la charge des producteurs,
par les mots :
sont mises à la charge
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Au risque d’être redondant, je vais faire une nouvelle remarque de forme. Nous sommes parvenus à l’amendement sur les produits biocides, dont l’étymologie même donne le ton : « tuer la vie ».
Non seulement ces produits ne sont pas assez étudiés sur le plan toxicologique, mais nous en sommes à la préhistoire de la connaissance. Savons-nous bien la différence entre biocides, pesticides, ou phytosanitaires ? M. le président de la commission des affaires économiques ne manquera pas d’affirmer suffisamment posséder ces matières pour ne pas avoir besoin d’y réfléchir davantage.
En toute honnêteté, comment prétendre maîtriser tous les impacts de cette transposition de la directive ? Il n’est pas acceptable de manipuler des sujets aussi graves de manière aussi rapide et aussi cavalière !
Par mon sous-amendement, je propose de remplacer les mots « peuvent être mises à la charge des producteurs » par les mots « sont mises à la charge ». Autrement dit, il s’agit d’instaurer une obligation. C’est la base même de la responsabilité que d’assumer l’évaluation des produits que l’on fabrique, importe ou diffuse.
Sur le terrain environnemental, il faut avoir le même souci de sécurité que pour la fabrication des jouets. Ce n’est pas aux pouvoirs publics dont le budget est compté de financer les obligations des géniaux inventeurs des molécules à risque !
Dans son discours d’Orléans, même le très libéral Président de la République a précisé que la charge de la preuve revenait aux entreprises. Celles-ci doivent payer les impacts des produits. De même qu’on demande aux fabricants de tester tous les jouets qu’ils vont mettre sur le marché, les biocides doivent être testés. La charge de la sécurité revient à l’exploitant, c’est-à-dire à l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. La disposition que vise ce sous-amendement permet à l’État de rétablir un fondement légal clair pour percevoir les redevances et taxes en vue d’instruire les demandes d’autorisation transitoire des produits biocides.
Le sous-amendement tend à rendre cette taxation obligatoire. Au premier abord, il nous semble qu’une telle disposition serait inutilement contraignante dans certains cas, par exemple, s’il s’agit de dossiers peu complexes n’exigeant pas un traitement lourd de la part de l’administration ou bien lors de renouvellements d’autorisations.
Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement. La commission n’a pas eu le temps d’examiner ce sous-amendement, mais je n’ai pas un a priori très favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 45 rectifié et défavorable au sous-amendement n° 131. Sur ce dernier, la position du Gouvernement rejoint celle de la commission : effectivement, la disposition prévue par l’amendement que vous proposez, applicable aux autorisations transitoires pour certains produits biocides, est identique à celle qui est prévue pour les autorisations de droit commun à l’article L. 522-8 du code de l’environnement. Il ne nous paraît donc pas justifié, contrairement à ce que prévoit ce sous-amendement, de faire peser une charge plus lourde sur les demandeurs d’autorisations transitoires.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 131.
M. Jean Desessard. Avec la multitude de produits qui portent atteinte à l’environnement, l’administration n’aura pas le temps de tout contrôler, et il sera parfois trop tard. C’est la raison pour laquelle il faut imposer aux entreprises de tester les produits.
M. Dominique Braye. Elles ne peuvent pas être juge et partie !
M. Jean Desessard. Mais comment allez-vous faire ? La seule solution, c’est que le coût du contrôle soit supporté par l’entreprise !
Ce sous-amendement vise à faire prendre toutes les précautions en amont, sans attendre qu’il y ait des dégâts.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l’amendement n° 45 rectifié.
Mme Odette Herviaux. Après avoir écouté tous ceux qui se sont exprimés sur le sujet, je voudrais revenir sur l’excellente intervention d’hier de mon collègue Thierry Repentin, lorsqu’il a défendu la motion de renvoi à la commission.
Mme la secrétaire d’État avait alors exprimé son incompréhension face à notre demande, mais il me semble que les débats qui ont eu lieu tout à l’heure prouvent le bien-fondé d’un tel renvoi à la commission.
En effet, si, globalement, le texte est connu, il reste que la partie que nous abordons maintenant nous a été « livrée » très tardivement, et elle suscite beaucoup d’interrogations.
Le problème est le suivant : si l’on compare l’amendement n° 45 rectifié et le 6° de l’amendement n° 97 du Gouvernement, qui souhaite procéder par ordonnance, on ne sait plus trop quelle position adopter.
Dès lors, vous l’aurez compris, nous sommes pour le moins perplexes et, même si nous pouvons concevoir que cela traduit une certaine fébrilité, nous considérons que vous auriez tout de même dû prendre le temps d’y mettre bon ordre.
Il est un dernier point sur lequel je m’interroge : l’amendement de la commission vise à renforcer le rôle de l’AFSSET dans les procédures, alors que récemment, au cours d’une conférence de presse, la directrice générale de cette agence avait déclaré ne pas savoir quel serait l’avenir de l’agence dans les mois à venir. Elle ignore aujourd’hui, comme nous, d’ailleurs, ce que contiendra la révision des politiques publiques décidée par le Gouvernement. D’aucuns pensent que l’AFSSA et l’AFSSET pourraient fusionner.
Dans ces conditions, chacun comprendra que nous nous opposions à un amendement qui, sous couvert d’une simplification de la procédure, opère des changements fondamentaux, y compris jusque dans le domaine de la réorganisation des agences sanitaires, ce qui nous semble évidemment prématuré et limite une fois encore le rôle du Parlement, ce que nous regrettons.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, compte tenu de la difficulté que nous éprouvons à travailler sur ce texte, je ne sais si c’est bon ou mauvais, ni si on peut amender de manière juste. C’est la raison pour laquelle, honnêtement, je ne puis participer au vote. Ne voulant pas m’élever contre ce texte, au cas où ce dernier se révélerait positif, je m’abstiendrai donc.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.
L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Braye, Vasselle, Merceron, P. André, Vial, Soulage, Hérisson, Détraigne et Beaumont, Mmes Bout et Desmarescaux et M. Gerbaud, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° L'article L. 541-10-2 est ainsi modifié :
a) À la fin du troisième alinéa, les mots :
« de ces déchets »
sont remplacés par les mots :
« des déchets collectés sélectivement issus des équipements électriques et électroniques ménagers mis sur le marché avant le 13 août 2005 » ;
b) Dans le quatrième alinéa, les mots :
« de ces déchets »
sont remplacés par les mots :
« des déchets d'équipements électriques et électroniques ménagers » ;
2° Le I de l'article L. 541-46 est complété par un 13° ainsi rédigé :
« 13° Ne pas respecter les prescriptions édictées en application de l'article 7 du règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 modifié concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CE. »
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre ....
« Dispositions relatives aux déchets »
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Cet amendement a été cosigné par la quasi-totalité des membres du groupe d’études sur la gestion des déchets.
L’objet de cet amendement est de mettre en conformité les dispositions législatives françaises avec la directive européenne 2002/96/CE. À la veille de la présidence française de l’Union européenne, cette mise en conformité m’apparaît en effet plus que jamais nécessaire.
En effet, cette directive européenne institue le principe de la REP, la responsabilité élargie des producteurs, pour les équipements électriques et électroniques. Les producteurs sont donc tenus d’organiser et de financer la collecte et le traitement des déchets d’équipements recueillis par les collectivités et les distributeurs.
La solution retenue pour le financement de cette filière réside dans l’internalisation par le producteur des coûts d’élimination dans les prix des produits mis sur le marché. Ce ne seront donc plus les collectivités locales ou les contribuables qui paieront, mais bien le consommateur.
La première partie de l’amendement vise à répondre à une mise en demeure de la Commission européenne qui faisait suite à un avis motivé de mettre en conformité les dispositions législatives avec cette directive sur les déchets, la prochaine étape étant la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes.
L’amendement a donc pour objet de préciser, conformément aux dispositions de cette directive, que les coûts unitaires supportés pour l’élimination des déchets communiqués au consommateur final lors de l’achat d’un nouvel équipement se rapportent à l’élimination des seuls déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers issus d’équipements mis sur le marché avant le 13 août 2005. Il s’agit là d’une mesure d’ordre, sans incidence significative à court terme pour les distributeurs de matériel, car il ne devrait pas y avoir beaucoup de produits éliminés avant 2011, lorsque cette directive sera soumise à une nouvelle discussion, tant il est vrai que ces produits ont une durée de vie très souvent supérieure à six ans.
Pour ce qui est de la seconde partie de l’amendement, il s’agit d’achever l’adaptation de notre législation au règlement européen concernant les polluants organiques persistants en prévoyant une sanction pénale en cas de non-respect de ces dispositions, ce qui devrait faire plaisir à notre collègue Jean Desessard.
Je rappelle que ce règlement, qui est d’application directe, invite les producteurs et détenteurs de déchets, d’une part, à éviter la contamination des déchets par les polluants organiques persistants les plus dangereux et, d’autre part, à traiter sans délai et dans les conditions fixées par le règlement les déchets contenant ces produits ou contaminés par eux de façon qu’ils ne présentent plus les caractéristiques de polluants organiques persistants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement visant à mettre la France en conformité avec ses obligations communautaires, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis favorable, car cet amendement permet à la France de répondre à une mise en demeure de la Commission européenne pour mauvaise transposition de la directive portant sur les déchets d’équipements électriques et électroniques.
La première partie, vous l’avez souligné, mon cher collègue…
M. Dominique Braye. Vous me flattez !
M. Thierry Repentin. Ou à l’avenir ! (Sourires.)
M. le président. Le passé et l’avenir se rejoignent toujours quelque part, dans l’éternité !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Nous sommes tous en « CDD », si je puis dire. Nous prendrons l’avenir tel qu’il viendra. Pour ma part, ce sera un plaisir de retrouver éventuellement un jour les travées du Sénat. En tout état de cause, comme membre du Gouvernement ou comme sénateur, on apprécie toujours les débats qui ont lieu dans cet hémicycle.
Je disais donc que la première partie de cet amendement n’entraînera dans les faits aucune conséquence pour les collectivités et les éco-organismes, puisque le décret d’application du 20 juillet 2005 a anticipé cette modification. En outre, ce dernier porte uniquement sur l’affichage visible ou non des contributions et ne touche pas au niveau ou au reversement aux collectivités de ces contributions.
Quant à la seconde partie de l’amendement, elle prévoit la mise en place de sanctions pénales pour éviter la contamination des déchets par les polluants organiques persistants, notamment les plus polluants d’entre eux.
Cela nous évitera, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous retrouver en position de mauvais élève lors des discussions qui vont commencer sur la révision de cette directive.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. La semaine dernière, le rapporteur préférait, me semble-t-il, s’abstenir de toute proposition sur ce sujet.
Le groupe d’études sur la gestion des déchets compte en son sein quelques représentants socialistes, qui n’ont pas été sollicités plus tôt que les autres sénateurs.
Or nous savons que cette directive a été transposée complètement en droit français et que des mesures pénales sont prévues en cas de non-respect des dispositions prévues à l’article 25 du titre VI du décret 2005-829 du 20 juillet 2005 relatif à la composition des équipements électriques et électroniques et à l’élimination des déchets qui en sont issus.
Je voudrais maintenant revenir sur un point plus précis.
Lorsque nous avons rencontré, la semaine passée, les représentants du ministère, notre collègue Jean-Marc Pastor avait posé une question concernant le consommateur payeur au moment de l’achat de manière à pouvoir éliminer les déchets, qu’il s’agisse des déchets 3D ou autres. Cette question était la suivante : est-ce l’entreprise, et selon quel système, qui participe effectivement à l’élimination des déchets ou est-ce le consommateur final qui paye la totalité de l’opération ?
D’après ce que j’ai cru comprendre, le consommateur paie et, par la suite, il peut soit rapporter son appareil défectueux au magasin où il l’a acheté, soit s’en débarrasser dans une déchetterie, auquel cas l’opération est financée par les collectivités, même si une aide est apportée par Eco-Emballage.
Mon collègue Jean-Marc Pastor posait donc une question très précise à ce sujet et n’a pas obtenu de réponse. Aussi, je souhaiterais que vous puissiez lui répondre aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. S’agissant du groupe d’études sur la gestion des déchets, je fais confiance aux représentants socialistes qui en font partie pour être parfaitement au courant de ces problèmes. Je ne prétends pas être plus compétent que MM. Pastor ou Miquel qui sont des personnes tout à fait averties dans ce domaine.
Je dirai simplement que, en tant que président du groupe d’études sur la gestion des déchets, je ne fais aucune différence entre les membres quelle que soit leur appartenance politique et je sais que tous les membres socialistes ont été sollicités. Il est vrai qu’il n’est pas d’usage dans cette assemblée de cosigner ensemble des amendements de ce type – ce que je regrette personnellement. Cependant, j’ai demandé aux administrateurs de solliciter, par fax ou par e-mail, tous les sénateurs du groupe d’études de gestion des déchets, socialistes et autres, avant samedi midi, le dépôt des amendements ayant lieu lundi.
Quant à mes collègues qui ont cosigné cet amendement, il est vrai qu’ils l’ont fait tardivement, mais tout le monde a été mis au courant en même temps. Par conséquent, évitons toute discrimination à ce niveau, car cela serait, selon moi, totalement contre-productif.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Je voudrais apporter une précision à Mme Herviaux.
Le fait que la contribution apparaisse de façon visible ou non en pied de facture ne change rien à son montant. Cette contribution restera inchangée. Quant au reversement aux collectivités qui interviendra par la suite, il sera lui aussi identique.
J’ajoute qu’il n’y a pas de risque de double contribution qui pourrait entraîner une hausse des prix et, comme je l’ai dit en donnant l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 47 rectifié bis, ce dernier ne pénalise pas les collectivités.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je tiens à confirmer que les tous membres du groupe d’études de gestion des déchets ont effectivement été sollicités par M. Braye – c’est en général de cette manière qu’il procède – pour cosigner cet amendement, ce que je n’ai pas fait personnellement. En tout état de cause, cela est venu un peu tard.
Par ailleurs, la collecte des déchets est aujourd’hui mise en place dans la plupart des magasins. Ainsi, quand vous achetez un nouvel appareil, on vous reprend l’ancien et si vous avez omis de faire cette demande auprès de votre fournisseur, vous pouvez aller déposer l’appareil défectueux dans une déchetterie.
Cela étant dit, ce qui me tient à cœur dans cet amendement, c’est la position de fond.
Il est dit très clairement que c’est le consommateur qui est le payeur – il s’agit en fait d’une application du principe pollueur-payeur – ; en d’autres termes, l’acheteur est identifié comme étant le pollueur.
Or, il y a là une difficulté : ces déchets peuvent tout aussi bien être considérés comme des matières premières, dès lors qu’ils sont traités, valorisés et parfois recyclés ! C’est pourquoi mes collègues du groupe CRC et moi-même avons toujours préféré, à la mise en cause de l’acheteur, la mutualisation et la solidarité à travers l’impôt. Certes, ce principe peut souffrir des aménagements, mais il n’est pas aussi évident qu’il y paraît de cerner celui qui, selon moi, est le pollueur.
Par ailleurs, il faut tout de même reconnaître que des progrès ont été accomplis, dans la mesure où l’on a organisé les filières et trouvé enfin le moyen de valoriser sérieusement ces déchets.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
L'amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la date de publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour mettre les sections 4 et 6 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l'environnement en conformité avec le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.
II. - Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois à compter de la publication de cette ordonnance.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Cet amendement tend à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance…
M. Thierry Repentin. Ben voyons !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Parfaitement, monsieur Repentin ! Comme vous le savez, la République connaît des alternances politiques régulières. Or, que je sache, quand vos amis se trouvaient au pouvoir ils ne se sont pas privés de recourir aux ordonnances ! Au contraire, ils en étaient les champions !
Mme Christiane Hummel. Bravo !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Ne nous reprochez donc pas des procédures que vous avez pratiquées à grande échelle ! D'ailleurs, ces ordonnances sont prévues par la Constitution.
Le Gouvernement sera donc habilité à prendre par voie d’ordonnance les dispositions relevant du domaine de la loi qui sont nécessaires pour mettre la section 4 du chapitre I du titre IV du livre V du code de l'environnement, dans sa partie législative, en conformité avec le règlement n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006, qui concerne les transferts de déchets.
En effet, cette section du code n'est plus en adéquation avec le règlement 1013/2006 précité, qui impose aux États membres, notamment, d'intervenir quand les transferts transfrontaliers sont illicites ou ne peuvent pas être menés à leur terme pour diverses raisons. Il s'agit de mesures visant à la reprise des déchets – par exemple, leur réexpédition à leur point de départ – et, le cas échéant, à leur stockage temporaire ou à leur traitement.
Il convient en conséquence de modifier les dispositions législatives précitées, c'est-à-dire les articles L. 541-40 et suivants du code de l'environnement, pour traduire les obligations qui incombent à l'État en matière de mesures de police administrative, au sens du droit national.
Il est nécessaire aussi de modifier l'article L. 541-46 du code de l'environnement afin de sanctionner le non-respect des dispositions du règlement n° 1013/2006 susvisé – mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que vous vous accorderez tous sur ce point.
Comme vous le voyez, monsieur Repentin, dans les situations d’urgence, il est utile de légiférer par ordonnance !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Il s'agit ici d’une procédure d’adaptation de la réglementation communautaire.
Le Gouvernement souhaite apporter des modifications purement formelles à des dispositions extrêmement techniques, en remplaçant certaines terminologies par d’autres qui sont prévues par la directive. C’est notamment pour cette raison qu’il a souhaité procéder par voie ordonnance, et nullement pour priver le Parlement de ses prérogatives !
La commission émet donc un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour explication de vote.
M. Daniel Soulage. Si vous le permettez, monsieur le président, mon intervention portera en même temps sur les amendements nos 96 et 97.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Daniel Soulage. Ces deux amendements gouvernementaux tendent à autoriser l’exécutif à adopter, par voie d’ordonnance, des dispositions qui relèvent du domaine de la loi. L’objectif visé est de mettre en conformité le code de l’environnement avec le règlement du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets et avec le règlement REACH, en tenant compte de divers autres textes communautaires intéressant les produits chimiques et biocides.
Par principe, les sénateurs du groupe Union centriste-UDF sont opposés au recours aux ordonnances. Certes, nous sommes tout à fait conscients de la nécessité d’agir vite pour éviter un trop grand retard dans la transposition de ces dispositions et prouver ainsi l’implication européenne de la France, au moment où celle-ci s’apprête à assurer la présidence de l’Union européenne.
Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, vous avez également prétexté de la complexité et de la technicité des domaines traités par ces différents règlements pour justifier le recours aux ordonnances, et cet argument n’est pas recevable, me semble-t-il : soit nous nous trouvons dans le domaine de la loi, soit tel n’est pas le cas !
Le texte que nous examinons aujourd'hui est lui-même très technique, mais il ne me semble pas que les parlementaires aient démérité. Études et débats sont toujours utiles. Surtout, il nous paraît incohérent qu’au moment où le Parlement examine un projet de réforme des institutions censé lui rendre du pouvoir on nous impose à la dernière minute deux ordonnances qui ne sont pas neutres, puisque le règlement REACH avait suscité de nombreux débats dans l’opinion publique lors de son adoption.
Je crois donc pour le moins nécessaire que le Parlement débatte de cette question, ne serait-ce que dans un souci de transparence vis-à-vis des citoyens.
Enfin, permettez-moi de rappeler le souhait, que j’ai émis lors de la discussion générale, de voir notre mode de transposition des directives évoluer. Cette remarque ne s’applique pas seulement au présent gouvernement, mais aussi à ceux qui l’ont précédé : la France devrait prendre l’habitude de se mettre au travail dès l’adoption d’une directive ou d’un règlement, pour réussir la transposition de ces textes dans les meilleures conditions, en cohérence, d'une part, avec notre culture et notre droit, et, d'autre part, avec la volonté réaffirmée de voir atteints leurs objectifs.
Je souhaite également que le gouvernement actuel et ses successeurs soumettent immédiatement les textes européens à transposer au Parlement, afin que ce dernier dispose du temps nécessaire pour travailler correctement, ce qui, à mon sens, n’est pas vraiment le cas aujourd'hui.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs centristes s’abstiendront sur ces deux amendements.
M. Thierry Repentin. Tout ça pour ça !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
L'amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la date de publication de la présente loi, toutes mesures afin d'adapter d'une part les dispositions législatives relatives aux produits chimiques et aux biocides du titre II du livre V du code de l'environnement, d'autre part les dispositions législatives relatives aux risques chimiques du titre I du livre IV de la quatrième partie du code du travail, et celles relatives aux dispositions pénales du titre IV du livre VII de la quatrième partie du code du travail et enfin de celles de l'article L. 5141-2 du code de la santé publique :
1° Au règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission ;
2° Au règlement (CE) n° 842/2006 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 relatif à certains gaz à effet de serre fluorés ;
3° Au règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE ;
4° Au règlement (CE) n° 304/2003 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux ;
5° Au règlement (CE) n° 2037/2000 du Parlement européen et de Conseil du 29 juin 2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone ;
6° À la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides, au règlement (CE) n° 1451/2007 de la Commission du 4 décembre 2007 concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l'article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits biocides.
II. - Le projet de loi portant ratification de ces ordonnances est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois à compter de la publication de ces ordonnances.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Comme dans le cas de l’amendement précédent, il s'agit ici simplement d’un réajustement technique. Néanmoins, je souhaite répondre à l’intervention de M. Soulage, qui regrette que l’on n’ait pas davantage discuté en amont de certaines dispositions.
Monsieur le sénateur, la compétence de la Haute Assemblée lui permet tout de même de juger en séance de l’importance des améliorations techniques apportées à un texte ! Reconnaissez que celles que propose le Gouvernement ne méritent pas de longs débats en commission, et que les discussions que nous menons librement dans cet hémicycle suffisent. (Marques d’hilarité sur les travées du groupe socialiste.)
M. Thierry Repentin. Vous avez mauvaise conscience !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Je ne doute pas que vous disposiez de la compétence et du bon sens nécessaires – car la technicité renvoie toujours au bon sens, comme le montrent les dispositions des amendements nos 96 et 97. D'ailleurs, les améliorations techniques qui sont ici proposées étaient souhaitées par tous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que vous êtes tous capables, quelle que soit votre orientation politique, de donner immédiatement votre avis sur les propositions du Gouvernement !
Cet amendement habilite donc le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires pour modifier la partie législative du code de l'environnement.
Il s'agit de compléter ou de modifier les dispositions relatives au contrôle et à la constatation des infractions, aux sanctions administratives et aux sanctions pénales prévues par les articles L. 521-12 à L. 521-24 du code de l'environnement afin de sanctionner le non-respect du règlement REACH, en tenant compte, en tant que de besoin, de divers directives et règlements communautaires relatifs aux produits chimiques et biocides.
Que je sache, nous souhaitons tous sanctionner les dérives qui porteraient atteinte à notre environnement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Comme l’a souligné tout à l'heure M. le secrétaire d'État, le recours à l’article 38 de la Constitution est motivé, d'une part, par la nécessité de légiférer avant le 1er décembre 2008 sur les sanctions pénales et administratives liées au non-respect des dispositions essentielles du règlement REACH, et, d'autre part, par le caractère technique des dispositions à prendre.
Il s'agit de mettre en cohérence avec le règlement REACH l’ensemble des règlementations, que celles-ci concernent le travail, la santé, ou l’environnement, mais aussi d’adopter des dispositions de « toilettage ». Ici encore, la plupart des modifications ne seront que formelles.
Cet amendement doit donc absolument être pris en compte, mais il n’est pas fondamental. C’est pour cela que le Gouvernement a choisi de l’inclure dans le présent projet de loi.
La commission émet donc un avis tout à fait favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Le règlement REACH est entré en vigueur le 19 janvier 2007, me semble-t-il. Le 1er juin 2008 s’ouvrira une nouvelle phase, qui se prolongera jusqu’en décembre prochain, celle de l’enregistrement préalable des substances chimiques par les entreprises. Ce texte se trouve donc déjà largement mis en œuvre.
En revanche, la directive 2006/121/CE doit entrer en vigueur le 1er juin prochain. Elle a été adoptée à la même date que la précédente et elle permet le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives en matière de classification, d’emballage et d’étiquetage des substances dangereuses, afin de faciliter la mise en œuvre du règlement REACH.
Or, de façon surprenante, cette directive ne figure pas dans votre liste, même par anticipation – une technique qui avait pourtant été mise en œuvre, par exemple, lors de nos débats sur la question de la pollution maritime.
Par ailleurs, l’argument selon lequel nous devrions nous mettre à jour en matière de transposition des directives avant le début de la présidence française de l’Union européenne trouve ses limites, surtout lorsque cette attitude risque de devenir source de positionnements anti-européens.
Mes chers collègues, je m’explique : faudrait-il faire « passer en douce » – passez-moi l’expression ! – la législation européenne et ne pas assumer les négociations qui ont eu lieu entre les gouvernements à l'échelle communautaire ? C’est discutable, surtout quand l’Union, comme cela a été le cas pour ce règlement, cède à certains lobbys, notamment les industries chimiques. En effet, les concessions qui ont été consenties pour parvenir à ce texte l’ont été surtout au détriment des travailleurs de ces industries...
Je suis donc persuadée que ce texte méritait un véritable débat, et non une transcription par ordonnance aussi rapide, avec une évaluation des conséquences de ses dispositions et de ses abandons, donc, tout simplement, un travail parlementaire sérieux en amont.
Monsieur le secrétaire d'État, chat échaudé craint l’eau froide ! Peut-être s’agit-il d’éviter que le règlement REACH ne suscite des débats aussi intenses, passionnés et riches que ceux qui ont accompagné le texte sur les OGM ?
Même si le compromis obtenu n’est pas totalement satisfaisant, cette réforme de la réglementation devrait avoir un impact considérable sur la santé des citoyens et des travailleurs. Je crois donc qu’un véritable travail parlementaire était nécessaire pour montrer aux citoyens français que nous pouvons nous montrer tenaces quand nous souhaitons faire avancer les choses, y compris à l'échelle européenne.
Par ailleurs, le règlement REACH n’est pas le seul concerné. Vous nous proposez aussi, dans le 3° du I de cet amendement, d’adapter dans notre droit le règlement n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE. De nouveau, nous découvrons une transposition un peu tard !
En fait, vous nous demandez, une fois encore, de signer un chèque en blanc. Vous savez ce que je pense de cette méthode !
Si l’on peut parfois admettre que le Gouvernement soit habilité à prendre par ordonnance des mesures pour transposer certaines dispositions, nous nous y opposons très fermement dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Mon intervention vaudra pour les amendements nos 96 et 97.
Je ne vais pas revenir sur tout ce qui vient d’être dit de manière excellente. Nous aussi, nous nous opposons totalement au fait d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ces questions, d’autant que, une fois de plus, nous n’avons pas eu le temps d’effectuer un travail sérieux.
Disons-le clairement, beaucoup trop de lobbies sont intervenus au niveau européen au moment des négociations concernant les mesures relatives aux biocides et aux produits chimiques. La France ayant fait partie des pays qui se sont montrés faibles face à ces lobbies, je ne peux absolument pas faire confiance s’agissant de dispositions qui seraient prises par ordonnance.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean Desessard. Et violemment ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Les deux amendements du Gouvernement ont été présentés en toute transparence. En outre, il ne s’agit pas d’une transposition.
Que je sache, le règlement REACH s’applique aujourd’hui. En l’occurrence, le Gouvernement ne demande rien d’autre que d’adapter la législation française au droit européen et de pouvoir tout simplement continuer à appliquer ledit règlement. Il pense que le Sénat, dans sa grande sagesse, le suivra, car ces dispositions sont indispensables.
M. Thierry Repentin. La majorité du Sénat le fera !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
L'amendement n° 98, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 414-4 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 414-4. - I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après « Évaluation des incidences Natura 2000 » :
« 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation ;
« 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ;
« 3° Les interventions et activités humaines.
« II. - Les travaux, aménagements, ouvrages ou installations ainsi que les interventions ou activités humaines prévus par les contrats Natura 2000 ou pratiqués dans les conditions définies par une charte Natura 2000 sont dispensés de l'évaluation des incidences Natura 2000.
« III. - Les plans, programmes ou projets ainsi que les interventions ou activités humaines, soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 lorsqu'ils figurent :
« 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'État,
« 2° Soit sur une liste locale, complémentaire à la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente.
« IV. - Tout plan, programme ou projet ainsi que toute intervention ou activité humaine qui ne relève pas d'un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 peut être soumis à autorisation en application de la présente section et doit alors faire l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000. Une liste locale des plans, programmes ou projets ainsi que des interventions ou activités humaines concernés est arrêtée par l'autorité administrative compétente parmi celles et ceux figurant sur une liste nationale de référence établie par décret en Conseil d'État.
« V. - Les listes arrêtées au titre des III et IV par l'autorité administrative compétente sont établies au regard des objectifs de conservation des sites Natura 2000, en concertation notamment avec des représentants de collectivités territoriales et de leurs groupements, de propriétaires, d'exploitants et d'utilisateurs concernés. Elles indiquent si l'obligation de réaliser une évaluation des incidences Natura 2000 s'applique dans le périmètre d'un ou plusieurs sites Natura 2000 ou sur tout ou partie d'un territoire départemental ou d'un espace marin.
« VI. - L'autorité chargée de l'autorisation, de l'approbation ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout plan, programme ou projet ainsi qu'à toute intervention ou activité humaine si l'évaluation des incidences requise en application des III et IV n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que la réalisation portera atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000.
« À défaut pour la législation ou la réglementation applicable au régime d'autorisation, d'approbation ou de déclaration concerné de définir les conditions dans lesquelles l'autorité compétente s'oppose, celles-ci sont définies au titre de la présente section et impliquent qu'en l'absence d'opposition expresse dans un délai déterminé, le plan, le programme, le projet, l'intervention ou l'activité humaine peut entrer en vigueur ou être réalisé à compter de l'expiration dudit délai.
« VII. - Lorsqu'une évaluation conclut à une atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 et en l'absence de solutions alternatives, l'autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d'intérêt public majeur. Dans ce cas, elle s'assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge de l'autorité qui a approuvé le plan ou du bénéficiaire des travaux, de l'installation, de l'ouvrage, de l'aménagement, de l'intervention ou de l'activité humaine. La Commission européenne en est tenue informée.
« VIII. - Lorsque le site abrite un type d'habitat naturel ou une espèce prioritaires qui figurent, au titre de la protection renforcée dont ils bénéficient, sur des listes arrêtées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, l'accord mentionné au VII ne peut être donné que pour des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique ou tirés des avantages importants procurés à l'environnement ou, après avis de la Commission européenne, pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur. »
II. - Au premier alinéa du I de l'article L. 414-5 du code de l'environnement, les mots : « programme ou projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement » sont remplacés par les mots : « programme ou projet d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ou lorsqu'une intervention ou une activité humaine ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Louis Carrère. Attention …
Mme Évelyne Didier. Sujet sensible !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Les zones Natura 2000, que nous, élus locaux, connaissons tous, sont des zones identifiées à haute valeur patrimoniale faunistique et floristique.
M. Jean-Louis Carrère. Le stade Mayol ! (Sourires.)
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le stade Mayol est une zone protégée, monsieur le sénateur, vous le savez très bien ! Il nous est cher à tous, notamment à celles et ceux qui y sont accueillis – toujours avec grand plaisir –, même s’il est vrai que l’accueil d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier. (Nouveaux sourires.)
Pour en revenir aux zones Natura 2000, à l’évidence, ce ne sont pas des sanctuaires où l’activité humaine serait interdite. Les activités économiques ou de loisirs y sont autorisées : la chasse, la pêche, l’agriculture, l’élevage, etc.
Les zones Natura 2000 font l’objet d’un document d’objectifs qui fixe la définition du bon état de conservation et précise la nature et les modalités de réalisation des activités humaines comme la chasse, sujet sur lequel le Sénat a d’ailleurs débattu il y a quelques jours. Ces objectifs sont déclinés de manière opérationnelle dans un document de gestion, et des contrats sont passés avec les agriculteurs, les fédérations départementales de chasseurs, de pêcheurs, sans oublier les propriétaires forestiers.
L’objet du présent amendement est d’indiquer de manière explicite et concrète que le régime d’évaluation environnementale des incidences Natura 2000 peut s’appliquer non seulement à des « documents de planification », mais également à des « interventions et activités humaines ». Cette rédaction permet aussi, à la veille de la présidence française de l’Union européenne, de respecter la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a été saisie le 27 juin 2007 sur ce point. Il est souhaitable que la France soit également un bon élève dans ce domaine !
Cela revient à formaliser l’évaluation environnementale sans remettre en cause, bien évidemment, les documents d’objectifs et de gestion existants.
Le régime d’évaluation des incidences constitue une réelle opportunité pour de nombreux projets ou interventions, car il permet de démontrer leur absence d’effet significatif sur les sites Natura 2000, voire leurs bénéfices environnementaux.
Dans un site Natura 2000, on souhaite « seulement » éviter la détérioration des espèces et des habitats ; on ne veut pas interdire les activités qui utilisent durablement ces sites. Je le répète, car on a toujours l’impression que l’on ne peut rien faire dans ces zones, les pratiques agricoles, de pêche et de chasse sont ainsi souvent indispensables et définies dans un cadre de gestion, qui les sécurise. Ce cadre est élaboré localement, en totale concertation, dans des comités présidés par des élus locaux.
On est là au cœur du projet de gestion durable des sites, intégrant les pratiques économiques, sociales et culturelles en les formalisant.
En ce qui concerne l’évaluation des incidences des projets réalisés sur les sites, ce régime est déjà en place. L’amendement conserve la structure du régime avec des listes positives permettant d’assurer la sécurité juridique des citoyens ou le renvoi à des listes élaborée localement. Le Gouvernement examinera, avec tous les acteurs concernés, ce qu’il est nécessaire d’inclure dans ces listes nationales positives.
Je conclus en prenant solennellement l’engagement, au nom du Gouvernement, d’élaborer les dispositions réglementaires d’application dans un cadre partenarial et transparent, selon la même logique que l’élaboration du projet législatif qui a permis à tous les acteurs concernés d’en comprendre les enjeux et les principes, et d’y souscrire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Les mesures proposées visent à répondre à un défaut de transposition de la directive de 1992 dite directive « Habitat ».
Cet amendement concerne un sujet particulièrement sensible, puisqu’il s’agit de la transposition en droit français des dispositions relatives à Natura 2000. Il tend à répondre à un avis motivé de la Commission européenne, qui estime, sur le fondement d’un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes de 2007, que la France a mal transposé les articles de la directive de 1992 sur l’évaluation des incidences Natura 2000. Récemment, les Pays-Bas ont été très lourdement condamnés pour un défaut de transposition similaire.
Sur le fond, la commission comprend les préoccupations du Gouvernement. Toutefois, il s’agit de mesures particulièrement sensibles, dont les conséquences, notamment pour les collectivités locales et tous les acteurs locaux, sont importantes.
La commission a estimé qu’elle ne disposait pas d’éléments d’appréciation suffisants pour évaluer précisément l’impact des dispositions proposées. C’est pourquoi elle a souhaité qu’un délai supplémentaire de réflexion soit laissé aux parlementaires.
La commission est très inquiète de l’extension à toutes les interventions et activités humaines. Il n’existe en effet aucune mesure de l’effet de l’élargissement ainsi proposé de l’obligation d’évaluation des incidences au titre de Natura 2000. De même qu’avec le sous-amendement n° 129 rectifié, la commission marque sa profonde inquiétude.
Pour toutes ces raisons, à moins que le Gouvernement ne propose de rectifier son amendement, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. J’ai entendu les réserves et les interrogations exprimées par M. le rapporteur. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose de modifier son amendement n° 98.
M. Thierry Repentin. Ah !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Ainsi, monsieur Repentin, vous ne pourrez pas reprocher au Gouvernement de ne pas écouter le Sénat !
La mention « interventions et activités humaines », qui, à nos yeux, représentait une précaution apportant une meilleure protection, est donc supprimée de tout le corps du texte, comme vous le souhaitiez, monsieur le rapporteur.
Cette rectification permet de répondre aux préoccupations de la commission et de prouver que le Gouvernement sait s’adapter aux volontés des parlementaires dans la mesure où celles-ci restent, comme cet après-midi, dans le cadre de la réglementation.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 98 rectifié, présenté par le Gouvernement, et qui est ainsi libellé :
Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 414-4 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 414-4. - I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après « Évaluation des incidences Natura 2000 » :
« 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation ;
« 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations.
« II. - Les travaux, aménagements, ouvrages ou installations prévus par les contrats Natura 2000 ou pratiqués dans les conditions définies par une charte Natura 2000 sont dispensés de l'évaluation des incidences Natura 2000.
« III. - Les plans, programmes ou projets soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent :
« 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'État,
« 2° Soit sur une liste locale, complémentaire à la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente.
« IV. - Tout plan, programme ou projet qui ne relève pas d'un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 peut être soumis à autorisation en application de la présente section et fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000. Une liste locale des plans, programmes ou projets concernés est arrêtée par l'autorité administrative compétente parmi ceux figurant sur une liste nationale de référence établie par décret en Conseil d'État.
« V. - Les listes arrêtées au titre des III et IV par l'autorité administrative compétente sont établies au regard des objectifs de conservation des sites Natura 2000, en concertation notamment avec des représentants de collectivités territoriales et de leurs groupements, de propriétaires, d'exploitants et d'utilisateurs concernés. Elles indiquent si l'obligation de réaliser une évaluation des incidences Natura 2000 s'applique dans le périmètre d'un ou plusieurs sites Natura 2000 ou sur tout ou partie d'un territoire départemental ou d'un espace marin.
« VI. - L'autorité chargée de l'autorisation, de l'approbation ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout plan, programme ou projet si l'évaluation des incidences requise en application des III et IV n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000.
« À défaut pour la législation ou la réglementation applicable au régime d'autorisation, d'approbation ou de déclaration concerné de définir les conditions dans lesquelles l'autorité compétente s'oppose, celles-ci sont définies au titre de la présente section. En l'absence d'opposition expresse dans un délai déterminé, le plan, le programme, le projet, l'intervention ou l'activité humaine entre en vigueur ou est réalisé à compter de l'expiration dudit délai.
« VII. - Lorsqu'une évaluation conclut à une atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 et en l'absence de solutions alternatives, l'autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d'intérêt public majeur. Dans ce cas, elle s'assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge de l'autorité qui a approuvé le plan ou du bénéficiaire des travaux, de l'installation, de l'ouvrage, de l'aménagement. La Commission européenne en est tenue informée.
« VIII. - Lorsque le site abrite un type d'habitat naturel ou une espèce prioritaires qui figurent, au titre de la protection renforcée dont ils bénéficient, sur des listes arrêtées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, l'accord mentionné au VII ne peut être donné que pour des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique ou tirés des avantages importants procurés à l'environnement ou, après avis de la Commission européenne, pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur. »
II. - Au premier alinéa du I de l'article L. 414-5 du code de l'environnement, les mots : « programme ou projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement » sont remplacés par les mots : « programme ou projet d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ».
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement n° 98 rectifié ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir répondu aussi rapidement aux interrogations exprimées par la commission.
M. Thierry Repentin. Tout cela est si spontané …
M. Jean Bizet, rapporteur. Disons que c’est travaillé !
M. Thierry Repentin. Vous travaillez tellement vite que l’on a du mal à vous suivre !
M. Jean Bizet, rapporteur. Figuraient dans l’amendement n° 98 les documents de planification, les programmes ou projets d’activité, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations, ainsi que les interventions et activités humaines. Or l’objet de nos atermoiements en commission des affaires économiques portait sur le 3° du paragraphe I, à savoir les interventions et activités humaines.
Il était clair, d’emblée, que les zones Natura 2000 ne devaient pas être sanctuarisées. Cependant, ce point n’a pas toujours été bien compris par nos concitoyens, les acteurs locaux et les collectivités territoriales.
Les zones Natura 2000 ne doivent pas être des zones dans lesquelles les activités économiques ne peuvent pas s’exercer, car, contrairement à ce que l’on pourrait penser, celles-ci, lorsqu’elles sont encadrées, sont un gage de pérennité des biotopes.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas ce qui est dit !
M. Jean Bizet, rapporteur. Je me réjouis que le Gouvernement nous ait entendus. C’est pourquoi, à titre personnel, puisque la commission n’a pas eu l’occasion d’examiner l’amendement n°98 rectifié, j’émets un avis favorable.
D’ici au vote du texte à l’Assemblée nationale et à la mise en place d’une commission mixte paritaire, puisque l’urgence a été déclarée, je compte organiser des auditions, auxquelles l’opposition sera bien évidemment conviée, afin d’approfondir l’examen de ce dispositif et de proposer éventuellement des améliorations. En attendant, l’adoption de l’amendement n° 98 rectifié nous permettrait d’envoyer le message à la Commission européenne que nous répondons à son avis motivé.
Il faut prendre très au sérieux le fait que la Cour de justice des Communautés européennes – je suis les affaires européennes avec beaucoup d’attention en tant que vice-président de la délégation pour l'Union européenne, qu’il s’agisse de problématiques environnementales ou autres – ait condamné les Pays-Bas. Je souhaite éviter une condamnation de la France.
Je n’ai pas l’habitude de tromper mes collègues. En supprimant la référence aux interventions et activités humaines, je pense très sincèrement que l’on met une clé de sécurité importante.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’ai entendu M. le rapporteur dire que la transposition de la directive Natura 2000 avait été mal faite.
M. Jean Bizet, rapporteur. J’ai dit qu’elle avait été faite a minima !
M. Jean Desessard. Sans établir un lien direct avec le texte que nous examinons, il me semble que cette transposition avait fait l’objet d’une procédure d’urgence. Aujourd’hui, on transpose avec précipitation, c'est-à-dire encore plus dans l’urgence. Dès lors, ne risquons-nous pas de commettre les mêmes erreurs ?
Par ailleurs, je remarque, monsieur le rapporteur, que votre explication est très partiale. Vous nous dites qu’il faut supprimer les mentions aux interventions et activités humaines pour que celles-ci subsistent. Mais, dans l’amendement, il est simplement question d’évaluer les effets des interventions et activités humaines, ce qui est quand même normal ! Enlever cette disposition dénature complètement l’amendement présenté par le Gouvernement.
Le Gouvernement dit : on vous fait plaisir…
Mme Christiane Hummel. Il ne l’a pas dit comme ça !
M. Jean Desessard. La prochaine fois, il le dira ! Il dira : je fais plaisir à ma majorité conservatrice UMP…
Mme Christiane Hummel. C’est vous qui êtes conservateur !
M. Jean Desessard. …en donnant moins de saveur à mon amendement, en en réduisant la qualité ; ainsi, celui-ci sera moins dans l’optique de la directive européenne.
Ne dites pas, monsieur le secrétaire d'État, que vous écoutez le Sénat : vous écoutez les sénateurs UMP, et après tout, pourquoi pas, puisque c’est votre logique ! Mais c’est l’environnement qui paiera.
Je note, pour terminer, que M. Bizet est devenu l’expert en matière d’environnement ; il est même devenu le guide du Gouvernement ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Après avoir entendu les propos quelque peu excessifs et pas très sérieux de notre collègue Jean Desessard, je souhaite rendre un hommage à notre excellent rapporteur ; il n’a pas l’habitude de tromper ses collègues de la commission des affaires économiques, pas plus que ses collègues de l’ensemble du Sénat.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !
M. Dominique Braye. Sur un problème aussi délicat que celui-ci, sur lequel nous n’avons pas eu l’occasion de travailler sérieusement, alors qu’il s’agit d’une question essentielle, …
M. Jean Desessard. L’évaluation des activités humaines !
M. Dominique Braye. … lourde est la responsabilité du rapporteur. Compte tenu du sérieux dont celui-ci a fait preuve, un certain nombre de sénateurs suivront la direction qu’il nous indique, avec une confiance totale quant à son expertise. J’espère, monsieur le rapporteur, au vu de l’importance du débat, que c’est la bonne direction. Personnellement, je n’en doute pas et je pense que les sénateurs de l’UMP vous soutiendront.
Monsieur le secrétaire d'État vous avez dit, à plusieurs reprises, entendre les demandes du Sénat et les prendre en compte. De grâce, écoutez-nous sur le fond ! Voilà encore quelques semaines, vous siégiez sur les travées de la Haute Assemblée et vous déploriez vous-même les conditions de travail lorsqu’elles étaient mauvaises. Maintenant que vous êtes au banc du Gouvernement, refusez de nous faire légiférer dans de telles conditions ; faites adopter au Gouvernement un comportement je dirai non pas un peu plus vertueux, mais moins inconséquent.
M. Thierry Repentin. Hou là, là !
M. Dominique Braye. Vous dites nous écouter : nous verrons, à l’occasion des prochains projets de loi que vous défendrez devant la Haute Assemblée, s’il ne s’agit pas simplement de propos d’homme du Sud !
M. Jean Desessard. Vous êtes un idéaliste, monsieur Braye, si vous croyez que le Gouvernement peut changer !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Il ne s’agit pas de légiférer dans l’urgence ! Mais à la veille de la présidence française de l’Union européenne, il nous faut effectivement, monsieur Braye, réajuster nos textes pour les mettre en conformité avec la législation européenne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Vous ne savez que depuis trois semaines que la France va présider l’Union européenne ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Nous prenons des précautions pour nous protéger, au vu de la jurisprudence relative aux Pays-Bas.
Vous ne pouvez pas me reprocher de tenir compte de l’avis du Sénat ! L’Europe verra que l’on a fait un pas, et j’espère qu’elle le jugera positif. Elle aurait peut-être préféré que l’on aille jusqu’au bout en adoptant les mesures indispensables que je vous avais proposées au travers de l’amendement n° 98, c’est-à-dire avant la rectification.
Je vous remercie cependant de votre réalisme et de votre volonté de nous aider à faire en sorte que la future présidence française réussisse.
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Il ne nous était pas possible d’accepter l’amendement n° 98. Je remercie M. le rapporteur d’avoir été notre avocat et d’en avoir obtenu la rectification. En effet, les interventions et activités humaines étaient une notion un peu floue, qui risquait de remettre en cause beaucoup de choses, notamment sur le plan économique.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour féliciter M. le rapporteur de tout le travail qu’il a accompli, ainsi que ses collaborateurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Je conseille à M. le secrétaire d'État, puisque nous avons été collègues dans cette assemblée, de se faire raconter les discussions que nous avons eues dans l’après-midi. Il se rendra compte combien les débats animés, les modifications ou les retraits d’amendements, les études, etc., sont finalement toujours nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes sans doute d’astreinte aujourd'hui. Vous auriez dû vous faire expliquer le contexte dans lequel nous examinons ce texte, car votre intervention est quelque peu décalée.
Nous n’avons eu de cesse, sur l’ensemble des travées, de dire que nous légiférons dans des conditions que nous jugeons inadmissibles sur le fond. Or vous prétendez que nous ne travaillons pas dans l’urgence !
Nous travaillons dans l’urgence, et ce à un double titre : d’abord, l’urgence a été déclarée sur le texte ; ensuite, s’agissant des amendements du Gouvernement, M. le rapporteur en a pris connaissance le week-end dernier et, pour notre part, seulement hier, en commission ! Si ce n’est pas de l’urgence, j’y perds mon latin !
Cela étant, monsieur le secrétaire d'État, nous vous avons écouté avec délectation. Vous avez su trouver les mots justes pour vous adresser au Sénat : vous avez parlé des activités humaines, de la chasse, de la pêche, de l’agriculture, sujets qui, pour nous, sont de première importance tant nous sommes, comme vous, attachés aux territoires dans lesquels nous sommes élus. Nous avons d’ailleurs, pour certains d’entre nous, des zones Natura 2000 sur nos territoires.
Quoi qu’il en soit, j’ai le sentiment que votre amendement améliore un peu les choses par rapport à une situation où rien n’est prévu. Il constitue donc un petit pas.
Vous avez modifié votre amendement en supprimant la référence aux interventions et aux activités humaines dans les zones Natura 2000.
M. Jean Desessard. Les évaluations sur les interventions et activités humaines !
M. Thierry Repentin. Certes !
Les programmes ou projets d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations sont des activités humaines et permettent des activités humaines.
Nous ne sommes pas satisfaits sur la forme, c’est évident, et nous continuerons de dire partout que nous avons légiféré dans des conditions inadmissibles. Finalement, nos collègues députés travailleront mieux que nous n’avons pu le faire. Heureusement qu’il y aura une séance de rattrapage dans quelques jours !
Nous ne voterons pas contre cet amendement, mais nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. L’amendement du Gouvernement a fait l’objet d’un débat en commission et l’élément important qui nous a fait émettre un avis défavorable était la référence aux interventions et aux activités humaines.
M. Jean Desessard. Il n’était question que de l’évaluation des interventions et activités humaines !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Dans mon département, il existait un espace de dunes où était implantée une activité agricole. On y trouvait une flore diverse et la faune était constituée d’animaux d’élevage. On a voulu en faire une réserve et c’est devenu une friche. La flore et la faune ont été complètement modifiées et il y a maintenant des vipères.
Nous connaissons tous des problématiques dans nos départements s’agissant des activités agricoles.
M. Jean Desessard. Mais l’évaluation !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. S’il vous plaît, mon cher collègue, laissez-moi m’exprimer ! Je vous ai écouté tout au long du débat, qui a été assez large puisque nous terminons ce soir.
Il faut être réaliste ! Le Gouvernement nous propose une rectification de son amendement en supprimant la référence aux interventions et activités humaines ; c’est tout à fait adapté à la transposition de la directive européenne, que nous devons traduire d’urgence en droit interne. Ce point particulier a été négocié avec le Gouvernement, ce qui fait partie du rôle du président et du rapporteur de la commission.
J’invite donc mes collègues de la Haute Assemblée à voter en faveur de cet amendement rectifié.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Intitulé du projet de loi
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter l'intitulé du projet de loi par les mots :
et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. C’est un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement est, bien sûr, favorable à cet amendement.
Au terme de ce débat, je souhaite répondre aux remarques qui ont été formulées par M. Thierry Repentin.
Monsieur le sénateur, lorsqu’on est au banc du Gouvernement, on n’est jamais d’astreinte ! C’est un plaisir de défendre son pays, d’adapter la législation et de la faire évoluer ; ce sera un plaisir d’accompagner la présidence française de l’Union européenne.
Au-delà de nos convictions et de nos visions différentes sur l’ensemble des textes que nous examinons, nous sommes, dans cette assemblée, des républicains. Nous sommes tous, de la même manière, attachés à notre pays et fiers de savoir qu’il présidera, dans quelques semaines, l’Union européenne. La déclaration d’urgence sur ce texte vise à nous permettre d’aborder cette future présidence dans les meilleures conditions. Ce soir, le Sénat nous y a aidés, et je l’en remercie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je comprends maintenant pourquoi il y a eu un tel défilé de ministres : c’était tellement agréable de travailler avec nous sur ce texte qu’ils se sont relayés pour partager le plaisir ! Ce bel exemple de solidarité gouvernementale explique que l’on ait eu droit à quatre ministres lors de ce débat !
Monsieur Emorine, tout en vous priant de bien vouloir m’excuser de vous avoir interrompu tout à l’heure, je vous invite à relire l’amendement n° 98 et à revenir sur l’interprétation que vous en avez faite.
Vous ne souhaitez pas que soient interdites les interventions et activités humaines dans les sites Natura 2000.
M. Dominique Braye. On a bien compris : c’est l’évaluation !
M. Jean Desessard. Mais ce n’est pas ce qui est écrit dans cet amendement. « Lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative » – il y a déjà une condition – « un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, » – voilà qui est intéressant, une cause n’est peut-être pas suffisante, mais la conjugaison de plusieurs causes peut créer un désastre écologique – « doivent faire l’objet » – non d’un arrêt de l’activité humaine, mais – « d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site. »
Avoir supprimé dans la version rectifiée de cet amendement les mots « les interventions et activités humaines », tout en maintenant la condition « lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter », ce n’est pas sérieux. Cela signifie que l’on veut toujours transposer a minima. On ne fait pas confiance à l’autorité chargée de faire l’évaluation.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous achevons la lecture de ce projet de loi, qui vise à transposer la directive européenne de 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.
À la veille de la présidence française de l’Union européenne, ainsi que vous l’avez à plusieurs reprises souligné, monsieur le secrétaire d’État, et comme l’ont également fait les différents ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement, il est d’autant plus important que nous respections nos engagements européens en transposant les directives pour lesquelles nous sommes en retard.
C’est pourquoi, au-delà de la transposition de la directive 2004/35/CE, nous avons été pleinement convaincus du bien-fondé de la démarche proposée par notre excellent rapporteur, M. Jean Bizet, de compléter ce projet de loi par diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire, ce qui nous a permis d’y ajouter la transposition d’autres directives environnementales.
J’ai moi-même, au nom du groupe d’études sur la gestion des déchets, saisi cette occasion pour la transposition de dispositions concernant les déchets.
M. Jean Desessard. Tant qu’à faire !
M. Dominique Braye. Comme l’a développé M. Raymond Couderc dans son intervention lors de la discussion générale, la directive sur la responsabilité environnementale est une innovation, puisqu’elle reconnaît, pour la première fois, le principe de la réparation du dommage écologique sans victime demanderesse.
Elle traite, plus particulièrement, de la pollution des sols, des atteintes graves à la qualité des eaux et aux espèces et habitats naturels ; elle est un régime non pas d’indemnisation financière, mais de réparation par une remise en état des milieux naturels ; elle vient s’ajouter aux régimes de responsabilité existants.
Certes, il s’agit d’un texte relativement complexe et pour lequel la marge de manœuvre du Parlement, est limitée puisque, pendant les quinze ans où ce sujet a été débattu au niveau européen, les questions fondamentales ont non seulement été discutées mais encore arbitrées.
C’est pourquoi nous nous en sommes tenus à la transposition, monsieur Desessard, la plus fidèle possible de la directive en respectant le calendrier communautaire, notamment à propos de la nouvelle directive sur la responsabilité sociétés mères-filiales, et les rapports d’étape prévus pour 2010 et 2014.
Parce que ce texte constitue une réelle avancée en matière de protection de l’environnement et parce que nous l’avons complété pour introduire dans notre droit plusieurs autres directives en instance, le groupe UMP y apportera son entier soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de son exposé, Mme la secrétaire d’État a souligné, comme l’ont fait de nombreux orateurs, la complexité et l’importance de ce texte, au regard du fait que, pour la première fois, la responsabilité environnementale est reconnue pour les atteintes à l’environnement.
Pourtant, les conditions nécessaires à un bon travail parlementaire n’étaient pas réunies : urgence, texte modifié par sous-amendements du Gouvernement, amendements cavaliers pour transposer d’autres directives, défilé de quatre ministres, qui - au moins pour l’un d’entre eux - ont fait preuve d’une méconnaissance du sujet ne permettant pas un échange constructif entre le Gouvernement et le Parlement.
De grâce, ne travaillons plus ainsi ! Ce n’est pas moi qui l’ai dit, c’est l’un de mes collègues en face.
M. Dominique Braye. À côté plutôt !
Mme Évelyne Didier. Mes questions sont les suivantes.
Premièrement, le MEDAD a-t-il les moyens de ses ambitions, notamment en personnels ? En effet, cette improvisation, cette impréparation doivent bien avoir une raison.
Deuxièmement, l’organisation du travail ministériel est-elle si difficile que quatre ministres doivent se succéder sur ce texte ?
Je ferai une autre remarque sur la terminologie.
À l’instar du président Jean-Paul Emorine, certains ont dit de ce texte qu’il était « technique » ou « formel ».
Des amendements de l’opposition, il est dit qu’ils sont toujours « satisfaits » ou « sans objet », de manière, comme l’a souligné l’une de mes collègues, à gommer les aspérités. En revanche, les amendements du rapporteur sont « de précision », « de clarification », « de simplification », « de coordination », « rédactionnels » ou « de conséquence ». Ils ne sont jamais politiques, comme si ces amendements n’étaient pas porteurs d’une certaine philosophie, d’une « politique », terme noble auquel je n’attache aucune connotation négative.
En tout état de cause, présenter l’ensemble des amendements de la commission comme étant techniques me paraît excessif.
On a systématiquement mis en avant les intérêts de l’exploitant. Je rappelle tout de même que ce texte touche l’intérêt de nos territoires, en tout cas de certains d’entre eux. Derrière ce texte technique et complexe, il y a une question simple : en cas de pollution grave, qui doit payer, qui doit réparer ? Si ce n’est pas l’exploitant, nous savons qu’au final ce sera la collectivité.
Or nos territoires sont, dans ce cas, victimes de la double peine. D’une part, la collectivité en question doit subir la pollution et ses dommages collatéraux et, en cas d’absence ou de défaillance des responsables, elle finit par payer la réparation ou la dépollution. On l’a bien vu à travers des exemples comme Metaleurop.
Tout au long du texte, vous avez interprété a minima les articles des différentes directives. Vous ne vous donnez pas les moyens de poursuivre les fautifs dans tous les cas : restriction sur la durée, sur les moyens, sur les droits, sur le champ d’application, sur la remontée dans la pyramide des responsabilités. Votre position sur la responsabilité des sociétés mères illustre votre politique.
Ce texte contient quelques avancées, mais trop peu. Le Sénat, qui représente prioritairement les collectivités, se doit de les défendre. C’est pourquoi le groupe CRC votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les débats ont bien montré que nous avions raison de demander le renvoi de ce texte en commission, et la preuve de ce que nous dénoncions a été faite. La précipitation, ainsi qu’on a pu le voir tout au long du débat, a entraîné des contradictions, des imprécisions, un manque de cohérence.
Sur le fond, le principe pollueur-payeur, qui aurait dû être au cœur de ce texte sur la responsabilité environnementale, a plusieurs fois été limité ou adapté a minima. Cela peut être considéré comme technique ; je pense plutôt que c’est vraiment de la politique.
Quant aux transpositions supplémentaires par ordonnance – alors qu’une seule était inscrite, on en a voté un certain nombre –, notamment le règlement REACH, nous avons eu l’occasion de dire tout le mal que nous en pensions, et pas seulement, encore une fois, sur les aspects techniques.
Lors de mon intervention liminaire, j’avais fait part de notre bonne volonté, tout d’abord, parce qu’il s’agit d’un texte européen de transposition et, ensuite, comme ma collègue Mme Didier l’a souligné, parce que l’enjeu est très important pour les collectivités territoriales, mais également pour nos concitoyens, par les répercussions qu’il peut avoir sur leur santé, ainsi que pour les travailleurs.
Mais j’avais aussi souhaité que, face au manque d’ambition du texte, vous puissiez accepter nos amendements qui étaient destinés à améliorer le droit. Nous regrettons très sincèrement que cela n’ait pas été fait et nous déplorons de nouveau la méthode de travail employée.
Au moment où tout le monde semble trouver des vertus à revaloriser le travail parlementaire, où tout le monde attend que soient traduits les engagements pris lors du Grenelle de l’environnement, on ne peut plus accepter, ni sur le fond ni sur la forme, de travailler dans de telles conditions.
En conséquence, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Même si beaucoup a été dit, je vais prendre le temps qu’il faut !
M. Dominique Braye. On a compris !
M. Jean Desessard. Nous n’avons déjà pas eu le temps d’examiner les textes. On nous impose une procédure d’urgence, il s’agit plutôt d’une procédure précipitée !
Que l’on ait justifié la procédure d’urgence par la volonté d’être à jour pour la présidence française de l’Union européenne, passe encore ! Mais pourquoi ne pas nous avoir laissé une semaine supplémentaire et transmis les amendements du Gouvernement plus tôt ?
Ce n’est pas une façon de travailler. La France est le mauvais élève qui se réveille au dernier moment. Par crainte des amendes, et parce que l’on s’apprête à assumer la présidence française de l’Union européenne, on fait ce qu’il faut. Voilà !
Comme M. Braye l’a dit, le Gouvernement a utilisé la procédure du covoiturage : il y avait une transposition, le rapporteur s’est dévoué, y a dépensé de l’énergie, On a ajouté cinq transpositions, puis, grâce à M. Braye, encore une autre ! Ensuite, le Gouvernement s’est aperçu qu’il avait encore des ordonnances à prendre !
M. Dominique Braye. C’est de l’efficacité !
M. Jean Desessard. Pourquoi ne pas l’avoir fait avant ? Pourquoi, comme l’a dit le président de la commission des affaires économiques, est-on obligé de travailler dans de telles conditions ?
M. Dominique Braye. Il fallait rattraper le retard des socialistes !
M. Jean Desessard. Depuis combien de temps l’UMP est-elle au pouvoir ? Vous n’avez pas eu le temps de le faire ?
M. Dominique Braye. Pour rattraper le retard que vous avez accumulé, il nous faudrait vingt ans !
M. Jean Desessard. Vous faites de la communication et c’est au dernier moment que vous lancez les réformes ! Très bien !
Alors, évidemment, on est d’accord sur l’utilité de la transposition et sur le thème de la « responsabilité environnementale ». On adapte, on transpose les directives européennes, mais vous l’avez fait a minima. Vous n’avez pas posé le problème des pollutions diffuses ni celui de l’exploitant. Vous n’avez pas appliqué le principe de précaution et, même à propos de l’amendement n° 98, qui a été rectifié, vous avez dit qu’il ne fallait pas évaluer les incidences des activités humaines dans les zones Natura 2000. Vous transposez toujours a minima !
C’est la peur du gendarme, la crainte de l’amende, à la veille d’assumer la présidence française de l’Union européenne, qui vous a fait agir ! Mais vous n’avez pas vraiment de politique environnementale, et je crains le pire pour les suites du Grenelle de l’environnement.
Vous voulez toujours faire passer les intérêts conservateurs économiques avant l’environnement, alors que la préservation des ressources, la protection des sols, la sauvegarde de l’environnement, c’est la valeur économique !
Vous, vous croyez que c’est l’industrie chimique, l’activité industrielle qui fait aujourd’hui la richesse. Vous vous trompez fondamentalement ! Ce qui crée aujourd’hui la richesse, c’est la préservation de l’environnement.
Vous avez fait une loi a minima, au lieu de faire preuve d’un véritable élan environnemental et écologique.
C’est pourquoi, avec mes collègues sénatrices et sénateurs Verts, je voterai contre ce projet de loi. Il est évident qu’il sera voté tant votre peur du gendarme vous fera tous lever le doigt, mais il n’atteint pas vraiment votre objectif.
M. Dominique Braye. On a compris, cela fait cinq fois que vous le dites !
M. Jean Desessard. Vous allez voter ce projet de loi, mais vous craignez aujourd’hui que certaines dispositions ne s’avèrent dangereuses à l’avenir. Cela a été dit !
M. Dominique Braye. Pas du tout ! Nous n’avons jamais dit cela !
M. Jean Desessard. Mais si ! M. le rapporteur nous a dit que la transposition de la directive Natura 2000 était intervenue dans l’urgence. Or, nous nous trouvons aujourd’hui dans la même situation !
Je réaffirme donc que nous voterons contre ce projet de loi !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Je souhaite simplement répondre aux préoccupations des sénateurs qui ont estimé excessive la présence de quatre ministres pour assurer la défense d’un texte aussi important. (M. Jean Desessard s’exclame.) Or, nous appartenons tous à un pôle que l’on appelle le MEEDDAT, sigle qui désigne le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Madame Didier, je vous ai écoutée, comme toujours, avec une attention particulière. Vous avez dit que ce projet de loi « touche à l’intérêt de nos territoires ». Qu’y a-t-il de choquant à ce que le secrétaire d’État à l’aménagement du territoire défende un texte qui touche à l’intérêt des territoires ? J’espère que cela ne vous aura pas offusquée !
M. Dominique Braye. Cela nous a même fait plaisir !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Je n’aime pas beaucoup les sigles. C’est la raison pour laquelle je vous ai énuméré les différents départements ministériels réunis sous l’autorité du ministre d’État, Jean-Louis Borloo, et de ses secrétaires d’État. Mais ce sigle symbolise une méthode qui a fait aujourd’hui la preuve de son efficacité : la transversalité. En effet, se cloisonner à l’intérieur d’une responsabilité bien précise serait néfaste à l’intérêt général.
M. Jean-Louis Carrère. Démontrez-nous que c’est mieux !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Que les quatre ministres du MEEDDAT puissent venir défendre un texte présenté par leur ministère est la preuve que le travail ministériel s’effectue dans la cohérence et la concertation pour servir l’intérêt supérieur de notre pays !
Votre attitude ce soir, mesdames, messieurs les sénateurs, l’a également démontré ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis de l’adoption de ce projet de loi et remercie toutes celles et tous ceux qui y ont participé, même bruyamment.
M. Jean-Louis Carrère. Tournez-vous vers M. Braye !
M. Dominique Braye. Le bruit peut être constructif ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. M. Braye parle tellement fort qu’on ne peut pas rivaliser !
M. Jean Bizet, rapporteur. Je remercie plus particulièrement ceux qui ont voté ce projet de loi.
Je souhaiterais tout d’abord remettre en perspective la genèse de ce projet de loi, qui transpose une directive mise en chantier dès 1993. Il aura donc fallu un certain nombre d’années pour y parvenir : un livre vert, suivi d’un livre blanc puis d’une résolution et, enfin, d’une directive dont la transposition aboutit aujourd’hui.
M. Jean-Louis Carrère. C’est l’anti-urgence !
M. Jean Bizet, rapporteur. Pourquoi un tel laps de temps a-t-il été nécessaire ? Je crois qu’il a permis d’approcher la vérité et de trouver la meilleure solution pour prévenir et réparer les dommages causés aux biens qu’on qualifie d’« inappropriables », c’est-à-dire qui appartiennent à chacune et chacun d’entre nous.
M. Jean-Louis Carrère. C’est le principe d’extrême précaution !
M. Jean Bizet, rapporteur. Au cours du débat, Mme Herviaux notamment avait jugé irrationnel que l’on ne puisse pas faire provisionner des garanties financières par les exploitants. Je lui avais alors répondu qu’une clause de revoyure était prévue à l’horizon de 2010. Cette approche de l’environnement doit être appréhendée dans le temps, de façon à éviter les erreurs.
Nous sommes désormais dotés d’une police administrative supplémentaire qui s’articulera avec des polices spéciales et des directives spécifiques.
M. Jean-Louis Carrère. Ce sera difficile avec la RGPP !
M. Jean Bizet, rapporteur. Je rappelle que ce projet de loi s’attache à prévenir et réparer les dommages causés, sur l’ensemble du territoire national, aux biens « inappropriables », notamment à toutes les espèces, aux eaux de surface, aux habitats – limités aux zones Natura 2000, c’est-à-dire les habitats les plus pertinents, soit 13 % du territoire. En ce qui concerne la protection des sols, prenez encore un peu patience, une directive spécifique lui sera consacrée.
Je voudrais souligner l’excellente articulation de ce projet de loi avec la Charte de l’environnement, notamment son article 3, qui concerne la prévention, et son article 4, qui pose le principe de réparation. Monsieur Desessard, je regrette que vos camarades, en 2005, – je pense que vous ne siégiez pas encore au Parlement – n’aient pas compris la pertinence d’un vote en faveur de la Charte de l’environnement.
M. Jean Desessard. Nous avons voté pour ! J’y étais et je me souviens même d’avoir mis mon bulletin dans l’urne !
M. Jean Bizet, rapporteur. Alors, c’est moi qui ne suis plus au fait ! Je vous félicite de ce vote et regrette que vous vous soyez arrêtés en si bon chemin ! Vous auriez dû voter ce projet de loi, car il applique les articles 3 et 4 de la Charte de l’environnement et réserve la mise en œuvre du principe de précaution aux seules autorités publiques, dans leur domaine de compétence, conformément à l’article 5 de la Charte.
Avec le temps, nous serons amenés à transposer une prochaine directive, puisqu’un projet de février 2007 concerne même le domaine pénal ! Nous avons donc élaboré au fur et à mesure un dispositif imprégné d’une grande rationalité, confortée par la bonne articulation des démarches européenne et nationale.
Nous respectons aujourd’hui une logique d’exemplarité environnementale assez exceptionnelle qu’il faut saluer. Mais j’attire également l’attention du Gouvernement sur le fait que cette transposition et cette réflexion ont pris corps au sein de la commission des affaires économiques et que la notion d’exemplarité environnementale de la France ne doit pas nous placer en porte-à-faux avec l’indispensable logique économique.
La vertu affichée par l’Europe et la France en matière environnemental ne doit pas leur faire perdre de vue un contexte économique international où d’autres pays, tels que la Chine ou l’Inde, ne se trouvent pas sur la même longueur d’onde. Il est beau de donner l’exemple et d’être vertueux, mais n’oublions pas nos compétiteurs ! Il ne faudrait pas que nous nous éloignions trop de la logique économique qui doit sous-tendre l’ensemble de nos activités, ni que s’installe une distorsion entre logique environnementale et logique économique. La pertinence du développement durable s’inscrit dans cet équilibre délicat. (Mme Odette Herviaux approuve.)
Je me réjouis que le Sénat n’ait pas retenu l’exonération pour respect du permis. Dans un premier temps, telle n’était pas ma position, mais nous nous sommes bien expliqués : les exploitants qui sont titulaires d’un permis ont des obligations vis-à-vis des biens et des personnes, mais il fallait également les rendre responsables vis-à-vis des biens « inappropriables » grâce à la transposition de cette directive. Cette position a été courageuse de la part du Sénat.
En revanche, il n’était pas question que nous allions jusqu’à écarter l’exonération pour risque de développement, car nous devons nous projeter dans l’avenir. Ce n’est pas parce que nous prenons des risques en matière de développement qu’ils ne sont pas calculés. Nous respectons, là aussi, l’esprit du principe de précaution.
Je ne suis pas mécontent du débat auquel a donné lieu le sous-amendement n° 129 rectifié. Le Gouvernement a tenté de séduire nos collègues Ladislas Poniatowski et Dominique Braye, qui sont restés dans leur rôle. Nous étions assez mal à l’aise sur ce sujet, mais nous aurons un peu de temps pour revoir cette question.
Il me semble que la rectification de l’amendement n° 98 permet de corriger le texte du projet de loi dans le bon sens. Nous disposerons également d’un mois pour mener un certain nombre d’auditions et voir comment apporter les bonnes réponses en commission mixte paritaire. J’y insiste, au risque d’ennuyer notre collègue Jean Desessard, nous ne devons pas oublier la dimension économique de notre pays. Sans économie, pas de social ni d’environnement !
M. Jean Desessard. Sans environnement, pas de social ni d’économie !
M. Dominique Braye. Mais non ! Les trois piliers du développement durable sont l’économie, le social et l’environnement, à égalité !
M. Jean Bizet, rapporteur. Mme la secrétaire d’État a dit au cours des débats que nous devions promouvoir au niveau international la notion de protection de l’environnement. Elle a prononcé le nom de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC : tant que nous n’aurons pas fait adopter la dimension environnementale par l’OMC, nous souffrirons d’une distorsion de concurrence avec la Chine et avec l’Inde.
Mme Odette Herviaux. Pas seulement !
M. Jean Bizet, rapporteur. Je ne cesse d’attirer l’attention de Pascal Lamy sur ce sujet, et je sais que nous devons, au-delà du protocole de Kyoto et de l’horizon de 2012, interpeller les pays qui ne sont pas vertueux au niveau environnemental. S’ils ne veulent pas accepter d’entrer dans ce cercle vertueux, il faudra alors taxer les échanges internationaux.
Pour conclure, je tiens à souligner la qualité de la réflexion de notre assemblée, qui, je le rappelle souvent, fait preuve en la matière d’une vraie culture d’avenir ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
5
Dépôt d'une proposition de loi
M. le président. M. Le président du Sénat a reçu de MM. Jacques Legendre, Gérard Bailly, Bernard Barraux, René Beaumont, Michel Bécot, Pierre Bernard-Reymond, Roger Besse, Jean Bizet, Mme Brigitte Bout, MM. Louis de Broissia, Christian Cambon, Jean-Claude Carle, Gérard César, Jean-Pierre Chauveau, Marcel-Pierre Cléach, Christian Cointat, Raymond Couderc, Jean-Patrick Courtois, Philippe Dallier, Robert Del Picchia, Mme Béatrice Descamps, MM. Eric Doligé, Michel Doublet, Alain Dufaut, Louis Duvernois, Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Jean Faure, André Ferrand, Yann Gaillard, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, Charles Ginésy, Paul Girod, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Francis Grignon, Michel Guerry, Hubert Haenel, Mme Françoise Henneron, M. Michel Houel, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Christiane Kammermann, M. Marc Laménie, Mme Élisabeth Lamure, MM. Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Philippe Marini, Mme Colette Mélot, MM. Alain Milon, Charles Revet, Philippe Richert, Bernard Saugey, Bruno Sido, Louis Souvet, Yannick Texier, François Trucy et Alain Vasselle, une proposition de loi tendant à sanctionner la vente d’objets liés au nazisme ou à d’autres auteurs de crimes contre l’humanité.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 362, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
6
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, d’un accord entre l’Union européenne et l’Australie sur le traitement et le transfert de données des dossiers passagers (données PNR) provenant de l’Union européenne par les transporteurs aériens au service des douanes australien.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3872 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet d’accord entre l’Union européenne et l’Australie sur le traitement et le transfert de données des dossiers passagers provenant de l’Union européenne par les transporteurs aériens.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3873 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3874 et distribué.
7
Dépôt de rapports
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-René Lecerf un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur la proposition de loi de MM. Jean-Pierre Bel, Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative aux conditions de l’élection des sénateurs (n° 322, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 357 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Laurent Béteille un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière civile (n° 323, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 358 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sur la proposition de résolution (n° 345, 2007-2008) présentée par M. Jean-Jacques Hyest, tendant à actualiser le règlement du Sénat afin d’intégrer les sénateurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin dans les effectifs des commissions permanentes.
Le rapport sera imprimé sous le n° 359 et distribué.
8
Dépôt de rapports d'information
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Adrien Gouteyron un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la gestion de l’Institut du monde arabe, IMA.
Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 360 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de Mme Fabienne Keller un rapport d’information fait au nom de la délégation pour l’Union européenne sur la proposition de règlement établissant des normes d’émissions de CO2 des voitures neuves.
Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 361 et distribué.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 29 mai 2008 à quinze heures :
1. Questions d’actualité au Gouvernement.
Délai limite d’inscription des auteurs de questions : jeudi 29 mai 2008, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD