Article 8
Dans les trois mois qui suivent l’institution d’un grand port maritime, une convention ou un accord collectif passé entre le président du directoire du grand port maritime et les organisations syndicales représentatives des salariés du port établit une liste de critères de transfert aux opérateurs de terminal des salariés du grand port maritime employés à l’exploitation ou à la maintenance des outillages mentionnés à l’article 6 ou d’outillages qui ne sont pas propriété du port. Ces critères comprennent notamment les souhaits du salarié, sa qualification professionnelle, son ancienneté de service dans le port, ses qualités professionnelles appréciées par catégorie ainsi que ses perspectives professionnelles. À défaut d’accord dans ce délai, la liste est établie par le président du directoire du grand port maritime.
Au regard des critères retenus, le président du directoire du grand port maritime fixe, après consultation des organisations syndicales représentatives des salariés du port, la liste des salariés qui restent affectés sur des emplois du grand port maritime et, pour chaque terminal, la liste des salariés dont les contrats se poursuivent avec l’opérateur du terminal dans les conditions fixées aux articles 9 à 11.
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par MM. Le Cam, Bret, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Nous avons eu l’occasion d’en faire la démonstration à plusieurs reprises, le transfert des personnels opéré par le projet de loi est non seulement inutile à la relance économique des ports, mais présente en plus l’inconvénient majeur de précariser les salariés.
La mise en place d’un commandement unique est nécessaire pour gagner en efficacité. Cependant, il ne nécessite pas le transfert préalable des personnels vers les opérateurs privés, car il s’agit, à notre avis, de deux questions différentes.
D’ailleurs, le port du Havre a expérimenté avec succès la mise à disposition des personnels du port autonome aux opérateurs privés. De la même façon, une procédure de détachement pourrait être envisagée.
Pourtant, au lieu de vous inspirer des expériences positives, vous faites tout pour étendre les expériences négatives !
La fragilisation de la situation des personnels, qui est une question cruciale, est entérinée dans le texte même du projet de loi. Ainsi, l’article 10 prévoit déjà les licenciements économiques à venir…
Le Gouvernement ne veut pas entendre nos craintes. Il fait le choix de faire des salariés la variable d’ajustement, pour assurer les profits des opérateurs privés.
Prenons, pour nous en convaincre, l’exemple de l’entreprise NFTI-OU sur le port de Dunkerque. Dès 1999, les personnels de manutention ont été transférés à cette entreprise. Au départ, la société Maersk détenait 40 % du capital de cette société et le port autonome 60 %. Puis, au fil des années, la participation du port s’est réduite à 6 % du capital. Aujourd’hui, l’armateur Maersk a annoncé qu’il divisait par deux le nombre de ses conteneurs transitant par le port de Dunkerque, occasionnant une perte sèche de 700 000 euros pour les finances de ce dernier et fragilisant ainsi les emplois existants.
Cette situation montre bien que le transfert au privé des outillages et des personnels n’apporte aucune garantie, que les trafics restent volatils et les armateurs attachés à bien d’autres critères.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Revet, rapporteur. La procédure consistant à élaborer une liste avec des critères objectifs, puis à l’appliquer en assurant en permanence le dialogue social dans le port me paraît tout à fait efficace et transparente. Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Nous considérons que l’amendement n° 42 de suppression de l’article 8 est inacceptable, tant ce dernier est à nos yeux extraordinairement protecteur pour les salariés concernés par les transferts prévus.
D'une part, cet article précise que les critères de transfert seront issus de la négociation entre les organisations syndicales représentatives et le président du directoire, qui portera le titre, je l’ai rappelé hier, de directeur général. Cette négociation de terrain est très importante.
D'autre part, il tend à faire en sorte que le nombre de salariés transférés soit compatible avec la viabilité économique de l’activité, ce qui permet de limiter les risques. Comme cela avait été indiqué à l’origine, il est précisé que les autres salariés seront affectés à d’autres emplois sur le port. Par conséquent, personne ne sera laissé sur le quai.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis donc particulièrement hostile à la suppression de cet article extrêmement important pour la protection des salariés.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
Une négociation entre les organisations professionnelles représentant les entreprises de manutention, les organisations professionnelles représentant les ports autonomes et les organisations syndicales représentatives des salariés des ports est engagée en vue de la signature, avant le 1er novembre 2008, d’un accord-cadre précisant les modalités selon lesquelles les contrats de travail des salariés des ports autonomes mentionnés à l’article 8 se poursuivent avec les entreprises de manutention, les modalités d’accompagnement social de la présente loi et les modalités d’information des salariés.
Cet accord cadre comprend notamment :
- des mesures prises par le port afin de limiter pour le salarié les effets d’un éventuel licenciement économique par l’entreprise de manutention ;
- des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d’emplois ou équivalents à ceux qu’ils occupent, des actions favorisant le reclassement externe aux ports, des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés, des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents.
Un décret, pris avant le 1er décembre 2008, rend obligatoires les dispositions de cet accord-cadre aux grands ports maritimes, aux entreprises de manutention et aux salariés des ports, à l’exclusion des clauses qui seraient en contradiction avec des dispositions légales.
Il peut également exclure les clauses pouvant être distraites de l’accord sans en modifier l’économie, mais ne répondant pas à la situation des ports et des entreprises de manutention. Il peut étendre, sous réserve de l’application des dispositions légales, les clauses incomplètes au regard de ces dispositions.
Si, à la date du 1er novembre 2008, aucun accord cadre n’a pu être conclu, les dispositions de l’article 10 s’appliquent.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Le Cam, Bret, Billout et Danglot, Mmes Didier et Terrade, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Avec cet article 9, le Gouvernement nous propose, ni plus ni moins, de lui signer un « chèque en blanc », ou plutôt, devrais-je dire, d’autoriser légalement le patronat à imposer ses propres exigences aux salariés des ports concernés par l’article 8 du présent projet de loi.
Vous avez ensuite beau jeu de prétendre apporter aux salariés la protection qu’ils sont légitimement en droit d’attendre !
Je voudrais, à cet instant, citer des propos du rapporteur, qui ne manquent pas de sel si on les analyse du point de vue du vécu de milliers de nos concitoyens : « Ce dernier point correspond à une attente forte des agents des ports, qui souhaitent à la fois des garanties pour les agents intégrant un opérateur et la prise en compte de l’évolution de la situation des agents demeurant dans le port. »
Ainsi, selon vous, monsieur le rapporteur, l’ouverture de négociations devant déboucher sur la conclusion d’un accord cadre serait de nature à offrir aux salariés transférés les garanties exigées. Dire cela, c’est oublier le contexte économique et social dans lequel ces négociations devront s’entamer. Comment ignorer en effet qu’il existe, en raison de la situation de subordination des salariés à l’égard des employeurs et des circonstances économiques, un déséquilibre qui fragilise les salariés ? Chacun se souvient du chantage – il n’y a pas d’autre mot ! – exercé par l’entreprise Peugeot, qui n’a pas hésité à conditionner le maintien de l’emploi à un recul social : le renoncement aux 35 heures.
Comment, alors, ne pas juger votre proposition illusoire ? N’y voyez pas un quelconque doute quant à la capacité des organisations syndicales de défendre les intérêts des salariés, mais nous n’ignorons ni la capacité du patronat de se mobiliser ni celle du Gouvernement de l’aider à obtenir satisfaction.
Comment analyser votre proposition d’une négociation après transfert, avec une échéance fixée à moins de six mois –durée que le Gouvernement nous proposera d’allonger par le biais d’un prochain amendement –, autrement que comme la traduction d’une volonté de réunir toutes les conditions pour que les différentes parties ne parviennent pas à un accord ?
On devine quelle est la raison d’être du calendrier que l’on nous propose d’adopter. Pour vous, ce qui compte avant tout, c’est procéder à une privatisation rampante, transférer les personnels et, en tout dernier lieu, offrir une prétendue sécurité aux salariés.
Si l’objet de ce projet de loi était réellement de protéger les salariés, la logique aurait été, au contraire, de conditionner le transfert des personnels à la conclusion de l’accord cadre.
M. le président. L’amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Le Cam, Bret, Billout et Danglot, Mmes Didier et Terrade, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
- un accord de méthode et un engagement formel de négocier et conclure une convention collective nationale régissant l'ensemble des travailleurs portuaires assurant la manutention, l'exploitation, la maintenance pour le compte des établissements ou concessionnaires, des opérateurs, ainsi que leurs filiales au plus tard le 30 juin 2008 ;
II. - Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Il s’agit d’un amendement de repli. Nous avons présenté peu d’amendements de ce type, dans la mesure où nous ne partageons pas la philosophie globale de ce texte.
L’article 9 prévoit qu’un accord cadre devra être signé avant le 1er novembre 2008 et que, à défaut, les dispositions de l’article 10 s’appliqueront.
Le délai prévu à l’article 9 pose problème, car il soumet la conclusion de cet accord à une contrainte de temps non négligeable, alors même que des pressions s’exercent d’ores et déjà pour ramener la date butoir au 30 juin prochain.
Les sénateurs du groupe communiste ont déjà exposé les raisons pour lesquelles ils refusent d’adopter un texte avant que l’accord cadre ne soit signé.
Alors que l’accord cadre est présenté comme une pièce essentielle du dispositif prévu à l’article 9 et la traduction contractuelle de la volonté des partenaires sociaux, le Gouvernement s’arroge le droit de le modifier et de le compléter éventuellement. Cette faculté, laissée à la discrétion du Gouvernement, est une atteinte caractérisée à l’expression de la représentation syndicale.
Enfin, le contenu de l’accord cadre n’apporte pas les garanties suffisantes à la conclusion d’une convention collective nationale régissant l’ensemble des travailleurs portuaires qui assurent la manutention et la maintenance pour le compte des établissements ou des opérateurs privés.
Nous souhaitons, également, que cet accord cadre s’applique aux personnels des filiales qui interviendront dans ce secteur d’activité.
M. le président. L’amendement n° 71, présenté par MM. Josselin, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le quatrième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
- un accord de méthode et un engagement formel de négocier et conclure une convention collective nationale régissant l'ensemble des travailleurs portuaires assurant la manutention, l'exploitation, la maintenance pour le compte des établissements ou concessionnaires, des opérateurs, ainsi que leurs filiales au plus tard le 30 juin 2009.
La parole est à M. Jean-Noël Guérini.
M. Jean-Noël Guérini. Cela a été dit, la situation des salariés et ouvriers dans les ports relève de deux conventions collectives, sources de confusion et de conflits, pas toujours assumés mais très sensibles, voire pénalisants pour les personnels.
Nous pensons pourtant que la condition sine qua non d’un apaisement social dans les ports réside aussi dans un alignement sur un seul et même texte, négocié par toutes les parties et prenant en compte la pénibilité des métiers. C’est une demande forte de tous les acteurs du port. Profitons de la négociation qui s’ouvre pour nous engager dans la voie d’un véritable progrès social !
M. le président. L’amendement n° 72, présenté par MM. Josselin, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.
La parole est à M. Charles Josselin.
M. Charles Josselin. La rédaction de l’avant-dernier alinéa de l’article 9 nous pose problème. S’agissant du décret qui doit être pris avant le 1er décembre 2008, il est notamment précisé qu’ « il peut également exclure les clauses pouvant être distraites de l’accord sans en modifier l’économie, mais ne répondant pas à la situation des ports et des entreprises de manutention ».
Il est tout de même à espérer que l’accord en question, qui aura donné lieu à des discussions préalables longues et serrées, répondra à la situation des ports et des entreprises de manutention – tel est précisément, en principe, son objet –, sauf à imaginer que l’on puisse remettre en cause certaines dispositions de l’accord, non satisfaisantes du point de vue du Gouvernement après avoir été considérées comme telles par les parties à la négociation.
On conviendra que cette situation est quelque peu préoccupante, même si l’on peut considérer que l’argument est réversible, dans la mesure où l’alinéa précité prévoit en outre que les clauses incomplètes pourront être étendues. Cela étant, dans ces conditions et eu égard à la menace d’annulation pure et simple par décret de certaines dispositions de l’accord, la marge de négociation des différents partenaires se trouvera affaiblie.
Pour ces raisons, nous souhaitons donc la suppression de cet alinéa, tout en comprenant bien qu’il représente, aux yeux du Gouvernement, la possibilité de « normaliser » l’ensemble des accords.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les quatre amendements faisant l’objet de la discussion commune, sachant que l’amendement n° 47 rectifié constitue en fait une synthèse des amendements nos 71 et 72, seule la date butoir pour la conclusion de la convention collective nationale différant ?
M. Charles Revet, rapporteur. L’article 9 est extrêmement important et contient des dispositions qui prennent en compte, me semble-t-il, certaines interrogations des salariés des ports. La volonté de le supprimer exprimée par nos collègues ne manque donc pas de m’étonner, dans la mesure où cette suppression pénaliserait ces salariés.
Par ailleurs, il me semble politiquement légitime de donner la priorité à la négociation d’un accord cadre plutôt que d’imposer un dispositif législatif.
Je rappelle que l’approche traditionnelle de la commission des affaires économiques consiste à préférer le contrat à la contrainte. Par conséquent, la philosophie de l’article 9 du projet de loi me paraît juste.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 43 rectifié.
S’agissant de l’amendement n° 47 rectifié, il a un double objet : d’une part, la mise en place d’un accord de méthode afin d’obtenir une convention collective nationale unique pour les travailleurs portuaires ; d’autre part, la limitation des pouvoirs du Gouvernement de modifier l’accord cadre.
En premier lieu, je suis personnellement favorable à une convergence de plus en plus grande entre la convention collective applicable aux ports, dite convention « verte », et la convention collective de l’Union nationale des industries de la manutention, l’UNIM, convergence qui est de nature à rassurer les salariés concernés.
Certes, je suis conscient que l’objet même de la réforme portuaire sera d’assurer une diversification de plus en plus importante des activités des ports et des entreprises de manutention.
Je ne puis, toutefois, émettre un avis favorable sur cet amendement, car il fixe une date butoir beaucoup trop proche – le 30 juin 2008 – pour la conclusion de l’accord de méthode. J’estime préférable que des négociations sérieuses permettent d’instituer peu à peu une réelle convergence entre ces deux conventions.
En second lieu, je ne souhaite pas limiter les pouvoirs du Gouvernement de modifier l’accord cadre, à condition bien entendu qu’il s’agisse de modifications justifiées. Mais il ne saurait en être autrement, monsieur le secrétaire d’État !
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 47 rectifié, ainsi qu’aux amendements nos 71 et 72, pour les mêmes raisons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. L’amendement n° 43 rectifié n’est pas satisfaisant à nos yeux.
En effet, le Gouvernement, suivi en cela par la majorité de la commission, souhaite privilégier le dialogue social. C’est seulement dans le cas où ce dialogue échouerait que les dispositions de l’article 10 trouveraient à s’appliquer. J’indique d’ailleurs à M. Le Cam que la négociation a débuté et qu’elle va se poursuivre.
L’amendement n° 47 rectifié est, quant à lui, en grande partie satisfait par un amendement de simplification que je présenterai ultérieurement.
J’émets donc un avis défavorable, qui vaut également pour les amendements nos 71 et 72.
M. le président. La parole est à M. Charles Josselin, pour explication de vote sur l’amendement n° 43 rectifié.
M. Charles Josselin. Je regrette que l’amendement n° 71, dont la similitude avec le premier alinéa de l’amendement n° 47 rectifié n’est pas un effet du hasard, car il s’agit d’une disposition fortement souhaitée par les organisations syndicales, ait reçu un avis défavorable de la part tant du Gouvernement que de la commission.
Nous avions jugé utile de proposer de prévoir la négociation d’une convention collective nationale, car cela nous semblait de nature à faciliter un dialogue nécessaire, susceptible de conduire à un véritable apaisement.
M. le rapporteur est plutôt favorable à cette mesure, mais le calendrier proposé ne lui convient pas. Il faudrait d’ailleurs savoir de quel calendrier il s’agit ! En effet, nos collègues du groupe CRC proposent la date butoir du 30 juin 2008, nous retenons pour notre part celle du 30 juin 2009. Quoi qu’il en soit, nous comprendrions que l’on souhaite fixer un autre calendrier, pourvu que l’échéance ne soit pas repoussée trop loin, mais refuser de retenir le principe d’une convention collective nationale serait manquer une bonne occasion d’adresser un signe positif aux salariés concernés.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
À défaut de l'accord cadre prévu à l'article 9 ou si cet accord ne comporte pas les stipulations prévues à cet article, les contrats de travail des salariés du grand port maritime qui ne restent pas affectés sur des emplois du port en application de l'article 8 sont transférés à l'opérateur mentionné au dernier alinéa de cet article par convention entre le port et cet opérateur. Le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés des obligations qui incombaient au grand port maritime à la date de la signature de la convention de transfert.
Dans la limite de cinq années suivant le transfert, en cas de suppression de son emploi consécutive à des motifs économiques de nature à conduire au licenciement économique du salarié dont le contrat de travail a fait l'objet d'un transfert en application du présent article, ce contrat peut, à la demande de l'intéressé, se poursuivre avec le grand port maritime. Les institutions représentatives du personnel de l'entreprise sont consultées.
Tout transfert d'un contrat de travail dans les conditions précisées à l'alinéa précédent donne lieu au versement par l'employeur au grand port maritime d'une somme d'un montant égal à l'indemnité qui aurait été versée au salarié en cas de licenciement pour motif économique.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Le Cam, Bret, Billout et Danglot, Mmes Didier et Terrade, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Reconnaissez-le, monsieur le secrétaire d'État, l’article 10 constitue l’aveu même de l’insuffisance de votre projet de loi !
D’ailleurs, j’aurais même envie d’y voir la preuve que l’article 9 ne fait qu’illusion et qu’il n’est pas, contrairement à ce que vous avez pu dire, un outil de protection des salariés.
En effet, à l’article 10, vous commencez par envisager le cas où l’accord cadre ne pourrait être conclu. C’est dire que le délai de six mois vous paraît insuffisant, particulièrement au vu des enjeux ! Vous allez probablement l’allonger, mais le problème de fond demeure.
Nous sommes très dubitatifs s’agissant de la fameuse convention de transfert conclue entre le port et les opérateurs, convention dont le contenu nous est presque totalement inconnu.
Cela renforce notre conviction selon laquelle si l’on veut faire prédominer le maintien de l’emploi face à la logique libérale, il faut impérativement procéder à l’ouverture de négociations et faire de la conclusion d’un accord le préalable à toute réforme. Hélas, vous n’avez pas retenu cette option, ce qui ne sera pas sans conséquences pour le devenir des ports, comme pour celui des salariés.
Ainsi, votre proposition de créer une forme de « dé-transférabilité » pour une période de cinq ans, qui autoriserait la réintégration d’un salarié licencié pour motif économique au sein du grand port maritime, ne fait guère illusion. Là encore, c’est admettre que votre projet de loi crée, en matière d’emploi, une grande incertitude. L’amendement de la commission prévoyant cette réintégration en cas de changement des conditions essentielles du contrat de travail va également dans ce sens.
Vous savez que vous allez exposer les salariés à des conditions de travail et à des statuts moins favorables, que votre réforme va susciter des coupes claires dans l’emploi des personnels de manutention, mais vous persistez et signez en vous donnant bonne conscience avec des dispositifs inefficaces, hélas !
Cette réforme, comme tant d’autres – par exemple la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC ou la modernisation du marché du travail –, contribuera à l’individualisation des droits.
Le texte reste ainsi tristement muet quant aux obligations de formation de l’employeur. Qu’adviendra-t-il des droits à la formation d’un salarié transféré à une entreprise de manutention et, par la suite, réintégré au sein du grand port autonome ? Qui sera comptable de ces droits ? Comment seront-ils garantis dans leur continuité ?
Cela apparaît d’autant plus important que la question de la formation professionnelle devrait être au cœur de votre projet de loi.
En effet, vous le savez, le grand port autonome n’accomplira plus d’opérations de manutention que dans une mesure très résiduelle. Dès lors, quelle proposition sera faite aux salariés réintégrés au sein du grand port maritime ? Et si ce dernier n’effectue plus de telles opérations, comment trouvera-t-il les ressources suffisantes pour rémunérer ces salariés ? La question se pose d’autant plus que vous supprimez les redevances pour outillage perçues actuellement par les ports.
Vous proposez donc une coquille vide, une réintégration pour des salariés privés de formation continue, voués à un travail incertain, très aléatoirement rémunéré.
Enfin, nous ne pouvons souscrire au versement par l’employeur, au profit du grand port maritime, d’une somme égale à l’indemnité qui aurait logiquement dû être versée au salarié en cas de licenciement pour motif économique.
Là encore, nous ne pouvons que dénoncer un détournement de la législation du travail et des dispositifs particuliers instaurés au travers de la loi de 2002 dite de modernisation sociale, puisque vous déchargez littéralement l’employeur de ses obligations particulières de reclassement et d’indemnisation, en mettant en place, là aussi, une individualisation des droits.
Ainsi, avec ce projet de loi, dont les dispositions viennent s’ajouter à la suppression de la majoration pour licenciement pour motif économique que vous avez validée au travers de l’adoption de la loi portant modernisation du marché du travail, vous ne tentez même plus de dissimuler le rôle que vous voulez faire jouer au salarié, à savoir celui de variable d’ajustement !
Vous comprendrez que nous ne pouvons cautionner une telle atteinte aux droits des salariés. C’est la raison pour laquelle nous proposons au Sénat d’adopter cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Le Cam, Bret, Billout et Danglot, Mmes Didier et Terrade, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Au début de la première phrase du deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :
Dans la limite de cinq années suivant le transfert,
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L'employeur n'est pas exonéré de son obligation de reclassement individuelle et, le cas échéant, des obligations relatives à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Au cas, certes improbable, où le Sénat n’adopterait pas l’amendement n° 45 rectifié (Sourires.), nous présentons cet amendement de repli, qui vise à limiter les aspects les plus néfastes du projet de loi, tout du moins pour ce qui concerne le sort des salariés.
Comme je l’ai déjà indiqué à propos de l’amendement précédent, ce qui nous est présenté comme une protection offerte aux salariés, consistant en une forme de droit à la réintégration, n’est pas satisfaisant.
En effet, vous ne permettez pas le maintien des personnels, mais vous ouvrez droit à une réintégration dans des structures qui ne disposeront plus, demain, des ressources suffisantes pour rémunérer les salariés concernés.
Par ailleurs, ces structures, en raison de l’abandon de la quasi-totalité des activités de manutention, ne pourront assurer d’activité aux personnels de manutention. C’est pourquoi nous avons émis d’importants doutes sur ce dispositif.
De surcroît, il nous semble que le délai prévu pour la réintégration, fixé à cinq ans, n’est pas suffisant, surtout eu égard aux risques de ce que vous nommez pudiquement les mutations économiques. Après que l’on a organisé la casse de leur outil de travail, la destruction de leur statut et la privatisation rampante des ports, il nous semble donc légitime que l’on garantisse aux personnels de manière non limitée dans le temps le droit au retour à l’emploi par réintégration.
Quant à la seconde disposition de notre amendement, elle est cohérente avec l’analyse que nous faisons du projet de loi et de l’évolution des politiques sociales que mène le Gouvernement. Vous n’avez de cesse de réduire les protections collectives au bénéfice de protections individuelles, nécessairement amoindries puisque ne reposant plus sur la notion de collectivité, seule capable de contrebalancer la relation déséquilibrée que constitue le contrat de travail, en raison de l’existence du lien de subordination.
Pour toutes ces raisons, nous demandons qu’il soit écrit clairement dans le projet de loi que les obligations de l’employeur en matière de reclassement et de plan de sauvegarde de l’emploi sont maintenues.