M. le président. La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour autoriser la mise en œuvre d’un nouveau système européen de ressources propres dont les négociations, conclues voilà un an, furent difficiles.
Peut-être mon constat est-il pessimiste, mais il semble rejoindre l’opinion de plusieurs d’entre nous : malgré ces nouvelles négociations, le système des ressources propres, système opaque, tissé d’exemptions et de compensations, financé de manière complexe et peu lisible, montre clairement aujourd’hui ses limites, tout comme, de manière générale, le cadre budgétaire européen.
Les États membres ne s’y sont pas trompés et ne l’ont pas ignoré en prévoyant une clause de réexamen.
M. Badré a clairement analysé le contenu de la décision, mais j’estime que l’examen du présent projet de loi est surtout l’occasion de débattre de l’application concrète de cette clause de réexamen, qui imposera, à peine la décision négociée, aux États membres de se mettre à nouveau autour de la table pour réfléchir au financement communautaire de l’après 2013.
Cette décision du Conseil traduit bien la difficulté des États membres à réaliser une véritable réforme !
D’ailleurs, on peut regretter la généralisation de l’usage d’une clause de réexamen dans les compromis européens, et cela est particulièrement vrai dans le cas des négociations financières. C’est, certes, une manière toute diplomatique de parvenir à un accord autorisant à se féliciter d’une convergence de vues, mais c’est aussi une façon de reporter sans cesse la réflexion sur ce que doit faire l’Europe ainsi que celle sur la structure et le financement du budget européen.
Les enjeux de ces nouvelles négociations sont de taille. S’agira-t-il d’ailleurs d’un réexamen ou d’une véritable refonte ? Pour notre part, nous sommes plutôt partisans de la seconde hypothèse.
Il s’agit, tout d’abord, de dépasser la logique du juste retour qui préside aujourd’hui encore à toute négociation budgétaire européenne, qu’elle soit annuelle ou pluriannuelle. Nous le disons chaque année lors de l’examen de la contribution française au budget communautaire, sans que rien n’ait été fait pour remédier à cette situation.
Cette approche parasite véritablement toute discussion sur le fond, qu’il s’agisse tant du volume budgétaire que de sa destination.
Comment donc déjouer les pièges d’une négociation budgétaire dominée par des logiques comptables déclinées en cadeaux et compensations et par des logiques nationales qui conduisent les États membres à oublier, dès qu’ils « parlent » budget européen, leur objectif commun de bâtir des politiques durables qui bénéficient à tous ?
Les discussions doivent porter sur le volume des moyens financiers à allouer aux différentes politiques communautaires et non sur l’exercice qui vise à aboutir à un jeu à somme nulle entre ce que les États paient et ce qu’ils « reçoivent ».
Les bénéfices que les États membres et leurs citoyens tirent de l’action de l’Union européenne ne sont pas uniquement quantifiables en espèces sonnantes et trébuchantes.
Ce raisonnement ne sert pas l’Europe.
Sinon, comment expliquer l’attraction de l’Union pour les États qui ne cessent de frapper à sa porte et qui sont prêts à de longues années de négociations et d’adaptation de leur législation ? Il existe bien une dynamique européenne.
Comment nourrir aujourd'hui cette dynamique avec un budget qui se fait de plus en plus maigre alors que les politiques et les actions à financer sont toujours plus nombreuses ? C’est là un autre défi qu’il faudra relever.
Je crois qu’il est indispensable de modifier le système des ressources communautaires, car il ne correspond plus ni au rôle et à la place de l’Europe dans le financement des politiques des États membres, ni à l’ampleur des politiques mises en œuvre par l’Union elle-même, ni au type de politique qu’il est nécessaire de mettre en place.
À notre sens, il n’y a que l’instauration d’un impôt européen qui pourra permettre de surmonter cette logique du juste retour et d’apporter la lisibilité suffisante à un système devenu trop complexe et trop technique.
Oui, le budget communautaire doit être financé par des ressources propres qui doivent être prélevées au nom de l’Europe.
L’élaboration d’un budget est d’abord politique et il faut que les citoyens européens puissent l’identifier comme tel par un moyen qui établisse un lien plus direct avec eux. Nous savons combien les citoyens français en particulier sont attachés à connaître la destination de leurs impôts. Cela contribuera à renforcer l’identité européenne au même titre que la monnaie unique.
Alors, quel impôt européen ?
La révision ne devra pas se contenter de répartir différemment les parts des différentes ressources existantes : prélèvements sur la TVA, les droits de douanes, les importations agricoles et contributions des États membres.
Il semble qu’il existe un consensus sur une modification de l’assiette des ressources à prélèvement constant, autrement dit sans création de nouvelle taxe. Il est difficile de croire à une véritable révolution. Peut-être pourrions-nous parvenir à introduire une part progressive d’impôt européen dans l’assiette des ressources assortie d’un échéancier précis ? En tout état de cause, un tel impôt ne sera pas à lui seul suffisant pour financer le budget communautaire.
Actuellement, toutes les formules sont sur la table, mais nous regrettons que les réflexions de fond au niveau européen sur chacune d’entre elles en soient encore aux prémices, qu’elles portent, par exemple, sur la modification du prélèvement sur la ressource TVA, sur une taxe CO2 ou encore sur un prélèvement sur les bénéfices des sociétés européennes.
Personnellement, je reste sceptique sur la pertinence de ce dernier prélèvement, car les bénéfices des sociétés dépendent de la conjoncture économique, et donc varient. Or il faut mettre en place un prélèvement constant.
Quant à une taxe CO2, elle dépendra certainement des négociations sur le paquet énergie-climat et de la définition des moyens de lutter contre le changement climatique.
La méthode ou méthodologie de la refonte me paraît également déterminante.
Un lien indissociable a été établi par le Conseil européen de décembre 2005 entre l’accord sur les dépenses et celui sur les recettes. Les clauses de révision de l’accord interinstitutionnel et de la décision sur le système de ressources propres prévoient de nouvelles négociations avant la fin de 2009. L’occasion est-elle déjà manquée de parvenir à des négociations qui dépassent la logique comptable et à un système de compromis sur les deux pôles budgétaires ?
Il me paraît indispensable que, pour une fois, les principes déterminant les dépenses soient définis avant le volume et la ventilation de celles-ci. Nous n’avons eu de cesse de le répéter : ce sont les crédits qui doivent être au service des objectifs des différentes politiques communes de l’Union.
Les discussions sur les dépenses doivent refléter les objectifs des politiques de l’Union européenne, et non être uniquement consacrées à la ventilation des crédits entre les États membres.
Le volume final du budget européen ne peut et ne pourra tromper personne : il doit être la traduction des priorités et du degré d’ambition assignés à l’Union européenne.
Quels objectifs pour quel budget ?
Le budget européen des dix prochaines années doit non pas seulement préserver, mais renforcer la solidarité européenne.
Les États membres n’ont cessé, en particulier, de diminuer le budget dévolu aux nouveaux États membres, alors que, du fait de leur nombre et de leurs particularités, leurs besoins sont plus grands. En raison d’un plafonnement très bas des recettes, la seule solution aujourd’hui est de prendre à Pierre pour donner à Paul. Comment, dans ces conditions, réussir à surmonter la logique de distribution au profit d’une véritable politique de redistribution ?
Les négociations qui vont s’ouvrir devront également s’engager de manière forte sur un budget qui soit au service de la croissance et de l’emploi. Pour que cet objectif soit crédible, il faut parvenir soit à une augmentation significative du budget, ce que n’avait pas été obtenu lors des négociations de 2006, soit à une redéfinition des priorités qui mette fin à la politique du saupoudrage.
Cette redéfinition n’est possible que si un véritable débat est mené sur le rôle de l’action européenne et donc sur l’organisation de son financement.
Parallèlement à un accord sur les objectifs assignés à l’Union, peut-être pourrait-on organiser une autre hiérarchie des dépenses qui permette de concentrer les efforts de l’Europe là où elle est le plus efficace, par exemple en les ordonnant comme suit : « dépenses dynamiques », « dépenses incitatives », « dépenses complémentaires ».
Les « dépenses dynamiques », importantes en volume et destinées à créer un « choc de croissance » par des projets et des actions précisés, seraient le symbole de la valeur ajoutée européenne. Ces crédits financeraient les « biens collectifs européens » qui seraient définis, et j’estime pour ma part qu’une politique de grands travaux et d’infrastructures à l’échelle du continent est pleinement d’actualité.
Les « dépenses incitatives » correspondraient aux crédits versées aux États membres pour qu’ils mènent des politiques au nom de l’Europe.
Les « dépenses complémentaires » enfin seraient destinées à soutenir l’action des États membres et resteraient comme aujourd’hui tout à fait décisives pour mener à terme certains projets.
Précis, lisible, octroyé au bon moment, le financement communautaire pourrait ainsi mieux servir de levier à une politique de croissance qui génère des emplois.
Il est indispensable de doter l’Europe d’un budget important.
L’engagement pour l’Europe se mesure à la fois à l’aune du montant du budget européen et à celle de la ventilation des crédits.
Or les six plus gros États membres contributeurs du budget européen, en tête desquels figure la France, ont ruiné les chances d’avoir en 2005 un vrai débat sur les perspectives financières avec la demande d’un plafonnement à 1 % du budget européen.
Il n’est plus acceptable de se retrouver dans la situation où des États membres, dont la France, demandent un tel plafonnement du budget européen tout en essayant de recevoir plus qu’ils ne contribuent.
Par ailleurs, l’examen du projet de loi de finances pour 2008 a conduit à avaliser une situation absurde : pour que la France puisse rester sous la barre des 3 % de déficit public en 2008, le gouvernement français a décidé de réduire la contribution française à l’Union européenne.
Nous ne pouvons guère parler de volontarisme européen en matière budgétaire de la part de la France, à la veille même de l’exercice de sa présidence de l’Union européenne.
L’intérêt essentiel de la révision à mi-parcours du budget européen est de permettre un financement mieux adapté aux défis contemporains. Mieux financer, cela veut dire mieux anticiper les actions qui permettront de relever les futurs défis ; cela signifie donc qu’il faut engager un véritable débat sur les politiques de l’Union.
Or il semble que la présidence française ne compte pas faire des ces échéances une priorité des six prochains mois. Il était pourtant prévu, initialement, que la France prépare ce réexamen et lance un certain nombre de débats, avant de laisser le soin à la République Tchèque, ainsi qu’à la Suède, de procéder aux négociations mêmes.
Les pouvoirs publics, le Président de la République comme le Gouvernement, sont particulièrement silencieux sur ce sujet, à un mois et demi de la présidence française.
Il est de la responsabilité de la France de préparer les négociations, faute de quoi il sera de nouveau trop tard pour lancer une véritable réflexion en amont sur les objectifs de l’action européenne qui les précédent et les bases de compromis ne seront, une nouvelle fois, qu’exprimées en termes budgétaires.
Nous vous demandons donc, madame la secrétaire d’État, quelles initiatives la présidence française envisage de prendre pour préparer le réexamen du système des ressources propres, ainsi que celui des perspectives financières.
À mon sens, la préparation des futurs débats devra être l’occasion de promouvoir une contribution des parlements nationaux. Leur participation serait légitime à double titre : s’il y a impôt européen, le prélèvement restera vraisemblablement national ; leur rôle renforcé en matière de contrôle du principe de subsidiarité les habilitera à réfléchir au meilleur niveau de financement, celui de l’Union ou des États membres, dans la mise en œuvre des politiques européennes.
Nous demandons ainsi que les parlements nationaux soient clairement et pleinement associés à la révision du système des ressources propres et des perspectives financières ; il serait d’ailleurs opportun qu’un groupe de travail du Sénat se mette en place dans cette perspective.
Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ?
Cette décision du Conseil qui nous est soumise permet d’avancer, peu certes, mais d’avancer tout de même. Ainsi, nous prenons acte du premier pas, visant à une réduction de la correction britannique. Le fait que, d’après cette décision, le Parlement européen doit être consulté, dynamise et fait évoluer le débat. La réflexion dépasse ainsi les frontières des cercles d’initiés.
Je regrette l’état de la réflexion sur un futur système de ressources et j’observe que, dans ce domaine, la prudence est de mise.
Le Parlement européen, dans ses derniers rapports –ceux de MM. Lamassoure et Böge – évoque la méthodologie, mais pas assez le contenu.
Nous regrettons également la précipitation avec laquelle ce texte a été examiné, ce qui ne nous a pas permis d’engager un véritable travail de réflexion. J’espère qu’il y sera remédié par la suite, compte tenu de l’importance des enjeux qu’entraîne le réexamen de ce système de ressources et des perspectives financières.
Cette décision, que ce projet de loi tend à ratifier, que l’on ne peut amender et qu’on nous demande d’adopter, ne prévoit pas de réforme du système de ressources propres, qui est une nouvelle fois reportée ; elle n’apporte qu’une simple inflexion à la marge, une simple modification de l’assiette et la programmation de la diminution du chèque britannique.
Par ailleurs, nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur ce sujet, nous ne sommes pas satisfaits de l’accord qui a été conclu sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 ; pour nous, les négociations sur les perspectives financières se sont soldées par un échec : le budget arrêté n’est à la hauteur ni des nécessités ni des défis.
Nous sommes, en outre, inquiets au sujet des négociations qui se profilent en 2009, alors qu’aucun débat en amont sur les compétences de l’Union, ses objectifs et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre n’est prévu.
Dans l’attente de ces nouvelles négociations prévues par les clauses de réexamen, il ne nous est pas possible d’approuver franchement une décision qui ne fait que pérenniser un système.
Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, le groupe socialiste s’abstiendra sur ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question financière demeure toujours une source de forte tension au sein de l’Union européenne.
L’adoption, pour le moins laborieuse, des perspectives financières 2007-2013 par les chefs d’État ou de gouvernement, lors du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005, en témoigne parfaitement.
Ce n’est qu’à l’issue de près de deux ans d’âpres négociations – Denis Badré l’a rappelé dans son rapport fait au nom de la commission des finances –, que l’Union européenne s’est enfin dotée d’un cadre financier pluriannuel couvrant la période 2007-2013.
Toutefois, les perspectives financières ainsi fixées dissimulent mal le vide politique de l’Union européenne, que le traité de Lisbonne ne comble aucunement.
Je rappellerai que, durant ces négociations calamiteuses, les intérêts des États membres sont entrés en conflit au point de créer une situation inédite dans l’histoire des négociations budgétaires européennes. En effet, c’était la première fois qu’un « paquet final » mis sur la table par une présidence était rejeté !
Dès décembre 2003, on se souvient qu’un groupe de six États membres, dont la France, avait exprimé son opposition à une forte croissance du budget européen. Il s’agissait d’une position frileuse, significative de la crise traversée par l’Union européenne, incapable de se rassembler et d’agir en faveur de l’intérêt des peuples européens, qui sont ainsi tenus à l’écart d’un budget communautaire parfaitement inintelligible.
Pourtant, nul n’est censé ignorer le budget communautaire, car il s’agit de l’instrument financier traduisant les choix politiques, l’action et l’ambition européenne. Sa dimension tant quantitative que qualitative est donc porteuse de sens.
Le niveau du budget communautaire, mais surtout la répartition entre les différentes actions communautaires, permettent, hélas ! de pointer le sens de la construction européenne.
Or force est de constater au-delà des discours et des effets d’annonce que, pour 2007-2013, le budget de l’Europe s’inscrit simplement dans la continuité des précédents.
Les perspectives financières pour 2007-2013, ainsi que cela a été rappelé, prévoient 864,3 milliards d’euros en crédits d’engagement, soit 1,048 % du RNB de l’Union, et 820,780 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 1 % du RNB.
Il s’agit là, il faut le reconnaître, d’un pourcentage peu ambitieux, qui ne représente que 30 % du budget américain de la défense !
Ainsi limité à 1 % du revenu national brut européen, ce budget est incontestablement insuffisant pour répondre aux besoins collectifs de l’Union européenne.
En d’autres termes, mes chers collègues, le budget de l’Europe ne permet pas de relever les défis considérables qui lui sont posés tels que la solidarité dans le contexte de l’Union à vingt-sept, l’affirmation d’une Europe plus forte, d’une Europe agissant pour un monde plus solidaire et plus sûr, ou encore le progrès de la citoyenneté et de la participation des peuples et la résorption du déficit démocratique de l’Union.
Au reste, si nos concitoyens demeurent écartés des choix budgétaires européens, on peut également s’interroger sur le rôle de notre propre assemblée et sur un certain nombre de fictions.
Je dénonce de manière récurrente, chaque année, à l’occasion du débat sur la loi de finances, l’hypocrisie de notre Parlement quant à la mise à disposition des ressources propres.
Le mythe de la souveraineté parlementaire pourrait laisser croire que le Parlement procéderait à un vote d’autorisation de prélèvements sur recettes de l’État membre au profit de l’Union européenne. Malheureusement, comme on le sait, la réalité juridique et politique est moins favorable à la représentation nationale.
Si l’article 6, alinéa 4, de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, consacre le vote du Parlement sur un article spécifique relatif au prélèvement communautaire, en fait cette disposition n’introduit pas une innovation considérable. La LOLF se contente de suspendre formellement le versement des ressources propres au bon vouloir des parlementaires et réduit les Communautés européennes à de simples bénéficiaires d’une libéralité de l’État.
Pourtant, le système des ressources propres et les obligations communautaires qui en découlent ôtent au Parlement une part non négligeable de son pouvoir d’autorisation budgétaire.
L’éventualité d’un vote négatif est inhérente à toute mise aux voix : elle est politiquement envisageable et juridiquement possible au regard de la rédaction de l’article 6, alinéa 4, de la LOLF.
Au vote, se trouvent consubstantiellement liées la possibilité de débat et la capacité d’amender ou, à tout le moins, de rejeter ce sur quoi porte le vote.
Compte tenu des engagements communautaires de la France en la matière, la mise à disposition des ressources propres présente un caractère obligatoire, et tout manquement est systématiquement sanctionné.
Les obligations de l’État membre placent le Parlement dans une situation de compétence liée, qui exclut tout pouvoir d’autorisation parlementaire.
En cas de vote négatif, c’est-à-dire dans l’hypothèse d’un refus parlementaire du versement des ressources propres, l’État membre français n’en est pas moins tenu de verser la contribution due.
À défaut, il s’expose à une procédure contentieuse communautaire susceptible d’aboutir à une condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes.
Cette situation dénote l’absence de liberté de choix laissée au Parlement, et donc à la représentation nationale.
Elle symbolise également le déficit politique qui continue de marquer la construction européenne, y compris dans sa dimension financière.
Quant à la décision du Conseil du 7 juin 2007, dite « ressources propres », qui vise à mettre en œuvre le volet relatif aux recettes du budget communautaire des perspectives financières, elle s’inscrit dans la lignée de la précédente décision « ressources propres » de 2000, dont elle reprend les grands principes.
Le système de financement du budget communautaire reste composé des ressources propres traditionnelles – droits de douane, prélèvements agricoles et cotisations sucre et isoglucose –, de la ressource TVA et de la ressource RNB.
Ces ressources sont plafonnées, cela a également été rappelé, à 1,24 % du revenu national brut de l’Union en crédits de paiement et à 1,31 % en crédits d’engagement.
La décision du Conseil, d’une part, modifie en revanche le taux d’appel de la ressource TVA – qui s’établit à 0,50 % depuis 2004, passe à 0,30 % pour l’ensemble des États membres de l’Union européenne, à l’exception de quatre États qui bénéficient d’un régime dérogatoire, l’Autriche, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède –, et consacre, conformément aux conclusions de la présidence du Conseil européen de décembre 2005, un certain nombre de régimes dérogatoires en matière de ressources TVA et RNB en vue de prendre en compte la situation de certains États membres considérés comme figurant parmi les principaux contributeurs nets au budget de l’Union européenne.
Ainsi, les Pays-Bas et la Suède bénéficient d’une réduction brute de leur contribution annuelle calculée en fonction du RNB qui atteint respectivement 605 millions d’euros et 150 millions d’euros, valeur 2004.
Une fois de plus, force est de constater, mes chers collègues, que l’adoption du système de financement communautaire résulte d’un marchandage entre États membres soucieux de leur position à l’égard du budget de l’Union européenne. Les bénéficiaires veillent à le rester, tandis que les contributeurs s’efforcent de réduire leur contribution. Bel esprit de solidarité !
Par ailleurs, conformément aux conclusions de décembre 2005, la décision du 7 juin 2007 amorce une évolution du système des ressources propres de la Communauté européenne – Denis Badré disait tout à l’heure : « Enfin ! » –, à travers la remise en cause progressive et définitive de la correction accordée au Royaume-Uni.
La remise en cause de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984 constitue, certes, une avancée. Il s’agit même d’une rupture dans le système de financement de l’Union qui constituait un objectif majeur de la France, principal financeur de ce dispositif, de l’ordre de 27 %, avec 1,5 milliard d’euros en 2008.
L’accord conclu lors du Conseil européen de décembre 2005 met fin également au paradoxe suivant lequel le Royaume-Uni, fervent promoteur de l’élargissement et pays qui, il faut aussi le rappeler, est classé parmi les États les plus prospères de l’Union, était l’un des États membres qui contribuait le moins à son financement.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si nous considérons qu’il s’agit là d’une décision importante, nous désapprouvons néanmoins les calculs comptables des dépenses des États membres et des retours nationaux, qui déprécient les discussions et contreviennent à l’esprit de solidarité devant animer la construction européenne.
Nous l’avons plusieurs fois exprimé, la contribution des États membres devrait être présentée comme une ambition, et non pas simplement comme un coût.
Aujourd’hui, alors que le budget général des Communautés européennes est censé être alimenté par un système dit de « ressources propres » – tel est l’objet de l’article 269 du traité communautaire –, les prélèvements communautaires s’apparentent bien plus à un système de contributions budgétaires qu’à un transfert de produit fiscal spécifique aux Communautés.
Or la prééminence des contributions nationales entretient la logique du « taux de retour » – Denis Badré a rappelé, et je partage son avis, qu’il s’agit là de l’abnégation même de l’esprit communautaire –, suivant laquelle chaque État membre ne consent à contribuer au budget communautaire qu’à la condition de se voir garantir des retours nets suffisants au titre des diverses politiques communes mises en œuvre sur son territoire.
Les États déterminent ainsi leurs contributions au budget en fonction de ce qu’ils peuvent recevoir en retour de l’Union, dans une logique purement comptable.
Le système des « ressources propres » est donc défaillant, comme l’attestent non seulement l’absence de lien entre les contribuables et les ressources communautaires, mais aussi la part prépondérante de la ressource RNB dans l’ensemble des ressources de l’Union européenne.
Alimenté principalement par les contributions nationales, le budget européen se trouve confronté au « poison du juste retour », comme le qualifie le professeur d’économie, Jacques Le Cacheux.
Pour autant, on ne peut penser que l’instauration d’un impôt européen – au-delà de l’impopularité assurée d’une telle mesure dans l’opinion publique européenne – résoudrait la question du financement de l’Union. Mais encore faut-il lancer le débat !
Pourtant, l’Europe mériterait un budget digne de ce nom, ce qui supposerait d’en augmenter le niveau et surtout de le répartir entre les différentes actions communautaires d’une façon qui réponde aux besoins accrus de cohésion et accorde la priorité à la lutte contre l’accroissement des déséquilibres, des inégalités, du chômage et de la pauvreté au sein de l’Union européenne. Or, il faut le reconnaître, tel n’est pas le cas aujourd'hui : l’Europe n’est toujours pas sociale ; elle reste, pour l’essentiel, un marché économique.
La clause de réexamen, prévue pour 2008-2009 par la décision du 7 juin 2007, devrait être l’occasion d’aborder cette question cruciale des recettes de l’Union européenne. En effet, madame la secrétaire d'État, ce réexamen interviendra alors que l’Union européenne sera présidée par la France, qui devrait donc poser clairement la question du budget durant cette période.
C’est bien Nicolas Sarkozy qui faisait la déclaration suivante, lors de son discours du 8 septembre 2006 à Bruxelles : « L’Union n’a pas seulement besoin de nouvelles règles. Elle a besoin d’un minimum de moyens financiers. L’accord obtenu en décembre 2005 sur le budget européen pour les années 2007-2013 prévoit une clause de rendez-vous en 2008-2009. Nous devons saisir cette occasion pour procéder à une réforme ambitieuse du budget européen. »
Madame la secrétaire d'État, saisissez cette occasion ! À la veille de la présidence française de l’Union européenne, pouvez-vous nous détailler les engagements qui seront pris en ce sens ? Je me joins à la demande de notre collègue Marc Massion : quel rendez-vous parlementaire prévoyez-vous pour associer la représentation nationale à ce débat ?
Au terme de mon intervention, vous comprendrez que les sénateurs du groupe CRC s’abstiennent sur le projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des communautés européennes.