Sommaire

Présidence de M. Guy Fischer

1. Procès-verbal

2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

3. Décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes. – Adoption d'un projet de loi.

Discussion générale : Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme ; MM. Denis Badré, rapporteur de la commission des finances ; Marc Massion, Robert Bret.

Mme la secrétaire d'État.

Clôture de la discussion générale.

Article unique

M. Jacques Gautier.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

4. Conventions internationales. – Adoption de sept projets de loi en procédure d'examen simplifié.

Accord avec Monaco relatif à la mise à disposition de personnels de la police nationale française. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi

Accord avec l'Australie relatif à la pêche dans les zones maritimes adjacentes. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi

Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi

Convention avec l'Italie relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc. – Adoption de l’article unique du projet de loi

Convention avec le Luxembourg sur la sécurité sociale. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi

Règlement de la Commission intergouvernementale concernant la sécurité de la liaison fixe trans-Manche. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi

Convention de partenariat avec le Maroc pour la coopération culturelle et le développement. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

5. Questions d'actualité au Gouvernement

bilan de la première année du gouvernement

MM. Henri Revol, François Fillon, Premier ministre.

grève dans l’enseignement

MM. Bertrand Auban, Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

CONDITIONS DE TRAVAIL DES POMPIERS

M. Michel Mercier, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DE LA FRANCE

MM. Jean-Claude Danglot, Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

SÉCURITÉ ROUTIÈRE SUR LA RN12

Mme Nathalie Goulet, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.

service minimum dans l'éducation nationale

MM. Gérard César, Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

création d'un fonds d'indemnisation en faveur des français de l'étranger

M. Richard Yung, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

affectation de la journée de solidarité

M. Pierre Bernard-Reymond, Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.

marché de l'art

M. Yann Gaillard, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

situation à l'afp

M. Pierre-Yves Collombat, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

6. Modification de l'ordre du jour

7. Archives. – Adoption en deuxième lecture d'un projet de loi organique et d'un projet de loi.

Discussion générale commune : Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication ; MM. René Garrec, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Pierre Sueur, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Catherine Morin-Desailly.

Mme la ministre.

Clôture de la discussion générale commune.

projet de loi organique

Article 1er. – Adoption

Article 2

Amendement n° 1 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Robert Badinter. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Adoption, par scrutin public, de l’ensemble du projet de loi organique.

projet de loi

Article 1er quater. – Adoption

Article 3

Amendement n° 4 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Articles 4 ter et 6 ter. – Adoption

Article 11

Amendement n° 5 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Robert Badinter. – Rejet.

Amendement n° 6 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – Rejet.

Amendement n° 7 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 8 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – Rejet.

Adoption de l'article.

Articles 12, 13, 15 et 19. – Adoption

Article additionnel après l'article 19

Amendement n° 3 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Articles 23 à 26 et 28. – Adoption

Article 29 

Amendements nos 9 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 1 de la commission. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Pierre Sueur. - Rejet de l’amendement no 9 ; adoption de l’amendement no 1.

Adoption de l'article.

Article 30

Amendement n° 2 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Vote sur l’ensemble

M. Robert del Picchia

Adoption du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance

8. Lutte contre les discriminations. – Adoption définitive des conclusions modifiées du rapport d’une commission mixe paritaire.

Discussion générale : Mmes Muguette Dini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; Bariza Khiari, Josiane Mathon-Poinat.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.

Clôture de la discussion générale.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Article 6

Amendement no 1 du Gouvernement. – Mmes la secrétaire d'État, le rapporteur. – Vote réservé.

Vote sur l’ensemble

M. Robert del Picchia, Mme Bariza Khiari.

Adoption définitive du projet de loi.

9. Dépôt de propositions de loi

10. Textes soumis au Sénat en application de l’article 88-4 de la Constitution

11. Dépôt de rapports d’information

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Guy Fischer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. Monsieur le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, le rapport sur la responsabilité civile médicale.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

3

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes
Discussion générale (suite)

Décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes (nos 293, 303).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes
Article unique (début)

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée est aujourd’hui appelée à autoriser la ratification de la décision du Conseil de l’Union européenne du 7 juin 2007 relative au système des ressources propres des Communautés européennes.

Cet accord européen définit pour la période 2007-2013 les conditions de financement du budget de l’Union européenne. Je voudrais souligner la portée politique de cet accord, conclu à l’issue d’une négociation européenne difficile dans laquelle notre pays a obtenu des concessions importantes de ses partenaires, notamment du Royaume-Uni.

Je souhaite revenir brièvement sur la négociation de cet accord avant de vous en rappeler les principales dispositions et de vous faire part de nos réflexions sur les prochaines échéances européennes en matière budgétaire.

La décision du Conseil sur le système de ressources propres de l’Union a été adoptée à Luxembourg le 7 juin 2007. Elle constitue le dernier élément à mettre en œuvre du compromis politique sur le cadre financier pluriannuel auquel étaient parvenus les chefs d’État et de gouvernement en décembre 2005.

Vous le savez, cet accord politique a reposé sur trois éléments : un cadrage des dépenses pour la période 2007-2013, qui s’établit à 864,3 milliards d’euros ; le volet recettes, qui fait l’objet de la décision qui vous est soumise aujourd’hui ; une clause de réexamen par laquelle le Conseil européen a invité la Commission à entreprendre un « réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l’Union européenne, y compris la politique agricole commune, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni » et à faire rapport en 2008-2009.

La décision sur les ressources propres de juin 2007 traduit les principes dégagés dans le volet recettes de l’accord de décembre 2005. Elle se substitue à celle que le Conseil avait adoptée le 29 septembre 2000 et dont vous avez autorisé la ratification en décembre 2001.

Pour une bonne part, la nouvelle décision confirme les grands principes formulés dans la décision de septembre 2000.

Le plafond des « ressources propres » reste ainsi fixé à 1,24 % du produit national brut du montant total des revenus nationaux bruts, dits RNB, des États membres en ce qui concerne les crédits de paiement et à 1,31 % du montant total des RNB des États membres pour ce qui est des crédits d’engagement.

Les frais de perception sur les ressources propres traditionnelles retenus par les États membres demeurent fixés à hauteur de 25 %, comme l’avait prévu la décision de 2000.

La nouvelle décision ne crée pas de nouvelle ressource propre, mais confirme un système qui repose aujourd’hui sur trois ressources principales.

Il s’agit, tout d’abord, des ressources propres traditionnelles, ou RPT, qui se composent des droits agricoles et cotisations « sucre », d’une part, et des droits de douanes, d’autre part ; ces ressources dites traditionnelles représentaient, en 2006, 15 % du total des recettes.

Il s’agit, ensuite, de la ressource propre fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA ; elle représentait environ 17 % du total en 2006.

Il s’agit, enfin, de la ressource fondée sur le RNB, dite « quatrième ressource complémentaire », instaurée en 1988, et qui est devenue la première ressource du budget communautaire puisqu’elle représente 68 % du total en 2006. Cette évolution est satisfaisante, car elle permet de mieux prendre en compte la capacité contributive des États, plus en tout cas que ne l’autorisent les bases de calcul de la ressource TVA.

La nouvelle décision introduit plusieurs aménagements qui ont été au cœur de l’accord politique trouvé par les chefs d’État et de gouvernement.

Le taux d’appel sur l’assiette TVA est réduit à 0,30 %, ce qui implique une part décroissante de la ressource TVA dans l’ensemble des ressources propres.

La décision accorde parallèlement des réductions spécifiques de ce taux d’appel TVA pour certains partenaires : 0,15 % pour l’Allemagne, 0,10 % pour les Pays-Bas et la Suède, 0,225 % pour l’Autriche.

La décision introduit, par ailleurs, des rabais forfaitaires annuels sur la contribution annuelle RNB des Pays-Bas, soit 605 millions d’euros par an, et de la Suède, soit 105 millions d’euros par an.

Le Conseil a ainsi reconduit les concessions financières obtenues en 1999 par les États membres, dont la contribution nette au budget européen est la plus forte. Aux termes de la décision, ces réductions de contribution ne valent cependant que pour la période 2007-2013.

L’élément central de cette nouvelle décision concerne la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984.

Comme vous le savez, la correction britannique a été instaurée par le Conseil européen de Fontainebleau en 1984. Elle consiste à déduire des ressources propres versées annuellement par le Royaume-Uni à la Communauté un montant correspondant aux deux tiers de l’écart constaté entre la contribution britannique de l’année précédente et les dépenses de l’Union au bénéfice du Royaume-Uni.

La nouvelle décision revient sur les conditions de calcul de ce « rabais », qui n’avait plus de justification, et le réduit sensiblement.

C’était un objectif de négociation important pour la France et plusieurs autres partenaires européens. Nous avons ainsi obtenu que soient progressivement exclues du calcul les dépenses liées à l’élargissement, hors les dépenses agricoles dites de marché, et la part des dépenses de développement rural financée par le Fonds européen d’orientation des garanties agricoles. Au total, le montant de la réduction du rabais est plafonné à 10,5 milliards d’euros sur la période et perdurera après 2013.

Cette réduction, alors que la France assure aujourd’hui près du tiers - 27 % exactement - du financement du « chèque » britannique, est un grand motif de satisfaction. Je rappelle qu’en 2006 le montant de la correction britannique s’est élevé à 5,22 milliards d’euros, la France en assurant 1,42 milliard d’euros. Cette part très importante du « chèque britannique » prise en charge par notre pays est la conséquence mécanique du maintien des dispositions introduites en 1999, qui réduisent les contributions de l’Allemagne, de l’Autriche, des Pays-Bas et de la Suède.

Sous réserve de l’accomplissement des procédures nationales de ratification, la nouvelle décision entrera en vigueur le 1er janvier 2009, avec un effet rétroactif à la date du 1er janvier 2007. Cette date correspond au début du cadre financier pluriannuel actuel.

En pratique, les contributions nationales appelées au titre de 2009 seront, selon les cas, majorées ou minorées des effets de la nouvelle décision au titre de 2007 et 2008.

Cette situation n’est pas nouvelle. Déjà, la décision de septembre 2000 était entrée en vigueur en mars 2002, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2000.

Je voudrais maintenant évoquer les prochaines échéances politiques européennes en matière budgétaire.

Si l’accord sur les ressources propres soumis à ratification contient des avancées importantes pour notre pays par rapport au précédent accord de 1999, il demeure insatisfaisant, à deux titres : il reste très complexe et il fait subsister des mécanismes de correction des contributions nationales qui sont contraires à l’esprit de solidarité européenne.

L’engagement du débat européen sur la révision des perspectives financières et la revue des politiques communes offre l’opportunité d’ouvrir la discussion européenne sur l’adaptation de ce système de ressources propres.

Dans le cadre du réexamen global prévu par le Conseil européen, la Commission doit entreprendre un réexamen général du système des ressources propres.

Comme vous le savez, la Commission a formellement engagé l’exercice de réexamen en adoptant, le 12 septembre dernier, une communication intitulée « réformer le budget, changer l’Europe ». Ce document est depuis lors soumis à une consultation publique qui s’achèvera le 15 juin prochain.

Sur la base des orientations qui s’en seront dégagées, la Commission devra ensuite présenter ses orientations pour l’avenir, sous la forme d’un livre blanc, dont la date d’adoption n’est pas encore connue.

Il s’agira pour la Commission non pas de présenter un projet complet de révision des perspectives financières, mais de proposer des orientations sur l’avenir des politiques communes et sur leur financement. Les propositions législatives pour le prochain paquet financier post-2013 seront soumises ultérieurement par la nouvelle Commission investie en 2009. En effet, l’accord interinstitutionnel invite cette dernière à présenter ses propositions pour le prochain cadre financier avant le 1er juillet 2011.

Dans ce contexte politique, qui sera rythmé en juin 2009 par le renouvellement du Parlement européen et de la Commission européenne, la présidence française ne sera probablement pas en mesure de conduire une discussion politique approfondie sur la révision des politiques communes. Le Parlement européen a d’ailleurs clairement exprimé son opposition à ouvrir une telle discussion à quelques mois des élections de juin 2009.

Nous serons pourtant en initiative. Conformément au souhait du Président de la République, la présidence française proposera à nos partenaires européens d’ouvrir une discussion sur l’avenir de la politique agricole commune après 2013. Notre ambition n’est pas d’ouvrir une discussion budgétaire portant sur les montants des dépenses agricoles, mais elle est de forger un nouveau consensus européen sur les grands objectifs et les instruments d’une politique agricole commune renouvelée.

Le débat qui s’ouvrira en 2009-2010, sur la base du livre blanc que présentera la Commission, sera aussi pour notre pays une échéance importante. Nous devons nous y préparer.

Quels défis pour l’Union européenne ? Comment les relever afin de fixer des principes généraux pour l’évolution des politiques de l’Union et leur financement après 2013 ? Voilà les questions que nous devrons résoudre ensemble.

Pour la France, il s’agira d’un rendez-vous essentiel, compte tenu des enjeux financiers considérables pour nos finances publiques et de la nécessaire adaptation des politiques européennes aux défis d’avenir. 

Il s’agira également, conformément à la clause de réexamen, de respecter pleinement un juste équilibre dans le traitement des aspects relatifs aux dépenses et aux recettes. Il conviendra notamment de mener à son terme le mouvement de remise en cause des corrections financières que nous avons engagé. Ces rabais, et en particulier le « chèque britannique », ne sont en effet plus justifiés par les réalités économiques actuelles.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle le projet de loi qui est aujourd’hui soumis à votre approbation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Badré, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la secrétaire d’État, je regrette vraiment que M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, n’ait pu venir lui-même défendre ce texte, qui concerne une décision, absolument stratégique pour l’Europe, touchant les ressources propres du budget de l’Union.

J’ai la faiblesse de considérer que tout cela est important pour notre avenir. Apparemment compliquée et technique, la décision que nous allons, je l’espère, approuver est, de plus, en réalité, de nature éminemment politique, comme vous l’avez dit, et je vous en remercie.

Si je regrette l’absence de M. Jean-Pierre Jouyet, retenu, comme il a eu la courtoisie hier soir de me le dire, par une mission, certainement encore beaucoup plus importante, du moins ai-je la consolation de pouvoir ainsi lui rendre hommage plus librement. Je crois ne pas être le seul à considérer que la France et l’Europe ont beaucoup de chance d’avoir en cette période cruciale, à ce poste, exactement le ministre des affaires européennes dont elles avaient besoin.

Mes déplacements en France et en Europe confirment que son infatigable écoute et son exceptionnelle expertise de tous les dossiers européens font merveille. J’ajoute qu’il est spécialement apprécié chez nos partenaires du fait de son absence totale d’arrogance qui reste tout à fait surprenante, aux yeux de nos partenaires, pour un Français. (Sourires.)

Son absence, c’est aussi, madame la secrétaire d’État, votre présence, dont, évidemment, je me réjouis. Je vous remercie de m’offrir sur un plateau l’occasion de rappeler que la construction européenne a été lancée pour servir la paix et qu’elle vise d’abord à servir, à ce titre, la liberté, l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme. Si elle s’incarne sous « l’espèce » d’un marché unique, c’est une application de la méthode Schuman : « Si tu veux construire une paix durable, apprends aux hommes à travailler ensemble. C’est par le travail en commun que l’on vise la paix, les libertés et les droits de l’homme. » Je crois fondamentalement à cette vérité.

Rapporteur spécial des affaires européennes de votre commission des finances, je considère, mes chers collègues, qu’il est essentiel que je sois en même temps, voire, d’abord, l’un de vos représentants à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe afin de bien signifier et très clairement que l’un n’a pas de sens sans l’autre ou même au service de l’autre.

Dans l’Europe en laquelle je crois, les chemins budgétaires mènent, en réalité, aux droits de l’homme. Vous êtes ici pour le confirmer, madame la secrétaire d'État, ce dont je voulais vous remercier.

À cet instant de mon propos, permettez-moi de regretter, monsieur le président, que nous ne soyons pas plus nombreux en séance ce matin.

M. Robert Bret. Mais l’assistance est de qualité ! (Sourires.)

M. Denis Badré, rapporteur. C’est souvent, malheureusement, le cas lorsque nous débattons de l’Europe.

Je déplore encore bien plus la récente décision de notre Bureau, qui a refusé de faire flotter les couleurs européennes au Sénat aux côtés de nos couleurs nationales. Ces couleurs européennes sont, grâce à Jean-Pierre Jouyet, désormais mêlées avec les couleurs nationales sur le toit du Quai d’Orsay – temple pourtant du rayonnement national ! J’espère qu’elles le seront rapidement ici aussi. Pour comprendre les réticences ou les hésitations de certains d’entre nous, je n’en aimerais pas moins qu’elles soient balayées par la réalité. Notre avenir, c’est l’Europe, la France y jouant son rôle plein et entier.

La présidence française, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, me semble-t-il, nous en offrirait une belle occasion. J’espère que mon propos, monsieur le président, sera entendu et relayé au Bureau pour qu’il puisse être fait appel de cette décision que je considère comme totalement regrettable. Je ferme ma parenthèse, monsieur le président.

L’Europe, c’est nous, et c’est notre avenir. Elle marchera, et nous nous en trouverons bien le jour où nous saurons reconnaître cette réalité, où nous saurons reconnaître que nous devons la faire marcher tous ensemble. Chacun d’entre nous y a une part de responsabilité, et le Sénat lui-même en a une part collective éminente.

Le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser l’approbation de la décision du Conseil du 7 juin 2007, qui réforme, pour la quatrième fois, depuis 1970, le système des ressources propres des Communautés européennes. Cette décision permet donc de caler le volet recettes des perspectives financières 2007-2013 sous l’empire desquelles nous sommes déjà.

Le panier des ressources propres actuelles réunit, d’abord, des ressources propres traditionnelles « vraiment propres », car elles nourrissent directement le budget européen ; ce sont les droits de douane, les prélèvements agricoles et les cotisations sucre. Elles ne représentent aujourd’hui plus que 16 % du total, soit 19 milliards d’euros. Elles ont régulièrement fondu depuis les origines pour laisser aujourd’hui la quasi-totalité de l’espace des ressources ouvert aux autres ressources dites « improprement propres » puisqu’elles sont, en réalité, des sortes de cotisations nationales.

Il est important de revenir sur ce qu’a décidé le Conseil de Berlin de 1999. Ce qui s’est passé est, dans l’esprit, quelque peu symbolique, malheureusement exemplaire, de mauvaise manière. Le Conseil de Berlin de 1999 a décidé de majorer le prélèvement opéré sur les droits de douane pour frais de gestion au bénéfice des pays d’entrée dans l’Union. Il s’agissait de favoriser, donc de calmer un peu les revendications de pays tels que les Pays-Bas, qui allaient bénéficier de cette mesure grâce à l’effet Rotterdam, ou du Royaume-Uni, par lequel entrent les pays en provenance du Commonwealth.

Il s’agissait d’apaiser quelque peu leur angoisse permanente de pays contributeurs nets. Nous l’avions accepté, nous Français, pour préserver la PAC, ce qu’il ne faut pas oublier. Nous étions donc complètement enfermés dans cette logique désastreuse de l’échange chèque britannique-PAC, contributeur net-bénéficiaire net.

Cette décision avait le grave défaut de principe de réduire encore, mécaniquement cette fois, le poids des ressources propres qui nourrissaient directement le budget européen par rapport aux cotisations nationales. Or ce poids des ressources propres – notamment des droits de douane à l’importation – fondait déjà naturellement. Nous avions donc tout faux à cette occasion-là.

Les ressources, qui sont en réalité les cotisations des États et qui représentent aujourd’hui une centaine de milliards d’euros sur les 120 milliards d’euros du budget européen, sont calculées elles-mêmes, d’une part, sur la base des recettes de TVA des États, d’autre part, en fonction des revenus nationaux bruts, ou RNB, des États, autrement dit de la richesse respective des États, ce qui n’est pas choquant.

La part calée sur le RNB augmente, elle aussi, régulièrement au détriment de la part calée sur la TVA, qui diminue, ce qui me paraît d’ailleurs raisonnable.

Tout cela serait encore relativement simple si n’était pas venue se rajouter l’affaire du chèque britannique. Vous vous y êtes arrêtée tout à l’heure, madame la secrétaire d’État. J’y reviens parce que c’est vraiment le cœur de notre débat d’aujourd’hui. C’est le ver dans le fruit de tout le débat budgétaire européen !

Il faut s’en souvenir, l’affaire remonte à 1984. En réalité, nous ne donnons pas un chèque aux Britanniques. Nous leur accordons un rabais sur le calcul de leurs cotisations nationales, qui doit être payé par les partenaires puisqu’il s’agit de répartir une charge. Ce que ne paie pas l’un des partenaires, les autres doivent le supporter ! Vous voyez donc, là aussi, toutes les difficultés que cette mesure peut immédiatement soulever.

Vous le rappeliez, madame la secrétaire d’État, ce rabais consiste à rembourser au Royaume-Uni les deux tiers de la différence entre leur participation au budget communautaire et les retours qu’ils perçoivent. « J’en veux pour mon argent », disait en anglais Mme Thatcher – « I want my money back. »

Les autres États fortement contributeurs, l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et l’Autriche, qui ont immédiatement mesuré l’intérêt de ce précédent, ont emboîté le pas et bénéficient aujourd’hui d’un rabais sur le rabais. À partir du moment où il y a rabais sur le chèque britannique, les autres États doivent compenser et ils essaient de moins compenser en prétextant le fait qu’ils sont dans la même situation que les Britanniques. À partir du moment où ils compensent moins, il reste d’autant plus à apporter pour ceux qui n’ont pas pu bénéficier d’une moindre compensation.

Nous sommes dans une mécanique infernale où la France, en bout de chaîne, prend le choc total de cette affaire. Tout se complique, et la part de ceux qui ne bénéficient de rien s’alourdit.

La France est aujourd’hui – et de loin ! – le premier financeur du rabais britannique. Elle apporte 1,5 milliard d’euros en 2008. Je le rappelle, la contribution de la France au budget européen s’élève à 18 milliards d’euros cette année. C’est donc près de 10 % de notre contribution qui est calée sur l’existence du rabais britannique. C’est tout de même important. Aujourd’hui, sur le chèque britannique qui oscille entre 5 milliards et 6 milliards d’euros, nous apportons plus de 26 %.

Que change dans cette situation compliquée et choquante la décision du 7 juin 2007, dont il nous est demandé d’autoriser l’approbation ?

La décision apporte un progrès de principe fondamental en revenant sur le chèque britannique, et c’est essentiel. Enfin, on ouvre le dossier. Mais, pour essayer de sortir de cette affaire, on va compliquer encore les choses, ce qui n’est pas très satisfaisant, mais au moins on a reconnu l’existence d’un problème et on s’est donné la volonté politique de le traiter.

Sur ce point, la décision du 7 juin 2007 prévoit que les dépenses réalisées dans les pays de l’élargissement sont désormais exclues du calcul du rabais britannique, ce qui met fin au paradoxe selon lequel le Royaume-Uni, fervent partisan de l’élargissement, n’y contribuait en fait pratiquement pas financièrement.

Le rabais ne sera plus calculé sur la base de la totalité des dépenses de l’Union allant dans les 27 États de l’Union, mais uniquement sur la base de la part de ces dépenses qui vont dans les 15 États présents dans l’Union avant 2004.

Je pense que, tant qu’à faire, on aurait pu limiter encore cette part des dépenses de l’Union à celle qui va dans les 12 États présents en 1984. Peut-être cela aurait-il été encore plus logique et plus favorable. Mais trop, c’était trop, et les Britanniques n’auraient pas accepté d’aller jusque-là. Néanmoins, je persiste à penser qu’en bonne logique il aurait fallu le faire. Cela dit, c’est déjà bien, tant sur le principe que dans la mécanique, que nous ayons cette décision.

Cette modification est applicable sans limitation de durée, mais – car il y a toujours un mais dans ce genre d’affaires ! – elle ne pourra pas se traduire par une augmentation de la contribution britannique supérieure à 10,5 milliards d’euros sur la totalité de la période 2007-2013, soit 1,5 milliard d’euros par an. On met des plafonds, on met des limites, rien n’est simple !

Par ailleurs, la décision uniformise à 0,30 % le taux d’appel de TVA pour les États membres. Cela va dans le bon sens, à ceci près qu’immédiatement chacun argue du fait qu’il est contributeur net et demande à se faire exonérer d’une partie de la charge, ce qui, à nouveau, renvoie la charge sur les autres.

En échange de la révision de la correction britannique, certains États ont donc demandé des compensations en recettes. Elles leur ont été octroyées par cette décision sous forme de taux d’appel de TVA allégés, inférieurs au taux de 0,30 %, affiché comme le taux unique, qui n’est donc plus unique, cela vaut pour l’Allemagne, l’Autriche, la Suède et les Pays-Bas, et de réductions forfaitaires des contributions calées sur le RNB, cela vaut pour la Suède et les Pays-Bas, ces derniers émargeant deux fois.

Dans cette logique, si chaque fois qu’un État contribue au budget de l’Union, il demande à avoir une compensation à la contribution qu’il apporte au budget de l’Union, ce sera chacun pour soi et cela ne sera plus une Union. Comme je le disais d’emblée, il s’agit là vraiment d’un problème de principe, d’un problème fondamental : Veut-on ou non une Union, ou est-ce le chacun pour soi ?

Les conclusions à tirer pour la France de cette décision sont les suivantes.

La remise en cause du chèque britannique est un motif de satisfaction pour notre pays, car ce dispositif, outre qu’il était emblématique des égoïsmes nationaux et coûteux pour notre budget, avait perdu toute justification réelle. Dans la mesure où le Royaume-Uni fait aujourd’hui partie des pays les plus prospères de l’Union, nous ne sommes plus du tout dans la situation de 1984, qui avait justifié la demande de Mme Thatcher.

Notre contribution brute devrait augmenter de 11 milliards d’euros sur l’ensemble de la période 2007-2013. Notre solde net devrait donc se creuser encore légèrement. Conjuguée au cadrage des dépenses, cette décision accentue notre statut de contributeur net.

Au-delà de la décision du 7 juin 2007, quelle réforme faut-il envisager pour le budget européen ?

Je conclurai en prenant un peu de champ par rapport à la décision dont il s’agit aujourd’hui d’autoriser la ratification et en évoquant les perspectives de réforme du budget européen.

Vous l’avez fait vous-même en anticipant, en venant au-devant de ce que vous saviez être mes attentes, madame la secrétaire d’État, et je vous en remercie.

En décembre 2005, les chefs d’État et de gouvernement ont assorti leurs conclusions d’une clause invitant la Commission à entreprendre un « réexamen complet et global couvrant tous les aspects des dépenses de l’Union européenne, y compris la PAC, ainsi que toutes les ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni et à en faire rapport en 2008-2009 ».

Á ce stade, la mise en œuvre de cette clause s’est traduite par le lancement d’une consultation par la Commission qui suscite des réactions, disons, « tranquilles » des États membres. Son terme vient d’être repoussé de deux mois, ce qui n’est pas très satisfaisant. Faute de réponse, il fallait le faire, mais j’aimerais qu’il y en ait une d’ici à deux mois. L’ardeur dans ce domaine n’est pas très grande. On cherche toujours à éluder les sujets qui fâchent. Il faudra bien un jour les prendre à bras-le-corps, ce que la décision a commencé à faire, mais pas assez.

Il faudra bien sortir un jour d’un système budgétaire dans lequel les recettes sont votées par les parlements nationaux et les dépenses par le Parlement européen en codécision avec le Conseil européen.

Il faudra bien en venir à des ressources proprement européennes finançant un vrai budget voté et contrôlé démocratiquement par une seule autorité politique. Il y a ici un véritable enjeu pour ceux qui veulent que l’Europe soit construite durablement et solidement.

Tant que nous n’en serons pas là, nous continuerons à voir à l’œuvre les forces de « défaisance ». Qui dit cotisation nationale dit immédiatement analyse en termes de retours nets. Nous sommes dans une logique de club de consommateurs où chacun veut voir s’il en a pour son argent. Nous ne sommes pas dans la logique d’une Union de partenaires où l’intérêt commun doit prévaloir. Les intérêts nationaux occultent, en réalité, l’intérêt commun qui devrait être supérieur aux intérêts nationaux. C’est, en tout cas, dans cet esprit que l’Union européenne avait été lancée.

J’ajoute que, si certains retours peuvent être géographiquement localisés dans l’un ou l’autre des États, c’est loin d’être toujours le cas. Les analyses en termes de retours nets sont fondamentalement fausses ou faussées. Je citerai quelques exemples, à commencer par les crédits d’actions extérieures.

Les crédits destinés à faire la paix au Moyen-Orient, qui ne sont pas localisés dans l’un des États membres, profitent à l’ensemble des États membres de l’Union européenne.

Si la PAC, que d’aucuns considèrent comme le sujet le plus provocant à cet égard, se traduit par des chèques à des agriculteurs dont on sait, à l’évidence, dans quels pays ils sont installés, elle sert aussi l’ensemble des consommateurs européens.

Les recherches réalisées par un État membre servent l’économie et la compétitivité de l’Union européenne, donc de nos entreprises et de l’emploi dans l’ensemble des États membres.

Le développement des réseaux européens de transport ne se fait pas qu’au bénéfice des pays où sont implantés le port, l’aéroport ou la voie ferrée ; il permet aux Européens de circuler plus librement à l’intérieur de l’Union européenne.

Si les fonds structurels sont destinés à favoriser le développement d’un pays, ils sont très souvent mis en œuvre par les entreprises d’un pays plus avancé, comme cela a été le cas pour le Portugal ou pour l’Irlande, pays où les analyses ont montré que c’étaient très souvent des entreprises françaises ou allemandes qui étaient intervenues, ce qui était donc bon pour l’emploi en France et en Allemagne.

Par ailleurs, ramenant les pays les moins avancés aux standards moyens de l’Union européenne, les fonds structurels élargissent le marché solvable.

La libre circulation dans un espace sans frontière est de « retombée » générale.

C’est aussi, évidemment, le cas de la paix, premier fruit, j’y insistais tout à l’heure, de l’Union européenne et dont chacun sait qu’elle n’a pas de prix.

Se limiter à une analyse en termes de retour net est donc une absurdité et une bêtise, en même temps que la négation de l’esprit communautaire, et il faut sortir de cette logique, ce qui impose, madame la secrétaire d'État, de remettre sur le métier le débat non seulement sur le contenu du budget, mais aussi sur sa forme et sa structure.

Aujourd'hui, on ne veut surtout pas parler de ce genre de sujets par crainte de compromettre la ratification du traité de Lisbonne, notamment pour éviter que les Irlandais ne votent « mal » ; demain, ce ne sera toujours pas le moment d’en parler à cause des élections au Parlement européen à la fin du premier semestre de 2009.

Bref, on trouvera toujours une bonne raison pour ne pas traiter les sujets difficiles. Or, je crois et j’essaie de démontrer qu’il y a une forte et vraie raison de les traiter dès à présent : c’est beaucoup plus important que toutes les mauvaises raisons que l’on pourra avancer pour différer de le faire !

Sous le bénéfice de ces observations et compte tenu des avancées réelles que comporte cette décision consacrée aux ressources propres du budget européen, votre commission des finances, par la voix de son rapporteur, vous propose, mes chers collègues, de voter sa ratification. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour autoriser la mise en œuvre d’un nouveau système européen de ressources propres dont les négociations, conclues voilà un an, furent difficiles.

Peut-être mon constat est-il pessimiste, mais il semble rejoindre l’opinion de plusieurs d’entre nous : malgré ces nouvelles négociations, le système des ressources propres, système opaque, tissé d’exemptions et de compensations, financé de manière complexe et peu lisible, montre clairement aujourd’hui ses limites, tout comme, de manière générale, le cadre budgétaire européen.

Les États membres ne s’y sont pas trompés et ne l’ont pas ignoré en prévoyant une clause de réexamen.

M. Badré a clairement analysé le contenu de la décision, mais j’estime que l’examen du présent projet de loi est surtout l’occasion de débattre de l’application concrète de cette clause de réexamen, qui imposera, à peine la décision négociée, aux États membres de se mettre à nouveau autour de la table pour réfléchir au financement communautaire de l’après 2013.

Cette décision du Conseil traduit bien la difficulté des États membres à réaliser une véritable réforme !

D’ailleurs, on peut regretter la généralisation de l’usage d’une clause de réexamen dans les compromis européens, et cela est particulièrement vrai dans le cas des négociations financières. C’est, certes, une manière toute diplomatique de parvenir à un accord autorisant à se féliciter d’une convergence de vues, mais c’est aussi une façon de reporter sans cesse la réflexion sur ce que doit faire l’Europe ainsi que celle sur la structure et le financement du budget européen.

Les enjeux de ces nouvelles négociations sont de taille. S’agira-t-il d’ailleurs d’un réexamen ou d’une véritable refonte ? Pour notre part, nous sommes plutôt partisans de la seconde hypothèse.

Il s’agit, tout d’abord, de dépasser la logique du juste retour qui préside aujourd’hui encore à toute négociation budgétaire européenne, qu’elle soit annuelle ou pluriannuelle. Nous le disons chaque année lors de l’examen de la contribution française au budget communautaire, sans que rien n’ait été fait pour remédier à cette situation.

Cette approche parasite véritablement toute discussion sur le fond, qu’il s’agisse tant du volume budgétaire que de sa destination.

Comment donc déjouer les pièges d’une négociation budgétaire dominée par des logiques comptables déclinées en cadeaux et compensations et par des logiques nationales qui conduisent les États membres à oublier, dès qu’ils « parlent » budget européen, leur objectif commun de bâtir des politiques durables qui bénéficient à tous ?

Les discussions doivent porter sur le volume des moyens financiers à allouer aux différentes politiques communautaires et non sur l’exercice qui vise à aboutir à un jeu à somme nulle entre ce que les États paient et ce qu’ils « reçoivent ».

Les bénéfices que les États membres et leurs citoyens tirent de l’action de l’Union européenne ne sont pas uniquement quantifiables en espèces sonnantes et trébuchantes.

Ce raisonnement ne sert pas l’Europe.

Sinon, comment expliquer l’attraction de l’Union pour les États qui ne cessent de frapper à sa porte et qui sont prêts à de longues années de négociations et d’adaptation de leur législation ? Il existe bien une dynamique européenne.

Comment nourrir aujourd'hui cette dynamique avec un budget qui se fait de plus en plus maigre alors que les politiques et les actions à financer sont toujours plus nombreuses ? C’est là un autre défi qu’il faudra relever.

Je crois qu’il est indispensable de modifier le système des ressources communautaires, car il ne correspond plus ni au rôle et à la place de l’Europe dans le financement des politiques des États membres, ni à l’ampleur des politiques mises en œuvre par l’Union elle-même, ni au type de politique qu’il est nécessaire de mettre en place.

À notre sens, il n’y a que l’instauration d’un impôt européen qui pourra permettre de surmonter cette logique du juste retour et d’apporter la lisibilité suffisante à un système devenu trop complexe et trop technique.

Oui, le budget communautaire doit être financé par des ressources propres qui doivent être prélevées au nom de l’Europe.

L’élaboration d’un budget est d’abord politique et il faut que les citoyens européens puissent l’identifier comme tel par un moyen qui établisse un lien plus direct avec eux. Nous savons combien les citoyens français en particulier sont attachés à connaître la destination de leurs impôts. Cela contribuera à renforcer l’identité européenne au même titre que la monnaie unique.

Alors, quel impôt européen ?

La révision ne devra pas se contenter de répartir différemment les parts des différentes ressources existantes : prélèvements sur la TVA, les droits de douanes, les importations agricoles et contributions des États membres.

Il semble qu’il existe un consensus sur une modification de l’assiette des ressources à prélèvement constant, autrement dit sans création de nouvelle taxe. Il est difficile de croire à une véritable révolution. Peut-être pourrions-nous parvenir à introduire une part progressive d’impôt européen dans l’assiette des ressources assortie d’un échéancier précis ? En tout état de cause, un tel impôt ne sera pas à lui seul suffisant pour financer le budget communautaire.

Actuellement, toutes les formules sont sur la table, mais nous regrettons que les réflexions de fond au niveau européen sur chacune d’entre elles en soient encore aux prémices, qu’elles portent, par exemple, sur la modification du prélèvement sur la ressource TVA, sur une taxe CO2 ou encore sur un prélèvement sur les bénéfices des sociétés européennes.

Personnellement, je reste sceptique sur la pertinence de ce dernier prélèvement, car les bénéfices des sociétés dépendent de la conjoncture économique, et donc varient. Or il faut mettre en place un prélèvement constant.

Quant à une taxe CO2, elle dépendra certainement des négociations sur le paquet énergie-climat et de la définition des moyens de lutter contre le changement climatique.

La méthode ou méthodologie de la refonte me paraît également déterminante.

Un lien indissociable a été établi par le Conseil européen de décembre 2005 entre l’accord sur les dépenses et celui sur les recettes. Les clauses de révision de l’accord interinstitutionnel et de la décision sur le système de ressources propres prévoient de nouvelles négociations avant la fin de 2009. L’occasion est-elle déjà manquée de parvenir à des négociations qui dépassent la logique comptable et à un système de compromis sur les deux pôles budgétaires ?

Il me paraît indispensable que, pour une fois, les principes déterminant les dépenses soient définis avant le volume et la ventilation de celles-ci. Nous n’avons eu de cesse de le répéter : ce sont les crédits qui doivent être au service des objectifs des différentes politiques communes de l’Union.

Les discussions sur les dépenses doivent refléter les objectifs des politiques de l’Union européenne, et non être uniquement consacrées à la ventilation des crédits entre les États membres.

Le volume final du budget européen ne peut et ne pourra tromper personne : il doit être la traduction des priorités et du degré d’ambition assignés à l’Union européenne.

Quels objectifs pour quel budget ?

Le budget européen des dix prochaines années doit non pas seulement préserver, mais renforcer la solidarité européenne.

Les États membres n’ont cessé, en particulier, de diminuer le budget dévolu aux nouveaux États membres, alors que, du fait de leur nombre et de leurs particularités, leurs besoins sont plus grands. En raison d’un plafonnement très bas des recettes, la seule solution aujourd’hui est de prendre à Pierre pour donner à Paul. Comment, dans ces conditions, réussir à surmonter la logique de distribution au profit d’une véritable politique de redistribution ?

Les négociations qui vont s’ouvrir devront également s’engager de manière forte sur un budget qui soit au service de la croissance et de l’emploi. Pour que cet objectif soit crédible, il faut parvenir soit à une augmentation significative du budget, ce que n’avait pas été obtenu lors des négociations de 2006, soit à une redéfinition des priorités qui mette fin à la politique du saupoudrage.

Cette redéfinition n’est possible que si un véritable débat est mené sur le rôle de l’action européenne et donc sur l’organisation de son financement.

Parallèlement à un accord sur les objectifs assignés à l’Union, peut-être pourrait-on organiser une autre hiérarchie des dépenses qui permette de concentrer les efforts de l’Europe là où elle est le plus efficace, par exemple en les ordonnant comme suit : « dépenses dynamiques », « dépenses incitatives », « dépenses complémentaires ».

Les « dépenses dynamiques », importantes en volume et destinées à créer un « choc de croissance » par des projets et des actions précisés, seraient le symbole de la valeur ajoutée européenne. Ces crédits financeraient les « biens collectifs européens » qui seraient définis, et j’estime pour ma part qu’une politique de grands travaux et d’infrastructures à l’échelle du continent est pleinement d’actualité.

Les « dépenses incitatives » correspondraient aux crédits versées aux États membres pour qu’ils mènent des politiques au nom de l’Europe.

Les « dépenses complémentaires » enfin seraient destinées à soutenir l’action des États membres et resteraient comme aujourd’hui tout à fait décisives pour mener à terme certains projets.

Précis, lisible, octroyé au bon moment, le financement communautaire pourrait ainsi mieux servir de levier à une politique de croissance qui génère des emplois.

Il est indispensable de doter l’Europe d’un budget important.

L’engagement pour l’Europe se mesure à la fois à l’aune du montant du budget européen et à celle de la ventilation des crédits.

Or les six plus gros États membres contributeurs du budget européen, en tête desquels figure la France, ont ruiné les chances d’avoir en 2005 un vrai débat sur les perspectives financières avec la demande d’un plafonnement à 1 % du budget européen.

Il n’est plus acceptable de se retrouver dans la situation où des États membres, dont la France, demandent un tel plafonnement du budget européen tout en essayant de recevoir plus qu’ils ne contribuent.

Par ailleurs, l’examen du projet de loi de finances pour 2008 a conduit à avaliser une situation absurde : pour que la France puisse rester sous la barre des 3 % de déficit public en 2008, le gouvernement français a décidé de réduire la contribution française à l’Union européenne.

Nous ne pouvons guère parler de volontarisme européen en matière budgétaire de la part de la France, à la veille même de l’exercice de sa présidence de l’Union européenne.

L’intérêt essentiel de la révision à mi-parcours du budget européen est de permettre un financement mieux adapté aux défis contemporains. Mieux financer, cela veut dire mieux anticiper les actions qui permettront de relever les futurs défis ; cela signifie donc qu’il faut engager un véritable débat sur les politiques de l’Union.

Or il semble que la présidence française ne compte pas faire des ces échéances une priorité des six prochains mois. Il était pourtant prévu, initialement, que la France prépare ce réexamen et lance un certain nombre de débats, avant de laisser le soin à la République Tchèque, ainsi qu’à la Suède, de procéder aux négociations mêmes.

Les pouvoirs publics, le Président de la République comme le Gouvernement, sont particulièrement silencieux sur ce sujet, à un mois et demi de la présidence française.

Il est de la responsabilité de la France de préparer les négociations, faute de quoi il sera de nouveau trop tard pour lancer une véritable réflexion en amont sur les objectifs de l’action européenne qui les précédent et les bases de compromis ne seront, une nouvelle fois, qu’exprimées en termes budgétaires.

Nous vous demandons donc, madame la secrétaire d’État, quelles initiatives la présidence française envisage de prendre pour préparer le réexamen du système des ressources propres, ainsi que celui des perspectives financières.

À mon sens, la préparation des futurs débats devra être l’occasion de promouvoir une contribution des parlements nationaux. Leur participation serait légitime à double titre : s’il y a impôt européen, le prélèvement restera vraisemblablement national ; leur rôle renforcé en matière de contrôle du principe de subsidiarité les habilitera à réfléchir au meilleur niveau de financement, celui de l’Union ou des États membres, dans la mise en œuvre des politiques européennes.

Nous demandons ainsi que les parlements nationaux soient clairement et pleinement associés à la révision du système des ressources propres et des perspectives financières ; il serait d’ailleurs opportun qu’un groupe de travail du Sénat se mette en place dans cette perspective.

Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ?

Cette décision du Conseil qui nous est soumise permet d’avancer, peu certes, mais d’avancer tout de même. Ainsi, nous prenons acte du premier pas, visant à une réduction de la correction britannique. Le fait que, d’après cette décision, le Parlement européen doit être consulté, dynamise et fait évoluer le débat. La réflexion dépasse ainsi les frontières des cercles d’initiés.

Je regrette l’état de la réflexion sur un futur système de ressources et j’observe que, dans ce domaine, la prudence est de mise.

Le Parlement européen, dans ses derniers rapports –ceux de MM. Lamassoure et Böge  – évoque la méthodologie, mais pas assez le contenu.

Nous regrettons également la précipitation avec laquelle ce texte a été examiné, ce qui ne nous a pas permis d’engager un véritable travail de réflexion. J’espère qu’il y sera remédié par la suite, compte tenu de l’importance des enjeux qu’entraîne le réexamen de ce système de ressources et des perspectives financières.

Cette décision, que ce projet de loi tend à ratifier, que l’on ne peut amender et qu’on nous demande d’adopter, ne prévoit pas de réforme du système de ressources propres, qui est une nouvelle fois reportée ; elle n’apporte qu’une simple inflexion à la marge, une simple modification de l’assiette et la programmation de la diminution du chèque britannique.

Par ailleurs, nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur ce sujet, nous ne sommes pas satisfaits de l’accord qui a été conclu sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 ; pour nous, les négociations sur les perspectives financières se sont soldées par un échec : le budget arrêté n’est à la hauteur ni des nécessités ni des défis.

Nous sommes, en outre, inquiets au sujet des négociations qui se profilent en 2009, alors qu’aucun débat en amont sur les compétences de l’Union, ses objectifs et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre n’est prévu.

Dans l’attente de ces nouvelles négociations prévues par les clauses de réexamen, il ne nous est pas possible d’approuver franchement une décision qui ne fait que pérenniser un système.

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, le groupe socialiste s’abstiendra sur ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question financière demeure toujours une source de forte tension au sein de l’Union européenne.

L’adoption, pour le moins laborieuse, des perspectives financières 2007-2013 par les chefs d’État ou de gouvernement, lors du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005, en témoigne parfaitement.

Ce n’est qu’à l’issue de près de deux ans d’âpres négociations – Denis Badré l’a rappelé dans son rapport fait au nom de la commission des finances –, que l’Union européenne s’est enfin dotée d’un cadre financier pluriannuel couvrant la période 2007-2013.

Toutefois, les perspectives financières ainsi fixées dissimulent mal le vide politique de l’Union européenne, que le traité de Lisbonne ne comble aucunement.

Je rappellerai que, durant ces négociations calamiteuses, les intérêts des États membres sont entrés en conflit au point de créer une situation inédite dans l’histoire des négociations budgétaires européennes. En effet, c’était la première fois qu’un « paquet final » mis sur la table par une présidence était rejeté !

Dès décembre 2003, on se souvient qu’un groupe de six États membres, dont la France, avait exprimé son opposition à une forte croissance du budget européen. Il s’agissait d’une position frileuse, significative de la crise traversée par l’Union européenne, incapable de se rassembler et d’agir en faveur de l’intérêt des peuples européens, qui sont ainsi tenus à l’écart d’un budget communautaire parfaitement inintelligible.

Pourtant, nul n’est censé ignorer le budget communautaire, car il s’agit de l’instrument financier traduisant les choix politiques, l’action et l’ambition européenne. Sa dimension tant quantitative que qualitative est donc porteuse de sens.

Le niveau du budget communautaire, mais surtout la répartition entre les différentes actions communautaires, permettent, hélas ! de pointer le sens de la construction européenne.

Or force est de constater au-delà des discours et des effets d’annonce que, pour 2007-2013, le budget de l’Europe s’inscrit simplement dans la continuité des précédents.

Les perspectives financières pour 2007-2013, ainsi que cela a été rappelé, prévoient 864,3 milliards d’euros en crédits d’engagement, soit 1,048 % du RNB de l’Union, et 820,780 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 1 % du RNB.

Il s’agit là, il faut le reconnaître, d’un pourcentage peu ambitieux, qui ne représente que 30 % du budget américain de la défense !

Ainsi limité à 1 % du revenu national brut européen, ce budget est incontestablement insuffisant pour répondre aux besoins collectifs de l’Union européenne.

En d’autres termes, mes chers collègues, le budget de l’Europe ne permet pas de relever les défis considérables qui lui sont posés tels que la solidarité dans le contexte de l’Union à vingt-sept, l’affirmation d’une Europe plus forte, d’une Europe agissant pour un monde plus solidaire et plus sûr, ou encore le progrès de la citoyenneté et de la participation des peuples et la résorption du déficit démocratique de l’Union.

Au reste, si nos concitoyens demeurent écartés des choix budgétaires européens, on peut également s’interroger sur le rôle de notre propre assemblée et sur un certain nombre de fictions.

Je dénonce de manière récurrente, chaque année, à l’occasion du débat sur la loi de finances, l’hypocrisie de notre Parlement quant à la mise à disposition des ressources propres.

Le mythe de la souveraineté parlementaire pourrait laisser croire que le Parlement procéderait à un vote d’autorisation de prélèvements sur recettes de l’État membre au profit de l’Union européenne. Malheureusement, comme on le sait, la réalité juridique et politique est moins favorable à la représentation nationale.

Si l’article 6, alinéa 4, de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, consacre le vote du Parlement sur un article spécifique relatif au prélèvement communautaire, en fait cette disposition n’introduit pas une innovation considérable. La LOLF se contente de suspendre formellement le versement des ressources propres au bon vouloir des parlementaires et réduit les Communautés européennes à de simples bénéficiaires d’une libéralité de l’État.

Pourtant, le système des ressources propres et les obligations communautaires qui en découlent ôtent au Parlement une part non négligeable de son pouvoir d’autorisation budgétaire.

L’éventualité d’un vote négatif est inhérente à toute mise aux voix : elle est politiquement envisageable et juridiquement possible au regard de la rédaction de l’article 6, alinéa 4, de la LOLF.

Au vote, se trouvent consubstantiellement liées la possibilité de débat et la capacité d’amender ou, à tout le moins, de rejeter ce sur quoi porte le vote.

Compte tenu des engagements communautaires de la France en la matière, la mise à disposition des ressources propres présente un caractère obligatoire, et tout manquement est systématiquement sanctionné.

Les obligations de l’État membre placent le Parlement dans une situation de compétence liée, qui exclut tout pouvoir d’autorisation parlementaire.

En cas de vote négatif, c’est-à-dire dans l’hypothèse d’un refus parlementaire du versement des ressources propres, l’État membre français n’en est pas moins tenu de verser la contribution due.

À défaut, il s’expose à une procédure contentieuse communautaire susceptible d’aboutir à une condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes.

Cette situation dénote l’absence de liberté de choix laissée au Parlement, et donc à la représentation nationale.

Elle symbolise également le déficit politique qui continue de marquer la construction européenne, y compris dans sa dimension financière.

Quant à la décision du Conseil du 7 juin 2007, dite « ressources propres », qui vise à mettre en œuvre le volet relatif aux recettes du budget communautaire des perspectives financières, elle s’inscrit dans la lignée de la précédente décision « ressources propres » de 2000, dont elle reprend les grands principes.

Le système de financement du budget communautaire reste composé des ressources propres traditionnelles – droits de douane, prélèvements agricoles et cotisations sucre et isoglucose –, de la ressource TVA et de la ressource RNB.

Ces ressources sont plafonnées, cela a également été rappelé, à 1,24 % du revenu national brut de l’Union en crédits de paiement et à 1,31 % en crédits d’engagement.

La décision du Conseil, d’une part, modifie en revanche le taux d’appel de la ressource TVA – qui s’établit à 0,50 % depuis 2004, passe à 0,30 % pour l’ensemble des États membres de l’Union européenne, à l’exception de quatre États qui bénéficient d’un régime dérogatoire, l’Autriche, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède –, et consacre, conformément aux conclusions de la présidence du Conseil européen de décembre 2005, un certain nombre de régimes dérogatoires en matière de ressources TVA et RNB en vue de prendre en compte la situation de certains États membres considérés comme figurant parmi les principaux contributeurs nets au budget de l’Union européenne.

Ainsi, les Pays-Bas et la Suède bénéficient d’une réduction brute de leur contribution annuelle calculée en fonction du RNB qui atteint respectivement 605 millions d’euros et 150 millions d’euros, valeur 2004.

Une fois de plus, force est de constater, mes chers collègues, que l’adoption du système de financement communautaire résulte d’un marchandage entre États membres soucieux de leur position à l’égard du budget de l’Union européenne. Les bénéficiaires veillent à le rester, tandis que les contributeurs s’efforcent de réduire leur contribution. Bel esprit de solidarité !

Par ailleurs, conformément aux conclusions de décembre 2005, la décision du 7 juin 2007 amorce une évolution du système des ressources propres de la Communauté européenne – Denis Badré disait tout à l’heure : « Enfin ! » –, à travers la remise en cause progressive et définitive de la correction accordée au Royaume-Uni.

La remise en cause de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984 constitue, certes, une avancée. Il s’agit même d’une rupture dans le système de financement de l’Union qui constituait un objectif majeur de la France, principal financeur de ce dispositif, de l’ordre de 27 %, avec 1,5 milliard d’euros en 2008.

L’accord conclu lors du Conseil européen de décembre 2005 met fin également au paradoxe suivant lequel le Royaume-Uni, fervent promoteur de l’élargissement et pays qui, il faut aussi le rappeler, est classé parmi les États les plus prospères de l’Union, était l’un des États membres qui contribuait le moins à son financement.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si nous considérons qu’il s’agit là d’une décision importante, nous désapprouvons néanmoins les calculs comptables des dépenses des États membres et des retours nationaux, qui déprécient les discussions et contreviennent à l’esprit de solidarité devant animer la construction européenne.

Nous l’avons plusieurs fois exprimé, la contribution des États membres devrait être présentée comme une ambition, et non pas simplement comme un coût.

Aujourd’hui, alors que le budget général des Communautés européennes est censé être alimenté par un système dit de « ressources propres » – tel est l’objet de l’article 269 du traité communautaire –, les prélèvements communautaires s’apparentent bien plus à un système de contributions budgétaires qu’à un transfert de produit fiscal spécifique aux Communautés.

Or la prééminence des contributions nationales entretient la logique du « taux de retour » – Denis Badré a rappelé, et je partage son avis, qu’il s’agit là de l’abnégation même de l’esprit communautaire –, suivant laquelle chaque État membre ne consent à contribuer au budget communautaire qu’à la condition de se voir garantir des retours nets suffisants au titre des diverses politiques communes mises en œuvre sur son territoire.

Les États déterminent ainsi leurs contributions au budget en fonction de ce qu’ils peuvent recevoir en retour de l’Union, dans une logique purement comptable.

Le système des « ressources propres » est donc défaillant, comme l’attestent non seulement l’absence de lien entre les contribuables et les ressources communautaires, mais aussi la part prépondérante de la ressource RNB dans l’ensemble des ressources de l’Union européenne.

Alimenté principalement par les contributions nationales, le budget européen se trouve confronté au « poison du juste retour », comme le qualifie le professeur d’économie, Jacques Le Cacheux.

Pour autant, on ne peut penser que l’instauration d’un impôt européen – au-delà de l’impopularité assurée d’une telle mesure dans l’opinion publique européenne – résoudrait la question du financement de l’Union. Mais encore faut-il lancer le débat !

Pourtant, l’Europe mériterait un budget digne de ce nom, ce qui supposerait d’en augmenter le niveau et surtout de le répartir entre les différentes actions communautaires d’une façon qui réponde aux besoins accrus de cohésion et accorde la priorité à la lutte contre l’accroissement des déséquilibres, des inégalités, du chômage et de la pauvreté au sein de l’Union européenne. Or, il faut le reconnaître, tel n’est pas le cas aujourd'hui : l’Europe n’est toujours pas sociale ; elle reste, pour l’essentiel, un marché économique.

La clause de réexamen, prévue pour 2008-2009 par la décision du 7 juin 2007, devrait être l’occasion d’aborder cette question cruciale des recettes de l’Union européenne. En effet, madame la secrétaire d'État, ce réexamen interviendra alors que l’Union européenne sera présidée par la France, qui devrait donc poser clairement la question du budget durant cette période.

C’est bien Nicolas Sarkozy qui faisait la déclaration suivante, lors de son discours du 8 septembre 2006 à Bruxelles : « L’Union n’a pas seulement besoin de nouvelles règles. Elle a besoin d’un minimum de moyens financiers. L’accord obtenu en décembre 2005 sur le budget européen pour les années 2007-2013 prévoit une clause de rendez-vous en 2008-2009. Nous devons saisir cette occasion pour procéder à une réforme ambitieuse du budget européen. »

Madame la secrétaire d'État, saisissez cette occasion ! À la veille de la présidence française de l’Union européenne, pouvez-vous nous détailler les engagements qui seront pris en ce sens ? Je me joins à la demande de notre collègue Marc Massion : quel rendez-vous parlementaire prévoyez-vous pour associer la représentation nationale à ce débat ?

Au terme de mon intervention, vous comprendrez que les sénateurs du groupe CRC s’abstiennent sur le projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des communautés européennes.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, permettez-moi tout d'abord d’excuser M. Jean-Pierre Jouyet : s’il n’est pas présent aujourd'hui, c’est non pas parce qu’il ne mesure pas l’importance de cette séance, mais parce qu’il a été invité à accompagner le Premier ministre au sommet Union européenne-Amérique latine de Lima. J’espère tout de même qu’avec moi vous ne perdez pas trop au change ! (Sourires.)

M. Denis Badré, rapporteur. Nullement !

M. Jean-Luc Miraux. Ce n’est pas désagréable !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Monsieur Massion, vous avez évoqué la baisse de la contribution française au budget communautaire.

Pour ma part, j’ai plutôt le sentiment que, à l’inverse, cette participation est en augmentation constante sur longue période, même si elle tend à se stabiliser depuis le début des années quatre-vingt-dix. Ainsi, le montant en valeur du prélèvement au profit du budget communautaire a été multiplié par plus de quatre entre 1982 et 2008, passant de 4 milliards d'euros à 18,4 milliards d'euros. Il me semble donc que nous devons parler d’augmentation plutôt que de baisse.

S'agissant du rapport de M. Lamassoure, que M. le rapporteur et vous-même avez évoqué, il ne fait pas de doute que le système de ressources propres de l’Union européenne doit être réformé, dans le sens d’une plus grande lisibilité et d’une équité accrue. Dans cette perspective, ce rapport, publié l’an dernier, apporte des éléments de réflexion très intéressants, sur lesquels il convient d’ouvrir le débat. Pour la France, il est important de revenir sur le système des corrections nationales, qui n’est pas conforme à l’esprit de solidarité européenne : ces mécanismes ne sont plus justifiés aujourd'hui et ne reposent pas sur des fondements économiques.

M. Lamassoure propose aussi la création d’un véritable impôt européen, mais il faut rester réalistes : aujourd'hui, cette idée n’a aucune chance d’aboutir, compte tenu de l’attachement des États européens à leur souveraineté fiscale.

En revanche, les autres pistes qu’il a suggérées, qui conduiraient à allouer une part de l’impôt national à l’Union européenne, méritent d’être explorées. Une réflexion pourrait être lancée sur ce point.

Dans votre intervention, monsieur Massion, vous avez aussi évoqué une absence de perspectives ou d’initiatives françaises. Désormais, le débat sur le traité de Lisbonne est clos. Sur le fond, il n’y a pas à y revenir, mais, sur la forme, nous restons vigilants quant à la ratification par les Vingt-Sept de ce texte et à la préparation de son entrée en vigueur, au lendemain de la présidence française. En effet, de nombreuses ratifications interviendront pendant celle-ci.

Par ailleurs, depuis l’adoption de ce traité, nous ne sommes pas restés inactifs. En effet, une réflexion sur la nature, le rôle et les politiques de l’Union européenne est aujourd’hui nécessaire. Une démarche en ce sens a été lancée, sur l’initiative de la France, lors du Conseil européen de décembre dernier, puisqu’un groupe de réflexion présidé par M. Felipe Gonzales a été mis en place.

Monsieur Bret, vous avez insisté, dans votre intervention, sur l’esprit de solidarité européenne.

Pour ma part, je crois que celle-ci passe par la solidarité budgétaire et qu’il ne faut pas le regretter, parce qu’il s'agit là d’une responsabilité de l’Union européenne, qui a mis en place des fonds structurels afin de faire converger économiquement et socialement les différents États qu’elle regroupe.

Ces fonds structurels constituent désormais le premier poste budgétaire européen. Ils donnent une traduction concrète à l’ambition de réaliser une union sans cesse plus étroite entre les États membres, ce qui suppose une convergence entre ces derniers. La question porte donc non pas sur le niveau de la dépense publique, mais bien sur la qualité de celle-ci. La France est contributeur net et elle le restera ; cette situation correspond à notre niveau de développement économique et à notre responsabilité politique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes, adoptée à Luxembourg le 7 juin 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

M. Jacques Gautier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voterons dans quelques instants un texte qui, sous des aspects techniques, marque – j’ai cru comprendre que nous l’espérions tous ici – le point de départ de la réforme budgétaire européenne.

Tout le monde en convient, une prise de conscience de l’inadaptation croissante et de l’essoufflement du cadre budgétaire communautaire était nécessaire. Les négociations du cadre financier 2007-2013 et le compromis de décembre 2005 en témoignent.

La clause de réexamen des recettes et des dépenses de l’Union européenne doit être mise en œuvre, même s’il s’agit d’une entreprise difficile, et notre pays, madame la secrétaire d'État, aura un rôle important à jouer et des initiatives à prendre dans les prochains mois. La frilosité n’est pas de mise, nous devons choisir le courage et la volonté.

Nous approuvons évidemment la sérieuse remise en cause du « chèque britannique », qui n’est plus justifié – tous les orateurs ont souligné – et qui, je le rappelle, est en grande partie financé par la France.

L’examen de ce texte a été l’occasion d’interroger le Gouvernement sur les enjeux de la réforme du financement de l’Union européenne et sur la préparation de la présidence française sur ce point.

Nous souhaitons que le Gouvernement associe le Parlement le plus en amont possible. Nous estimons – et vous avez pu constater, madame la secrétaire d'État, que cette appréciation transcendait les clivages de notre assemblée – que les parlements nationaux devront s’exprimer sur ce sujet très sensible, qui concerne à la fois les finances publiques des États membres et la question du consentement à l’impôt.

Nous vous remercions, madame la secrétaire d'État, de l’ensemble des précisions que venez de nous apporter. En outre, je veux saluer l’engagement de M. le rapporteur, Denis Badré, dont la passion est contagieuse lorsqu’il nous parle d’Europe.

Le groupe de l’UMP votera ce texte, avec le souci que celui-ci annonce et permette une amorce sérieuse des débats sur la nécessaire réforme du budget communautaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes
 

4

Conventions internationales

Adoption de sept projets de loi en procédure d'examen simplifié

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de sept projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces sept projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

accord avec monaco relatif à la mise à disposition de personnels de la police nationale française

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco relatif à la mise à disposition de personnels de la police nationale française au profit de la Principauté de Monaco à l’occasion d’événements particuliers, signé à Monaco le 29 mars 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, relatif à la mise à disposition de personnels de la police nationale française au profit de la Principauté de Monaco à l’occasion d’événements particuliers (n° 279, rapport n° 319 de M. Jacques Blanc, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

M. Robert Bret. Le Prince vous remercie !

Accord avec l'Australie relatif à la pêche dans les zones maritimes adjacentes

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie relatif à la coopération en matière d’application de la législation relative à la pêche dans les zones maritimes adjacentes aux Terres australes et antarctiques françaises, à l’île Heard et aux îles McDonald, signé à Paris le 8 janvier 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie relatif à la coopération en matière d’application de la législation relative à la pêche dans les zones maritimes adjacentes aux terres australes et antarctiques françaises, à l’île Heard et aux îles Mcdonald (n° 206, rapport n° 315 de M. André Boyer, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires

Article unique

Est autorisée l’adhésion à la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires (ensemble une annexe et deux appendices), signée à Londres le 13 février 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’adhésion à la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires (n° 277, rapport n° 318 de M. André Boyer, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

Convention avec l'Italie relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc

Article unique

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc, signé à Lucques le 24 novembre 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc (n° 84, rapport n° 186 de M. Jacques Blanc, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est adopté.)

Convention avec le Luxembourg sur la sécurité sociale

Article unique

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la sécurité sociale (ensemble un protocole additionnel et son annexe), signée à Paris le 7 novembre 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la sécurité sociale (n° 143, rapport n° 265 de M. André Rouvière, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

Règlement de la Commission intergouvernementale concernant la sécurité de la liaison fixe trans-Manche

Article unique

Est autorisée l’approbation du règlement de la Commission intergouvernementale concernant la sécurité de la liaison fixe trans-Manche, signé à Londres le 24 janvier 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du règlement de la Commission intergouvernementale concernant la sécurité de la liaison fixe trans-Manche (n° 202, rapport n° 285 de M. Joseph Kergueris, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

Convention de partenariat avec le Maroc pour la coopération culturelle et le développement

Article unique

Est autorisée l’approbation de la convention de partenariat pour la coopération culturelle et le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (ensemble deux annexes et deux protocoles), signée à Rabat le 25 juillet 2003, ensemble un échange de notes, signées à Rabat les 10 mai et 3 juin 2005, dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention de partenariat pour la coopération culturelle et le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (n° 203, rapport n° 286 de Mme Paulette Brisepierre, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

bilan de la première année du gouvernement

M. le président. La parole est à M. Henri Revol. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Henri Revol. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

En ce mois de mai propice aux anniversaires et aux commémorations multiples, dont une, surtout, omniprésente et empreinte de nostalgie romantique, devient d’ailleurs lassante, ...

M. Henri de Raincourt. C’est vrai !

M. Henri Revol. ...une date compte plus particulièrement pour nous. Voilà un an, le Président de la République était élu sur un programme de réformes important, qu’une majorité d’entre nous et de Français appelait de ses vœux. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. C’est téléphoné !

M. Robert Hue. Parlons-en !

M. Henri Revol. Le dessein s’est concrétisé d’un pays se rénovant, s’adaptant au monde tel qu’il est, tout en sachant sauvegarder, voire réinstaller des valeurs qui semblaient vouées à la disparition ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Le moins que l’on puisse dire, malgré les dénégations laborieuses de certains, c’est que le pays change en profondeur.

M. Jean-Pierre Caffet. La question !

M. Henri Revol. Le Gouvernement et sa majorité tiennent les engagements pris devant les Français par le Président de la République, …

M. David Assouline. C’est faux !

M. Henri Revol. … ce dernier n’éludant ni les débats ni les chantiers difficiles.

M. René-Pierre Signé. La question a été écrite par Sarkozy ?

M. Henri Revol. Si la stigmatisation est aisée, la réforme l’est beaucoup moins !

M. Henri Revol. En témoigne l’immobilisme de la gauche pendant tant d’années sur tous les sujets. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Cinquante-cinq réformes ont été engagées depuis un an !

M. Guy Fischer. On veut la liste !

M. René-Pierre Signé. Aucune ne réussit !

M. Henri Revol. De la défiscalisation des heures supplémentaires à l’assouplissement du marché du travail, de la réforme des universités à celle des régimes spéciaux, du service minimum dans les transports au Grenelle de l’environnement, de la lutte contre la récidive au traité simplifié européen, c’est une dynamique, c’est une modernisation en profondeur de domaines et de secteurs réputés « irréformables ».

M. Jean-Pierre Sueur. Vous pourriez faire plus subtil !

M. Henri Revol. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire quels sont les premiers résultats enregistrés, notamment dans le domaine économique, ...

M. René-Pierre Signé. Vous plaisantez !

M. Henri Revol. ... et les axes d’action que le Président de la République et vous-même retiendrez pour les mois à venir ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.- M. Pierre Fauchon et M. Bruno Retailleau applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Frimat. Il n’est pas surpris par la question !

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, notre pays souffre depuis vingt ans d’un mal chronique, celui d’une croissance inférieure à la moyenne européenne.

Les chiffres de la croissance de 2007 et ceux du premier trimestre de 2008 viennent d’être annoncés. Quels sont-ils ?

Pour l’année 2007, la croissance aura été de 2,2 %. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Cela correspond exactement aux prévisions sur lesquelles le Gouvernement avait construit son budget.

M. René-Pierre Signé. On a fait mieux !

M. Alain Gournac. Critiquez donc !

M. François Fillon, Premier ministre. J’invite donc tous ceux qui, depuis des mois, répètent à l’envi que les prévisions gouvernementales en matière de croissance sont exagérées à réfléchir désormais à deux fois avant de lancer des estimations qui se révèlent toutes fausses, les unes après les autres. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Plus important encore que le chiffre de 2007, celui du premier trimestre de 2008 indique une hausse de 0,64 %.

M. François Fillon, Premier ministre. Cela témoigne d’une augmentation, voire d’une accélération de la croissance au moment même où l’ensemble des pays développés connaissent un ralentissement dû à la crise financière américaine.

Voilà la réalité ! (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

M. Robert Hue. Et les salaires ?

Mme Nicole Bricq. Et le pouvoir d'achat ?

M. René-Pierre Signé. Il n’est qu’à voir les licenciements !

M. François Fillon, Premier ministre. Quoi que nous réserve l’avenir s’agissant de cette crise économique internationale, ces chiffres nous permettent dès maintenant d’affirmer que la prévision de croissance – entre 1,7 % et 2 % – sur laquelle le Gouvernement a établi le budget de 2008 est extrêmement réaliste. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.) Nous atteindrons sans difficulté ce taux de croissance et nous espérons même le dépasser.

M. René-Pierre Signé. Et les licenciements ?

M. François Fillon, Premier ministre. À y regarder de près, nous constatons que cette croissance est due, pour une très large part, à une augmentation particulièrement forte de l’investissement des entreprises.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Voilà qui justifie la politique économique qui a été celle du Gouvernement, en particulier les mesures sur les heures supplémentaires et sur la fiscalité.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Celles-ci ont soutenu la croissance et font qu’aujourd'hui notre pays est légèrement au-dessus des moyennes de la zone euro, alors qu’il avait l’habitude d’être en dessous.

Mme Raymonde Le Texier. L’habitude avec vous !

M. François Fillon, Premier ministre. Grâce à ces bons chiffres, pour l’année 2007, nous enregistrerons une baisse de la dette publique, qui passera de 64,2 milliards d'euros à 63,9 milliards d'euros, une baisse des prélèvements obligatoires à 43,3 %, des gains de pouvoir d'achat à 3,3 % en 2007, contre 2,6 % en 2006. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Mensonges !

M. Paul Raoult. Des gains pour les plus riches !

M. François Fillon, Premier ministre. Voilà la réalité de la situation et de la politique économique que nous conduisons !

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, nous allons poursuivre notre effort de réforme structurelle : avec le projet de loi de modernisation de l’économie, que Christine Lagarde défendra devant vous dans quelques semaines et qui doit nous permettre de gagner encore 0,3 % de croissance supplémentaire (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), avec aussi la réforme de la représentativité syndicale et la possibilité de négocier dans les entreprises notamment sur les questions du temps de travail et des heures supplémentaires.

M. David Assouline. Des chiffres !

M. René-Pierre Signé. Il faudra mieux nous expliquer !

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, oui, nous mettons en œuvre les réformes structurelles dont notre pays a besoin et nous tenons scrupuleusement tous les engagements qui ont été pris devant les Français par le Président de la République ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUC-UDF.)

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas ce que disent les sondages !

M. Jean-Pierre Sueur. Bref, tout va bien !

Mme Nicole Bricq. Eh oui, tout va bien !

M. Ivan Renar. On n’a plus qu’à augmenter les salaires !

M. Guy Fischer. Et les retraites !

grève dans l’enseignement

M. le président. La parole est à M. Bertrand Auban.

M. Bertrand Auban. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Claude Carle. Excellent ministre !

M. Bertrand Auban. Malgré un mouvement lycéen et enseignant qui dure depuis deux mois, le Gouvernement continue à ne pas vouloir écouter le malaise de tous les acteurs de la communauté éducative. Celui-ci s’exprime encore aujourd’hui, puisque des dizaines de milliers d’enseignants et de lycéens manifestent.

La suppression de 11 200 postes dans le secondaire à la prochaine rentrée fait suite aux 35 000 suppressions précédentes. Quand on sait que, pour la rentrée 2009, circulent les chiffres de 30 000 à 40 000 suppressions de postes dans toute la fonction publique et que l’éducation nationale fait en général pour moitié les frais de l’hémorragie d’emplois, il y a de quoi être très inquiet !

Monsieur le ministre, vous me répondrez que ces suppressions correspondent à une baisse des effectifs dans le secondaire.

M. Bertrand Auban. Cependant, si, dans le secondaire, la baisse de 14 000 élèves attendue pour 2008 se traduit par la suppression de 11 200 postes, dans le premier degré, seuls 1 000 postes sont créés, alors que de 37 000 élèves de plus sont attendus.

Les ratios de création et de suppression sont donc loin d’être les mêmes.

Ainsi, dans le département de la Haute-Garonne, le secondaire, qui attend 800 élèves supplémentaires, perdra 45 postes d’enseignants, tandis que le primaire aura 500 élèves en plus et seulement 10 postes supplémentaires !

Monsieur le ministre, ne me taxez surtout pas de simple comptable ! Ces chiffres décrivent une réalité et témoignent de votre volonté de saborder les moyens de l’éducation nationale, et ce au mépris de la qualité de l’enseignement et de l’égal accès de tous les enfants au service public de l’éducation. Car les premiers perdants seront les plus défavorisés. Il en est ainsi pour l’est parisien, qui perd le plus grand nombre de postes, et pour les lycées technologiques et professionnels, qui seront plus touchés que la filière générale.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que la grève d’aujourd’hui était une « bouffonnerie » et un rite suranné. De tels propos sont bien irrespectueux et méprisants à l’égard des personnels et des lycéens inquiets de la dégradation des conditions de leur scolarité. Ni les uns ni les autres ne défilent par plaisir : les premiers y perdent du pouvoir d’achat, ce pouvoir d’achat que vous n’aurez pas peu contribué à éroder, les seconds y perdent du temps d’étude à l’approche des examens. Et que demandent-ils tous ? Non pas des moyens supplémentaires inconsidérés, mais le simple rétablissement de ceux dont vous avez décidé d’amputer l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, je vous demande, au nom des jeunes et au nom des personnels tout aussi inquiets, de nous expliquer comment vous comptez maintenir à flot la maison Éducation, et de vous engager devant la représentation nationale à ne pas supprimer 15 000 à 20 000 postes supplémentaires en 2009. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, pour la trente et unième fois en sept ans, les fonctionnaires de l’éducation nationale sont en grève et défilent !

Cependant, et les premiers chiffres qui nous sont communiqués le prouvent, nous sommes loin de la « mère de toutes les victoires », de la « manifestation de toutes les manifestations » qui était annoncée. Aujourd'hui, deux personnels sur trois de l’éducation nationale sont au travail : on compte un peu moins de 30 % de grévistes dans les collèges et dans les lycées... (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Raymonde Le Texier. Cela ne suffit pas ?

M. Xavier Darcos, ministre. ... et moins de 45 % de grévistes dans le premier degré.

Ne discutez pas ces chiffres,...

Mme Raymonde Le Texier. On ne les contestera pas !

M. Xavier Darcos, ministre. ... que je publierai, comme je l’ai fait pour la grève du 23 janvier dernier, un par un, avec les prélèvements de grève. Je me suis d’ailleurs rendu compte que j’avais été un peu optimiste au mois de janvier en donnant 15 points de moins que ce qu’annonçaient les syndicats.

M. René-Pierre Signé. Cela leur coûte !

M. Xavier Darcos, ministre. Je ne discuterai pas le fait que cette grève est importante ou non : elle l’est.

Mais contre quoi les uns et les autres manifestent-ils ? Contre le soutien scolaire, que nous avons organisé ? (M. Alain Gournac rit.)

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Xavier Darcos, ministre. Manifestent-ils contre l’accompagnement éducatif dans les collèges, que nous avons mis en place ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Manifestent-ils contre le fait que nous organisons des stages pour les élèves en difficulté à la fin de l’école primaire ?

Manifestent-ils contre les programmes de l’école primaire qui, je le rappelle, sont approuvés par les parents d’élèves et par les utilisateurs,...

M. Alain Gournac. C’est vrai !

M. Xavier Darcos, ministre. ...puisque seuls 7 % d’entre eux estiment que cela ne va pas dans le bon sens ?

M. Didier Boulaud. C’est en 1908 que vous auriez dû être ministre de l’éducation nationale !

M. Xavier Darcos, ministre. Vous me répondrez qu’ils protestent contre les suppressions d’emplois. Curieux ! En effet, dans le premier degré, nous ajoutons des postes, et ils sont tout de même en grève ! (Rires et applaudissements sur les travées de lUMP.) Et, dans le second degré, ils protestent sans doute contre les suppressions d’emplois, mais c’est là qu’il y a le moins de grévistes !

M. Jean-Pierre Sueur. Ils ne sont pas irrationnels !

M. Xavier Darcos, ministre. Alors, non, monsieur le sénateur, nous ne voulons pas porter atteinte à l’éducation nationale !

M. Didier Boulaud. Bien sûr que si !

M. Xavier Darcos, ministre. Nous voulons porter atteinte à la spirale de l’échec. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Vous savez comme moi que cette spirale est la conséquence de ces raisonnements simplistes et faux qui poussent à réclamer, chaque fois qu’une difficulté surgit, une augmentation des moyens et des effectifs. (Bravo ! sur les travées de lUMP.- M. Bruno Retailleau applaudit également.)

Nous avons le système le plus coûteux du monde – ou quasiment – et le moins efficace. Nous avons perdu des points dans tous les classements internationaux, parce que nous ne nous sommes pas réformés.

Le gouvernement de François Fillon...

M. Didier Boulaud. Il a été ministre de l’éducation nationale : qu’a-t-il fait ?

M. Xavier Darcos, ministre. ... n’est pas l’ennemi des professeurs ou du service éducatif. Il entend simplement faire comprendre que défiler, protester et réclamer des moyens supplémentaires ne permet pas de régler la question de fond : l’échec scolaire...

M. René-Pierre Signé. Il n’y a plus de démocratie !

M. Xavier Darcos, ministre. ... et l’inefficacité de notre système par rapport à celui des pays comparables.

M. Didier Boulaud. C’est une obsession de la droite, le service public !

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le sénateur, nous avons du respect pour ceux qui défilent et qui font grève, mais nous ne croyons pas que leurs protestations régleront quoi que ce soit.

M. David Assouline. Rien n’a été fait sous Raffarin !

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez mentionné les lycéens. Ils ont compris, eux au moins, que l’essentiel, ce n’était ni le nombre de postes, ni les emplois, ni les manifestations. Nous avons passé avec eux un accord concernant l’accompagnement éducatif : ils ont bien voulu, eux au moins, se mettre autour de la table pour parler du fond : la réforme et la lutte contre l’échec scolaire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas ce que l’on nous a dit !

CONDITIONS DE TRAVAIL DES POMPIERS

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

Dans mon département du Rhône, deux sapeurs-pompiers, le lieutenant Pauletto, en 2001, et l’adjudant Abbes, au mois de février 2008, sont morts en service commandé à la suite d’accidents dus à une fuite de gaz.

Je veux d’abord rendre hommage aux sapeurs-pompiers, qui exercent un métier difficile et, très souvent, risquent leur vie, tout comme les policiers et les agents de Gaz de France qui en l’occurrence interviennent sur les mêmes sinistres.

Madame la ministre, je vous remercie d’avoir été très présente à Lyon auprès de la famille de l’adjudant Abbes et de ses collègues.

Aujourd’hui, il se produit dans le Rhône – les chiffres sont probablement les mêmes sur tout le territoire national –, plus d’une fuite de gaz chaque jour. Plus de 500 fuites de gaz graves ont eu lieu l’an dernier. Des questions se posent.

Je souhaite que vous nous précisiez les pouvoirs des autorités concédantes. Les canalisations de gaz sont en général enfouies sous des routes communales, intercommunales, départementales, voire nationales. Quel est le pouvoir de l’autorité domaniale en termes d’autorisation, de contrôle de l’état des conduites, de cartographie du réseau ? Très souvent, on ne sait pas comment sont installées les canalisations, ce qui peut provoquer, on l’a vu, des accidents d’une particulière gravité.

Existe-t-il une obligation d’entretien du réseau gazier ? Dans l’affirmative, à qui incombe-t-elle ? Quels sont les moyens mis en œuvre ? Qui contrôle le respect de cette obligation d’entretien ?

Enfin, lorsque des sapeurs-pompiers, des policiers ou d’autres agents publics et des agents de Gaz de France interviennent lors d’une fuite de gaz, leur action s’inscrit-elle dans les opérations de secours au titre de la loi 2004 ? Le commandant des secours dispose-t-il bien de l’ensemble des pouvoirs nécessaires pour que l’intervention se passe le mieux possible ? Ce sont, en effet, des interventions très graves qui peuvent entraîner des décès. On ne peut pas laisser les choses en l’état ! (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, effectivement, depuis un an, plusieurs fuites de gaz très importantes se sont produites, notamment lors de chantiers réalisés sur la voirie. Elles ont causé de nombreuses victimes -certaines sont décédées -, parmi les pompiers comme parmi les civils.

Dès l’automne, j’ai demandé une étude à l’inspection de la défense et de la sécurité civiles afin de déterminer les raisons pour lesquelles les accidents sont maintenant plus nombreux et aussi importants. Cruelle ironie du sort, un rapport m’a été remis le 27 février dernier, c'est-à-dire le jour même où un pompier est décédé à Lyon, dans les mêmes circonstances que celles qui sont décrites par l’inspection.

Il résulte de cette étude que, si les accidents sont plus nombreux, c’est parce que les travaux sur les réseaux le sont également.

M. René-Pierre Signé. C’est une lapalissade !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. De surcroît, un certain nombre de négligences ont été constatées.

J’ai donc décidé de réunir au ministère l’ensemble des acteurs intéressés. Le 7 avril dernier, j’ai réuni les représentants des associations d’élus, de Gaz de France, de la Fédération des travaux publics, des syndicats, des sapeurs-pompiers, des administrations concernées, pour que nous travaillions ensemble sur les mesures très concrètes qui peuvent et doivent être prises pour empêcher que de tels événements ne se reproduisent à l’avenir ou, du moins, pour en limiter les conséquences.

Nous avons décidé de travailler dans trois directions. À cette fin, trois groupes de travail ont été constitués. Ils vont me remettre prochainement leurs conclusions, afin de proposer des mesures concrètes à partir des constats réalisés.

Il s’agit, tout d’abord, de rendre plus effective la réglementation relative à la planification et à la déclaration des travaux. On s’est en effet aperçu que certains travaux n’avaient pas été déclarés ou ne l’avaient pas été correctement.

Il s’agit ensuite – cela répond à votre souhait, monsieur le sénateur –, de renforcer le pouvoir du maire de la commune sur le territoire de laquelle les travaux se déroulent.

Par ailleurs, il convient d’améliorer la gestion des chantiers et le déroulement des travaux. On a constaté que, dans un certain nombre de cas, les travaux avaient été effectués un peu trop rapidement.

Il faut enfin affirmer clairement le pouvoir de coordination du directeur des opérations de secours à l’égard des intervenants, qu’il s’agisse des membres des services de secours ou des personnels de Gaz de France.

Sur la base de ces travaux, les avancées d’ores et déjà réalisées sont très concrètes. Les conclusions doivent être remises au plus tard à la fin du mois de juin. Si des modifications législatives sont nécessaires, mesdames, messieurs les sénateurs, vous serez immédiatement saisis et, en tous les cas, informés par mes soins de toutes les dispositions réglementaires ou simplement pratiques qui seront prises pour répondre à ces recommandations. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DE LA FRANCE

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Ma question s’adresse à madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Elle concerne la situation de l’emploi dans notre pays.

Madame la ministre, aujourd’hui, des centaines de milliers d’agents des services publics, issus des fonctions publiques de l’État, hospitalière et territoriale, manifestent dans tout le pays pour vous exprimer leur refus de la politique que vous menez et qui vise, de fusion en restructuration, d’externalisation en privatisation et de flexibilité en précarité, à accélérer la casse méthodique des services publics.

La révision générale des politiques publiques, la RGPP, est le dernier outil que vous avez créé pour mener vos opérations de casse de la fonction publique en répondant ainsi parfaitement aux aspirations du MEDEF. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Bien sûr, la faute au patronat !

M. Jean-Claude Danglot. Votre action repose en fait sur un postulat purement idéologique, qui considère l’action publique comme une dépense mais jamais comme une source de richesse et de développement.

M. Robert Hue. Très bien !

M. Jean-Claude Danglot. Plus personne ne peut aujourd’hui contester le fait qu’il manque des milliers d’emplois dans les écoles, les lycées, les collèges (Exclamations sur les mêmes travées.), les hôpitaux, les maisons de retraite, le secteur social, la police, la justice, les directions départementales de l’équipement, les douanes, les ANPE, les inspections du travail.

Votre feuille de route est bien définie et M. le Premier ministre l’a clairement résumée le 10 octobre 2007 :« la réforme de l’État supposera que chacun de nous accepte qu’il y ait moins de services, moins de personnel, moins d’État sur son territoire ».

L’argument qui consiste à affirmer que des dépenses publiques moindres pourraient favoriser l’emploi dans le secteur privé ne tient pas. Ma région, le Nord-Pas-de-Calais, sous-administrée, a perdu 42 000 emplois dans le secteur de l’industrie ; des filières entières, qui font sa fierté, comme le textile, l’habillement, les équipementiers automobiles, la chimie, ont été durement touchées ou ont disparu.

Madame la ministre, la direction de l’entreprise STAF, située à Hénin-Beaumont, qui délocalise au Brésil pour être plus compétitive, a même proposé un salaire de 300 euros à certains de ses salariés qui accepteraient un reclassement là-bas ! Ce n’est pas une anecdote ; c’est aussi cela, l’économie réelle, celle que vous défendez, au nom du principe de la « concurrence libre et non faussée » et du pacte de stabilité de l’Europe libérale.

M. Charles Pasqua. La question !

M. Jean-Claude Danglot. Madame la ministre, ma question sont simples et directes : quand allez-vous entendre le mécontentement des syndicats de fonctionnaires et les propositions qu’ils formulent ? Allez-vous renoncer à votre plan dit de « révision générale des politiques publiques », …

M. Alain Gournac. La question !

M. Jean-Claude Danglot. …qui prévoit la suppression de 160 000 emplois de fonctionnaire de l’État en quatre ans ?

Allez-vous enfin investir pour l’intérêt général en développant les services publics, afin de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens, au lieu de servir les intérêts d’une minorité de privilégiés ? (Protestations sur les travées de lUMP.)

Ah oui, chers collègues, votre groupe porte bien son nom : UMP, Union pour une minorité de privilégiés ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Ce ne sont pas les fonctionnaires qui mettent la France en faillite, non, mais ce sont vos chers, très chers actionnaires !

M. Alain Gournac. Que c’est amusant !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, vos questions et surtout votre manière de les poser sont bien excessives. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Vous parlez de « casse » du service public, de grèves massives. Rien de tout cela n’est vrai ! D’ailleurs, mon collègue Xavier Darcos a très bien répondu en ce qui concerne la grève dans l’éducation nationale. Certes, des gens sont dans la rue ; il faut les écouter, et c’est ce que fait le Gouvernement.

M. Didier Boulaud. Pas beaucoup !

M. René-Pierre Signé. Vous n’écoutez rien !

M. Éric Woerth, ministre. Cependant, la manifestation d’aujourd'hui n’est pas la marée humaine que l’on nous annonçait.

Un certain nombre de raisons simples expliquent ce fait. Il est de l’intérêt du pays d’évoluer et de ne pas considérer les services publics actuels comme ceux du XIXe siècle, ce que, probablement, vous souhaiteriez.

M. Didier Boulaud. C’est ce que l’on fait pourtant en ce moment, en matière pédagogique !

M. Éric Woerth, ministre. Il ne s’agit pas non plus de considérer que le développement économique passe d’abord par l’emploi public. Cette conception me semble appartenir à une époque révolue.

Nous voulons un service public de qualité, adapté aux besoins des usagers…

M. Alain Gournac. Bien sûr !

M. Éric Woerth, ministre. … et à la hauteur des espoirs des Français.

M. Didier Boulaud. Vous n’en prenez pas le chemin ! Il y a peu d’espoir !

M. René-Pierre Signé. Il n’y a plus d’espoir !

M. Éric Woerth, ministre. Nous voulons un service public de l’éducation nationale performant, adapté à la formation des jeunes.

Ce n’est pas non plus une raison pour considérer que ces services publics doivent être assurés dans n’importe quelle condition. Nous devons réfléchir ensemble, que notre sensibilité politique soit de droite ou de gauche, à la qualité du service public et à au nombre de ceux qui l’assurent.

Il y a aujourd’hui, en France, trop de fonctionnaires. Le Gouvernement veut réduire leurs effectifs et, pour ce faire, ne remplace pas une partie des agents publics qui partent à la retraite. Cette mesure n’est pas au demeurant extrêmement dure ; elle correspond plutôt à une vision assez douce de la réduction du volume de la fonction publique. En même temps, le Gouvernement réforme les services publics.

C’est la seule façon, me semble-t-il, d’afficher clairement un service public modernisé, des administrations mobiles, fournissant un service public de la qualité demandée mais aussi dans des conditions conformes aux capacités financières de notre pays. Les finances de l’État, comme celles de la sécurité sociale et plus largement les finances publiques, ne sont pas irréelles ou virtuelles ! Il s’agit de l’argent des Français, qui doit être justement consacré à un service public justement organisé.

Tel est l’objectif qui sous-tend l’action du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement dans la mise en œuvre de la modernisation de l’État. Cette action nécessite quelque effort. Je n’ai pas l’impression que vous soyez prêts à le consentir. Vous avez une vision archaïque et passéiste des choses. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. C’est injurieux !

SÉCURITÉ ROUTIÈRE SUR LA RN12

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports.

À l’heure où la lutte contre l’insécurité routière est redevenue une priorité de l’action gouvernementale, le département de l’Orne reste sinistré, malgré les efforts de son excellent préfet, Michel Lafon. Ma question concerne un point noir, au cœur de la commune de Saint-Denis-sur-Sarthon, répertorié en ces termes : « La route n’est pas assez large pour le croisement des poids lourds dans le virage du Moulin, on y risque des accidents mortels ».

J’associe à mon intervention M. Yves Cortes, conseiller général du département de la Mayenne, maire de Pré-en-Pail, commune victime, elle aussi, de cette situation inacceptable, que M. Arthuis connaît bien. (Exclamations amusées et ironiques sur les travées de l’UMP et sur celles du groupe socialiste.)

M. Jean Arthuis. Tout à fait !

Mme Nathalie Goulet. Nous fêterons en effet cette année soixante ans de promesses non tenues. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Eh oui, chers collègues, encore un anniversaire de soixante ans ! (Sourires.)

La commune de Saint-Denis-sur-Sarthon attend une déviation de la RN12 qui la traverse.

M. Alain Gournac. C’est une question de haute volée !

Mme Nathalie Goulet. Elle voit passer 13 985 véhicules par jour, dont 2 646 poids lourds, chiffres qu’il faut rapprocher du nombre d’élèves de l’école communale – cent soixante-dix – qui sortent chaque jour directement sur cette route nationale.

Du point de vue de l’aménagement du territoire, la réalisation de cette section sera le premier signe tangible du désenclavement – si souvent promis, et jamais engagé – de l’ouest de l’Orne, du sud de la Manche et du nord de la Mayenne, en sécurisant l’axe très ancien qui relie Paris à la Bretagne du nord par Alençon et Pré-en-Pail. (Murmures sur la plupart des travées.) Je suis vraiment désolée que cette question n’intéresse pas plus mes collègues…

Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous donner un calendrier précis des études et des travaux que vous allez entreprendre pour sécuriser la traversée de Saint-Denis-sur-Sarthon jusqu’à Pré-en-Pail et montrer ainsi votre détermination sur cet important dossier ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Madame la sénatrice, votre question, qui est très précise, fait écho aux mesures destinées à la lutte contre l’insécurité routière que M. le Premier ministre a prises.

Même si, au mois d’avril, les chiffres fournis par la sécurité routière sont corrects, les très nombreux accidents survenus ce week-end, qui mettaient surtout en cause des jeunes, doivent nous amener à garder la plus grande vigilance. Nous proposerons à M. le Premier ministre des mesures supplémentaires, comme M. Jean-Louis Borloo l’a annoncé à l’issue de ce long week-end.

Pour répondre très précisément à votre question, la réalisation de la déviation de Saint-Denis-sur-Sarthon est estimée à 55 millions d'euros, un tiers étant à la charge de l’État, selon le contrat de plan État-région. M. Perben avait pris des engagements sur cet équipement.

M. Didier Boulaud. Perben ? C’est foutu !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Ils ne sont pas encore aujourd’hui tenus en totalité.

Votre question offre au Gouvernement l’occasion de renouveler son intérêt pour un équipement qui doit maintenant être réalisé le plus rapidement possible.

Je tiens à dire à la Haute Assemblée que, sous l’autorité de M. le Premier ministre, M. Jean-Louis Borloo et moi-même travaillons actuellement sur les investissements routiers, ce afin de répondre à vos multiples interrogations, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le Grenelle de l’environnement a donné la priorité aux équipements collectifs : le Gouvernement souhaite développer les transports urbains ainsi que les secteurs ferroviaire, fluvial et maritime. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il oublie les investissements routiers : il a affirmé qu’en cas de problèmes de sécurité, d’engorgement, ou encore d’aménagement du territoire, les investissements seraient poursuivis pour y remédier.

Les services de M. Jean-Louis Borloo et les miens sont actuellement en train de dresser l’inventaire de tout ce qui reste à réaliser, de terminer, sur l’exercice financier actuel, les contrats de plan État-régions, et de mettre au point les programmes de développement et de modernisation d’itinéraires, plus connus sous le sigle joli et presque poétique de PDMI.

Naturellement, les parlementaires seront consultés.

M. René-Pierre Signé. Comme d’habitude, mais on ne tient pas compte de ce qu’ils disent !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Nous serons en mesure dans quelques semaines d’indiquer les itinéraires retenus et les modalités de financement qui seront mises au point. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

service minimum dans l'éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

M. Charles Pasqua. Ici présent !

M. Gérard César. Monsieur le ministre, le 23 janvier dernier, les enseignants ont organisé une journée de grève en laissant une fois de plus les parents d’élèves du primaire se débrouiller pour faire garder leurs enfants.

M. Charles Pasqua. Absolument !

M. René-Pierre Signé. Question téléphonée !

M. Gérard César. C’est dans le respect du droit de grève, et pour éviter qu’un litige social ne pénalise les parents, confrontés à l’éternel casse-tête de faire garder ou de garder leurs enfants au prix d’une journée de travail, que vous avez souhaité mettre en place un service minimum d’accueil pour les élèves du primaire.

M. Jean-Pierre Bel. Il faut interdire la grève !

M. René-Pierre Signé. Briseurs de grève !

M. Gérard César. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Le 23 janvier dernier, 9 millions d’habitants ont trouvé une solution grâce aux 2 000 communes volontaires.

M. Gérard César. En tant que maire d’une commune de la Gironde, j’ai signé la convention proposée par votre ministère, et ce dès le mois de janvier. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Il était temps qu’un ministre de l’éducation nationale se soucie du sort des élèves du primaire et de leur famille les jours de grève des enseignants.

M. Didier Boulaud. Ça l’occupe !

M. Gérard César. Monsieur le ministre, vous avez non seulement proposé, par le biais d’une convention entre l’État et les communes volontaires, la mise en œuvre du service d’accueil des enfants les jours de grève, mais aussi sa prise en charge financière.

Malgré cela, certaines communes s’obstinent et refusent encore ce service, qui n’est autre qu’un service aux familles.

M. René-Pierre Signé. Sur 36 000 communes, seules 3 000 ont accepté !

M. Gérard César. Selon un sondage CSA-le Parisien, paru mardi dernier, 60 % des Français approuvent cette mesure.

M. Bertrand Auban. Et la question ?

M. Gérard César. Quel maire se prévalant de la proximité sociale et de l’aide aux familles les plus défavorisées refuserait cette convention, qui ne relève au final que du bon sens, …

M. Gérard César. … d’autant que, grâce à cette convention, le service minimum d’accueil est à la charge de l’État et non plus à la charge des collectivités locales ?

M. René-Pierre Signé. La responsabilité, elle est à qui ?

M. Jean-Pierre Bel. Allez voir l’AMF !

M. Bertrand Auban. C’est long, monsieur le président !

M. Gérard César. En ce jour de grève des enseignants, alors que le parti socialiste est allé jusqu’à appeler ses militants à rejoindre le cortège et évoque, dans les médias, « une offensive sans précédent contre l’État », …

M. Charles Pasqua. Quelle honte !

M. Gérard César. … nous y voyons, nous, à l’UMP, une offensive sans précédent contre la famille et une rupture manifeste de l’égalité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Didier Boulaud. Rendez Darcos à César !

M. Gérard César. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler les modalités financières de cette convention et nous dresser un premier bilan de la mise en place de ce service, qui, pour la deuxième fois en cinq mois, soulagera les familles, …

M. Didier Boulaud. Bienvenue dans les communes !

M. Ivan Renar. Ave Caesar, morituri te salutant !

M. Gérard César. … du moins celles qui ont la chance de résider dans les communes volontaires ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, ce n’est pas ici que j’aurai besoin de rappeler trop longuement à quel point les maires ont conscience du devoir qui est le leur vis-à-vis des familles en matière d’accueil scolaire, devoir au demeurant inscrit dans l’histoire de la République depuis 1885.

M. Jean-Pierre Bel. Ce n’est pas ce que dit l’AMF !

M. Didier Boulaud. Il aurait dû être ministre à l’époque !

M. René-Pierre Signé. Briseurs de grève !

M. Xavier Darcos, ministre. Ce dispositif, dont je redis l’efficacité, est d’ailleurs mis en place chez la plupart de nos partenaires européens, …

M. Philippe Marini. Bien entendu ! Et parfois depuis longtemps !

M. René-Pierre Signé. Il y a quand même des UMP qui n’en veulent pas !

M. Xavier Darcos, ministre. … à savoir en Espagne, en Italie, en Allemagne, et dans les pays scandinaves. Il n’y a qu’en France que l’on trouve bizarre de vouloir apporter aux familles, souvent, d’ailleurs, les plus modestes, un service dont le seul objet est, en cas de grève – personne, bien entendu, ne conteste le droit de grève – d’éviter que les parents ne soient pénalisés et n’aient à chercher dans l’urgence et au dernier moment une solution de garde pour leur enfant.

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Philippe Marini. Cela me paraît naturel !

M. René-Pierre Signé. Atteinte au droit de grève !

M. Xavier Darcos, ministre. Je trouve que l’on fait très peu de cas des problèmes sociaux qui se posent généralement aux plus modestes, et je m’étonne, de surcroît, que des élus de gauche s’élèvent contre cette mesure.

M. Didier Boulaud. Il y en a chez vous aussi ! À Bordeaux, par exemple…

M. Xavier Darcos, ministre. À Bordeaux, le service minimum est mis en place dans plusieurs écoles.

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas vrai !

M. Xavier Darcos, ministre. Ne lisez pas que l’AFP ! Renseignez-vous un peu !

Mme Catherine Tasca. L’AFP appréciera !

M. Jean-Pierre Sueur. Encore une attaque contre la presse !

M. Charles Pasqua. Laissez parler le ministre !

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur César, le 23 janvier, 2 000 communes ont appliqué ce service minimum d’accueil. Aujourd'hui, elles étaient 2 837.

Cela prouve que, malgré cette campagne invraisemblable conduite par le parti socialiste et relayée par les maires socialistes, pour entraver la liberté des familles et gêner le Gouvernement, les élus ont bien réagi.

M. René-Pierre Signé. Il y en a 3 000 sur 36 000 !

M. Didier Boulaud. Qu’avez-vous fait à Périgueux ?

M. Xavier Darcos, ministre. Ils ont d’ailleurs parfaitement raison, car, selon les sondages, 60 % des Français approuvent cette mesure…

M. René-Pierre Signé. C’est faux !

M. Xavier Darcos, ministre. … et plus de 80 % des parents d’élèves.

La mise en place de ce dispositif doit être poursuivie. Il faut bien entendu respecter le droit de grève, mais rendre aussi service aux familles.

M. René-Pierre Signé. Vous ne respectez pas le droit de grève !

M. Xavier Darcos, ministre. Voilà pourquoi l’État prend en charge le service que les communes rendent en accueillant des élèves : 90 euros par groupe de un à quinze élèves.

Toutes les arguties, toutes les finasseries juridiques qui nous ont été opposées, notamment sur les responsabilités, me paraissent irrecevables. En effet, presque chaque jour, dans nombre de communes de France, les enfants sont accueillis avant et après l’école par ce même personnel qui, les jours de grève, en particulier aujourd'hui, les prend en charge…

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Didier Boulaud. C’est vous qui en avez la responsabilité !

M. René-Pierre Signé. Ce ne sont pas des enseignants !

M. Xavier Darcos, ministre. … sans que quiconque puisse douter qu’ils soient entre de bonnes mains.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le service minimum d’accueil est un droit que les familles réclament à juste titre. Sur ce dossier comme sur les autres, la détermination du Gouvernement est intacte et ne sera pas entamée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. Didier Boulaud. Qu’en pense M. Pélissard ? Même les UMP n’en veulent pas !

création d'un fonds d'indemnisation en faveur des français de l'étranger

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, ma question porte sur la nécessité d’instituer, dans les cas de force majeure, un système d’indemnisation pour la perte de biens personnels et, surtout, professionnels, en faveur des Français établis hors de France.

Je rappelle qu’il s’agit d’un engagement du candidat Nicolas Sarkozy, devenu Président de la République. Dans une lettre aux Français de l’étranger, il souhaitait en effet la création d’un « fonds d’assurance et d’indemnisation des Français spoliés » lors de conflits ou de catastrophes naturelles survenus dans leur pays d’accueil.

Le Gouvernement annonce qu’il mène de front toutes les réformes, et nous nous en réjouissons : OGM, réforme constitutionnelle, déviation de Saint-Denis-sur-Sarthon (Sourires.) …

J’estime normal de revendiquer que l’on s’intéresse aussi aux 2,5 millions de Français de l’étranger et que l’on trouve une solution à un problème bien réel.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Richard Yung. En cas de catastrophe naturelle – tsunami, tremblement de terre – ou d’événements exceptionnels - guerres civiles ou révolutions, notamment -,…

M. René-Pierre Signé. Belle énumération !

M. Richard Yung. … nos concitoyens expatriés courent le risque de perdre la totalité de leurs biens, personnels ou professionnels.

Nous avons tous en mémoire les situations dramatiques vécues par nos concitoyens ces dernières années. Je citerai la crise politique en Côte-d’Ivoire, fin 2004, qui a provoqué le rapatriement de plus de 8 000 d’entre eux, le tsunami en Asie du Sud-Est, également fin 2004, qui a entraîné plusieurs centaines de rapatriements, ou encore le conflit libanais de l’été 2006, qui a causé plus de 10 000 rapatriements. Nous avons fait face.

Nous connaissons tous aussi – plusieurs de mes collègues ont coutume d’être sur place – l’accueil réservé à ces Français rapatriés à Roissy : ils descendent de l’avion souvent en short et en tee-shirt, avec pour tout bagage un petit sac, seul bien qu’il leur reste au monde.

La République s’occupe bien d’eux, ils sont pris en charge, mais, une fois les premiers jours passés, que se passe-t-il ? Ces rapatriés, hébergés dans des foyers d’accueil, y végètent, d’autant plus qu’ils sont au chômage. Leur plus cher désir est, lorsque cela est possible, de repartir dans leur pays de résidence, pour y relancer leurs activités professionnelles et reprendre le cours de leur vie.

L’on m’objectera qu’une telle indemnisation grèverait le budget de l’État. Cependant, il existe plusieurs possibilités de financement. Il serait ainsi possible d’utiliser, en support ou en soutien, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, le FGTI – je regrette que, voilà une quinzaine de jours, les amendements que je présentais en ce sens aient été rejetés –, fonds dont les ressources pourraient être abondées par un prélèvement sur les droits de chancellerie, par une taxe additionnelle sur les contrats d’assistance à l’étranger, voire, pourquoi pas ? par une partie des recettes issues du traitement des demandes de visas délivrés à l’étranger, qui s’élèvent à presque 80 millions d’euros par an.

En conséquence, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement entend faire sur ce dossier, selon quel calendrier, où en sont vos réflexions et vos consultations en la matière, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, le type d’indemnisation que vous suggérez est actuellement à l’étude dans trois ministères différents, le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, le ministère des affaires étrangères et la Chancellerie.

M. Didier Boulaud. C’est foutu !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je tiens tout d’abord à rendre hommage non seulement aux sénateurs représentant les Français de l’étranger, mais aussi à l’ensemble des associations qui, depuis plus de vingt ans, contribuent à accueillir les Français victimes de catastrophes naturelles, mais également, parfois aussi, d’événements politiques qui les laissent démunis.

Ces associations, soutenues financièrement par la Chancellerie, jouent un rôle déterminant lors de chaque catastrophe naturelle – elles ont ainsi été actives, bien entendu, lors de celles que vous avez évoquées –, qu’il s’agisse de Karachi, de la Côte d’Ivoire, de Charm el-Cheikh.

Cependant, ces personnes doivent être indemnisées non seulement pour les biens qu’elles ont perdus, mais également pour le préjudice qu’elles ont subi.

Grâce aux CIVI, les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions, à chaque fois que l’infraction est lourde et le préjudice sévère, quel que soit le lieu où le dommage s’est produit, que l’auteur ait ou non été identifié, la victime, Français de l’étranger ou non, est indemnisée totalement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C’est un fonds que l’on doit à M. Badinter !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il y a ensuite l’indemnisation pour privation de biens.

Il ne faut pas se tromper, car les situations sont multiples et variées.

Les Français peuvent se trouver privés temporairement de la jouissance de leurs biens, mais la recouvrer totalement une fois le trouble apaisé. Dans ce cas, le problème est tout à fait particulier : il s’agit d’une interruption momentanée de jouissance des biens.

Ce problème est en général réglé par des conventions de protection des investissements que la France conclut avec le plus grand nombre d’États concernés.

Le cas le plus douloureux est évidemment celui de la privation définitive des biens. Le ministère des affaires étrangères et le mien travaillent actuellement en coopération avec les compagnies d’assurance pour déterminer quels produits de marché pourraient couvrir ce risque particulier. En cas de catastrophe, la solidarité nationale doit s’exprimer, mais la protection individuelle est l’affaire de chacun.

Mme Christine Lagarde, ministre. Cette double prise en charge du risque correspond aussi à la double situation qui est celle des expatriés : ils bénéficient, d’une part, d’un certain nombre d’avantages particuliers, mais, d’autre part, sont exposés à des risques supplémentaires. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

affectation de la journée de solidarité

M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.

M. Pierre Bernard-Reymond. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

La journée de solidarité, instituée en 2004 par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, ici présent, avait été initialement fixée au lundi de Pentecôte.

M. Louis Mermaz. Quel succès !

M. Pierre Bernard-Reymond. Ce système a depuis été assoupli, de manière à permettre aux entreprises et aux administrations de gérer plus librement leurs calendriers.

Grâce à cette journée, 2 milliards d’euros sont récoltés chaque année. Gérées par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ces sommes sont destinées aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. Or d’aucuns, sans doute marqués par le souvenir des dérives dont a été victime la « vignette automobile », en viennent à douter que ces fonds servent en totalité à ce à quoi ils sont destinés.

Madame la secrétaire d'État, nous vous serions très reconnaissants de bien vouloir nous rassurer sur ce point et de nous indiquer l’utilisation précise de l'ensemble des sommes recueillies grâce à la journée de solidarité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. On voudrait bien le savoir, en effet !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur Bernard-Reymond, je vous remercie de votre question, qui me donne l’occasion de rappeler quelques vérités très simples concernant la journée de solidarité.

Tout d’abord, cette journée a été instaurée en 2004 à la suite du douloureux épisode de la canicule de l’été 2003, dont tout le monde se souvient.

M. René-Pierre Signé. Tout le monde se souvient surtout du ministre de la santé de l’époque, qui s’affichait, en pleine crise, en polo de vacances et à l’ombre !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Ensuite, elle nous permet de faire face à un défi majeur, qui est aussi une richesse, à savoir l’augmentation du nombre des personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans : elles sont 1,3 million aujourd'hui, elles seront 2 millions en 2015. Et 2015, c'est demain ! Il importe en outre d’améliorer la situation de toutes les personnes âgées et handicapées qui ont besoin d’une prise en charge, que ce soit à leur domicile ou en établissement.

Depuis sa création, la journée de solidarité a rapporté 1,95 milliard d’euros en 2005, 2,09 milliards d’euros en 2006 et 2,2 milliards d’euros en 2007.

Concrètement, cette aide contribue, d'une part, au financement des prestations de compensation pour le grand âge – l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie – et pour le handicap – la PCH, la prestation de compensation du handicap.

Cette aide a permis, d'autre part, de créer 14 000 places d’accueil pour les personnes âgées dépendantes et 7 700 places pour les personnes handicapées.

M. Guy Fischer. Ce n’est pas assez !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. La loi relative à la journée de solidarité, dite loi Leonetti, que vous avez évoquée, a consacré le maintien de cette journée de solidarité, en la rendant plus souple, plus accessible, et mieux adaptée à chaque secteur de l’activité économique, dans les administrations comme dans les entreprises.

En outre, le produit d’une telle contribution vient en complément des crédits inscrits au budget de l’assurance maladie…

M. René-Pierre Signé. Vous m’en direz tant !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. …et ne sert en aucun cas à combler le déficit de la sécurité sociale, comme certains l’ont prétendu.

M. Philippe Marini. C’est évident !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. J’en ai d’ailleurs la preuve chiffrée : en 2005, le cumul des crédits de l’assurance maladie en faveur des établissements et services pour personnes âgées et des recettes de la journée de solidarité, qui, elle, connaissent une relative stabilité, représentait 4,3 milliards d’euros ; en 2008, il atteint 6,7 milliards d’euros, soit 2,4 milliards supplémentaires.

M. René-Pierre Signé. M. Raffarin peut être satisfait…

M. Guy Fischer. Les besoins sont plus importants !

M. Didier Boulaud. Il n’y a qu’à trouver du pétrole !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Loin d’être en déficit, ces crédits sont en augmentation, et les chiffres le prouvent !

Par ailleurs, s’il est vrai que des excédents peuvent être enregistrés certaines années, ceux-ci ne sont pas pour autant reversés à l’assurance maladie. C’est interdit par la loi !

M. Guy Fischer. Méfiez-vous, M. Marini veut les récupérer !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Non seulement ces excédents ne sont pas reversés, mais, en plus, leur montant sert de base pour calculer l’évolution du budget de l’année suivante. Il a ainsi été augmenté de 13 % l’année dernière et de 11 % supplémentaires cette année et a donc bénéficié d’un double effet cumulatif.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Guy Fischer. C’est trop beau !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Les excédents enregistrés servent aujourd'hui à financer une enveloppe d’aide à l'investissement pour les établissements spécialisés.

M. Didier Boulaud. Les personnes âgées ne trouvent pas de places !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Ces dépenses permettent de réduire le reste à charge des personnes hébergées en établissement, conformément à l’objectif que nous nous sommes fixé.

M. René-Pierre Signé. On ne s’en aperçoit pas !

M. Guy Fischer. Sur le plan financier, cela devient inaccessible pour les familles !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Au demeurant, la Cour des comptes a rappelé dans son rapport que les sommes récoltées grâce à la journée de solidarité et versées à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie avaient bien été affectées, à l’euro près, à la prise en charge de la dépendance.

M. Alain Gournac. Voilà la vérité !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je souhaitais vous apporter. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUC-UDF.)

marché de l'art

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Ma question s’adresse à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

Madame la ministre, la France, leader mondial du marché de l’art il y a un demi-siècle, n’en représente désormais que 5 % à 6 %, contre près de 30 % pour le Royaume-Uni et 50 % pour les États-Unis. Notre pays vient même d’être relégué en quatrième position derrière la Chine, ce qui, d’ailleurs, n’a rien d’étonnant.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Ni d’infamant !

M. Yann Gaillard. Alors que le marché de l’art croît de 36 % au niveau mondial, il ne progresse en France que de 13 %.

Face à ce constat déprimant, il importe de réagir, car le marché de l’art est non seulement une vitrine de la créativité et de la culture françaises, il revêt également une importance économique considérable puisqu’il représente 10 000 entreprises, 50 000 emplois et 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et il va en outre de pair avec cette industrie du luxe qui doit rester l’une de nos spécialités préférées.

Madame la ministre, il y a un peu plus d’un mois, vous avez présenté un « plan de renouveau pour le marché de l’art français », s’inspirant largement du rapport de M. Martin Bethenod, codirecteur de la FIAC, la Foire internationale d’art contemporain, et faisant suite à la lettre de mission du Président Nicolas Sarkozy d’août 2007.

Mon éminent collègue Philippe Marini et moi-même …

M. Charles Revet. Excellents sénateurs !

M. Yann Gaillard. … avons déposé il y a deux mois deux propositions de loi sur le sujet, et vous avez eu l’élégance de le souligner lors de la présentation de ce plan, madame la ministre. Nos efforts vont donc dans le même sens, et plusieurs soucis nous sont communs, au premier rang desquels votre projet de prêt à taux zéro. Cependant, si inciter les particuliers à acquérir des œuvres d’art contemporain semble intéressant, le dispositif a-t-il des chances réelles d’être accepté par Bercy et, donc, d’être mis en œuvre prochainement ?

M. Didier Boulaud. Si, en plus, il faut que Bercy donne son accord…

M. Jean-Pierre Sueur. Le ministre concerné est là, il peut vous répondre !

M. Yann Gaillard. Nous allons donc le savoir ! (Sourires.)

Par ailleurs, pouvons-nous, dans une certaine mesure, freiner l’exportation des œuvres d’art, que M. Giacomotto, président du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, a coutume de comparer à un « vide-grenier » ?

Enfin, la présidence française de l’Union européenne sera-t-elle l’occasion de mettre en avant certaines de nos priorités, telles que la suppression de la TVA sur les œuvres d’art importées et la réforme du droit de suite, cette invention française qui se retourne contre nos intérêts ? Cela nous permettrait de pouvoir lutter à armes moins inégales avec la place de Londres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Gaillard, la situation du marché de l’art n’est en effet pas très florissante. Les propositions de loi que vous avez cosignées avec votre collègue Philippe Marini montrent d’ailleurs tout l'intérêt que vous portez à ce sujet.

Pour remédier à cette situation, j’ai effectivement présenté, le 2 avril dernier, un plan de renouveau pour le marché de l’art français, qui comporte une trentaine de mesures, parmi lesquelles le prêt sans intérêt.

À cet égard, nous sommes en train de discuter actuellement avec l’Association française des banques pour trouver des établissements partenaires, lesquels se « rémunéreraient » par le biais des dispositifs fiscaux prévus en faveur du mécénat.

M. Didier Boulaud. Demandez à la Société Générale, elle a de bonnes idées !

Mme Christine Albanel, ministre. Il s’agit d’une disposition intéressante, et elle a rencontré un grand succès au Royaume-Uni, notamment auprès des classes moyennes, qui peuvent ainsi acquérir des œuvres de jeunes artistes pour lesquelles elles ont un coup de cœur, l’achat étant d’un montant oscillant autour de 5 000 euros.

Mme Raymonde Le Texier. C’est beaucoup, pour le budget des classes moyennes !

Mme Christine Albanel, ministre. C’est une bonne façon, me semble-t-il, de commencer une collection. Cette mesure trouvera sa traduction législative dans le projet de loi de finances pour 2009.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, l’exportation des œuvres d’art est une question complexe. Vous avez eu tout à fait raison de le souligner, il faut éviter tout phénomène de « vide-grenier ».

Cela étant, nos systèmes de certificats d’exportation, ainsi que le dispositif mis en place pour l’acquisition des « trésors nationaux » donnent de bons résultats. Ce dernier nous permet, chaque année, de conserver une vingtaine d’œuvres absolument majeures. À titre personnel, je suis d’ailleurs favorable à son extension aux particuliers.

Une autre mesure à envisager concerne les professionnels de nos salles des ventes, qui sont actuellement pénalisés. Ceux-ci doivent avoir les mêmes possibilités qu’à l’étranger, tout simplement pour que les ventes aient lieu en France, et pas à l’étranger. S’agissant des artistes contemporains, le problème est un petit peu différent, dans la mesure où le fait qu’ils s’exportent est le signe de leur bonne santé.

Il importe d’encourager les collectionneurs en France, et c’est bien ce que nous faisons en proposant toutes ces mesures. Nous devons également donner à nos artistes des occasions d’affirmer leur talent, de se faire connaître et d’être réexposés. Une manifestation comme la Force de l’art, qui se tiendra de nouveau l’année prochaine, en est un bon exemple.

Enfin, le Président de la République s’est fortement engagé sur la TVA des biens culturels, et, partant, des œuvres d’art importées, qui nous pénalise grandement. Son taux devrait effectivement être abaissé.

Quant au droit de suite, nous en avons mal évalué les effets lors de la transposition de la directive en 2001. Mais cette dernière nous donne justement l’occasion d’y revenir au 1er janvier prochain, avec la présentation d’un rapport devant le Parlement européen. Il convient qu’au minimum la situation de la France soit identique à celle du Royaume-Uni, où le droit de suite ne s’applique qu’aux artistes vivants.

Monsieur le sénateur, notre objectif est que les professionnels français ne soient plus pénalisés et que ce secteur retrouve dynamisme et rayonnement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUC-UDF.)

Mme Catherine Tasca. C’est réussi…

situation à l'afp

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Madame la ministre, assurer « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères », tel fut le programme du Conseil national de la Résistance.

De là est née une nouvelle presse, avec l’Agence française de presse, puis l’AFP. Selon le statut, toujours en vigueur, que lui a donné la loi Mollet-Mitterrand de 1957 : « L’Agence France-Presse ne peut en aucune circonstance tenir compte d’influences ou de considérations de nature à compromettre l’exactitude ou l’objectivité de l’information ; elle ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique ».

Depuis, les puissances d’argent ont fait un retour en force dans la presse écrite et, plus largement, dans les médias.

Les relations avec la sphère politique n’ont pas non plus été toujours paisibles. Ce n’était pas d’ailleurs systématiquement la faute des acteurs politiques, l’indépendance de la presse n’étant pas toujours associée à une déontologie de même exigence. Rien de plus normal, le débat, voire la polémique, étant le nerf même de la démocratie.

L’ère Sarkozy a cependant marqué – c’est naturel ! – une rupture.

M. Pierre-Yves Collombat. Sont désormais concentrés dans les mêmes mains le pouvoir de l’argent et le pouvoir politique. (Exclamations sur les travées de lUMP.) Les ex-directeurs de Paris-Match ou du Figaro Magazine en savent quelque chose !

M. Didier Boulaud. Et celui du JDD aussi !

M. Pierre-Yves Collombat. La semaine dernière, alliant pressions financières et politiques, l’offensive a porté sur l’AFP.

M. Jean-Claude Carle. C’est incroyable !

M. Pierre-Yves Collombat. Le contrat d’objectifs et de moyens 2008-2012, fixant la contribution de l’État au fonctionnement de l’Agence, n’est toujours pas signé. Cette dernière ne sait toujours pas non plus comment financer sa modernisation. Un projet de révision du statut, ouvrant la porte aux capitaux privés, circule.

Et c’est le moment choisi par le parti présidentiel pour lancer son offensive contre l’AFP !

M. Jean-Claude Carle. Et Ségolène Royal ?

M. Pierre-Yves Collombat. L’UMP n’exige rien de moins que la publication automatique de ses communiqués, fussent-ils dérisoires, au motif, qu’« un communiqué provenant des partis et groupements politiques […] est une information en soi dont le statut de l’AFP ne permet pas à sa rédaction de juger de l’opportunité. »

Madame la ministre, mes chers collègues, cela ne s’invente pas !

Si le nouveau statut de l’AFP en préparation, c’est « l’Agence fric plus l’Agence TASS », nous avons quelques inquiétudes à avoir !

M. Josselin de Rohan. Ce n’est pas gentil pour vos collègues communistes !

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, ma question est donc simple : que comptez-vous faire pour endiguer les dérives que je viens d’évoquer et pour garantir l’indépendance de l’AFP, dont dépend largement l’indépendance de tous les autres médias ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Collombat, je vous ai écouté attentivement. Pour ma part, je n’ai pas le sentiment, en lisant la presse quotidienne et les hebdomadaires, en regardant la télévision et en écoutant la radio, que la liberté d’expression de la presse soit en quoi que ce soit menacée en France.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n’est pas la question !

Mme Catherine Tasca. Quel est donc le sens des projets que vous avez lancés ?

Mme Christine Albanel, ministre. Vous avez fait allusion à la polémique née il y a quelques jours. Que l’UMP souhaite voir ses communiqués publiés est tout de même parfaitement normal !

Mme Christine Albanel, ministre. Ce faisant, l’UMP est totalement dans son rôle.

À titre personnel, je suis évidemment très attachée à la liberté de la presse et de l’information, mais dans le respect des équilibres et des différentes expressions politiques.

M. Jean-Pierre Sueur. Évidemment…

Mme Christine Albanel, ministre. Il n’y a donc aucune remise en cause de quelque nature que ce soit.

Nous sommes effectivement en train de rediscuter le contrat d’objectifs et de moyens, le COM, avec l’AFP. Il sera signé et comportera les moyens de développement de cette agence, qui est actuellement la deuxième du monde, ce dont nous pouvons d’ailleurs être fiers.

Quant à la liberté de la presse, non seulement elle n’est pas remise en cause, mais elle est au contraire confortée.

M. Didier Boulaud. Tout le monde sait que ce n’est pas vrai ! Regardez ce qui s’est passé au Journal du dimanche !

M. René-Pierre Signé. Il y a eu des pressions !

Mme Christine Albanel, ministre. Ma collègue Rachida Dati est en ce moment même en train de porter à l’Assemblée nationale le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes, à l’élaboration duquel le ministère de la culture et de la communication a participé.

M. Didier Boulaud. C’est comme une varicelle mal guérie, cela revient toujours !

Mme Christine Albanel, ministre. Cette protection est bien l’un des fondements de la liberté de la presse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a modifié l’ordre du jour prioritaire de nos séances des mercredi 21 mai et jeudi 22 mai 2008.

L’ordre du jour de ces séances s’établira donc comme suit :

Mercredi 21 mai :

À 15 heures et le soir :

– suite du projet de loi portant réforme portuaire ;

– projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants.

Jeudi 22 mai :

À 9 heures 30 :

– conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés ;

À 15 heures :

– suite éventuelle du projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants ;

– Deuxième lecture du projet de loi relatif aux opérations spatiales.

Acte est donné de cette communication.

7

 
 
 

Archives

Adoption en deuxième lecture d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux archives du Conseil constitutionnel et du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux archives (nos 304,  305 et 313).

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.

 
 
 

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif aux archives que j’ai présenté en première lecture au Sénat en janvier dernier et à l’Assemblée nationale voilà une quinzaine de jours vise à adapter la gestion des archives de la nation aux exigences de notre temps.

Le débat qui s’est développé ces dernières semaines paraît significatif de la diversité des enjeux que représentent les archives, non seulement pour la mémoire nationale et la recherche scientifique, mais également pour la protection des intérêts légitimes des citoyens, et notamment de leur vie privée.

L’attention portée par les médias à ce texte et la pétition lancée par des chercheurs, mobilisés contre ce qui leur a été présenté, à tort, comme une menace sur l’accès aux archives, traduisent une extrême sensibilité sur ce sujet.

Je suis certaine que le texte qui vous est aujourd’hui soumis rassurera pleinement nos concitoyens tout comme les milieux de la recherche. Les deux projets de loi n’ont en effet qu’une seule ambition : faciliter et accélérer l’accès de tous aux archives publiques.

Vous le savez, les délais actuels de communicabilité des archives ont été fixés il y a près de trente ans, par la loi du 3 janvier 1979. Si ses dispositions représentaient, à l’époque, une avancée notable, plusieurs d’entre elles paraissent aujourd’hui inadaptées aux besoins des archivistes, des chercheurs, des généalogistes, mais aussi du grand public.

Les deux textes soumis aujourd’hui à votre examen, dont un, celui qui concerne les archives du Conseil constitutionnel, est un projet de loi organique, et l’autre, qui concerne les archives en général, est un projet de loi ordinaire, répondent à un triple objectif : ouvrir davantage les archives à nos concitoyens ; mieux protéger les archives publiques et privées et renforcer les sanctions prévues pour les atteintes aux archives et, plus généralement, à tous les biens culturels.

S’agissant de la volonté d’ouvrir les archives, le projet de loi ordinaire répond, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, non seulement au souci d’assurer une plus grande transparence, mais aussi à la nécessité de prévoir une articulation avec la loi du 17 juillet 1978 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, dite loi CADA. Il établit le principe de la libre communicabilité des archives publiques.

Ce texte supprime ainsi le délai minimum de communication, qui, dans la loi du 3 janvier 1979, avait été fixé à trente ans. Désormais, chaque Français pourra consulter librement et immédiatement les archives publiques.

La libre communicabilité constitue une avancée importante, dont l’ampleur et la portée n’ont sans doute pas été suffisamment mesurées dans le débat public. Cette disposition renoue en effet avec les principes affirmés à la Révolution, selon lesquels chaque citoyen peut avoir accès gratuitement et librement aux documents produits par l’administration et contrôler, par là même, l’action de cette dernière. Cette mesure, novatrice à l’époque, a ensuite influencé la législation archivistique de nombreux pays. Il aura fallu plus de deux siècles pour que soit rétabli ce principe fondamental, gage d’une réelle démocratie.

Par ailleurs, le projet de loi réduit les délais de communication des documents qui mettent en cause les secrets protégés par la loi.

Cette question a donné lieu à des échanges très constructifs entre le Gouvernement, le Sénat et l’Assemblée nationale. J’en rappellerai les quatre principaux points.

En premier lieu, concernant les archives dont la communication est susceptible de porter atteinte à la vie privée de nos concitoyens, il vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, de ramener le délai de communication de soixante ans à cinquante ans.

En deuxième lieu, s’agissant des archives dont la communication est susceptible de mettre en cause la « sécurité des personnes », le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit la communicabilité au terme d’un délai de cent ans. En outre, le champ d’application de ce délai exceptionnel est très précisément délimité, puisque les documents en question doivent être couverts par le secret de la défense nationale et se rapporter à des personnes identifiables.

Pour sa part, le Gouvernement dans le projet de loi initial envisageait une incommunicabilité perpétuelle. Il visait alors un objectif précis : protéger la sécurité physique des agents des services spéciaux et de leurs descendants. Mais les termes employés, à savoir « sécurité des personnes », pouvaient en effet donner lieu à une interprétation trop large. Par ailleurs, le principe même d’une incommunicabilité de certaines archives ne peut être envisagé que de la façon la plus restrictive, c'est-à-dire lorsqu’une telle mesure se révèle absolument nécessaire.

De ce double point de vue, la solution proposée par l’Assemblée nationale, à savoir un délai de cent ans et une définition plus explicite des archives concernées, se révèle plus équilibrée que le projet de loi initial, et le Gouvernement s’y rallie pleinement. J’ai le sentiment que cette disposition est de nature à rassurer les historiens, qui avaient manifesté leur inquiétude sur ce sujet.

Si vous adoptez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 11 du projet de loi dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, ne seront donc incommunicables que les seules archives dont la divulgation pourrait permettre de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes de destruction massive, qu’elles soient nucléaires, biologiques, chimiques ou bactériologiques.

En troisième lieu, vous aviez fixé en première lecture à soixante-quinze ans le délai applicable aux enquêtes statistiques qui ont trait aux faits et comportements d’ordre privé, et à cent ans le délai applicable aux recensements de la population.

Je rappelle que le délai actuellement en vigueur est uniformément de cent ans pour toutes les statistiques qui se rapportent aux comportements privés – recensements compris –, sans dérogation possible. Le Gouvernement envisageait, pour sa part, de ramener ce délai à cinquante ans. L’Assemblée nationale a dégagé une solution de compromis, en retenant un délai unique de soixante-quinze ans, applicable aussi bien aux recensements qu’aux autres enquêtes statistiques sur les comportements privés. Le Gouvernement s’y rallie et vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’approuver à votre tour.

En ce qui concerne les statistiques en général, c’est le délai le plus court prévu par le projet de loi, à savoir vingt-cinq ans, qui sera applicable.

Vous avez également fixé à soixante-quinze ans le délai pour la communication des dossiers judiciaires, des enquêtes de police judiciaire, ainsi que des minutes et répertoires des notaires. Ces documents sont soumis, dans le droit en vigueur, à un délai de cent ans, que le Gouvernement projetait de réduire de moitié. Là encore, il estime que la solution que vous avez retenue, également approuvée par l’Assemblée nationale, constitue un compromis raisonnable entre les exigences de la protection de la vie privée, d’une part, et celles de la transparence et de la recherche historique, d’autre part.

En quatrième et dernier lieu, j’évoquerai la question des registres d’état civil, uniformément protégés aujourd’hui par un délai de cent ans.

Le Gouvernement proposait de substituer à cette approche unitaire une gradation, en fixant pour les différents actes des délais distincts, proportionnés à l’atteinte susceptible d’être portée à la vie privée : cent ans pour les actes de naissance, cinquante ans pour les actes de mariage et une communication immédiate pour les actes de décès.

Vous avez mis en avant des considérations de simplification du droit pour réunifier ces trois délais, en retenant une durée unique de soixante-quinze ans. L’Assemblée nationale ne s’est séparée de cette approche que pour les actes de décès, qu’elle propose, à l’instar de ce que prévoyait initialement le Gouvernement, de rendre immédiatement communicables.

Là encore, le Gouvernement se rallie à cette approche équilibrée et vous propose d’approuver ces dispositions dans des termes identiques à ceux que l’Assemblée nationale a adoptés.

Il n’est pas inutile de préciser que le délai de soixante-quinze ans prévu pour la communication des registres n’entraîne aucune conséquence s’agissant du versement de ces registres aux services d’archives : ces documents resteront détenus par les services de l’état civil, dans les mêmes conditions que précédemment.

S’agissant de la protection des archives, le texte comprend deux séries principales de dispositions. La première concerne les archives des hommes politiques, dont le caractère public est réaffirmé ; la seconde, l’externalisation des archives courantes et intermédiaires.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les dispositions qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale, pour l’essentiel dans des termes conformes à ceux que vous aviez vous-mêmes retenus.

Je me bornerai à insister sur le fait que les dispositions sur l’externalisation ne visent en aucun cas à abandonner la gestion des archives courantes et intermédiaires de l’administration ou à envisager une quelconque privatisation. Il s’agit bien au contraire d’encadrer de façon précise et avec toutes les garanties souhaitables une pratique aujourd’hui largement répandue et, d’ailleurs, indispensable. J’ajoute que, pour la conservation des archives définitives, il n’est pas envisagé dans le projet de loi d’autre destination que celle des services publics d’archives.

Je salue également l’initiative prise par le Parlement de fixer pour la première fois des règles destinées à assurer la bonne conservation des archives des groupements de collectivités territoriales, notamment des établissements publics de coopération intercommunale, dont le nombre a augmenté de manière très sensible au cours des dernières années.

Je ne reviendrai pas non plus en détail sur le renforcement des sanctions pénales. L’Assemblée nationale a adopté, dans les mêmes termes que la Haute Assemblée, les dispositions visant à réprimer plus sévèrement le vol, le trafic, la destruction et la dégradation des archives et, plus généralement, des biens culturels.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre réseau d’archives est considéré comme l’un des plus importants et des plus riches au monde. Recueillir, conserver, protéger et mieux diffuser ces documents répond à un enjeu de libertés publiques et de démocratie. Ce patrimoine doit vivre, nourrir les recherches sur notre passé, y compris, et même avant tout, sur notre passé le plus proche qui, nous le savons, projette encore son ombre sur notre présent. Ouvrir les archives, dans des délais suffisamment brefs, aux historiens, c’est apporter des solutions aux crises de mémoire et favoriser la connaissance, par les nouvelles générations, de leur histoire.

Je crois que notre pays en a besoin, pour éviter les incompréhensions, voire les falsifications, pour apaiser les querelles qui naissent des zones d’ombre de notre mémoire collective, bref, tout simplement, pour avancer et tourner nos regards vers l’avenir.

Les deux projets de loi relatifs aux archives, tels qu’ils vous sont soumis aujourd’hui, respectent un équilibre harmonieux entre, d’une part, les attentes légitimes des chercheurs et du grand public et, d’autre part, la nécessaire protection des intérêts relatifs à la vie privée des personnes et à la sûreté de l’État. Ils permettent un réel progrès en termes de transparence et de libertés publiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la ministre, permettez-moi en préambule de vous remercier de la réponse que vous avez faite tout à l’heure à notre collègue Richard Yung sur la sécurité des archives des Français de l’étranger. La question était en effet légitime, mais je n’y reviendrai pas, puisque vous y avez en quelque sorte répondu par avance.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture le projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel et le projet de loi ordinaire relatif aux archives.

Ces deux projets de loi, qui visent essentiellement à améliorer la protection des archives et à en faciliter l’accès, s’inscrivent dans un mouvement d’ouverture et de transparence engagé par la France depuis les années soixante-dix.

Je reviendrai d’abord sur les apports du Sénat en première lecture.

Saisi en premier lieu des deux projets de loi, le Sénat a approuvé sans modification le projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel, considérant, après avoir interrogé Robert Badinter et Pierre Mazeaud, qu’il ne posait pas de problème. La seule difficulté éventuelle pouvait tenir au fait que le Conseil constitutionnel est juge des élections.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Oui !

M. René Garrec, rapporteur. Pour cette raison, le délai de communication de ses archives aurait pu être fixé à cinquante ans. Mais Robert Badinter s’est montré favorable à l’acceptation du délai de vingt-cinq ans, ce qui est mieux pour tout le monde. Je tiens à le remercier de sa position, qui était d’ailleurs identique à celle de Pierre Mazeaud.

L’Assemblée nationale a adopté quelques amendements, ce qui nous obligera d’ailleurs tout à l'heure à solidariser les deux textes puisque, l’un expliquant l’autre, il faudra bien qu’ils soient publiés en même temps.

S’agissant du projet de loi ordinaire, le Sénat a donné un statut aux archives des groupements de collectivités territoriales, qui avaient échappé à la sagacité des conseillers techniques du ministre. On ne peut pas en vouloir à ces derniers, car c’est assez récent. De plus, lorsque l’on est plongé dans un dossier, des oublis se produisent parfois. Pour en avoir fait moi-même l’expérience en cabinet ministériel, je suis très sensible au fait que les autres soient sujets aux mêmes défaillances ! Cela m’incite à penser que je n’étais pas plus mauvais qu’ils ne le sont aujourd’hui ! (Rires.) C’est consolant quand on vieillit !

Je veux revenir sur des articles parus dans la presse laissant entendre que certains historiens suspectaient le Sénat d’avoir le culte du secret et d’avoir fait pression sur Mme la ministre pour que certains éléments soient occultés. Mais nous n’avons rien caché du tout ! En réalité, nous avions le sentiment d’avoir énormément simplifié les règles en vigueur, et nous nous attendions à recevoir des félicitations ! Nous avons donc eu une petite déception à cet égard, mais sans doute nous sommes-nous mal expliqués.

Nous avons souhaité créer un bloc de préservation de la vie privée et avons estimé que tout ce qui relevait de la vie publique devait être le plus transparent possible. C’est une démarche qui nous paraissait simple. J’ai dû parler trop rapidement, si bien que ce point a dû échapper à la sagacité des auditeurs… Non seulement nous n’avons pas remis en cause les délais, mais nous avons inventé le délai de soixante-quinze ans, remplaçant celui de cent ans. C’est tout de même un grand pas en avant !

Je ne répéterai pas les propos que vous avez tenus, madame la ministre, mais je m’arrêterai brièvement sur trois points.

Tout d’abord, le Sénat a proposé, en première lecture, que les collectivités locales puissent mettre en ligne les archives publiques dès l’expiration des délais de communication, c'est-à-dire à partir du moment où elles étaient publiables. Alors que le projet de loi initial posait le principe de la communication des documents tombés dans le domaine public « à toute personne qui en fait la demande », le Sénat a jugé que le plus simple serait de permettre aux administrations des collectivités locales de mettre les documents directement en ligne, afin de faire gagner du temps à tous.

Ensuite, le Sénat a souhaité assouplir le régime de communication des archives judiciaires audiovisuelles. L’amendement adopté par la Haute Assemblée prévoit une communication immédiate de ces archives – elles sont très peu nombreuses, puisqu’elles se limitent, me semble-t-il, à quatre procès – dès lors qu’elle est sollicitée à des fins scientifiques ou historiques et que le procès est définitivement clos. Cet ajout me paraissait une bonne chose.

Enfin, le Sénat a proposé un bloc visant à protéger tout ce qui touche la vie privée. Cette dernière est en effet le seul petit créneau de vie qui subsiste dans notre monde hyperadministré. À l’heure où même les chiens sont poursuivis et classés selon qu’ils sont très méchants, moyennement méchants ou peu méchants, sachons préserver et respecter la vie privée et laissons les gens vivre tranquilles ! Nous avions donc proposé un délai de soixante-quinze ans.

Après l’examen du texte par la Haute Assemblée, j’ai rencontré le rapporteur de l’Assemblée nationale et, allant au plus simple, nous avons coupé la poire en deux. Selon les archivistes, les éléments de la vie privée sont l’adresse et le numéro de téléphone ; mais, dès lors que ces derniers sont publiés dans le Who’s who, le Bottin administratif ou ailleurs, il n’y a aucune raison de ne pas les communiquer dans cinquante ans ! Nous avons uniquement conservé le délai de soixante-quinze ans pour les domaines que vous avez évoqués tout à l’heure, madame la ministre. Le texte adopté par l’Assemblée nationale me semble donc équilibré sur ce point.

J’aborderai également, très brièvement, la question des dérogations. Les historiens ont contesté l’idée de bloquer certaines données pendant vingt-cinq, cinquante, soixante-quinze, ou cent ans pour protéger les agents secrets en opérations extérieures. Je veux souligner qu’il est toujours possible d’obtenir des dérogations. Il suffit d’en faire la demande. À partir du moment où elles concernent un travail scientifique et historique, les demandes de dérogations sont satisfaites dans plus de 90% des cas. Par conséquent, il s’agit de notre part non pas d’un blocage, mais, au contraire, d’une ouverture encore plus grande. En outre, je le répète, ni Mme la ministre ni le Sénat n’avaient cherché à remettre en cause ces possibilités de dérogation, au contraire.

J’ajoute, m’adressant aux archivistes – en l’occurrence à la personne la plus compétente en France dans ce domaine, qui siège aujourd’hui parmi les commissaires du Gouvernement –, que, certes, il faut protéger les archives, mais que l’on peut satisfaire des demandes lorsque la communication des documents « ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger ». À cet égard, il y a la jurisprudence du Conseil d’État, la théorie du bilan, et le principe de proportionnalité appliqué par la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA.

J’en viens à présent aux modifications apportées par l’Assemblée nationale.

Les députés ont adopté quatre amendements au projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel : trois amendements rédactionnels et un amendement visant à donner cinq mois au Conseil constitutionnel pour s’adapter au nouveau régime de gestion et de communication de ses archives. À cet égard, il me paraît logique d’accorder un délai au secrétaire général de cette instance.

Sur le projet de loi ordinaire, l’Assemblée nationale a adopté trente et un amendements.

Certains portaient sur la vie privée et la réputation des personnes. Comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, le rapporteur de l’Assemblée nationale et moi-même avons étudié ensemble ce point après l’examen du texte par le Sénat, et M. François Calvet a été suivi par les députés.

D’autres amendements visaient les documents susceptibles de mettre en cause la sécurité des personnes. Le projet de loi initial, non modifié par le Sénat sur ce point, frappait d’incommunicabilité absolue les documents susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes. Les députés ont décidé de prévoir un délai de cent ans pour les seuls agents spéciaux et de renseignement et, implicitement, de soixante-quinze ans pour les autres personnes, c'est-à-dire pour les archives relevant du bloc de la vie privée, conformément à la logique du texte. Cela me paraît raisonnable.

Les députés ont ajouté un autre point, que nous n’avions sans doute pas vu, qui concerne les archives des groupements de collectivités. Il s’agit d’ouvrir la possibilité, pour la commune éventuellement désignée pour conserver les archives du groupement de collectivités territoriales dont elle est membre, de gérer également les archives des autres communes membres, et ce afin de favoriser la mutualisation de la gestion des archives communales. Nous sommes pleinement d’accord avec cette disposition qui nous paraît raisonnable.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a supprimé un dispositif, que j’aimais bien, incitant fiscalement à engager des travaux de restauration des archives privées classées. Mme Morin-Dessailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et à l’origine de cet amendement sénatorial, évoquera peut-être ce point tout à l’heure. Cette disposition me paraissait sympathique dans la mesure où elle ouvrait aux chercheurs ces archives auxquelles ils n’ont pas accès actuellement. Madame la ministre, vous avez souhaité une étude d’impact à cet égard. Dont acte ! On ne peut rien dire devant un tel argument, car l’étude d’impact a maintenant un caractère quasiment sacré !

Les députés ont également demandé au Gouvernement un rapport sur la pérennité de l’archivage numérique, au motif que la rapidité de l’évolution des technologies risque d’aboutir à ce que l’on ne dispose plus de lecteurs pour les archives anciennes. C’est un vrai problème, et nous ne pouvons qu’approuver une telle disposition.

Le Sénat avait demandé l’harmonisation des règles relatives aux régimes de 1978 et de 1979 qui se superposent mal, donnant lieu à quelques difficultés de compréhension. En la matière, si le juge détient le pouvoir d’appréciation, on peut lui éviter un travail supplémentaire en rapprochant les deux régimes. Vous avez proposé de régler ce point par ordonnance. Même si je n’aime pas les ordonnances parce qu’elles privent les assemblées de leur travail, votre proposition me paraît judicieuse et parfaitement adaptée dans un cas aussi technique.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas si technique !

M. René Garrec, rapporteur. Madame la ministre, vous avez omis de préciser, en dépit des exigences posées par l’article 38 de la Constitution, le délai pendant lequel le Gouvernement peut prendre l’ordonnance et celui avant lequel un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement. Je vous soumettrai donc un amendement simple visant à fixer les délais respectivement à neuf mois et à trois mois.

Enfin, les nouveaux délais de communication adoptés par l’Assemblée nationale nous paraissent une solution de compromis équilibré. Je n’y reviens donc pas.

Madame la ministre, nous n’avons pas pu aboutir à un texte conforme, mais, hormis nos amendements purement rédactionnels ou ceux qui portent sur les délais relatifs à l’ordonnance, nous sommes très proches de la version adoptée par l’Assemblée nationale, laquelle, vous l’avez dit, « respecte un équilibre harmonieux » et est bien conçue. Cela convient donc parfaitement à la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les archives constituent la mémoire de notre société. Ce sont les indispensables matériaux à partir desquels on peut faire l’histoire, la comprendre, écrire la mémoire, préparer l’avenir. C’est donc un sujet très important.

Les textes qui nous sont soumis comportent des points positifs, que nous avons d’ailleurs évoqués dès la première lecture, en particulier par le biais de l’intervention de notre collègue Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. René Garrec, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit du principe posé de la libre communicabilité des archives publiques, de la suppression du délai de trente ans actuellement en vigueur pour les documents qui ne mettent pas en cause les secrets protégés par la loi., de la réduction des délais de trente ans à vingt-cinq ans pour les documents relatifs aux délibérations du Gouvernement, de soixante ans à cinquante ans pour ceux qui relèvent du secret de la défense nationale et de la politique extérieure, de cent ans à soixante-quinze ans pour les actes d’état civil.

En première lecture, la Haute Assemblée a recherché un compromis entre les exigences liées au respect de la vie privée et les nécessités du travail des historiens.

Si ce souci est compréhensible, et nous le partageons, je soutiens cependant la position exprimée par de nombreux historiens et usagers des archives nationales, estimant qu’il était pour le moins paradoxal que le projet de loi dont l’objet premier visait à faciliter l’accès aux archives puisse se traduire dans les faits par un allongement des délais de communicabilité par rapport à la situation existante.

C’est pourquoi je me réjouis, monsieur le rapporteur, que vous ayez proposé à la commission de suivre l’Assemblée nationale. Il aurait été difficilement justifiable que le délai de cinquante ans pour les documents relatifs à la vie privée fût allongé à soixante-quinze ans, alors qu’il est de soixante ans actuellement et que les deux textes prévoient de revenir à cinquante ans. Des archives concernant le Front populaire ou la période de l’Occupation, consultables actuellement, eussent été fermées, et les archives de la guerre d’Algérie n’auraient été consultables qu’en 2029, voire en 2037.

Il importe de trouver un équilibre, je l’ai dit, mais il faut se garder de tomber dans une utilisation excessive, voire abusive, du concept de vie privée eu égard aux nécessités de l’histoire.

Et puisque la position que vous proposez au Sénat d’adopter, monsieur le rapporteur, est différente de celle qu’il a prise lors de la première lecture, qu’il me soit permis d’ouvrir une parenthèse au sujet du débat qui nous occupera bientôt, concernant les institutions de notre pays.

Imaginez qu’il n’y ait eu qu’une seule lecture dans chaque assemblée et que, une fois encore, on nous eût infligé la fameuse déclaration d’urgence : c’eût été à coup sûr préjudiciable ! Il est donc bon que les navettes aient lieu et qu’un texte ne soit déclaré d’urgence que d’une façon tout à fait exceptionnelle, car il peut arriver que nous changions d’avis à la suite des débats se déroulant dans l’autre assemblée. Telle est la raison d’être du Parlement.

Nous assistons aujourd'hui à une belle démonstration de ce que, à chaque fois que l’on veut brider le jeu démocratique normal, nous aboutissons à de mauvaises solutions. C’est pourquoi j’ose espérer que la prochaine réforme institutionnelle s’accompagnera d’une stricte limitation des cas où il est fait appel à la procédure d’urgence. Mais nous aurons l’occasion d’en parler.

Restent trois points, madame la ministre, qui continuent à poser problème. Malheureusement, je crains que les amendements déposés ne permettent pas de les résoudre.

Le premier d’entre eux porte sur le caractère éternellement incommunicable – vous avez parlé, pour votre part, d’« incommunicabilité perpétuelle », madame la ministre – de certaines archives. Certes, l’Assemblée nationale a proposé que les documents susceptibles de mettre en cause la sécurité des personnes soient accessibles au bout de cent ans, proposition à laquelle vous avez souscrit, monsieur le rapporteur. Néanmoins, resteront perpétuellement fermées les archives publiques dont la communication serait susceptible « d’entraîner la diffusion d’informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d’un niveau analogue », ainsi que les documents relatifs aux agents spéciaux et de renseignement.

Annette Wieviorka, brillante directrice de recherches au CNRS, a posé cette question simple : à quoi bon, dans ce cas, conserver des documents s’il est impossible d’y accéder, si l’on considère que ceux-ci doivent à jamais demeurer incommunicables à l’humanité ? Ne faudrait-il pas, alors, les détruire sur le champ ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ils seront incommunicables seulement au grand public !

M. René Garrec, rapporteur. Et ils pourront être déclassés !

M. Jean-Pierre Sueur. En outre, écoutons ce que dit, par exemple, M. Gilles Morin, historien et président de l’Association des usagers du service public des Archives nationales, l’AUSPAN : « Il suffit qu’un seul document soit manquant pour rendre tout un dossier incompréhensible. Nous ne saurons jamais ce qu’il contenait, puisque aucun inventaire ne sera fait. Les documents sur les essais nucléaires en Algérie et à Mururoa et leurs effets sur les personnes contaminées ne pourront jamais, par exemple, être consultés. Établir des délais longs et révisables serait une meilleure solution. »

Je souscris à ces propos. Nul ne peut considérer qu’il est bon pour notre démocratie et pour la connaissance du problème, éventuellement pour la réparation du préjudice que d’aucuns auraient subi, que les archives concernant, par exemple, les essais nucléaires de Mururoa demeurent par principe à jamais inaccessibles, même si des dérogations restent possibles.

Notre collègue François Calvet, rapporteur à l’Assemblée nationale, a lui-même déclaré ceci : « Ne jamais connaître les archives laisse place au fantasme ou au révisionnisme. »

En deuxième lieu, l’officialisation du recours à des sociétés d’archivage privées nous pose problème. Celui-ci est contraire à la quatrième des quarante propositions du rapport Braibant, auquel il est souvent fait allusion, qui, pour des raisons évidentes tenant à la notion de service public, vise à « exclure, en dehors des prestations techniques ponctuelles, le recours à des entreprises d’archivage pour la collecte et la conservation des archives publiques ».

Madame la ministre, ces opérations relèvent le plus souvent des missions régaliennes de l’État. Aussi, vous comprendrez aisément que l’officialisation, prévue dans ce projet de loi, du dépôt d’archives publiques auprès de sociétés privées spécialisées dans l’archivage suscite quelques interrogations.

Je profite de l’occasion pour vous demander de préciser le rôle des fondations. Nombre d’entre elles, qu’il s’agisse de l’Institut Charles-de-Gaulle, de l’Institut François-Mitterrand, de la Fondation nationale des sciences politiques ou de la Fondation Jean-Jaurès, nous ont saisis en vue de se voir accorder l’autorisation d’effectuer une partie du travail d’archivage tel que le présent projet de loi entend, de manière problématique ainsi que je viens de le souligner, le confier aux entreprises privées d’archivage.

Je sais que, sur l’initiative de notre collègue Marietta Karamanli, cette question a été abordée lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer votre position ?

En troisième et dernier lieu, j’évoquerai l’habilitation à légiférer par ordonnance, délivrée au Gouvernement par l’article 29 du projet de loi.

M. le rapporteur, notre cher collègue René Garrec, n’a pas manqué de nous dire que cette habilitation ne portait que sur des questions techniques. Toutefois, avisé comme il l’est, et parce qu’il fut un brillant conseiller d’État, il sait très bien que, dans sa rédaction actuelle, l’article 29 du projet de loi autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur l’ensemble des questions relatives à la communicabilité des archives. Or il s’agit là d’un point tout à fait essentiel. Par conséquent, nous ne saurions nous satisfaire que cette question de fond, qui n’est aucunement une simple question technique, ne soit pas débattue devant le Parlement.

À cet égard, je me permets d’ouvrir une parenthèse sur le projet de réforme institutionnelle. Je regrette que, dans sa rédaction actuelle et à défaut d’être amendé de manière heureuse, il laisse perdurer ce mécanisme totalement absurde en vertu duquel une ordonnance est ratifiée de facto dès lors que le Gouvernement a déposé sur le bureau du Parlement un projet de loi de ratification, rendant cette procédure purement formelle.

Pour les trois raisons que je viens d’invoquer, madame la ministre, le groupe socialiste s’abstiendra sur ce projet de loi, sauf à ce qu’il soit modifié au cours du débat, ce qui est peu probable, et en dépit des avancées enregistrées au cours de sa première lecture devant le Sénat, alors inspiré par les forces de l’Esprit. Monsieur le président de la commission, j’emploie cette expression à dessein !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous ne sommes pas des oiseaux de nuit ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mais l’Esprit souffle où il veut, quand il veut : le matin, l’après-midi, le soir, et même la nuit !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas toujours ! Parfois, il se repose !

M. Jean-Pierre Sueur. Il a bien raison ! Il doit lui aussi penser à sa santé psychologique ! (Nouveaux sourires.)

En outre, madame la ministre, ce projet de loi ne répond pas à trois autres interrogations dont nous ont fait part de nombreux historiens et représentants des usagers des archives.

La première, bien sûr, a trait à l’émergence du monde virtuel et d’Internet, qui entraîne une croissance quasiment exponentielle des documents à conserver. Or je lisais récemment que ces documents du monde virtuel étaient plus fragiles que les incunables du Moyen Âge, qu’il nous est toujours loisible de consulter.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, où en est votre réflexion à cet égard et quelles dispositions comptez-vous prendre ?

En second lieu, je tiens à évoquer la réorganisation de votre ministère, telle que vous l’avez annoncée.

Une majorité du personnel et de l’encadrement de la Direction des archives de France tient à ce que celle-ci demeure une direction à part entière du ministère. Certes, vous avez pris soin d’expliquer que, dans le cadre de la réforme, elle serait rattachée à un secrétariat général du patrimoine ; mais vous n’ignorez pas que ces questions d’organigramme sont hautement symboliques. Vous aurez beau dire et répéter que cette organisation est plus rationnelle et qu’elle n’enlève absolument rien à la place éminente qu’occuperont, au sein de votre ministère et dans la politique culturelle de la France, les Archives nationales, ne croyez-vous pas qu’il vaudrait mieux renoncer à ce nouveau dispositif et maintenir, telle qu’elle existe actuellement, la Direction des archives de France ?

Enfin, madame la ministre, pouvez-vous nous donner quelques informations sur le nouveau centre pour les Archives nationales, prévu à Pierrefitte-sur-Seine ? Les consultations à son sujet étant maintenant achevées, il a été annoncé qu’il serait opérationnel en 2012. Cette date est-elle toujours d’actualité ? Il le faut, car tous les usagers des archives connaissent bien les problèmes que pose le centre, situé dans ce beau quartier du Marais.

Madame la ministre, nous sommes attachés à l’objet de ce texte. On ne construit pas l’avenir sur l’amnésie, et les archives sont très importantes non seulement pour le passé et le présent, mais encore pour l’avenir de notre société et de notre pays, et, au-delà, de l’Europe et du monde.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, depuis son adoption en première lecture par la Haute Assemblée, le 8 janvier 2008, a fait l’objet d’une profonde contestation de la part des chercheurs et des historiens. L’ampleur de ce mouvement – la pétition lancée le 12 avril dernier a recueilli plus de cinq cents signatures en quelques jours seulement – est à la hauteur des espérances déçues.

En effet, élaboré à l’instigation du ministre de la culture du précédent gouvernement, le projet de loi initial marquait incontestablement une ouverture en permettant aux citoyens d’ « accéder avec plus de facilité aux sources de leur histoire ».

Toutefois, la suite des événements allait démontrer que le chemin vers une meilleure communicabilité des archives n’est pas uniquement pavé de bonnes intentions.

Le projet de loi initial remettait en cause le délai de trente ans, jusqu’à présent applicable à toute consultation d’archives publiques, et posait le principe, réclamé par tous, de la libre communicabilité des archives. En première lecture, le Sénat a d’ailleurs réaffirmé ce principe en précisant que les archives publiques sont communicables de plein droit.

Les cinq régimes d’exception aujourd’hui en vigueur, qui prévoient des délais s’échelonnant de soixante à cent cinquante ans suivant qu’ils remettent en cause ou non la vie privée, la sûreté de l’État, les affaires judiciaires et les données médicales ou patrimoniales, étaient réduits à trois par le texte initial : vingt-cinq, cinquante ou cent ans.

Les délais se trouvaient ainsi raccourcis pour chacune des catégories d’exception. C’est pourquoi tout le monde, à commencer par nous-mêmes, mais aussi les historiens et les chercheurs, voyait dans ce texte une avancée importante en matière de communicabilité des archives par rapport aux dispositions de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives.

Le texte qui nous a finalement été soumis au mois de janvier et que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture s’est toutefois quelque peu éloigné de l’esprit d’ouverture qui avait présidé à sa rédaction.

En effet, le Gouvernement a décidé de créer une nouvelle catégorie d’archives, les archives non communicables. Sont concernés les documents relatifs aux armes de destruction massive, qui ne pourront donc jamais être divulgués.

Étaient également concernés les documents susceptibles de mettre en cause « la sécurité des personnes » ; mais, à la suite de l’adoption d’un amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale, ces documents seront accessibles au terme d’un délai de cent ans. Ce n’est pas la panacée, mais cela représente néanmoins un progrès.

Il n’en reste pas moins que certaines archives resteront à jamais incommunicables, ce qui semble pour le moins contestable. En effet, on peut tout d’abord s’étonner, à l’instar de certains historiens, que l’on archive des documents alors qu’on les sait inaccessibles. Dans ces conditions, à quoi bon les conserver ? Ne va-t-on pas à l’exact opposé du principe posé par le projet de loi, selon lequel les archives publiques sont communicables de plein droit ?

Par ailleurs, s’agissant de documents sensibles, tels ceux qui sont relatifs aux armes de destruction massive, il est pour le moins contestable de retirer aux personnes qui en auraient été victimes – je pense notamment aux victimes d’essais nucléaires effectués par la France – le droit, et même l’espoir, d’obtenir un jour des réponses à leurs questions. Cela pose le problème des recherches sur cette question : doit-on interdire aux chercheurs tout travail portant sur les armes de destruction massive ? Cette culture du secret paraît, en l’espèce, bien déplacée : secret-défense ou défense du secret ?

Le deuxième point qui a déclenché la vague de protestation des chercheurs et des historiens concerne le délai de communication des documents portant atteinte à la protection de la vie privée.

Aujourd’hui, le délai de communicabilité de ces archives est fixé à soixante ans. Le projet de loi initial avait réduit ce délai à cinquante ans, justifiant d’ailleurs notre approbation première, malgré nos quelques réserves relatives à l’externalisation du stockage des archives, au devenir des personnels et au traitement des archives des entreprises publiques. Ces dernières restent d’ailleurs toujours d’actualité puisque le projet de loi n’a pas évolué sur ces questions. Mais j’y reviendrai ultérieurement.

S’agissant de la communicabilité des archives portant atteinte à la protection de la vie privée, le délai de soixante-quinze ans prévu par le Sénat en première lecture posait incontestablement des problèmes, puisqu’il interdisait d’accéder à des documents d’archives relatifs à la guerre d’Algérie avant 2037 ; pis, il entraînait la fermeture des dossiers d’archives actuellement ouverts, comme ceux qui portent par exemple sur la Seconde Guerre mondiale.

Nous ne pouvons que saluer l’initiative de nos collègues députés consistant à ramener ce délai à cinquante ans. Néanmoins, nous regrettons que ce retour vers l’esprit et la lettre du projet de loi initial n’ait pas porté sur l’ensemble des documents dont l’accès était possible au terme de cinquante ans, terme que le Sénat a porté à soixante-quinze ans et que les députés n’ont pas remis en cause. Je pense, entre autres, aux minutes notariales ou aux documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et à l’exécution des décisions de justice.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pensez-vous à l’état civil ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Pas forcément, monsieur le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous ne tenez pas compte de la vie privée ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Bien sûr que si !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Aujourd’hui, le délai est de cent ans !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je ne dis pas que vous ne l’avez pas réduit ! Mais, monsieur Hyest, le texte initial le portait, que je sache, non pas à soixante-quinze ans, mais à cinquante ans ! La commission des lois l’a ramené à soixante-quinze ans. Il a donc été raccourci, mais pas autant que nous aurions pu l’espérer.

Ce projet de loi conserve quelques notions ambiguës et des zones d’ombres. Certaines entraînent la restriction du droit à la communicabilité des archives, notamment lorsqu’il est prévu que la demande de consultation de documents d’archives ne conduit pas à porter une « atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger » ; d’autres pourraient conduire à l’extension du principe de protection de la vie privée, notamment lorsque des documents « portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable », notion floue mais qui soumet ces documents à un délai de communicabilité de cinquante ans.

Le texte issu de l’Assemblée nationale n’est donc pas parfait, loin de là. Nous désapprouvons le principe, confirmé par nos collègues députés, de confier à des sociétés privées le stockage des archives publiques au stade d’archives courantes ou intermédiaires au prétexte que c’est une pratique courante.

Officialiser une pratique contestable, qui remet en cause le service public des archives nationales, est un acte grave. Guy Braibant avait d’ailleurs expressément exclu une telle possibilité dans son rapport de 1996, qui est souvent cité. Nous regrettons par conséquent qu’il n’ait pas été tenu compte de toutes ces observations et que l’article 3 n’ait pas été modifié. Nous avons donc déposé à nouveau un amendement sur ce point et espérons pouvoir enfin vous convaincre du danger d’une telle mesure, mes chers collègues.

Enfin, et je terminerai mon intervention sur ce point, je tenais à dénoncer la manœuvre du Gouvernement qui a consisté à déposer un amendement visant à l’autoriser à modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux archives et à l’accès aux documents administratifs. Cela revient tout simplement à nier le Parlement et le travail effectué par ce dernier sur ce projet de loi depuis le mois de janvier. Là encore, nous aurons l’occasion d’en discuter au moment de l’examen de l’amendement que nous avons déposé à l’article 29, mais je peux d’ores et déjà dire que l’adoption de cet article a fortement contribué à modifier notre avis émis en première lecture.

Les archives nationales sont notre mémoire, elles sont au cœur de notre démocratie. Le citoyen doit pouvoir y avoir accès librement afin de connaître son passé ; il en va de même de l’historien, les archives ne constituant ni plus ni moins que son matériel de base.

Je conclurai simplement en regrettant que ce texte, qui était à l’origine plutôt positif, n’ait pas été amélioré au fil de la navette parlementaire. Nous pourrons donc difficilement le voter en l’état.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les archives constituent notre mémoire vivante : elles nous donnent les clés de compréhension de notre histoire, de notre identité et de celle de nos territoires ; elles sont aussi ancrées dans notre quotidien et sont un instrument fondamental de toute démocratie.

Le projet de loi, que la Haute Assemblée a déjà enrichi puis adopté à l’unanimité en janvier dernier, s’articule autour de la double dimension – patrimoniale et citoyenne – des archives. Il tend à répondre à une exigence de modernité de cette politique, face aux défis de l’ère numérique et dans un contexte de production de plus en plus massive d’archives publiques, dont le volume a quasiment doublé en trente ans.

Une rénovation du cadre juridique des archives, issu de la loi du 3 janvier 1979, était donc devenue nécessaire. C’est pourquoi la commission des affaires culturelles du Sénat, saisie pour avis en première lecture et dont j’étais alors le rapporteur, a partagé les orientations générales de ce texte, tout en contribuant à l’enrichir sur certains points.

En effet, le projet de loi répond, d’une part, à des besoins et à des attentes légitimes de la communauté scientifique et de nombre de nos concitoyens, généalogistes amateurs ou passionnés d’histoire contemporaine, en ouvrant plus largement l’accès aux archives publiques.

Ce texte renforce, d’autre part, la protection de ce pan de notre patrimoine culturel et historique que représentent les archives, aussi bien publiques que privées.

Je me réjouis que ce projet de loi, fruit d’une réflexion approfondie, soit enfin sur le point d’aboutir. Cette lente maturation ainsi que les modifications introduites par le Sénat et les échanges que celles-ci ont suscités lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale montrent la difficulté à trouver un point d’équilibre satisfaisant entre des intérêts parfois contradictoires : l’exigence de transparence de l’action publique, le principe tout aussi fondamental de protection de la vie privée et de la sûreté de l’État, et, enfin, les intérêts scientifiques de la recherche.

Néanmoins, à l’issue de cette première navette, le compromis trouvé sur la question des délais de communication des archives publiques paraît équilibré.

Contrairement aux interprétations qui ont pu en être données ces dernières semaines, ce texte ne traduit pas un recul. Son ambition est tout autre, puisqu’il s’agit d’abord de libéraliser l’accès aux archives, afin de rapprocher notre régime des dispositifs en vigueur chez nos voisins européens, et de faciliter ainsi les travaux des historiens, des étudiants et des chercheurs.

L’affirmation du principe de libre communicabilité des archives est un premier progrès en ce sens. La réduction des délais et de leur nombre consacre cette même volonté de lisibilité et d’ouverture accrue de notre politique des archives. En outre, sur l’initiative de nos deux commissions, le texte réaffirme le principe d’autonomie des assemblées dans la conservation de leurs archives, tout en rappelant l’exigence de transparence qui prévaut déjà, d’ailleurs, dans leur gestion.

La reconnaissance des protocoles de versement et le cadre juridique donné aux archives des groupements de collectivités permettront également d’améliorer la collecte des archives politiques.

Par ailleurs, ce texte participe d’une démarche de valorisation de la politique des archives : c’est ce qu’a souhaité la commission des affaires culturelles en instituant dans la loi le Conseil supérieur des archives et en donnant ainsi une plus grande visibilité à cette politique.

Je me réjouis, en parallèle, de la mobilisation qui a permis le lancement du chantier du nouveau centre des Archives nationales, qui devrait voir le jour d’ici à 2012 à Pierrefitte-sur-Seine. Ce projet traduit une ambition nouvelle. Il contribue aussi à l’ouverture des archives, puisqu’il répond à la saturation des locaux actuels et offrira des conditions optimales de conservation et surtout de consultation des documents pour le public. Il permettra également – du moins je le souhaite – d’intensifier les actions de sensibilisation en direction des jeunes publics. Ces dernières sont en effet essentielles pour faire prendre conscience à chacun de l’intérêt des archives et de l’impérieuse nécessité d’en assurer la collecte, non seulement dans les administrations, mais également dans les entreprises.

Toutefois, malgré ces avancées incontestables, il nous faut également entendre les inquiétudes exprimées par les chercheurs, historiens et archivistes, même si celles-ci ont été en partie levées après le compromis trouvé sur les délais de communication.

C’est pourquoi j’insiste, madame la ministre, sur la nécessité de veiller aux conditions d’application de ce texte, afin que celles-ci traduisent, dans les interprétations qui en seront faites par l’administration des archives et les services producteurs, ce souci d’une plus large ouverture des archives.

Or il existe des craintes que cette ambition ne se retrouve limitée, dans les faits, soit par des interprétations trop restrictives de la loi, soit, très concrètement, par un manque de moyens humains dans les services d’archives pour classer et traiter les fonds qui pourront désormais être consultés ; cela représentera en effet un travail colossal, et c’est un point sur lequel nous avons insisté lors de la première lecture.

Une autre inquiétude concerne l’octroi des dérogations. L’Assemblée nationale a introduit, à cet égard, un délai maximum de deux mois pour l’examen des demandes. Si cette durée ne semble guère réaliste au regard de la situation actuelle, il faudrait néanmoins parvenir à tendre vers cet objectif, notamment pour les étudiants qui ne disposent que de peu de temps pour réaliser leurs travaux.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous apporter des garanties sur ces différents sujets de préoccupation partagés par les usagers et professionnels des archives ?

S’agissant ensuite du volet « Protection du patrimoine d’archives », je me réjouis que le projet de loi consacre l’engagement que vous aviez pris à l’automne, en lien avec Mme la ministre de la justice, pour réprimer plus sévèrement le vol, la dégradation, la destruction ou le trafic de biens culturels, notamment d’archives classées.

Notre arsenal pénal manquait, en effet, de sanctions adaptées à la gravité de ces actes de délinquance, alors que notre pays, de par la richesse de son patrimoine, est l’un des plus touchés par le trafic de biens culturels. Nous avons pu prendre la mesure, ces derniers mois, de sa vulnérabilité, après le pillage de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Perpignan ou le vol à main armée de quatre tableaux de maître au musée des Beaux-Arts de Nice, en août 2007.

Nous ne pouvons nous satisfaire que la seule réponse préventive soit la fermeture de nos églises ou de nos monuments historiques par leurs propriétaires. Toutefois, nous savons que le trafic d’œuvres d’art est international et que tout ne peut être réglé au seul niveau national. Il est donc nécessaire que les pays unissent leurs efforts pour lutter contre cette forme de délinquance organisée. Nous espérons que des avancées seront également engagées en ce sens, notamment à l’échelon européen, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne.

Enfin, je regrette, madame la ministre, qu’ait été finalement supprimé du texte le dispositif fiscal, adopté par le Sénat en première lecture, visant à inciter les propriétaires d’archives privées classées comme archives historiques à conserver ce patrimoine dans de bonnes conditions. L’Assemblée nationale a en effet voté, contre l’avis du rapporteur de la commission des lois, l’amendement de suppression présenté par le Gouvernement.

Cette mesure, je le rappelle, étendait aux archives le dispositif de réduction plafonnée d’impôt introduit, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2007, au bénéfice des biens mobiliers classés.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est la réflexion sur les niches fiscales !

Mme Catherine Morin-Desailly. Certes, le contexte actuel de révision générale des politiques publiques et de remise à plat de l’ensemble des niches fiscales n’est pas propice à un examen serein de cette mesure, mais je tiens à souligner l’intérêt de cette dernière. En outre, son incidence financière serait dérisoire, puisqu’on ne compte qu’une quarantaine de fonds classés contre 13 000 objets mobiliers. Or les archives privées, on le sait, sont un gisement précieux mais encore largement inexploité. Cette mesure de protection de notre patrimoine aurait donc également eu des retombées positives pour les historiens et les chercheurs.

Je souhaite par conséquent qu’une étude d’impact soit effectivement réalisée, ainsi que le Gouvernement l’appelait de ses vœux, et que cette disposition puisse être réexaminée, sans a priori et de manière objective, à l’occasion du prochain projet de loi de finances.

Je ne saurais, par ailleurs, manquer de renouveler notre attachement aux dispositifs fiscaux existants en matière de patrimoine, dont le réexamen soulève actuellement des inquiétudes. Ces dispositifs, qu’ils concernent les secteurs sauvegardés ou les monuments historiques, participent au financement de notre politique culturelle, alors que ce budget représente moins de 1 % du budget de l’État.

Sous réserve de ces observations, le groupe UC-UDF votera ce texte, qui marque un progrès dans le sens de la connaissance, de la transparence et de la mémoire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier la commission des lois et la commission des affaires culturelles pour le travail considérable qu’elles ont accompli.

Je remercierai plus particulièrement M. le rapporteur, qui a fort bien souligné le point d’équilibre auquel nous étions arrivés. La réflexion au sein des deux chambres du Parlement témoigne de tout ce qu’apporte le bicamérisme à notre pays. Le texte, qui me paraît maintenant extrêmement intéressant et équilibré, comporte un grand nombre d’avancées.

M. Sueur et Mme  Mathon-Poinat ont insisté sur le fait que les délais demeuraient assez longs, même si le principe général, comme cela a été rappelé, est bien celui de la libre communicabilité des archives, ce qui constitue une avancée très importante.

Bien sûr, l’incommunicabilité de certains documents pose un problème, mais elle ne concerne plus aujourd’hui que les armes de destruction massive et non, monsieur Sueur, les agents secrets. Pour les données relatives à la sécurité des personnes, le délai a été ramené à cent ans, ce qui paraît tout à fait raisonnable. En ce qui concerne les armes de destruction massive, Guy Braibant, qui a été plusieurs fois cité par différents orateurs, avait lui aussi envisagé leur incommunicabilité. Nous nous inscrivons dans cette réflexion, qui n’est sans doute pas achevée, même si ce sujet sensible des armes nucléaires justifie la plus extrême prudence.

En ce qui concerne les sociétés d’archivage privées, il s’agit en fait de fonder en droit une pratique actuelle de conservation des archives courantes et intermédiaires et de faire en sorte que cet archivage se fasse avec des précautions et des exigences scientifiques accrues. C’est donc plutôt, à mes yeux, une avancée. Il ne s’agit en aucun cas d’une privatisation, puisque les archives définitives devront toujours être confiées aux services publics d’archives.

Monsieur Sueur, la question des fondations est particulière puisque la conservation de toutes les archives publiques relève des réseaux des archives publiques. C’est une de leurs missions principales. Ce principe ne peut souffrir aucune exception.

Seule est tolérée, pour les administrations et les établissements publics, qui sont des personnes publiques, la possibilité de conserver leurs propres archives définitives.

Les fondations étant considérées comme des personnes privées, elles n’ont pas compétence pour conserver les archives publiques, fût-ce celles des présidents de la République. C’est pourquoi les protocoles de versement qui sont actuellement signés prévoient un versement intégral aux archives nationales des archives produites par leurs signataires dans l’exercice de leurs fonctions.

Il n’est pas souhaitable de revenir sur cette règle majeure, sauf à risquer un démembrement des fonds, une forme de balkanisation de leur conservation, voire des difficultés supplémentaires pour la recherche.

Sur la proposition de l’Assemblée nationale, il a été décidé d’harmoniser par voie d’ordonnance les différents textes applicables à la communication des documents administratifs et des archives publiques. M. Garrec s’en est fait l’écho. Dans la mesure où il s’agit d’une mise en cohérence technique qui portera essentiellement sur la terminologie et sur les concepts employés, l’habilitation est la mieux adaptée. Je me réjouis qu’elle ait été retenue.

La fragilité des archives numériques est une source de réelles préoccupations. Le Gouvernement est donc disposé à présenter régulièrement au Parlement un rapport sur les conditions de collecte, de classement, de conservation et de communication des archives, en traitant en particulier des mesures destinées à assurer la pérennité des archives numériques, qui peuvent présenter une certaine fragilité.

J’en viens au futur centre des archives de Pierrefitte-sur-Seine. Cet établissement comptera trois cent vingt kilomètres linéaires de rayons et accueillera les archives de l’État de 1790 à nos jours. Le permis de construire a été déposé au début de l’année. La première pierre sera posée à l’automne et la construction sera achevée en 2012.

Ce centre pilote porte toute notre ambition pour les archives publiques. Il comportera une plateforme d’archivage électronique, ce qui en fera un établissement exemplaire.

La conservation des archives occupe, à mes yeux, une place considérable dans notre politique culturelle. La révision générale des politiques publiques entraînera certes des modifications, notamment la suppression d’une direction entièrement indépendante, mais il y aura toujours un directeur ou une directrice des archives clairement identifié, doté d’importantes responsabilités.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous tenez vraiment à priver la direction des archives de l’autonomie relative dont elle jouit aujourd’hui !

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur Sueur, la révision générale des politiques publiques vise à mutualiser, à rassembler, et à aboutir ainsi à des directions générales de taille critique, qui auront des points de convergence tout en gardant une identité et une spécificité forte.

Madame Mathon-Poinat, j’ai répondu aux questions que vous avez soulevées, s’agissant des ordonnances, des prestataires extérieurs et des armes de destruction massive. Je n’y reviens donc pas.

Madame Morin-Desailly, je vous remercie d’avoir souligné l’équilibre de ce texte et d’avoir rappelé les nombreuses avancées qu’il comporte.

Vous avez évoqué l’inquiétude des chercheurs, laquelle ne me paraît pas justifiée. Il est essentiel que les archives disposent de moyens. De ce point de vue, le centre des archives de Pierrefitte-sur-Seine témoigne de l’engagement de l’État.

S’agissant des demandes de consultations, le délai de deux mois est très largement respecté. Lorsqu’il ne l’est pas, c’est souvent que les archivistes doivent demander des autorisations aux services de production. Je rappelle que 98 % des dérogations sont accordées. C’est dire combien est grande la mobilisation de chacun pour satisfaire les demandes. Des instructions seront données pour poursuivre dans cette voie et pour aller vers toujours plus de transparence et d’ouverture.

Comme vous l’avez souligné, de nouvelles sanctions viennent compléter notre arsenal judiciaire et pénal. Les vols et destructions d’œuvre d’art, d’archives, de biens culturels sont l’objet de réseaux organisés qui opèrent largement en Europe. C’est l’une des questions que je compte aborder au cours de la présidence française de l’Union européenne.

Par ailleurs, s’agissant du crédit d’impôt et des archives privées classées, projet que vous aviez porté, madame le sénateur, je ferai réaliser une étude d’impact. Si cette dernière démontrait, comme je l’espère, que le crédit d’impôt coûte peu à l’État au regard de tout ce qu’il peut rapporter et en considération de son intérêt culturel et patrimonial, ce serait un élément très important.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…

La discussion générale commune est close.

Projet de loi organique

 
 
 

M. le président. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi organique.

Je rappelle que, aux termes de l’article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

 
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel
Article 2 (début)

Article 1er

L’article 58 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est ainsi rédigé :

« Art. 58. - Les articles L. 211-3, L. 212-1, L. 212-2, L. 212-3, L. 212-4, L. 213-3, L. 214-1, L. 214-3, L. 214-4, L. 214-5, L. 214-9 et L. 214-10 du code du patrimoine s’appliquent aux archives qui procèdent de l’activité du Conseil constitutionnel. Ces archives peuvent être librement consultées à l’expiration du délai fixé au 1° du I de l’article L. 213-2 du même code. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté à l'unanimité.)

Article 1er
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Article 2 (fin)

Article 2

La présente loi organique entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa publication.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

La présente loi organique entre en vigueur le 1er janvier 2009 si elle est publiée avant cette date ou, à défaut, dès sa publication.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Dans la mesure où les deux projets de loi se tiennent, la commission a considéré qu’ils devaient entrer en vigueur en même temps.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. L’amendement no 1 ne présente qu’un caractère formel dans la mesure où le Conseil constitutionnel est prêt. Il n’est pas grave d’attendre cinq mois.

Monsieur le président, je profiterai de cette explication de vote pour donner la position du groupe socialiste sur ce projet de loi organique. Comme je l’ai indiqué en première lecture, le présent texte constitue indiscutablement un pas en avant.

La question des archives du Conseil constitutionnel est particulière. Lors de ma nomination au Conseil, j’ai constaté que les archives étaient admirablement tenues et ouvertes aux chercheurs sur leur demande. Elles faisaient l’objet d’une sorte de gestion coutumière qui ne soulevait aucune difficulté. J’ai d’ailleurs observé que les chercheurs ne se massaient pas à la porte du Palais Royal. Lorsqu’un doctorant ou, parfois, l’un de nos collègues constitutionnalistes se présentait, nous le saluions avec joie et lui offrions toutes les commodités nécessaires. Il pouvait travailler autant qu’il le voulait.

M. Mazeaud, lorsqu’il présidait le Conseil constitutionnel, a préféré, à juste titre, réglementer cet accès. Il a décidé que les archives seraient librement accessibles après un délai de soixante ans, tout en maintenant l’usage de l’ouverture aux chercheurs.

Le projet de loi organique ramène ce délai à vingt-cinq ans, et je m’en réjouis.

M. Garrec a beaucoup travaillé sur ce sujet. Il a consulté M. Mazeaud et moi-même. Une difficulté pouvait venir de la double nature des missions du Conseil constitutionnel, juridictionnelle, d’une part, et institutionnelle ou générique, d’autre part.

Pour les délibérations du Conseil constitutionnel et les autres documents afférents aux décisions, hors contentieux électoral – rapports, procès-verbal des discussions et décisions –, le délai de vingt-cinq ans, retenu par le Gouvernement, est bien adapté.

La consultation de ces documents doit en effet être très largement ouverte. Elle sera d’autant plus bénéfique que, je l’ai rappelé, il n’y a pas, au Conseil constitutionnel, d’opinion dissidente. Il est donc important que les juristes puissent connaître les points de vue échangés à propos de la constitutionnalité de telle ou telle loi.

En ce qui concerne le plein contentieux, c’est-à-dire les élections, on pouvait s’interroger sur le délai le plus approprié. Fort heureusement, la commission des lois a décidé, à l’unanimité, qu’il convenait de s’en tenir au délai le plus court, c’est-à-dire vingt-cinq ans. C’est très bien ainsi.

En effet, contrairement aux contentieux judiciaires ordinaires, il n’y a pas de protection de la vie privée en matière d’élection. Tout relève du domaine public. Nous avons tout à gagner à un délai de vingt-cinq ans. Je me plais à dire, non sans ironie, que, après avoir pris connaissance des déclarations fulminantes ou des imprécations de ceux dont l’élection a été annulée – toujours à l’unanimité et pour les motifs, croyez-moi, les plus fondés qui soient –, les chercheurs pourront constater qu’il y a souvent un abîme entre le brouhaha suscité par une annulation, les protestations rageuses et la réalité. Soyons-en heureux pour l’histoire immédiate !

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera le projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. L’article 2 est ainsi rédigé.

Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin no 91 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l’adoption 328

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un triomphe, madame la ministre !

Projet de loi

Article 2 (début)
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M. le président. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi.

Je rappelle que, aux termes de l’article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

 
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Article 3

Article 1er quater

Après l'article L. 211-2, il est inséré un article L. 211-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-2-1. - Le Conseil supérieur des archives, placé auprès du ministre chargé de la culture, est consulté sur la politique mise en œuvre en matière d'archives publiques et privées.

« Il est composé, outre son président, d'un député et d'un sénateur, de membres de droit représentant en particulier l'État et les collectivités territoriales, de personnalités qualifiées et de représentants élus du personnel.

« La composition, les modes de désignation de ses membres et les modalités de fonctionnement de ce conseil sont fixés par arrêté. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er quater.

(L'article 1er quater est adopté.)

Article 1er quater
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Article 4 ter

Article 3

Les articles L. 212-1 à L. 212-5 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 212-1 à L. 212-3. - Non modifiés.

« Art. L. 212-4. - I. - Les archives publiques qui, à l'issue de la sélection prévue aux articles L. 212-2 et L. 212-3, sont destinées à être conservées sont versées dans un service public d'archives dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ce décret détermine les cas où, par dérogation aux dispositions qui précèdent, l'administration des archives laisse le soin de la conservation des documents d'archives produits ou reçus par certaines administrations ou certains organismes aux services compétents de ces administrations ou organismes lorsqu'ils présentent des conditions satisfaisantes de conservation, de sécurité, de communication et d'accès des documents. Il fixe les conditions de la coopération entre l'administration des archives et ces administrations ou organismes.

« Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux archives des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales.

« II. - La conservation des documents d'archives publiques procédant de l'activité des personnes visées à l'article L. 211-4 qui n'ont pas encore fait l'objet de la sélection prévue aux articles L. 212-2 et L. 212-3 est assurée par ces personnes sous le contrôle scientifique et technique de l'administration des archives. Lesdites personnes peuvent, après en avoir fait la déclaration à l'administration des archives, déposer tout ou partie de ces documents auprès de personnes physiques ou morales agréées à cet effet par ladite administration. Le dépôt fait l'objet d'un contrat qui prévoit les conditions de sécurité et de conservation des documents déposés ainsi que les modalités de leur communication et de leur accès, du contrôle de ces documents par l'administration des archives et de leur restitution au déposant à l'issue du contrat. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de la déclaration préalable ainsi que les conditions d'octroi et de retrait de l'agrément des dépositaires et précise le contenu des clauses devant figurer dans les contrats de dépôt.

« Les données de santé à caractère personnel sont déposées dans les conditions prévues à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique.

« III. - Le II s'applique au dépôt des archives publiques qui ne sont pas soumises à l'obligation de versement dans un service public d'archives.

« Art. L. 212-5. - Non modifié. »

M. le président. L'amendement no 4, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer les trois dernières phrases du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-4 du code du patrimoine.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement, que nous avions déjà déposé en première lecture, vise à supprimer la possibilité de confier des archives publiques, fussent-elles au stade d’archives courantes ou intermédiaires, à des sociétés privées. Objecter qu’il s’agit là d’une pratique courante ne justifie en rien l’inscription de cette disposition dans la loi.

On peut d’ailleurs s’interroger sur les conséquences d’une telle pratique sur les conditions d’accès aux archives elles-mêmes : une société privée ne fonctionne tout de même pas comme un organisme public, et le stockage de ces archives au sein de diverses entreprises peut être à l’origine de difficultés, ne serait-ce que géographiques.

Nous nous opposons donc à cette disposition, et nous vous demandons, mes chers collègues, de nous suivre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Ma chère collègue, je reprendrai ce que j’ai répondu à M. Renar en première lecture !

Le projet de loi – c’est un fait – se borne à consacrer une pratique très répandue, la conservation d’archives publiques par certaines sociétés privées d’archivage. Ce faisant, il encadre de façon fort opportune cette pratique en proposant, d’une part, d’instaurer pour ces entreprises un régime d’agrément préalable par la direction des Archives de France, d’autre part, d’exclure le recours à ces sociétés pour les archives définitives, qui, par définition, relèvent de la compétence exclusive des archives publiques.

Les garde-fous semblent donc suffisants. Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 6 ter

Article 4 ter

I. - L'article L. 212-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Dans ce cas, les documents peuvent être conservés soit par les communes elles-mêmes, soit par le groupement de collectivités territoriales dont elles sont membres, soit, par convention, par la commune désignée par ce groupement pour gérer les archives de celui-ci. »

II. - L'article L. 212-12 est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après le mot : « municipal, », sont insérés les mots : « aux archives du groupement de collectivités territoriales dont elles sont membres, par convention, aux archives de la commune désignée par ce groupement pour gérer les archives de celui-ci ou » ;

2° Au début du second alinéa, les mots : « Ce dépôt » sont remplacés par les mots : « Le dépôt au service départemental d'archives ». – (Adopté.)

Article 4 ter
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Article 11

Article 6 ter

Dans le dernier alinéa de l'article L. 212-27, la référence : « L. 212-3 » est remplacée par la référence : « L. 212-2 ». – (Adopté.)

Article 6 ter
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Article 12

Article 11

Le chapitre III du titre Ier du livre II est ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Régime de communication

« Art. L. 213-1. - Non modifié.

« Art. L. 213-2. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 213-1 :

« I. - Les archives publiques sont communicables de plein droit à l'expiration d'un délai de :

« 1° Vingt-cinq ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier :

« a) Pour les documents dont la communication porte atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, à la conduite des relations extérieures, à la monnaie et au crédit public, au secret en matière commerciale et industrielle, à la recherche par les services compétents des infractions fiscales et douanières ou au secret en matière de statistiques sauf lorsque sont en cause des données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre privé mentionnées aux 4°et 5° ;

« b) Pour les documents mentionnés au dernier alinéa de l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée, à l'exception des actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires ;

« c) Pour les documents élaborés dans le cadre d'un contrat de prestation de services exécuté pour le compte d'une ou de plusieurs personnes déterminées, sauf si ces documents entrent, du fait de leur contenu, dans le champ d'application des 3° ou 4° du présent article ;

« 2° Vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret médical. Si la date du décès n'est pas connue, le délai est de cent vingt ans à compter de la date de naissance de la personne en cause ;

« 3° Cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l'État dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l'État, à la sécurité publique ou à la protection de la vie privée, à l'exception des documents mentionnés aux 4° et 5°. Le même délai s'applique aux documents qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou qui font apparaître le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice.

« Le même délai s'applique aux documents relatifs à la construction, à l'équipement et au fonctionnement des ouvrages, bâtiments ou parties de bâtiment utilisés pour la détention des personnes ou recevant habituellement des personnes détenues. Ce délai est décompté depuis la fin de l'affectation à ces usages des ouvrages, bâtiments ou parties de bâtiment en cause ;

« 4° Soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref :

« a) Pour les documents dont la communication porte atteinte au secret en matière de statistiques lorsque sont en cause des données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre privé ;

« b) Pour les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire ;

« c) Pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, sous réserve des dispositions particulières relatives aux jugements, et à l'exécution des décisions de justice ;

« d) Pour les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels ;

« e) Pour les registres de naissance et de mariage de l'état civil, à compter de leur clôture ;

« 5° Cent ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref, pour les documents mentionnés au 4° qui se rapportent à une personne mineure.

« Les mêmes délais s'appliquent aux documents couverts ou ayant été couverts par le secret de la défense nationale dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité de personnes nommément désignées ou facilement identifiables. Il en est de même pour les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire, aux affaires portées devant les juridictions, sous réserve des dispositions particulières relatives aux jugements, et à l'exécution des décisions de justice dont la communication porte atteinte à l'intimité de la vie sexuelle des personnes.

« II. - Ne peuvent être consultées les archives publiques dont la communication est susceptible d'entraîner la diffusion d'informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d'un niveau analogue.

« Art. L. 213-3. - I. - L'autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L. 213-2 peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Sous réserve, en ce qui concerne les minutes et répertoires des notaires, des dispositions de l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, l'autorisation est accordée par l'administration des archives aux personnes qui en font la demande après accord de l'autorité dont émanent les documents.

« Le temps de réponse à une demande de consultation ne peut excéder deux mois à compter de l'enregistrement de la demande.

« II. - L'administration des archives peut également, après accord de l'autorité dont émanent les documents, décider l'ouverture anticipée de fonds ou parties de fonds d'archives publiques.

« Art. L. 213-4 à L. 213-8. - Non modifiés.

« Art. L. 213-9. - Supprimé. »

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du premier alinéa du 3° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine, supprimer les mots :

qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à lever l’un des freins instaurés par le projet de loi à la libre consultation des archives publiques.

L’article 11, modifié par l’Assemblée nationale, prévoit que les documents dont la communication porte atteinte, entre autres, à la protection de la vie privée pourront être communicables au terme d’un délai de cinquante ans, et nous saluons cette initiative.

En revanche, ce même délai de cinquante ans s’applique également aux documents « qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ». Une telle mention paraît suffisamment vague et imprécise pour qu’entrent dans la catégorie des archives communicables au bout de cinquante ans des archives qui devraient être communicables sans délai.

En raison de cette ambiguïté introduite par le projet de loi, certains chercheurs et historiens s’inquiètent, redoutant une interprétation trop stricte de la loi par les autorités versantes. Le pouvoir discrétionnaire sur les dérogations est renforcé, au détriment cependant de la recherche, car on peut craindre que ces dérogations ne soient désormais accordées au compte-gouttes, ce qui entraverait les historiens dans leur recherche scientifique et participerait sans doute à créer un climat de suspicion à leur encontre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure dans la discussion générale, le délai qui figure à l’article 11 est le fruit d’une concertation entre le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale et moi-même. Nous l’avons retenu parce qu’il correspond à une demande des historiens et, pour ce qui concerne les textes simples, marque un progrès, puisque des délais de soixante ans, voire de cent vingt ans pour les dossiers de carrière des fonctionnaires, sont ramenés à cinquante ans !

Je le répète, c’est un délai équilibré qui préserve à la fois la recherche historique et la protection de la réputation des personnes.

Quant aux dérogations, pourquoi voulez-vous qu’elles soient désormais données au compte-gouttes ? Actuellement, elles sont accordées de façon assez libérale, puisque 98 % d’entre elles reçoivent un avis favorable ; il n’y a pas de raison que cela change, et je crois qu’il ne faut pas faire de procès d’intention aux administrations qui délivrent ces autorisations.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. L’avis est également défavorable.

En effet, le délai de communication de ces documents portant « une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique » est le même que celui qui s’applique aux documents mettant en cause la protection de la vie privée. Se trouve donc levée toute difficulté pratique pour les archivistes, qui pourraient se demander si tel document relève de l’une ou de l’autre catégorie.

Par ailleurs, la notion de document « portant une appréciation ou un jugement de valeur » figure dans la loi du 17 juillet 1978 applicable à la communication des documents administratifs. En conséquence, il n’est pas opportun de la supprimer du code du patrimoine, applicable aux archives.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Je pense que nos collègues du groupe CRC ont raison : il n’est jamais bon d’inscrire dans un texte de loi des formules qui, à partir de termes aussi vagues que : « une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable », ouvrent la voie à des interprétations difficiles à déterminer par avance.

Sans le double terme : « une appréciation ou un jugement de valeur », c’est-à-dire si n’était retenu qu’un seul des deux, je pourrais me résigner. Mais pas les deux à la fois ! La distinction me paraît d’ailleurs vague quand il s’agit d’un document : s’il porte une appréciation sur une personne privée, il portera nécessairement une forme de jugement de valeur et réciproquement !

Il me semblerait donc souhaitable d’alléger cette détestable formulation. Monsieur le rapporteur, madame le ministre, un petit effort de clarification ! Je crois qu’il serait bienvenu de renoncer aux mots : « ou un jugement de valeur ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Après le premier alinéa du 3° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le même délai ou, s'il est plus bref, un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé, s'applique aux affaires portées devant les juridictions et à l'exécution des décisions de justice, aux minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels. Le même délai s'applique, à compter de leur clôture, pour les registres de naissance et de mariage de l'état civil.

II. - En conséquence, supprimer les b à e du 4° du même I.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est un amendement de cohérence, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à supprimer la nouvelle catégorie d’archives créée par le Gouvernement, archives qui seraient incommunicables parce que relatives à la conception, la fabrication, l’utilisation ou la localisation des armes nucléaires, biologiques, chimiques ou de toutes autres armes de destruction massive.

L’inscription dans la loi de ce principe de non-communicabilité est une première : jamais des archives n’ont été considérées comme étant incommunicables. Pour la première fois de notre histoire, l’État français interdit de manière définitive, sans prévoir aucun délai de communicabilité ni aucune procédure de dérogation, l’accès à tous les documents relatifs aux armes de destruction massive.

Je rappellerai que, aux termes de la loi de 1979, les documents de ce type faisaient partie des archives communicables au bout de soixante ans, tout comme l’ensemble des actes ayant trait à la sûreté de l’État ou à la défense nationale.

De plus, le paragraphe II est manifestement contraire à l’esprit du projet de loi et au principe, posé à l’article L. 213-1 du code du patrimoine, selon lequel les archives publiques sont communicables de plein droit.

À l’Assemblée nationale, où mes collègues ont déjà déposé cet amendement, le rapporteur a avancé à l’appui de son avis négatif l’argument selon lequel une arme nucléaire sera tout aussi dangereuse en 2050 qu’aujourd’hui. Justement ! En cas d’accident, il faudra bien accéder aux archives pour comprendre le drame !

Pour les personnes qui furent victimes d’essais nucléaires, il est important d’accéder aux archives concernant ces événements, sans quoi c’est un pan de l’action de l’État qui restera à jamais enterré et sur lequel aucun citoyen n’aura de regard. C’est d’ailleurs extrêmement grave pour notre démocratie.

Enfin, s’il est prévu que l’on ne puisse jamais communiquer de tels documents, à quoi bon les conserver ? C’est tout à fait contradictoire… et passablement dangereux !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Ces documents, madame, sont incommunicables. Néanmoins, l’armée a prévu des procédures permettant de déclasser des armements : lorsqu’un armement est déclassé, les documents qui lui sont relatifs sont alors accessibles à tous les historiens.

Apparaissent cependant de nouvelles armes dangereuses, des gaz, des produits biologiques : on ne peut donner accès aux documents les concernant, car les cycles de recherche sont tels qu’il paraît impossible de laisser cela entre les mains d’apprentis sorciers.

Enfin, en cas d’accident, le dossier peut être consulté dans le cadre de la procédure judiciaire.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les raisons qui ont été exposées par M. le rapporteur. Ce régime particulier, qui est la seule exception au raccourcissement très sensible de tous les délais d’accès aux archives publiques, se justifie au regard des dangers évoqués.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-3 du code du patrimoine, supprimer le mot :

excessive

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il est défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Article 11
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Article 13

Article 12

Le chapitre IV du titre Ier du livre II est ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Dispositions pénales

« Art. L. 214-1. - Non modifié.

« Art. L. 214-2. - Sans préjudice de l'application des articles 314-1 et 432-15 du code pénal, la violation, par un fonctionnaire ou un agent chargé de la collecte ou de la conservation d'archives, des conditions de conservation ou de communication des archives privées mentionnées à l'article L. 213-6 est punie d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« Art. L. 214-3 et L. 214-4. - Non modifiés.

« Art. L. 214-5. - Le fait, pour une personne détentrice sans droit ni titre d'archives publiques, de ne pas les restituer sans délai à l'autorité compétente qui lui en fait la demande est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« Art. L. 214-6. - Est punie d'une peine  de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende la destruction par leur propriétaire d'archives privées classées, en infraction aux dispositions de l'article L. 212-27.

« Art. L. 214-7 à L. 214-10. - Non modifiés. » – (Adopté.)

Article 12
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Article 15

Article 13

Dans les articles L. 730-1, L. 760-2 et L. 770-1, la référence : « L. 214-5 » est remplacée par la référence : « L. 214-10 ». – (Adopté.)

Article 13
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Article 18 A

Article 15

L'article L. 730-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 730-3. - Pour son application à Mayotte, dans le c de l'article L. 211-4 et dans le d du 4° du I de l'article L. 213-2, après les mots : « officiers publics ou ministériels », sont insérés les mots : « et des cadis ». Dans la deuxième phrase du I de l'article L. 213-3, après le mot : « notaires », il est procédé à la même insertion. » – (Adopté.)

Article 15
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Article 19

Article 18 A

M. le président. L’article 18 A a été supprimé par l’Assemblée nationale.

Article 18 A
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Article additionnel après l'article 19

Article 19

I. - Les deux premiers alinéas de l'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques sont ainsi rédigés :

« Sous réserve des dispositions des articles 40, 56, 76, 97 et 99 du code de procédure pénale et de celles de l'article L. 213-3 du code du patrimoine, les renseignements individuels figurant dans les questionnaires revêtus du visa prévu à l'article 2 et ayant trait à la vie personnelle et familiale et, d'une manière générale, aux faits et comportements d'ordre privé ne peuvent, sauf décision de l'administration des archives, prise après avis du comité du secret statistique et relative à une demande effectuée à des fins de statistique publique ou de recherche scientifique ou historique, faire l'objet d'aucune communication de la part du service dépositaire avant l'expiration d'un délai de soixante-quinze ans suivant la date de réalisation de l'enquête ou d'un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé, si ce dernier délai est plus bref.

« Sous réserve des dispositions des articles 40, 56, 76, 97 et 99 du code de procédure pénale et de celles de l'article L. 213-3 du code du patrimoine, les renseignements individuels d'ordre économique ou financier figurant dans les questionnaires revêtus du visa prévu à l'article 2 ne peuvent, sauf décision de l'administration des archives, prise après avis du comité du secret statistique, faire l'objet d'aucune communication de la part du service dépositaire avant l'expiration d'un délai de vingt-cinq ans suivant la date de réalisation du recensement ou de l'enquête. »

II. - Non modifié.

III. - Le dernier alinéa de l'article 7 ter de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 précitée est supprimé.  – (Adopté.)

Article 19
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Article 23

Article additionnel après l'article 19

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Procaccia, M. About, Mmes Bout, Rozier, B. Dupont, Sittler, Desmarescaux et Kammermann et MM. de Broissia, Vasselle et Gournac, est ainsi libellé :

Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1111-8 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Dans la dernière phrase du premier alinéa, après le mot : « données », sont insérés les mots : «, quel qu'en soit le support, papier ou informatique, ».

2° Dans la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : «, lorsqu'elles figurent sur support informatique, ».

3° Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa, après le mot : « hébergement », sont insérés les mots : «, quel qu'en soit le support, ». 

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement, cosigné par plusieurs membres de la commission des affaires sociales, dont son président, a trait aux problèmes liés à l’archivage des dossiers médicaux des patients.

En effet, depuis un décret du 4 janvier 2006 pris en Conseil d’État en application de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 dont est issu l’article L. 1111-8 du code de la santé publique, les établissements de santé rencontrent des difficultés dans l’archivage des dossiers de leurs patients. Une instruction ministérielle d’août 2007 limite en outre au dossier électronique la possibilité d’héberger les informations médicales auprès d’un tiers.

S’agissant du support papier, il ne peut pas y avoir d’externalisation compte tenu d’une interdiction prise en vertu de l’article R.1112-7 du code de la santé publique.

Conserver des dossiers papier sur un site peut s’avérer dangereux au regard des risques d’incendies ou d’inondations. On sait bien que les dossiers ne sont pas forcément conservés dans les endroits les plus accessibles : ils sont dans les sous-sols, par exemple.

L’archivage est donc à la fois très contraignant pour les établissements et dangereux pour la sécurité tant des personnels travaillant dans les locaux que des patients y séjournant. En outre, ces dossiers peuvent être perdus. L’actualité d’aujourd’hui évoque ainsi l’affaire d’une femme qui intente un procès à un hôpital parce que son enfant mort-né a été réanimé : l’établissement en cause déclare que le dossier médical a été perdu. L’archivage des dossiers médicaux constitue donc un vrai problème.

Cet amendement tend à autoriser l’hébergement par un tiers des données de santé quel qu’en soit le support –informatique ou papier –, tout en apportant les garanties nécessaires quant à la protection des données personnelles.

Une mission de service public sera ainsi confiée aux établissements médicaux privés. Ces propositions figurent d’ailleurs dans le rapport de la commission de concertation sur les missions de l’hôpital présidée par M. Gérard Larcher.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. L’amendement vise à autoriser l’hébergement par un tiers de données de santé appartenant à des établissements privés de santé, quel qu’en soit le support, informatique ou papier.

C’est une proposition très raisonnable. Néanmoins ni la loi du 4 mars 2002 ni le décret du 14 juillet 2006 n’interdisent aux établissements privés de santé de confier à des sociétés privées d’archivage la gestion de leurs archives, qu’elles soient sur support papier ou numérique. On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi les pouvoirs publics auraient traité différemment la conservation des archives en fonction du caractère public ou privé de l’établissement.

Il semble toutefois qu’une circulaire interprète contra legem les dispositions législatives et réglementaires susmentionnées en réduisant la possibilité de conservation au sein d’archives numériques. Cette circulaire me semble donc nulle de droit.

Il est difficile de régler ce problème dans le texte en rendant la loi « bavarde », reproche que nous adresse fréquemment le Conseil d’État.

Madame la ministre, je pense donc que vous pourriez agir utilement en intervenant auprès de votre collègue chargée de la santé pour que cette circulaire soit rectifiée ou supprimée. La commission souhaiterait connaître votre avis à cet égard.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. L’article L. 1111-8 du code de la santé publique prévoit la possibilité d’externaliser auprès de tiers agréés, les hébergeurs, la conservation de données de santé à caractère personnel, qu’elles soient publiques ou privées.

Cet article est actuellement interprété par l’administration des hôpitaux comme limitant la possibilité d’hébergement aux seuls dossiers sur support électronique, les dossiers sur support papier étant donc exclus ; néanmoins, le Gouvernement tient à attirer l’attention du Parlement sur le fait que l’article L. 1111-8 du code de la santé publique, tel qu’il est rédigé, ne contient aucune exclusion de cet ordre.

S’il paraît, en effet, utile de renverser la doctrine que l’administration, par prudence a développée en la matière, une modification de la loi n’est pas nécessaire. Un décret, voire sur certains points une simple circulaire, pourrait régler la question.

Toutefois, dans la mesure où une telle interprétation modifiera la pratique actuelle, il sera indispensable que l’hébergement des dossiers médicaux publics par des tiers agréés soit assorti de garanties identiques à celles que prévoit le projet de loi en matière d’externalisation des archives publiques, parce qu’il ne serait pas compréhensible que la conservation de documents mettant aussi fortement en cause le secret de la vie privée échappe au contrôle voulu par le législateur.

Compte tenu des précisions apportées et des engagements pris, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Procaccia, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à préserver la sécurité et la vie privée. J’aimerais donc que Mme la ministre s’engage à intervenir fermement auprès de sa collègue chargée de la santé et à suivre le dossier jusqu’au bout. Dans ces conditions, je pourrais envisager de retirer mon amendement. Les archives médicales me paraissent tout aussi importantes que d’autres archives !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. J’interviendrai auprès de Mme Bachelot-Narquin dans le sens que vous venez d’indiquer, madame le sénateur.

Mme Catherine Procaccia. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

Mais si ma demande n’était pas satisfaite, cet amendement serait à nouveau déposé lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale !

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 19
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Article 24

Article 23

I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, les mots : « quel que soit le support utilisé pour la saisie, le stockage ou la transmission des informations qui en composent le contenu » sont remplacés par les mots : « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support ».

II. - Supprimé. – (Adopté.)

Article 23
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Article 25

Article 24

Dans le dernier alinéa de l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée, les mots : « actes des assemblées parlementaires » sont remplacés par les mots : « actes et documents élaborés ou détenus par les assemblées parlementaires ». – (Adopté.)

Article 24
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Article 26

Article 25

Dans le deuxième alinéa du II de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée, les mots : « au secret de la vie privée et des dossiers personnels » sont remplacés par les mots : « à la protection de la vie privée ». – (Adopté.)

Article 25
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Article 28

Article 26

Dans le troisième alinéa de l'article 20 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée, après les mots : « code du patrimoine », sont insérés les mots : « et des actes et documents élaborés ou détenus par les assemblées parlementaires ». – (Adopté.)

Article 26
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Art. 29

Article 28

I à IV. - Non modifiés.

V. - L'article 714-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 714-1. - Les quatre premiers alinéas de l'article 322-3-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« “La destruction, la dégradation ou la détérioration est punie d'une peine de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende lorsqu'elle porte sur un immeuble ou un objet mobilier classé, inscrit ou protégé en vertu de la réglementation applicable localement, une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, un terrain contenant des vestiges archéologiques ou un objet conservé ou déposé dans des musées, bibliothèques ou archives appartenant à une personne publique, chargée d'un service public ou reconnue d'utilité publique.” »

VI. - L'article 724-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 724-1. - Les quatre premiers alinéas de l'article 322-3-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« “La destruction, la dégradation ou la détérioration est punie d'une peine de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende lorsqu'elle porte sur un immeuble ou un objet mobilier classé, inscrit ou protégé en vertu de la réglementation applicable localement, une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, un terrain contenant des vestiges archéologiques ou un objet conservé ou déposé dans des musées, bibliothèques ou archives appartenant à une personne publique, chargée d'un service public ou reconnue d'utilité publique.” »

VII. - Dans le premier alinéa de l'article 2-21 du code de procédure pénale, les références : « les 3° et 4° de l'article 322-2 » sont remplacées par la référence : « l'article 322-3-1 ».

VIII. - Le code du patrimoine est ainsi modifié :

1° Dans l'article L. 114-3, les références : « aux 3° et 4° de l'article 322-2 » sont remplacées par la référence : « à l'article 322-3-1 » ;

2° L'article L. 114-4 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, les références : « des 3° et 4° de l'article 322-2 » sont remplacées par la référence : « de l'article 322-3-1 » ;

b) Dans le deuxième alinéa, les références : « aux 3° et 4° de l'article 322-2 » sont remplacées par la référence : « à l'article 322-3-1 ».  – (Adopté.)

Article 29 

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à modifier et à compléter, par ordonnance, les dispositions du titre Ier du livre II du code du patrimoine, celles de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée, ainsi que les autres dispositions législatives portant sur l'accès à des documents administratifs ou à des données publiques, afin d'harmoniser les règles applicables aux documents et aux demandeurs entre les différents régimes d'accès portant sur les archives et sur les documents administratifs.

Article 28
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Article 30

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 9, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre opposition à cet article 29 porte essentiellement sur deux points : d’une part, nous sommes opposés par principe aux ordonnances qui dessaisissent le Parlement de son pouvoir de légiférer ; d’autre part, il paraît extrêmement contestable, alors que ce projet de loi n’est encore qu’en gestation, de prévoir que le Gouvernement pourra, de façon totalement antidémocratique d’ailleurs, modifier les dispositions du code du patrimoine relatives aux archives et « engager dans les plus brefs délais une réforme ambitieuse consistant à la réécriture complète de la loi du 17 juillet 1978 afin de clarifier les régimes d’accès aux documents administratifs et archives publiques ».

Nous aurions pu y travailler ensemble. Notre rôle de parlementaire consiste à débattre, à légiférer, et, dans ces conditions, il nous semble indispensable de supprimer cet article 29.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après les mots :

dispositions législatives portant sur l'accès

rédiger comme suit la fin de cet article :

aux documents administratifs ou aux archives publiques, afin d'harmoniser les règles qui leur sont applicables. L’ordonnance est prise au plus tard le dernier jour du neuvième mois suivant la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 1 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 9.

M. René Garrec, rapporteur. L’Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement tendant à habiliter ce dernier à harmoniser, par ordonnance, les règles en matière d'accès aux documents administratifs et archives publiques.

L'amendement n° 1 tend, d'une part, à améliorer la rédaction de l’habilitation et, d’autre part, à réparer une double omission, le Gouvernement n’ayant pas précisé le délai pendant lequel il peut prendre l’ordonnance et celui avant lequel un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement, délais obligatoires en vertu de l'article 38 de la Constitution.

La commission vous propose de retenir les délais respectivement de neuf mois et de trois mois.

L’amendement n° 9 vise à supprimer l’habilitation donnée au Gouvernement pour harmoniser les dispositions législatives portant sur l’accès aux documents administratifs et archives publiques.

Même si j’ai dit tout à l’heure que je n’étais pas favorable aux ordonnances parce que le Parlement doit, à mon avis, faire son travail, c'est-à-dire légiférer, la chose me semble envisageable ici compte tenu de la technicité ; mais la Haute Assemblée et l’Assemblée nationale devront examiner avec vigilance le projet de loi de ratification.

Par ailleurs, j’entends que le Gouvernement procédera à l’harmonisation à droit le plus constant possible. S’il me fallait prendre un exemple, je dirais que nous serions très peinés que le Gouvernement remette en cause par ordonnance l’autonomie des assemblées en matière d’archivage. (Sourires.)

La commission vous invite donc à retirer cet amendement, ma chère collègue. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 9, car il s’agit d’un travail essentiellement technique de mise en cohérence ; par ailleurs, il est favorable à l’amendement n° 1.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 9.

M. Jean-Pierre Sueur. Je voterai cet amendement, qui soulève un vrai problème.

Monsieur le rapporteur, il est clair que l’habilitation à agir par ordonnance porte notamment sur le sujet dont nous venons de débattre : rien n’empêche que l’ordonnance modifie ce qui n’est pas encore adopté. Pouvez-vous nous garantir que pas un mot ne changera dans le texte qui nous est soumis une fois que ce dernier aura été adopté ?

Sous une apparence technique, ainsi que vient de l’indiquer M. le rapporteur, le champ de l’ordonnance est en fait très large, puisque celle-ci vise à harmoniser les conditions de communication des documents, qu’il s’agisse des documents administratifs ou des archives publiques. Il ne s’agit pas là d’un sujet mineur.

Madame la ministre, pouvez-vous prendre l’engagement que le Gouvernement inscrira bien à l’ordre du jour du Parlement le projet de loi de ratification ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s’agit ni plus ni moins, mon cher collègue, d’harmoniser deux textes à droit constant. Rien de plus ! Cette décision émane d’ailleurs d’une demande formulée par tous dans cet hémicycle, en première lecture.

Quant à ma proposition de supprimer les archives parlementaires, il s’agissait évidemment d’une plaisanterie ! Just a joke ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est ainsi que nous l’avions compris, monsieur le rapporteur !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Ainsi que M. le rapporteur l’a souligné, il s’agit d’harmoniser des textes à droit constant et non pas de modifier leur contenu en profondeur.

Monsieur le sénateur, je prends bien sûr l’engagement de déposer le projet de ratification devant le Parlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je ne vous ai pas demandé si vous alliez le déposer, car je sais que vous allez le faire ! Ce que je veux savoir, c’est si vous allez l’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Parlement. Dans l’état actuel des choses, vous le savez, le Gouvernement a un grand pouvoir en matière d’ordre du jour des assemblées ! (Sourires.)

Mme Christine Albanel, ministre. Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement s’engage à l’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Parlement ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous nous en souviendrons, madame la ministre !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 29, modifié.

(L’article 29 est adopté.)

Art. 29
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 30

Le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur la conservation et le transfert régulier des archives publiques sur des supports durables et sur le coût de gestion induit pour l’État et les collectivités territoriales de ces mesures conservatoires.

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le gouvernement présente au Parlement, au plus tard un an à compter de la promulgation de la présente loi, puis tous les trois ans, un rapport portant sur les conditions de collecte, classement, conservation et communication des archives en France. Ce rapport présente en particulier les mesures destinées à assurer la pérennité des archives numériques.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. L’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à prévoir la présentation au Parlement d’un rapport gouvernemental sur la pérennité de l’archivage numérique. Toutefois, aucun délai n’a été fixé.

En conséquence, cet amendement prévoit que le rapport devra être présenté au Parlement au plus tard un an à compter de la promulgation de la loi, puis tous les trois ans.

M. Jean-Pierre Sueur. Point trop de rapports, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 30 est ainsi rédigé.

Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l’ensemble

Article 30
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Les deux projets de loi dont nous venons de terminer l’examen traduisent la volonté du Gouvernement de faciliter, dans un souci de transparence, l’accès des usagers aux archives publiques.

Il s’agit d’une réforme importante qui s’inscrit dans une véritable démarche de modernisation de la politique des archives. Elle était particulièrement attendue tant par les historiens que par l’ensemble de nos concitoyens, soucieux d’accéder avec une plus grande facilité aux sources de leur histoire.

Ces deux textes comportent de nombreuses avancées que je tiens à saluer au nom de l’ensemble de mes collègues du groupe UMP.

Le principe de la libre communicabilité des archives publiques est désormais établi, tandis que les délais de communicabilité relatifs aux intérêts protégés par la loi sont réduits.

Le Sénat a enrichi, en première lecture, le texte du Gouvernement en conférant notamment un statut aux archives des groupements de collectivités territoriales, qui faisaient figure, comme l’a souligné, à juste titre, M. le rapporteur, d’archives oubliées.

S’agissant des délais de communication des documents portant sur la vie privée et la réputation des personnes, nous nous réjouissons qu’une solution de compromis ait pu être trouvée avec nos collègues députés.

Loin de vouloir dégrader les conditions d’accès aux archives par dérogation et de vouloir chercher à consacrer « le culte du secret » comme ont pu, à tort, l’affirmer certains historiens, notre assemblée, dans la sagesse qui la caractérise, a cherché à concilier la nécessité d’ouverture des archives au bénéfice de la collectivité et l’impératif de protection des données individuelles et personnelles.

Sous réserve de ces observations et pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera le projet de loi ordinaire relatif aux archives, comme il vient de le faire s’agissant du projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?….

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s’abstient !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le groupe CRC vote contre !

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
 

8

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Discussion générale (suite)

Lutte contre les discriminations

Adoption définitive des conclusions modifiées du rapport d’une commission mixe paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (nos°324).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 1er

Mme Muguette Dini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre commission mixte paritaire s’est réunie mardi dernier pour établir un texte commun sur les six articles qui restaient en discussion de ce projet de loi de transposition en matière de lutte contre les discriminations. Elle a apporté plusieurs modifications au texte adopté par le Sénat.

Elle a supprimé l’article additionnel résultant de l’amendement déposé au Sénat par le président Jean-Jacques Hyest, cette disposition ayant, entre-temps, été intégrée par l’Assemblée nationale dans la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile.

Elle a étendu aux instituts de prévoyance la possibilité de pratiquer des tarifs différenciés en fonction du sexe en matière de contrats d’assurance vie et de prévoyance, alors que ce droit était jusque-là réservé aux assurances et aux mutuelles.

Surtout, elle a souhaité rétablir une définition des discriminations plus proche de celle qui figure dans les directives communautaires que celle que nous avions retenue.

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous livrer mon sentiment personnel sur le texte tel qu’il résulte de nos travaux.

Je dois avouer que je reste plutôt réservée sur deux points.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Moi aussi !

Mme Muguette Dini, rapporteur. D’abord, tel qu’il est écrit, le texte présente à mon sens le risque de transformer peu à peu notre société républicaine en société communautariste. Ensuite, on ne peut exclure qu’il constitue une sorte de porte ouverte aux procès d’intention. Je suis désolée de n’avoir pu convaincre nos collègues députés de la réalité de ces deux écueils.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quand on est trop docile, on travaille mal !

Mme Muguette Dini, rapporteur. Si je soutiens que ce texte n’est pas exempt de tendances communautaristes, c’est parce qu’il laisse entendre qu’une inégalité de traitement est toujours due à une discrimination. Il risque donc d’inciter chacun d’entre nous, lorsqu’il subira ce qui lui semblera être une injustice, à faire valoir sa couleur de peau, le fait d’être une femme ou un homme, son origine ou son orientation sexuelle pour obtenir réparation.

Ne doit-on pas craindre que ce projet de transposition, en raison de la philosophie qui le sous-tend, conduise chacun à s’enfermer dans ses différences, petites ou grandes ? Je ne voudrais pas qu’il nous incite à adopter systématiquement une position de victime, à nous montrer a priori suspicieux les uns vis-à-vis des autres.

Avec les définitions que nous allons retenir des différents types de discrimination, nous prenons le risque de préparer une société de méfiance dans laquelle chacun sera toujours ramené à ce qui l’éloigne et le différencie des autres. Je préférerais l’image d’une société française composée de citoyens égaux en droits, plutôt qu’une juxtaposition de groupes hétérogènes et hostiles les uns aux autres.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. A priori !

Mme Muguette Dini, rapporteur. La seconde de mes inquiétudes se rapporte au fait que le texte légalise en quelque sorte les procès d’intention, en permettant de condamner d’avance des conséquences hypothétiques de comportements présumés discriminatoires.

Grâce à deux amendements adoptés à l’unanimité en commission et à la majorité en séance, nous avions au Sénat limité les risques d’une telle dérive, laquelle n’est pas tout à fait conforme à notre conception du droit. Or les formulations d’origine ont été rétablies en partie en commission mixte paritaire. Il en résulte des dispositions qui laissent perplexe.

Par exemple, le texte prévoit désormais que « constitue une discrimination directe la situation dans laquelle [pour un motif prohibé] une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été ». C’est donc d’un événement futur, et par définition non avéré, qu’il s’agit.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Futur dans le passé !

Mme Muguette Dini, rapporteur. De même, la discrimination indirecte sera caractérisée lorsque l’on se trouvera en présence d’« une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner [pour un motif prohibé] un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes ». Cette notion de « susceptibilité » n’est-elle pas encore plus singulière ?

Finalement, avec ces définitions, on ne peut exclure qu’une personne soit condamnée non pas pour des faits qu’elle aura commis, mais pour des faits qu’elle serait, d’après le juge, susceptible de commettre.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par pensée ! Par omission !

Mme Muguette Dini, rapporteur. Il appartiendra donc à la jurisprudence de faire la part des choses. Je veux croire que tel sera bien le cas, même si l’on ne simplifie guère la tâche des magistrats !

Permettez-moi de dire également un mot sur la disposition qui a été largement débattue à l’Assemblée nationale comme au Sénat et qui est relative à la possibilité d’organiser des enseignements en regroupant les élèves selon leur sexe.

Certes, elle ne modifie pas fondamentalement l’état du droit en vigueur, lequel prévoit que « les classes maternelles et élémentaires sont mixtes » et que « les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur […] contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes ». Mais nous allons ainsi passer de la simple possibilité d’organiser des classes unisexes, ce qui est l’état actuel du droit, à l’impossibilité d’interdire les classes unisexes, ce qui n’est évidemment pas la même chose et me paraît plus une régression qu’un progrès.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est au Gouvernement qu’il faut adresser ce reproche, pas à la commission mixte paritaire !

Mme Muguette Dini, rapporteur. Vous l’aurez compris, j’aurais préféré que cette transposition soit effectuée d’une manière plus en phase avec notre droit et notre manière de concevoir les relations humaines.

En dépit du fait que les positions que j’ai défendues n’ont pas été majoritaires au sein de la commission mixte paritaire, je reste évidemment respectueuse des règles de fonctionnement de notre République. Je vous propose donc, mes chers collègues, de vous en remettre à la décision de sa majorité et de voter ce texte tel qu’il vous est soumis aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de lUMP.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est gentiment dit !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Monsieur le président, madame le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici donc arrivés au terme de la discussion de ce projet de loi, qui a pour objet de poursuivre la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire relatif à l’égalité de traitement et à la lutte contre les discriminations.

Vous allez dans quelques instants, je le souhaite, voter ce texte dont je suis certaine qu’il constituera une nouvelle étape importante vers l’amélioration de la protection des personnes.

Je voudrais au préalable vous remercier, madame le rapporteur, du travail très argumenté que vous avez accompli sur ce projet de loi. Vous avez apporté à ces travaux une très grande rigueur et une très fine capacité d’analyse sur des sujets qui touchent le plus profond de la nature humaine. Je souhaite saluer en particulier la manière dont vous vous êtes impliquée, avec la fougue et la détermination que nous vous connaissons, dans cette tâche qui constitue votre premier exercice en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales.

Le texte que vous allez examiner, mesdames, messieurs les sénateurs, va nous permettre de compléter la transposition de trois directives communautaires relatives à l’égalité de traitement, dont la Commission estime qu’elle a été insuffisante. Il transpose également la directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services.

Je me félicite des améliorations apportées au texte à l’occasion des débats que nous avons eus dans les deux assemblées.

Un certain nombre de propositions, formulées sous forme d’amendements, n’ont pas été retenues dans la version finale, même si elles ont pu donner lieu à des échanges qui étaient riches de sens.

Restait en discussion, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, un nombre limité de points de divergence entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Je me réjouis que les commissaires présents aient pu aboutir à un texte qui me semble respectueux tout à la fois des positions défendues par chaque assemblée et des demandes de la Commission européenne qui nous avait, par ses avis motivés, rappelés à l’ordre de manière précise.

Je me félicite que les positions de compromis qui se sont dégagées en commission mixte paritaire nous permettent d’arriver à un texte tout à fait équilibré.

Sur la question des définitions, je souhaite en préambule expliquer à nouveau les raisons de la position défendue par le Gouvernement. Aux termes de l’article 249 du traité CE, une directive lie les États membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens de sa mise en œuvre.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il aurait fallu le répéter avant !

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Il résulte de ces dispositions que les États membres sont libres, dans le cadre de l’adoption des mesures nationales d’exécution, d’en déterminer la nature, la forme et le contenu.

Pour autant, les États membres n’en sont pas moins tenus d’assurer le plein effet de la directive, conformément aux objectifs fixés par celle-ci. Il importe dès lors que les mesures de transposition soient suffisamment claires et précises pour que les bénéficiaires de la directive puissent pleinement se prévaloir des droits qui en résultent. En conséquence, les mesures de transposition doivent être traduites fidèlement en droit interne, soit par des dispositions identiques, soit par des dispositions d’effet équivalent à celles des directives.

Ces principes, posés par la jurisprudence de la Cour de justice, conduisent à privilégier la méthode de la transposition par recopie en ce qui concerne les mesures d’harmonisation ou les dispositions comportant des notions propres au droit communautaire, en particulier les définitions. Des recommandations en ce sens ont été formulées non seulement par la Commission, mais également par le Conseil d’État dans son rapport, adopté le 22 février 2007, intitulé : « Pour une meilleure insertion des normes communautaires dans le droit national ».

Dans le cas précis des définitions ayant trait à la discrimination, force est de constater que les notions retenues sont spécifiques au droit communautaire et qu’aucune disposition équivalente n’existe en droit interne. Les principes généraux d’interprétation des notions relatives aux discriminations ne couvrent pas pleinement le champ des définitions posées par les directives communautaires. C’est sur la base de cette analyse, partagée par le Conseil d’État, que le Gouvernement avait estimé souhaitable d’opter pour une recopie des définitions contenues dans les directives.

Cette remarque liminaire une fois faite, je souhaite vous remercier tout particulièrement pour l’adoption, à l’article 1er, de définitions de la discrimination directe comme indirecte qui allient respect des directives et prise en compte des exigences de notre législation nationale.

En conservant la triple temporalité, la définition de la discrimination directe se conforme à la demande précise formulée par la Commission européenne.

En restant fidèle, pour la définition de la discrimination indirecte, aux termes du droit communautaire, vous allez permettre la suppression de certaines normes dès leur adoption, avant même leur mise en œuvre, lorsque l’on aura pu établir par des projections qu’elles seraient préjudiciables à un groupe de population faisant l’objet d’une protection.

Pour illustrer ce propos, je prendrai un exemple simple. Imaginons un organisme de crédits proposant un taux de 3 % pour les personnes travaillant à temps plein et de 4,5 % pour celles à temps partiel. On sait que ce sont très majoritairement des femmes qui travaillent à temps partiel et donc qu’une telle mesure serait discriminatoire à leur encontre. Grâce au dispositif prévu par la directive, le juge pourra faire cesser une telle discrimination avant même qu’elle n’ait produit ses effets.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Faire cesser quelque chose qui n’a pas encore commencé, c’est beau ! (Sourires.)

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. La formule communautaire possède en effet le mérite d’indiquer au juge le caractère dynamique et approfondi que doit prendre son analyse de l’existence ou non d’une discrimination. C’est à l’évidence un dispositif très protecteur.

En ce qui concerne l’article 7, le Gouvernement se félicite du choix de la commission mixte paritaire de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale en ce qui concerne les différences de traitement fondées sur l’âge. Les précisions apportées à la notion de but légitime permettent en effet de mieux expliciter la nature des différences de traitement autorisées afin de prendre en compte les spécificités liées à l’âge. Ces précisions figurent dans la directive et elles nous paraissent, une fois de plus, de nature à apporter de plus grandes garanties aux personnes, notamment devant le juge.

Cette étape législative ne clôt bien évidemment pas le chantier de la lutte contre les discriminations et, comme j’avais déjà eu l’occasion de le rappeler lors du premier examen devant votre assemblée, le Gouvernement n’avait pas choisi de faire de ce projet de loi de transposition un instrument d’approfondissement ou de réorientation de la politique de lutte contre les discriminations en France. Les délais imposés par les échéances de transposition et les procédures en cours ne nous en laissaient pas le temps alors que, précisément, l’amplitude des champs couverts est immense et que la matière supporte moins qu’aucune autre l’approximation.

Cela ne signifie pas que nous ne souhaitons pas continuer à agir avec force, car ce combat pour l’égalité des chances, le Gouvernement auquel j’appartiens veut le mener avec détermination. Comme je l’avais indiqué, nous reviendrons bientôt devant vous avec un projet de loi sur le statut du beau-parent. Nous vous présenterons également un projet de loi sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui s’inscrira dans le prolongement de la conférence organisée le 26 novembre dernier, à la demande du Président de la République et en concertation étroite avec les partenaires sociaux. Ce projet de loi est en préparation ; il incitera les entreprises à s’acquitter de leurs obligations légales en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes avant le 31 décembre 2009, sous peine de sanctions financières. Il s’agit pour nous de supprimer les discriminations inadmissibles dont sont encore victimes les femmes en matière de rémunération.

La préparation de ce texte s’accompagne d’une série de travaux qui favoriseront la négociation collective dans les entreprises sur ce sujet. Un rapport sur la simplification du rapport de situation comparée des femmes et des hommes a été présenté aux partenaires sociaux. Au vu de ses conclusions et des observations formulées par ceux-ci, un rapport de situation comparé amélioré sera très prochainement mis à la disposition des entreprises. Le rapport actuel n’est en effet utilisé que par un tiers des entreprises du fait de sa complexité.

Nous vous proposerons prochainement de ratifier la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui sera également ratifiée par la Communauté européenne.

En matière de lutte contre les violences faites aux femmes, un nouveau plan a été adopté pour la période 2008-2010 et, dans ce cadre, j’ai créé une commission de réflexion sur l’image des femmes composée de professionnels des différents secteurs des médias. Cette commission est chargée de définir les principes qu’il convient d’observer pour mettre un terme aux dérives dues aux représentations stéréotypées des femmes. Elle remettra son rapport à l’automne et ses conclusions nous guideront pour proposer des mesures concrètes afin de répondre à cette problématique qui est au cœur du phénomène de discrimination envers les femmes.

Je veux enfin vous dire que notre engagement en faveur de l’égalité des chances sera au cœur de la présidence française de l’Union européenne. Nous avons été mobilisés contre les discriminations en 2007, année européenne de l’égalité des chances ; nous le serons aussi en 2008. Nous avons d’ailleurs prévu d’organiser, à la fin du mois de septembre 2008, un sommet européen pour l’égalité des chances qui fera écho à la manifestation du même type organisée en 2007.

Par ailleurs, nous apporterons à la Commission le soutien qu’elle peut attendre de la présidence en exercice pour la mise en œuvre des mesures qu’elle devrait proposer, au cours du second semestre 2008, dans une communication sur l’égalité des chances. Nous soutiendrons ainsi la proposition de directive interdisant les discriminations fondées sur le handicap en matière d’accès aux biens et services que présentera la Commission en juin prochain.

La présidence slovène est très mobilisée sur ce thème et est prête à préparer le terrain à l’occasion de la conférence ministérielle sur le handicap qu’elle organisera le 23 mai prochain.

L’enjeu est de définir des normes d’accessibilité au niveau européen, pour faire de l’Europe « le continent le plus accessible au monde ». Ces négociations ne seront pas faciles. Les réticences sont fortes car les coûts de mise en conformité peuvent être importants et, dans un tel domaine, les États membres votent à l’unanimité.

Comme vous pouvez le constater, notre feuille de route est longue et dense, mais vous pouvez compter sur notre détermination à faire avancer la lutte contre toutes les formes de discrimination, au niveau national comme au niveau européen.

Nos travaux et votre vote, mesdames, messieurs les sénateurs, vont nous permettre de franchir une étape importante. Je vous donne rendez-vous pour les étapes législatives ultérieures et j’espère pouvoir compter sur votre soutien.

Je tenais enfin à remercier non seulement M le président de la commission des affaires sociales et Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes du travail qui a été accompli, mais aussi toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce débat en l’enrichissant. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.))

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai déjà exprimé, lors de la discussion générale en première lecture, les réserves que m’inspirait ce projet de loi. J’y reviendrai brièvement.

De par sa forme et les dispositions qu’il contient, ce texte ne constituera pas une avancée majeure dans la lutte contre les discriminations dans notre pays.

Comme l’indique d’ailleurs honnêtement l’exposé des motifs, ce texte ne vise en effet qu’à transposer dans notre droit des dispositions de directives dont l’absence de transposition a valu à la France plusieurs mises en demeure de la Commission européenne. Encore ne s’agit-il que d’une transposition a minima. Le Gouvernement n’a donc fait inscrire ce texte à l’ordre du jour du Parlement que pour répondre aux injonctions répétées de la Commission et éviter les risques de condamnation de la France pour carence à la veille de la présidence française de l’Union !

Si nous pouvons facilement comprendre ce souci, il ne me semble pas que cette transposition à la va-vite soit pour autant satisfaisante. Le texte qui nous est présenté se contente de répondre, point par point, aux observations de la Commission ; il n’est en aucun cas le fruit d’une volonté du Gouvernement de répondre concrètement au phénomène des discriminations.

Dans un pays qui a inscrit l’égalité dans sa devise, il est dommage qu’il faille attendre des menaces de condamnation par l’Europe pour légiférer sur cette rupture d’égalité massive que constituent les discriminations !

Cette absence d’approche globale en matière de lutte contre les discriminations est patente dans la forme même du texte, qui ne présente aucune cohérence. Il s’agit simplement d’un empilement de mesures hétéroclites. Le Gouvernement aurait dû, selon moi, saisir l’occasion de cette transposition pour légiférer de façon plus globale et plus cohérente sur les problèmes de discrimination et d’égalité, notamment pour reprendre les recommandations récemment formulées par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE.

En vérité, ce texte ne fait que complexifier encore notre droit en matière de discriminations.

Ainsi, en reprenant mot à mot les définitions communautaires, l’article 2 introduit un traitement différencié en fonction de la nature des discriminations. Ce « différentialisme » est parfaitement étranger à la conception française du principe d’égalité, qui se veut plus universaliste. De plus, ce texte introduit des définitions différentes des discriminations selon les codes, ce qui rendra encore plus illisible la législation en la matière.

Les discriminations constituent aujourd’hui un phénomène massif dans notre société, en ce qui concerne tant l’emploi que les loisirs ou le logement. Nombre de nos concitoyens sont quotidiennement « discriminés » en fonction de leur sexe, de leur origine, de leur religion, de leur orientation sexuelle ou de leur état de santé. Cet enjeu majeur de cohésion sociale aurait mérité une législation autrement plus ambitieuse que celle que vous nous proposez, madame la secrétaire d’État.

L’absence de volonté du Gouvernement de faire réellement progresser la lutte contre les discriminations et votre refus de voir le Parlement légiférer réellement à ce sujet sont encore plus évidents après les conclusions de la commission mixte paritaire. Le Gouvernement montre ainsi quelle considération il a pour les travaux de la représentation nationale !

En effet, certains amendements étaient compatibles avec les dispositions communautaires, mais vous avez cru bon de les ignorer. J’en veux pour preuve le rétablissement du 9e alinéa de l’article 2, prévoyant que le contenu des médias et de la publicité est exclu du champ d’application de l’interdiction de discriminations fondées sur le sexe dans la fourniture de biens et services. Vous nous dites, madame la secrétaire d’État, que vous avez engagé un travail sur cette question, mais nous aurions pu gagner du temps si ces amendements avaient été retenus.

La suppression de cet alinéa a pourtant été réclamée tout à la fois par la commission, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes et la majorité des groupes politiques, et elle a été adoptée à une écrasante majorité. Notre assemblée pensait, en effet, que cette disposition, qui ne répondait pas à une exigence communautaire, allait à l’encontre de notre souci de lutter contre les préjugés et les stéréotypes sexistes dans les médias et la publicité. Mais cette maigre avancée législative n’était pas de votre goût !

Outre ces réserves, votre texte m’inspire une autre inquiétude, madame la secrétaire d’État.

Comme je l’ai déjà dit, le Gouvernement a, de façon constante, présenté ce projet de loi comme un simple texte de transposition et s’est opposé aux amendements parlementaires qui allaient au-delà de cet objectif. Pourtant, votre texte contient une disposition que ne commandait aucune directive et dont personne ne sait pourquoi elle a été dissimulée dans ce projet – je m’étonne d’ailleurs, madame la secrétaire d’État, que vous n’ayez pas évoqué ce point, qui a donné lieu à débat –, je veux parler de la disposition de l’article 2 du projet de loi qui autorise l’organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe.

Étrangement, personne dans ce Gouvernement ne revendique cette disposition, et il a été impossible, lors du débat parlementaire, d’obtenir plus d’informations sur son objectif et sa visée.

Une fois de plus, l’Europe a bon dos ! En effet, contrairement aux allégations du Gouvernement, aucune des directives à transposer ne comportait de disposition de ce genre. Je soulignerai en particulier que le domaine de l’éducation a été expressément exclu du champ d’application des textes communautaires.

La réalité, c’est que cette disposition a été dissimulée dans ce texte par le Gouvernement, qui une fois de plus, pour éviter un débat parlementaire approfondi, s’est camouflé derrière de prétendues exigences européennes.

Vous savez bien, madame la secrétaire d’État, qu’aucun ministre de l’éducation n’aurait eu l’audace d’inscrire dans nos textes, même par voie de circulaire, une telle atteinte au principe de mixité scolaire. S’il l’avait fait, il se serait immédiatement exposé à la foudre des organisations laïques et des syndicats de l’enseignement.

Au Sénat, tous les groupes parlementaires, la délégation aux droits des femmes, ainsi que la commission étaient d’accord pour supprimer cette disposition. Or, contre toute attente, le Gouvernement a maintenu sa position, sans aucune explication.

Cet épisode en dit long sur la liberté de parole et d’amendement de la majorité et augure mal de la façon dont on entend donner plus de pouvoir au Parlement !

La mixité, madame la secrétaire d’État, est un acquis fragile et ses détracteurs invoquent principalement trois arguments.

Le premier, d’ordre pédagogique, met en évidence le frein que peut constituer la mixité aux performances respectives des filles et des garçons.

Le deuxième, d’ordre social, souligne la montée des violences dans les établissements, notamment les violences sexuelles.

Le troisième, enfin, que l’on peut classer, faute de mieux, dans la catégorie « morale », déplore l’indécence qu’il y aurait, pour les garçons et les filles, à suivre des cours en commun.

La délégation aux droits des femmes du Sénat s’était saisie de cette question en 2004. Elle avait conclu que les réponses aux problèmes soulevés se trouvaient non pas dans la ségrégation, mais dans la formation des enseignants, l’encadrement éducatif, le contenu des manuels scolaires et surtout dans la volonté politique d’accompagner les jeunes femmes dans des choix d’orientation professionnelle dont elles ont tendance à s’auto-exclure.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je suis bien d’accord !

Mme Bariza Khiari. J’en suis d’autant plus désolée !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous reviendrons sur ce sujet ultérieurement ; il n’avait pas de rapport avec le texte dont nous discutons aujourd’hui.

Mme Bariza Khiari. Cela me rassure, monsieur About, et je suis sûre que Mme la secrétaire d’État n’en pense pas moins…

Au-delà de la valeur émancipatrice de la mixité, l’apprentissage du « vivre ensemble » commence dès l’école. C’est aussi à ce titre que la mixité est un principe à préserver. Cette mesure semble sortie de nulle part et personne n’a le courage de la revendiquer. Rien ne permet d’expliquer sa présence, alors que tous les protagonistes du débat parlementaire souhaitaient la voir disparaître. Au demeurant, son adoption ne constitue pas un faux pas ou un cafouillage. Au contraire, cette attaque contre la mixité semble issue d’une volonté déterminée, mais non avouée ! Ainsi, au plus haut niveau, on continue d’affirmer la supériorité du curé sur l’instituteur…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah !

Mme Bariza Khiari.… dans la transmission des valeurs.

On a voulu imposer les statistiques ethno-raciales, instrument fort utile pour gommer la question sociale et renvoyer les causes de la délinquance à l’origine ethnique.

Par ailleurs, nous venons d’apprendre que le Gouvernement vient de créer un fonds spécial pour aider les écoles confessionnelles à créer de nouvelles classes dans les quartiers défavorisés, alors que l’école laïque et républicaine y manque cruellement de moyens.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Bariza Khiari. Aujourd’hui, en donnant la possibilité de déroger au principe de mixité dans l’éducation, on s’en prend une fois de plus à notre modèle laïque et républicain.

Si, avec tant d’autres Européens fervents, j’ai combattu les dérives libérales et parfois conservatrices de l’Europe, en l’occurrence, je ne peux pas laisser dire que c’est la faute à Bruxelles !

Laïcité, égalité, mixité : ce continuum, socle de notre modèle républicain, ne cesse de subir des attaques.

C’est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas ce texte, et je ne parle pas du rejet de l’amendement portant sur le bilan social ni de celui qui concernait les délais de prescription en matière de discrimination.

Toutefois, comme il nous serait très difficile de voter contre un texte dont l’objet est de permettre de lutter contre les discriminations, le groupe socialiste s’abstiendra, madame la secrétaire d’État, et j’espère, monsieur About, que nous reviendrons sur la question de la mixité à l’école.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il y a quelques semaines, le sénat examinait un texte intitulé : « Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ».

À l’énoncé d’un tel titre, bien long au demeurant, nous aurions pu espérer un projet de loi ambitieux, utile pour celles et ceux qui, au quotidien, sont victimes de discriminations inacceptables. Las, tel n’est pas le cas du texte que vous nous proposez d’adopter aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, après la réunion de la commission mixte paritaire, qui n’a finalement fait que remettre au goût du Gouvernement ce que le Sénat avait voulu modifier. Cela ne suffira pas à répondre aux exigences, pourtant bien légitimes, de millions de nos concitoyens.

En effet, la HALDE dénombre, dans son récent rapport, pas moins de dix-huit critères de discrimination, c’est-à-dire au moins autant de situations d’exclusions, tant il est vrai que le fait de discriminer constitue avant tout un acte de grande violence qui a pour objet, et bien souvent pour effet, de marginaliser, de mettre au ban, cet « autre », à qui l’on reproche de ne pas être comme on voudrait, comme la norme le voudrait.

En ce sens, l’analyse qui tend à faire croire qu’il y aurait des discriminations moins inacceptables, moins scandaleuses et moins violentes que d’autres est trompeuse. En effet, chaque discrimination subie renvoie purement et simplement celle ou celui qui en est victime à une vision déformée de son altérité et le place irrémédiablement dans le « camp des différents », étant entendu qu’il n’y a pas discrimination sans jugement.

En décidant de lutter contre toutes les formes de discriminations, la représentation nationale tente d’agir sur cela en favorisant l’émergence d’un concept avec lequel nous ne pouvons transiger : le « vivre ensemble ». Il s’agit non pas d’éduquer des citoyens capables de vivre côte à côte, quand bien même ils se toléreraient, mais bel et bien de donner les outils politiques et, n’ayons pas peur des mots, culturels, ou encore scientifiques, pour que, enfin, nous vivions les uns avec les autres. Il s’agit de construire un monde où chaque femme, chaque homme serait reconnu non sur sa particularité, mais sur une généralité en droit, un monde où vivre cet « en commun » n’est ni le clonage ni le formatage des individus, mais la capacité de vivre avec un autre, différent.

Certains diront qu’il s’agit d’une utopie. Oui, effectivement, si l’on comprend l’utopie dans son sens latin premier, utopia, ce qui n’a pas été encore réalisé, « ce monde qui n’existe nulle part » mais auquel, au fond, nous tentons tous d’accéder.

C’est à l’aune de cette exigence qu’il nous faut examiner ce projet de loi : participera-t-il demain à l’émergence d’une société nouvelle ? C’est à regret, croyez-le, que je dois répondre par la négative.

Comment aurait-il pu en être autrement ? Lors de la première lecture, ma collègue Annie David regrettait déjà le contexte dans lequel ce projet de loi nous était présenté. Il ne s’agissait pas principalement de répondre aux attentes légitimes de celles et ceux qui subissent chaque jour un traitement différencié en raison de leurs origines, de leurs patronymes, de leurs modes de vie, de leur situation de santé, de leurs orientations sexuelles, syndicales ou religieuses. Non, il s’agissait de faire bonne figure devant nos partenaires européens et d’éviter que la France ne soit, une fois encore, sanctionnée pour défaut de transposition à l’instant où Nicolas Sarkozy prend la présidence de l’Union européenne. Et cela se ressent profondément dans ce projet de loi, qui ne traite la discrimination que sur son aspect technique, au mépris total du ressenti de nos concitoyens.

Il aura définitivement manqué à ce texte le souffle humaniste. Sans doute est-ce là, et je le regrette, la conséquence d’un certain entêtement à n’appréhender ce projet de loi que d’une manière technique, le déclarant d’urgence alors que rien n’y obligeait et sans que soient reçues les associations qui auraient pourtant eu bien des choses à dire.

Que dissimule une telle précipitation ? Un temps, nous avons cru que le seul argument de l’impératif européen et de la présidence de l’Union suffisait à l’expliquer. Puis, les travaux avançant, les échanges se faisant, nous avons compris que le Gouvernement voulait éviter à la Haute Assemblée et, plus globalement, à la représentation nationale un réel débat sur les causes, les conséquences, les outils de lutte et sur les notions même de discrimination. Il ne voulait pas faire vite, il voulait éviter un débat d’ampleur qui aurait pu grandir avec le temps et le contraindre à des reculs qu’il ne voulait pas accepter. Ainsi s’explique l’urgence.

De la même manière, nous ne pouvons nous satisfaire du veto ministériel opposé à presque tous nos amendements, au motif que les directives européennes n’avaient pas prévu ce que nous proposons et qu’il fallait en rester à une stricte transposition. Mais alors, que n’avez-vous appliqué cette règle à votre propre rédaction, vous qui avez eu l’audace d’introduire, au détour de l’article 2, une disposition qui ne figure dans aucune des directives communautaires à transposer, et pour cause : cet alinéa prévoit la possibilité d’organiser des enseignements non mixtes ! C’est tout simplement contradictoire avec les objectifs même des directives que nous étions censés transposer.

En réalité, l’attitude du Gouvernement sur ce projet de loi fait écho à celle qu’il a eue lors de l’adoption récente du projet de loi de modernisation du marché du travail. Tantôt, il ne faudrait pas amender un projet de loi parce qu’il est issu d’une négociation avec les partenaires sociaux ; tantôt, il faudrait se contenter d’un simple copier-coller, car le projet de loi est d’inspiration communautaire.

À deux reprises, vous avez ainsi voulu réduire le rôle du Parlement à celui d’une simple chambre d’enregistrement, ce que nous ne pouvons comprendre ! C’est la raison pour laquelle nous avions déposé pas moins de vingt et un amendements, considérant, en outre, que votre projet de loi n’était pas de nature à résoudre les situations discriminantes subies par nos concitoyens.

Or, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une directive, c’est, avant tout, la définition d’une conduite à mener, d’un objectif à atteindre. Les législateurs nationaux ne sont donc pas liés. Ils doivent, certes, transposer en droit interne et veiller au respect des orientations qui la caractérisent. Mais, à côté de ce devoir, réside une liberté, celle de prendre les mesures utiles pour rendre les directives effectives et les améliorer afin que le texte qui en résulte soit de pleine application. C’est ce droit que vous avez voulu restreindre en refusant de discuter sur le bien-fondé de nos amendements, sous le prétexte d’une interprétation très particulière du droit communautaire.

Ne croyez pas, madame la secrétaire d’État, que ces critiques ne soient que de pure forme, elles reposent sur le fond.

Ainsi, avez-vous rejeté les amendements que nous avions déposés visant à préciser les définitions des différentes discriminations. Il est regrettable, par exemple, que vous ayez refusé de transposer intégralement la définition du harcèlement sexuel. Cela ne sera pas sans conséquences pour les victimes de harcèlement sur leurs lieux de travail. Elles seront contraintes d’invoquer le seul harcèlement sexuel, alors que la directive européenne reconnaissait le harcèlement sexiste.

Cette même obstination à refuser la rédaction d’une définition unique du harcèlement, large dans son contenu, se traduit inéluctablement par une hiérarchisation inacceptable des discriminations. S’il est prohibé de discriminer dans l’accès au logement en raison des origines, le projet de loi reste muet pour ce qui est de la discrimination liée à l’état de santé ou aux orientations sexuelles. Cette hiérarchisation est d’autant plus inacceptable que, dans ces situations différentes, c’est toujours le même mécanisme d’exclusion qui se met en œuvre.

Ce débat aura au moins eu le mérite de faire naître sur le sujet une réelle discussion ; effectivement, tout traitement différencié n’est pas discriminatoire, mais reconnaissez que la limite est mince, car toute discrimination est nécessairement caractérisée par un traitement différencié.

Malgré leur opposition résolue à la méthode et bien que constatant l’insuffisance de ce projet de loi, les membres du groupe communiste républicain et citoyen étaient disposés à s’abstenir. Mais c’était sans compter avec l’insertion scandaleuse du dernier alinéa de l’article 2, qui prévoit, ni plus ni moins, l’autorisation légale de revenir dans les écoles à la ségrégation en fonction des sexes. Ce retournement philosophique et historique motive à lui seul l’opposition du groupe CRC. Vous comprendrez donc que je prenne quelques minutes pour approfondir ce qui me paraît être un renoncement inacceptable à l’école du XXIe siècle que nous étions – je le croyais – déterminés à construire.

En effet, quelle étonnante disposition que celle-ci ! Elle apparaît dans ce projet de loi alors même qu’elle n’était contenue dans aucune directive. Curieuse apparition dans un projet de loi qui n’avait pour seule et unique vocation que de transposer, et rien que transposer, les directives communautaires, alors que – je me permets de vous citer, madame Dini – « cette disposition est hors champ de la directive et est contraire à la volonté de lutter contre les discriminations » ! Et comment ne pas faire siens les propos du président About, qui déclara en commission que « la mesure n’était pas acceptable, car elle pourrait conduire à exclure les filles de l’accès à l’éducation ou les astreindre à certaines filières de formation » ? Tout est dit, je crois, sur les objectifs de la mixité scolaire.

Curieusement, malgré l’opposition de Mme la rapporteur, de bon nombre de nos collègues de l’UMP, de la délégation aux droits des femmes, de l’opposition, cette disposition a été entérinée !

Quel est donc le reproche fondamental fait à l’école mixte ? Car si cette disposition a été adoptée, ce n’est pas pour satisfaire les établissements possédant des internats. Ils parviennent déjà à s’organiser correctement. Et l’on ne peut légitimement justifier une mesure législative pour une seule école, serait-ce celle de la Légion d’honneur !

Il faut dire que nombreux sont ceux qui défendent un retour au passé, à une conception ancienne de l’éducation, revenant pêle-mêle à la morale, à la blouse grise, à l’enseignement réduit à des fondamentaux et, avec cet article 2, à la séparation entre les sexes pour certains enseignements…

J’ai en mémoire l’argument développé par le sociologue Michel Fize selon lequel, en somme, la présence de jeunes filles dans les classes influe sur le comportement et le résultat des jeunes garçons. Mais enfin, rien, aucun élément scientifique ne vient corroborer ces propos. Cela renvoie indirectement à la position machiste qui suggère que les femmes qui travaillent usurpent le travail des hommes !

Je reconnais toutefois qu’un contexte favorable à ce type de conception sexuée de l’éducation – et je ne dis pas sexiste – se trouve, précisément, dans ce qui a présidé à la création de l’école mixte, c’est-à-dire non un désir d’émancipation, d’égalité, mais un état d’esprit que définit en ces termes une circulaire de 1957 : « La crise de croissance de l’enseignement secondaire nous projette dans une expérience que nous ne conduisons pas au nom de principes mais pour servir les familles au plus proche de leur domicile ». On a ainsi construit la mixité autour d’une conception utilitariste, sans l’avoir, au préalable, pensée dans ses fondements.

Certes, l’école mixte n’est, hélas, pas parvenue à réduire, à elle seule, le sexisme de notre société. Elle a, toutefois, eu le mérite de permettre aux jeunes filles d’accéder à des enseignements qu’elles se voyaient jusqu’alors refuser. Progressivement, l’école est devenue le reflet d’un monde bisexué affirmant la coexistence des sexes.

Aussi, nous refusons qu’en une ligne un projet de loi fasse le procès de la mixité, car, si l’on doit faire un reproche à la mixité, ce n’est pas son existence, c’est le manque de moyens engagés pour la faire vivre autrement. C’est la raison pour laquelle le groupe CRC ne cesse de proposer des amendements visant à confier à l’école une mission pédagogique et à dispenser aux enseignants les formations nécessaires pour réussir dans cette mission.

Nous sommes rejoints dans cette proposition par Mme Marie-Jeanne Philippe. En effet, lors de son audition, mercredi 30 avril, Mme Philippe a estimé nécessaire que soit dispensée une formation particulière aux enseignants en la matière et a souhaité que des modules de formation adaptés, lesquels existent déjà dans certains instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, soient, à l’avenir, généralisés dans la totalité de ces établissements.

Vous comprendrez donc que nous ne pouvons nous satisfaire de la position de M. André Blandin, secrétaire général adjoint de l’enseignement catholique, qui affirme : « Nous ne souhaitons pas remettre en question la mixité, mais en faire une véritable éducation à la différence et une ressource éducative. Il y a des écarts de maturité évidente au collège qu’il faut prendre en compte. De même, quand des adolescents de 13 ans sont condamnés pour agression sexuelle, on peut se demander si on a vraiment tout fait pour éviter cela ». Ainsi s’interroge ce brave homme !

Drôle de raisonnement que d’expliquer des faits de viols par la simple présence de jeunes filles ! C’est ainsi que, une fois encore, on culpabilise les femmes ayant subi des violences sexuelles en les accusant soit de les avoir provoquées – on connaît la vieille rengaine ! – soit, tout simplement, d’avoir côtoyé de jeunes hommes. Cette seule phrase est, je crois, la preuve qu’il nous faut investir en moyens et en concepts pour la mixité. Il ne faut pas la mettre à bas. Elle n’est pas la cause des défaillances scolaires ; la mixité est en soi une évidence et la réalité de toute société.

Les membres du groupe CRC regrettent également que vous n’ayez pas retenu leurs amendements visant à renforcer la HALDE, pour en faire un véritable outil de lutte contre les discriminations.

Pourtant, un rapport des Nations unies, intitulé « Promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels », remis par Mme Gay McDougall, experte indépendante, pointe précisément ces insuffisances. Elle en fait d’ailleurs l’objet d’une de ses recommandations en son point 78, en précisant : « La législation antidiscrimination de la France devrait être modifiée de façon à permettre de sanctionner les pratiques discriminatoires par des peines et des amendes suffisamment lourdes pour être dissuasives. Elle devrait également être modifiée – et ce point me paraît le plus important – de façon à renforcer les pouvoirs de sanctions de la HALDE en cas de non-versement de l’amende transactionnelle ». Or le projet de loi prend, madame la secrétaire d’État, le contre-pied total de cette orientation !

Vous comprendrez que le groupe communiste républicain et citoyen vote contre ce texte et, en ce centenaire de la naissance de Simone de Beauvoir, je vous recommande, madame, mes chers collègues, – vous l’avez d’ailleurs sûrement déjà lu – de relire Le Deuxième Sexe. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ayant été interpellé par les uns et les autres, je souhaite apporter quelques réponses.

En écoutant avec grand intérêt notre collègue Bariza Khiari, je pensais que le soutien des sénateurs socialistes et du groupe CRC aurait été bien précieux lors de la commission mixte paritaire. Il aurait permis de faire aboutir les positions du Sénat au lieu de celles qui nous ont été imposées par l’Assemblée nationale.

M. Alain Gournac. C’est exact !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À quoi nous conduit, en fin de compte, ce défaut de soutien ? À un texte dont la rédaction, au moins au travers de deux de ses deux articles, est assez médiocre. Ce n’est pas le meilleur texte que nous aurons adopté !

M. Robert del Picchia. Il a le mérite d’exister !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais revenir sur l’article 1er. Notre rapporteur, qui avait accompli un excellent travail, avait su dénoncer les risques contenus dans cet article. Je trouve bien regrettable qu’en définitive on ait décidé de conserver cette possibilité de condamner le simple fait d’avoir des attitudes ou des positions susceptibles d’entraîner une discrimination. C’est la première fois qu’en droit français un tel principe est introduit. C’est fâcheux.

À propos de l’article 2, je tiens à réexpliquer la position que j’ai eue, à la fois en commission et en séance publique, en ce qui concerne l’enseignement et la mixité scolaire.

Je ne retire rien de ce que j’ai dit en commission. Je suis intervenu en séance publique uniquement parce que, après l’erreur commise par le Gouvernement, lorsqu’il a indiqué que l’enseignement n’était pas concerné – précision totalement inutile puisque chacun le savait –, l’amendement de suppression proposé par le rapporteur et soutenu par la commission donnait le sentiment que nous souhaitions au contraire que le texte s’applique à l’ensemble de l’enseignement, ce qui n’était pas le but recherché.

Par son erreur, le Gouvernement a donc créé une situation complexe, et c’est la raison pour laquelle j’ai dit tout à l’heure qu’il fallait clairement réaffirmer que l’enseignement n’était pas concerné par la directive et que nous ne souhaitions en aucun cas que les dispositions du projet de loi puissent laisser apparaître que désormais la règle serait la séparation. La règle reste la mixité, l’exception étant la possibilité de séparer, pour des raisons tout à fait particulières, garçons et filles.

Nous reviendrons d’ailleurs sur ces questions, car, dans ce domaine, je crois que les positions défendues tout à l’heure par Bariza Khiari et par la délégation aux droits des femmes sont essentielles et qu’il doit y avoir d’autres moyens de résoudre les difficultés qui ont été soulevées.

Enfin, je sais que le Parlement n’a pas d’injonction à donner au Gouvernement, mais il peut lui adresser des conseils. Je me tourne donc vers Mme la secrétaire d’État, même si ce que je vais dire ne concerne pas uniquement ce gouvernement mais aussi les précédents, car des directives comme celles-là se préparent pendant de nombreuses années, et les gouvernements socialistes y ont tout à fait leur part.

La France devra à l’avenir mieux négocier les directives, et c’est d’autant plus important que les gouvernements souhaitent désormais en voir respecter non pas l’esprit mais la lettre, ce qui ne relève pas d’une bien haute ambition. En droit, il est en effet toujours préférable de respecter l’esprit, mais, puisque telle est désormais la volonté affichée, je souhaite que la France soit davantage présente à l’échelon européen et s’engage bien plus dans les négociations, en amont, afin que nous, parlementaires, n’ayons plus à nous entendre imposer par les gouvernements successifs de n’avoir à faire que du « copier-coller » !

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La France devra aussi prendre l’habitude de se mettre au travail dès l’adoption d’une directive pour réussir la transposition de celle-ci dans les meilleures conditions, en cohérence, d’une part, avec notre culture et notre droit et, d’autre part, avec la volonté réaffirmée de voir atteints les objectifs de ladite directive.

Enfin, ni le Gouvernement ni le Parlement ne doivent plus procéder aux transpositions sous la pression de condamnations déjà prononcées contre notre pays ou « susceptibles » – puisque telle est la notion qu’il nous faut désormais intégrer (Sourires)… – de lui être appliquées à tout moment, afin que le travail parlementaire puisse s’accomplir dans la sérénité qui lui est nécessaire.

Nous souhaitons donc que le Gouvernement – les gouvernements… – soumette à l’avenir immédiatement au Parlement les directives à transposer pour que ce dernier ait largement le temps de le faire correctement, ce qui, à mon sens, n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de lUC-UD, de lUMP et du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement.

Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 2

Article 1er

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

2° Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé par l’article 2.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 4 bis

Article 2

(Texte du Sénat)

Sans préjudice de l’application des autres règles assurant le respect du principe d’égalité :

1° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race est interdite en matière de protection sociale, de santé, d’avantages sociaux, d’éducation, d’accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services ;

2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle est interdite en matière d’affiliation et d’engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d’avantages procurés par elle, d’accès à l’emploi, d’emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle.

Ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à l’alinéa précédent lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ;

3° Toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité.

Ce principe ne fait pas obstacle aux mesures prises en faveur des femmes pour ces mêmes motifs ;

4° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est interdite en matière d’accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.

Ce principe ne fait pas obstacle :

- à ce que soient faites des différences selon le sexe lorsque la fourniture de biens et services exclusivement ou essentiellement destinés aux personnes de sexe masculin ou de sexe féminin est justifiée par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont nécessaires et appropriés ;

- au calcul des primes et à l’attribution des prestations d’assurance dans les conditions prévues par l’article L. 111-7 du code des assurances ;

- à l’organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe.

…………………………………………………………………………………………………

Article 2
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 6

Article 4 bis

………………………….Supprimé par la commission mixte paritaire……………………….

………………………………………………………………………………………………….

Article 4 bis
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 7

Article 6

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa de l’article L. 122-45, après les mots : « directe ou indirecte, », sont insérés les mots : « telle que définie à l’article 1er de la loi n° du portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, » ;

2° Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne font pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée. » ;

3° Le premier alinéa de l’article L. 122-45-3 est ainsi rédigé :

« Les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. » ;

3° bis Après l’article L. 122-45-5, il est inséré un article L. 122-45-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-45-6. - Le texte des articles 225-1 à 225-4 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche. » ;

3° ter Le premier alinéa de l’article L. 123-1 est ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions particulières du présent code et sauf si ces mesures répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée, nul ne peut : » ;

4° L’article L. 411-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 411-5. - Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l’un des motifs visés à l’article L. 122-45. »

Article 6
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Article 9

Article 7

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

Le code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est ainsi modifié :

1° Dans l’article L. 1132-1 et à la fin du premier alinéa de l’article L. 1134-1, après les mots : « directe ou indirecte, », sont insérés les mots : « telle que définie à l’article 1er de la loi n° du portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, » ;

2° Les articles L. 1133-1, L. 1133-2 et L. 1133-3 deviennent respectivement les articles L. 1133-2, L. 1133-3 et L. 1133-4 ;

3° L'article L. 1133-1 est ainsi rétabli :

« Art. L. 1133-1. - L’article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée. » ;

4° Le premier alinéa de l’article L. 1133-2, tel qu’il résulte du 2°, est ainsi rédigé :

« Les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. » ;

4° bis Le premier alinéa de l’article L. 1142-2 est ainsi rédigé :

« Lorsque l’appartenance à l’un ou l’autre sexe répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée, les interdictions prévues à l’article L. 1142-1 ne sont pas applicables. » ;

4° ter L’article L. 1142-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1142-6. - Le texte des articles 225-1 à 225-4 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche.

5° L’article L. 2141-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2141-1. - Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l’un des motifs visés à l’article L. 1132-1. » ;

6° Dans le dernier alinéa de l’article L. 5213-6, la référence : « L. 1133-2 » est remplacée par la référence : « L. 1133-3 ».

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Article 7
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Article 6

Article 9

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I - Après l’article L. 112-1 du code de la mutualité, il est inséré un article L. 112-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-1-1. - I. - Aucune différence de traitement en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.

« Les frais liés à la grossesse et à la maternité n’entraînent pas un traitement moins favorable des femmes en matière de cotisations et de prestations.

« Par dérogation au premier alinéa, le ministre chargé de la mutualité peut autoriser par arrêté des différences de cotisations et de prestations fondées sur la prise en compte du sexe et proportionnées aux risques lorsque des données actuarielles et statistiques pertinentes et précises établissent que le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation du risque d’assurance.

« Les mutuelles et les unions exerçant une activité d’assurance ne sont pas soumises aux dispositions de l’alinéa précédent pour les opérations individuelles et collectives à adhésion facultative relative au remboursement ou à l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.

« II. - Un arrêté du ministre chargé de la mutualité fixe les conditions dans lesquelles les données mentionnées au troisième alinéa du I sont collectées ou répertoriées par les organismes professionnels mentionnés à l’article L. 223-10-1 et les conditions dans lesquelles elles leur sont transmises. Ces données régulièrement mises à jour sont publiées dans des conditions fixées par cet arrêté et au plus tard à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté mentionné au troisième alinéa du I.

« Par dérogation, les données mentionnées au troisième alinéa du I peuvent, s’agissant des risques liés à la durée de la vie humaine, prendre la forme de tables homologuées et régulièrement mises à jour par arrêté du ministre chargé de la mutualité ou de tables établies ou non par sexe par la mutuelle ou l’union et certifiées par un actuaire indépendant de celle-ci, agréé à cet effet par l’une des associations d’actuaires reconnues par l’Autorité de contrôle instituée à l’article L. 510-1.

« III. - Le présent article s’applique aux contrats d’assurance autres que ceux conclus dans les conditions prévues à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.

« IV. - Le présent article est applicable aux adhésions individuelles et aux adhésions à des contrats d’assurance de groupe souscrites à compter de sa date d’entrée en vigueur. Par dérogation, il s’applique aux stocks de contrats de rentes viagères, y compris celles revêtant un caractère temporaire, en cours à sa date d’entrée en vigueur. »

II. - Après l’article L. 931-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 931-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 931-3-2. - I. - Aucune différence en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.

« L’alinéa précédent ne fait pas obstacle à l’attribution aux femmes de prestations liées à la grossesse et à la maternité.

« Par dérogation au premier alinéa, le ministre chargé de la sécurité sociale peut autoriser par arrêté des différences de cotisations et de prestations fondées sur la prise en compte du sexe et proportionnées aux risques lorsque des données actuarielles et statistiques pertinentes et précises établissent que le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation du risque d’assurance.

« Les institutions de prévoyance et leurs unions ne sont pas soumises aux dispositions de l’alinéa précédent pour les opérations individuelles relatives au remboursement ou à l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.

« II. — Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale fixe les conditions dans lesquelles les données mentionnées au troisième alinéa du I sont collectées ou répertoriées par les organismes professionnels mentionnés à l’article L. 132-9-2 du code des assurances et les conditions dans lesquelles elles leur sont transmises. Ces données régulièrement mises à jour sont publiées dans des conditions fixées par cet arrêté et au plus tard à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté mentionné au troisième alinéa du I.

« Par dérogation, les données mentionnées au troisième alinéa du I peuvent, s’agissant des risques liés à la durée de la vie humaine, prendre la forme de tables homologuées et régulièrement mises à jour par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou de tables établies ou non par sexe par l’institution de prévoyance ou l’union et certifiées par un actuaire indépendant de celle-ci, agréé à cet effet par l’une des associations d’actuaires reconnues par l’Autorité de contrôle instituée à l’article L. 951-1.

« III. — Le présent article s’applique aux opérations individuelles souscrites à compter de sa date d’entrée en vigueur. Par dérogation, il s’applique aux stocks de contrats de rentes viagères, y compris celles revêtant un caractère temporaire, en cours à sa date d’entrée en vigueur. »

………………………………………………………………………………………………….

M. le président. Sur les articles 1er à 4 bis, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole ?….

Le vote est réservé.

Article 9
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 6

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Le nouveau code du travail étant entré en vigueur le 1er mai, il n’y a pas lieu de prévoir des dispositions modifiant l’ancien code du travail, qui n’est plus en application.

C’est par précaution que nous avions modifié à la fois l’ancien code, à l’article 6, et le nouveau code du travail, à l’article 7.

Bien entendu, l’article 7 demeure dans la rédaction issue des débats conduits à l’Assemblée nationale et au Sénat, notamment pour ce qui concerne l’affichage des articles 225-1 à 225-4 du code pénal dans les lieux de travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Favorable.

M. le président. Le vote est réservé.

Sur les articles 7 et 9, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole ?….

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Article 6
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. Robert del Picchia. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi apporte tout simplement une pierre supplémentaire à l’édifice de la lutte contre les discriminations, édifice qui s’était enrichi ces dernières années grâce à plusieurs lois emblématiques.

Par ailleurs, il permet de satisfaire pleinement les exigences communautaires, le Gouvernement montrant une fois de plus son attachement à rattraper le retard pris par la France dans la transposition des directives.

Le Gouvernement et, à sa suite, le Parlement ont tenu à respecter les observations formulées par la Commission européenne afin que celle-ci ne s’oppose pas ultérieurement au texte issu de nos travaux. C’était l’un des enjeux de la commission mixte paritaire, car certains points demandaient à être revus au regard de l’exigence de conformité aux textes communautaires.

C’est ainsi que nous sommes parvenus à un accord en commission mixte paritaire pour trouver une nouvelle rédaction concernant la définition des discriminations directes.

La commission mixte paritaire a par ailleurs décidé de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale pour la définition des discriminations indirectes.

Dans les deux cas, mes chers collègues, la transposition est fidèle aux dispositions de la directive du 27 novembre 2000.

L’exercice de transposition nous a laissé une faible marge de manœuvre pour modifier le projet de loi. Notre assemblée a cependant apporté plusieurs précisions importantes et s’est attachée à simplifier les mesures adoptées.

Je tiens à cet égard à féliciter notre rapporteur de la qualité de ses analyses et de l’intérêt qu’elle a su porter au texte.

Je souhaite également souligner l’importance du travail effectué par la délégation du Sénat aux droits des femmes et remercier Mme la secrétaire d’État de la compréhension dont elle a fait montre.

Le présent texte enrichit ainsi notre droit en précisant plusieurs définitions, en affirmant de manière explicite qu’un certain nombre de discriminations sont désormais interdites et en renforçant les garanties accordées aux victimes.

Bien évidemment, le groupe UMP votera ce projet de loi, qui, bien qu’il ne soit pas parfait, certes – mais qui y a-t-il de parfait sur cette terre ?…. –, n’en représente pas moins une avancée supplémentaire dans la lutte contre les discriminations, ce dont on ne peut que se féliciter. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Comme je l’ai dit tout à l’heure, le groupe socialiste s’abstiendra parce qu’il est toujours difficile de voter contre un texte visant à lutter contre les discriminations. Je ne peux cependant qu’exprimer à nouveau mon incompréhension s’agissant de l’alinéa prévoyant la possibilité d’organiser des enseignements en fonction des sexes.

Le discours de Latran, la polémique sur les sectes, le fonds spécial créé pour aider les écoles confessionnelles dans les quartiers défavorisés, l’atteinte maintenant au principe de mixité, voilà autant d’éléments qui me font craindre qu’au plus haut niveau de l’État se mettent méthodiquement et sûrement en place les bases d’une « reconfessionnalisation » de la société française, ce qui me désole profondément.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut être vigilant…

Mme Bariza Khiari. Enfin, je tenais, monsieur About, madame Dini, à vous remercier de votre honnêteté intellectuelle, même si je sais que vous devez approuver le projet de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?….

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifiée par l’amendement n° 1 du Gouvernement.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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9

Dépôt de propositions de loi

M. le président. J’ai reçu de M. Robert Bret, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Jean-Claude Danglot, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade, MM. Bernard Vera, Jean-François Voguet, François Autain et Pierre Biarnès une proposition de loi tendant à la reconnaissance du génocide tzigane pendant la Seconde guerre mondiale.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 337, distribuée et renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J’ai reçu de M. Jean Louis Masson une proposition de loi tendant à unifier l’élection des conseillers régionaux et des conseillers généraux en instaurant un scrutin proportionnel de liste dans le cadre de l’arrondissement.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 338, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J’ai reçu de Mmes Yolande Boyer, Jacqueline Alquier, Michèle André, M. Yannick Bodin, Mmes Nicole Bricq, Monique Cerisier-ben Guiga, Claire-Lise Campion, MM. Roland Courteau, Michel Dreyfus-Schmidt, Charles Gautier, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Louis Le Pensec, François Marc, Jean Marc Pastor, Bernard Piras, Jean-François Picheral, Mme Gisèle Printz, MM. André Rouvière, Claude Saunier, Mme Patricia Schillinger, MM. Jean Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca et M. Michel Teston une proposition de loi visant à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes de prises d’otages.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 339, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

Textes soumis au Sénat en application de l’article 88-4 de la Constitution

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Projet de décision du Conseil mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3862 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil portant modification de la proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion, par la Communauté européenne, de l’accord international sur le café de 2007.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3863 et distribué.

11

Dépôt de rapports d’information

M. le président. J’ai reçu de M. Jean Arthuis un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le rôle des fonds souverains.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 336 et distribué.

J’ai reçu de M. Josselin de Rohan un rapport d’information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur l’industrie de défense dans la perspective du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 340 et distribué.

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 20 mai 2008 :

À dix heures :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À seize heures et le soir :

2. Discussion du projet de loi (n° 300, 2007-2008) portant réforme portuaire (urgence déclarée).

Rapport (n° 331, 2007-2008) de M. Charles Revet, fait au nom de la commission des affaires économiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD