Sommaire
Présidence de M. Christian Poncelet
3. Modification de l'ordre du jour
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
MM. Jean-Pierre Bel, le président.
6. Langues régionales ou minoritaires – Discussion d’une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.)
MM. Nicolas Alfonsi, auteur de la question ; Jean-Louis Carrère, Mme Colette Mélot, MM. Gérard Le Cam, Jean-Luc Mélenchon, Raymond Couderc.
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
Mmes Gélita Hoarau, Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-Paul Alduy, Mme Odette Herviaux, M. Jacques Gillot.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Clôture du débat.
Suspension et reprise de la séance
7. Amélioration et simplification du droit de la chasse. – Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.)
Discussion générale : MM. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition et rapporteur de la commission des affaires économiques ; Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ; Jean-Louis Carrère, Alain Vasselle, Gérard Le Cam, Aymeri de Montesquiou, Jean Boyer, Mme Odette Herviaux.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'État.
Amendement n° 5 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 8 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d’État, le rapporteur. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 10 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d’État, le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement no 11 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d’État, le rapporteur, Alain Vasselle. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 12 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d’État, le rapporteur. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 1 rectifié de M. Jean-Marc Pastor. – MM. Jean-Louis Carrère, le secrétaire d’État, le rapporteur. – Retrait de l’article, l’amendement devenant sans objet.
Amendement n° 2 rectifié bis de M. Jean-Marc Pastor. – MM. Jean-Louis Carrère, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 6 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le secrétaire d’État, Jean-Louis Carrère. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 21
Amendement n° 3 rectifié de M. Alain Vasselle. – MM. Alain Vasselle, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Retrait.
Amendement n° 7 de M. René Beaumont. – MM. René Beaumont, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Retrait.
M. le secrétaire d’État.
Adoption de l’article.
MM. Yannick Texier, Gérard Le Cam, Jean-Louis Carrère.
Adoption de la proposition de loi.
M. le secrétaire d’État.
Suspension et reprise de la séance
9. Contrôle comptable du revenu minimum d'insertion. – Adoption des conclusions du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.)
Discussion générale : MM. Auguste Cazalet, rapporteur de la commission des finances ; Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté ; Éric Doligé, Bernard Vera, Georges Othily, Michel Mercier, Michel Moreigne, Alain Fouché.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 8 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le haut-commissaire. – Rejet.
Amendement n° 2 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le haut-commissaire. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 3 de M. Guy Fischer. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le haut-commissaire. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 4 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le haut-commissaire. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 5 de M. Guy Fischer. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le haut-commissaire, Jean Arthuis, président de la commission des finances. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 6 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le haut-commissaire. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendements nos 7 de M. Guy Fischer et 9 de M. Paul Blanc. – MM. Bernard Vera, Paul Blanc, le rapporteur, le haut-commissaire. – Retrait de l’amendement n° 9 ; rejet de l’amendement n° 7.
Adoption de l’article.
MM. Charles Guené, Guy Fischer, Michel Moreigne, le président de la commission.
Adoption de la proposition de loi.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Christian Poncelet
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Commission mixte paritaire
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant modernisation du marché du travail.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
3
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a modifié l’ordre d’examen des textes inscrits à l’ordre du jour prioritaire de notre séance du jeudi 15 mai après-midi.
L’ordre du jour de cette séance s’établira donc comme suit :
À dix heures :
- Projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes ;
- Sept conventions internationales examinées selon la procédure simplifiée ;
À 15 heures :
- Questions d’actualité au Gouvernement ;
- Deuxième lecture du projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel et du projet de loi relatif aux archives ;
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Acte est donné de cette communication.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, la situation en Birmanie, après la catastrophe qu’a connue ce pays, ne manque pas de susciter des inquiétudes, qui sont, je le crois, largement partagées sur l’ensemble des travées. La manière dont le régime en place gère cette catastrophe suscite de nombreuses interrogations.
C’est pourquoi nous souhaiterions entendre M. le ministre des affaires étrangères soit lors d’une audition devant la commission des affaires étrangères, soit à l’occasion du débat sur la politique étrangère de la France qui doit se dérouler demain ici même, afin qu’il nous fasse connaître les actions menées par la France et l’Europe pour faire face à cette catastrophe.
Le Sénat s’honorerait de prendre une telle initiative, qui permettrait de nous éclairer sur cette question difficile. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Bel, nous allons dès maintenant informer M. le ministre des affaires étrangères que vous avez l’intention de l’interroger sur la situation en Birmanie.
Je pense qu’il n’y aura aucune difficulté à ce que vous puissiez intervenir demain sur ce sujet dans le cadre du débat qui doit avoir lieu dans cet hémicycle, puisque celui-ci a trait à la politique étrangère de la France dans son ensemble.
6
Langues régionales ou minoritaires
Discussion d’une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 18 de M. Nicolas Alfonsi à Mme la ministre de la culture et de la communication sur la sauvegarde et la transmission des langues régionales ou minoritaires.
Cette question est ainsi libellée :
« M. Nicolas Alfonsi attire l’attention de Mme la ministre de la culture et de la communication à propos des mesures envisagées par le Gouvernement pour donner un cadre légal afin de créer des obligations à la charge de l’État en vue de la sauvegarde et de la transmission de langues régionales ou minoritaires pratiquées sur son territoire.
« Par sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution certaines clauses de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires signée à Budapest le 7 mai 1999.
« Le Conseil constitutionnel a toutefois relevé dans sa décision que l’application de l’article 2 de la Constitution ne devait pas conduire à méconnaître l’importance que revêt en matière d’enseignement, de recherche et de communication audiovisuelle la pratique des langues régionales ou minoritaires.
« Il s’agit maintenant de savoir si le Gouvernement entend soumettre au Parlement des dispositions de nature législative en la matière ou s’il choisit au contraire de trancher par la voie réglementaire. »
La parole est à M. Nicolas Alfonsi, auteur de la question.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la France a signé à Budapest, le 7 mai 1999 – il y a plus de neuf ans –, avec les États membres du Conseil de l’Europe, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Destinée à maintenir et à développer le pluralisme des traditions et la richesse culturelle de l’Europe, cette charte vise à protéger et à promouvoir des langues pratiquées traditionnellement sur le territoire d’un État par des ressortissants appartenant à un groupe numériquement minoritaire et différent de la langue officielle de cet État. Pour cela, elle met à la charge des États signataires l’obligation de mener un certain nombre d’actions en faveur de l’emploi des langues régionales et minoritaires dans différents domaines, dont trois au moins choisis parmi l’enseignement, la culture, la justice, les services publics, les médias, la vie économique et sociale.
Cependant, par sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution plusieurs clauses de cette charte. Il a en effet jugé que les principes constitutionnels fondamentaux d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance.
II a en outre considéré, en se fondant sur le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, lequel dispose : « La langue de la République est le français. », que l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public et que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage.
Cette jurisprudence peut nous apparaître d’une sévérité excessive, voire anachronique. On peut convenir en tout cas que les questions relatives à l’usage de langues autres que le français ne se posent pas aujourd’hui dans les mêmes termes que sous la Révolution française. Les temps sont loin où la répression des patois pouvait être considérée, avec l’Abbé Grégoire, comme une œuvre de progrès.
Le Conseil constitutionnel a, il est vrai, relevé dans sa décision que l’application de l’article 2 de la Constitution ne doit pas conduire à méconnaître l’importance que revêt, en matière d’enseignement, de recherche et de communication audiovisuelle, la liberté d’expression et de communication.
Il a également admis que n’était contraire à la Constitution, eu égard à leur nature, aucun des engagements souscrits par la France autres que ceux qui ont été examinés dans sa décision. Il a estimé que la plupart de ces engagements se bornaient à reconnaître des pratiques déjà mises en œuvre par la France en faveur des langues régionales.
Cette jurisprudence empêche néanmoins la ratification des dispositions de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires déclarées contraires à la Constitution, qui ne peut en l’état actuel être autorisée par le Parlement.
Le Sénat a déjà débattu à plusieurs reprises de cette situation et des conséquences à en tirer.
En dernier lieu, lors de l’examen, le 29 janvier dernier, du projet de loi constitutionnelle visant à permettre la ratification du traité de Lisbonne, nous avons examiné un amendement à la Constitution autorisant la ratification de la charte dans le respect de l’article 2 de la Constitution.
Mme le garde des sceaux avait alors indiqué que la question serait réexaminée – j’y insiste, madame le ministre – lors de la révision constitutionnelle qui suivrait les travaux du comité présidé par M. Balladur : « Nous aurons l’occasion d’examiner à nouveau cette question lors de la révision constitutionnelle […]. Le Premier ministre s’y est d’ailleurs engagé à l’occasion de la présentation du même amendement à l’Assemblée nationale ».
Le Sénat a manifesté à cette occasion son attachement résolu aux langues régionales parlées en France, qui font partie de notre patrimoine culturel. Cet attachement est légitime, tout particulièrement, vous le comprendrez aisément, en ce qui concerne la langue corse.
C’est en ayant à l’esprit ces considérations que mon groupe a été conduit aujourd’hui à demander au Gouvernement de faire connaître sa position : quelles mesures entend-il prendre en vue de garantir la sauvegarde des langues régionales ?
À ce stade, chers collègues, quelques observations s’imposent.
Il est sans doute inutile de succomber aux images habituelles, et de renouveler nos déclarations d’attachement à la défense du corse, de l’alsacien, du breton, etc.
M. Jean-Louis Carrère. Du basque !
M. Nicolas Alfonsi. Car je demeure persuadé que même les plus ardents défenseurs des valeurs républicaines qui siègent dans cette assemblée partagent notre objectif commun de sauvegarde de ces langues.
Néanmoins, il convient de combattre quelques idées fausses et de rappeler quelques évidences qui rendent le débat difficile.
Ainsi, la vigueur d’une langue régionale n’est pas nécessairement liée à l’existence d’un texte. Si la loi Jospin a donné un cadre légal à l’application de l’enseignement du corse, …
M. Jean-Luc Mélenchon. Loi très importante !
M. Nicolas Alfonsi. … rien n’indique que la vigueur du breton, faute de texte, soit moins bien assurée que celle du corse, l’environnement politique, culturel, les motivations des associations et des enseignants pouvant suppléer avec efficacité l’absence de texte.
De même, ce ne sont pas les sanctions de l’instituteur de la IIIe République, même si elles ont pu particulièrement y contribuer, qui ont réduit l’influence des langues régionales. En effet, la punition de l’élève n’a jamais empêché la vigueur de celles-ci dans le monde rural ; c’est seulement la désertification qui a conduit à leur dépérissement.
De même, c’est la grande diversité de ces langues, dont la richesse va toujours de l’oralité à un écrit plus ou moins élaboré, qui rend complexe l’homogénéité de traitement. Dès lors, comment en sortir ?
Une première voie a été suggérée lors de la discussion du 29 janvier par notre collègue Michel Charasse : procéder, sans révision préalable, à la ratification des seules dispositions de la charte qui n’ont pas été déclarées contraires à la Constitution et qui permettraient de donner une meilleure place aux langues régionales.
Cette voie est séduisante, mais des doutes raisonnables subsistent sur la divisibilité de la charte : peut-on autoriser sa ratification pour ainsi dire par morceaux sans porter atteinte à son économie générale ?
En outre, nous gardons à l’esprit que le Conseil constitutionnel a entendu contrôler la constitutionnalité de la charte, indépendamment de la déclaration interprétative donnée par le Gouvernement de son sens et de sa portée
L’autre voie qui vient naturellement à l’esprit est donc de procéder à la révision constitutionnelle nécessaire à la ratification de la charte, par exemple en inscrivant dans la Constitution la garantie du respect des langues régionales.
Devons-nous nous en tenir à un débat de principe ? Croyez-vous profondément, madame le ministre, que le respect des langues régionales, qui font partie de notre patrimoine culturel, porte par lui-même une réelle atteinte au principe d’égalité et à l’unité du peuple français ?
Une troisième voie consiste à emprunter d’autres moyens qu’un instrument international et à renforcer, en droit interne, le cadre légal institué en faveur de nos langues régionales ; je pense notamment aux efforts accomplis en la matière dans le domaine de la culture, de l’enseignement et des médias.
En revanche, la pire des voies serait de considérer – à notre sens à tort – que la loi prévoit déjà tout ce que la Constitution permet et, en conséquence, de ne rien faire ou de codifier des textes existants.
Comment surmonter, madame le ministre, de tels obstacles ? Comment ne pas éprouver, d’ailleurs, une forte émotion quand un ancien nous quitte, emportant avec lui le secret d’une langue ?
Comment ne pas penser à l’oralité de certaines langues ? Si Jules César avait invité Cicéron à adhérer à sa politique, il lui aurait dit tout simplement : « veni cum ego ». Je pourrais tout autant inviter à venir avec moi un militant, partisan de la défense des langues régionales, pour faire campagne sur cette question.
J’ai déclaré à l’Assemblée de Corse, car il faut toujours nuancer son propos, que j’étais prêt, s’agissant des langues régionales que l’on parle facilement mais que l’on écrit difficilement, …
M. Jean-Louis Carrère. C’est exact !
M. Nicolas Alfonsi. … à donner trois heures de cours de langue corse à des élèves. J’estime que c’est sans doute la meilleure méthode et qu’il faut dans ce domaine éviter un intégrisme linguistique excessif, si j’ose dire.
En ce qui concerne la communication, il faut se méfier. Car comment procède-t-on aujourd'hui dans les médias ? On propose un thème, encore qu’on ne sache jamais très bien, s’agissant des langues régionales et de la langue française, quel est le thème et quelle est la version ! Un inspecteur général de l’instruction publique n’avait-il pas très prudemment évité d’utiliser ces deux termes, disant simplement que c’était une traduction en langue corse d’un texte français ?
Selon Pirandello, la langue régionale exprime les sentiments et la langue nationale les concepts. Nous buttons souvent sur cette difficulté de trouver les concepts et c’est pourquoi nous éprouvons un peu le sentiment de tourner à vide.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela arrive aussi avec le vocabulaire technique !
M. Nicolas Alfonsi. J’ai déposé cette question orale le 18 avril 2008, madame le ministre ; elle est parue au Journal officiel le 24 avril. Le 30 avril, la conférence des présidents a jugé utile d’inscrire ce débat à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 7 mai.
Je n’ai pas la vanité de croire que j’ai pu jouer un rôle quelconque dans cette inscription. Je pense plutôt que c’est votre souci de « déminer » ce dossier avant la discussion de la réforme constitutionnelle qui vous a conduite à anticiper, en tenant compte des disponibilités du calendrier parlementaire.
Ma question devient donc, en quelque sorte, sans objet. Je constate cependant la présence dans cet hémicycle de nombreux collègues souhaitant défendre les langues régionales.
Georges Dumézil écrivait dans Le Monde, voilà quelques années, qu’il avait réussi à sauver une langue indo-européenne qui n’était plus parlée en Ouzbékistan que par une seule personne. J’espère, madame le ministre, que vous nous laisserez encore quelque espoir ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a près de dix ans, au moment où la France s’engageait sur la voie de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, Bernard Cerquiglini, alors directeur de l’Institut national de la langue française recensait, à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, 75 langues « parlées par des ressortissants français sur le territoire de la République », dont 55 langues dans les DOM-TOM, répondant aux exigences de la charte, c'est-à-dire remplir au minimum trente-cinq critères sur les trente-neuf retenus par la France pour la ratification de la charte.
C’est dire, madame la ministre, si notre République est riche d’un patrimoine culturel et linguistique important !
Dans la pratique, de nombreuses initiatives voient le jour pour faire vivre les langues régionales, plus ou moins bien soutenues par les pouvoirs publics et autorisées dans notre réglementation.
Dans le domaine de l’éducation, treize langues régionales peuvent être présentées au baccalauréat, introduites progressivement depuis la loi du 11 janvier 1951 qui a défini les principes régissant l’enseignement des langues et des cultures régionales de l’école élémentaire à l’université.
On pourrait s’interroger sur la baisse des programmes en langue régionale sur le service public audiovisuel depuis quelques années. Mais France 3, en région, est, de façon générale, en perte de vitesse depuis que les conseils régionaux sont majoritairement passés à gauche, sous un gouvernement de droite : cherchez l’erreur !
Radio France s’acquitte mieux de cette mission de promotion des différentes langues et cultures régionales.
Des initiatives privées ont également vu le jour avec plus ou moins de succès. La plus importante est TV Breizh, portée par l’ancien patron breton de TF1, Patrick Le Lay.
Je viens moi-même d’une région, l’Aquitaine, où les diversités linguistiques et culturelles constituent une réalité. En Aquitaine, le conseil régional mène une politique active en faveur d’une politique publique volontariste et concertée. Effectivement, sur le territoire de cette région, deux langues régionales parlées ont cours : l’occitan et le basque.
La politique que nous menons en faveur de la valorisation et de la sauvegarde de ces deux langues vise à promouvoir le plurilinguisme, mais dans le strict respect de l’usage du français, langue de la République.
Je m’attarderai quelques instants sur les grandes lignes de notre politique régionale en faveur de ces deux langues, vecteurs de deux cultures très riches.
Pour ce qui a trait à la langue occitane, l’Institut occitan, installé dans l’agglomération paloise, fédère les partenaires institutionnels et associatifs qui œuvrent, dans le domaine scientifique et culturel, pour la socialisation de la langue occitane et le développement du patrimoine occitan.
L’Amassada, conseil de développement pour la langue occitane en Aquitaine, a permis de mettre en place un schéma d’aménagement linguistique avec les différents partenaires, sous l’égide du conseil régional.
En ce qui concerne la langue basque, qui me tient particulièrement à cœur, nous avons créé, depuis quelques années, en collaboration entre le conseil régional d’Aquitaine, le conseil général des Pyrénées-Atlantiques, le Conseil des élus du pays basque et le Syndicat intercommunal pour le soutien à la culture basque, l’Office public de la langue basque. Il s’agit d’un groupement d’intérêt public, basé à Bayonne, qui a pour objet de définir et de mettre en œuvre des politiques publiques en faveur de la langue basque : structurer et développer l’enseignement du basque, en promouvoir son usage dans la vie sociale, accompagner les partenaires concernés.
En outre, un Institut culturel basque permet d’accompagner des projets associatifs ou individuels visant à promouvoir la langue et la culture, et propose différentes activités et un site en ligne.
Je viens de vous donner l’exemple de ce qui se fait en faveur des deux langues régionales du Sud-Ouest, mais je présume que ma collègue Odette Herviaux vous fera part, tout à l’heure, du même type d’initiatives ayant cours en Bretagne.
Je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi l’esprit jacobin qui règne sur notre République et ses lois nous interdit de mieux envisager globalement l’intégration de la richesse et la diversité que constituent les langues et cultures des régions : toute tentative d’intégrer les cultures régionales et de favoriser leur développement, dans le cadre de nos institutions républicaines et laïques, a toujours été vouée à l’échec.
Je rappellerai deux précédents remontant à moins de dix ans.
Il s’agit, d’abord, de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
En 1999, Lionel Jospin, alors Premier ministre, sensible à la valorisation des diverses langues et cultures de notre pays, décide d’engager un processus de ratification de cette charte adoptée par le Conseil de l’Europe en 1992. Trente-neuf des quatre-vingt-dix-huit engagements proposés par la charte sont retenus par la France, au regard des pratiques existant dans notre pays et des exigences juridiques et constitutionnelles, car l’article 2 de la Constitution dispose : « La langue de la République est le français. »
Le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, Jacques Chirac, décide, le 15 juin 1999, que certaines dispositions de la charte retenues par la France sont contraires à la Constitution, notamment le « droit imprescriptible » à pratiquer une langue régionale dans la vie publique, clause jugée contraire à l’article 2 et aux principes d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi, d’unicité du peuple français, dans la mesure où elles tendent à conférer des droits spécifiques collectifs à des groupes linguistiques.
Plus récemment, ce que l’on appellera « l’affaire des écoles Diwan » a également prouvé que la pratique des langues régionales dans notre République devait connaître certaines limites.
Je rappelle rapidement les faits.
En 2001, Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale, afin de prouver son attachement au développement et à la promotion des langues et cultures régionales, signe un protocole d’accord avec le président de l’association Diwan, qui fédère des établissements pratiquant l’enseignement en langue bretonne par immersion, afin d’intégrer les écoles Diwan et les 194 personnes exerçant dans ces écoles dans le service public de l’éducation.
Contestant sur le fond et sur la forme le protocole d’accord et les textes d’application, …
M. Jean-Luc Mélenchon. J’en étais !
M. Jean-Louis Carrère. … le Comité national d’action laïque, le CNAL, qui fédère I’UNSA, le SE-UNSA, la Ligue de l’enseignement, la FCPE, et la Fédération des délégués départementaux de l’éducation, a saisi le Conseil d’État en référé, compte tenu de l’urgence de la situation qu’il dénonçait, et, sur le fond, les différentes décisions rendues par la haute juridiction administrative ont donné raison aux requérants.
M. Jean-Louis Carrère. Le Conseil d’État – dont je fais partie – a suspendu l’intégration des écoles Diwan et de ses personnels dans l’enseignement public,…
M. Jean-Luc Mélenchon. Je l’ai fait aussi !
M. Jean-Louis Carrère. … considérant que la méthode d’enseignement par « immersion », proposée par ces écoles, réduisait l’enseignement en français au-delà de ce que la loi autorise. Le Conseil d’État précisait néanmoins qu’il n’entendait nullement « contester la nécessité de sauvegarder le patrimoine que constituent les langues régionales ».
Ainsi, personne, à l’instar des magistrats du Conseil d’État, ne semble contester la richesse constituée par ce patrimoine et la nécessité de la préserver et de la valoriser.
Néanmoins, force est de constater que la France n’a toujours pas pu ratifier la charte alors que, depuis 1993, sa ratification constitue une condition sine qua non à l’adhésion d’un État à l’Union européenne.
Vous connaissez, chers collègues, mon esprit laïc et républicain ; je ne saurais être taxé d’autonomiste, d’élément perturbateur de nos institutions. Néanmoins, je pense qu’il serait grand temps que l’on songe à donner une base légale générale à l’ensemble des expériences qui permettent de faire vivre notre patrimoine culturel dans sa diversité.
Je suggère donc, pour conclure, madame la ministre, que l’on reconsidère la question de la ratification de la charte, en repartant sur d’autres engagements que ceux qui ont été retenus en 1999 et en étant préalablement plus attentifs à la compatibilité constitutionnelle des engagements intégrés dans notre ratification. Peut-être alors ferons-nous œuvre utile pour la légalisation de nos langues et cultures régionales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la sauvegarde des langues régionales est une question fort ancienne qui suscite toujours de vifs débats.
Aujourd’hui, on peut dire que notre pays est fortement attaché à deux principes : d’une part, le principe d’unité de la République avec le français comme langue commune ; d’autre part, un principe de préservation de notre patrimoine, dont fait partie la diversité des pratiques linguistiques. Les deux démarches sont parallèles et mon intervention vise à démontrer qu’elles sont conciliables.
Je pense qu’il ne faut pas tomber dans les excès. Certains partisans des langues régionales sont les acteurs plus ou moins conscients du communautarisme et du repli identitaire, au risque de l’affaiblissement de notre République. À l’opposé, il existe des intégristes de la langue française qui désignent les langues régionales comme un fléau pour la République.
Ces combats sectaires sont contraires à l’esprit de notre République et aux aspirations de nos concitoyens.
Le débat sur la place des langues régionales a été rouvert lors de la révision constitutionnelle de janvier dernier. Cette révision était préalable à la ratification du traité européen de Lisbonne. Des députés et des sénateurs, de droite comme de gauche, ont profité de ce débat pour demander l’adhésion de la France à la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, afin de donner à celles-ci un statut légal.
Or, le 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel avait jugé certaines clauses de cette charte contraires à plusieurs principes essentiels de la Constitution. Selon le Conseil, elles « portent atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français ».
La question étant extérieure au débat sur la ratification du traité européen, les amendements déposés n’ont pas eu de suite. Mais le Gouvernement s’est engagé à tenir un débat spécifique sur les langues régionales devant le Parlement dans les mois qui allaient suivre. Notre groupe se réjouit que cette promesse soit tenue, puisqu’un débat a eu lieu la semaine dernière à l’Assemblée nationale, débat prolongé aujourd’hui devant notre Haute Assemblée.
Je voudrais évoquer le contexte juridique et historique dans lequel se pose la question de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
La langue française est garante de l’unité de notre pays.
Depuis la Révolution et surtout à partir du XIXe siècle, les pouvoirs publics ont voulu apprendre le français à tous les citoyens. Il s’est agi d’une condition sine qua non pour une République égalitaire, offrant à chacun l’accès à l’instruction publique et la possibilité d’une progression sociale. Le but n’était pas de faire disparaître les langues régionales. Cependant, l’hégémonie du français a provoqué fatalement leur marginalisation.
De plus, les moyens employés par l’école pour parvenir à cette unicité de la langue ont été douloureusement ressentis, ce qui explique en partie que le sujet soit si sensible. La première génération, après avoir difficilement acquis le français sur les bancs de l’école, a voulu éviter cette épreuve à ses enfants en les éduquant en français. Les langues régionales ont amorcé leur déclin.
En 1992, il a été inséré un article dans la Constitution énonçant : « La langue de la République est le français. » Cette voie paraît la seule praticable au regard des conséquences qu’impliquerait l’emploi des langues régionales dans la vie publique. On peut citer, par exemple, les problèmes qu’engendrerait l’utilisation des langues régionales dans les procédures civiles et pénales, ou l’obligation de traduction des textes officiels, comme l’envisage la charte européenne.
La langue française est depuis fort longtemps celle qui rassemble les peuples de France. C’est indéniable. Ainsi Albert Camus disait-il : « J’ai une patrie, la langue française ». Une fois ce principe posé, rien n’empêche d’agir pour préserver nos langues régionales.
Il y a cent cinquante ans, au moins 90 % des communes du Var ou du Finistère étaient déclarées non francophones. Les enquêtes dont nous disposons aujourd’hui ont révélé des taux de locuteurs de la langue régionale atteignant en moyenne 10 %, auxquels il faut ajouter 40 % qui la comprennent mais ne la parlent pas.
La transmission familiale des langues régionales n’est guère plus assurée aujourd’hui avec la disparition des dernières générations de locuteurs naturels. Dans ces conditions, l’enseignement est devenu la voie privilégiée et déterminante de la sauvegarde de notre patrimoine linguistique.
Depuis la loi Deixonne de 1951, les langues régionales possèdent un véritable statut. Les pouvoirs publics ont d’abord permis l’enseignement du breton, du basque, de l’occitan et du catalan. Cette possibilité a été étendue au corse en 1974, au tahitien en 1981, puis aux langues mélanésiennes en 1992.
Un ensemble de textes, législatifs et réglementaires, a permis aux collectivités locales intéressées d’assurer l’émergence d’un enseignement structuré autour d’une pédagogie et de recrutements adéquats, en collaboration avec l’État, perçu comme un partenaire et non plus comme un oppresseur. Plus de 400 000 élèves reçoivent aujourd’hui un enseignement de langues régionales et ces effectifs sont en constante augmentation.
La France est particulièrement attachée à la diversité de ses cultures régionales. Face à la mondialisation, qui pourrait nous faire oublier nos racines, nous souhaitons maintenir nos traditions et je pense que nous en avons l’obligation vis-à-vis des générations futures.
Nombreux sont ceux, jeunes ou moins jeunes, qui réveillent le monde d’hier par la langue, la chanson, la littérature, la fête. Les pouvoirs publics ont permis que des émissions en langue régionale soient diffusées sur des chaînes audiovisuelles ou les radios publiques. Il existe bien d’autres dispositions visant à ce que les langues restent vivantes. Je citerai la signalisation routière bilingue ou la possibilité d’émettre des chèques libellés en langue régionale.
M. Jean-Louis Carrère. Mais en euros ! Les régions ne frappent pas leur propre monnaie ! (Sourires.)
Mme Colette Mélot. En 2001, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France a reçu pour mission de préserver et valoriser celles-ci.
Il convient sans doute d’aller plus loin si nous voulons que le mouvement enclenché ait des chances de se poursuivre. Il faudrait informer davantage les familles de la possibilité qu’elles ont de choisir un enseignement spécifique pour leurs enfants. Il importe de renforcer les effectifs de professeurs et de mieux les informer de l’intérêt qu’ils peuvent avoir à inclure une langue régionale dans leur formation.
Dans le domaine des médias, la langue régionale pourrait être davantage présente compte tenu de la modification du paysage audiovisuel.
Le Président de la République, montrant tout l’intérêt qu’il porte aux langues régionales, avait promis lors de sa campagne d’élaborer un texte de loi pour les sécuriser, estimant cette possibilité préférable à la ratification de la charte européenne.
Vous avez confirmé la semaine dernière, madame le ministre, l’existence de ce projet, et notre groupe s’en réjouit fortement. Je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions sur les mesures qui pourraient être prises et sur le calendrier que vous envisagez.
La France a progressivement pris conscience de l’importance de son patrimoine linguistique. Riches de soixante-quinze langues, nous avons également la chance de tous parler le français, qui rayonne au-delà de nos frontières. Ce sont ces deux atouts, la diversité de notre patrimoine linguistique, l’unité autour de notre langue, qu’il nous appartient de sauvegarder. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question orale avec débat de M. Nicolas Alfonsi, que je remercie au passage, va nous permettre d’exprimer au Sénat le ressenti profond et local des représentants des collectivités locales que nous sommes à propos des langues dites « régionales » ou « minoritaires ». Dans un instant, ma collègue Gélita Hoarau, sénatrice de la Réunion, évoquera la langue créole.
Il est vrai que nous sommes régulièrement confrontés dans nos collectivités aux problématiques de l’enseignement de ces langues en particulier et de leur environnement culturel en général.
Avant d’aller plus loin, il convient de séparer, si nécessaire, ce débat des langues régionales de ceux du régionalisme et du communautarisme qui recouvrent des approches politiques que nous ne partageons pas.
L’existence des langues régionales est le produit de l’histoire - guerres, conquêtes, défaites, déplacements de populations, invasions… -, des faits qui devraient également nous amener à reconsidérer les politiques d’immigration en cours qui sont, avant tout, conduites par l’égoïsme et l’exclusion en lieu et place de l’accueil et de l’intégration.
Chaque citoyen français a une approche à la fois personnelle et collective des langues régionales, selon son vécu, ses origines, sa culture.
Vous me permettrez d’évoquer ici plus particulièrement la langue bretonne, tout en pensant que ce que nous proposons pourrait servir pour toutes les langues régionales.
La langue bretonne est en danger, selon l’UNESCO : trois locuteurs sur quatre ont plus de cinquante ans et le nombre de locuteurs actifs, donc capables de transmettre au niveau familial, est inférieur à 5 % dans tous les départements bretons. Ce déclin est une conséquence du processus historique de la construction de la nation française, qui a confondu unité et uniformité.
Pourtant, 92% de l’ensemble des Bretons pensent qu’il faut conserver la langue bretonne. Les familles se tournent vers les écoles et les collectivités locales pour trouver une solution.
En Bretagne, trois filières bilingues existent : l’enseignement public propose depuis 1983, au travers de Div yezh, un enseignement bilingue à parité horaire ; l’enseignement privé avec Dihun propose l’équivalent depuis 1990 ; l’association Diwan …
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est une secte !
M. Gérard Le Cam. …pratique l’enseignement par immersion depuis 1977.
Ces enseignements se heurtent à de multiples difficultés, tout d’abord sur le plan des moyens financiers.
La région Bretagne y consacre des dépenses croissantes, de l’ordre de 4,5 millions d’euros en 2005, mais celles-ci se répartissent entre l’Office de la langue bretonne, l’édition, le théâtre, l’enseignement et la formation des adultes, l’enseignement bilingue et l’enseignement du breton – environ 30 % –, les organisations culturelles, les radios, l’audiovisuel et le bilinguisme dans la vie publique.
Les départements consacrent près de 3 millions d’euros par an au breton, dont 75 % pour le Finistère, 10 % pour les Côtes-d’Armor, 11 % pour le Morbihan, 2 % pour l’Ille-et-Vilaine et 1 % pour la Loire-Atlantique.
Il faut rapprocher ces chiffres des 3,2 millions d’euros consacrés par l’État à des actions en rapport direct avec la langue bretonne de 2000 à 2006, soit environ douze fois moins par an que les collectivités locales.
Notre collègue Nicolas Alfonsi a raison de mentionner dans sa question orale « la création d’obligations à la charge de l’État en vue de la sauvegarde et de la transmission de langues régionales ou minoritaires pratiquées sur son territoire ».
L’engagement de l’État est jusqu’à présent très relatif. En témoigne ce que disait en mai 2006 Csaba Tabajdi, député européen hongrois, président de l’intergroupe Minorités nationales traditionnelles, régions constitutionnelles, langues régionales : « En France, les cultures et langues dites “ régionales ”, qui font partie intégrante des cultures et des langues européennes et de l’humanité, exclues de l’espace public par la législation, marginalisées, sont en voie de disparition rapide de la vie sociale malgré la résistance de l’auto-organisation souvent exemplaire des populations avec le soutien de leurs élus dans un cadre juridique, administratif et idéologique hostile. Après des décennies d’éradication, l’enseignement de ces langues reste très marginal et leur place dans les médias, notamment la radio et la télévision, est extrêmement réduite. »
La langue bretonne et le parler gallo font partie de la culture bretonne. Ils contribuent à l’identité et à l’attractivité de la Bretagne, parmi d’autres éléments, comme le sport – la lutte bretonne ou gouren –, les jeux gallos ou bretons, la musique, les danses, les chants, la poésie, la littérature. Certains de ces éléments font l’objet d’une appropriation populaire et massive, par exemple la danse, en particulier au sein des fest-noz et des fest-dei.
En revanche, l’apprentissage de la langue est beaucoup plus difficile, beaucoup plus long, mais indispensable, car il est la base de toute cette culture.
L’État peut et doit être le garant des langues de France et de leur statut, aux côtés des régions qui, mieux que quiconque, peuvent accompagner et mettre en œuvre les dynamiques nécessaires pour relancer une pratique populaire et massive de la langue sans tomber dans l’élitisme ou le séparatisme.
Pour réussir, il faut informer les familles, recruter les enseignants, valoriser la langue au niveau des examens et assurer une continuité, à la fois dans le cursus scolaire et sur le plan géographique. Nous constatons en effet une rupture importante, dès l’entrée en sixième, due au manque d’offre et d’options, ce qui provoque le découragement des familles.
Les suppressions de postes et la politique de pôles conduisent à aggraver une situation déjà chaotique.
Le débat d’aujourd’hui doit être prolongé par une loi qui donne enfin aux langues et aux parlers régionaux une vraie place dans notre République. Et pour que cette loi ne reste pas un recueil de bonnes intentions, il conviendra également d’abonder les lignes budgétaires pour créer les postes nécessaires, financer la formation et populariser les langues et parlers régionaux.
Cela dit, et ayant abordé de façon positive la question des langues régionales, je veux conclure en faisant état de mon inquiétude sur la situation de la langue française, en France et dans le monde.
Permettez-moi de sonner l’alarme : le français est en danger. Le français est pourtant, historiquement, la langue officielle de l’olympisme, de l’Union européenne, de l’UNESCO, de l’ONU. Cela devient de plus en plus théorique. Souvent, nos propres représentants ne font pas respecter cette règle. Je dois néanmoins saluer les efforts des personnels de TV5-Monde et de RFI, qui, avec les pays concernés, font beaucoup pour servir la francophonie et le français, langue de la culture, de la démocratie et de la liberté.
C’est pour cette raison que, dans un même élan, j’appelle à soutenir notre belle langue française et nos belles langues régionales ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en montant à cette tribune, je suis persuadé que, quels que soient les points de vue que vous exprimez sur ce sujet, tous ici vous vous sentez aussi patriotes que moi-même, aussi attachés à l’unité et à l’indivisibilité de la République française que je le suis et dignes continuateurs du progrès constitué par l’ordonnance de Villers-Cotterêts : ce texte a établi le français comme langue du royaume, permettant à chacun de se défendre, de témoigner, d’attaquer en justice et d’être compris par les autres.
Mais l’homme qui s’exprime en cet instant, fier d’être jacobin, ne parlant que la langue française pour s’adresser à vous ou bien l’espagnol, langue de ses grands-parents, et qui, s’il devait apprendre une autre langue, choisirait l’arabe, langue minoritaire la plus parlée dans la région d’Île-de-France dont il est l’élu, ne vient pas devant vous pour discuter de la question de savoir si l’on est pour ou contre les langues régionales – ce qui est absurde – ou, pire encore, si l’on est pour ou contre la diversité culturelle : il s’agit de savoir si le cadre légal existant est adapté, car il en existe déjà un, ou si la France a besoin de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires pour faire progresser la diffusion de celles-ci.
Pour ma part, je n’accepte pas la caricature qui voudrait faire croire que la République française réprime ou méprise les langues régionales. Ce n’est pas vrai ! La France s’est dotée dès les années cinquante d’un cadre législatif très favorable aux langues régionales ; elle était même en avance sur beaucoup de pays d’Europe à cet égard
La loi du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, qui porte le nom du socialiste Maurice Deixonne, a officiellement autorisé et favorisé l’apprentissage des langues régionales de France dans l’enseignement public : le basque, le breton, le catalan et l’occitan, auxquels se sont ajoutés ensuite le corse en 1974, le tahitien en 1981, et quatre langues mélanésiennes en 1992. De sorte qu’aujourd’hui, et depuis 1970, tous les élèves qui le souhaitent voient ces enseignements pris en compte pour l’obtention du baccalauréat.
La loi Toubon de 1994 a confirmé ce cadre légal favorable et Lionel Jospin, par la loi du 22 janvier 2002, a mis des moyens particulièrement importants à la disposition de l’enseignement de la langue corse, si bien que quiconque le veut peut suivre un enseignement en corse à l’école, au collège et au lycée, à raison de trois heures par semaine.
L’État a aussi contribué, en lien avec les collectivités locales qui le demandaient, à rendre possibles les signalisations routières bilingues, ce qui permet, dans certains départements, de pouvoir enfin lire les indications rédigées en français, qui étaient jusque-là surchargées de graffitis Par ailleurs, de nombreuses régions font preuve d’innovation pour favoriser le développement des cultures et des langues régionales.
Par conséquent, rien dans le cadre légal et réglementaire actuel, ni dans la pratique effective, n’est de nature à brider la pratique et la transmission des langues régionales. Et il n’existe pas une voix en France – pas même la mienne ! – qui s’oppose à ce que soient pratiquées les cultures ou les langues régionales.
M. Jean-Louis Carrère. Si, la SNCF !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si le nombre de locuteurs diminue et si leur âge moyen s’élève, il faut en chercher la cause ailleurs que du côté de la République et de la loi !
La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires n’est pas un remède acceptable. Elle est loin de faire l’unanimité en Europe. Contrairement à ce que l’on entend souvent, trop souvent, la France n’est pas l’un des « rares » pays européens à ne pas avoir ratifié cette charte. Quatorze pays membres du Conseil de l’Europe ne l’ont pas signée, dont la Belgique, le Portugal, la Grèce ou l’Irlande, qui ne sont pas des États réputés liberticides. Je pense que personne ici n’a l’intention de comparer le comportement de la République française, quels que soient ses gouvernements, à ceux des gouvernements des pays baltes qui, eux, procèdent à une revanche linguistique à l’égard des russophones.
Parmi ceux qui ont signé cette charte, comme la France, dix États ne l’ont pas ratifiée, dont l’Italie. Au total, vingt-quatre pays membres du Conseil de l’Europe se refusent donc à rendre applicable cette charte sur leur territoire. Cela peut être attribué non pas exclusivement à leur mépris pour les langues régionales minoritaires, mais probablement à d’autres causes ; j’évoquerai l’une d’entre elles tout à l’heure. La France est donc loin de constituer un cas particulier.
La France applique déjà beaucoup d’articles de la charte sans avoir besoin de la ratifier. Vous savez qu’il existe deux types de dispositions : les préconisations impératives et celles qui sont optionnelles. Un grand nombre de préconisations impératives sont déjà appliquées ; je n’évoquerai, pour l’exemple – je vous en épargnerai la lecture –, que les articles 7-1-f, 7-1-g et 7-2. Parmi les préconisations optionnelles que la France respecte, on peut citer les articles 8-1-b, 8-1-c, 10-2-g.
Il n’est donc pas vrai que nous ayons besoin de ratifier la charte pour en appliquer les dispositions qui ne sont pas contraires à notre Constitution, et c’est de celles-ci qu’il faut parler !
J’ajoute, ayant été ministre délégué à l’enseignement professionnel et ayant eu à connaître de cette question, que la définition des langues minoritaires donnée par la charte est extrêmement discutable et confuse.
J’observe qu’elle exclut de son champ d’application toutes les langues des migrants – je pense à l’arabe, à la langue berbère et à bien d’autres – comme si les citoyens qui les parlent du fait de leurs liens familiaux, alors qu’ils sont Français, devaient considérer ces langues comme des langues étrangères, comme si l’on demandait aux Algériens, aux Sénégalais, aux Maliens et à combien d’autres de considérer la langue française comme une langue étrangère à leur culture ! (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.) Pourtant, c’est ce que fait cette charte !
Cette définition extrêmement confuse aboutit à ce que certaines langues soient reconnues comme minoritaires dans un pays et ne le soient pas dans l’autre, alors qu’elles sont parlées dans les deux pays dans les mêmes conditions. C’est le cas du yiddish, reconnu comme langue minoritaire aux Pays-Bas, mais pas en Allemagne ou dans certains pays de l’Est où il est tout autant parlé.
Cette définition très floue peut être, finalement, discriminatoire et elle aboutit à des reconstructions de l’histoire. Je veux bien, chers collègues, que l’on parle de la langue bretonne, mais encore doit-on préciser qu’elle résulte du dictionnaire dit « unifié » de 1942 et qu’elle se substitue aux cinq langues qui existent réellement dans la culture bretonne.
M. Gérard Le Cam. C’est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon. À cet instant, je ne ferai mention ni du fait que l’auteur dudit dictionnaire est un collaborateur des nazis, qui a été condamné à l’indignité nationale, s’est enfui et n’est jamais revenu dans notre pays, ni des conditions dans lesquelles ce dictionnaire a été rédigé et financé à l’époque.
La définition retenue par la charte aboutirait, par exemple, à des absurdités concernant le créole, et bien injustement. Je me souviens d’avoir demandé, en tant que ministre délégué à l’enseignement professionnel, quel créole on devait enseigner ; j’y étais prêt, car cela facilitait l’apprentissage des élèves. Eh bien, trois ans après, je n’avais toujours pas de réponse, parce qu’il n’y a pas un créole, mais des créoles ! Par conséquent, on est amené à choisir, trier, exclure, discriminer de nouveau au moment où l’on croit intégrer. Ce n’est pas pour rien que nos institutions écartent ce type de charte !
Enfin, j’aborde ce qui constitue pour moi le cœur du problème. Il ne s’agit pas de dire que la sauvegarde des langues et cultures régionales nous pousse sur la pente qui conduit automatiquement à la sécession, au particularisme et au communautarisme. Telle n’est pas mon intention ! Mais j’ai bien l’intention de dire que le risque existe. Il ne saurait être question, sous prétexte de respect de la diversité culturelle, d’admettre un point en contradiction absolue avec la pensée républicaine : il n’y a pas lieu de créer des droits particuliers pour une catégorie spécifique de citoyens en raison d’une situation qui leur est propre.
Le fait de parler une langue différente ne suffit pas à instituer des droits particuliers en faveur de ses locuteurs ! Or c’est ce que prévoit explicitement la charte : il s’agit d’encourager la pratique de ces langues « dans la vie publique et la vie privée ».
S’agissant de la vie privée, je rappelle que le caractère laïque de notre République interdit que les institutions gouvernementales et étatiques fassent quelque recommandation que ce soit concernant la vie privée des personnes.
Quant à la vie publique, il est précisé que les États doivent « prendre en considération les besoins et les vœux exprimés par les groupes pratiquant ces langues ».
À l’évidence, ce texte a été écrit à l’intention de pays où des secteurs entiers de la population parlent une autre langue que la langue nationale et seulement celle-là, comme c’est le cas des minorités hongroises ou autres, qui existent dans divers pays de l’Union européenne. Mais en aucun cas il n’a été écrit pour la France, car dans quelles conditions peut-on désigner les représentants de ces groupes ? Va-t-on maintenant élire des représentants des locuteurs de telle ou telle langue ? Non ! C’est en totale contradiction avec l’idée d’égalité républicaine !
Il ne peut être question de faire bénéficier de procédures en langues régionales devant les autorités judiciaires, comme le prévoit l’article 9 de la charte, ou devant les services publics, comme le décide l’article 10. Témoigner, poursuivre en justice, signer des contrats dans une autre langue que la langue française constituerait un recul par rapport à l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Pourtant, c’est ce que prévoit cette Charte européenne des langues régionales ou minoritaires !
Le Conseil constitutionnel a donc eu raison de dire, en 1999, qu’en conférant « des droits spécifiques à des “ groupes ” de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l’intérieur de “ territoires ” dans lesquels ces langues sont pratiquées, [cette Charte] porte atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français. »
Après l’exposé de ces raisons juridiques, philosophiques et républicaines, je voudrais enfin souligner, d’une façon plus personnelle, qu’il ne saurait être question de ne pas tenir compte de l’origine de la charte, à l’heure où beaucoup prétendent, à la suite de Samuel Huntington et de sa théorie du choc des civilisations qui est aujourd'hui la doctrine officielle d’un certain nombre de stratèges de la première puissance mondiale et de quelques autres pays, que, dorénavant, « dans le monde nouveau, la politique locale est “ethnique”, et la politique globale “civilisationnelle” ».
Cette origine, sans doute nombre de mes collègues l’ignorent-ils ; c’est pourquoi je veux la leur apprendre.
La charte, adoptée en 1992 par le Conseil de l’Europe, a été préparée, débattue et rédigée par plusieurs groupes de travail de cette instance qui étaient animés par des parlementaires autrichiens, flamands et allemands tyroliens. Leur point commun était d’être tous issus de partis nationalistes ou d’extrême droite et d’être membres de l’Union fédéraliste des communautés ethniques européennes, la FUEV selon l’abréviation allemande. Cette organisation est aujourd'hui dotée d’un statut consultatif au Conseil de l’Europe, et elle se présente elle-même comme la continuatrice du Congrès des nationalités, instrument géopolitique du pouvoir allemand dans les années trente ! Un des principaux laboratoires de l’élaboration de la charte fut ainsi le groupe de travail officiel du Conseil de l’Europe sur la protection des groupes ethniques, dont la création a été obtenue par la FUEV et qui est également connu pour ses travaux sur le « droit à l’identité », le Volkstum.
Pour toutes ces raisons, la République française n’a donc rien à gagner à modifier sa Constitution pour ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Elle ne pourrait que se renier en le faisant. Elle doit, tout au contraire, continuer sa politique bienveillante et intégratrice, qui donne aux cultures et aux langues régionales toute leur place dès lors que la République est première chez elle ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.
M. Raymond Couderc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quelques instants, je me suis demandé si notre débat portait sur la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ou sur la place des langues régionales dans notre pays ! (Sourires.)
Je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement de ce débat, qui fait suite à celui qui s’est tenu à l’Assemblée nationale il y a quelques jours. Il se conforme ainsi à l’engagement qu’il avait pris en janvier dernier, lors de la discussion sur la révision constitutionnelle ayant précédé la ratification du traité de Lisbonne. Je remercie également notre collègue Nicolas Alfonsi d’avoir posé une question qui transcende les appartenances politiques, comme nous venons de le constater.
Nous pouvons, en effet, nous interroger sur les suites que le Gouvernement compte donner à la décision par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles certaines clauses de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires signée à Budapest le 7 mai 1999.
La question mérite d’être soulevée car, ne nous leurrons pas, la situation des langues historiques et patrimoniales de France, que l’on désigne sous le nom de « langues régionales », est très préoccupante. Elle est même catastrophique pour celles de ces langues qui n’ont pas la chance d’avoir une part significative de leur aire culturelle située hors de France. Tel est le cas du breton et de l’occitan, que l’ONU a déclarées « langues en grand danger » ! C’est pourquoi nous ne pouvons plus nous contenter du flou juridique entourant cette situation.
Ne pas défendre ces langues, ce serait causer la ruine d’une part importante du patrimoine culturel de la France. Notre pays a la responsabilité, à l’égard des générations futures, de transmettre son patrimoine linguistique et culturel. Les langues régionales sont l’expression, au sens propre du terme, de cultures régionales riches et anciennes, qui sont elles-mêmes constitutives du patrimoine culturel de la France et de son identité. Elles sont une de ses richesses et un de ses attraits. Les étouffer, comme cela a pu être le cas par le passé, ce serait mutiler la France et la déposséder d’une partie de son héritage.
Si je prends l’exemple de l’occitan, qui m’est cher, d’autant que le Centre interrégional de développement de l’occitan, pôle associé à la Bibliothèque nationale de France, est installé dans la ville de Béziers, dont je suis le maire, il ne s’agit en rien d’un patois, comme certains le qualifient pour marquer leur mépris.
Au contraire, la sauvegarde de l’occitan est un enjeu majeur, qui concerne une aire culturelle importante, la plus large d’ailleurs de toutes les langues régionales : elle va des vallées alpines italiennes jusqu’au Val d’Aran espagnol, en passant par la Provence, le Languedoc, la Gascogne, le Poitou, l’Auvergne… Les langues d’oc ont longtemps été les langues de la moitié de la France : qui pourrait dire qu’il s’agit d’un détail ? C’est une culture rayonnante. Il n’y a qu’à observer le foisonnement de l’œuvre d’un certain Frédéric Mistral, qui fut d’ailleurs couronnée par le prix Nobel de littérature en 1904, pour s’en convaincre.
La défense et la promotion des langues régionales sont, à mon sens, une obligation internationale de la France. En effet, notre pays prône, sur la scène internationale, la nécessité de défendre la diversité culturelle dans le monde, la fameuse « exception culturelle ». Cependant, il ne suffit pas de promouvoir la diversité culturelle dans le monde si, à côté de cela, on étouffe ses langues historiques et autochtones sur son propre sol. Ainsi, à l’image de ce qui a pu être fait en matière de biodiversité, il faut mettre en œuvre les politiques nécessaires à la sauvegarde de l’esprit et de la culture dans toute leur diversité.
La France a réussi à faire admettre à l’échelon mondial qu’il fallait défendre la diversité culturelle : c’est une belle victoire mais, de ce fait même, elle devient comptable, devant la communauté internationale, de la part de cette diversité culturelle dont elle a la responsabilité, en tout cas pour ce qui se passe sur son sol et dans son espace juridique. Nos langues et cultures sont en effet un patrimoine de l’humanité dont la France a la responsabilité, tout comme elle est comptable de la conservation du château de Versailles ou du Mont-Saint-Michel, qui ne sont pas seulement des éléments du patrimoine français.
En outre, nos langues devraient normalement avoir les moyens de leur vie et de leur avenir. L’État, ainsi que les collectivités locales, doivent s’impliquer davantage dans la défense de la diversité linguistique.
Cependant, il existe de nombreux blocages juridiques, qui ne permettent pas d’attribuer un véritable statut aux langues régionales, nuisant ainsi à leur promotion et à leur diffusion. Ces langues sont souvent moins bien traitées que les langues étrangères, en particulier dans l’enseignement.
Or, contrairement à ce qu’en disent certains de ses détracteurs, l’apprentissage des langues régionales ne se fait pas au détriment de celui des langues étrangères : ce n’est pas une soustraction, c’est une multiplication. Toutes les études de psychopédagogie l’ont démontré : l’apprentissage d’une langue régionale ouvre tout aussi bien que l’étude d’une langue étrangère à la gymnastique mentale qui conduit au plurilinguisme. De même, dans l’enseignement, il nous faut éveiller les enfants aux langues régionales dès la maternelle et le primaire, au-delà de ce qui se fait déjà dans les calendretas. Je tiens d’ailleurs à saluer ici leur rôle dans la promotion et la diffusion de la langue occitane.
C’est pourquoi, afin de relever ce grand défi, j’en appelle à la création d’un véritable statut pour les langues historiques de France. Il est nécessaire de reconnaître les langues qui constituent l’identité de la France et de les distinguer de l’ensemble des langues du monde, qui toutes peuvent être, ou ont été, langues de l’immigration.
L’absence de statut juridique pour ces langues n’est pas sans conséquences concrètes, comme nous venons de le voir pour l’enseignement. Elle justifie encore des blocages. Ainsi, récemment, un recteur d’académie pourtant bien disposé à l’égard des langues régionales justifiait l’interdit de l’immersion au motif que si elle était accordée, il faudrait aussi l’accepter pour le chinois, l’arabe, le turc… Il faut pourtant souligner que si le destin du chinois, de l’anglais, de l’arabe ou du turc ne se joue pas en France, il n’en va pas de même de celui de l’occitan et des autres langues régionales !
Un grand nombre de blocages faisant obstacle à la promotion des langues régionales sont directement issus de la rédaction de l’article 2 de notre Constitution. Depuis sa modification de 1992, il est inscrit dans le marbre que « la langue de la République est le français ». Que l’on me comprenne bien : il ne s’agit en rien de contester, d’une quelconque manière, cette affirmation. La langue de la République est et doit rester le français, dans un souci d’unité territoriale de notre pays.
Cependant, ce qui est contestable, ce sont les seize années d’interprétation continûment très restrictive de cet article, de la part à la fois du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État : refus de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, interdiction de l’enseignement bilingue en immersion, etc. Leurs décisions, sans recours possible, sont la marque d’une rigidité anachronique à une époque où le pluralisme linguistique dans le monde a été reconnu comme une des sources majeures de la richesse des sociétés. Un nouveau texte est donc nécessaire.
Le défi, pour la République, n’est plus d’unifier un pays morcelé pour le fondre dans une destinée commune, comme c’était le cas il y a un siècle et demi, à une époque où les États-nations achevaient leur construction en Europe. Non, le défi aujourd’hui est de promouvoir la diversité, sous toutes ses formes, afin que chacun puisse retrouver, dans le socle commun de la nation française, les racines de son identité.
On ne fédère pas en méprisant, on unit au contraire en associant, en assemblant. À un moment où l’idée même de nation semble remise en question, où l’identité française est en débat, gageons, mes chers collègues, que le respect de l’identité de chacun contribuera au renouveau de notre grande nation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
(Mme Michèle André remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à la Réunion, très récemment, un sondage établissait qu’une immense majorité de la population, soit 83 % de celle-ci, utilisait la langue créole dans sa vie quotidienne.
Il faut dire que la langue créole a été l’élément essentiel qui a cimenté l’unité du peuple réunionnais, issu de divers continents – Europe, Asie ou Afrique – et dont chaque composante a apporté sa propre culture.
À cet instant, je souhaite préciser un point : il n’existe pas une langue créole unique, chaque île ou archipel, qu’il soit français ou non, comme l’île Maurice ou les Seychelles, possédant son créole spécifique. (M. Jean-Luc Mélenchon approuve.)
La langue créole s’est maintenue, non sans avoir subi des évolutions, des transformations et des enrichissements multiples. Que cette langue perdure aujourd’hui, c’est la preuve de sa vitalité et de la volonté des Réunionnaises et des Réunionnais de la conserver.
Pourtant, la politique imposée aux esclaves et aux colonisés a été non seulement la domination et la sujétion, mais aussi la destruction des cultures, comme le disait en ces termes Aimé Césaire : « Je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures piétinées, d’institutions minées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées. »
Combien de fois n’a-t-on pas entendu des affirmations péremptoires selon lesquelles la langue créole, voire tel ou tel aspect de la culture de pays subissant la colonisation, étaient inférieurs à ce qui venait de l’Occident ? Le pire est que, du fait des complexes ainsi engendrés, des ressortissants de contrées colonisées ont parfois repris à leur compte ces jugements définitifs, reniant ainsi leur propre identité culturelle.
À la Réunion, la chasse à la langue créole faisait partie de la politique officielle, tant sur le plan administratif que dans l’éducation nationale. Le mot d’ordre d’un vice-recteur n’était-il pas de « fusiller le créole » ? Cela se passait il y a seulement trente ans !
Persister à vouloir « fusiller le créole » susciterait maintenant une réprobation unanime, tant il est admis aujourd’hui qu’il n’existe aucune échelle de valeurs pouvant permettre de classer les cultures selon d’illusoires critères de supériorité. Chacun de nous sait trop bien où cela a conduit l’Europe dans les années quarante.
De plus, à l’heure où bien des efforts sont faits pour sauvegarder la biodiversité, par respect pour la nature et pour ce qu’elle a produit sur les plans tant animal que végétal, comment admettre que ce qu’une société humaine a créé de spécifique et d’unique : sa culture, puisse disparaître sans dommage ?
Trop de langues, trop de cultures ont été anéanties. Parce que la diversité culturelle enrichit le patrimoine de l’humanité, il nous appartient d’en sauvegarder et d’en valoriser toutes les expressions, tant il est vrai que la culture unique est annonciatrice de la mort de toute culture.
À la Réunion, l’introduction du créole à l’école a toujours été un sujet de polémique et de déchirements, les uns estimant qu’elle est un obstacle à l’apprentissage du français – ce qui conduit certains à approuver la répression du créole –, les autres considérant au contraire que la prise en compte du vécu de l’enfant réunionnais dans tous ses aspects socioculturels, dont sa langue maternelle, contribue à son plein épanouissement et favorise, notamment, l’apprentissage de la langue française. Ceux-là insistent donc sur le fait que réprimer la langue maternelle engendre chez l’enfant de graves traumatismes, porteurs de blocages.
C’est sur le fondement de ces observations et dans le souci de valoriser et d’enrichir les cultures régionales que la loi organise à présent l’enseignement et le développement de la langue et de la culture régionales.
Une telle législation constitue une avancée indéniable et contribue à faire évoluer les esprits, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.
À cet égard, permettez-moi de vous faire part d’une anecdote : voilà seulement quelques jours, un principal de collège a interdit à l’un de ses élèves de s’exprimer en créole à la télévision publique, alors même que l’émission à laquelle il participait était entièrement réalisée dans cette langue !
La mise en application des textes se heurte encore trop souvent soit à l’inertie, soit à des réflexes passéistes, quand il ne s’agit pas tout simplement de mauvaise foi. Madame la ministre, vous ne manquerez sans doute pas de faire un point d’étape sur ce sujet en compagnie de votre collègue chargé de l’éducation nationale, afin que les pesanteurs puissent être surmontées et les initiatives encouragées.
Pour conclure, sans doute conviendrons-nous tous, d’une manière plus générale, que la reconnaissance et la valorisation de la diversité culturelle ont besoin d’un souffle nouveau. La planète a eu droit à son sommet, qui s’est tenu en 1992 à Rio ; la diversité culturelle n’en mérite-t-elle pas autant ? Il serait tout à l’honneur de la France de prendre l’initiative d’organiser une telle conférence. Notre pays aura d’autant plus de légitimité à jouer ce rôle qu’il possède déjà une grande diversité, dès lors que sont pleinement reconnus les apports culturels spécifiques et uniques de toutes ses régions, en particulier ceux des départements et collectivités d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant de vous faire part de la position des Verts sur la question des langues régionales, je souhaite remercier M. Alfonsi de son initiative. Son engagement pour la promotion et la préservation des langues régionales lui fait honneur.
Les langues régionales, dites minoritaires, voire minorisées, constituent un élément fondamental du patrimoine culturel français. Plus de 10 % de nos compatriotes pratiquent l’une des soixante-quinze langues régionales qui existent à côté du français.
Ces « langues régionales de France », ainsi que les qualifient les lois du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française et du 1er août 2000 relative à la liberté de communication, sont enseignées dans nos écoles et font l’objet d’une attention évidente de la part des collectivités territoriales, dont nous sommes ici les représentants.
Qui n’a jamais eu le plaisir de voir des doubles signalisations à l’entrée des villes, qui font coexister la langue régionale du territoire avec le français ?
Il existe une demande sociale forte de préservation de ces langues. Comme pour tout patrimoine historique, leur disparition doit nous préoccuper, au même titre que la déshérence constatée de nombreuses traditions locales.
Là est le débat : comment préserver ces langues régionales vouées à s’éteindre ? Comment permettre une transmission de qualité de ces langues et garantir à leurs locuteurs la liberté d’en user dans des sphères autres que celle de la vie privée ?
Bien évidemment, il y a l’école. Ainsi, 404 000 élèves ont suivi un enseignement en langue régionale en 2005.
Il y a également les médias. Certains programmes diffusés par le service public de l’audiovisuel sont exclusivement en langue régionale.
Il y a donc une pratique, qu’il s’agit aujourd’hui de reconnaître de manière solennelle. La révision prochaine de la Constitution nous en offre l’occasion.
À cet égard, permettez-moi de vous faire part de notre position sur la question des langues régionales, s’agissant notamment de leur reconnaissance constitutionnelle.
Au préalable, je souhaite rappeler que les langues régionales n’ont jamais eu pour vocation de se substituer au français. Personne ne le conteste, le français est la langue officielle de la République. C’est même tellement évident qu’il a fallu attendre 1992 pour qu’une telle précision soit inscrite dans la Constitution. La raison en est simple : la révision constitutionnelle intervenue à cette époque visait non pas les langues régionales, mais bien les langues étrangères, notamment l’anglais, qui prenait parfois le pas sur le français.
Deux ans plus tard d’ailleurs, et ce n’est pas anodin, la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite « loi Toubon », est venue renforcer ce que vous avez qualifié de « processus d’unification » de la langue française lors de votre intervention devant l’Assemblée nationale, madame la ministre.
Parler de processus d’unification de la langue en 1992 n’a plus aucun sens ! Quoi qu’il en soit, cette reconnaissance officielle a eu pour conséquence un dommage collatéral : la minorisation des langues régionales.
Partout où elles existaient avant cette modification de la Constitution, elles ont survécu. Elles transcendent la notion d’unité et d’indivisibilité du territoire en ce qu’elles prennent racine dans l’histoire la plus profonde de notre pays.
Malheureusement, ces langues ont souvent été diabolisées. Nombre d’entre vous, mes chers collègues, leur prêtent le rôle de cheval de Troie dans la destruction de l’identité nationale et de l’unité de la République.
En 1999, la gauche s’était engagée à accorder à ces langues la place qu’elles méritent dans notre ordre juridique et social en signant la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, étape fondamentale qui devait aboutir à la ratification de ce texte par notre pays.
Or aujourd’hui, nous nous retrouvons enfermés dans un piège abscons : nous nous sommes engagés à ratifier la charte, mais le Conseil constitutionnel a déclaré certaines de ses clauses contraires à la Constitution.
Pour autant, faut-il baisser les bras et renoncer à une telle ratification pour cause d’incompatibilité de la charte avec la Constitution ? Cette charte constitue pourtant le cadre juridique idoine pour permettre aux langues régionales de perdurer, de se développer et de prospérer, et ce dans le respect le plus total des principes fondateurs de notre République.
Plusieurs des dispositions de ce texte sont déjà appliquées, mais il faut aller plus loin aujourd'hui.
En ratifiant la charte, la France se conformerait aux conventions de l’UNESCO du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et du 20 octobre 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Ces conventions, dont notre pays a été à l’initiative, font obligation aux États de défendre la diversité culturelle et linguistique sur leur territoire.
La ratification de la charte s’inscrit également dans la logique du traité de Lisbonne, dont l’un des articles dispose que l’Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen ». Elle serait d’autant plus opportune que l’Allemagne, l’Autriche, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Espagne et la Finlande y ont déjà procédé. Cela constituerait indiscutablement un signe fort en faveur de la promotion de la diversité et de la richesse culturelles de notre pays.
Pourtant la majorité, ainsi que certains membres de l’opposition, refusent cette ratification. Permettez-moi, à cet instant, de lever l’ambiguïté sur l’impossibilité de ratifier la Charte en raison de son incompatibilité avec la Constitution.
Dans sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a seulement soulevé des réserves d’incompatibilité entre la Constitution et plusieurs articles de la charte, en en précisant le champ. Ce sont donc seulement quelques dispositions, et non la charte dans son intégralité, qui sont inconstitutionnelles.
D’ordinaire, lorsque le Conseil constitutionnel déclare qu’un traité est incompatible avec la Constitution, il indique systématiquement que cette dernière doit être révisée. Or la nécessité de réviser la Constitution n’est nullement mentionnée dans la décision du 15 juin 1999 : en effet, réviser la Constitution pour la rendre compatible avec la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires porterait atteinte aux principes d’unité et d’indivisibilité de la République, qui ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle.
Ce piège dans lequel la signature de la charte nous a enfermés, nous pouvons pourtant en sortir d’une manière très simple.
En effet, dans sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel précise clairement quelles dispositions de la charte sont contraires à la Constitution.
Il suffit donc, dans le cadre d’un projet de révision constitutionnelle, de préciser que la France peut ratifier la charte dans le respect de l’article 2 de la Constitution et des réserves soulevées par le Conseil constitutionnel.
L’obstacle juridique serait alors levé, et la charte pourrait être ratifiée. De cette ratification découlerait la reconnaissance encadrée des langues régionales ou minoritaires, dans le respect de la Constitution et de la forme républicaine de notre régime.
Enfin, je souhaite répondre à un argument qui est souvent avancé par les opposants à la ratification, à savoir le risque d’une dérive communautariste.
Pourquoi la reconnaissance encadrée des langues régionales engendrerait-elle du communautarisme ? D’ailleurs, derrière la notion de « communautarisme », je crois déceler la peur de reconnaître les langues des minorités, peut-être celles des migrants : d’aucuns ont évoqué l’arabe ou le chinois. Pourtant, ces langues sont exclues du champ d’application de la charte. Une telle crainte ne se justifie donc pas.
Depuis des générations, des familles et des professeurs transmettent les langues régionales, dont les locuteurs n’en parlent pas moins le français pour autant. Il s’agit d’organiser la coexistence du français avec les langues minoritaires et régionales, et non de substituer celles-ci à celui-là.
Les langues régionales sont source d’enracinement et de cohésion sociale. Elles sont les portes qui permettent d’accéder à d’autres cultures et de les comprendre. Elles ne menacent nullement l’unité de la République, celle-ci étant au contraire préservée dans sa diversité. L’identité française est également constituée de ces différences et de ces enrichissements linguistiques. Le nier reviendrait à nier une partie de notre histoire, de nos régions et de notre patrimoine local. Reconnaître la diversité culturelle, plutôt que de la nier, nous paraît aujourd’hui le plus sûr moyen de préserver l’identité républicaine et de l’enrichir. Seule la reconnaissance du multiple peut garantir notre unité et favoriser l’égalité. Si nous voulons être tous égaux, commençons par admettre que nous sommes tous différents.
La reconnaissance des langues régionales n’est pas un objectif à atteindre ; il s’agit d’une réalité que nous devons renforcer, d’une pratique que nous devons reconnaître juridiquement, en l’inscrivant dans la Constitution.
Pour conclure, permettez-moi de citer un proverbe breton : « ar pobl a koll e yezh a koll e spered », ce qui signifie : « un peuple qui perd sa langue perd son âme ». (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et de l’UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Madame le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne m’adresserai pas à vous en catalan, même si je pourrais m’exprimer dans cette langue, qui se classe aujourd'hui au huitième rang européen, avec 10 millions de locuteurs.
Certes, l’école de la République m’en avait interdit l’accès. Dans ma jeunesse, on écrivait sur les murs des préaux des écoles : « Soyez propres : parlez français ! »
Depuis, j’ai appris cette langue et mené une politique active de reconquête de la culture et de l’identité de Perpignan la Catalane, en me fondant d’ailleurs sur certaines lois qui ont ouvert la voie, sans aller plus loin.
Soc capaç de parlar català ! Cependant je ne m’adresserai pas à vous en catalan, parce que je veux être compris de toutes et de tous, parce que je veux respecter notre unité, forte de nos diversités, parce que je suis pour la catalinité qui enrichit, et non pour le catalanisme qui dresse des frontières et réduit notre espace économique, social et culturel.
Notre débat d’aujourd’hui doit être abordé en termes sereins. Il ne doit être ni folklorisé ni caricaturé.
Tout d’abord, le fait de n’avoir pas considéré la protection de la langue et de la culture d’origine comme un droit fondamental dès la naissance de notre République, c’est-à-dire dès la proclamation des droits de l’homme et du citoyen, a été, même si cela s’explique par la préoccupation de fonder un État moderne et homogène, une erreur historique que n’ont pas commise d’autres pays européens.
En effet, et cela a été souligné, à l’heure où l’on défend la biodiversité comme une valeur cardinale, garante du respect des différences, une telle exception apparaît comme une crispation idéologique sans véritable fondement logique.
En quoi l’existence d’une langue nationale serait-elle contradictoire avec la défense de la diversité culturelle de notre patrimoine, que l’ensemble des langues régionales constituent ? En quoi ces dernières et leur inscription dans un statut juridique clair menaceraient-elles les fondements et les principes de l’État français ?
Les langues régionales ont une tradition, une syntaxe, une longue histoire. Lorsqu’on n’évolue pas dans une communauté où ces langues sont parlées, lorsqu’on ne les pratique pas, on a l’impression qu’il s’agit de survivances. Or elles sont au contraire au cœur de notre identité individuelle et collective.
Comme nous le savons tous, l’article 2 de la Constitution n’a été modifié qu’en 1991 : encore l’a-t-il été pour faire barrage à la généralisation de l’anglais, langue commerciale par excellence, en passe de devenir l’unique langue d’échanges, au détriment de la francophonie.
Précisément, la francophonie inclut toutes les langues de France, à savoir aussi les langues régionales. Au passage, notons que la modification de cet article n’a eu aucun effet sur l’extension de la langue de Shakespeare…
Permettez-moi de parler de Perpignan, ville duelle, plurielle, française et catalane. Cette claudication entre plusieurs identités, cette capacité naturelle à appréhender au moins deux langues nous donnent un rôle naturel de plate-forme entre le monde ibérique – et, au-delà, le Maghreb – et l’Europe du Nord.
Loin d’être un signe de repli identitaire, notre langue naturelle est ainsi devenue le gage d’une inscription dans l’Europe de demain et dans l’Euro-Méditerranée, ainsi que le ciment d’un espace transfrontalier en voie d’émergence qui unit les villes de Gérone, de Figueras, de Perpignan et de Narbonne. Toute la communication de Perpignan est bilingue, sans que cela pose le moindre problème aux habitants, quelles que soient leurs origines.
En tant que maire de Perpignan, en tant que vice-président du Haut Conseil national des langues régionales de France, je pense qu’il est temps de donner à nos langues le statut auquel elles ont droit : un droit de cité aux côtés de la langue de la République, sans se substituer à elle, bien entendu, mais dans tous les actes et sphères de la vie publique.
Cela suppose l’existence parallèle d’un enseignement structuré : chacun sait aujourd’hui combien le bilinguisme favorise et l’agilité intellectuelle et l’apprentissage d’autres langues. Ainsi le respect du passé peut-il, une fois encore, devenir le gage d’une inscription résolue dans la modernité.
La loi doit imposer non seulement le respect de ces langues, mais aussi leur défense : le respect ne suffit plus. Nous avons besoin de fonder une politique positive, et c’était l’engagement du Président de la République. Il s’agit de défendre un droit, celui de pratiquer les langues qui nous ont faits ce que nous sommes. Parler catalan, basque, alsacien, occitan, wallon, breton ou créole, ce n’est pas ringard, c’est décliner une identité multiple, une interculturalité qui sera, demain, le socle de nos sociétés.
Les langues régionales ne représentent pas la France d’hier ; ce sont les racines de la France de demain, celle qui résistera à la banalisation culturelle de la mondialisation ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour remercier M. Alfonsi d’avoir été à l’initiative de ce débat sur la question des langues régionales, débat qui s’est également tenu la semaine dernière à l’Assemblée nationale et qui aurait pu être une étape importante et attendue dans un processus permettant à notre pays de se mettre en adéquation avec ce qu’il préconise très souvent à l’échelon international.
Pourtant, il me semble que la France a bien signé en 2006 deux conventions de l’UNESCO : la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003, qui stipule en son article 2 que ce patrimoine se manifeste notamment dans « les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel », et la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005, qui rappelle dans ses considérants que « la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle » et dans ses objectifs, à l’article 1er, qu’il convient « de promouvoir le respect de la diversité des expressions culturelles et la prise de conscience de sa valeur aux niveaux local, national et international ».
En revanche, dans le cadre du Conseil de l’Europe et de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, il semble que l’on ne veuille toujours pas s’engager davantage. Il en a été beaucoup question aujourd’hui.
Pourtant – et nous en avons la preuve dans de nombreuses régions à forte identité comme la mienne, la Bretagne –, la reconnaissance et la promotion des langues régionales représentent non seulement un atout culturel et social considérable, mais aussi une véritable chance de développement économique.
Cependant, comme l’ont souligné plusieurs intervenants, de nombreuses langues minoritaires régionales sont aujourd’hui en péril. Nous constatons malheureusement une baisse parfois considérable du nombre de locuteurs de ces langues.
Depuis la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le 7 mai 1999, la situation n’a pas évolué. De surcroît, dans certains cas, des blocages administratifs n’ont pas permis le développement de ces langues : non-ouverture de classes dans l’enseignement public, articulation entre l’école élémentaire et le collège non organisée, crédits spécifiques en baisse…
Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la reconnaissance officielle de notre diversité culturelle et linguistique. Cette question est traitée à l’échelle de l’Europe de manière régulière depuis une quinzaine d’années, et les avancées vers la reconnaissance de la pluralité culturelle au sein des États européens sont avant tout vécues comme des avancées démocratiques, malgré ce que certains ont pu dire à cette tribune.
Alors qu’elle s’apprête à prendre la présidence de l’Union, la France ne peut faire figure de mauvaise élève s’agissant de cet enjeu politique, culturel et citoyen majeur.
Avec mes collègues des départements du Finistère et des Côtes-d’Armor – le département que je représente pour ma part, le Morbihan, est d'ailleurs le seul à ne pas porter un nom français, puisqu’il signifie « la petite mer » en breton –, nous pensons qu’il importe que des garanties puissent être apportées par l’État, d’une manière ou d’une autre. C’est la raison pour laquelle, depuis six ans, à l’occasion de chacune des modifications constitutionnelles, nous avons proposé que la France s’engage dans cette voie.
C’est dans cette optique que nous avions déposé un amendement lors du débat sur la révision constitutionnelle qui s’est tenu en janvier dernier. La référence que nous devons avoir à l’esprit, c’est la signature par la France, en mai 1999, des articles de cette charte déclarés conformes à la Constitution, comme le gouvernement de M. Jospin l’avait à l’époque proposé.
À chaque fois, on nous a répondu que ce n’était pas le moment, que l’on ne pouvait pas inscrire cette disposition dans le texte, mais que le Gouvernement allait prendre des initiatives. Nous attendons toujours, et je forme le vœu que ce débat ne constitue pas un énième épisode de cet attentisme poli.
Si nous voulons consolider les dispositifs éducatifs de transmission et donner un signe de la détermination de la puissance publique à agir en ce sens, la signature de certains articles de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires peut se révéler particulièrement probante et incitative.
Il ne s’agit pas d’une remise en cause de notre langue nationale, cela va de soi, et nous avons été très nombreux à le dire ici. Lors de la défense de notre amendement, nous avions d’ailleurs souhaité que soit réaffirmé notre attachement à l’unité de la République et à la suprématie du français, garant de la cohésion nationale.
Cependant, reconnaissons-le, ce n’est pas le développement des classes bilingues ou même en immersion dans l’école de la République qui mettra notre langue commune en danger, mais plus certainement le manque de volonté de la défendre là où elle est réellement en péril, comme dans les publications scientifiques ou industrielles nationales, au sein des institutions européennes parfois, ou le manque de moyens efficaces pour défendre la francophonie partout où cela est possible.
À notre sens, la reconnaissance des héritages culturels et linguistiques de nos régions doit s’accompagner de la réfutation de toute forme de communautarisme. Cette reconnaissance a vocation à constituer au contraire un véritable rempart contre toute dérive de cette sorte. Elle intervient, en effet, comme un remède à l’humiliation qui est encore parfois très fortement ressentie par certains et qui pourrait favoriser un repli communautaire contre lequel nous voulons lutter.
La pratique de plusieurs langues, la maîtrise de plusieurs cultures, la valorisation d’un ancrage local sont autant de facteurs reconnus pour favoriser l’épanouissement personnel, l’ouverture au monde, l’acquisition d’autres langues, et donc une intégration plus réussie dans le monde globalisé qui est le nôtre.
Nous connaissons tous la décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999 à propos de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires : celui-ci n’a déclaré contraires à la Constitution qu’une partie du préambule de la charte, l’article 1 a partie 5, l’article 1 b et l’article 7, paragraphes 1 et 4. Le Conseil constitutionnel a en outre déclaré que les autres dispositions se bornaient à reconnaître des pratiques déjà mises en œuvre par la France en faveur des langues régionales.
Il n’y a donc apparemment aucun inconvénient à ratifier cette charte, et il n’y aurait nul besoin de modifier la Constitution pour cela, dès lors que l’on ne ratifierait pas celles des dispositions qui ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Dans cet esprit, il serait peut-être intéressant de mettre en place un groupe de travail commun à la commission des lois et à la commission des affaires culturelles pour préciser quelles sont les dispositions de la charte applicables et quelles pourraient être les modalités de leur mise en œuvre.
Pour en revenir à la question de la sauvegarde des langues régionales, les régions concernées sont souvent déjà très offensives. À son niveau, dans la limite de ses compétences et de son budget, le conseil régional de Bretagne a voté à l’unanimité, en décembre 2004, la mise en œuvre d’un plan de politique linguistique, afin de soutenir les filières d’enseignement, les formations pour adultes, le développement des usages des langues régionales dans les médias, l’édition et l’expression culturelle. Mais il y a urgence : les régions se trouvent aujourd’hui confrontées aux limites de leurs moyens et de leurs compétences en la matière.
Cette année, nous fêtons les trente ans de la Charte culturelle qui avait été présentée par M. Valéry Giscard d’Estaing, alors Président de la République, en Bretagne. Alors même que l’UNESCO annonce une année internationale des langues, il semble plus que jamais opportun de franchir un nouveau cap et de donner un nouvel élan au bilinguisme dans les régions françaises.
À ce sujet, madame la ministre, permettez-moi une suggestion : la suppression de la publicité à la télévision publique étant envisagée, pourquoi ne pas attribuer, lorsque cela est possible, les créneaux ainsi libérés aux langues régionales ?
Dans un courrier adressé mardi dernier au Premier ministre, le président du conseil régional de Bretagne a demandé l’introduction d’un droit à l’expérimentation dans la Constitution, afin de développer et de mettre en œuvre une véritable politique linguistique en adéquation avec les attentes des citoyens.
S’agissant de cet enjeu de la sauvegarde et de la transmission des langues régionales, le Sénat, représentant des collectivités territoriales, devrait adopter avec force des positions claires, réalistes et ambitieuses, comme beaucoup d’entre nous l’ont fait cet après-midi : ratification des dispositions de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires compatibles avec la Constitution ou, le cas échéant, soutien à la régionalisation au travers de la mise en place d’un droit à l’expérimentation en matière de politique linguistique publique, et ce d’une manière sereine et positive.
C’est la condition pour redonner du contenu et du sens à une démocratie de proximité, certes enracinée dans une histoire bien particulière à laquelle nous tenons, mais ouverte sur le monde et porteuse d’une diversité culturelle reconnue et valorisée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, évoquer, au lendemain de sa mort, la mémoire d’Aimé Césaire, me semble de circonstance dans un débat sur les langues régionales ou minoritaires, parce que s’il y a un mot qu’il a affirmé avec une foi laïque et citoyenne, c’est bien le mot : « identité » !
C’est ce mot-là qui doit être au cœur de notre réflexion ; c’est ce mot-là qui nous impose de faire preuve d’ouverture d’esprit, de responsabilité et de courage à une époque où les cultures sont prises entre la déferlante de la mondialisation et la volonté de perdurer, de s’affirmer et de rayonner.
C’est en vertu du respect légitime des identités qu’une grande nation comme la France ne peut répondre ni par la surdité législative, ni par la contorsion politique, ni par la cécité culturelle à la demande de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
En effet, de la Guadeloupe à la Martinique, de la Martinique à la Guyane, de la Guyane à la Réunion, de la Réunion à la Nouvelle-Calédonie, sans oublier les Comores, Wallis et Futuna, Tahiti, des langues chantent, pleurent, rient pour exprimer les héritages, les filiations, les domiciliations, les inflexions qui singularisent, ici ou là, la condition humaine.
Dans l’Hexagone même, le succès extraordinaire du film Bienvenue chez les Ch’tis confirme, si besoin était, la conscience des langues régionales et des langages du terroir.
Disant cela, je ne fais l’éloge d’aucun passéisme ni d’aucun folklorisme. C’est au présent et, surtout, à l’avenir que je pense. En effet, les langues minoritaires, loin d’être des langues résiduelles ou bâtardes, sont des langues à part entière. Elles méritent, à ce titre, le respect de tous et, mieux encore, le respect de la nation.
En effet, non seulement la France ne va pas disparaître parce qu’elle aura consacré, soutenu, développé le principe d’un pluralisme linguistique, mais elle s’enrichira, au contraire, d’une diversité résolument moderne. Elle permettra à ses différentes composantes de valoriser des pans de cultures, des parts d’humanité, des éclats d’imaginaires. C’est dans ce terreau-là que surgira, avec vigueur, l’identité d’une France résolument plurielle et fortement unie. Vous le savez mieux que moi, mes chers collègues, l’unité n’est pas l’uniformité !
L’enjeu de la question des langues régionales est de donner des fondements juridiques au multilinguisme français.
Je ne saurais, dans ce débat, occulter la question du créole. Si de notables avancées visent à faire oublier le mépris d’hier, on ne peut, pour le moment, crier victoire. Le créole, toujours chichement enseigné, encore englué dans des suspicions « coloniales », y compris de la part des parents d’élèves, demeure mal soutenu, alors même que les expériences menées établissent que l’enseignement du créole ne nuit en rien à celui du français.
Plutôt que de nous enfermer dans une dichotomie opposant langue nationale et langue régionale, il faudrait, au contraire, favoriser l’une et l’autre dans le cadre d’une politique linguistique généreuse, cohérente et humaniste. Astérix vient d’être édité en créole : c’est une fierté pour les créolophones, et c’est également un cadeau que le créole fait à tous les francophones ! C’est le refus de l’ouverture qui engendre les communautarismes, les frustrations et parfois les blessures. Aucune langue n’est petite pour ceux qui l’habitent !
Aussi, je formule le vœu que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires soit ratifiée, sous peine de rétrécir linguistiquement une France qui mérite mieux que des refus obstinés et des aveuglements culturels. Les langues aussi ont besoin de liberté, d’égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, en évoquant la place des langues régionales dans notre société et les mesures qui pourraient être prises pour la consolider, M. Alfonsi nous a invités à ouvrir dans cette enceinte un débat dont les termes et la portée ont toujours passionné nombre de nos concitoyens.
Aborder la question des langues régionales, des langues des Français, c’est, en effet, toucher directement à l’idée que l’on se fait de l’identité nationale, à la manière dont elle s’exprime, aux représentations que l’on y attache. La place des langues dans la société intéresse la dimension publique de la vie, en même temps qu’elle touche à l’intime en chacun de nous. En l’évoquant, nous nous situons toujours sur le double registre du rapport à autrui, puisque toute langue est un outil de communication, et du rapport à soi-même, puisque toute langue est aussi un marqueur d’identité.
Or, depuis une dizaine d’années, cette question est récurrente. Régulièrement, à l’occasion de modifications constitutionnelles, le sujet de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires s’invite dans les assemblées. Nos concitoyens attendent légitimement que les pouvoirs publics leur apportent une réponse sans ambiguïté sur ce point.
Il ne faut pas oublier les conditions dans lesquelles ce texte a vu le jour.
Promulgué en 1992, au lendemain de la chute du mur de Berlin, il répondait notamment à la nécessité de protéger des minorités que le nouvel ordre des choses en Europe centrale pouvait bousculer.
Tout autre est évidemment la situation en France, où s’est développé progressivement un enseignement des langues régionales, où les diverses expressions culturelles, soutenues par l’État et les collectivités locales, se voient accorder une large place par les médias. Pour être souvent jugées insuffisantes, ces avancées n’en sont pas moins bien réelles.
Si la France a signé la charte en 1999, elle n’a pas pu la ratifier, le Conseil constitutionnel ayant jugé qu’elle comportait des clauses contraires à la Constitution. Notre position n’a évidemment pas changé, et la charte ne sera pas ratifiée. Je l’ai dit la semaine dernière à l’Assemblée nationale : le Gouvernement, autant pour des raisons pratiques que pour des raisons de principe, ne souhaite pas modifier la Constitution dans un sens qui permette la ratification.
Sur le plan des principes, le Conseil constitutionnel a estimé que la charte conférait des droits spécifiques et imprescriptibles à des groupes de locuteurs à l’intérieur de territoires, ce qui portait atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français.
Or ces principes fondamentaux s’opposent, selon le Conseil constitutionnel, à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance.
Il a également considéré que les dispositions énoncées dans le préambule de la charte, ainsi que dans les parties I et II, n’étaient pas dépourvues de portée normative : elles sont contraires au premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, aux termes duquel « la langue de la République est le français », en ce qu’elles tendent à reconnaître un droit à pratiquer une autre langue que le français, au-delà de la vie privée, dans la sphère publique, à laquelle la charte rattache la justice, les autorités administratives et les services publics.
C’est donc sur un double terrain, celui de l’atteinte aux principes fondamentaux de la République et de la méconnaissance de la primauté du français dans la sphère publique, que le Conseil constitutionnel s’est placé pour affirmer que la charte comportait des dispositions contraires à la Constitution.
Nos concitoyens sont naturellement attachés à ces principes, sur lesquels nous ne souhaitons pas revenir, de même, j’en suis persuadée et cela a été dit, que la représentation nationale. C’est d’ailleurs pour ce motif précis que le Président de la République s’était déclaré défavorable à la ratification de la charte lors de la campagne électorale présidentielle.
Toutefois, au-delà de la décision du Conseil constitutionnel, il faut avoir présentes à l’esprit des considérations d’ordre institutionnel, pratiques et financières qui, prises ensemble, confortent le Gouvernement dans son intention de ne pas ratifier la charte.
Ainsi, il n’est, à l’évidence, pas souhaitable qu’une administration nationale ou territoriale soit obligée de s’exprimer dans la langue d’une région donnée. L’instauration d’une condition incontournable de maîtrise de cette langue régionale pour être recruté en tant que fonctionnaire pourrait, en effet, être une conséquence logique de la ratification de la charte.
Ne perdons pas de vue non plus l’existence de difficultés d’ordre pratique, difficultés liées d’abord au nombre de langues concernées. Lorsque la question du champ d’application de la charte s’est posée en 1999, quelque soixante-dix-neuf langues, dont trente-neuf pratiquées outre-mer, ont été identifiées et regroupées sous la dénomination de « langues de France ».
S’agissant de la France métropolitaine, cet ensemble comprenait toutes les langues visées par la loi Deixonne : le basque, le breton, le catalan, le gallo, la langue mosellane, la langue régionale d’Alsace et la langue d’oc dans ses différentes variétés, auxquelles s’ajoutaient notamment le flamand occidental, le franco-provençal et la langue d’oïl, ainsi que cinq autres langues parlées par des ressortissants français sur le territoire de la République, à savoir le berbère, l’arabe dialectal, le yiddish, le romani et l’arménien occidental.
Signe indiscutable de la richesse du patrimoine linguistique de notre pays, cette liste impressionnante souligne aussi la difficulté qui serait la nôtre de fixer le périmètre d’application de la charte, d’autant que celle-ci ne fournit pas d’indications sur les critères d’éligibilité, par exemple le nombre minimal de locuteurs. Le risque de dispersion de l’aide et des moyens au détriment des langues les plus représentatives serait réel.
J’attire également votre attention sur le coût que représenterait cette ratification.
La France a établi, lors de la signature de la charte, une liste de trente-neuf engagements auxquels elle se proposait de souscrire. Parmi ceux-ci figurait l’engagement de rendre accessibles dans les langues régionales ou minoritaires les textes législatifs nationaux les plus importants, à moins que ces textes ne soient déjà disponibles autrement.
La France proposait également de prendre l’engagement de permettre ou d’encourager la publication par des collectivités territoriales des textes officiels dont elles sont à l’origine dans lesdites langues, ainsi que l’emploi ou l’adoption des formes traditionnelles de la toponymie dans ces mêmes langues.
Tels qu’ils sont formulés, ces engagements, au demeurant parfaitement conformes à notre droit, ne relèvent pas en eux-mêmes d’une obligation : permettre ne signifie pas imposer ! C’est leur combinaison avec le préambule de la charte qui leur donne un caractère obligatoire. Pour l’État comme pour les collectivités locales, le refus de traduire un texte en une langue régionale pourrait sans doute être contesté devant les tribunaux sur le fondement de ce droit imprescriptible de parler une telle langue.
On peut donc imaginer le poids, pour les finances publiques, d’une obligation de traduction : il serait proportionnel au nombre de langues retenues, et cette obligation concernerait non seulement les textes futurs, mais également notre « stock » législatif !
Enfin, il y a, au plus profond de la décision du Gouvernement de ne pas ratifier la charte, la conscience que la question de la langue a toujours revêtu dans notre histoire une dimension particulière, notamment depuis que l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 a imposé aux parlements et aux tribunaux l’usage du français. La situation de notre pays, dont le patrimoine linguistique est le plus riche d’Europe, n’est pas la même que celle des grands pays occidentaux qui ont ratifié la charte.
Cependant, comme l’a fait observer le Conseil constitutionnel et l’a judicieusement rappelé M. Alfonsi, les trente-neuf mesures que la France se proposait d’appliquer en cas de ratification, y compris les deux mesures relatives à la traduction que je viens de citer, sont toutes conformes à notre cadre légal et réglementaire ; d’ailleurs, la France les applique déjà largement.
J’en veux pour preuve que, dans notre système éducatif, plus de 400 000 élèves suivent un enseignement de langue régionale aux différents niveaux des secteurs public et privé. Ces effectifs, en particulier dans le primaire, ont connu, ces dernières années, une augmentation spectaculaire, décuplant en dix ans, triplant au cours des cinq dernières années, selon les statistiques du ministère de l’éducation nationale. À une demande sociale forte, l’éducation nationale s’emploie à répondre en formant notamment de nombreux enseignants.
Aux termes de la loi de 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, dite « loi Fillon », l’enseignement des langues régionales s’inscrit dans un partenariat étroit avec les collectivités territoriales, qui peuvent désormais s’investir au travers de la signature de conventions. L’école se substitue d’ailleurs largement aux familles puisque, actuellement, seul un Français sur huit environ a peu ou prou acquis par héritage la connaissance d’une langue régionale, qu’il ne transmet à son tour que dans un tiers des cas.
Pour ce qui concerne les médias, l’un des deux principaux vecteurs de la transmission des langues régionales, l’action du Gouvernement s’attache d’abord à élaborer et à faire respecter une réglementation libérale assurant la libre expression des langues régionales.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas trop le cas à France 3 !
Mme Christine Albanel, ministre. Aucun obstacle ne doit venir l’entraver. Ainsi, à titre d’exemple, les dispositions qui restreignaient l’octroi des aides à la presse hebdomadaire régionale aux publications de langue française ont été étendues en 2004 aux langues régionales en usage en France. (M. Jean-Louis Carrère fait un signe de dénégation.)
Dans le champ audiovisuel, les sociétés qui exercent des missions de service public doivent, aux termes de la loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, mettre en valeur le patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité régionale et locale. Les cahiers des charges de Radio France, de RFO et de France 3 traduisent cette obligation et s’efforcent de la mettre en œuvre. Certes, les résultats sont inégaux selon les antennes, et le temps accordé aux langues régionales dans l’audiovisuel public est sans aucun doute trop faible. Encore faut-il savoir que, chaque jour, en particulier outre-mer, ce sont plusieurs centaines de programmes qui sont diffusés sur le territoire français dans une dizaine de langues régionales.
Dans le domaine de la culture, enfin, nous donnons la priorité au soutien à la création artistique en langues régionales. Notre objectif est que cette production, si méconnue, souvent d’une grande richesse et d’une grande originalité, soit partie intégrante et agissante de notre environnement culturel.
C’est la raison pour laquelle le ministère de la culture encourage les secteurs où se jouent et se forgent la modernité et les légitimités culturelles, du multimédia au théâtre et au cinéma, sans oublier bien entendu le livre, qui demeure le principal outil de développement culturel. Il ne saurait être appliqué un traitement particulier aux créateurs selon la langue qu’ils choisissent. La qualité des œuvres doit rester le seul critère de sélection.
Nous souhaitons inscrire la pluralité linguistique interne dans le débat général sur le plurilinguisme. L’unité sur laquelle s’est construit notre pays n’appelle pas la conformité à un seul modèle. La nation a, au contraire, besoin du dialogue, des confrontations et des contradictions qui animent la vie démocratique. Les langues régionales sont l’instrument et l’expression mêmes de la pluralité culturelle sans laquelle la France ne serait plus fidèle à elle-même. La grande leçon, c’est que l’identité française peut se dire en plusieurs langues ; sachons donc exprimer notre attachement à une France politiquement et culturellement plurielle.
Il reste que, s’il existe des dispositions législatives et réglementaires qui autorisent l’usage des langues régionales en France, elles sont mal connues, de sorte que les réelles marges de manœuvre offertes en la matière ne sont pas suffisamment exploitées.
On constate ainsi une grande méconnaissance de l’état actuel du droit. Qui par exemple, y compris parmi les parlementaires et les élus, sait qu’une collectivité territoriale peut publier les actes officiels qu’elle produit dans une langue régionale, dès lors que ces textes apparaissent comme une traduction du français, seule version à faire foi puisque la langue de la République est le français ? Les dispositions qui régissent l’emploi des langues de France et les possibilités offertes par les textes sont disséminées et fragmentées. Un effort de codification et de normalisation s’impose donc. Nous avons besoin d’un cadre de référence qui nous permette d’y voir plus clair, qui organise et mette en cohérence ce qui existe et qui offre une perspective aux développements nouveaux de la demande sociale et des mentalités.
Un texte de loi donnant une forme institutionnelle au patrimoine linguistique de la nation et servant de cadre de référence est par conséquent nécessaire.
Tout en récapitulant les dispositions existantes, il ouvrira la voie à une véritable avancée en matière de démocratie culturelle dans notre pays et comportera des mesures concrètes dans les domaines de l’enseignement, des médias, des services publics, de la signalisation et de la toponymie. Étant originaire de l’Ariège et de Toulouse, je profite d’ailleurs moi-même de la double dénomination, évoquée par plusieurs orateurs, désignant nos rues et nos localités.
Ces mesures très concrètes viseront à sécuriser l’usage des langues régionales dans notre société, conformément au souhait qui avait été émis par le Président de la République et dans le respect des valeurs de notre République. Elles devraient intervenir assez rapidement, c'est-à-dire dans le courant de l’année 2009, et le Gouvernement attend, bien sûr, de la représentation nationale qu’elle apporte tout son concours à l’élaboration du texte. Différentes suggestions touchant aux grands domaines qui seront directement concernés ont d’ailleurs déjà pu être formulées aujourd'hui.
Pour autant, soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous n’oublions pas que la langue française demeure le socle sur lequel se fonde notre pays, ainsi que l’accès au savoir, aux œuvres, aux technologies, et sans lequel il ne saurait y avoir d’intégration réussie.
Comme le rappelait le Premier ministre, elle est, au plus profond, le lien qui nous rassemble autour des valeurs de la République. Je lui soumettrai d’ailleurs prochainement une circulaire sur l’emploi du français dans les services publics.
Le rappel de quelques grands principes me paraît à cet égard indispensable à la veille de la présidence française de l’Union européenne. C’est en maintenant la force du lien de confiance de nos concitoyens avec la langue française que nous pourrons dans le même temps bâtir une politique audacieuse en faveur des langues régionales, afin que nous n’arrivions jamais à cette situation catastrophique, envisagée, comme le rappelait M. Alfonsi, par Georges Dumézil, où une langue n’est plus parlée que par une poignée de locuteurs, ce qui représente une véritable perte de patrimoine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec cette question orale.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Amélioration et simplification du droit de la chasse
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Ladislas Poniatowski pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse [nos 269 (2006-2007) et 307].
Dans la discussion générale, la parole est à M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma satisfaction de voir cette proposition de loi, que j’avais déposée en février 2007, venir aujourd’hui en discussion à la suite de la décision du bureau du Sénat de l’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée, à la demande du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Cette proposition de loi pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, à laquelle vous me permettrez aussi d’associer mes soixante-dix collègues ayant manifesté le souhait d’en être cosignataires, est le fruit d’un travail mené avec les acteurs du monde de la chasse, en amont notamment de l’élection présidentielle. J’espère, monsieur le secrétaire d'État, que son examen pourra ensuite rapidement être poursuivi à l’Assemblée nationale.
Je me dois, mes chers collègues, de faire d’entrée un rappel, qui va rassurer mais peut-être aussi décevoir certains d’entre vous : il n’est nullement question aujourd’hui de rouvrir un débat sur les grands équilibres entre la chasse et la non-chasse ou entre la chasse et d’autres activités, notamment agricoles ou sylvicoles. Cette proposition de loi a pour objet non pas d’instaurer un nouveau cadre des activités cynégétiques, mais simplement de permettre quelques améliorations ponctuelles en restant à l’intérieur du cadre existant, mis en place par la loi du 30 juillet 2003 relative à la chasse et par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, dite « loi DTR ».
Ma conviction est en effet que le temps des grandes polémiques sur la chasse est passé. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis trois ans. Les chasseurs sont aujourd’hui reconnus comme des acteurs responsables d’une gestion équilibrée des écosystèmes et, dans certaines régions, on s’inquiète déjà des conséquences d’un non-renouvellement des générations de chasseurs sur le développement durable des territoires.
Mon ambition est précisément de lever les obstacles ou les entraves, souvent très concrètes, qui ne permettent pas aux chasseurs ou à leur fédération de jouer pleinement leur rôle.
À cette fin, le texte initial visait deux objectifs : clarification et simplification.
La clarification du droit existant consiste en fait à lever des ambiguïtés liées à l’interprétation de dispositions nouvelles introduites en 2003 et en 2005, ainsi que par la loi du 26 juillet 2000, dite « loi Voynet ».
Quant à l’objectif de simplification, il procède d’une volonté de faciliter la vie quotidienne des acteurs de la chasse.
Ces deux objectifs sont complétés par la volonté de régler deux problèmes plus spécifiques : celui du « nomadisme » des permis nationaux, d’une part, et celui des dégâts de gibier liés aux territoires non chassés, d’autre part.
Quant aux conclusions adoptées le 30 avril dernier par la commission des affaires économiques et qui vous sont aujourd’hui soumises, mes chers collègues, elles ont conservé l’orientation générale du texte.
En effet, en ajoutant onze nouveaux articles aux onze articles de la proposition de loi initiale, la commission a complété à la fois le volet « clarification » et le volet « simplification » du texte.
Aux deux problèmes spécifiques traités par la proposition de loi, à savoir le « nomadisme » des permis et les dégâts de gibier, la commission a ajouté une troisième question, celle du sabotage des actions de chasse.
Permettez-moi maintenant de vous présenter plus précisément les vingt-deux articles que la commission a adoptés à l’unanimité le 30 avril. Je me propose de le faire non pas nécessairement de façon linéaire, mais en reprenant les trois axes déjà évoqués : la clarification, la simplification et le règlement de problèmes particuliers.
Au titre de la clarification, l’article 1er de la proposition de loi vise à dissiper toute ambiguïté quant au fait que les schémas départementaux de gestion cynégétique créés en 2000 doivent comprendre des mesures de sécurité, alors que le droit actuel laisse subsister une incertitude quant à l’articulation des règles de sécurité prévues à l’échelon départemental et de celles qui sont prises à l’échelon national par décret en Conseil d’État.
L’article 2 permet de mettre fin à cette incertitude en supprimant le renvoi à ce décret, qui n’est toujours pas intervenu, après huit ans, pour des raisons dont nous aurons, je crois, l’occasion de reparler lors de la discussion des articles.
L’article 3 vise utilement à compléter les dispositions en vigueur en prévoyant des sanctions spécifiques en cas de non-respect des schémas départementaux de gestion cynégétique. En effet, l’inexistence actuelle de telles sanctions laisse, en pratique, planer un doute sur la force obligatoire de ces schémas.
Dans le même esprit, l’article 9 tend à combler une lacune du droit actuel en prévoyant que les gardes particuliers et les agents de développement des fédérations de chasseurs agissant dans le cadre d’une convention de garderie pourront procéder à la saisie du gibier tué illégalement.
Quant à l’article 10, il vise à réparer une erreur de transcription de dispositions de la loi du 23 février 2005 qui aboutit à priver de son effectivité une disposition relative aux infractions les plus graves au droit de la chasse en limitant l’augmentation des peines pour circonstances aggravantes à un seul type d’action répréhensible, à savoir la détention d’instruments ou d’engins de chasse interdits, alors que le texte avait aussi pour objet d’en viser cinq autres, parmi lesquels le fait de chasser dans les réserves ou sur le territoire d’autrui sans y être autorisé.
Une erreur matérielle s’étant glissée dans la première version des conclusions de la commission, j’ai publié un erratum au feuilleton afin d’ôter toute ambiguïté.
S’agissant toujours du volet de la clarification des textes, l’article 16 a pour objet de trancher les hésitations jurisprudentielles liées à l’interprétation de l’article L. 141-1 du code de l’environnement concernant l’agrément des fédérations au titre de la protection de l’environnement.
Cet article du code a été complété en ce sens par la loi DTR, mais des doutes semblent subsister. Le présent texte vise à les lever en reconnaissant par la loi aux fédérations de chasseurs la qualité d’associations agréées pour la protection de l’environnement, disposition que nos collègues socialistes proposeront d’amender.
Enfin, l’article 18 tend à clarifier la volonté du législateur en précisant que la loi de 2005 avait bien pour objet d’autoriser les associations communales de chasse agréées à utiliser la délivrance de cartes de chasse temporaires comme l’un de leurs moyens de financement.
J’en viens maintenant au volet relatif à la simplification du droit et à la facilitation de la vie des chasseurs.
Afin de faciliter l’accès à la chasse lorsque cela peut être efficace, c’est-à-dire au stade de la première démarche, il est proposé, à l’article 4, d’abaisser le coût du permis de chasser lors de la délivrance du permis pour les jeunes de seize à dix-huit ans et, aux articles 5 et 6, de diminuer le coût de la validation annuelle du permis à l’occasion de la première validation annuelle pour tous les nouveaux chasseurs.
L’article 5 prévoit une baisse de 50 % de la redevance payée à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, ce qui devrait représenter 450 000 euros, soit 0,6 % du montant total de la redevance perçue.
Quant à l’article 6, il prévoit une baisse de la cotisation fédérale due pour la première validation. J’invite vivement les fédérations départementales de chasseurs à respecter l’esprit de cette mesure, c'est-à-dire à diminuer de 50 % le montant de leurs cotisations.
En ce qui concerne les pertes immédiates de recettes pour l’État résultant de l’article 4, évaluées à 95 000 euros, elles sont classiquement gagées par une augmentation des droits sur les tabacs par le biais de l’article 22.
Par ailleurs, l’article 8 de la proposition de loi prévoit l’amélioration des droits des chasseurs en cas de demande de restitution de permis à la suite de la suspension de celui-ci. Il est prévu que le chasseur concerné soit entendu par le juge à cet effet.
Au regard de l’objectif de simplification, il est important de signaler qu’un certain nombre d’articles visent très directement à alléger ou à supprimer des formalités inutiles ou disproportionnées, s’inscrivant en cela dans l’effort continu mené depuis 2002 dans tous les domaines au titre de la simplification administrative.
Il en est ainsi de l’article 13, qui vise à assouplir le droit applicable en Alsace-Moselle pour l’aligner sur le droit national en matière de liberté de transport du gibier.
De même, l’article 14 tend à rétablir une ressource issue des terrains militaires pour les fonds d’indemnisation des dégâts de sangliers dans ces départements.
Quant à l’article 15, il a pour objet d’assouplir les possibilités de financement de ce fonds, qui sont aujourd’hui plus contraignantes que dans le reste du pays, notamment parce qu’il n’est à l’heure actuelle pas possible d’y instaurer un « bracelet sanglier » équivalent au « bracelet grand gibier » tel qu’il existe dans de nombreux départements français.
Enfin, la commission a également souhaité faire œuvre de simplification en supprimant quelques règles obsolètes, telles que l’obligation de marquage des parties de gibier partagées à l’issue d’une chasse, qui est aujourd’hui imposée pour en permettre le transport, et ce alors même que c’est sur le terrain et non dans les coffres des véhicules que le contrôle de respect du plan de chasse est effectué. Tel est l’objet de l’article 19.
S’agissant de l’article 20, il avait initialement pour objet de lever l’interdiction actuelle relative à la détention, au transport et à la naturalisation de certains animaux classés nuisibles. Or la parution d’un texte réglementaire au Journal officiel de ce dimanche 11 mai lui a fait perdre sa raison d’être ; c’est pourquoi la commission l’a supprimé lors de sa réunion de cet après-midi.
L’article 21 procède du même esprit, en libéralisant l’utilisation du grand duc artificiel qui, tenez-vous bien, fait, elle aussi, l’objet d’une interdiction administrative à certaines périodes !
Je terminerai cette présentation par le troisième aspect du texte, consistant à compléter les mesures de clarification et de simplification en réglant des problèmes lancinants pour certains d’entre eux et plus récents, mais très inquiétants, pour d’autres.
Le premier de ces problèmes est celui du « nomadisme » imputable à certains chasseurs, qui consiste à valider un permis national non pas dans son département de résidence, mais dans un département où la cotisation est plus faible, et ce au détriment de la fédération du lieu où l’on réside ou de celui où l’on chasse effectivement.
Le texte vise à instaurer un système neutralisant l’effet de ces différences de prix, au moyen non plus d’un système de compensation indirecte entre fédérations tel que proposé dans le texte initial, mais d’un système beaucoup plus simple, prévu à l’article 7, consistant tout simplement à fixer un prix national unique pour la validation du permis national.
Le deuxième problème spécifique abordé au travers de ce texte a trait à l’indemnisation des dégâts de gibier causés par les animaux qui prolifèrent sur des territoires dépourvus de plans de chasse. La solution proposée à l’article 12 consiste à soumettre les propriétaires à une obligation de gestion qui, si elle n’est pas exécutée, ouvrira droit, pour le fonds d’indemnisation, de se retourner contre le propriétaire du terrain.
M. Gérard César. C’est normal !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cette obligation de gestion prend la forme d’une sorte de « plan de chasse » imposé par le préfet, que nous avons appelé « plan de tir ».
En termes d’indemnisation, cela revient, en fin de compte, à reprendre les dispositions qui existent déjà concernant les opposants de conscience aux associations communales de chasse agréées, les ACCA, mais qui ne s’appliquent, par définition, que lorsque ces dernières existent, c’est-à-dire dans seulement un tiers des communes françaises.
Enfin, le troisième problème spécifique traité, pour la première fois, par le présent texte est celui des commandos anti-chasse, dont l’action ne cesse de se développer depuis 2006, par le recours à des méthodes violentes déjà en vigueur dans les pays anglo-saxons.
Ces actions ne concernent plus seulement la chasse à courre, mais affectent aussi les chasses à tir, avec des risques évidents pour la sécurité des personnes et des animaux. Je pense, en particulier, aux chiens, déjà victimes des agissements des commandos. Pourtant, les auteurs de ces actes semblent bénéficier aujourd’hui d’un certain sentiment d’impunité, ce qui les conduit, par exemple, à passer des petites annonces dans la presse locale pour recruter, selon leurs propres termes, des « saboteurs » d’actions de chasse…
M. Jean-Louis Carrère. Il n’y a pas d’impunité sous Sarkozy !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Si ces pratiques sont inacceptables, notre droit pourrait n’être pas parfaitement adapté à l’appréhension de ces situations dans la mesure où le droit pénal correctionnel ne concerne que les actions les plus graves, lourdement punies après une procédure relativement longue et complexe.
À titre subsidiaire, c’est-à-dire en l’absence de poursuites correctionnelles, il m’a semblé qu’une réponse plus pertinente consisterait à prévoir une peine contraventionnelle de cinquième classe pour « délit d’entrave à la chasse », ce qui aurait notamment le mérite de donner lieu à une procédure plus légère devant le tribunal de police.
J’insiste sur le fait que cet article a été introduit par la commission après avoir reçu un avis favorable des représentants des associations de défense de la nature et des animaux, que j’ai auditionnés.
C’est d’ailleurs le souci d’obtenir le consensus le plus large qui a guidé l’ensemble des travaux de la commission et qui a abouti à l’adoption à l’unanimité des conclusions que je viens de présenter.
Ce souci du consensus m’a notamment conduit à ne pas reprendre dans ce texte un certain nombre de propositions que je souhaitais formuler, s’agissant, par exemple, du cadre juridique des chasses professionnelles, aussi appelées « chasses commerciales ». J’ai en effet considéré que ces sujets nécessitent encore un dialogue entre l’ensemble des acteurs de la préservation de l’équilibre de la faune sauvage, en particulier dans le cadre de la table ronde organisée par le ministère de l’écologie et du développement durable, présidée par mon collègue député Jérôme Bignon, président du groupe d’études « chasse » à l’Assemblée nationale, et à laquelle j’aurai l’honneur de participer.
J’ai en effet la conviction profonde que bien que le temps des grandes polémiques soit aujourd’hui révolu, mais aussi précisément parce que ce temps est révolu, il est de notre responsabilité de faciliter tous les échanges entre l’ensemble des parties prenantes.
De ce point de vue, je voudrais déplorer très solennellement que l’État a vraisemblablement gâché de réelles occasions de dialogue en ne permettant pas la réunion de l’Office national de la faune sauvage et des habitats. En effet, cet observatoire ne s’est pas réuni depuis 2005, alors que, par sa composition tripartite – administrations techniques, chasseurs et associations de protection – et par ses attributions, il est le lieu naturel d’échange sur ces sujets.
En octobre 2008, l’observatoire devra rendre son rapport trisannuel général sur l’état de la faune sauvage. Or, n’ayant pas travaillé, il ne pourra bien sûr pas le faire. Monsieur le secrétaire d’État, faites-vous, s’il vous plaît, l’interprète du monde de la chasse pour éviter que ce triste événement ne se reproduise ! Nous avons tant à gagner au dialogue, et quand je dis « nous », je songe non seulement aux acteurs les plus engagés sur ces questions, mais aussi, très concrètement, à l’équilibre de nos écosystèmes et au développement durable de nos territoires.
C’est en tous cas dans cet esprit, mes chers collègues, que je vous propose d’adopter les conclusions de la commission des affaires économiques sur cette proposition de loi pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, texte qui se veut avant tout modeste et pragmatique et qui sera, je l’espère, efficace. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. Gérard César. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Madame le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, tout d’abord, excuser M. le ministre d’État Jean-Louis Borloo, retenu, à cette même heure, à l’Assemblée nationale par l’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
M. Jean-Louis Carrère. Il a intérêt à y rester !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. La chasse est non seulement au cœur du territoire français, au cœur des pratiques des hommes et des femmes qui y vivent, mais elle prend aussi toute sa part dans le projet de développement durable pour notre pays. Elle est également inscrite dans le travail que mène notre grand ministère pour faire face aux défis d’un monde changeant, où la culture, l’économie et l’écologie doivent se combiner afin de définir les modalités d’un « vivre ensemble » qui soit respectueux de notre environnement.
Je tiens, à cet instant, à remercier le sénateur Ladislas Poniatowski, président du groupe « chasse et pêche » du Sénat. Son travail constant et de grande qualité doit être souligné, de même que son implication au service du développement de l’activité cynégétique. Cette proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en première lecture est d’ailleurs un témoignage, parmi d’autres, de son action. Permettez-moi également d’exprimer ma gratitude au président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Émorine, et à l’ensemble des membres de celle-ci pour leur contribution.
La Haute Assemblée n’a pas examiné de dispositions relatives à la chasse depuis plusieurs mois. Il est vrai que le Président de la République a invité à une « pause » dans l’élaboration de lois relatives à la chasse, en soulignant toutefois l’intérêt de procéder, quand elle est nécessaire, à la simplification des textes, qui, sur ce sujet, foisonnent.
Le Gouvernement souhaite s’engager activement dans un travail de fond sur la chasse. Le rythme des réformes, toutes aussi urgentes les unes que les autres, et, pour le ministère, la conduite du Grenelle de l’environnement ont, il est vrai, imposé que ce travail soit mis en attente ces derniers mois. Il est donc grand temps maintenant de s’y atteler !
Dans cette perspective, une concertation avec tous les acteurs de la chasse, associés aux usagers du monde rural, notamment les agriculteurs, les forestiers, les propriétaires fonciers et les associations de protection de la nature, est mise en place afin d’aboutir à la formulation de propositions de fond qui permettront à l’activité cynégétique un développement durable et une assise solide pour l’avenir. La présence à cette table ronde du député Jérôme Bignon, qui la préside, et de M. Ladislas Poniatowski constitue un gage de succès et de qualité.
M. Jean-Louis Carrère. Et de pluralisme !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Ce travail, qui doit se dérouler jusqu’à l’été, portera, entre autres sujets, sur la connaissance et le développement de l’économie de la chasse. Les outils d’une valorisation durable des territoires et des activités cynégétiques doivent faire l’objet de propositions pratiques et originales, tant il est vrai que le potentiel est important.
La table ronde devra permettre d’envisager les modalités de production d’une connaissance partagée et reconnue par tous de l’état des populations de gibiers. Des options pour faire fonctionner au mieux l’Observatoire national de la faune sauvage devront être clairement dégagées ; il s’agit là d’une réponse à l’une de vos préoccupations, monsieur le rapporteur.
C’est sur la base de résultats scientifiques reconnus par tous que nous pourrons enfin apaiser les débats douloureux relatifs aux dates de chasse, et proposer les évolutions et les simplifications nécessaires.
Enfin, la table ronde devra déboucher sur des solutions pratiques pour permettre aux chasseurs de travailler activement avec les agriculteurs, les forestiers et les gestionnaires d’espaces naturels, en vue de favoriser le développement d’une chasse responsable sur nos territoires ruraux. L’existence de synergies entre le développement de terroirs cynégétiques, multifonctionnels, et la qualité agricole et environnementale des campagnes n’est plus à démontrer.
Il reste cependant à développer les outils nécessaires, par l’action agro-environnementale, la conclusion de partenariats avec les équipes de développement des fédérations de chasseurs et l’animation du secteur.
Par ailleurs, à la suite des travaux menés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, nous souhaitons consolider une police de la nature, de la chasse et de l’eau, en rapprochant, notamment, les agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et ceux de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques.
Une telle évolution sera tout à fait positive, me semble-t-il : placés sous l’autorité des préfets et des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, ces agents constitueront ainsi une force unifiée. La spécificité de la police environnementale sera réaffirmée, dans le cadre d’une articulation rapprochée avec les autres forces de police, notamment la gendarmerie. L’efficacité des offices en sortira, je l’espère, renforcée.
Cette phase d’élaboration doit aboutir, dès cet été, à une série de propositions concrètes, législatives, programmatiques ou techniques, afin de développer une chasse responsable, dans ses aspects économiques comme du point de vue de l’écologie durable.
C’est ainsi que nous souhaitons construire un programme ambitieux pour le quinquennat en matière cynégétique, sur le fond, mais aussi – soyez-en assurés, mesdames, messieurs les sénateurs – sans tabou.
Le Gouvernement accueille donc la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui comme une contribution importante à ce processus. Il s'agit d’une première étape qui, selon nous, doit rester centrée sur la simplification des textes, sans préjuger des propositions consensuelles qui émergeront de la table ronde.
Vos débats d’aujourd’hui éclaireront sans aucun doute ce travail, et nous sommes naturellement à votre écoute, mesdames, messieurs les sénateurs. Ici, comme hors de cet hémicycle, le Gouvernement sera particulièrement réceptif aux propositions concrètes, ancrées dans les territoires.
Nous souhaitons des mesures qui consolident les équilibres budgétaires et les institutions publiques et privées chargées du secteur cynégétique. Enfin, nous appelons de nos vœux des propositions qui clarifient et simplifient les textes de loi, au bénéfice d’une chasse comprise par tous, responsable, sécurisée, durable et qui contribue à entretenir des liens de proximité entre tous les acteurs concernés, dans l’ensemble de nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ferai deux remarques pour commencer.
Tout d'abord, je connais bien l’attachement de M. Falco à la Haute Assemblée et son intérêt pour les questions d’aménagement du territoire, y compris quand celles-ci concernent des pratiques comme la chasse. Toutefois, je regrette que, s'agissant d’un texte de cette importance, nous ne puissions débattre avec le ministre compétent …
M. Gérard César. M. Falco est compétent !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Et il chasse !
M. Gérard César. C’est une gâchette !
M. Jean-Louis Carrère. Je le sais ! Là n’est pas le problème. Comprenez-moi bien, mes chers collègues : ce n’est pas la personne qui est en cause, loin s’en faut, mais le titre. Un débat sur la chasse au Sénat mérite, me semble-t-il, un traitement qui soit à la hauteur des enjeux posés par la présente proposition de loi, voilà tout !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous vous comprenons.
M. Jean-Louis Carrère. Ma seconde remarque ne s’adresse pas à M. le secrétaire d'État, ni d'ailleurs à M. le rapporteur.
La chasse constitue un sujet sensible. Or, par-delà nos différences politiques, nous avons souvent prouvé, sur ces travées, que nous pouvions nous accorder sur certains points, au terme de discussions longues mais fructueuses. Il serait donc tout à fait dommage de réunir une table ronde qui ne serait pas pluraliste, d’autant que les sénateurs de l’opposition représentent des zones cynégétiques très importantes, par le nombre de chasseurs comme par la puissance des fédérations qui les regroupent.
Bien sûr, je ne suis pas sans savoir qu’il existe une majorité parlementaire. Mais permettez-moi de vous dire qu’il existe aussi une majorité dans les collectivités locales ! Et, à l’évidence, la chasse se pratique au plus près du terrain. Nous avons la chance de pouvoir dégager des convergences fortes sur un tel sujet, ne nous en privons pas !
J’espère que mon appel sera entendu et qu’un groupe pluraliste sera constitué, comme celui que nous avions formé naguère au Sénat, monsieur le rapporteur, et qui s’était rendu en délégation à Bruxelles avec la ministre chargée de ces questions.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-Louis Carrère. Je crois, en effet, qu’une telle démarche peut être intéressante.
Mais j’en viens au cœur de mon propos.
Je suis surpris d’avoir à débattre de ce texte aujourd’hui, non que la proposition de loi de notre collègue n’ait pas déjà attiré mon attention à la fin du mois de mars, mais parce que le moment d’en discuter me semble curieusement choisi.
En effet, à l’instar du nucléaire, le thème de la chasse avait été exclu des discussions du Grenelle de l’environnement, avec promesse faite aux chasseurs, aux élus et aux autres associations de lancer un processus de concertation spécifique sur ce sujet dès le début de l’année 2008.
Il semble que ce processus mette du temps à s’amorcer, mais, franchement, était-il nécessaire de le faire précéder à toute force par une loi, fût-elle de simplification, même si ce texte ne nous déplaît pas du tout ?
Je le répète, les travaux annoncés par M. Jean-Louis Borloo devaient avoir pour objectif de délimiter des « terrains de consensus », en ce qui concerne tant l’amélioration du fonctionnement de l’observatoire national, l’état de conservation des espèces que les relations contractuelles entre agriculteurs, forestiers et chasseurs, sans oublier l’économie de la chasse.
Le développement de la filière « gibiers », on l’oublie trop souvent, représente des enjeux économiques colossaux, puisque le chiffre d’affaires annuel de ce secteur s’élève à près de deux milliards d’euros.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Ces travaux collectifs permettront-ils d’établir des relations suffisamment sereines pour que tous, ou du moins le plus grand nombre, finissent enfin par se mettre d’accord sur des propositions consensuelles en matière de dates d’ouverture et de clôture de la chasse ? En effet, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, cette question empoisonne la vie des parlementaires, parce qu’elle empoisonne celle des chasseurs !
Rien n’est moins sûr, malheureusement, si l’on en croit les méthodes utilisées par votre gouvernement quand il s’agit de mettre en œuvre « l’après-Grenelle ». Et si, en plus, la majorité sénatoriale se laisse aller à la tentation de verser un peu d’huile sur le feu ici où là, on n’a pas fini d’attendre ces accords consensuels ! (Sourires.) Ce serait vraiment dommage, car ils ne sont pas hors de portée, nous l’avons déjà prouvé.
Une fois n’étant pas coutume, je me référerai au Président de la République : l’an passé, alors qu’il était encore candidat, il avait affirmé souhaiter « une pause » après les trois textes relatifs au droit de la chasse adoptés en huit ans, tout en reconnaissant qu’une mise en cohérence et une simplification du droit en vigueur étaient peut-être nécessaires.
Revenons donc à cette proposition de loi de M. Ladislas Poniatowski. Est-elle un simple texte de mise en cohérence et de simplification ? Oui. Est-elle pour autant consensuelle et sans danger pour la suite des événements ? Mes chers collègues, attention !
Sur les vingt-deux articles qui nous sont proposés, une bonne quinzaine simplifient et mettent en cohérence le droit, je vous en donne acte. Toutefois, plusieurs autres modifient la législation existante et certains pourraient même apparaître comme des chiffons rouges pour les associations de protection de la nature, alors même que, je le reconnais, il s'agit surtout de dispositions d’appel visant à trouver des solutions durables à des problèmes qui se posent réellement sur le terrain. Enfin, d’autres articles prévoient d’authentiques solutions pour mieux organiser le monde de la chasse.
Naturellement, j’évoquerai d’abord les articles qui me posent problème. Par exemple, est-ce en diminuant de moitié le prix des permis et des redevances que nous ferons revenir les jeunes vers ce loisir qu’est la chasse ?
M. Gérard César. Oui !
M. Jean-Louis Carrère. On le sait, la chasse se pratique souvent en famille – c’est le cas, notamment, dans la région où j’ai le plaisir de m’adonner à cette pratique. Je trouve donc légitime la crainte de certains de mes collègues et de plusieurs associations quant à l’objectif systématiquement affiché « d’encourager la chasse chez les jeunes ». On ne les incitera pas à chasser comme on leur faciliterait l’accès en boîte de nuit, simplement en diminuant le prix d’entrée : le plus souvent, c’est avec son père ou un parent que l’on va à la chasse, et c’est la famille qui paie le permis nécessaire.
Malgré tout, nous ne souhaitons pas amender ces articles, car nous estimons que la baisse du coût du premier permis peut avoir quelques avantages, sinon pour les jeunes chasseurs, du moins pour les ménages dont ils sont issus.
En revanche, nous proposerons deux amendements à ce texte. Le premier portera sur l’article 12, dont nous estimons qu’il constitue un véritable chiffon rouge et qu’il est particulièrement mal venu. En effet, il reviendrait indirectement sur un droit acquis des propriétaires, qui verraient leur responsabilité financière engagée s’ils refusaient un nouveau « droit de chasser sur leurs terrains » et si l’on considérait que le gibier responsable des dégâts « provient de leurs fonds ».
Pourtant, quand, en 2000, – certains d’entre vous s’en souviennent sans doute, mes chers collègues – la loi relative à la chasse avait prévu une opposition de conscience, permettant à tout propriétaire de refuser la chasse chez lui, c’était non pas pour satisfaire une revendication purement idéologique, mais pour tirer les conséquences d’une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, qui avait estimé qu’une partie de la loi Verdeille de 1964 portait atteinte au droit de propriété et à la liberté d’association.
Prenons donc garde à ce que la présente proposition de loi n’expose pas la France à une nouvelle procédure et à une nouvelle condamnation : ce serait là, comme on dit dans ma région de rugby, marquer un essai contre son camp ! Nous proposerons donc de supprimer cet article ou du moins de le rédiger de façon à écarter un tel risque, que, j’en suis sûr, personne ici ne veut courir.
Nous proposerons aussi d’amender l’article 16, car nous pensons qu’il est délicat d’octroyer automatiquement à toutes les fédérations et à la Fédération nationale l’agrément d’association de protection de la nature. En revanche, nous estimons, comme bien d’autres, qu’il faut résoudre les imbroglios juridiques nés des recours intentés contre les décisions des préfets qui ont reconnu cette qualité à certaines fédérations. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement sur ce point, mes chers collègues, tout en restant, là encore, ouverts à toute suggestion qui nous permettrait d’y voir plus clair.
Toutefois, je tenais à saluer la teneur générale de ce texte, et en particulier deux mesures importantes : tout d'abord, la disposition qui vise à organiser la redistribution d’une partie des recettes en faveur des fédérations où habitent les chasseurs, afin de lutter contre le « nomadisme » et d’instituer une certaine péréquation constitue une très bonne idée ; ensuite, l’incrimination de l’entrave à la chasse, à travers l’article 11, me semble tout à fait positive.
En conclusion, je reviendrai sur l’importance de cette proposition de loi.
Celle-ci adresse en premier lieu des signaux positifs aux chasseurs, qui ne sont pas responsables de tous les dégâts de gibier et ne peuvent assumer seuls des responsabilités en partie collectives. La chasse est un loisir reconnu en France, en raison de son intérêt dans la gestion de la faune sauvage et des équilibres de la biodiversité.
Monsieur le rapporteur, s'agissant des dégâts de gros gibier, le camp militaire du Poteau, en Gironde, et je parle sous le contrôle d’un sénateur de ce département, …
M. Gérard César. Merci, monsieur le sénateur des Landes !
M. Jean-Louis Carrère. … nous pose un véritable problème, car il est impossible d’aller y chasser les sangliers. Ceux-ci s’y réfugient et, quand ils en sortent, que ce soit au nord ou au sud, ils ravagent les grandes cultures de maïs et consomment cette céréale à profusion. (M. le rapporteur acquiesce.)
J’avais interrogé Mme la ministre de la défense à l’époque – aujourd'hui ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales –, qui est d’ailleurs élue de la région Aquitaine, sur la façon de résoudre ce problème, par exemple en décidant la clôture complète de la zone et la régulation du cheptel que celle-ci abrite. Nous n’avons pu trouver de solution qui ne soit très onéreuse.
M. Gérard César. La solution est trouvée !
M. Jean-Louis Carrère. Elle l’est en partie grâce à la fédération départementale des chasseurs de la Gironde et à la fédération départementale des chasseurs des Landes ! Mais des dispositions financières et juridiques restent encore à mettre au point. Autrement, nous n’y arriverons pas, car la difficulté est réelle.
Cela étant, monsieur le rapporteur, même si je sais votre sensibilité et le souci que vous avez de ne pas verser dans la provocation, cette proposition de loi est aussi porteuse de signaux négatifs.
Ainsi, son texte a doublé de volume en commission. Certes, cela prouve qu’un véritable débat a eu lieu, mais ces nouveaux articles réduisent sinon la portée du moins la lisibilité des mesures initialement prévues. Cette discussion a tout l’air d’un bras-de-fer entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement.
Pour ma part, je préfère que la majorité sénatoriale joue son rôle et je l’invite à poursuivre dans ce sens. Il n’en reste pas moins que l’examen de ce texte pourrait se dérouler de manière un peu plus consensuelle. Une fois encore, on n’hésite pas à fouler au pied les engagements de concertation et on tente de passer en force sur d’autres mesures.
Ces procédés ne sont pas de bonne méthode et empêcheront, le moment venu, tout accord sur les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse, alors que nous y sommes prêts et que, scientifiquement, rien ne s’oppose à une bonne solution en la matière.
Monsieur le secrétaire d'État, à quelques nuances près, ce texte nous intéresse ; ma collègue Odette Herviaux vous le confirmera dans quelques instants. Si le débat sur les amendements est satisfaisant, cette proposition de loi recueillera notre soutien, et même un soutien enthousiaste.
Cependant, je ne saurais conclure sans mettre en garde certains. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous efforçons d’agir en minorité parlementaire responsable. Or, le 4 juin prochain, nous discuterons ici même le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la V République. Je souhaite que, à cette occasion, les membres de l’UMP fassent preuve du même état d’esprit que celui dont nous sommes capables de faire montre quand il s’agit de sujets aussi importants que celui de la chasse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Charles Guené. Cela dépend sur quel sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous aurez noté que le rapporteur est en même temps le signataire unique de cette proposition de loi. Étant président du groupe chasse et pêche, il ne lui était pas nécessaire d’agir autrement.
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai !
M. Alain Vasselle. Et qui le lui reprocherait aujourd'hui, alors que chacun connaît ici ses compétences, ses connaissances, son talent, son adresse, voire – et cela ne gâche rien ! – sa diplomatie ?
M. Jean-Louis Carrère. C’est aussi vrai !
M. Alain Vasselle. En tant que vice-président de ce groupe, je n’ai aucun état d’âme à ce propos. Au contraire, je tiens à redire à Ladislas Poniatowski combien je me félicite de l’heureuse initiative qu’il a prise. En effet, le groupe chasse et pêche a maintes fois évoqué ces sujets, que ce soit avec les fédérations de chasseurs ou avec le Gouvernement, quand il avait la chance d’avoir des contacts avec le ministre concerné et ses collaborateurs sur ce sujet. Les plus récents échanges remontent à l’époque où Mme Nelly Olin était ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur le secrétaire d'État, je ne désespère pas que ces contacts reprennent, que ce soit avec vous, avec Jean-Louis Borloo ou avec Nathalie Kosciusko-Morizet !
Vous venez d’annoncer la tenue d’une table ronde, qui réunira les pêcheurs, les chasseurs et tous ceux qui s’intéressent à l’activité cynégétique. Je ne peux que me réjouir de cette initiative, même si je ne suis pas loin de rejoindre la position de Jean-Louis Carrère : il aurait été pertinent et utile que l’opposition y soit associée.
M. Alain Vasselle. En effet – notre collègue a raison de le rappeler et le rapporteur le sait très bien –, nous avons toujours réussi à dégager un consensus sur les textes relatifs à la chasse. Je n’ai pas souvenir qu’il en ait jamais été autrement depuis que je suis sénateur, c'est-à-dire depuis 1992.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Cette proposition de loi contient un certain nombre de mesures intéressantes et l’absence d’une co-signature pluraliste ne doit pas nous donner d’état d’âme.
Il serait toutefois judicieux – seul Ladislas Poniatowski pourra en prendre l’initiative – que des rendez-vous réguliers soient pris avec le groupe chasse et pêche afin que ce dernier soit tenu informé de l’état d’avancement de la réflexion de la table ronde et que soit dégagée, autant que faire se peut, une position consensuelle sur un futur texte législatif relatif à la chasse qui serait présenté au Parlement.
Accepter de dépasser nos sensibilités politiques et nos clivages pour parvenir à une position commune ne peut être qu’heureux. Notre collègue Jean-Louis Carrère a raison de le souligner : lorsque l’occasion de le faire se présente à nous, il faut en profiter et ne pas hésiter un seul instant ; trop de sujets nous divisent par ailleurs.
Monsieur le rapporteur, depuis l’examen de votre texte par la commission, une proposition de loi de notre collègue député Maxime Gremetz a été déposée, ...
M. Alain Vasselle. ... qui contient, à la lettre près, certaines des dispositions présentes dans le texte que nous examinons aujourd'hui. Cela démontre, une fois de plus, qu’une convergence de vues est possible. À cet égard, les mesures de simplification et de clarification contenues dans votre proposition de loi sont particulièrement heureuses.
Il serait utile que le Gouvernement, aux côtés de la Fédération nationale des chasseurs, des groupes chasse et pêche et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, élabore une action de communication à destination du grand public, pour que la chasse retrouve l’estime de nos concitoyens. Ces derniers méritent d’être éclairés. Il est temps de mettre un terme aux critiques, infondées, qui, diffusées par certains médias, sont souvent le fait d’hommes et de femmes qui ne connaissent pas l’activité cynégétique.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite obtenir du Gouvernement des éclaircissements et des précisions sur un certain nombre de points.
Je reviendrai, tout d’abord, sur les circonstances aggravantes des infractions au droit de chasse, prévues à l'article 10.
Aux termes de l'article L. 428–5 du code de l’environnement, est une infraction le fait de « chasser sur le terrain d’autrui sans son consentement, si ce terrain est attenant à une maison habitée ou servant d’habitation, et s’il est entouré d’une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins ». Est-ce à dire, a contrario, qu’un chasseur qui pénétrerait sans autorisation dans une propriété non clôturée pourrait le faire sans vergogne et ne serait pas en infraction ? Une telle différence de traitement me paraît anormale, voire anticonstitutionnelle, car elle introduit une véritable inégalité entre les propriétaires !
Notre droit positif doit faire de toute intrusion sur une propriété privée une infraction. Sur ce point, le texte n’est pas assez précis. Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande d’apaiser mes inquiétudes à ce sujet.
En 2005, lors de l’examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux – Ladislas Poniatowski était rapporteur, mais vous n’occupiez pas encore les fonctions qui sont les vôtres, monsieur le secrétaire d'État –, j’avais déposé un amendement visant à interdire les clôtures sur les propriétés privées.
Aujourd'hui, en Sologne, espace privilégié en matière de faune sauvage, qui couvre presque trois départements de la région Centre, toutes les propriétés qui ne sont pas clôturées le deviennent par celles qui le sont ! Ce n’est pas sans entraver la libre circulation des animaux sauvages.
Une telle situation est assez incompréhensible. D’un côté, le Gouvernement investit énormément dans des corridors afin de favoriser cette circulation.
M. Jean-Louis Carrère. C’est tout à fait vrai !
M. Alain Vasselle. De l’autre, il laisse un certain nombre de propriétaires clôturer leurs terrains – les superficies concernées sont souvent importantes, de l’ordre de 200 à 300 hectares, voire 1 000 hectares pour certaines –, rendant cette circulation impossible.
Cela n’est pas sans inconvénients. D’une part, cela crée des problèmes de pollution génétique. Pour les éviter, il faut attraper des animaux présents dans d’autres domaines et les introduire dans ces propriétés, ce qui ne me paraît pas de bonne gestion.
D’autre part, c’est une atteinte à la crédibilité des chasseurs et à leur image, en ce que l’on donne le sentiment d’avoir aménagé des parcs de chasse pour s’exercer au tir ! Il est vrai que, dans des parcs de quelques dizaines d’hectares – nous en connaissons –, certains élèvent des sangliers dans l’unique but de réaliser des opérations commerciales et de vendre en définitive un beau tableau de chasse ! Il s’agit là de comportements tout à fait condamnables et inacceptables, et la réglementation en la matière ne me semble pas encore suffisamment contraignante.
À la demande du rapporteur, j’avais accepté de retirer cet amendement, qui pourtant avait le mérite de soulever un vrai problème, contre l’engagement du ministre de l’écologie et du développement durable, Serge Lepeltier, d’une réflexion de fond sur le sujet. J’aimerais savoir si le Gouvernement a avancé sur cette question et si ce point sera à l’ordre du jour de la future table ronde.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Oui !
M. Alain Vasselle. La situation est telle que j’ai déposé à nouveau un amendement sur ce sujet. Si en effet les propriétaires sont aujourd'hui amenés à clôturer leur terrain, c’est notamment pour éviter les visites inopinées d’un certain nombre de personnes qui pénètrent sur leur propriété pour aller à la pêche ou, à l’automne, cueillir des champignons. Ces propriétaires n’arrivent plus à supporter les charges de garderie et de surveillance.
Au moment où nous réfléchissons, à l’issue du Grenelle de l’environnement, à la protection de la flore, de la faune, à l’aménagement du territoire, il me paraît pertinent de supprimer les clôtures et de permettre la libre circulation des animaux sauvages. Pour ce faire, il faut donner aux propriétaires les moyens de rémunérer une personne qui assure la surveillance du territoire et qui mène cette action de gestion.
Tel est le sens de l’amendement que j’ai déposé. Je ne me fais pas d’illusion quant au sort qui lui sera réservé aujourd'hui : il s’agit d’un amendement d’appel. Je souhaite simplement que, dans le cadre de la table ronde, nous puissions poursuivre la réflexion en la matière et envisager les mesures qui pourraient être prises dans ce sens.
Sur les mesures concernant les dégâts de gibier, par ailleurs, l'article 10 prévoit que « si le nombre d’animaux attribués n’est pas prélevé, le propriétaire peut voir sa responsabilité financière engagée en application de l’article L. 425-11 ». Il me semble que le texte aurait pu aller plus loin et engager la responsabilité du propriétaire sans en faire une simple possibilité.
Pour avoir été administrateur de la fédération départementale des chasseurs de l’Oise, je sais bien que, comme d’autres, elle est aujourd'hui confrontée au paiement de sommes considérables au titre de l’indemnisation des dégâts de gibier…
M. Jean-Louis Carrère. C’est exact !
M. Alain Vasselle. … tout simplement parce que certains détenteurs de droit de chasse ne prélèvent pas leur quota au prétexte qu’il ne faut pas tirer les laies suitées, les petits animaux dont le poids est inférieur à une certaine norme. À cet égard, certains chasseurs, peu habitués, ont bien du mal à identifier les animaux et à déterminer leur poids. Quoi qu’il en soit, des populations animales prolifèrent, causant des dégâts de plus en plus importants.
De surcroît, le prix des céréales étant en hausse – fort heureusement pour les agriculteurs et les céréaliers –, cela vient alourdir l’addition résultant des dégâts dus au gibier.
Dans ces conditions, responsabiliser davantage les propriétaires qui n’exercent pas leur droit me semblerait positif.
Enfin, je me félicite que, dans le domaine de l’environnement, les mêmes qualités soient reconnues aux fédérations de chasseurs qu’aux associations d’« écologistes ».
Mes chers collègues, comme nous le savons tous, sur le territoire national, dans certaines zones qui ne sont pas ouvertes à la chasse, des populations de petit gibier, comme le perdreau gris, le faisan, le lapin, le lièvre ont quasiment disparu, alors qu’elles réapparaissent dans des zones de chasse. C’est bien la preuve de l’utilité de l’action des chasseurs en termes de gestion du territoire.
Les chasseurs sont des hommes et des femmes responsables. L’initiative est donc particulièrement bienvenue. Il reste simplement à effectuer un travail de communication auprès de nos concitoyens.
Tels sont les idées dont je voulais vous faire part, mes chers collègues, s’agissant d’une proposition de loi que je soutiendrai. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de Ladislas Poniatowski vise à clarifier et à simplifier le droit de la chasse par un ensemble de mesures tendant à résoudre les difficultés ponctuelles apparues depuis la mise en œuvre du volet « chasse » de la loi relative au développement des territoires ruraux.
Le chapitre Ier tend à renforcer les mesures de sécurité dans les schémas cynégétiques départementaux, en partant du constat que le décret en Conseil d’État pertinent n’a pas été pris, alors qu’il devait l’être depuis huit ans. Le texte renvoie donc aux schémas départementaux la responsabilité totale de prévoir les mesures de sécurité relatives aux diverses actions de chasse. Il serait intéressant, monsieur le secrétaire d’État, de savoir pourquoi ce décret n’a jamais été pris.
Je dois vous avouer que notre préférence penche pour un socle national de mesures de sécurité, socle complété, au sein des schémas départementaux, par des mesures spécifiques locales. Notre amendement n° 5 va dans ce sens ; il garantirait à la fois une meilleure cohérence nationale et un suivi juridique plus aisé, tout en bénéficiant d’une approche de proximité.
On peut d’ailleurs s’interroger sur l’interprétation juridique des schémas départementaux qui, bien que visés par le préfet, n’auront pas toujours la rédaction normative nécessaire, nos lois elles-mêmes péchant parfois de ce point de vue.
Le chapitre III de la proposition de loi relève d’une bonne intention, puisqu’il s’agit d’inciter les jeunes chasseurs âgés de seize à dix-huit ans en réduisant de 50 % – 15 euros – le droit de timbre et de 50 % la redevance annuelle la première année de chasse. Il est laissé également aux fédérations départementales la possibilité de diminuer la cotisation fédérale la première année pour les nouveaux chasseurs.
Toutes ces mesures vont dans le bon sens et partent du constat selon lequel le renouvellement des générations de chasseurs est actuellement très loin d’être assuré. À titre d’exemple, au sein de ma société communale de chasse, le plus jeune chasseur est âgé de vingt-huit ans ; depuis douze ans, aucun jeune n’a été recruté par cette société qui compte environ quatre-vingts adhérents. Il y a bien de quoi s’inquiéter de l’avenir de la chasse et des chasseurs, et, au-delà, de la gestion non seulement des équilibres agro-sylvo-cynégétiques mais aussi des nuisibles.
L’avenir de la chasse ne dépend sans doute pas uniquement de mesures financières, mais celles-ci demeurent à notre avis beaucoup trop modestes et insuffisamment incitatives de la part de l’État qui continue de peser lourdement sur le budget des fédérations départementales et sur celui des chasseurs en ne finançant pas sa propre garderie. À cet égard, près de 75 % du budget de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage proviennent des chasseurs eux-mêmes.
L’article 7 vise à combattre le « nomadisme » des demandeurs du permis national. Nous aurions également pu appeler cela « l’opportunisme ». Sur ce point précis, la solution pourrait être une péréquation équilibrée entre fédérations, au regard des efforts fournis par ces dernières pour réduire le coût des dégâts de gibier.
L’article 9 a pour objet de renforcer le pouvoir des « agents de développement » des fédérations départementales et de leur permettre de saisir le gibier tué en infraction au droit de la chasse et de l’offrir à l’établissement de bienfaisance le plus proche ou de le détruire.
Cet article, sans doute nécessaire, a lui aussi la faiblesse de mettre en évidence les évolutions en matière de garderie depuis la modification du statut des ex-gardes fédéraux devenus des gardes de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Les nouvelles charges des fédérations et des sociétés de chasse en matière de garderie justifient, une fois de plus, la prise en charge intégrale par l’État du financement de son service de garderie, dont les prérogatives dépassent d’ailleurs largement le domaine de la chasse.
Les membres du groupe CRC souscrivent à l’esprit de l’article 11 dont l’objet est de décourager le sabotage des actions de chasse qui, inspiré de l’expérience britannique, porte préjudice à la chasse. Mais, normalement, le droit civil et le droit pénal en vigueur devraient suffire.
La difficulté essentielle est de prendre sur le fait les saboteurs et de prouver leurs intentions malfaisantes. Il serait intéressant qu’on nous en dise davantage sur la façon dont la justice appréhende les faits, tant au pénal qu’au civil, afin que nous puissions nous faire une opinion plus précise sur ces délits.
L’article 12 du chapitre IV traite de l’indemnisation des dégâts de gibier qui fait flamber les budgets fédéraux au regard de l’augmentation du cours des céréales, notamment. Il engage la responsabilité financière de tout propriétaire de territoire, y compris les territoires sur lesquels la chasse n’est pas souhaitée.
Cet article nous semble logique dans la mesure où le gibier circule et peut occasionner des dégâts importants sur des parcelles, dégâts que doivent aujourd'hui indemniser les fédérations départementales.
Il pose, en outre, toute la problématique des dégâts dus aux sangliers, en particulier, qui représentent une part très importante des indemnisations. Un certain nombre d’initiatives départementales, en matière de clôtures électrifiées et d’aménagements de cultures en forêt, montrent que le montant des indemnisations peut être contenu et même diminué de manière sensible.
Les modifications apportées par l’article 15 visent d’ailleurs plutôt à élargir les contributions financières des chasseurs qu’à apporter de véritables solutions curatives en matière de dégâts de gibier.
À l’article 16, les membres du groupe CRC sont d’accord pour que la Fédération nationale des chasseurs et les fédérations départementales aient la qualité d’association agréée au titre de l’environnement. Le rôle joué par les chasseurs dans la lutte contre la rage, leur vigilance permanente pendant la crise de la grippe aviaire, le soin qu’ils apportent à la régulation des espèces nuisibles, à l’aménagement de l’espace et à la garantie de la diversité des espèces faunistiques justifient cette position.
Les membres du groupe CRC ont également déposé un amendement à l’article 19 pour maintenir le dispositif actuel de marquage des animaux tués pendant le transport de la venaison. En effet, nous craignons que la disparition de cette mesure, certes fastidieuse, ne facilite les opérations de dissimulation du braconnage de grand gibier. Il est fréquent de rentrer avec un demi-chevreuil dans le coffre après une journée passée dans les chasses domaniales où le partage se fait par rotation et je trouve normal que, dans ce cas, il y ait un ticket portant le numéro du bracelet.
En conclusion, la proposition de loi comporte un certain nombre de dispositions et d’améliorations ponctuelles pour le monde de la chasse. Les polémiques suscitées par la chasse se sont apaisées depuis 2003 et 2005. Pour autant, rien n’est réglé durablement : le plus grand danger qui guette la chasse est la baisse régulière du nombre de chasseurs. Nos détracteurs attendent patiemment le moment venu pour contre-attaquer.
Je n’ose imaginer le coût d’une gestion administrée par les pouvoirs publics pour pallier, demain, le manque de chasseurs et assurer à leur place la gestion des espèces chassables et nuisibles, l’indemnisation des dégâts agricoles et forestiers.
Si la chasse n’a généralement jamais mis en cause l’existence des espèces, en revanche, les crises sanitaires les ont fortement perturbées. Qu’il s’agisse du petit ou du grand gibier, un effort important de recherche et de prévention doit être mis en œuvre. La meilleure garantie pour l’avenir de la chasse, c’est l’avenir des chasseurs eux-mêmes ; c’est aussi le maintien, voire le développement, d’une chasse populaire, accessible, attractive, intergénérationnelle et de proximité.
Si nous n’anticipons pas les réponses à ces questionnements, ils reviendront plus vite que nous ne le pensons. Cette proposition de loi n’étant qu’une première étape, comme vous venez de l’indiquer, monsieur le secrétaire d'État,…
M. Gérard Le Cam. … nous attendons donc la suite avec un vif intérêt. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif de ce texte n’est pas de réformer une nouvelle fois l’organisation française de la chasse. La loi relative à la chasse du 30 juillet 2003 et la loi relative au développement des territoires ruraux du 23 février 2005 ont mis cette activité en situation de rentrer dans la modernité.
Nous avons des atouts : l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, des fédérations structurées, une chasse bénévole et démocratique, des structures scientifiques de gestion, des schémas de gestion cynégétique...
De fait, ces évolutions trouvent leur application sur le terrain, où le chasseur se révèle de plus en plus un acteur incontournable de l’aménagement du territoire et de la protection de la nature.
Des actions concrètes de gestion et de préservation sont menées par les fédérations départementales de chasseurs, tels l’aménagement de zones de nidification, la création et la restauration de mares et d’étangs, l’entretien de formations végétales, la gestion des niveaux d’eau, la restauration de marais asséchés. Près d’un chasseur sur deux participe à des actions bénévoles sur le terrain pour aménager, restaurer et préserver les habitats. Grâce à eux, chaque année, des centaines de milliers de mètres cubes de déchets sont ainsi enlevées des milieux naturels.
La chasse, après avoir affronté une crise d’identité avec la montée en puissance de l’écologie politique qui l’a stigmatisée, peut aujourd’hui affirmer sans complexe ses valeurs et sa légitimité.
D’aucuns rêvent encore de la marginaliser, mais ce sont des idéologues. À la réflexion, ne se sont-ils pas marginalisés eux-mêmes ? Les défenseurs de la nature pragmatiques reconnaissent le bien-fondé des actions des chasseurs en faveur de la faune et des habitats.
D’ailleurs, il me paraît facile de comprendre que la chasse durable ne peut s’exercer que sur des territoires préservés. Le chasseur a finalement l’obligation d’assurer la pérennité des gibiers sans lesquels il ne pourrait plus pratiquer son activité. Et toute la faune sauvage en profite !
Cette année, nombre d’agriculteurs ont exprimé leur inquiétude face à l’apparition de zones de concentration et de prolifération du gibier. Lapins de garenne, renards, sangliers, prolifèrent dans l’Hexagone, causant des dégâts dans les forêts, les cultures, mais aussi aux lisières des villes, et, parfois, jusqu’au cœur des cités.
D’aucuns, çà et là, ont estimé que les chasseurs n’avaient pas fait ce qu’il fallait. C’est vraiment un comble ! Mais c’est aussi peut-être le signe d’un vieillissement et d’une diminution du nombre des chasseurs. C’est pourquoi je me réjouis qu’il soit proposé d’abaisser le coût du permis de chasser lors de la délivrance du permis pour les jeunes âgés de seize à dix-huit ans, ou à l’occasion de la première validation annuelle pour tous les nouveaux chasseurs, qui verraient diminuer la redevance à l’ONCFS ainsi que leur cotisation fédérale. Une telle mesure devrait augmenter l’attractivité de la chasse.
M. Jean-Louis Carrère. Je n’y crois pas !
M. Aymeri de Montesquiou. Je souhaite souligner aussi l’importance de l’article 16 du texte proposé par la commission, qui confère aux fédérations de chasseurs la qualité d’association agréée pour la protection de l’environnement. Le rôle des chasseurs en matière de développement et d’équilibre des milieux naturels est enfin reconnu.
Pour conclure, vous l’aurez compris, les membres du groupe du RDSE voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de nos travaux, ces dernières années, la chasse n’a pas été oubliée, car nous connaissons la place qu’elle occupe dans la vie sociale, écologique et économique de notre pays. Elle est aussi un sport, mais un sport différent des autres, car il s’exprime sur tout notre espace naturel.
Les chasseurs sont désormais reconnus comme des acteurs à part entière de la gestion équilibrée des écosystèmes et, plus largement, du développement économique et écologique de nos territoires ruraux.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui a un double objectif. Elle vise, tout d’abord, à compléter et à préciser certaines dispositions de la loi relative à la chasse et de la loi relative au développement des territoires ruraux. Ensuite, elle tend à simplifier et à adapter le mieux possible le cadre juridique des activités de chasse.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur les mesures qui nous sont soumises, car elles viennent d’être excellemment exposées.
Comme à la plupart d’entre vous, mes chers collègues, trois points me semblent absolument primordiaux : l’attribution aux fédérations de chasseurs du statut d’association agréée au titre de la protection de l’environnement, l’indemnisation des dégâts de gibier et l’incitation financière que constitue la diminution du coût du timbre du permis de chasse en faveur des jeunes âgés de seize à dix-huit ans.
Tout d’abord, s’agissant de l’agrément au titre de la protection de l’environnement, je rappelle qu’aux termes de la loi relative au développement des territoires ruraux a été reconnue la contribution des chasseurs à la gestion équilibrée des écosystèmes, ainsi que leur participation au développement économique du milieu rural, avec, pour corollaire, la confirmation de la possibilité pour les fédérations de chasseurs d’être agréées au titre de la protection de l’environnement.
Toutefois, comme la plupart d’entre vous le savent mieux que moi, mes chers collègues, depuis l’adoption de cette loi, la possibilité pour les fédérations de chasseurs d’être agréées pour la protection de l’environnement a continué d’être contestée. Le rôle des fédérations et des chasseurs dans la protection de la nature ne peut pourtant pas être nié.
Ainsi, en tant qu’associations agréées au titre de la protection de la nature, les fédérations interviennent dans toute modification des écosystèmes ou pour toute atteinte dont ils seraient victimes, portent devant les tribunaux les préjudices causés à l’environnement, mènent des opérations éducatives en milieu scolaire sur la connaissance de la faune sauvage, informent le grand public sur la faune et ses habitats.
Ce rôle est donc absolument primordial.
En outre, force est de reconnaître que les fédérations de chasseurs assurent un maillage du territoire, notamment dans les départements ruraux, peu densément peuplés, où elles apportent une expertise et une connaissance du terrain et des écosystèmes que nul ne peut contester.
Je tiens à assurer M. le rapporteur du soutien du groupe UC-UDF, au nom duquel je m’exprime, sur l’ensemble de la proposition de loi, notamment son article 12, relatif à l’indemnisation des dégâts de gibier. En effet, ces dégâts se multiplient, du fait d’une double évolution inquiétante, caractérisée, d’une part, par le vieillissement et la diminution du nombre des chasseurs, comme cela a été souligné déjà plusieurs fois à cette tribune, et, d’autre part, par l’apparition de zones de concentration et de prolifération du gibier.
Actuellement, les dépenses totales d’indemnisation par campagne cynégétique sont de l’ordre de 22 millions d’euros à 23 millions d’euros. Les dégâts causés par le sanglier représentent 83 % du montant total des indemnisations versées aux agriculteurs.
Un tiers des communes françaises, soit 12 750 d’entre elles, subissent des dégâts dus aux sangliers. Toutefois, pour être objectifs, reconnaissons que 1 % des communes, soit 367 d’entre elles, concentrent à elles seules le quart de la totalité des dégâts dus aux sangliers. Cette concentration des dommages causés aux cultures sur des zones peu étendues montre que de simples mesures de gestion de l’espèce suffiraient à les limiter grandement.
Il est donc nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, que la responsabilité financière des propriétaires soit engagée – l’état d’esprit a d’ailleurs beaucoup évolué, et ce dans un sens constructif –, qu’il y ait un plan de chasse ou pas, si la prolifération du gros gibier y est responsable des dégâts agricoles.
À l’heure actuelle, l’indemnisation des dégâts occasionnés aux cultures et aux récoltes agricoles est assurée par les fédérations départementales de chasseurs. Elle n’est possible que pour les dégâts occasionnés par les seuls sangliers et les autres espèces de grands gibiers soumis à plan de chasse. Elle ne concerne que les cultures et les récoltes agricoles, ce qui exclut toute indemnisation des dégâts forestiers et des pertes indirectes.
Les fédérations peuvent à leur tour obtenir le remboursement des frais engagés en se retournant contre le bénéficiaire du plan de chasse qui n’a pas appliqué ce dernier ou contre les opposants de conscience aux associations communales de chasse agréées qui n’ont pas procédé, sur leur territoire, à la régulation des espèces de grand gibier.
En revanche, rien n’est prévu dans le cas d’un territoire non chassé situé dans une commune où il n’existe pas d’association communale de chasse agréée.
La proposition de loi permet donc de rétablir l’équité de traitement, puisque tous les territoires non chassés participeront désormais à l’indemnisation des dégâts agricoles.
Alors que les prix des matières agricoles s’envolent, l’enjeu financier est de plus en plus important, ces mêmes prix servant de base pour évaluer les dégâts subis par les agriculteurs.
J’en viens maintenant à mon dernier point, la diminution du droit de timbre pour les jeunes chasseurs.
L’érosion du nombre de validations de permis de chasse est un phénomène général en France et est liée à la diminution de la qualité cynégétique.
À l’heure actuelle, 1 250 000 chasseurs font valider leur permis chaque année. Ils ont en moyenne cinquante ans et 90 % d’entre eux résident dans des communes de moins de 2 000 habitants. Il est donc urgent d’assurer un renouvellement générationnel des chasseurs et d’augmenter leur nombre, sachant que leurs effectifs ont diminué de 40 % en vingt ans, comme vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues.
La chasse accompagnée, qui est pratiquée depuis quelques années déjà, permet de faire découvrir aux jeunes l’univers et la pratique de la chasse.
Néanmoins, la diminution du droit de timbre de 50 % pour les jeunes chasseurs de seize à dix-huit ans, le faisant passer de 30 à 15 euros, me paraît tout à fait pertinente.
Le prix du timbre ne doit être rédhibitoire ni pour un ménage modeste, ni pour un jeune qui se finance grâce à des « petits boulots ». Cette diminution importante devrait donc elle aussi contribuer à assurer le renouvellement des générations de chasseurs.
Il me reste à féliciter M. Poniatowski pour l’objectivité et le réalisme de sa proposition de loi : loin d’être incompréhensible, comme, hélas ! nombre de textes, elle est au contraire dictée par le bon sens, qualité qui caractérise d’ailleurs les chasseurs. J’ai vu quelle passion, quelle détermination mettaient dans leurs propos ceux d’entre vous qui chassent, mes chers collègues. Bravo ! La chasse est un loisir et un sport ; le sport est l’expression de la vie. Alors, vive la vie, vive le sport, vive la chasse ! (Applaudissements.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui est soumise à notre examen vise à améliorer et simplifier le droit de la chasse.
À l’heure des premiers textes d’application des promesses du Grenelle de l’environnement, elle est avant tout un texte technique qui ne soulève apparemment pas de problèmes politiques majeurs.
On peut, cependant, regretter une erreur de méthode : le Gouvernement, à travers les tables rondes sur la chasse durable – l’adjectif est à la mode ! – qui auront lieu dans les prochaines semaines, organise la concertation après le temps de la décision législative. Plutôt qu’une nouvelle rupture de synchronisation entre le Gouvernement et sa majorité parlementaire, peut-être faut-il y voir plutôt une simple volonté d’anticipation de M. le rapporteur.
En ce qui concerne la chasse, il en va des élus comme des citoyens : le ton est à l’apaisement, à la tolérance et à la cohabitation pacifiée sur le territoire entre ses partisans et ses détracteurs. C’est ce que j’ai pu remarquer depuis plusieurs années sur le terrain, du moins dans le département dont je suis l’élue, le Morbihan.
L’économie générale de la proposition de loi va dans le bon sens, celui d’une accessibilité maîtrisée du droit de chasser. C’est, pour les chasseurs, les citoyens et les pouvoirs publics, la garantie d’une chasse réconciliant la reconnaissance de cette activité et son rôle dans la protection de l’environnement à travers la régulation des espèces, mais pas seulement.
Favoriser l’accessibilité au droit de chasser, c’est tout d’abord permettre aux jeunes d’en bénéficier et, surtout, de les amener à mieux connaître ce qu’est réellement la chasse.
Le renouvellement des générations et la formation au respect de l’environnement sont autant de conditions pour une chasse « durable ». Le chapitre II, relatif au permis de chasser, va ainsi y contribuer, en ce qu’il vise à diminuer le montant du timbre du titre permanent pour les jeunes âgés de seize à dix-huit ans, celui des cotisations fédérales pour les nouveaux chasseurs, et à instaurer un prix unique pour le permis national.
D’autres mesures devront être aussi encouragées à l’avenir et sont déjà mises en œuvre dans certaines fédérations, dont celle du Morbihan : remboursement de la première année, formation gratuite, développement de la chasse accompagnée.
La maîtrise du droit de chasser est, quant à elle, garantie par le renforcement du dispositif légal relatif aux infractions, traité au chapitre III, et aux article 1er et 3 du chapitre Ier, qui concerne la sécurisation des schémas de gestion cynégétique.
Dans ce cadre, la reconnaissance des fédérations de chasseurs comme associations agréées au titre de la protection de l’environnement paraît utile et nécessaire. Tel est l’objet de l’article 16 de la proposition de loi.
Pour suivre régulièrement les assemblées générales de la fédération de chasse de mon département, je connais tous les efforts réalisés par les chasseurs en faveur de l’environnement, efforts qui vont bien au-delà de la simple gestion cynégétique : mise en place de jachères faunistiques en partenariat avec les agriculteurs et de jachères fleuries en milieu plus urbanisé, gestion déléguée de zones protégées, comme les marais et les entrées des rias, avec une vocation pédagogique et de nombreuses visites réservées aux scolaires pour améliorer la connaissance des oiseaux, ce en partenariat avec le conseil général, le conseil régional et la LPO, la ligue pour la protection des oiseaux.
J’espère que cette coopération n’est pas une exception ; toutefois, peut-être toutes les fédérations ne vont-elles pas aussi loin. C’est pourquoi nous pensons qu’il convient d’être plus strict sur la procédure d’agrément : il doit être délivré non pas directement, a priori, mais sur avis du préfet, représentant de l’État et garant du respect des lois, notamment de celles qui seront votées en application du Grenelle de l’environnement.
Notre amendement ne vise donc rien d’autre que la reconnaissance des bonnes pratiques, l’égalité de traitement et la cohérence de l’action publique, d’autant que les préfectures exercent déjà une tutelle sur le dossier des dégâts et reçoivent le rapport annuel des fédérations de chasseurs.
Cette question mériterait donc un temps de réflexion plus long, car, comme l’écrit M. Poniatowski dans son rapport, « une telle modification dépasse largement le cadre d’une loi de simplification du droit de la chasse, car elle touche à la question de la gouvernance de la protection de la nature et du développement durable ».
Un autre sujet majeur évoqué dans cette proposition de loi demande des débats complémentaires : il s’agit de l’inclusion des territoires non chassés dans le champ d’indemnisation des dégâts de gibier, précisée à l’article 12, à travers l’attribution d’un plan de tir, par le préfet, aux propriétaires de terrains ne procédant pas à la régulation des espèces dont la prolifération cause des dégâts agricoles et facilite l’apparition de maladies.
Pour bien connaître les abords du terrain militaire de Coëtquidan, je puis affirmer que ce problème a, pendant très longtemps, gâché les relations entre les agriculteurs et les militaires,…
Mme Odette Herviaux. … mais que le climat est à l’apaisement, depuis que le camp a, voilà quelques années, été entouré d’une clôture électrique et, surtout, que le terrain est en partie cultivé, comme les zones d’agrainage, notamment avec du blé noir.
Aujourd’hui, la hausse du prix des produits agricoles impose que de nouveaux moyens de financement soient trouvés pour rembourser les dégâts causés par le gibier, car les fédérations ne pourront pas longtemps supporter l’augmentation incessante du coût de ce remboursement. Cependant, il ne faut pas précipiter la mise en place de nouveaux dispositifs qui, comme le réclament les chasseurs, devront être forcément négociés, pour être viables et pour que le nombre des recours soit réduit.
Notre amendement de suppression a plusieurs significations : tout d’abord, marquer qu’il faut intégrer cette problématique dans le programme des futures tables rondes, ensuite, redire notre attachement à distinguer petits et grands propriétaires, enfin, affirmer d’une certaine manière notre soutien au développement des associations communales de chasse agréées, les ACCA.
Le développement des ACCA est un enjeu majeur pour les fédérations de chasseurs afin de pérenniser les territoires de chasse, favoriser une gestion collective et responsable des espèces, bref, rendre vraiment durable la chasse.
La réflexion doit donc aller bien au-delà de la délivrance de cartes de chasse temporaires pour s’étendre à l’étude de tous les moyens financiers, politiques et juridiques susceptibles de rendre plus attractive la généralisation des ACCA.
En conclusion, je redirai donc que, si cette proposition de loi comporte des avancées techniques attendues et importantes, beaucoup de sujets méritent cependant une attention plus grande et des débats plus longs, afin d’être examinés de façon plus approfondie.
Sous réserve des remarques que nous avons formulées, nous approuverons donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord féliciter l’ensemble des intervenants pour leur sens des responsabilités et leur grande connaissance des problèmes de la chasse.
Je veux dire à mon ami Jean-Louis Carrère que, comme l’a bien fait ressortir la discussion générale, les chasseurs sont des acteurs de l’aménagement du territoire, protecteurs de cette nature que nous aimons tant. Finalement, le fait que je sois présent parmi vous aujourd'hui, en tant que secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire, …
M. Alain Dufaut. Est cohérent !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. …montre le respect que j’ai pour les chasseurs et le souci qui est le mien de les accompagner au mieux dans ce domaine.
Au vu de la richesse de la discussion de cet après-midi, et pour continuer dans les images empruntées au rugby, je sais que nous allons pousser tous ensemble pour marquer un essai très profitable avant même la tenue de la table ronde sur la chasse, souhaitée sur toutes les travées de cette assemblée et à mes yeux tout à fait nécessaire.
Je tiens d’ailleurs à apaiser les inquiétudes que nombre d’entre vous, notamment M. le rapporteur, ont exprimées : M. Bignon, qui présidera cette table ronde, a effectivement invité l’ensemble des élus qui le souhaiteraient à y siéger, au-delà de toute appartenance politique, et je ne peux que m’en féliciter.
Seront ainsi réunis autour d’une même table six représentants des chasseurs, six représentants des gestionnaires et des protecteurs de l’environnement, mais aussi des représentants du monde socio-professionnel, des agriculteurs, des forestiers, des propriétaires ruraux, des scientifiques, ainsi, donc, que des parlementaires représentatifs de l’ensemble des sensibilités politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.
J’en suis convaincu, cette table ronde, ô combien souhaitée et souhaitable, permettra d’aboutir à un certain nombre de résolutions, ce qui sera une première, aussi bien pour le monde de la chasse que pour celui de la protection de la nature.
Le fait d’examiner cette proposition de loi aujourd’hui ne me paraît donc pas précipité. C’est une façon d’ouvrir le dossier et d’annoncer cette table ronde, et la discussion d’aujourd'hui laisse présager la richesse des débats qui se tiendront dans ce cadre. Il est d’ailleurs prévu à son ordre du jour d’aborder les sujets que, les uns et les autres, vous avez évoqués, à savoir les problèmes de territoires, de gibiers ou de clôtures, qui intéressent notamment M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Alain Vasselle. Tant mieux !
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. À ma connaissance, six réunions sont programmées d’ici à l’été. Du temps est donc donné à la réflexion, ce qui permettra d’aller au fond des choses. Je ne doute pas que les participants feront preuve, comme vous, d’une grande ouverture d’esprit et d’un sens aigu des responsabilités partagées. La chasse mais aussi la protection de la nature en sortiront grandies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette table ronde aura le mérite de prouver que des personnes responsables et raisonnables savent se mettre autour d’une table pour élaborer un texte répondant à l’intérêt général. Cela étant, l’examen des articles de cette proposition de loi et des amendements déposés va nous donner l’occasion dès à présent d’aborder les sujets qui vous préoccupent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles.
CHAPITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX SCHÉMAS DE GESTION CYNÉGÉTIQUE
Article 1er
Le premier alinéa de l’article L. 425-2 du code de l’environnement est ainsi rédigé : « Parmi les dispositions du schéma départemental de gestion cynégétique figurent obligatoirement : »
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
L’article L. 424-16 du même code est abrogé.
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. J’ai eu l’occasion tout à l’heure d’évoquer cet amendement relatif aux règles de sécurité. Notre préférence va à l’élaboration d’un socle national. Nous l’avons précisé, le suivi des questions juridiques, notamment en termes de contentieux, risque de s’avérer pour le moins complexe si l’on confie un tel volet aux fédérations départementales, dans le cadre des schémas départementaux de gestion cynégétique.
Tel est l’esprit de cet amendement que je vous invite, mes chers collègues, à adopter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Le Cam, la commission n’est pas favorable à cet amendement, et je vais m’efforcer de vous convaincre de le retirer.
Les articles 1er et 2 sont en effet totalement indissociables, dans la mesure où ils traitent tous les deux de sécurité. Pour vous avoir entendu soulever ce problème à chaque fois que le Sénat débattait de la chasse, je sais combien ce sujet vous est cher, et c’est tout à votre honneur. Croyez-moi, il me préoccupe beaucoup et nombre de chasseurs également.
Si ces deux articles sont indissociables, c’est parce que les deux tiers environ des départements français ont déjà adopté leurs schémas départementaux de gestion cynégétique. Lors du vote de la loi de 2003, nous avions souhaité que toutes les fédérations départementales, chargées de l’élaboration de ces schémas, y mentionnent les mesures de sécurité. Or, les termes de la loi n’étant pas assez précis, certaines fédérations l’ont fait, d’autres non.
C'est la raison pour laquelle nous précisons dans l’article 1er de la proposition de loi que les mesures de sécurité seront désormais fixées par les schémas départementaux de gestion cynégétique et non plus par décret en Conseil d'État, comme cela était prévu par la loi de 2000. Quant à l'article 2, il vise à supprimer toute référence à ce décret.
Du reste, si ce décret n’a jamais été publié en huit ans, c’est tout simplement parce que les territoires que vous tous représentez sont divers et variés : chasser en Bretagne, ce n’est pas la même chose que chasser dans les Landes, dans l’Oise ou dans le centre de la France ; les territoires ne sont pas les mêmes, les pratiques de chasse n’y sont pas identiques, et il était donc très difficile de rédiger un décret constituant un socle national.
Telle qu’elle est rédigée, la proposition de loi n’oublie en rien ces mesures de sécurité, qui seront intégrées aux schémas départementaux de gestion cynégétique. Le représentant de l’État aura toujours la possibilité d’intervenir s’il constate un certain nombre d’oublis : d’abord, c’est lui qui valide le schéma, en y apposant sa signature ; ensuite, rien ne l’empêche de prendre à tout moment les mesures de sécurité supplémentaires qu’il estime nécessaires. La protection en ce domaine est donc doublement assurée.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mon cher collègue, au vu de l’équilibre satisfaisant permis par les deux articles 1er et 2, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, la commission maintiendrait son avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, les problèmes de sécurité liés à la chasse ne sauraient être considérés comme une fatalité. Les accidents provoquent une trentaine de morts par an : c’est beaucoup trop !
Cela a été évoqué dans la discussion générale, le précédent gouvernement s’était fixé pour objectif de parvenir à la publication du décret prévu à l’article L. 424-16 du code de l’environnement, décret relatif à la définition des règles générales de sécurité à la chasse. Ce travail n’a malheureusement pas abouti.
Aujourd'hui, le Gouvernement privilégie une position de neutralité sur ce point, en soulignant qu’il n’y a pas de contradiction entre l’existence de règles générales nationales et leur traduction locale, dans les schémas départementaux de gestion cynégétique.
Pour autant, il s’engage solennellement à publier le décret avant la fin de cette année, car, vous l’avez très bien compris, il s’agit d’une question de sécurité publique. Comme l’a souligné à juste titre M. le rapporteur, ce décret doit être rédigé de telle sorte qu’il puisse s’appliquer sur chacun de nos territoires.
Comme vous le voyez, entre acteurs de l’aménagement du territoire, nous arrivons à nous comprendre !
M. Jean-Louis Carrère. Certes !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Le Cam, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Au regard de l’engagement pris par M. le secrétaire d’État, je retire cet amendement, madame la présidente, puisque nous obtenons, au moins partiellement, satisfaction.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
L’article L. 425-3-1 du même code est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 425-3-1. - Les infractions aux dispositions du schéma départemental de gestion cynégétique sont punies des amendes prévues par les contraventions de la première à la quatrième classe selon des modalités fixées par un décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU PERMIS DE CHASSER
Article 4
Après la première phrase de l’article 964 du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le droit est de 15 euros pour les mineurs âgés de plus de seize ans ». – (Adopté.)
Article 5
Après le septième alinéa de l’article L. 423-21-1 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un chasseur valide pour la première fois son permis de chasser lors de la saison cynégétique qui suit l’obtention du titre permanent dudit permis, le montant de ces redevances est diminué de moitié. »
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I - Compléter cet article par un II ainsi rédigé :
II. Le huitième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La diminution du montant des redevances qui en résulte est compensée par l’augmentation des redevances applicables aux chasseurs n’appartenant pas à la catégorie des bénéficiaires de la diminution, selon une répartition fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la chasse et du budget. »
II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :
I. -
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. La réduction de moitié du montant des redevances cynégétiques en faveur des chasseurs validant leur permis pour la première fois vise à favoriser l’attractivité de la chasse et constitue donc une initiative intéressante.
Toutefois, il importe d’en relativiser l’impact, au regard des dépenses cynégétiques annuelles du chasseur individuel, qui sont de l’ordre de 1 500 euros. Il n’est nullement établi qu’une mesure incitative financière soit une réponse adaptée pour mobiliser suffisamment de nouveaux chasseurs, alors que la formation, l’accompagnement et l’accès des jeunes à des territoires de chasse sont prioritaires. L’effet attendu, à savoir l’augmentation des cotisants, n’est donc absolument pas assuré.
En outre, cette mesure entraînerait une perte de recettes de l’ordre de 500 000 euros pour l’ONCFS, dont le budget est déjà fragilisé par le règlement des contentieux en cours, qui, vous le savez, sont nombreux. Elle n’est donc pas supportable actuellement, et il n’est pas envisageable pour l’État de se substituer et de créer des recettes permettant de financer une disposition qui découle de priorités et de choix internes au monde de la chasse.
C’est la raison pour laquelle, pour appuyer la proposition de loi de M. Poniatowski, le Gouvernement privilégie la notion de solidarité intergénérationnelle, qui existe d’ailleurs déjà en matière de chasse avec la chasse accompagnée.
Nous proposons donc à cet effet de compenser la diminution des recettes afférentes à la mise en œuvre de la mesure en faveur des nouveaux chasseurs par l’augmentation correspondante des redevances acquittées par les chasseurs qui ne valident pas leur permis pour la première fois. Au demeurant, pour ces derniers, cette augmentation de redevance correspondrait à moins de 40 centimes d’euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je suis tout à fait opposé à l’amendement du Gouvernement, et je vais m’en expliquer.
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, je vous ai entendus les uns et les autres le souligner lors de la discussion générale, il est très important de trouver des mesures pour tenter de limiter l’érosion du nombre de chasseurs dans notre pays. Vous l’avez dit de manière différente, mais vous avez été nombreux à vous plaindre notamment des dégâts causés par le gros gibier et à évoquer les territoires protégés. Si, demain, il n’y a plus de chasseurs, soit pour contribuer à la limitation de ce cheptel de gros gibier, soit pour payer les dégâts, nous allons avoir un vrai problème dans notre pays.
Je ne sais pas si le monde de la chasse parviendra à faire aussi bien que celui de la pêche, mais les articles 4, 5 et 6 n’ont d’autre but que d’y aider les chasseurs. En effet, grâce à une diminution du coût des cotisations ou des timbres, il y a plusieurs dizaines de milliers de pêcheurs en plus depuis trois ans.
Les articles 4, 5 et 6 établissent un équilibre entre l’effort demandé respectivement à l’État, à l’ONCFS et aux fédérations de chasse. L’effort est donc partagé.
L’article 4 diminue le coût du timbre pour les jeunes chasseurs, âgé de seize à dix-huit ans. L’effort est alors consenti par l’État.
L’article 5 réduit la redevance payée à l’ONCFS, mesure dont le coût - j’en suis tout à fait conscient ! - est de 450 000 euros.
Quant à l’article 6, il impose aux fédérations de chasse de consentir un effort à l’occasion de l’arrivée dans le monde de la chasse d’un nouveau chasseur, jeune ou non, c’est-à-dire lors de la première année.
Chacun fait donc un effort.
Or, avec cet amendement, monsieur le secrétaire d’État, vous « chargez la barque » des chasseurs et vous mettez tout sur leur dos. Je ne suis pas d’accord !
Nous en avons déjà débattu lors de l’examen des lois de 2002 et 2003. S’agissant de l’ONCFS, on commence à aller dans le bon sens, grâce à certains de vos prédécesseurs et, en premier lieu, grâce à Mme Bachelot-Narquin. Aujourd'hui, près de 75 % du budget de l’ONCFS est à la charge des chasseurs, contre 25 % à la charge de l’État. Or, en toute logique, ce devrait être l’inverse : l’ensemble des missions régaliennes de l’ONCFS devraient être financées par l’État, soit 75 % de ce budget, et les chasseurs devraient supporter les seules missions cynégétiques de l’ONCFS.
Nous n’en sommes pas encore là, mais nous sommes entrés dans un bon cycle avec Mme Bachelot-Narquin. Il ne faudrait pas produire un nouvel effet contraire en 2008, même s’il ne s’agit en l’occurrence que de 450 000 euros. Cela représente, monsieur le secrétaire d’État, une diminution de 0,6 % des recettes de l’ONCFS.
Je sais que l’État abonde ce budget à hauteur de près de 25 millions d’euros, mais j’espère que l’effort se prolongera dans les années à venir.
C’est la raison pour laquelle je suis tout à fait hostile à l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
Le cinquième alinéa de l'article L. 421-14 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle détermine également la réfaction appliquée à la cotisation due par tout chasseur validant pour la première fois son permis de chasser lors de la saison cynégétique qui suit l'obtention du titre permanent dudit permis. » – (Adopté.)
Article 7
I. Le cinquième alinéa de l'article L. 421-14 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« De même, elle fixe chaque année le prix unique de la cotisation fédérale que chaque demandeur d'un permis de chasser national devra acquitter. »
II. Avant le dernier alinéa de l'article L. 426-5 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout adhérent chasseur ayant validé un permis de chasser national et étant porteur du timbre national grand gibier mentionné à l'article L. 421-14, est dispensé de s'acquitter de la participation personnelle instaurée par la fédération dans laquelle il valide son permis. De même, tout titulaire d'un permis national porteur d'un timbre national grand gibier est dispensé de s'acquitter de la contribution personnelle due en application des dispositions de l'article L. 429-31 alinéa c du code de l'environnement. » – (Adopté.)
Article 8
L'article L. 428-17 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est entendu à cet effet par le juge. »
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer les mots :
Il est entendu
par les mots :
Il peut être entendu
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. L’article 8 introduit l’obligation pour le juge d’entendre la défense du chasseur qui fait l’objet d’une suspension de son permis de chasser.
Nous comprenons l’objet de la disposition proposée. Pour autant, nous ne pouvons approuver le caractère obligatoire de cette audition par le juge. En effet, il revient au requérant de motiver sa requête écrite afin d’expliquer les raisons qui motivent sa demande de restitution du permis. Les éléments portés à la connaissance du juge doivent lui permettre d’apprécier le bien-fondé de la demande et ce n’est que dans le cas où il estime cette audition utile pour sa prise de décision qu’il doit entendre le requérant. Le juge doit conserver sa liberté d’appréciation quant à la nécessité d’une telle audition afin d’écarter les demandes abusives ou dilatoires.
Par ailleurs, une telle obligation faite au juge d’entendre l’auteur de la requête ferait peser une charge très lourde sur les tribunaux d’instance et irait à l’encontre de l’orientation générale de simplification des procédures judiciaires retenue par le Gouvernement.
En tout état de cause, le chasseur sera entendu sur l’infraction qui lui est reprochée lors de l’audience pénale. Le Gouvernement propose donc de substituer à l’obligation faite au juge de procéder à une audition la simple faculté d’entendre le chasseur qui a fait l’objet d’une suspension de son permis de chasse et qui en demande la restitution provisoire, ce qui permet tout à la fois d’inscrire dans le droit cette mesure favorable au chasseur et de préserver la libre appréciation du juge.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il est favorable, car notre intention était, dès le départ, de donner la possibilité au chasseur d’être entendu par le juge. Cet amendement permet de respecter l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui était aussi notre souhait.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX INFRACTIONS
Article 9
L'article L. 428-21 du même code est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont habilités à procéder à la saisie du gibier tué à l'occasion des infractions qu'ils constatent et ils en font don à l'établissement de bienfaisance le plus proche, ou le détruisent. » ;
2° Dans la seconde phrase du dernier alinéa, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « trois ».
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I - Compléter cet article par un II ainsi rédigé :
II - Le second alinéa de l’article L. 428-31 du même code est complété par les mots : « ou, en cas d’impossibilité, détruit ».
II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :
I. -
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation.
Il était nécessaire de consolider le droit en matière de saisie de gibier. C’est l’objet de l’article 9, qui tend à faciliter la mission des gardes particuliers et des agents de développement des fédérations de chasseurs conventionnées pour assurer la garderie des territoires, en les autorisant à procéder à la saisie du gibier tué dans le cadre d’une infraction. Pour des raisons sanitaires, il était indispensable de préciser le sort réservé au gibier saisi lorsque celui-ci ne peut être livré à l’établissement de bienfaisance le plus proche, notamment du fait des règles sanitaires en vigueur ou de la saturation des demandes locales.
L’amendement du Gouvernement complète la proposition au bénéfice des gardes de l’ONCFS et des agents visés par l’article L. 428-20 en les autorisant à procéder également à la destruction du gibier qui ne peut, pour les mêmes raisons, être donné à des établissements de bienfaisance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il est favorable.
Il y a une bizarrerie dans notre droit : lorsqu’un braconnier se fait prendre sur le fait, une fois le procès-verbal établi, il peut repartir tranquillement avec son gibier sur les épaules ; tout juste s’il ne peut pas demander au garde de lui donner un coup de main pour charger le gibier dans le coffre de sa voiture ! (Sourires.)
Désormais, grâce à cet amendement, tous les gardes, y compris ceux de l’ONCFS, pourront saisir le gibier. J’en suis ravi.
M. Jean-Louis Carrère. Pauvre Raboliot !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Il serait peut-être utile, monsieur le secrétaire d’État, d’assouplir les règles sanitaires. Il est tout de même dommage d’enterrer du gibier, alors que l’on pourrait, en mettant en place des contrôles vétérinaires, le donner à certains établissements pour les repas de leurs résidents. Cela contribuerait à donner une meilleure image de la chasse, ce qui n’est pas le cas lorsque des gardes particuliers enterrent du gibier, même saisi.
M. Jean-Louis Carrère. D’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Cher Alain Vasselle, dans certains villages, où l’on a l’habitude de porter le gibier aux maisons de retraite ou aux foyers ruraux, il y a saturation. Les gens ne veulent tout simplement plus de sanglier ! (Sourires.)
L’autorisation donnée au garde d’enterrer le gibier est une possibilité parmi d’autres. À lui de trouver un équilibre entre les dons et les destructions. S’il n’a pas apporté de gibier depuis quelque temps à la maison de retraite, il sera le bienvenu. Dans le cas contraire, le directeur lui dira qu’il peut le garder !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
L'article L. 428-5 du même code est ainsi rédigé :
I. - Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende le fait de commettre l'une des infractions suivantes :
1° Chasser sur le terrain d'autrui sans son consentement, si ce terrain est attenant à une maison habitée ou servant d'habitation, et s'il est entouré d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins ;
2° Chasser dans les réserves de chasse approuvées par l'État ou établies en application des dispositions de l'article L. 422-27 ;
3° Chasser en temps prohibé ou pendant la nuit ;
4° Chasser à l'aide d'engins ou instruments prohibés, ou par d'autres moyens que ceux autorisés par les articles L. 424-4 et L. 427-8 ou chasser dans le cœur ou les réserves intégrales d'un parc national ou dans une réserve naturelle en infraction à la réglementation qui y est applicable ;
5° Employer des drogues ou appâts qui sont de nature à enivrer le gibier ou à le détruire ;
6° Détenir ou être trouvé muni ou porteur, hors de son domicile, des filets, engins ou instruments de chasse prohibés ;
lorsque ces infractions sont commises avec l'une des circonstances suivantes :
a) Être déguisé ou masqué ;
b) Avoir pris une fausse identité ;
c) Avoir usé envers des personnes de violence n'ayant entraîné aucune interruption totale de travail ou une interruption totale de travail inférieure à huit jours ;
d) Avoir fait usage d'un véhicule, quelle que soit sa nature, pour se rendre sur le lieu de l'infraction ou pour s'en éloigner.
II. - Est puni des mêmes peines le fait de commettre, lorsque le gibier provient d'actes de chasse commis avec l'une des circonstances prévues aux a) à d) du I, l'une des infractions suivantes :
1° Mettre en vente, vendre, acheter, transporter ou colporter du gibier en dehors des périodes autorisées en application de l'article L. 424-8 ;
2° En toute saison, mettre en vente, vendre, transporter, colporter ou acheter sciemment du gibier tué à l'aide d'engins ou d'instruments prohibés.
III. - Est puni des mêmes peines le fait de commettre, sans circonstances aggravantes mais en état de récidive au sens de l'article L. 428-6, l'une des infractions prévues aux I et II. – (Adopté.)
Article 11
Dans la sous-section III du chapitre 8 du titre II du livre IV du même code, est inséré un article L. 428-3-1 ainsi rédigé :
« Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait d'entraver ou d'empêcher le déroulement normal d'une action de chasse. »
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Malgré les difficultés juridiques et techniques posées par l’article 11, le Gouvernement pourrait y être favorable, car les entraves aux actions de chasse légale sont inadmissibles. Toutefois, une analyse détaillée et plus approfondie par la Chancellerie s’impose avant l’éventuelle présentation de la mesure à l’Assemblée nationale.
Considérant qu’il serait prématuré d’adopter cet article avant l’examen de la Chancellerie, le Gouvernement propose cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous devez être conscient, monsieur le secrétaire d’État, que les chasseurs sont très sensibles à ce que l’on nomme en anglais le hunt sabotage, qui est malheureusement en pleine expansion. On n’a compté que deux actions de ce type lors de la saison de chasse 2006-2007, mais il y en a eu douze lors de la saison qui s’est achevée en février dernier, et d’autres affaires sont en cours d’examen.
En effet, à chaque fois qu’une telle opération se produit, elle fait l’objet d’une plainte, déposée par la Société de vénerie, par les fédérations départementales, et parfois aussi par la Fédération nationale.
J’ai reçu des associations de protection de l’environnement, des écologistes et des associations de protection des animaux. Vous devez savoir, monsieur le secrétaire d’État, qu’ils ne sont nullement hostiles à la création de ce que j’appelle un « délit » d’entrave.
J’ai bien compris qu’un certain nombre de problèmes juridiques et techniques se posaient et que vous souhaitiez que le garde des sceaux les examine. Mais, soyons bien d’accord, monsieur le secrétaire d’État, nous n’allons pas faire étudier ces questions par un groupe de travail qui siégerait pendant plusieurs mois ! J’espère qu’il s’agit bien uniquement du temps nécessaire permettre l’examen de la disposition par le garde des sceaux avant sa présentation à l’Assemblée nationale.
Je souhaite, avec cet article 11, adresser un message à ceux qui sont responsables de ces opérations. Ce sont des gens qui ne respectent absolument pas la loi et qui agissent cagoulés, mes chers collègues ; ils ont déjà provoqué la mort de chiens.
J’aurais aimé que vous soyez à mes côtés pour l’entendre, monsieur le secrétaire d’État : les associations de protection des animaux et de défense de l’environnement m’ont demandé que nous soyons aussi sévères à l’encontre des personnes qui commettent ces actes que nous le sommes envers les braconniers.
Mon message s’adresse donc bien entendu aux individus qui se rendent responsables de ces agissements, mais aussi aux juges qui seront conduits à statuer. Je le répète, mon souhait est que cet acte soit considéré comme une infraction.
Sachez, mes chers collègues, que je ne vais pas aussi loin avec l’article 11 – un article qui est le nôtre, à nous, parlementaires, et c’est pour cela que j’aimerais qu’il soit respecté – que le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, qui crée des délits d’entrave assortis de sanctions pénales graves. Pour ma part, je me limite à une contravention de la cinquième classe, qui relève donc du tribunal de police et non du tribunal correctionnel.
Je pense que cette mesure est raisonnable et équilibrée. C’est pourquoi j’aimerais qu’elle entre dans notre droit. Je suis donc d’accord pour suivre le Gouvernement, mais à condition que cet article puisse être examiné par l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement prend l’engagement que cet article sera bien examiné par l’Assemblée nationale. S’il sollicite ce temps de latence, c’est uniquement pour pouvoir consulter la Chancellerie sur cette question.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 11 est supprimé.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉGÂTS DE GIBIER
Article 12
Après l'article L. 425-12 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 425-12-1. - Le préfet, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, attribue un plan de tir au propriétaire d'un territoire ne procédant pas ou ne faisant pas procéder à la régulation des espèces présentes sur son fonds qui causent des dégâts.
« Si le nombre d'animaux attribués n'est pas prélevé, le propriétaire peut voir sa responsabilité financière engagée en application de l'article L. 425-11. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Pastor et Carrère, Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Nous souhaitons supprimer cet article en attendant que la table ronde se soit réunie et que les négociations aient eu lieu.
Il faut certes trouver un meilleur moyen d’indemniser les dégâts dus au grand gibier, en particulier – tout le monde y pense – aux sangliers. Nous en sommes parfaitement d’accord. Cependant, tout en admettant que ce que nous propose M. Poniatowski est habile, nous pensons que ces dispositions sont dangereuses à plusieurs titres.
Tout d’abord, même si la proposition de loi ne vise pas à modifier les « acquis de conscience » de la loi « Chasse » de 2000, elle contourne quand même ses fondements philosophiques.
Monsieur le rapporteur, vous proposez, toutes choses égales par ailleurs, de faire des propriétaires « opposants de conscience » les responsables présumés des dégâts commis par les espèces mal gérées. Serait en cause leur refus de réguler les espèces par le tir sur leurs terrains.
Mes collègues et moi-même sommes prêts à reconnaître la nécessité de faire contribuer au paiement des dégâts tout propriétaire de fonds, en particulier ceux qui ne procèdent à aucune régulation. Toutefois, il serait préférable que nous prenions le temps de réfléchir aux alternatives qui pourraient s’offrir à eux. Nous ne pouvons pas leur faire payer des dégâts sans faciliter préalablement une solution alternative sans chasse. Or, vous le savez comme moi, la battue administrative est une procédure extrêmement lourde. Donnons-nous le temps de la réflexion !
D’autres textes parlementaires ou tout simplement la navette devraient nous permettre de légiférer une fois un accord plus consensuel trouvé sur ce point précis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Compte tenu de la richesse de cette discussion et du respect dû à chacun, qu’il s’agisse des défenseurs de la nature ou des chasseurs, le Gouvernement préfère d’emblée s’en remettre à l’avis de la commission.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les textes relatifs à la chasse sont très souvent adoptés de manière consensuelle. L’une des raisons en est que, comme l’a dit Jean-Louis Carrère tout à l’heure, je ne suis pas un provocateur.
Cela étant, je veux apporter une précision, ce qui me permettra également de répondre à Alain Vasselle.
La première version de la proposition de loi, à savoir les onze premiers articles, a été cosignée par soixante-dix parlementaires, dont Alain Vasselle. Malheureusement, j’ai commis l’erreur de la déposer trop vite, c’est-à-dire avant que tous aient pu la cosigner. Le résultat est que j’apparais aujourd’hui comme le seul auteur, ce qui ne correspond pas à la réalité.
Le texte actuel compte deux fois plus d’articles en raison de l’ajout de modestes mesures techniques. Ces articles résultent du fait que j’ai continué mes auditions avec les chasseurs et d’autres intervenants. Il faut savoir que le texte initial, autrement dit la première partie, date tout de même de la fin de 2006.
Pour en revenir à l’article 12 proprement dit, je tiens à préciser que l’audition des associations écologistes a fait ressortir que le seul article qui fâchait était non pas celui visant le « délit » d’entrave à la chasse, mais bien celui-ci. Son dispositif répond pourtant à une demande de plusieurs d’entre vous, mes chers collègues.
Il est vrai que les dégâts causés par le gibier posent un véritable problème. Les chasseurs en ont effectivement plus qu’assez d’être les seuls à payer pour des sangliers qu’ils voient se réfugier sur des terrains militaires ou privés- les propriétaires ne versent pas de redevance et donc ne paient pas les dégâts -, …
M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. … puis en sortir pour aller se gaver dans les récoltes de maïs !
Je suis conscient que ce sujet doit être débattu non seulement avec les chasseurs, mais aussi avec les non-chasseurs ainsi qu’avec le représentant de l’État. Le groupe de travail créé par le Gouvernement et présidé par Jérôme Bignon offre une très bonne occasion de le faire, car toutes les parties y sont représentées.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que ce soit l’un des tout premiers sujets étudiés par ce groupe de travail. J’en fais partie, et je suis même le premier bras droit de Jérôme Bignon. Tous ceux qui sont concernés par la gestion des territoires, de la faune et de la flore y seront présents. Vous avez fait une ouverture et avez rassuré M. Carrère sur le caractère pluraliste de ce groupe de travail.
Je tenais à ce que cet article soit discuté en séance publique, ce qui est en partie chose faite. C’est pourquoi je vais répondre aux attentes et le retirer.
Mme la présidente. L’article 12 est retiré.
En conséquence, l’amendement n° 1 rectifié n’a plus d’objet.
CHAPITRE V
ADAPTATION DU DROIT APPLICABLE EN ALSACE ET MOSELLE
Article 13
I. Les articles L. 429-21 et L. 429-22 du même code sont abrogés.
II. L'article L. 429-1 du même code est ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent titre sont applicables aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, à l'exception de celles des articles : L. 422-2 à L. 422-26, L. 426-1 à L. 426-8, L. 427-9 et L. 428-1, alinéas 1 et 2, et sous réserve des dispositions du présent chapitre. » – (Adopté.)
Article 14
I. L'article L. 429-27 du même code et complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les titulaires, personnes physiques ou morales, d'une location ou d'une autorisation temporaire de chasser sur le domaine militaire. »
II. L'article L. 429-30 est ainsi modifié :
1°) Après les mots « l'article L. 429-14 », le premier alinéa de l'article est complété par les mots :
« que le propriétaire qui s'est réservé l'exercice du droit de chasse soit tenu ou non au versement de ladite contribution ».
2°) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La contribution des titulaires, personnes physiques ou personnes morales, d'une location ou d'une autorisation temporaire de chasser sur le domaine militaire est calculée sur la base du prix moyen à l'hectare des locations dans le département intéressé. » – (Adopté.)
Article 15
L'article L.429-31 du même code est ainsi modifié :
1°) Dans le deuxième alinéa, les mots : « proportionnellement à la surface boisée de leur territoire de chasse ; », sont remplacés par les mots : « en fonction de la surface boisée et non boisée de leur territoire de chasse ; ».
2°) Dans le troisième alinéa, les mots : « proportionnellement à la surface totale de leur territoire de chasse, ou proportionnellement à sa surface boisée; » sont remplacés par les mots : « variable en fonction de la surface boisée et non boisée de leur territoire de chasse ;».
3°) Le c) est ainsi rédigé :
«Une contribution personnelle modulable selon le nombre de jours de chasse tel que défini par le permis de chasser, due par tout chasseur, le premier jour où il chasse le sanglier dans le département à l'exclusion des personnes qui se sont acquittées du timbre national grand gibier ; »
4°) L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« d) Une contribution due pour chaque sanglier tué dans le département. » – (Adopté.)
CHAPITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES AUX FÉDÉRATIONS DE CHASSEURS
Article 16
I. Après le deuxième alinéa de l'article L. 421-14 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle a la qualité d'association agréée de protection de l'environnement en application de l'article L. 141-1 du code de l'environnement. »
II. L'article L. 421-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles ont la qualité d'association agréée de protection de l'environnement en application de l'article L. 141-1 du code de l'environnement. »
Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Pastor et Carrère, Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Après le premier aliéna de l’article L. 141-1 du même code, il est inséré un aliéna ainsi rédigé :
« La fédération nationale et les fédérations départementales des chasseurs sont éligibles à l’agrément mentionné au premier alinéa. »
La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. M. Pastor, Mme Herviaux et moi-même souhaitons proposer au Sénat une nouvelle rédaction de cet article, car il nous semble difficilement admissible en l’état.
Si nous sommes d’accord sur le principe de permettre aux fédérations de chasseurs d’être reconnues comme associations protectrices de l’environnement au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement, nous ne pouvons imaginer que ces dernières bénéficient d’un quasi-passe-droit, d’un «fait du prince » fût-il parlementaire. Cet article vise ni plus ni moins à valider l’agrément par la loi pour seulement quelques associations dans notre pays. Je partage le constat du rapporteur : l’article est peut-être un peu ambigu. Cela justifie-t-il pour autant cette procédure d’exception ? Je ne le crois pas.
L’article L. 141-1 du code de l’environnement dispose que peuvent faire l’objet d’un agrément motivé par l’autorité administrative toutes les « associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière générale, œuvrant principalement pour la protection de l’environnement ».
L’agrément est obtenu au terme d’une procédure d’instruction par le préfet, qui recueille les avis du directeur régional de l’environnement, des services déconcentrés, du procureur général et, éventuellement, du maire. Il permet notamment de se porter partie civile dans les litiges relatifs aux infractions à la protection de l’environnement.
C’est la loi du 23 février 2005 qui a confirmé la possibilité pour les associations de chasseurs d’être agréées pour la protection de l’environnement en complétant l’article L. 141-1 du code de l’environnement par la mention des associations intervenant dans « la gestion de la faune sauvage ».
Je partage le constat fait par la commission : malheureusement, même après 2005, la possibilité pour les fédérations de chasseurs d’être agréées pour la protection de l’environnement a continué d’être contestée.
En revanche, je ne peux imaginer une telle rupture d’égalité entre les associations. C’est pourquoi je vous propose de vous ranger à notre proposition, qui semble sage : il s’agit d’ajouter explicitement que les fédérations de chasse et la fédération nationale sont éligibles à l’agrément. Certes, cela n’éteindra pas tous les recours contentieux, mais cela viendra utilement préciser le texte pour faciliter les décisions de justice, en somme, pour faire en sorte que l’esprit de la loi soit respecté. Ainsi, je pense que nous serons inattaquables.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J’admets que je suis peut-être allé trop vite et trop loin, mais mon objectif était de répondre à un problème précis.
Les fédérations départementales de chasse ne sont qu’une minorité à demander à être agréées en tant qu’associations de protection de l’environnement. Or les juges interprètent la loi de manière diverse. Ainsi, à la suite des recours qui sont formés contre la décision du préfet d’accorder l’agrément à une fédération départementale, certains tribunaux répondent « oui » et d’autres « non ». L’objet de cet article est donc d’adresser un message aux juges afin de leur dire qu’elles sont bien éligibles.
En rendant l’agrément automatique, je suis probablement allé trop loin. Toutefois, le premier amendement déposé par le groupe socialiste était contre-productif, car il interdisait pratiquement tout.
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai, il était mauvais !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cette nouvelle rédaction, mon cher collègue, me convient parfaitement.
Dans nos rangs, ceux de nos collègues qui ont un esprit juridique aiguisé avaient également appelé mon attention sur le fait que l’automaticité de l’obtention de l’agrément n’était pas saine et introduisait une injustice par rapport à d’autres types d’associations.
Pour toutes ces raisons, je suis favorable à l’amendement du groupe socialiste, dans sa nouvelle rédaction.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. La très large majorité des associations et fédérations de chasseurs sont déjà agréées au titre de la protection de l’environnement. L’article L. 141-1 dispose en effet que les associations régulièrement déclarées exerçant leur activité statutaire dans le domaine de la gestion de la faune sauvage peuvent faire l’objet d’un agrément motivé de l’autorité administrative.
La pratique administrative a attribué au fil des ans l’agrément à quatre-vingt-une fédérations et associations de chasseurs.
Par ailleurs, l’introduction d’un alinéa spécifique sur les associations de chasseurs conduirait à en faire le seul groupe catégoriel identifié spécifiquement dans l’article L. 141-1, introduisant ainsi un déséquilibre dans l’économie générale de l’article.
Cela étant, je veux faire remarquer à M. Carrère que le Gouvernement sait rester sage. C’est pourquoi il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 16 est ainsi rédigé.
Article 17
L'article L. 421-12 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l'initiative des fédérations départementales des chasseurs et par accord unanime entre elles, il peut être créé d'autres fédérations interdépartementales des chasseurs. » – (Adopté.)
CHAPITRE VII
ALLÉGEMENT DES PROCÉDURES ADMINISTRATIVES
Article 18
La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 422-2 du même code est complétée par les mots :
« en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire ». – (Adopté.)
Article 19
Pendant la période où la chasse est ouverte, le transport d’une partie du gibier mort soumis au plan de chasse est autorisé sans formalité par les titulaires d’un permis de chasser valide.
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à maintenir le dispositif de marquage de l’animal tué, et donc l’accompagnement de la venaison par un ticket.
Nous sommes bien conscients du fait que ce dispositif est assez fastidieux à mettre en œuvre en fin de chasse. Pour autant, il s’agit d’une mesure supplémentaire pour lutter contre certaines actions de braconnage sur le grand gibier.
Ce marquage par voie de ticket pourrait peut-être être simplifié grâce à la mise en place de tampons automatiques, reprenant les lettres et les chiffres du bracelet de l’animal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission tient évidemment à son article 19.
Ceux qui chassent connaissent cette pratique du marquage, et même ceux qui ne chassent pas puisque, de temps en temps, des morceaux de gibier partagés à la fin d’une chasse leur sont offerts et arrivent dans leur réfrigérateur.
Cet article ne concerne pas le gibier commercialisé, c’est-à-dire vendu, qui doit respecter des règles sanitaires très précises, parfois lourdes aux dires de certains. Néanmoins, il faut conserver ces règles sanitaires. Le gibier tué au cours d’une chasse et qui rejoint ensuite le circuit commercial doit pouvoir être suivi à la trace.
Cet article ne concerne donc que le gibier qui est partagé et coupé en morceaux. Vous savez très bien quel plaisir éprouve, en fin de journée, chaque chasseur repartant chez lui, qui avec un cuissot, qui avec une épaule, qui avec un morceau encore plus tendre ! La remise d’un ticket n’a plus de raison d’être.
Je vous signale au passage, et disant cela je me tourne vers Alain Vasselle et René Beaumont, qui sont tous deux concernés par le problème des chasses commerciales, que le même gibier tué dans un enclos fermé, sans plan de chasse, peut être partagé sans qu’il soit besoin de remettre un ticket ! Autrement dit, en cas de contrôle, il peut y avoir contestation si on ne peut expliquer et justifier que le gibier a été tiré en enclos.
Voilà pourquoi, dans ce texte qui a pour objet de simplifier les procédures et de diminuer le poids de l’administration, nous proposons de supprimer la remise de ce petit bout de papier systématiquement distribué à tous les chasseurs.
Cela étant, je conseille à ceux qui emporteront une pièce plus noble, à savoir la tête de l’animal, qu’on aime parfois emmener chez un taxidermiste afin de pouvoir l’accrocher ensuite dans une grange ou dans une salle à manger de chasse, d’avoir un ticket, non pour transporter leur morceau mais pour éviter des difficultés au taxidermiste.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Je ne suis pas d’accord avec M. le rapporteur sur la question du transport des parties de gibier. Le Gouvernement souhaite que les dispositions actuelles de traçabilité des pièces de gibier soient conservées, pour des raisons de suivi et de contrôle sanitaire.
La proposition, qui revient à rendre légal le transport de toute pièce de grand gibier pendant la saison d’ouverture de la chasse et supprime le système des tickets, empêche cette traçabilité, ainsi que le contrôle du braconnage a posteriori. Elle me paraît donc problématique.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, je suis défavorable à l’article 19.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je maintiens ma position.
Votre argument sur le braconnage n’est pas bon, monsieur le secrétaire d’État. Le braconnier tue le gibier et n’en prélève pas un morceau : il prend l’animal en entier.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. S’il coupe l’animal en morceaux, c’est qu’il a déjà commencé à le distribuer et à récupérer un peu d’argent, en le vendant à droite et à gauche ! Cette mesure ne concerne donc pas le braconnier et l’argument que vous avancez n’est pas le bon.
Nous souhaitons simplement un peu moins d’administration et de fonctionnarisation, pour une activité de plaisir et un sport.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Je suis très sensible à la traçabilité, mais en même temps je suis chasseur. Il est difficile de trouver une solution médiane.
Quand on chasse et qu’on a pris du gibier, qu’on l’a découpé et offert, il est très compliqué de distribuer des tickets à tout le monde. S’il y a trente personnes pour se partager un cerf, distribuer un ticket à chacun est infaisable !
Certes, au cours d’un débat feutré, dans un bel hémicycle, la procédure paraît intellectuellement tout à fait recevable. Mais, franchement, dans la pratique, la solution envisagée est difficilement applicable et compatible avec notre passion !
Je ne soutiens pas toutes les initiatives de M. Ladislas Poniatowski, loin s’en faut, mais celle-là est frappée au coin du bon sens.
Mme la présidente. L’article 20 a été retiré par la commission.
Article 21
L’utilisation du grand-duc artificiel pour la chasse et la destruction des animaux nuisibles est autorisée. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 21
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Beaumont, Billard, J. Blanc et Cazalet, est ainsi libellé :
Après l’article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I — Le 1 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«…) L’emploi d’un garde particulier visé par les articles L. 428-21 et L. 437-13 du code de l’environnement, L. 231-1 du code forestier, 29 et 29-1 du code de procédure pénale. »
II — Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III — Les pertes de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. J’ai déjà plus ou moins présenté cet amendement dans la discussion générale. Je ne m’étendrai donc pas sur le sujet.
Il me semblerait, bien entendu, particulièrement opportun que cet amendement soit adopté. Or, en privé, M. le président de la commission des affaires économiques m’a demandé de le retirer au motif qu’il n’était pas très populaire. En quoi ne l’est-il pas ? J’imagine que c’est parce qu’il doit intéresser essentiellement les propriétaires privés.
Néanmoins, cette question mérite qu’une réflexion soit conduite. Aujourd’hui, s’agissant de la garderie et de la surveillance des territoires, vous savez très bien que le nombre d’agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, mais également les moyens dont disposent les fédérations ne permettent pas d’assurer une couverture de l’ensemble du territoire. Nous sommes bien contents, pour assurer la régulation des espèces ainsi que la gestion des territoires et de la faune comme de la flore, que des propriétés privées assument cette surveillance.
Malheureusement, hormis des bénévoles, il y a de moins en moins de gardes particuliers. Sur certains territoires, il serait donc bien utile qu’il y ait des volontaires qui soient indemnisés.
Il me semble donc que, à défaut d’adopter cet amendement que je présente avec mes collègues René Beaumont, Joël Billard, Jacques Blanc et Auguste Cazalet, il serait important d’en faire un objet de réflexion dans le cadre de la table ronde.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J’ai souvent beaucoup de sympathie pour les amendements de notre collègue Alain Vasselle. En l’occurrence, ma position sera très prudente et, avant de me prononcer, je demanderai l’avis du Gouvernement.
Je vous signale, mon cher collègue, que les emplois de gardiens de propriété ou de jardiniers peuvent bénéficier de la mesure dont vous souhaitez faire bénéficier les gardes-chasse. Certes, ce n’est pas tout à fait la même chose. En termes d’effectifs, cela n’a rien à voir puisque les emplois que vous évoquez représentent 3 000 à 4 000 personnes, et encore… En effet, tel que votre amendement est rédigé, seul le propriétaire qui chasse lui-même sur sa propriété pourrait bénéficier de cette mesure, et non celui qui loue sa chasse.
Cette proposition n’est pas tout à fait illogique. Mais je doute fort que l’argument invoquant la création d’emplois soit suffisamment fort pour convaincre le Gouvernement.
Bref, la commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement avant de donner le sien.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Il est difficile d’émettre un avis éclairé sur la mesure proposée en l’absence de données de base. En effet, nous ne disposons pas d’évaluations fiables des effectifs de gardes particuliers employés, dont l’agrément relève des préfectures.
Par ailleurs, l’effet incitatif sur l’environnement reste à démontrer au regard d’un certain nombre de dispositifs existants.
Ainsi, une mise en perspective s’impose, notamment avec des structures opérant en milieu rural, dans des missions de surveillance des milieux naturels de protection de la faune.
En tout état de cause, nous tenons à souligner la qualité du travail accompli par ces agents. Elle révèle une reprise en main par les particuliers de la gestion des milieux naturels que la population rurale n’a plus les moyens d’exercer.
Un gisement d’emplois potentiels existe, mais il va très au-delà de la chasse pour concerner indifféremment toutes les catégories de gardes particuliers en milieu rural.
En conséquence, compte tenu de la portée trop générale de cette disposition et des lacunes importantes en matière d’évaluation, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Toutefois, je tiens à faire remarquer à M. Vasselle que ses propositions pourront être reprises dans le cadre de la table ronde et feront l’objet de discussions à cette occasion.
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Bien entendu, je le retire.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir démontré qu’il savait être diplomate en exposant l’avis de la commission. (Sourires.)
Je remercie également M. le secrétaire d’État d’avoir fait cette ouverture en direction de la table ronde.
Vous pourrez, monsieur le secrétaire d’État, avec vos experts, procéder aux évaluations et peut-être réfléchir sur le caractère non limitatif du dispositif actuel auquel a fait référence M. le rapporteur pour le jardinage et le gardiennage.
Si l’interprétation du texte permettait d’offrir cette possibilité, ce serait un pas dans la bonne direction.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
L’amendement n° 7, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :
Après l’article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du II de l’article L. 424-3 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le grand gibier lâché par ces établissements est identifié par individu. »
La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. Cet amendement a pour objet d’attirer également l’attention sur une pratique qui a tendance à se répandre de plus en plus sur nos territoires : celle des chasses commerciales en général, mais surtout des chasses commerciales de grand et de très grand gibier.
En effet, en la matière, on assiste aujourd’hui à de très gros dérapages. Il en résulte des inconvénients majeurs sur le plan de l’éthique, sur le plan sanitaire, ainsi que sur le plan de la justice et de l’équité.
Sur le plan de l’éthique, que penser de la chasse à ce que l’on appelle les « cochongliers », dont on ne sait plus trop bien à quelle espèce ils appartiennent à force de croisements multiples ? Je rappelle pour les néophytes qui ne sont pas chasseurs que, dans la famille des porcins, comme dans celle des équidés, deux espèces peuvent se reproduire ensemble. C’est le cas du cochon et du sanglier, qui se reproduisent par croisement, ce qui engendre un individu hybride, un organisme génétiquement modifié, lequel ne ressemble effectivement ni à un sanglier ni à un cochon.
Sur le plan de l’éthique, est-ce encore de la chasse que de tirer sur des animaux ventrus, qui n’ont pas de vitesse et qui, finalement, sont habitués à vivre sur un territoire fixe ? Pour moi, de telles pratiques dénaturent la chasse !
Au demeurant, ce n’est pas la seule raison qui m’amène à présenter cet amendement d’appel à l’égard du groupe d’étude.
La deuxième raison qui me pousse à déposer cet amendement est d’ordre sanitaire. Là, c’est le vétérinaire qui s’inquiète.
En effet, cette concentration d’animaux dans un espace restreint est très propice à l’apparition d’épidémies importantes. Le cas s’est présenté dans un département voisin du nôtre, cher président de la commission des affaires économiques, celui de la Côte-d’Or, où, dans la vallée bien connue de l’Ouche, une très grande chasse dans un enclos comprend des porcins tuberculeux.
Or ces animaux ont transmis la tuberculose à deux élevages bovins sur ces territoires, lesquels ont dû être abattus à deux reprises en six ans d’intervalle. L’épidémiologie a fait la preuve que ces élevages avaient bien été contaminés par les porcins en question.
De vrais problèmes peuvent également se poser en matière d’équité et de justice.
Le gibier, nous le savons, est res nullus ; il n’appartient à personne et personne n’en est responsable. Mais un animal élevé dans un enclos, d’où il s’échappe, a un propriétaire. Le propriétaire est responsable de cet animal, ainsi que des dégâts aux cultures et des accidents qui peuvent être causés par ce prétendu gibier. Il me paraît donc intéressant d’imposer dans ces chasses commerciales l’identification des animaux, ce qui permettrait de reconnaître que ces animaux ne sont pas des gibiers, que ce sont des produits d’élevage, dont un propriétaire est responsable.
Cette démarche, qui est certes lourde, permettrait d’assainir beaucoup ce type de chasse. En effet, s’il existe des chasses commerciales de grand gibier de très grande qualité, - j’en connais quelques-unes –, en revanche, il en existe beaucoup qui sont de très mauvaise qualité, avec des clôtures complètement perméables rendant possible ce type de mélange.
Voilà l’appel que je formule auprès du Gouvernement, d’abord pour conforter l’éthique de la chasse, mais aussi pour les raisons sanitaires et judiciaires que je viens d’évoquer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement très précis, technique et concret a trait au procédé de marquage systématique du gibier des chasses commerciales. Toutefois, dans ses explications, notre collègue René Beaumont est allé bien au-delà de l’objet de son amendement puisqu’il a évoqué une série de problèmes relatifs à la chasse commerciale. J’avais d’ailleurs moi-même envisagé de traiter le sujet. Je ne l’ai pas fait – mais je veillerai au suivi de cette question – parce que c’est l’un des sujets qui devront de toute évidence être étudiés par le groupe de travail créé par le Gouvernement et présidé par Jérôme Bignon.
Au-delà des problèmes sanitaires que vient d’évoquer René Beaumont, il y a le problème posé par tous ceux qui chassent hors période légale d’ouverture. Cela perturbe tout le monde : les chasseurs qui, eux, n’ont pas la chance de pouvoir chasser dans ces territoires et les non-chasseurs, qui ne comprennent pas pourquoi, à une période de l’année où, théoriquement, l’on ne devrait plus entendre un seul coup de fusil, les balles continuent à siffler. C’est donc un sujet qui dépasse le problème des chasses commerciales et qui mérite d’être traité par tous ceux qui sont concernés.
Voilà pourquoi, n’ayant moi-même rédigé aucun article ni déposé aucun amendement concernant les chasses commerciales, je demande à mon collègue René Beaumont de bien vouloir accepter de retirer son amendement. De mon côté, je me fais fort, aux côtés de Jérôme Bignon, de veiller à ce que l’ensemble des problèmes liés aux chasses commerciales soient examinés par le groupe de travail.
Mme la présidente. Monsieur René Beaumont, l’amendement est-il maintenu ?
M. René Beaumont. Ainsi que je l’ai dit, il s’agit d’un amendement d’appel ; l’appel ayant été entendu par M. le rapporteur et ne doutant pas qu’il l’ait été également par M. le secrétaire d’État, je le retire.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Je tiens à rassurer M. Beaumont. Dans la mesure où il s’agit d’un sujet économique qui touche à la gestion des territoires, il pourra opportunément être débattu lors de la table ronde sur la chasse, tant sur le thème de la gestion des territoires que sur celui de l’économie de la chasse. Il me paraît donc sage d’attendre qu’ait lieu ce débat.
CHAPITRE VIII
DISPOSITIONS FINALES
Article 22
La perte de recettes résultant pour l’État de la présente loi est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévue par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi, je donne la parole à M. Yannick Texier, pour explication de vote.
M. Yannick Texier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UMP apporte son entier soutien à l’initiative de notre collègue Ladislas Poniatowski, auteur et rapporteur de la proposition de loi dont nous débattons et, par ailleurs, président du groupe d’études sur la chasse de notre assemblée.
Après la loi sur la chasse de 2003 et les dispositions la concernant dans la loi sur le développement des territoires ruraux, il s’agit pour nous d’adopter des dispositions d’ordre pratique et de clarification qui viennent conforter la législation en vigueur, législation qui s’est révélée efficace au fil de sa mise en œuvre et qui a contribué à ancrer la chasse dans la vie de nos territoires.
En particulier, nous souhaitons continuer d’encourager la pratique de la chasse en abaissant le coût du permis de chasser, homogénéiser la délivrance de ce même permis, faciliter les missions des gardes particuliers et des agents de développement pour assurer la garderie de territoires et mieux traiter la question de l’indemnisation des dégâts de gibier.
Au cours de nos débats, vous nous avez précisé, monsieur le secrétaire d’État, que plusieurs dispositions étaient de nature réglementaire. Sur ces points, il va sans dire que nous souhaitons que le Gouvernement puisse prendre les textes utiles dans les meilleurs délais.
En outre, cette proposition de loi est complémentaire des tables rondes sur la chasse en cours d’organisation par le ministère de l’écologie. De fait, par ces mesures, nous entendons conforter une pratique responsable des activités cynégétiques.
C’est pourquoi le groupe UMP votera la présente proposition de loi pour l’amélioration et la simplification du droit de chasse, dans le cadre d’une gestion collective équilibrée de notre environnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Le groupe CRC a décidé de s’abstenir sur ce texte. Il s’agit d’une abstention « bienveillante » compte tenu du fait que nous partageons au moins l’esprit qui sous-tend un grand nombre de ses articles.
Pour autant, nous considérons qu’il reste au milieu du gué. Si j’ai été très heureux, monsieur Poniatowski, d’entendre votre position sur une question que je pense être essentielle, l’avenir des finances de l’ONCFS et celui des fédérations départementales, que vous souhaitez inverser en proportion, il y a loin de la coupe aux lèvres et, compte tenu du contexte financier actuel, nous risquons d’attendre encore malheureusement très longtemps, trop longtemps !
C’est donc dans ce sens que nous nous abstenons, mais ne le prenez pas contre vous, monsieur le rapporteur, puisque, comme je l’ai dit, il s’agit d’une abstention bienveillante.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Pour ma part, je tiens tout d’abord à souligner l’état d’esprit qui a présidé à la préparation de ce texte et à sa discussion en commission.
Mes collègues Jean-Marc Pastor et Odette Herviaux m’ont fait part de l’excellente qualité des discussions. Je tiens ensuite à souligner la qualité de l’écoute dont a fait preuve la commission et l’accueil qui a été réservé à des amendements que nous avons nous-mêmes modifiés afin qu’ils soient recevables.
Après la loi que nous avons votée, unanimement d’ailleurs, en 2005, ce texte sera utile. Je regrette un peu que nous le votions avant que les tables rondes ne se réunissent, ce qui nous oblige à une certaine gymnastique, que vous avez d’ailleurs acceptée de bonne grâce.
Nous avons, bien sûr, encore d’autres demandes à formuler sur les questions de chasse. Vous connaissez en particulier notre attachement à la fixation, après un débat entre nous, des dates d’ouverture, qui est un élément essentiel pour préserver le climat de confiance qui a été recréé avec le monde de la chasse. Nous y sommes très attentifs.
S’agissant de l’organe qui va être amené à réfléchir sur ces questions – sans doute comprendra-t-il des membres de la commission des affaires économiques, et je n’y vois bien sûr aucun inconvénient –, je me permets d’insister sur la nécessité de garantir le pluralisme en son sein.
Pour toutes ces avancées que nous jugeons très positives, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?….
Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 269.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Madame la présidente, je souhaite remercier M. le rapporteur et M. le président de la commission ainsi que les sénateurs de tous les groupes de la qualité des discussions et des avancées qui ont été faites.
La constitution de la table ronde répond à un engagement de M. le Président de la République ; elle permettra à chacun de faire valoir ses intérêts, et je suis certain que les représentants de l’écologie et des territoires, des professionnels et des élus dans leur pluralité fourniront des travaux très intéressants qui nous permettront de faire progresser l’aménagement du territoire. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Commission mixte paritaire
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
9
Contrôle comptable du revenu minimum d'insertion
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d’insertion (nos 212, 320).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur. (M. Éric Doligé applaudit.)
M. Auguste Cazalet, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, comme vous le savez, la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d’insertion, ou RMI, a été déposée par notre collègue Michel Mercier le 15 février dernier. À la suite de la discussion générale intervenue en séance publique le 26 mars dernier, le Sénat a décidé de renvoyer ce texte à la commission, afin de me permettre de mener des investigations sur pièces et sur place.
J’ai ainsi entendu des représentants de l’Assemblée des départements de France, des caisses de mutualité sociale agricole, et je me suis rendu dans les trois départements du Rhône, de la Sarthe et du Vaucluse, dont je tiens particulièrement à remercier les présidents de conseil général, nos collègues Michel Mercier, Roland du Luart et Claude Haut. À chaque fois, je me suis entretenu avec les personnels des conseils généraux et des caisses d’allocations familiales, les CAF.
Je tiens à saluer le travail effectué à la fois par les caisses d’allocations familiales, les caisses de mutualité sociale agricole et les conseils généraux dans le domaine de la gestion du revenu minimum d’insertion. Pour autant, il ressort de ces auditions et de ces déplacements que les informations dont disposent les conseils généraux pour piloter la dépense du RMI sont aujourd’hui insuffisantes.
La loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité fait des départements les pilotes du dispositif du RMI, en leur transférant la charge financière du dispositif. Les départements sont devenus entièrement responsables de la politique de réinsertion sociale, ce qui implique de disposer de tous les éléments permettant de connaître les bénéficiaires du RMI, les montants versés, et d’opérer les contrôles nécessaires.
Dans la continuité de cette loi de décentralisation, il me semble tout à fait nécessaire, afin de permettre aux départements d’exercer pleinement cette nouvelle responsabilité, de leur accorder les moyens qu’elle nécessite. C’est dans cette perspective que, malgré la qualité du travail des caisses d’allocations familiales et des caisses de mutualité sociale agricole, certaines améliorations législatives sont de toute évidence nécessaires.
J’ai pu constater la grande complexité du travail des services départementaux et des CAF dans la gestion du RMI, qui demande des compétences techniques précises, une capacité à gérer un dispositif de masse tout en limitant les erreurs de traitement, un échange de données permanent, des contrôles stricts et une organisation technique et informatique fiable. Il nous faut donc aujourd’hui renforcer les synergies entre les différents acteurs.
En outre, la complexité du dispositif du revenu de solidarité active, ou RSA, lequel devrait être généralisé en 2009, sera supérieure à celle du RMI, compte tenu de la nécessité d’agréger un plus grand nombre d’informations.
La clarification des relations entre les organismes payeurs et les conseils généraux est donc un préalable indispensable à la mise en place du RSA. Les départements doivent être en mesure de gérer de manière satisfaisante le dispositif du RMI pour pouvoir prendre en charge ce nouveau dispositif. La présente proposition de loi n’en est dès lors que plus légitime, et sa mise en œuvre plus urgente.
Dans ces conditions, la commission vous propose, en conformité avec l’état d’esprit initial de notre collègue Michel Mercier, auteur de la proposition de loi, un texte comportant six articles.
Le premier article prévoit l’amélioration de l’information des conseils généraux sur l’acompte qui leur est demandé par les organismes payeurs au titre du RMI et de la prime forfaitaire. À chaque demande de versement d’acompte transmise au département au titre du RMI et de la prime forfaitaire, les organismes payeurs devraient ainsi lui présenter le détail des versements nominatifs aux différents allocataires, permettant de reconstituer la somme totale de l’acompte demandé, en précisant l’objet de la prestation et la nature de chaque versement. Cette disposition entrerait en vigueur le 1er janvier 2009.
Le deuxième article, qui ne figurait pas dans le texte initial, prévoit que l’information du président du conseil général est obligatoire lors de la reprise des versements faisant suite à une décision de suspension des droits. Il semble que, dans certains départements, en fonction des pratiques locales, un bénéficiaire ayant fait l’objet d’une mesure de suspension puisse à nouveau bénéficier de versements de l’organisme payeur en régularisant sa situation auprès de lui, sans que les services départementaux en soient informés, ce qui ne paraît pas opportun.
Le troisième article que la commission vous propose d’introduire tend à préciser les informations que l’organisme payeur doit transmettre au conseil général, s’agissant des paiements indus. Il tend à compléter les dispositions législatives actuelles et, ce faisant, rend inutile toute disposition réglementaire d’application.
Deux améliorations essentielles sont apportées.
La première vise à ne transférer les indus au département que lorsque le droit au RMI ou à la prime forfaitaire a cessé, c’est-à-dire après quatre mois d’absence de recouvrement, contre trois mois aujourd’hui. L’adoption de cette disposition est opportune puisque, tant que le bénéficiaire est maintenu dans le dispositif du RMI, il est susceptible de percevoir des allocations sur lesquelles les organismes payeurs pourront plus facilement récupérer l’indu que si celui-ci a déjà été transmis au département.
La seconde amélioration tend à s’assurer que l’organisme payeur, lorsqu’il transmet au département un indu, fournit bien, outre le nom du bénéficiaire du paiement indu et les sommes en cause, le motif précis justifiant du caractère indu de ce versement. En effet, il est apparu que cette transmission d’informations n’était pas toujours effective. Certains départements bénéficient de cette information, d’autres non.
M. Guy Fischer. Certains sont plus malins que d’autres !
M. Auguste Cazalet, rapporteur. Or, il est essentiel que la qualité des informations transmises au département ne soit pas dépendante des « spécificités locales », mais qu’elle soit garantie pour l’ensemble des conseils généraux.
Le quatrième article, suivant la philosophie générale du texte initial de la proposition de loi, tend à permettre aux conseils généraux qui le souhaitent de demander une modification de la convention passée avec l’organisme payeur, afin d’y inclure certains éléments. Tous les conseils généraux ne seraient donc pas contraints de signer une nouvelle convention ou un avenant. Seuls ceux qui le souhaitent pourraient obtenir une modification des conventions passées avec les organismes payeurs, par le biais soit d’une convention entièrement nouvelle, soit d’un avenant à la convention existante.
Cette modification de la convention permettrait aux conseils généraux d’inclure spécifiquement dans cette dernière les quatre éléments suivants : les modalités d’échanges de données entre les partenaires, notamment au regard des obligations de détail de l’acompte mensuel posées par l’article 1er ; les modalités d’information du président du conseil général lors de la reprise des versements après une période de suspension de l’allocation ; le degré de précision du motif des indus transférés au département ; enfin, les engagements de qualité de service et de contrôle pris par l’organisme payeur, notamment en vue de limiter les paiements indus.
Le cinquième article, qui reprend en les aménageant les dispositions de l’article 3 du texte initial, précise les règles applicables en matière de confrontation des données des organismes payeurs avec celles dont disposent les organismes d’indemnisation du chômage et l’administration fiscale, mais également les URSSAF. Il s’agit, d’abord, de renforcer le contrôle par croisements de données avec ces organismes, en augmentant leur fréquence, ensuite, d’améliorer l’information dont les présidents de conseil général disposent à l’issue de ces croisements, et, enfin, de prévoir la transmission mensuelle aux services du conseil général de la liste nominative des contrôles effectués par les CAF, en précisant la nature du contrôle effectué. Ces informations sont en effet nécessaires pour assurer une bonne coordination entre les contrôles exercés par les CAF et la politique de suivi des allocataires dont le département a la charge.
Ces nouvelles dispositions requérant très vraisemblablement, pour leur application, des adaptations des systèmes d’information, leur entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2009, afin de laisser aux organismes concernés le temps nécessaire pour les mettre en œuvre de manière satisfaisante.
Le dernier article prévoit les dates d’entrée en vigueur de certaines dispositions. En outre, il précise que les mesures contenues dans cette proposition de loi s’appliqueront au revenu de solidarité active,…
M. Guy Fischer. Ah !
M. Auguste Cazalet, rapporteur. … une fois que celui-ci sera généralisé à l’ensemble des départements.
Au total, mes chers collègues, le texte que la commission vous propose est équilibré et de nature à résoudre certaines difficultés pouvant se présenter aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec plaisir que je me présente à nouveau devant vous pour débattre de ces questions importantes. Les travaux engagés sur l’initiative de M. Mercier depuis près de trois mois ont permis, comme l’a rappelé M. le rapporteur, d’approfondir différents points.
Le contrôle comptable du RMI constitue une matière ardue. La proposition de la commission des finances pose une question essentielle : celle de la justification de la dépense adressée par les organismes chargés de verser le RMI aux conseils généraux, qui sont responsables du dispositif. Il y a là, bien sûr, un enjeu de comptabilité publique et de justification de la dépense, de service fait, mais surtout un enjeu de gouvernance et de pilotage du RMI. À cet égard, les échanges de données doivent être complets, sincères, cohérents et rapides afin d’atteindre les buts du dispositif du RMI qui sont d’accompagner socialement et professionnellement les allocataires, de les aider à bénéficier de l’ensemble de leurs droits, mais aussi de maîtriser les risques de fraude.
Sur ce débat qui nous occupe depuis quelque temps, nous avons pu, en écoutant l’exposé de M. le rapporteur, apprécier le travail qu’a permis le renvoi à la commission : l’examen de la situation CAF par CAF, conseil général par conseil général, a permis de faire évoluer le texte initial sans en trahir l’esprit, afin de mieux répondre aux demandes.
Cet état des lieux me permet de saluer l’implication des CAF, même si des améliorations sont souhaitées. N’oublions pas que de nombreuses personnes dépendent des CAF pour vivre, voire survivre. Pour autant, si une grande partie de la population française touche des prestations qui leur sont versées par les allocations familiales, cela ne signifie pas pour autant que ces personnes sont soumises à un régime d’assistance ; simplement, elles bénéficient d’une des branches de la solidarité.
J’ajoute que les documents transmis par les CAF à l’appui des factures mensuelles sont conformes aux prescriptions légales, réglementaires et conventionnelles, et que certaines caisses vont même au-delà.
Par ailleurs, des partenariats se sont noués au fil des années entre certains conseils généraux et « leur » CAF. J’ai ainsi pu constater, lors de mes récents déplacements dans l’Hérault et dans les Bouches-du-Rhône, que le travail entre les CAF et les conseils généraux s’est traduit par une réduction des délais de traitement des dossiers, par une qualité accrue des opérations de liquidation et par une meilleure articulation entre l’accès aux droits et l’accès à l’insertion. Dans ces deux départements, l’insertion est évoquée dès l’entretien réalisé par la CAF pour procéder à l’ouverture des droits au RMI, ce qui permet une orientation précoce et plus efficace de l’allocataire. Je vous ai cité l’exemple des deux derniers départements que j’ai visités, mais ces partenariats sont de plus en plus nombreux.
Si l’on veut pouvoir instaurer ces bonnes pratiques, le pilotage du RMI doit être renforcé sous l’égide du conseil général, et les compétences des organismes débiteurs doivent être mises au service de l’insertion des allocataires. C’est cette approche que nous souhaitons approfondir avec le RSA.
Nous disposons encore de marges de progression pour améliorer les conditions dans lesquelles le conseil général assure le pilotage du dispositif. En effet, si la réforme de 2003 a permis d’unifier les compétences dévolues aux conseils généraux, la proposition de loi montre que toutes les conséquences de la décentralisation n’ont sans doute pas encore été tirées. Après plus de quatre années d’expérience, il n’est pas inutile d’évaluer la façon dont les outils de gestion et de pilotage peuvent évoluer, et de définir les nouveaux besoins.
Les mesures prévues dans la proposition de loi tendent à l’amélioration des éléments de la justification de la dépense produits en appui de la demande de remboursement de l’acompte mensuel, à l’information du département lors de la reprise des versements après une décision de suspension de droit, au renforcement des informations en matière d’indus – c’est un sujet toujours sensible –, à des précisions plus grandes quant au contenu des conventions de gestion passées entre la CAF et le conseil général, enfin, à l’approfondissement des échanges d’informations entre organismes.
Il s’agit, en substance, d’améliorer le tableau de bord dont dispose aujourd’hui le conseil général et de l’adapter aux besoins de ce dernier.
Nous ne partons pas de rien : des relations conventionnelles entre conseils généraux et caisses d’allocations familiales ont été engagées, sur le fondement de la loi et de la convention-type élaborée par la Caisse nationale des allocations familiales et par la Caisse de mutualité sociale agricole, pour préciser les informations qui doivent être transmises de part et d’autre.
Un groupe de travail réunissant les conseils généraux et les CAF a été mis en place, et le conseil général du Rhône, me semble-t-il, y participe. Les départements reçoivent dorénavant chaque mois un tableau de bord qui s’est progressivement sophistiqué. En outre, le conseil général a directement accès au système d’information des CAF – le CAFPRO – contenant les données nominatives et personnelles des bénéficiaires. Enfin, des croisements de fichiers peuvent être réalisés, notamment avec ceux des ASSEDIC, du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, qui gère les contrats aidés, et de l’Agence nationale pour l’emploi, la CAF établissant un bilan de ces contrôles.
Bien entendu, il est nécessaire que nous soyons les plus vigilants possible compte tenu de l’importance des sommes consacrées au RMI, qui s’élèvent à quelque 6 milliards d’euros en 2007.
Conformément à ce qui avait été évoqué lors de mon audition devant la commission, je précise que la mise en commun des fichiers des CAF est désormais possible, et ce afin d’éviter la double, triple ou quadruple inscription. (M. Guy Fischer s’exclame.) En effet, le répertoire national des bénéficiaires fonctionne depuis le 1er janvier dernier.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Enfin !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. M. le rapporteur l’a rappelé, la proposition de loi prévoit que les éléments transmis par les organismes débiteurs à l’appui de la facture mensuelle qu’ils adressent au conseil général doivent comprendre les informations individuelles, par bénéficiaire, permettant, une fois agrégées, de reconstituer le montant global de l’acompte demandé. Cette disposition, qui répond très directement aux demandes formulées par M. Mercier, me paraît de bon sens. J’ai pu mesurer, lors de mes déplacements, les difficultés techniques devant lesquelles nous nous trouvions jusqu’à présent et que nous allons devoir régler.
Je ne détaillerai pas l’ensemble des mesures proposées, car nous aurons l’occasion de le faire lors de la discussion des articles.
En ce qui concerne la contribution de 12 % de l’État au financement des contrats aidés, point sur lequel j’ai été interrogé à plusieurs reprises, Mme Lagarde s’est engagée, vous le savez, à compenser les sommes versées par les conseils généraux aux employeurs pour compléter la rémunération des bénéficiaires du RMI qui retrouvent un emploi.
Un décret du 19 février 2007 a fixé à 12 % la part que l’État doit prendre en charge, soit un montant de 52,9 euros pour 2007. Tous les départements ayant envoyé une facture ont été remboursés. J’ai donc l’honneur d’annoncer au président Michel Mercier que, comme cela a déjà été effectué pour d’autres départements, les 12 % dus au conseil général du Rhône seront versés dès réception de la facture.
M. Roland du Luart. En sera-t-il de même dans les autres départements ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. En l’occurrence, nous avons dressé un tableau précis, que je tiens bien entendu à votre disposition, de la situation département par département.
Cela montre que de tels échanges permettent de vérifier que les choses peuvent être réalisées, même si, j’en conviens, il s’est écoulé un délai de quelques mois.
Par conséquent, nous sommes désireux d’avancer – je me suis d’ailleurs engagé à cet égard devant la commission des finances, voilà quelques jours – dans la transparence, la régularité et le caractère complet et significatif des informations. Il s’agit non pas de nous retrouver « noyés » sous les flots des données factuelles ou chiffrées, mais bien de disposer des éléments d’appréciation nécessaires à un pilotage des politiques d’insertion sociale non seulement général, mais aussi individuel, afin d’éviter d’éventuels abus ou fraudes..
J’en viens à présent aux deux raisons pour lesquelles je serai amené à m’en remettre, au nom du Gouvernement, à la sagesse du Sénat sur la présente proposition de loi.
D’une part, il est important, me semble-t-il, de bien respecter les domaines respectifs de la loi et du règlement. De ce point de vue, si vous en étiez d’accord, certaines des dispositions contenues dans la proposition de loi pourraient figurer plutôt dans un texte de nature réglementaire.
D’autre part, et c’est un souci que je réitère, je souhaite que l’on tienne compte des contraintes imposées aux CAF dans le cadre de la mise en place du revenu de solidarité active, qui se substituera au RMI et à d’autres prestations. Dans la perspective de l’entrée en vigueur du nouveau dispositif, ces caisses doivent procéder à une modification de leurs données, et le compte à rebours pour mener cette tâche à bien est extrêmement précis. Il est donc nécessaire de prendre en compte un tel travail dans la proposition de loi. Dans le cas contraire, les deux démarches risqueraient de se faire concurrence, et cela créerait des difficultés tant pour les professionnels, qui devraient alors modifier les systèmes informatiques juste après les avoir remis à jour, que pour les bénéficiaires des nouveaux dispositifs.
Quoi qu’il en soit, nous prenons un engagement formel. Les informations dont les conseils généraux ont besoin – elles sont rappelées dans la proposition de loi – leur seront systématiquement transmises par les caisses d'allocations familiales. En fonction de l’évolution du débat et des travaux, nous déciderons si l’entrée en vigueur de cette mesure devra intervenir avant ou pendant la mise en place de la réforme. En tout état de cause, cet élément sera bien pris en compte.
Ainsi, aujourd'hui même, j’ai adressé un courrier au directeur de la CNAF pour lui demander de mettre en place des mesures préfigurant le plus possible les dispositions contenues dans la présente proposition de loi. Il s’agit d’inciter les CAF, du moins celles qui ne le font pas encore spontanément, à transmettre systématiquement aux conseils généraux les informations dont ceux-ci ont besoin et à participer à des comités de pilotage avec les départements, afin de pouvoir échanger des fichiers et des données, notamment dans un objectif de contrôle. En effet, pour qu’un dispositif comme le RMI puisse fonctionner au service de la politique sociale, il faut que les différents acteurs chargés de sa mise en œuvre puissent croiser leurs données et coordonner leurs efforts.
Nous allons considérablement renforcer cette politique sociale. Comme je l’ai déjà souligné, le coût global du RMI avoisine les 6 milliards d’euros. Et le Président de la République a décidé d’y affecter 1,5 milliard d’euros supplémentaires. Il s’agit non pas de maintenir un dispositif dont les limites ont été évoquées à de nombreuses reprises, mais d’évoluer vers un système dans lequel l’articulation avec la reprise d’un travail sera désormais assurée.
En 2008, nous devrons prendre en compte les évolutions très importantes qui ont lieu parmi les populations des allocataires du RMI et faire en sorte que celles-ci ne soient pas pénalisées. Il faudra mettre fin au système du « travail gratuit ». Je vous le rappelle, aujourd'hui encore, en France, des personnes travaillent en ne percevant aucune rémunération, car elles sont, dit-on, « taxées marginalement à 100 % » !
C’est à un tel système que nous mettrons fin. Pour cela, nous y consacrerons les moyens, notamment financiers, nécessaires. Mais cela suppose également des échanges réguliers et rigoureux entre les CAF et les conseils généraux, à condition, bien entendu, que le législateur confirme la compétence des départements en la matière lorsqu’il sera amené à se prononcer sur la refonte des dispositifs sociaux et sur la création du revenu de solidarité active. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me doutais bien qu’il me serait difficile de prendre la parole après MM. Cazalet et Hirsch ! (Sourires.)
En effet, M. le rapporteur a très bien détaillé les six articles contenus dans la proposition de loi, et M. le haut-commissaire vient à l’instant de présenter les grandes orientations du Gouvernement en la matière. Aussi, pour l’essentiel, la messe est dite !
Néanmoins, mes chers collègues, je souhaiterais vous faire part de quelques réflexions sur ce texte législatif.
Tout d’abord, la présente proposition de loi est exemplaire, puisqu’elle a suivi un parcours spécifique. Après avoir été présentée en séance publique, elle a fait l’objet d’une motion de renvoi à la commission, adoptée par la Haute Assemblée, afin que la commission des finances puisse y apporter quelques améliorations.
À cet égard, je salue le travail effectué par M. le rapporteur, et je tiens à remercier M. Mercier d’être allé au bout de ses convictions, en déposant une proposition de loi visant à renforcer le contrôle comptable du revenu minimum d’insertion. Il souhaitait d’ailleurs depuis longtemps déjà que nous abordions ce véritable sujet.
Permettez-moi d’exprimer quelques réflexions générales sur la nécessaire transparence, sur la gouvernance en matière de finances des collectivités locales, ainsi que sur la capacité de celles-ci à financer toutes ces différentes opérations.
Monsieur le haut-commissaire, la société que nous avons construite au fil du temps est de plus en plus complexe. Lors des contrôles, on demande beaucoup aux collectivités territoriales, et ce jusque dans le moindre détail, et le principe de l’engagement d’une dépense publique uniquement sur « justificatif du service fait » fait partie de notre credo en tant que responsables d’exécutifs locaux.
Actuellement, le RMI relève des quelques exceptions à la règle de la connaissance exacte de la dépense. A priori, les départements ne sont pas demandeurs de règles et de contraintes supplémentaires. Mais, compte tenu de celles qui nous sont imposées, nous ne pouvons nous contenter d’approximations et du bon vouloir de nos partenaires, qui nous placent trop souvent dans des zones à risques.
Je voudrais également rappeler que l’un de nos handicaps majeurs est d’avoir érigé la complexité comme règle. Notre société s’en nourrit, en empilant au fil du temps des textes qui font la joie des juristes et freinent notre compétitivité.
Pour en venir plus précisément à notre sujet, s’agissant de la complexité en matière de revenus de compensation, nous avons été performants ! (Sourires.) Permettez-moi de mentionner le RMI, le RMA, mais également la prime pour l’emploi, la prime de retour à l’emploi, sans oublier l’allocation de parent isolé, l’API, l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, ou l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH,…
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Éric Doligé. À l’origine, chaque système avait son propre public et cherchait à répondre à un besoin très ciblé, mais l’accumulation de tous ces dispositifs a provoqué un empilement des paramètres et des difficultés de compréhension.
Nous pouvons espérer que le RSA viendra corriger les principales imperfections du système et qu’il répondra à l’aspiration des différents partenaires.
Aujourd'hui, nous débattons du nécessaire contrôle du RMI. Chacun le sait, une collectivité locale est soumise à une exigence de transparence dans ses actes. Or, si tout citoyen peut faire appel à la commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, pour obtenir les documents qu’il souhaite, les collectivités locales n’ont aucun moyen de contraindre leurs interlocuteurs à leur fournir les éléments indispensables à leur bonne gestion. Ainsi, je me souviens du temps pas si lointain où le maire ne pouvait pas obtenir la liste des chômeurs dans sa commune.
En matière de RMI, si la caisse d'allocations familiales et la caisse de mutualité sociale agricole, la CMSA, ne se montrent pas coopératives, une collectivité locale ne pourra pas avoir accès aux informations nécessaires à une bonne gestion du RMI. Il est vrai que les montants en jeu ne sont que de l’ordre de 6 milliards d’euros.
Aux termes de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité, le président du conseil général est le seul compétent en la matière. Il est responsable de la gestion, alors qu’il ne possède pas toujours les éléments de décision.
Monsieur le haut-commissaire, à la fin de votre intervention, vous avez évoqué au conditionnel la perspective que le Parlement confirme la compétence des départements en matière d’aide sociale en leur confiant la gestion du RSA. Ne vous faites aucun souci à cet égard ! Je suis en effet persuadé que ce sera le cas, les autres collectivités locales et l’État étant trop heureux de trouver les conseils généraux pour gérer ce dossier difficile.
Par conséquent, une telle proposition de loi arrive au moment opportun. Le dispositif qu’elle vise à instituer normalisera les relations entre les CAF et les services des conseils généraux, permettra la mise en place d’une interface performante entre les fichiers de ces caisses et ceux des départements, conduira à une plus grande réactivité des partenaires de ces derniers et devrait rendre optimale la gestion des indus.
D’une manière générale, le dispositif proposé dans ce texte fonctionne, et je peux en témoigner. Ainsi, le 31 mars 2008, en tant que président du conseil général du Loiret, j’ai signé deux conventions – l’une avec la CAF, l’autre avec la caisse de MSA – qui sont totalement en harmonie avec la proposition de loi, à quelques ajustements près. Elles n’ont fait que formaliser une pratique déjà engagée.
M. Guy Fischer. Ah ! Voilà !
M. Éric Doligé. Toutefois, je regrette que nous soyons contraints de légiférer…
M. Guy Fischer. Cette loi n’est pas utile !
M. Éric Doligé. …pour permettre aux collectivités locales d’obtenir des informations qui leur sont naturellement dues par leurs partenaires.
Comme nous le constatons sans surprise, il y a toujours des freins qui résultent trop souvent d’enjeux de pouvoir.
Ce n’est pas une exception liée au RMI. La décentralisation a été vécue par nombre des acteurs ayant eu à se défaire de leurs compétences à la fois comme un enjeu de pouvoir et un enjeu financier.
Pourtant, il va de soi que tout transfert de compétence, donc de responsabilité, doit s’accompagner du transfert correspondant des informations indispensables à une bonne gestion. Une loi générale devrait en définir les grands principes, ce qui éviterait de réclamer sans cesse des informations dues et de créer des ambiguïtés.
Quatre ans après la dernière étape de décentralisation, nous découvrons toujours les scories des informations dissimulées. M. le rapporteur conclut son rapport supplémentaire, qui éclaire bien le dossier, en soulignant que « la clarification des relations entre les organismes payeurs et les conseils généraux doit être un préalable à la mise en place du RSA ».
Il s’agit là d’une remarque de bon sens. Comment mettre en place un nouveau système si celui qui précède n’est pas bien rodé ? Il semble quelque peu précipité de vouloir généraliser le nouveau dispositif alors que l’expérimentation n’est pas arrivée à son terme.
M. Guy Fischer. Sur ce point, nous sommes d'accord !
M. Éric Doligé. Les départements volontaires pour l’expérimentation du RSA se posent de véritables questions.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Éric Doligé. Ces interrogations concernent notamment le financement et la possibilité d’absorber correctement une telle réforme, alors que tant d’autres sont déjà en cours. Je pense par exemple aux mesures relatives à la protection juridique des majeurs.
N’y a-t-il pas un risque d’élargissement d’un travail très fin d’accompagnement dans le cadre du RMI à une clientèle beaucoup plus importante ? Ne faut-il pas essayer de régler les problèmes en amont plutôt qu’en aval ?
Les conventions avec les CAF sur le RMI devront être signées dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi. Elles devront donc s’appliquer vers le début de l’année 2009. Or on annonce déjà la mise en place du RSA au 1er janvier 2009,…
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Éric Doligé. … et ce pour un montage technique fort complexe.
Pourtant, il existe encore de nombreuses situations de conflits avec des départements – pour une fois, cela ne concerne pas le mien (Sourires) –, et les logiciels des CAF ne sont pas toujours compatibles avec ceux des conseils généraux.
Au point où nous en sommes, il serait intéressant, me semble-t-il, de valider les chiffres correspondants aux systèmes existants et de travailler dans une totale transparence financière sur les coûts réels, induits et à venir.
Parfois, nous pouvons éprouver le sentiment qu’il est incongru de parler de certains chiffres en matière sociale.
À une période où l’on évoque la révision générale des politiques publiques, la RGPP, le pouvoir d'achat, l’endettement et le déficit public, nous devons faire preuve de clarté sur les chiffres passés, présents et à venir, et sur les capacités des départements à supporter d’éventuelles nouvelles charges.
Les droits de mutation, qui servaient autrefois d’argument pour justifier des transferts de charges sans compensations intégrales, se tarissent.
Monsieur le haut-commissaire, vous l’avez bien compris, le groupe de l’UMP appuie en totalité la présente proposition de loi.
M. Guy Fischer. Mais ?...
M. Éric Doligé. En tant que responsable d’un exécutif départemental, je me permets de vous inciter à mettre en place un tel dispositif législatif sur le contrôle comptable du RMI, et ce avant de nous précipiter vers d’autres systèmes qui sont toujours en expérimentation.
Nous allons enfin bénéficier d’un outil de gestion et de transparence. Il faudrait l’élargir à bien d’autres domaines qui sont liés à des transferts de charges, mais qui ne bénéficient pas de la même transparence.
Monsieur le haut-commissaire, un chiffrage précis et détaillé des différents systèmes de revenus de substitution doit impérativement être mis en œuvre dans la plus grande clarté.
Telles sont les quelques réflexions que je souhaitais apporter. À mon sens, elles compléteront en partie les explications intéressantes dont vous avez bien voulu nous faire part voilà quelques instants. Quoi qu’il en soit, je remercie M. le rapporteur de la transparence de son document. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi relative au contrôle comptable du revenu minimum d’insertion de notre collègue Michel Mercier.
On se souviendra, s’agissant de ce texte, qu’un premier examen avait conduit à l’adoption d’une motion tendant au renvoi à la commission. Nous avons devant nous, sous la forme des conclusions de la commission des finances, le résultat de ce retour à la case départ, avec un texte profondément remanié, en tout cas dans son architecture globale.
Ainsi, de trois articles procédant de la déclaration d’intention et déconnectés de toute disposition législative existante, nous avons désormais six articles que la commission des finances s’est efforcée de raccrocher au code de l’action sociale et des familles, afin de lui donner une apparence techniquement plus présentable.
Sans mettre en cause, bien entendu, la qualité du travail des administrateurs de la commission des finances, cette situation illustre l’une des critiques que nous avions pu formuler le 26 mars dernier. Le texte de la proposition de loi traduisait une impréparation dans ce qui fut soumis à notre discussion.
La vérité, sur la forme, c’est que la proposition de loi dont nous débattons est étroitement circonstanciée et ne procède aucunement, pour une bonne part, du champ législatif – malgré les apparences offertes par les conclusions de la commission des finances – et relève bien plus du champ réglementaire, voire du strict champ conventionnel. (M. Guy Fischer acquiesce.)
De quoi s’agit-il ? Il s’agit de créer les conditions d’une forme de coopération entre l’organisme payeur du revenu minimum d’insertion, c’est-à-dire la caisse d’allocations familiales de chaque département, et l’autorité publique responsable de la mise en œuvre de cette allocation, c’est-à-dire, aujourd’hui, le conseil général.
Permettez-moi de rappeler les termes de l’article 18 de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité, rédigeant l’article L. 262-30 du code de l’action sociale et des familles : « Le service de l’allocation est assuré dans chaque département par les caisses d’allocations familiales et, pour leurs ressortissants, par les caisses de mutualité sociale agricole, avec lesquelles le département passe, à cet effet, une convention. Ces conventions, dont les règles générales sont déterminées par décret, fixent les conditions dans lesquelles le service de l’allocation est assuré et les compétences sont déléguées […] En l’absence de cette convention, le service de l’allocation et ses modalités de financement sont assurés dans des conditions définies par décret. Dans la période qui précède l’entrée en vigueur du décret […], les organismes payeurs assurent le service de l’allocation, pour le compte du président du conseil général, dans les conditions qui prévalaient avant le 1er janvier 2004. Pendant cette même période, le département verse chaque mois à chacun de ces organismes un acompte provisionnel équivalant au tiers des dépenses comptabilisées par l’organisme au titre de l’allocation de revenu minimum d’insertion au cours du dernier trimestre civil connu. Ce versement est effectué, au plus tard, le dernier jour du mois. Dans le mois qui suit l’entrée en vigueur du décret […], la différence entre les acomptes versés et les dépenses effectivement comptabilisées au cours de la période donne lieu à régularisation. »
Mes chers collègues, de telles conventions ont donc un caractère purement inter-institutionnel et seul le cadre général dans lequel elles sont mises en œuvre relève du champ du pouvoir législatif.
De fait, la démarche entreprise par notre collègue Michel Mercier, président d’un conseil général attribuant environ 27 000 allocations mensuelles du RMI, est donc strictement issue de son expérience concrète et des réponses qu’il a tenté d’y apporter.
Si les services du département du Rhône peinent à suivre la situation des RMIstes, il y a bien un moyen de résoudre une partie des difficultés : il suffit de procéder à la mise à disposition des services concernés – et à la mise à disposition du public et de la population concernée, par la même occasion – des moyens matériels et humains permettant de viser une plus grande « traçabilité » des dossiers d’aide sociale et d’assurer un meilleur suivi de chaque situation d’allocataire.
La même remarque vaut d’ailleurs pour les organismes prestataires d’allocations familiales, qui connaissent les mêmes difficultés d’instruction et de suivi des demandes, difficultés conduisant aux processus que l’on prétend dénoncer dans la proposition de loi.
Dans d’autres départements, et la discussion en commission des finances a été suffisamment instructive, la question ne se pose pas dans les termes utilisés par notre collègue Michel Mercier et le suivi des allocataires, l’évolution de leur parcours, qui est aussi un parcours d’insertion, selon les attendus de la loi de 1988, se déroulent dans des conditions plus satisfaisantes pour eux-mêmes comme pour les autorités responsables.
Précisément parce que le RMI, et aujourd’hui le RMA, devenu RSA, ont été transférés aux départements, les pratiques s’avèrent différentes selon les différents points du territoire. Ce que nous avions craint lors de la discussion de la loi de 2003 se trouve donc aujourd’hui confirmé.
Roland Muzeau, alors présent dans notre hémicycle, avait ainsi souligné : « Si, dans le projet gouvernemental, le montant de l’allocation reste réglementé nationalement, un risque existe cependant que le transfert du RMI n’aboutisse à faire dépendre ce dernier des politiques de chaque département, avec les inégalités que cela entraînerait entre les départements riches et les départements pauvres […], avec le risque de glissement progressif d’un dispositif universel vers une aide sociale départementale, donc facultative, et, à terme, pouvant être remise en cause. »
Or, c’est bien vers cela que tend la présente proposition de loi, même revue et corrigée par la commission des finances :…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais non !
M. Bernard Vera. …masquer les carences de fonctionnement d’administrations locales souffrant d’une absence de moyens nécessaires pour répondre aux besoins et faire porter le lourd chapeau du coût de la gestion du RMI aux allocataires eux-mêmes, au motif de pourchasser une fraude que chacun sait particulièrement faible.
En effet, la fraude aux allocations de solidarité est très réduite. Le chargé de mission « lutte contre la fraude » de la Caisse nationale d’allocations familiales l’estime à 35 millions d’euros par an sur 60 milliards d’euros de prestations servies, soit 0,05 % environ.
En vérité, mes chers collègues, ce n’est pas en entretenant un climat de suspicion autour des allocataires de revenus sociaux que vous réglerez le douloureux problème de la compensation intégrale des charges transférées aux départements au titre du RMI.
Pour cela, il existe un autre moyen : rendre à l’État la pleine et entière responsabilité de l’un des éléments importants de sa politique sociale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Faisons comme avant, c’était impeccable !
M. Bernard Vera. C’est donc tout naturellement, mes chers collègues, que nous confirmerons, dans la discussion, notre opposition à l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, créé sur l’initiative de Michel Rocard en 1988, le RMI est aujourd’hui un symbole : symbole, bien sûr, de la solidarité de la nation à l’égard des plus démunis, mais symbole aussi, malheureusement, des difficultés d’intégration de nombre de nos compatriotes. La proposition de loi de notre excellent collègue Michel Mercier, dont nous discutons aujourd’hui pour la deuxième fois, met ainsi en lumière deux difficultés auxquelles nos conseils généraux sont aujourd’hui confrontés de façon croissante.
D’abord, la décentralisation du RMI votée en 2003 a accru la charge financière globale des dépenses médicosociales de 8,3 % en 2007, le montant total versé au titre du RMI par les conseils généraux la même année n’ayant reculé que de 3,2 %, pour s’établir à 6,01 milliards d’euros. Or la compensation financière des transferts de compétence de l’État aux départements, obligation tirée de l’article 72-2 de la Constitution, n’est pas encore pleinement satisfaisante.
Ensuite, ce texte met en évidence les différences de traitement entre allocataires, selon la taille du département, son tissu social, et les bonnes relations de celui-ci avec les services de l’État. Les départements d’outre-mer souffrent davantage du poids financier que constitue le RMI en raison des retards de développement économique et social dont ils pâtissent par rapport à leurs homologues de la France hexagonale. Le RMI représentait par exemple, en 2006, 37,9 % des dépenses réelles de fonctionnement du conseil général de la Guyane, soit 68,7 millions d’euros, contre 17,1 % dans l’ensemble de la France.
Au regard de l’enjeu financier, les conseils généraux sont donc en droit de demander des comptes sur les sommes qu’ils versent. Cela vaut notamment sur la répartition des indus, dont le montant est estimé à 300 millions d’euros par an par notre rapporteur. L’amélioration du contrôle comptable du RMI induit par conséquent une meilleure transparence de sa gestion. Comme le souligne M. Michel Mercier, dont les rapports successifs sur ce sujet font autorité, les départements n’ont pas aujourd’hui connaissance de la réalité de leurs dépenses de RMI. La transmission des informations entre la Caisse d’allocations familiales, la Mutualité sociale agricole et le conseil général n’est pas optimale, notamment en raison du manque d’interopérabilité des systèmes et de la gestion des indus. Il est donc tout à fait légitime, voire indispensable, que le législateur cherche à améliorer le contrôle de l’utilisation et de la bonne affectation des deniers publics. La mise en place d’instruments de lutte contre la fraude plus efficaces est un impératif. Sur ce point, la fourniture de documents justificatifs par les organismes payeurs et la signature d’une convention entre ces organismes et les départements constitueraient une avancée notable, comme l’a rappelé notre rapporteur.
Ce besoin d’information des départements sur les recoupements de fichiers se fait sentir avec une acuité particulièrement intense en Guyane, où la pression financière du RMI est parmi les plus importantes de France. La valeur moyenne de RMI par habitant n’excède pas 80 euros dans l’ensemble des départements de moins de 250 000 habitants ; elle atteint 445 euros en Guyane. Depuis 2003, le montant total du RMI versé en Guyane a crû de 28 % alors que, dans le même temps, les financements de l’État ont tardé à compenser ces charges. Certes, la création en 2006 du fonds de mobilisation départemental pour l’insertion a permis de couvrir partiellement le différentiel restant dû par le conseil général, soit 52 millions d’euros en quatre ans. Mais ce fonds s’éteindra à la fin de l’année, alors que les besoins continuent de croître et qu’il reste près de 24 millions d’euros à trouver.
La Guyane, je vous le rappelle, se trouve de surcroît dans une situation démographique très particulière. Sur une population de 191 000 habitants, on compte plus de 30 % d’étrangers selon l’INSEE, en grande majorité hors CEE, sans même inclure les milliers de clandestins, par nature non recensés. Le taux de croissance de la population dépasse 3,4 % par an, ce qui classerait la Guyane dans les dix premiers pays du monde. Les retards de développement socio-économique engendrent donc de facto une croissance soutenue du nombre de bénéficiaires du RMI. Parallèlement, la part d’étrangers hors CEE touchant cette allocation dépasse 45 %, c’est-à-dire la proportion la plus élevée de tous les départements français. Cette manne financière, loin de remplir son rôle d’insertion sociale, contribue au contraire à alimenter des flux d’immigration en provenance du Brésil, du Surinam, du Guyana, ou des Antilles voisines. Les allocations ainsi versées ne font le plus souvent que transiter sur le territoire guyanais, pour être aussitôt transférées vers les pays d’origine de ces bénéficiaires. Doit-on en conclure que la solidarité nationale a vocation à se substituer à l’aide au développement de la France à nos voisins ? L’aide sociale aux Guyanais et aux étrangers régulièrement installés pourra-t-elle longtemps subsister dans ces conditions ?
Vous comprendrez par conséquent tout l’intérêt que trouvent les élus locaux guyanais dans cette proposition de loi, qui tend à renforcer les contrôles et la transparence. Toutefois, le dispositif proposé par la commission des finances ne va pas sans poser un certain nombre de questions pour ce qui concerne la Guyane et, plus largement, l’outre-mer.
Qu’en sera-t-il, ainsi, de l’Agence départementale d’insertion, qui, en Guyane, par exemple, a accès aux fichiers FILEASC pour les contrats d’insertion ? Doit-on lui transposer l’action et les compétences des comités locaux d’insertion ? Ce flou juridique mériterait d’être clarifié.
De la même façon, les articles 3 et 5 du texte prennent un relief particulier en Guyane, au vu des statistiques sur le nombre de bénéficiaires étrangers réputés habiter en Guyane ou sur le type de foyers majoritairement bénéficiaires, dont on peut extirper un nombre important de fraudes.
Le département a engagé un processus de recouvrement des indus, soit 700.000 euros en 2007, et a déposé un certain nombre de plaintes. Mais il se heurte à des difficultés légales que le présent texte pourrait résoudre seulement en partie. Il semble, en effet, nécessaire d’élargir les confrontations de fichiers avec les fichiers de la CNRACL et de l’IRCANTEC. La CAF se contente trop souvent d’opposer un refus de confrontation avec ce dernier organisme, alors que sa mission est identique à celle du premier, mais pour les agents non titulaires. L’argument du refus d’agrément de la CNIL ne se vérifie pas souvent.
Enfin, la nature des relations entre les employeurs et les services fiscaux ne permettent pas toujours d’identifier à temps un fraudeur et cette lacune doit être résolue.
La proposition de loi de notre collègue Michel Mercier telle que complétée par notre commission va incontestablement dans le bon sens pour les conseils généraux. Je salue également le travail de notre rapporteur. Plutôt que de légiférer à la hâte, il a souhaité disposer de davantage de temps pour approfondir son analyse, encore que je n’aie pas entendu parler de l’outre-mer.
Néanmoins, il serait sans doute utile, à terme, d’aller plus loin pour les départements d’outre-mer. L’existence des agences d’insertion apparaissait pleinement légitime à l’époque où l’État payait lui-même l’allocation. Mais depuis la décentralisation du RMI en 2003 et le retrait total de l’État, les missions de ces agences n’ont jamais été adaptées aux nouveaux dispositifs légaux et réglementaires. Les relations entre les différentes instances méritent aujourd’hui d’être clarifiées. Des moyens juridiques nouveaux doivent aussi mettre fin à l’inapplicabilité des règles issues des derniers transferts de compétences.
Pour l’heure, la majorité du groupe du RDSE suivra les conclusions de notre rapporteur. (Applaudissements au banc de la commission.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je voudrais simplement expliquer pourquoi j’ai souhaité que le Sénat débatte de cette proposition de loi.
Lorsque la gestion du RMI a été confiée aux départements, le Rhône, que j’ai l’honneur d’administrer, a voulu qu’elle y soit exemplaire. Il ne suffit pas de donner 376 euros par mois à ceux qui n’ont rien et de se féliciter d’avoir fait le bien des pauvres ! Aussi avons-nous voulu, dès le départ, connaître tous les bénéficiaires du RMI et nous employer à ce que le plus grand nombre puisse quitter le système le plus rapidement possible.
Lorsque l’État a transféré au département le RMI, 6 000 bénéficiaires qui recevaient leur allocation dans le Rhône étaient inconnus de l’administration. Nous nous sommes donc attelés à identifier les bénéficiaires du RMI, et l’opération a été très fructueuse.
Après quoi, nous avons veillé à ce que chaque bénéficiaire soit accompagné par un référent, ce qui, sans être exceptionnel, n’était pas mal. Nous avons suivi jusqu’à 29 000 bénéficiaires pour 32 000 allocataires.
En outre, nous avons essayé d’utiliser tous les outils en notre possession pour permettre aux bénéficiaires du RMI de s’en sortir. Pour les deux dernières années, nous sommes passés de 27 000 à 22 000 bénéficiaires du RMI, soit une diminution d’un peu plus de 18 %, ce qui n’est pas négligeable.
Nous avons voulu aller plus loin pour mieux connaître les bénéficiaires du RMI, les aider et identifier ceux qui avaient bénéficié des indemnités mensuelles afin de pouvoir justifier le RMI au regard de l’ensemble de la population.
Nous souhaitons savoir qui reçoit le RMI. Très honnêtement, je n’en veux à personne. Que la tâche ne soit pas facile, j’en conviens volontiers ! Monsieur le haut-commissaire, quand vous dites que nous disposons chaque mois de documents suffisants, voici ceux que l’on reçoit dans le Rhône : deux feuilles. (M. Michel Mercier les montre à M. le haut-commissaire.) Je peux vous les lire assez facilement. Ce ne sera pas long, le tout tient en une seule ligne : « Demande de versement d’acompte de la CAF de Lyon par le département du Rhône au titre du mois d’avril 2008 – montant net du RMI comptabilisé au cours du mois de février 2008 : 9 309 030 euros. » Vous noterez la précision du chiffre !
Ce document est assorti d’une annexe comptable très intéressante, dont voici le détail : 9 340 301,83 euros d’allocation de base du RMI, 1 201 203,20 euros d’avance, 772 950 euros de prime d’intéressement – legs de la loi Borloo ! – 171 324,18 euros de crédit, 45,73 euros de frais de tutelle RMI, 545 106,73 euros d’indus transférés, 16 521,78 euros de remises de dette et 6 631,44 euros d’annulation de créances. On arrive ainsi au chiffre de 9 309 030 euros.
Tout ce que je veux savoir, sans demander la moindre modification du système informatique, c’est comment la CAF arrive à un chiffre aussi précis. Elle ne le fait certainement pas au doigt mouillé, elle additionne les allocations qu’elle verse ! Je lui demande simplement de me dire quelles sont ces allocations.
Après quoi, il nous revient de mettre les moyens humains nécessaires pour voir si ceux qui reçoivent l’allocation de la CAF sont bien ceux qui figurent sur nos listes.
Ce travail qui nous incombe, je ne demande à personne de le faire ! Mais comment procéder à ce contrôle sans savoir qui reçoit l’allocation ?
Vous n’allez quand même pas me dire qu’en demandant ces renseignements on porte atteinte à l’intégrité de la CAF ou on mette en doute le savoir-faire de qui que ce soit !
Je n’imagine pas que, chaque mois, la CAF demande autre chose que ce qu’elle a payé. Sinon, cela poserait de vrais problèmes sur le plan financier. Si elle demande ce qu’elle a payé, c’est qu’elle sait ce qu’elle a payé. Et si elle le sait, pourquoi ne le savons-nous pas ?
La proposition de loi, qui a été largement améliorée par M. le rapporteur et qui me convient parfaitement, va beaucoup plus loin que ce que je souhaite. Je ne demande pas qu’on change le système informatique. Je veux être en mesure d’apprécier l’adéquation entre les personnes figurant sur nos listes et les bénéficiaires de l’allocation. S’il y a des différences, comment les expliquer ? Mon objectif, c’est de pouvoir assurer le suivi des bénéficiaires.
Il ne s’agit nullement d’accuser qui que ce soit. Cela étant, comment pourrions-nous gérer 22 000 dossiers alors que nous ne savons pas si ceux que nous comptons comme bénéficiaires sont ceux qui ont reçu l’allocation ?
Monsieur le haut-commissaire, si on ne nous donne pas ces renseignements, comment pourrons-nous faire mieux pour les futurs bénéficiaires du RSA, qui seront beaucoup plus nombreux ?
Si les départements n’ont pas à savoir comment on arrive à ce chiffre, peut-être ne faut-il pas leur confier le RSA. S’ils ne gèrent pas bien leur responsabilité, il ne faut pas hésiter, monsieur le haut-commissaire ! Que l’État reprenne cette compétence, qu’il l’assume avec les caisses d’allocations familiales ! Nous ne sommes pas demandeurs d’un nouveau transfert.
Dans mon département, tous ceux qui ont droit au RMI le perçoivent. Ce droit fondamental, nous l’honorons. Après, on fait les contrôles, on essaie de gérer et de faire sortir les gens du RMI.
Nous avons essayé de faire au mieux. Vous nous avez dit que ce n’était pas bien. Alors il ne faut pas nous laisser cette compétence.
Monsieur le haut-commissaire, nous ne vous avons pas parlé de la compensation par l’État des sommes que verse le département, soit 12,5 % pour les contrats d’avenir que vous réglerez dès que nous vous enverrons la note.
Je remercie vivement vos services qui ont été très diligents et pris les contacts nécessaires. Il est dommage, monsieur le haut-commissaire, que vous ne l’ayez pas fait plus tôt. Quand vous voulez, vous pouvez ! (Sourires.)
M. Georges Othily. Cela fait quatre ans qu’on le demande !
M. Michel Mercier. Je suis sûr que, si vous le vouliez, monsieur le haut-commissaire, vous pourriez nous dire qui sont les bénéficiaires de ces sommes. Nous ne vous demandons rien d’autre. N’essayez pas de nous faire dire ce que nous n’avons pas dit à travers ce texte !
En ma qualité de responsable, je veux être sûr que tous ceux qui ont droit au RMI l’auront, qu’ils pourront être suivis et assistés. Verser moins de 400 euros à ceux qui n’ont rien pour se donner bonne conscience, c’est appliquer la politique de l’autruche ! Je n’appelle pas cela une politique sociale !
Il serait bien de personnaliser le RSA, comme le RMI, de connaître les bénéficiaires de ces allocations pour les aider à s’en sortir. Mais encore faut-il qu’on nous aide ! Très honnêtement, pouvez-vous soutenir que nous portons atteinte à quiconque en cherchant à comprendre comment on arrive au total qui nous est demandé chaque mois ?
Notre demande est légitime, et j’espère que vous voudrez bien la satisfaire. Sinon, il faudra tirer les conséquences de ce manque de confiance à notre égard et ne pas nous confier la gestion du RSA !
Je ne sais si cette proposition de loi sera adoptée, le cas échéant appliquée. Ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu’un texte n’entrerait pas en vigueur. Je sais déjà qu’elle a posé quelques problèmes. Si elle n’avait servi qu’à faire payer les 12,5 % – la somme n’est pas fondamentale au regard des milliards d’euros non compensés depuis 2004,…
M. Guy Fischer. 2,3 milliards !
M. Michel Mercier. ….mais elle n’est pas négligeable –ce serait déjà un gain, pas très important, mais pas tout à fait nul ! (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Moreigne.
M. Michel Moreigne. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous voici amenés à discuter à nouveau des relations entre les conseils généraux et les organismes payeurs, CAF et MSA, dans le cadre de la gestion comptable du revenu minimum d’insertion.
Monsieur le rapporteur, vous vous êtes assuré sur place des difficultés rencontrées par les départements ; permettez-moi très amicalement de regretter que mon invitation au conseil général de la Creuse n’ait pas suffisamment retenu votre attention ; mais il est vrai que les indus sont moins importants dans ce département que dans celui du Rhône, et je vous pardonne volontiers ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un département bien tenu !
M. Michel Moreigne. Vous reconnaissez la réalité des difficultés, décrites à l’instant par M. Mercier, entre les organismes payeurs et les conseils généraux, mais le nouveau texte ne règle pas le problème principal à mes yeux : la dette de l’État à l’égard des conseils généraux en matière de RMI.
En effet, comme l’a admis le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, lors de la présentation du rapport en commission, la proposition de loi a uniquement pour objet « de permettre aux départements de disposer des instruments de pilotage adéquats »,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !
M. Michel Moreigne. …mais elle ne comporte aucune disposition relative au financement du RMI,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !
M. Michel Moreigne. …ce que mes amis et moi-même, ainsi sans doute qu’un certain nombre de collègues appartenant aux autres groupes, déplorons fortement.
Comme le fait apparaître le rapport de M. Cazalet, on ne peut nier aujourd’hui les difficultés rencontrées par les conseils généraux dans la gestion du dispositif du RMI avec certains des organismes payeurs.
S’agissant des indus, il est incontestable que, dans un contexte budgétaire difficile, ils pèsent sur les budgets des conseils généraux. Il paraît donc important d’en limiter le volume.
Vous le savez, mes chers collègues, nous traitons d’une population socialement et financièrement très fragile. Le taux de recouvrement par les conseils généraux reste très faible, puisque, même lorsqu’ils ont adopté un seuil supérieur aux 77 euros fixés par décret, ils procèdent chaque fois à l’examen très attentif – toujours bienveillant d’ailleurs – de la situation sociale et financière de l’allocataire.
Ainsi les conseils généraux accordent-ils des remises gracieuses aux bénéficiaires de bonne foi, ce qui est, vous me l’accorderez, le plus souvent le cas. En raison de cette approche humaine et sociale adoptée par les départements, les conseils généraux ne cherchent pas à effectuer de « chasse aux pauvres » en pourchassant les indus, mais souhaite simplement gérer plus efficacement l’aide sociale dont ils ont depuis 2004 l’entière responsabilité.
Puisque, en la matière, « mieux vaut prévenir », que peut-on faire ?
Un meilleur contrôle et une plus grande fluidité dans la transmission des données entre les différents partenaires doivent permettre de pallier certaines difficultés.
Le texte issu des conclusions de la commission propose diverses solutions.
Les organismes payeurs devront transmettre aux départements, en plus de la liste des indus, le nom de l’allocataire, l’objet de la prestation, le montant initial de l’indu, ainsi que le solde restant à recouvrer.
Cette disposition satisfera très probablement les départements demandeurs de plus d’informations, tel celui de notre collègue Michel Mercier.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que le système déclaratif du RMI est en lui-même générateur d’indus.
La périodicité trimestrielle actuellement en vigueur n’arrange rien. Peut-être une déclaration mensuelle, comme elle existe pour les ASSEDIC, serait-elle plus efficace ? Monsieur le haut-commissaire, vous avez évoqué, lors de votre audition devant la commission des finances, le mardi 6 mai dernier, votre volonté de mettre fin au système de déclaration trimestrielle, que vous avez qualifié d’« archaïque ». Il faudrait alors renforcer les moyens des CAF, insuffisants pour effectuer un traitement plus affiné des demandes dans le cadre du système de déclaration mensuelle qui est suggéré.
Se pose ensuite le problème de l’information et de la transmission des données des organismes payeurs aux conseils généraux.
Actuellement, lors de la demande de versement d’acompte adressée par les organismes payeurs aux départements, aucune pièce justificative n’est transmise, comme Michel Mercier vient de le rappeler avec la vigueur qui lui est coutumière.
L’acompte versé par les départements correspond aux allocations payées par les organismes payeurs deux mois auparavant. Ainsi, aucune vérification des informations n’est réellement possible pour les conseils généraux.
L’article 1er de la proposition de loi vise à pallier ce manque.
En outre, le texte qui nous est soumis entend également favoriser la transmission d’informations à trois occasions : lors de la reprise du versement de l’allocation par l’organisme payeur, après une période de suspension décidée par le même organisme ; lors des confrontations des fichiers des organismes payeurs avec ceux des organismes d’indemnisation du chômage et des organisations de recouvrement des cotisations de sécurité sociale selon une périodicité mensuelle, ainsi qu’avec ceux de l’administration fiscale chaque année ; lors de la transmission de la liste des allocataires ayant fait l’objet d’un contrôle, avec le détail de la nature du contrôle et son issue.
Ces apports répondent sans doute aux souhaits des départements, qui pourront conventionnellement définir avec leurs partenaires, CAF et MSA, les modalités de transmission de ces informations.
Néanmoins, comme le signale M. le rapporteur, ces changements ne pourront intervenir qu’après une période d’adaptation, concernant notamment les systèmes informatiques des CAF, lesquels ne permettent actuellement pas, par exemple, d’obtenir de données agrégées, sauf dans certains départements, qui, si j’ai bien compris, sont « plus égaux » que d’autres.
Vous nous avez indiqué en commission, monsieur le haut-commissaire, que le surcoût serait compensé par les CAF.
Monsieur le rapporteur, si les mesures qui nous sont proposées aujourd’hui par M. le rapporteur, sur l’initiative de notre collègue du département du Rhône, semblent correspondre à une attente des conseils généraux, je regrette cependant fortement que la proposition de loi ne s’attaque pas au problème majeur du RMI, à savoir son financement.
Est-il excessif de ma part de prétendre qu’un décret aurait suffi pour régler les problèmes de relation entre les CAF et les départements ?
M. Guy Fischer. Non !
M. Michel Moreigne. Je ne le crois pas, et j’estime ainsi qu’il aurait été plus opportun que le Sénat s’attache davantage aux questions de financement de l’action sociale d’insertion plutôt qu’à des difficultés relativement peu importantes.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Michel Moreigne. Il ne s’agit en effet pas uniquement de donner aux départements les moyens de mieux piloter le RMI ; il est indispensable de leur accorder également les moyens financiers nécessaires.
Au risque d’être à nouveau un peu désagréable, je rappellerai que le déficit des départements imputable au financement du RMI s’élève aujourd’hui à près de 2,5 milliards d’euros. Quant au département que j’ai, avec une certaine obstination, l’honneur de représenter ici, il subit un déficit qui atteint 1,5 million d’euros, soit près de quatre points de fiscalité départementale, ce qui est d’autant moins négligeable qu’il s’agit d’un des départements les moins riches.
L’État, qui s’était engagé à compenser les compétences transférées aux collectivités territoriales, ne respecte pas sa parole.
Avec la montée en puissance du nouveau dispositif en perspective et alors que les dépenses liées au RMI devraient bientôt atteindre quelque 6 milliards d’euros, comment les départements pourront-ils faire face, l’État ne leur transférant qu’une ressource atone en guise de compensation financière ?
Certes, le Gouvernement a bien fait naguère – presque jadis ! – un geste en s’engageant à verser 500 millions d’euros par an par le biais du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion. Néanmoins, chacun sait ici que cet engagement prendra fin cette année même.
En outre, le financement de la réforme des minima sociaux, avec la généralisation du RSA désormais prévue au cours de l’année 2009, aggravera sans doute encore cette situation ! Je le regrette, comme nombre d’entre vous sans doute, mes chers collègues.
J’ai bien noté, monsieur le haut-commissaire, que la participation de l’État aux contrats d’avenir créés dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 était réglée et qu’il suffisait que les conseils généraux présentent la facture à l’État : soyez sûr que votre annonce aura des effets que, pour ma part, je trouve heureux !
Permettez-moi, mes chers collègues, de rendre hommage, à cette tribune, aux conseils généraux.
Devenus à la suite de la décentralisation du RMI entièrement responsables de l’insertion sociale, les départements ont fortement investi dans les moyens humains et matériels afin de remplir leurs missions et de favoriser le retour à l’emploi. Pour cela, ils n’ont pas toujours pu compter sur le total soutien de l’État.
À cet égard, quitte à être qualifié d’obstiné, je ferai référence aux personnels qui auraient dû être mis à la disposition des conseils généraux à la suite des lois de décentralisation.
Face au refus des conseils généraux de signer les conventions de mise à disposition des personnels, une mission a été confiée aux inspections générales afin d’évaluer les effectifs des DDASS affectés aux compétences sociales ainsi qu’au RMI avant les lois de décentralisation.
Mise en place en février 2007, cette mission, après s’être rendue dans dix départements, a remis son rapport au Gouvernement l’été dernier.
Ce rapport souligne la notable sous-évaluation des personnels qui auraient dû être mis à disposition des départements au 1er janvier 2004. Selon la mission, 94,5 équivalents temps plein dédiés au RMI auraient en effet « disparu » au cours de l’année 2003, année précédant le transfert de compétence.
Pour ce qui concerne ces emplois, la compensation financière est estimée à 3 millions d’euros par an, soit – c’est mathématique – un coût de 12 millions d’euros pour la période 2004-2007.
Au-delà des emplois disparus, monsieur le haut-commissaire, je rappellerai pour rafraîchir les mémoires que 145,13 équivalents temps plein sont en outre devenus vacants depuis le 1er janvier 2004.
La mission souligne l’urgence qu’il y a à traiter définitivement ce dossier en compensant financièrement et rétroactivement les montants correspondant au coût des personnels qui auraient dû être mis à disposition des départements. Cela fait rêver… Espérons que le rêve se transformera en réalité !
En conclusion, si le texte que nous examinons semble répondre à la demande des départements de disposer des moyens nécessaires au bon pilotage du RMI, il ne doit en aucun cas constituer « l’arbre qui cache la forêt » des désaccords entre l’État et les conseils généraux, s’agissant tant des finances que des moyens en personnel.
En effet, les propositions qui nous sont soumises, puisqu’elles tendent à fluidifier les relations entre les départements et les organismes payeurs, sont souhaitables et doivent être mises en œuvre préalablement à la mise en place généralisée du RSA. Néanmoins, ne laissons pas passer le message selon lequel tous les maux du RMI seraient uniquement le fait des RMIstes et des indus. Ce serait se contenter de peu.
J’aurais préféré qu’il soit demandé à l’État, avec autant de vigueur et d’énergie que l’a fait notre collègue du département du Rhône pour le contrôle des bénéficiaires du RMI – c’est en effet bien de cela qu’il s’agit –, de respecter ses obligations envers les collectivités territoriales et de payer ses dettes.
Après ce réquisitoire que j’ai volontairement exposé de façon modérée, vous aurez compris, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, que le groupe socialiste s’abstiendra sur cette proposition de loi qui contribuera à régler un problème mineur, certes, mais ne réglera pas l’essentiel.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, on l’a dit, le RMI a été mis en place par le gouvernement Rocard pour lutter contre la pauvreté. Depuis, le nombre de ses bénéficiaires a crû au point que les pouvoirs publics en sont venus à se rappeler que, s’il s’agissait d’un revenu minimum, il avait pour objet l’insertion, ce que l’on avait eu un peu tendance à oublier pendant des années.
Je rappelle que le RMI n’est ni une allocation d’assistance ni une prestation de la sécurité sociale ; c’est un engagement réciproque de l’individu et de la collectivité qui tient compte des besoins, aspirations et possibilités des bénéficiaires.
Il est à la fois un droit accessible à tous ceux qui remplissent les conditions de revenu et un contrat, puisqu’il est lié à une contrepartie : la nécessité d’une démarche d’insertion.
C’est cette logique qui prévaut avec la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité, par laquelle les départements sont devenus entièrement responsables de la politique de réinsertion sociale, qu’ils exercent notamment au travers des contrats d’insertion.
C’est encore cette même logique d’insertion qui motivera, monsieur le haut-commissaire, la généralisation du revenu de solidarité active, tant les premières expérimentations conduites dans un nombre croissant de départements démontrent que le RSA permet d’augmenter le nombre d’allocataires sortant du dispositif des minima sociaux « par le haut », c’est-à-dire en accédant au marché du travail.
Cette réussite apparaît au fur et à mesure. Il convient de rappeler que la décision de travailler sur ce dossier est un choix initial des collectivités, même si cela sera appelé à se généraliser.
Si l’insertion ne doit pas être opposée à l’assistance, force est néanmoins de constater que les moyens qui sont indument attribués au titre de la seconde ne peuvent que cruellement faire défaut à la première.
Dans ces conditions, la proposition de loi de notre collègue Michel Mercier tendant à renforcer le contrôle comptable du RMI mérite d’être approuvée, tant il est vrai que l’un de ses objectifs forts consiste à diminuer le nombre de paiements indus afin de pouvoir précisément consacrer ces sommes à d’autres fins, telles que la réinsertion des allocataires.
Chacun ayant cité l’exemple du département dans lequel il est élu, je rappellerai à mon tour que, dans le mien, le RMI représente 40 millions d’euros, dont, en 2007, 1,2 million d’euros d’indus, soit trois fois plus que les 400 000 euros consacrés au RSA ! Ce n’est pas négligeable ! En d’autres termes, avec de telles sommes, nous pouvons faire encore plus pour le RSA.
La question du contrôle et de la gestion des indus, puisque c’est de cela qu’il s’agit, est donc essentielle. En effet – faut-il le rappeler ? –, la rigueur dans le versement du RMI est, au-delà de la considération financière, une question d’équité non seulement par le non-versement du RMI à ceux qui n’y ont pas droit, mais aussi par l’attribution de ce dernier à tous ceux qui peuvent légitimement en bénéficier et dont certains aujourd’hui ne sont pas couverts par le dispositif.
Aussi les conclusions présentées par la commission des finances sont-elles de nature, d’une part, à améliorer la collaboration entre les organismes payeurs que sont les caisses d’allocations familiales et les conseils généraux et, d’autre part, à permettre aux départements de mieux assumer la gestion du RMI.
Enfin, je voudrais saluer le travail accompli par le rapporteur, M. Auguste Cazalet.
Chacun de nous sait que les relations entre les conseils généraux et les organismes payeurs sont variables d’un département à l’autre et que, dans certains cas, les conventions déjà mises en œuvre abordent l’essentiel des points traités par cette proposition de loi.
Par conséquent, il est tout à fait opportun de ne pas imposer de renégociation et de permettre aux départements qui le souhaitent de demander une modification de la convention – certains l’ont déjà fait – avec l’organisme payeur afin d’y inclure certains éléments figurant dans cette proposition de loi.
Depuis des années, les hommes politiques que nous sommes entendent parler, quel que soit le gouvernement en place, du désengagement de l’État ; ce discours ne change pas.
Cette proposition de loi est bonne dans la mesure où elle tend vers l’équité et renforce le contrôle et la transparence. Elle s’inscrit ainsi, me semble-t-il, dans la démarche non seulement du Gouvernement, mais aussi des collectivités locales, en vue de soutenir plus fortement celles et ceux qui sont concernés par l’insertion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Fischer et Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 8 tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi en discussion.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des finances (n° 320, 2007-2008) sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (n° 212, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà déjà quelque temps – pour ne pas dire depuis que le RMI existe, soit bientôt vingt ans – que d’aucuns, au sein de la majorité parlementaire actuelle, entendent pointer du doigt les allocataires et le coût qu’ils représenteraient pour les finances publiques, singulièrement pour celles des départements.
Lors de la discussion du projet de loi portant décentralisation en matière de RMI et créant un revenu minimum d’activité – je rappelle que ce dispositif avait été disjoint de la loi sur les responsabilités locales –, j’avais déjà eu l’occasion d’indiquer que, dès 1988, la droite sénatoriale s’était prononcée en faveur du transfert du RMI aux départements et que, durant les premières années, elle avait souhaité faire du RMI un nouveau dispositif, le RMA, ou revenu minimum d’activité. Il s’agissait ni plus ni moins de mettre sous conditions d’exercice d’une activité professionnelle, même réduite, le versement de l’allocation.
Le débat sur le RMA avait animé une partie de la discussion du projet de loi en 2003, nonobstant le fait que d’aucuns le trouvaient pourtant d’un intérêt plus que limité. De ce point de vue, si l’on fait le bilan du RMA, tout un chacun peut objectivement faire ce constat.
J’avais alors rappelé ceci : « En ce qui concerne tout d’abord le RMA, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce nouveau contrat, qui vient s’ajouter à la panoplie déjà très large de contrats aidés, est très loin d’être satisfaisant, sauf peut-être pour les employeurs, qui bénéficieront indiscutablement "d’une aide substantielle permettant de réduire significativement les coûts salariaux" ; je me contente de citer M. le rapporteur.
« Les associations, pour leur part, sont unanimes à considérer que ce projet de loi est "trop rigide et trop précaire" – c’est notamment le cas de Martin Hirsch, d’Emmaüs – et que c’est "un mauvais CES". »
Or, depuis tout ce temps, outre le devenir quasi confidentiel du RMA, nous avons vu apparaître le RSA, qui présente, qu’on le veuille ou non, des caractéristiques assez proches de celles que l’on pouvait trouver dans le revenu minimum d’activité.
À cet égard, je dois dire que j’ai approuvé une partie de l’intervention de mon collègue Éric Doligé concernant les conditions de mise en œuvre du RSA. Je fus le seul parlementaire à m’opposer à la création du RSA, lors de l’examen de projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, ou TEPA, à la fin du mois de juillet 2007, expliquant que les conditions de remplacement du RMI, notamment, méritaient d’être discutées. Certains avaient alors avancé – c’est ce qui avait provoqué ma colère et mon vote négatif – qu’il conviendrait de supprimer les droits connexes ou, tout au moins, de les prendre en compte. Or je constate que, aujourd’hui, des présidents de conseil général éminents tirent eux-mêmes la sonnette d’alarme – pas plus tard que cet après-midi, dans le cadre de la mission commune d’information sur la pauvreté et l’exclusion, les auditions sont venues conforter ce point de vue –, afin que ne soient pas imposées la mise en place du RSA et sa généralisation avant que les expérimentations soient terminées et que l’on en ait tiré toutes les conséquences.
Le postulat idéologique de départ sous-tendant la proposition de loi qui nous est soumise est connu : les allocataires du revenu minimum d’insertion, comme d’ailleurs les allocataires de n’importe quel minimum social – il s’agit là d’un point qui nous oppose, Michel Mercier et moi-même, depuis pas mal de temps –, se complairaient dans l’assistanat et refuseraient de mener les parcours d’insertion que notre société, où chacun a sa chance, se fait pourtant un plaisir de leur tracer ! Ainsi M. le Président de la République a-t-il confié à Martin Hirsch la mission de substituer le RSA à tous les minima sociaux existants, notamment les plus importants d’entre eux, qu’il s’agisse du RMI, de l’allocation de parent isolé ou de l’allocation de solidarité spécifique.
Les allocataires de minima sociaux seraient au pire des fraudeurs : voilà qui reprend le grand discours d’Eric Woerth sur la lutte contre la fraude. Pourtant, à en croire le directeur général de la Caisse nationale d’allocations familiales, c’est infinitésimal. Au mieux, les allocataires de minima sociaux seraient des paresseux et des fainéants qui profitent du travail des autres ! Il y a là une stigmatisation que nous ne pouvons accepter !
Il semble que l’on veuille ainsi faire d’une pierre deux coups, à savoir, d’une part, montrer qu’il n’est pas si facile que cela de bénéficier des prétendues largesses de la collectivité nationale – personnellement, je n’y vois pas d’inconvénient, étant moi-même pour la rigueur dans ce domaine –, ce qui explique en grande partie le renforcement des contrôles prévu par la loi dont nous débattons et, d’autre part, tenter, par cette affirmation d’autorité, de dissuader certains de solliciter les allocations concernées, en attendant, bien entendu, qu’un autre texte ou une autre réforme de plus grande ampleur vienne mettre fin à certains des minima sociaux existants ou en réduire la portée, avant que d’en confier la gestion intégrale aux départements. Je mentionnerai pour mémoire le rapport de MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt sur les minima sociaux d’insertion, concernant notamment la réforme de l’API, ainsi que le transfert, voire la gestion même, de l’ASS.
C’est dans ce cadre idéologique que s’inscrit la proposition de loi de Michel Mercier ! En réalité, il ne fait pas bon être RMIste ou chômeur dans La France d’après, la France de M. Sarkozy !
En effet, si l’on est RMIste, on risque fort, outre le fait d’être soumis à un contrôle de plus en plus tatillon – sauf, évidemment, si le Gouvernement manifeste son intention de ne pas retenir les attendus de cette proposition de loi ; mais, de toute évidence, l’adoption de ce texte semble en bonne voie –, d’être bientôt contraint d’accepter tout et n’importe quoi au fil d’un parcours d’insertion dont le cheminement s’arrêtera rapidement sur le segment d’un revenu de solidarité active devenu un espace de précarité renforcée.
Ainsi, derrière certains discours sur le RSA et sa possible généralisation se profile l’émergence d’un sous-emploi massif qui cantonnerait des centaines de milliers de personnes sur certains segments d’activité : je pense notamment aux besoins émergents en matière d’aide à domicile et d’aide aux personnes âgées, au travail le dimanche, la nuit ou le week-end, domaines dans lesquels le secteur marchand ne peut fonder sa rentabilité que sur l’écrasement des conditions d’emploi et de rémunération, autrement dit sur la prise en charge par la collectivité d’une part plus ou moins élevée de la rémunération. Tel est l’enjeu.
Quand on est chômeur, les choses ne sont guère plus positives.
En effet, après la réforme du service public de l’emploi fusionnant l’ANPE et les ASSEDIC, après la modernisation du marché du travail, voici que se fait jour la vérité des intentions gouvernementales : la gestion de la demande d’emploi par la mise en œuvre de la notion d’offre valable d’emploi, véritable machine à exclure les personnes sans emploi du droit à allocation et trappe à déqualification et à sous-rémunération des personnes privées d’emploi ! La situation, à peine caricaturée, pourrait se résumer ainsi : « Ne pas accepter telle ou telle proposition aboutit à ne plus être indemnisé ! »
Derrière le discours de M. le Président de la République, abondamment relayé par le secrétaire d’État chargé de l’emploi, M. Laurent Wauquiez, il y a cette illusion populiste qui voudrait que, si les gens ne trouvent pas d’emploi leur convenant, c’est qu’ils ne font pas preuve des efforts suffisants pour en trouver un !
Dois-je rappeler à ce jeune secrétaire d’État promis, peut-on penser, à un bel avenir au premier rang des dirigeants futurs de la droite française que, pour que des personnes sans emploi en trouvent un, il faudrait déjà que les secteurs souffrant le plus d’un déficit de main-d’œuvre commencent par embaucher durablement les intérimaires dont ils viennent de suspendre les missions ?
Ainsi, alors que l’enquête « Besoins de main-d’œuvre 2008 », réalisée par les ASSEDIC, établit que le secteur du BTP entend recruter près de 146 000 salariés cette année, le Gouvernement commence par supprimer, par arbitrage en faveur des heures supplémentaires défiscalisées de la loi TEPA, plus de 9 000 postes de salariés intérimaires en décembre 2007. Telle est la réalité !
D’ailleurs, s’agissant de la situation des chômeurs dans notre pays, il faut revenir à l’essentiel : loin de profiter abusivement de prestations généreusement et aveuglément distribuées, ils sont 50 % à ne bénéficier d’aucune allocation de la part du régime d’assurance chômage !
Le chômage constitue la principale angoisse, la première préoccupation de nos compatriotes. La peur de l’exclusion, découlant de la perte de l’emploi ou d’un travail nettement moins rémunéré, est aujourd’hui une réalité et l’un des vecteurs de cette « paix armée » que l’on constate sur le front social.
Dans l’idéologie de la droite, le chômage joue pleinement son rôle : on vitupère et on stigmatise les chômeurs, mais ceux-ci servent aussi à faire accepter aux actifs les sacrifices, les reculs, les abandons et les restrictions de garanties collectives chèrement acquises par le passé ! Et tous les actifs cotisent à un régime d’assurance chômage qui ignore tout bonnement les droits de la moitié des personnes qui pourraient y prétendre ! Ce n’est pas moi qui l’affirme de façon gratuite : c’est ce que l’on observe à la simple lecture du document remis par le Gouvernement aux organisations syndicales de salariés lors de la réunion tripartite de la semaine dernière.
Ce document exemplaire nous en apprend beaucoup. Mes chers collègues, je ne lirai pas tous les passages que j’ai relevés, car je sens que je vous lasserais, je ne vous en livrerai qu’une partie :
« Le " potentiel indemnisable " est constitué de l’ensemble des demandeurs d’emploi (indemnisés ou non indemnisés) inscrits en catégories 1, 2, 3, 6, 7 et 8, auquel s’ajoutent les DRE – les dispensés de recherche d’emploi – indemnisés. Le " potentiel indemnisable " mesure en effet l’ensemble des personnes susceptibles de percevoir une indemnisation au titre du chômage. Il s’agit tout d’abord des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE qui sont en recherche effective d’un emploi (ce qui exclut les demandeurs d’emploi en catégories 4 et 5). En outre, parmi les dispensés de recherche d’emploi, seuls les indemnisés, parce qu’ils continuent à percevoir leurs indemnités au titre du chômage, sont ajoutés à l’ensemble des demandeurs d’emploi pour constituer le « potentiel indemnisable ».
Mes chers collègues, je n’entrerai pas dans le détail des chiffres qui nous ont été donnés par ce document.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh non ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Ce serait pourtant très intéressant, monsieur Arthuis ! D’ailleurs, vous-même avez toujours le souci d’être rigoureux, comme vous le prouvez au sein de la commission des finances !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai ! (Nouveaux sourires.)
M. Guy Fischer. Notre dispositif d’assurance chômage met donc à contribution l’ensemble des salariés et ne répond qu’en partie aux besoins et aux attentes des chômeurs.
C’est ainsi que se crée le fameux excédent de ressources de l’UNEDIC, que le Gouvernement entend d’ailleurs prochainement utiliser pour faire face aux besoins de financement du régime de retraite par répartition, sans mettre en question le moins du monde – faut-il le rappeler ! – le gel de la contribution des entreprises au financement de l’assurance vieillesse.
Qu’est ce qu’un dispositif d’assurance chômage qui ne permet pas aux salariés privés d’emploi de disposer d’un revenu de remplacement ? Selon moi, rien de plus qu’une escroquerie et qu’une rupture du principe de solidarité entre actifs et salariés privés d’emploi, principe qui se trouve pourtant au fondement même du régime d’assurance !
Je conclurai sur ce point en soulignant que les véritables chiffres du chômage ne sont pas constitués par le nombre des demandeurs d’emploi de catégorie 1, dont on nous présente mensuellement l’évolution, mais bel et bien par celui des chômeurs potentiellement indemnisables. Or, vous le savez, seuls 30 % des RMIstes se trouvent inscrits à l’ANPE.
Mais voilà : même si vous n’aimez pas l’entendre dire, la chasse aux pauvres, aux « assistés » – pour reprendre un vocable en vogue dans les milieux de la majorité – est bien ouverte !
L’honneur de M. Mercier, à travers sa proposition de loi, est d’apporter sa pierre à cet édifice,…
M. Michel Mercier. Mais non !
M. Guy Fischer.… bien qu’il s’en défende, naturellement, puisqu’au départ il souhaitait seulement que les conseils généraux disposent de la liste des bénéficiaires des allocations sociales. Sa contribution est somme toute modeste, eu égard à la qualité discutable de la proposition de loi originelle et au contenu même des conclusions de la commission des finances, mais elle n’en existe pas moins !
Les indus et le financement du RMI posent-ils vraiment un problème au département du Rhône ? Monsieur Mercier, la vraie question, pour moi, c’est qu’une part importante de la population du département dont nous sommes les élus – car nous avons au moins cela en commun – se trouve aujourd’hui dans le plus grand dénuement, connaît les plus graves difficultés et tente de survivre comme elle le peut, au milieu des incertitudes de la vie, de la reprise de l’inflation et de la détérioration de la qualité de l’emploi, entre autres.
Mon ami Gérard Le Cam, intervenant lors de la séance du 26 mars dernier, vous avait d’ailleurs parfaitement répondu sur ce point : « Vous avez peut-être 27 000 bénéficiaires du RMI dans votre département […] mais vous avez aussi 370 000 foyers non imposables à l’impôt sur le revenu, dont plus de 215 000 déclarent des revenus annuels inférieurs à 7 500 euros !
« Cette situation est vécue, monsieur Mercier, par plus de 35 % des foyers fiscaux de Vaulx-en-Velin, près du tiers de ceux de Vénissieux, mais aussi 30 % des résidents du premier arrondissement de Lyon, près du quart des contribuables du deuxième arrondissement, où est élu M. de Lavernée, et même près du tiers des contribuables de Thizy, ville que vous connaissez quelque peu… »
C’est cette situation qui me préoccupe, monsieur Mercier, et chaque jour se pose cette question récurrente : comment font les habitants du Rhône, le département dont nous sommes les élus, pour vivre avec si peu de moyens ?
Au demeurant, si, comme vous le pensez, le financement du RMI constitue un problème technique et budgétaire important pour les collectivités locales, il existe une manière très simple de le résoudre : je crois savoir que l’État nous doit 50 millions d’euros ! M. Moreigne rappelait tout à l’heure l’ampleur de la dette de l’État au titre du RMI. Quant à moi, j’ai déposé en janvier 2006 une proposition de loi visant à abroger le transfert financier du revenu minimum d’insertion aux départements, et donc à rendre à l’État la gestion de cette allocation.
Pour appuyer cette proposition, je ferai une remarque de fond : l’action de l'État est présumée équitable, respectueuse de la personne de chacun et permettant la prise en charge collective de la dépense publique de manière neutre et objective. Par conséquent, refuser d’utiliser, au bénéfice des plus pauvres, des plus vulnérables, des plus modestes, ce que chaque citoyen consent à apporter à la communauté, c’est manquer aux devoirs que l’État s’impose au regard de cette même communauté !
Je ne reprendrai pas l’argumentaire développé récemment par Roland Muzeau sur ce point. Pour notre part, nous pensons que notre débat d’aujourd’hui touche à des questions de fond, comme l’ont souligné tous les présidents de conseils généraux qui sont intervenus, d’une manière ou d’une autre. La mise en place du RSA soulève de nombreuses et graves questions : combien seront les bénéficiaires de cette nouvelle prestation ? Selon certains, un département qui compte 30 000 RMIstes pourrait dénombrer au moins deux fois plus d’allocataires du RSA. Il s’agit là, monsieur le haut-commissaire, d’un point qui mérite d’être clarifié.
Certes, ce texte permettra de résoudre les problèmes techniques soulevés par M. Mercier, mais ceux-ci sont à mon sens tout à fait mineurs et ils auraient pu être réglés par décret. D’ailleurs, certains départements – je ne citerai pas de noms – ont déjà apporté des réponses très rigoureuses à ces questions en passant des conventions avec les CAF, avec lesquelles ils entretiennent d’excellentes relations. Pour nous, il ne s’agit pas de mettre en cause le personnel des CAF ou celui des conseils généraux, mais de leur consacrer davantage de moyens !
M. Mercier, avec qui je vis depuis 26 ans au conseil général du Rhône (sourires), s’est toujours vanté de diriger le département de France dont la gestion était la plus rigoureuse en matière d’allocations – pour ma part, je dirais plutôt la plus chiche ! –, c’est-à-dire celle qui limitait au maximum les créations d’emplois nécessaires pour mener à bien ces missions. Il me semble donc qu’en nouant d’autres relations avec les CAF on aurait pu régler autrement cette question.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à adopter cette motion opposant la question préalable aux conclusions de la commission des Finances sur la proposition de loi de notre collègue Michel Mercier.
Mes chers collègues, pardonnez-moi d’avoir outrepassé mon temps de parole, mais il s’agit d’un problème important !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur. La commission des finances s’est beaucoup investie dans cette proposition de loi, à travers deux rapports législatifs. Je le répète, j’ai rencontré une trentaine de personnes et effectué trois déplacements sur le terrain. J’estime tirer profit maintenant de ces observations.
Le texte présenté par la commission est équilibré et répond aux attentes de l’ensemble des conseils généraux, qui souhaitent disposer d’outils leur permettant de mieux gérer le RMI. Cette proposition de loi ne concerne pas la question des financements du transfert du RMI aux départements. Elle vise leurs outils de pilotage, afin de les renforcer. En outre, il ne s’agit en aucun cas ici de remettre en cause le droit au RMI, contrairement à ce que laisse entendre M. Fischer dans son argumentaire.
La commission ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur cette motion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame la présidente, si vous le permettez, je répondrai en même temps aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale, ce que je n’ai pas fait tout à l’heure afin de ne pas allonger les débats.
Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. À travers les différentes interventions, j’ai pu constater combien le Sénat était attentif et avait développé une expertise pointue sur ces questions. En dévidant la pelote du problème plutôt technique des relations entre les conseils généraux et les caisses d’allocations familiales, on en vient à aborder des questions profondes et lourdes de conséquences, et vos réflexions, mesdames, messieurs les sénateurs, nous seront utiles dans les semaines et les mois qui viennent.
Monsieur Doligé, président du conseil général du Loiret, vous avez rappelé, lors de votre intervention, la complexité des différents minima sociaux et demandé que la réforme en cours ne conduise pas à empiler les dispositifs les uns sur les autres, mais au contraire à les simplifier. C’est précisément ce que nous nous efforçons de faire : parvenir, pour une fois, à une réelle simplification.
Je vous rappelle que la France détient le record d’Europe du nombre des minima sociaux, qui sont neuf au total.
M. Guy Fischer. Dix ! Vous oubliez les DOM-TOM !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Dix, en effet, si l’on compte l’ARA, l’allocation de retour à l’activité, qui est allouée outre-mer.
Cette situation ne serait pas dramatique si la France ne détenait pas, en outre, le record du nombre d’allocataires de minima sociaux, comme c’est malheureusement le cas. La simplification que nous appelons de nos vœux ne doit donc pas se faire pas au détriment des personnes.
Monsieur Doligé, j’espère que, dans les semaines et les mois qui viennent, les inquiétudes que vous avez manifestées, ainsi que certains de vos collègues, seront prises en compte et contribueront à rendre la réforme satisfaisante.
Monsieur Véra, vous avez insisté sur les problèmes posés par le partage entre la loi et le règlement, sur lequel je ne reviendrai pas.
Je soulignerai seulement que la lutte contre la fraude et la mise en place de moyens de vérification ne visent pas à pénaliser les personnes en difficulté. D’ailleurs, quand on discute avec ces dernières, on se rend compte qu’elles sont demandeuses de règles simples, qui leur permettent de bénéficier de la plénitude de leurs droits.
Nous pouvons discuter de ces modalités, par exemple en favorisant une meilleure connexion entre les fichiers. Cela mettrait fin à la situation à laquelle se trouvent confrontés les allocataires du RMI dans certains départements : ils ne bénéficient pas de la couverture maladie universelle, alors qu’elle est de droit ! Je fais partie de ceux qui pensent – nous sommes nombreux dans ce cas – que les échanges d’information permettront à nos concitoyens de bénéficier de leurs droits et à la collectivité de vérifier que l’argent est bien utilisé.
Georges Othily a été un avocat fervent des spécificités de la Guyane et des départements d’outre-mer. Dans ces territoires, un système particulier qui accorde une importance majeure aux minima sociaux a été mis en place par le biais de l’ARA. Yves Jégo, avec lequel je m’entretiendrai de ce sujet la semaine prochaine, et moi-même menons une réflexion approfondie pour que la réforme à venir soit adaptée aux difficultés, aux problèmes, aux défis et aux potentiels des départements d’outre-mer et leur assure le meilleur développement possible.
Michel Mercier a défendu son texte avec talent. Il a sous-entendu que nous n’avions pas confiance dans les conseils généraux : c’est mal nous connaître ! Il sait l’amour que je porte au département du Rhône, dont je connais mieux le conseil général et le fonctionnement de la caisse d’allocations familiales grâce à cette proposition de loi. Depuis plus d’un an, nous travaillons avec les conseils généraux qui se sont portés volontaires – rien n’est fait de force. Parce qu’ils assument une politique de solidarité, nous pouvons bâtir avec eux une politique sociale.
Il s’agit non pas de créer des inégalités entre les départements, mais d’élaborer des politiques sur mesure. Les départements connaissent des situations diverses : certains sont confrontés à un fort taux de chômage et à un fort taux d’allocataires du RMI ; pour d’autres, c’est l’inverse ; pour d’autres encore, si le taux de chômage reste faible, le taux de pauvreté est élevé ; dans certains départements, le travail saisonnier demeure fréquent, etc.
Nous essayons donc de construire des politiques sociales de solidarité sur mesure, en nous appuyant sur les atouts et les outils développés dans les départements et en mettant en place un système qui réponde à leurs besoins.
Michel Moreigne a présenté une analyse d’une comptabilité précise des transferts de personnels entre l’État et les départements depuis plusieurs années : elle était digne d’un rapport de l’IGAS ! (Sourires.) Les discussions avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF, seront l’occasion de repartir sur des bases plus équilibrées dans la perspective d’une nouvelle réforme.
J’ai rencontré les membres du bureau de l’ADF la semaine dernière et j’ai pu constater que ces réunions se déroulaient dans un climat de confiance, sans qu’il soit tenu rigueur des incompréhensions passées. Nous voulons que les questions soient mises sur la table, si ce n’est traitées dans les mois qui viennent. Ainsi, nous avons avancé sur le problème du règlement des 12 % pris en charge par l’État dans le cadre des contrats aidés.
Alain Fouché a rappelé que la Vienne, où je me suis rendu récemment, fut l’un des tout premiers départements à se lancer dans l’aventure de l’expérimentation du revenu de solidarité active, en s’appuyant sur les textes élaborés initialement, puis ajustés au fur et à mesure. C’est bien la preuve que l’implication des conseils généraux – vous êtes nombreux à en être partie prenante, mesdames, messieurs les sénateurs – dans une démarche innovante, notamment des partenariats avec l’ANPE, la CAF et les travailleurs sociaux, peut faire naître une nouvelle politique !
C’est la raison pour laquelle je ne peux que m’opposer à la motion tendant à opposer la question préalable, malgré toute l’estime que je porte à M. Fischer. Y être favorable reviendrait, paradoxalement, à considérer les réformes en cours comme un recul alors qu’elles constituent un progrès social !
Nul ne peut défendre un système dans lequel il peut y avoir du travail gratuit ! Nul ne peut défendre un système dans lequel celui qui travaille, dans le secteur de l’aide à la personne par exemple, ne gagne pas un euro de plus que celui qui ne travaille pas ! Nul ne peut défendre un système dans lequel le régime des prestations pénalise non pas l’employeur, mais le travailleur précaire ou soumis à un temps partiel !
Le revenu de solidarité active ne peut pas être un revenu paradoxal. L’action du Gouvernement a des effets immédiats. Les chèques qui sont signés grâce aux conventions de partenariat avec les conseils généraux sur le revenu de solidarité active apportent une aide de 100 euros, de 150 euros, de 200 euros, voire de 250 euros par mois et par personne. De telles sommes ne sont pas volées : elles sont au contraire largement méritées, car elles correspondent à un travail qui, jusqu’à présent, n’était pas rémunéré à sa juste valeur.
La politique que nous élaborons avec les départements est conforme à la volonté initiale du législateur. Il s’agit de ne pas opposer le principe d’un revenu minimum, auquel notre pays est attaché et qu’il tente d’étendre en Europe, et la dignité par le travail, que toutes les associations que vous avez auditionnées dans le cadre de la mission commune d’information sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion ont revendiquée.
Ce que nous proposons aujourd’hui, en instaurant plus de rigueur dans l’échange des données et des informations et en mettant en place le revenu de solidarité active, ce n’est pas, monsieur Fischer, la chasse aux pauvres : c’est la chasse à la pauvreté.
C’est à cela que nous nous engageons et c’est à cela que nous parviendrons grâce à l’aide exigeante du Sénat. C’est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, je demande le rejet de la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 8, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet des conclusions de la commission.
(La motion n’est pas adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Après l’article L. 262-30 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 262-30-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 262-30-1 - Lorsque les organismes payeurs mentionnés à l’article L. 262-30 transmettent au président du conseil général une demande de versement d’acompte au titre du revenu minimum d’insertion et de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11, ils joignent à cette demande les montants nominatifs, bénéficiaire par bénéficiaire, des versements dont la somme est égale au montant global de l’acompte, en précisant l’objet de la prestation et la nature de chaque versement. ».
Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Pour l’examen de ce texte, nous avons défini un principe : proposer un amendement de suppression sur chaque article. Par ce biais, nous tenterons une fois encore de vous convaincre, mes chers collègues, même si nous savons que nous n’y parviendrons pas.
Cet article adopté par la majorité de la commission des finances et insérant un article nouveau dans le code de l’action sociale et des familles – il aurait dû y trouver sa place dans le texte initial si Michel Mercier avait travaillé un peu plus ! (Sourires.) – apporte-t-il quelque chose à la législation en vigueur ? De notre point de vue, la réponse est négative.
D’autres l’ont souligné : il s’agit d’inscrire dans le code de l’action sociale et des familles des dispositions de caractère purement réglementaire, voire conventionnel, qui procèdent sur le fond des bonnes relations que peuvent développer les conseils généraux et les caisses d’allocations familiales, services versant les allocations visées par la proposition de loi.
D’un point de vue technique, les conditions de mise en œuvre des conventions sont clairement fixées. La prévention des indus, qui semble ici préoccuper la majorité de la commission des finances, ne vise en fait qu’à entretenir une suspicion envers les allocataires du revenu minimum d’insertion. Je ne peux m’empêcher de rappeler que, dans le département du Rhône – d’où tout semble procéder –, ceux-ci ne perçoivent qu’une allocation différentielle de 450 euros par mois.
Nous pouvons prévenir les indus grâce à des outils précis.
D’une part, les conseils généraux doivent disposer de moyens humains et matériels renforcés dans le suivi des allocataires. Encore faut-il qu’ils soient compensés par l’État – Il ne s’agit pas de relancer ici la polémique sur le montant de la somme due par l’État, qui varie entre 2,3 milliards d’euros et 2,5 milliards d’euros – si les conseils généraux assument pleinement cette responsabilité.
D’autre part, les CAF doivent s’engager à mobiliser les ressources humaines suffisantes pour assurer le suivi précis des allocataires. Or cela va à l’encontre des politiques que vous validez, année après année, dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale, qui réduisent les moyens d’intervention des organismes sociaux et cherchent la productivité au détriment de l’emploi dans ces organismes.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1er.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur. La proposition de loi déposée par Michel Mercier répond à un réel besoin des conseils généraux. Il est nécessaire que ces derniers disposent d’informations plus précises sur la contribution qui leur est demandée, afin de mieux gérer le RMI. Tel est l’objet de l’article 1er, dans la rédaction proposée par la commission des finances.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Après l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 262-24-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 262-24-1 - Lorsque, à la suite d’une suspension de l’allocation, l’organisme payeur procède à une reprise de son versement et, le cas échéant, à des régularisations relatives à la période de suspension, il en informe le président du conseil général en précisant le nom de l’allocataire concerné et en explicitant le motif de la reprise du versement de l’allocation. ».
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L’article 2 est de même nature et présente les mêmes défauts que l’article précédent.
À nos yeux, c’est par une coopération interinstitutionnelle efficace qu’une réponse à la question de la reprise des droits pourra être apportée.
Est-il nécessaire d’être plus contraignant encore, quitte à courir le risque d’une confusion des genres en matière de transmission de données personnelles ?
Je rappelle les termes de l’article R. 262 – 44 du code de l’action sociale et des familles :
« Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion ou de la prime forfaitaire est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments.
« En cas de non-retour de la déclaration trimestrielle de ressources dans les délais nécessaires pour procéder au calcul de l’allocation, le président du conseil général peut décider qu’une avance d’un montant égal à 50 % de la précédente mensualité sera versée. »
En clair, d’ores et déjà, toutes les dispositions nécessaires figurent dans le code de l’action sociale et des familles pour faire face aux situations diverses créées par le droit à allocation.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, aucun motif ne semble légitime aux membres du groupe CRC – mise à part cette suspicion entretenue à l’égard des allocataires du RMI – pour justifier l’adoption de l’article 2, que nous vous invitons à supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur. Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
L’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-41 - Tout paiement indu d’allocation ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par l’organisme payeur mentionné à l’article L. 262-30.
« Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39.
« Sauf si l’allocataire opte pour le remboursement de l’indu en une seule fois ou si un échéancier a été établi avec son accord, l’organisme payeur mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu d’allocation ou de prime forfaitaire par retenue sur le montant des allocations ou des primes forfaitaires à échoir, dans la limite de 20 % de ces allocations ou primes forfaitaires.
« Lorsque le droit à l’allocation ou à la prime forfaitaire a cessé, le président du conseil général constate l’indu et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement.
« L’organisme payeur transmet chaque mois au président du conseil général la liste des indus ainsi constatés faisant apparaître le nom de l’allocataire, l’objet de la prestation, le montant initial de l’indu ainsi que le solde restant à recouvrer. Il explicite également le motif du caractère indu du paiement.
« Dans le cas où le droit à l’allocation ou à la prime forfaitaire a cessé, le remboursement doit être fait en une seule fois ou selon un échéancier établi par le payeur départemental. Toutefois, si le débiteur est à nouveau bénéficiaire du revenu minimum d’insertion ou de la prime forfaitaire, le payeur départemental peut procéder au recouvrement du titre de recettes par précompte sur les allocations ou primes forfaitaires à échoir, dans les conditions et limites prévues au troisième alinéa.
« La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf manœuvre frauduleuse ou fausse déclaration. ».
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Les membres du groupe CRC ont d’ores et déjà indiqué leur position de fond à l’égard de cette proposition de loi, qui tend à stigmatiser – je suis navré de le répéter – les allocataires de minima sociaux.
Au demeurant, l’article 3 n’est jamais que la transposition, dans la partie législative du code de l’action sociale et des familles, de l’article R. 262-73 du même code. En clair, il n’apporte rien à l’existant !
Une telle démarche appelle évidemment une observation de fond : monsieur le président du conseil général du Rhône, la même rigueur est-elle de mise lors de l’utilisation des fonds publics afin d’aider le développement des entreprises, sous quelque forme que ce soit, qu’il s’agisse, par exemple, des remboursements de crédits de TVA ou encore des allégements de cotisations sociales ou de taxe professionnelle ?
M. Michel Mercier. Ce n’est pas de ma compétence !
M. Guy Fischer. Et surtout qu’en est-il de la création des emplois qui conditionnaient les aides économiques du département ? Il faut se montrer exigeant avec tout le monde.
La même rigueur manque d’ailleurs – et je crois que vous avez baissé les bras à ce propos – lorsqu’il s’agit d’exiger de l’État la compensation intégrale de la charge transférée aux départements au titre de la décentralisation du revenu minimum d’insertion, charge qui croît et embellit, année après année, et qui conduit, lors de l’adoption de chaque projet de loi de finances, à modifier la clé de répartition du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour payer le plus important des indus, à savoir celui de l’État à l’égard des départements.
Et comment ne pas pointer du doigt l’impact sur les coûts supportés par les entreprises de la mise en œuvre de certains contrats, comme les « contrats vendanges » ? Certes, ainsi que le rappelait M. le haut-commissaire, nous aurons suscité des augmentations. Les RMIstes qui participent aux vendanges perçoivent une allocation relativement importante par rapport à leurs besoins. Cela règle-t-il pour autant les problèmes des viticulteurs ?
Point n’est besoin d’allonger mon propos. Le fait est qu’aujourd’hui bon nombre de familles sont victimes de surendettement ; elles sont confrontées à toutes les difficultés que nous connaissons.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur. Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
A la demande du président du conseil général, afin de renforcer la connaissance de la réalité des droits et de la situation des bénéficiaires du revenu minimum d’insertion et de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 du code de l’action sociale et des familles, la convention mentionnée à l’article L. 262-30 du même code est remplacée par une nouvelle convention ou fait l’objet d’un avenant, passés entre le conseil général et l’organisme payeur, afin d’y inclure :
1°) les modalités d’échanges de données entre les parties, notamment pour l’application de l’article L. 262-30-1 du code de l’action sociale et des familles ;
2°) les modalités de mise en œuvre de l’article L. 262-24-1 du même code ;
3°) le degré de précision du motif des paiements indus constatés par le conseil général en application de l’article L. 262-41 du même code ;
4°) les engagements de qualité de service et de contrôle, pris par l’organisme payeur, notamment en vue de limiter les paiements indus.
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L’échange d’informations est au cœur du débat ouvert par l’article 4. Pour autant, les dispositions visées par ce texte, comme celles des articles précédents, sont d’ores et déjà contenues dans le code de l’action sociale et des familles et paraissent donc superflues.
L’article R. 262-78 dudit code dispose : « Les caisses d’allocation familiales et de mutualité sociale agricole transmettent mensuellement au département les données de gestion nominatives, financières et de pilotage statistique utiles à l’actualisation de leurs fichiers sociaux, telles qu’elles les transmettaient au représentant de l’État dans le département antérieurement au 31 décembre 2003. » Peut-on, en effet, être plus clair ?
Mais il reste dans ce débat un autre point. La qualité d’information attendue de la proposition de loi remet en cause la protection des données personnelles des allocataires du RMI. Dans certains départements, je ne sais pas en raison de quels rapports institutionnels, les conventions liant les caisses de la mutualité sociale agricole ou les caisses d’allocations familiales aux départements sont entachées de faiblesse à tel point qu’il faudrait encore aller plus loin que ne le permettent déjà les mesures réglementaires en vigueur. Mais, pour ma part, je suis certain que cette véritable traque aux allocataires qui va s’ouvrir demain est parfaitement discutable sur le plan de la protection des données personnelles. Pour cette raison supplémentaire, les membres du groupe CRC ne peuvent adopter l’article 4 et vous invitent, mes chers collègues, à le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur. Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La rédaction de cet article n’est pas identique au texte réglementaire que vous venez de citer, monsieur Vera. Vous avez évoqué le pilotage tel que l’exerçait l’État. Mais, en réalité, l’État n’exerçait pas de pilotage. La vertu de la décentralisation et de la gestion par les collectivités départementales a été justement de parvenir à un vrai pilotage de l’attribution du RMI dans les départements. Telle est la différence, qui justifie le rejet de l’amendement n° 5, mon cher collègue.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
L’article L. 262-33 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les organismes payeurs mentionnés à l’article L. 262-30 procèdent chaque mois à la confrontation de leurs données avec celles dont disposent les organismes d’indemnisation du chômage et les organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. Ils procèdent, à l’occasion de la première liquidation de l’allocation et chaque année, à la confrontation de leurs données avec celles dont dispose l’administration des impôts. Ils transmettent chaque mois au président du conseil général la liste nominative des allocataires dont la situation a été modifiée à la suite de ces échanges de données. ».
2° Au quatrième alinéa, les mots : « à ceux-ci » sont remplacés par les mots : « au président du conseil général, au président de la commission locale d’insertion définie à l’article L. 263-10 ».
3° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les organismes payeurs transmettent chaque mois au président du conseil général et au président de la commission locale d’insertion définie à l’article L. 263-10 la liste de l’ensemble des allocataires ayant fait l’objet d’un contrôle, en détaillant la nature du contrôle et son issue. ».
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article 5 pose les mêmes problèmes que le précédent.
Aujourd’hui, la règle qui va prévaloir est le croisement des fichiers, que M. Éric Woerth a annoncé.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Guy Fischer. Je ne sais pas si cette mesure sera inscrite dans un texte. J’ai constaté que la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, a émis un avis défavorable sur la demande, formulée par le Gouvernement, de conservation de données collectées lors de la délivrance d’un passeport biométrique.
Aujourd’hui, le Gouvernement se livre à une certaine stigmatisation. Selon lui, tous les RMIstes tireraient malignement parti des limites de la coopération interinstitutionnelle. Tel n’est pas le cas. Ils ne vivent absolument pas grassement aux dépens de la collectivité, et ce fait a été prouvé. Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur ce point.
Est-il donc nécessaire d’aller plus loin, comme semble nous y inviter l’article 5, qui préconise de généraliser l’échange de fichiers et d’ajouter à l’information du président du conseil général l’ensemble des procédures de révision, nominativement spécifiées, relatives à chaque allocataire ? Quel sort sera réservé à une telle information ? Sur le terrain, ce seront des millions d’informations qui devraient être traitées.
Martin Hirsch a dit qu’il fallait lutter contre la pauvreté et non pas contre les pauvres. Nous essayons d’agir ainsi. Rappelons qu’actuellement un travail social patient est effectué en milieu ouvert, bien souvent par les acteurs de l’intervention sociale, soucieux de ne laisser personne de côté. Avant que nous ne nous perdions en conjectures comptables, en cet instant, je veux saluer ce travail de repérage des souffrances, des difficultés d’insertion sociale et professionnelle.
Les acteurs associatifs, les travailleurs sociaux qui épaulent et soutiennent les allocataires du revenu minimum d’insertion ne sont pas des professionnels de la débrouille, de la combine et de la fraude. Quand ils apportent leur soutien à une famille en difficulté, ce n’est pas pour lui faire accorder une aide à laquelle elle n’a pas droit.
Tous ceux qui connaissent véritablement ces problèmes savent qu’aujourd’hui ce sont les plus pauvres qui ne bénéficient pas des aides, car ils ont une méconnaissance totale de leurs droits. Il serait fort bien de pouvoir leur faire prendre conscience desdits droits.
Actuellement, 30 % des RMIstes ne sont pas inscrits à l’ANPE ;…
M. Guy Fischer.… une multitude d’entre eux ne bénéficient pas de la CMU. Ces pourcentages élevés démontrent que certains problèmes pourraient être réglés non par la voie législative, mais par les services agissant d’un commun accord.
M. Paul Blanc. Qui peut le plus peut le moins !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. M. Fischer a évoqué la stigmatisation. En réalité, il s’agit de déstigmatiser.
Je viens de recevoir mon avis d’imposition sur le revenu sur lequel figurent des cases pré-remplies, grâce aux échanges de données qui ont eu lieu entre l’URSSAF, les services fiscaux, notamment. Je ne vois pas pourquoi, seuls les allocataires du RMI devraient remplir manuellement leur déclaration trimestrielle alors que nous, nous accepterions que ce travail soit réalisé par des personnes extérieures.
Il faut examiner chaque procédure, chaque donnée, pour constater, au gré des échanges d’informations, que l’on a privé d’un certain nombre de droits certains allocataires par rapport à d’autres.
Monsieur le sénateur, vous avez insisté à plusieurs reprises sur la faible proportion d’allocataires du RMI inscrits à l’ANPE, que vous avez estimée à 30 %. En réalité, seul un tiers d’entre eux est réellement inscrit. Mais il est tard, vous avez confondu les chiffres… Avec la création du revenu de solidarité active, dans une logique de droits et devoirs assumés, le Gouvernement cherche à faire en sorte que le service public de l’emploi, efficace à l’égard des demandeurs d’emploi, le soit également pour les bénéficiaires de cette nouvelle prestation, quels que soient leur passé, leur origine, afin qu’ils aient tous un avenir. Nous nous dirigeons donc plutôt, je le répète, vers la déstigmatisation.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
I. Les dispositions des articles 1er et 5 de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2009.
II. Les dispositions de la présente loi s’appliquent au revenu de solidarité active à compter de sa mise en œuvre dans l’ensemble des départements.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7, présenté par M. Fischer, Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L’article 6 tend, d’une part, à ce que les dispositions de la proposition de loi s’appliquent au 1er janvier prochain, d’autre part, à ce que le fonctionnement du RSA, une fois généralisé, soit placé sous les mêmes auspices.
On connaît ce qui a motivé la création de ce revenu de solidarité active, dont l’expérimentation, dotée de 25 millions d’euros, a été décidée aux termes de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, et qui vise à lier parcours d’insertion et exercice d’une activité professionnelle.
Il s’agit aujourd’hui pour vous, monsieur le haut-commissaire, d’étendre la mise en œuvre de ce dispositif et de conditionner de plus en plus étroitement allocation de minima sociaux et exercice d’une activité professionnelle, même réduite.
On sait que cette généralisation pose un certain nombre de problèmes, dont le moindre n’est pas celui de son financement.
Attaché à sa logique de réduction de la dépense publique, le Gouvernement entend en effet, peu de temps après avoir ouvert les vannes des cadeaux fiscaux aux plus riches, procéder par redéploiement pour réaliser ce financement.
Il a envisagé de financer cette dépense nouvelle par l’utilisation de la prime pour l’emploi, prime dont, voilà peu, le versement mensuel devait être assuré à ses bénéficiaires.
Monsieur le haut-commissaire, entendez-vous financer la généralisation du RSA en privant les salariés modestes demeurant imposables de l’attribution de cette prime ?
Si tel était le cas, il faudrait nous le dire, d’autant que, ainsi que nous l’avons souligné, cette partie de la prime pour l’emploi versée aux foyers imposables correspond peu ou prou au montant estimé de la généralisation du RSA.
Dès lors, l’effort de solidarité serait réparti de la façon suivante : à la base, un RSA généralisé et transformé en stock de main-d’œuvre peu coûteuse, puis des salariés modestes, aux rémunérations réduites, ne pouvant escompter majorer leur rémunération que grâce à l’acceptation d’horaires de travail alourdis par des heures supplémentaires, ensuite, des salariés modestes et moyens qui ne percevraient que des rémunérations faibles, invités eux aussi à user et abuser des heures supplémentaires, sans compter qu’ils seraient par ailleurs incités à la pluriactivité, la pratique de cette dernière étant appelée, aux termes de la loi de modernisation de l’économie, à se développer.
Nous serions loin, alors, de la fonction socialement utile du RSA et beaucoup plus près d’un plein sous-emploi, que nous avons dénoncé dans la discussion générale.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons évidemment que recommander l’adoption de cet amendement de suppression de l’article 6.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Adnot, Le Grand et du Luart, est ainsi libellé :
À la fin du I de cet article, remplacer les mots :
le 1er janvier 2009
par les mots :
à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 9, présenté par M. P. Blanc, est ainsi libellé :
À la fin du I de cet article, remplacer les mots :
le 1er janvier 2009
par les mots :
le 1er juillet 2009
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Cet amendement porte uniquement sur une question de date et j’espère que l’ensemble de la Haute Assemblée me suivra : je souhaite que la date d’application de cette proposition de loi soit fixée au 1er janvier 2009, et ce afin de donner satisfaction en même temps à M. Doligé et à M. Fischer.
M. Doligé indiquait tout à l’heure que la traduction technique et informatique des innovations introduites par la proposition de loi prendrait du temps. Leur pleine efficacité impose en effet de concevoir, de tester et de déployer de nouveaux produits informatiques.
En outre, ces dispositions concernent un domaine – le RMI – dont l’économie normative sera profondément modifiée dans les mois à venir avec la création du RSA. Cette réforme devrait intervenir au 1er juillet 2009.
Il semble donc plus cohérent d’articuler cette échéance et les réformes en matière de pilotage et d’échanges d’informations prévues par la proposition de loi, comme le préconise M. Fischer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur. À Paul Blanc, qui est, comme moi, un bon pyrénéen, je demanderai de se rallier au texte de la commission, qui offre un bon équilibre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Auguste Cazalet, rapporteur. Sur l’amendement n° 7, la commission a émis un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles qui l’ont conduit à s’opposer aux précédents amendements.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Monsieur Vera, le revenu de solidarité active sera financé grâce à l’addition des fonds de solidarité existants – le RMI, l’API, la prime pour l’emploi – auxquels s’ajoutera…
M. Guy Fischer. La somme de 1,5 milliard d’euros !
M. Guy Fischer. Vous n’avez pas convaincu les présidents de conseils généraux !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. J’ai l’impression que, pour l’instant, les négociations en cours avec eux se passent bien. Je le précise pour que vous puissiez porter un regard un peu plus serein sur cette nouvelle prestation.
En fait, nous souhaitons que, pour les personnes en difficulté, le revenu du travail soit à nouveau la rentrée de base, ce revenu pouvant s’ajouter à celui de la solidarité sans que cela soit infâmant : les deux doivent pouvoir progresser simultanément.
S’agissant de l’amendement n° 9, le Gouvernement rejoint le souhait de la commission.
Mme la présidente. Monsieur Blanc, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?
M. Paul Blanc. Non, je le retire, madame la présidente. Je pensais simplement faire avancer les choses et apporter un peu plus de pragmatisme, mais si la commission voit les choses autrement…
Mme la présidente. L’amendement n° 9 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des finances sur la proposition de loi, je donne la parole à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le 26 mars dernier, lors du premier examen de cette proposition de loi, le groupe UMP avait approuvé la volonté de M. le rapporteur de se livrer à une expertise supplémentaire avant de présenter ses conclusions définitives.
Il a très bien su mettre à profit le délai que le Sénat lui a accordé pour procéder à plusieurs contrôles sur pièces et sur place et confirmer que les informations dont disposent les conseils généraux pour piloter les dépenses liées au revenu minimum d’insertion sont globalement insuffisantes.
Ses observations recoupent parfaitement celles qui ont été faites par les sénateurs du groupe UMP dans plusieurs départements et confortent la démarche engagée par Michel Mercier.
Les dispositions législatives que nous venons d’adopter sur proposition de la commission des finances sont nécessaires pour permettre aux départements d’assurer pleinement la mission que leur a attribuée la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI et créant un revenu minimum d’activité, le RMA.
Sans remettre en cause la qualité du travail des caisses d’allocations familiales, les CAF, et des caisses de mutualité sociale agricole, la MSA, elles permettent de clarifier leurs relations avec les conseils généraux, dans un souci de transparence, de synergie et de bonne gestion des deniers publics. Elles complètent l’information des conseils généraux sur l’acompte qui leur est demandé par les organismes payeurs au titre du RMI, sur la suspension et la reprise des versements et sur les paiements indus.
Elles offrent aux conseils généraux qui le souhaitent la possibilité de demander une modification de la convention passée avec les organismes payeurs, afin de renforcer les échanges d’informations, et apportent des précisions utiles sur les règles applicables en matière de croisement des données de ces organismes avec celles dont disposent les organismes d’indemnisation du chômage, l’administration fiscale et les URSSAF, tout en accordant le délai nécessaire à l’adaptation des systèmes d’information.
Cette clarification en matière de RMI nous paraît d’autant plus nécessaire que se profile la généralisation du revenu de solidarité active en 2009, dont M. le haut-commissaire nous a très bien rappelé les enjeux : nous devons mieux gérer l’existant pour mieux construire l’avenir, avec pragmatisme, en conjuguant cohérence d’ensemble et prise en compte des spécificités locales.
Le dispositif proposé ce soir évite l’écueil de la rigidité tout en traçant un cap clair, celui de la bonne gestion et du bon contrôle des prestations.
Les conseils généraux sont en droit de demander des comptes sur une charge qui leur a été confiée du fait de la décentralisation et qui représente un poste important de leurs dépenses.
Les élus locaux et, à travers eux, les contribuables, doivent pouvoir contrôler la réalité des dépenses engagées et leur bonne affectation aux bons bénéficiaires.
Il s’agit pour nous d’une question de transparence, de bonne gouvernance et de justice sociale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Charles Guené. Les conclusions de la commission des finances s’inscrivent clairement dans cette perspective,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Charles Guené.… et c’est dans cet esprit constructif que le groupe UMP votera le texte soumis à notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. La discussion de cette nouvelle proposition de loi, largement transformée par la commission des finances, a été intéressante…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ah !
M. Guy Fischer.… parce qu’elle a permis de soulever nombre de problèmes qui subsistent et qui, à mon avis, auraient dû être résolus par voie de décrets ou de conventions, même si les sommes en jeu sont importantes, puisqu’au RMI sont consacrés 6 milliards d’euros, auxquels s’ajoutera, si j’ai bien compris, 1,5 milliard d’euros.
S’agissant du RSA, le problème reste entier. En généraliser l’application en 2009 est une erreur ; on assistera à un affichage politique. Les présidents de conseils généraux seront partagés : certes, ils souhaitent à l’évidence une baisse du nombre d’allocataires face à de nouvelles charges qui se profilent, mais ils savent bien que, si le nombre de RMIstes décroît de manière importante, les sommes payées, quant à elles, ne diminueront pas dans la même proportion. Il y a, là encore, quelque chose à tirer au clair.
Le problème de la compensation par l’État reste entier : l’on ne convaincra pas les présidents de conseils généraux si l’on n’apure pas les dettes, qui s’élèvent à 2,5 milliards d’euros. C’est l’un des points qui nous tient vraiment à cœur.
Je terminerai en revenant sur l’un de mes dadas : une fois qu’une personne en difficulté aura été remise au travail, grâce à un contrat de solidarité quel qu’il soit, on considérera qu’elle est libre de tout compte à l’expiration d’un délai de six mois suivant l’attribution du RSA. Que se passera-t-il ensuite ? Il serait très intéressant de le savoir : y aura-t-il retour à la précarité ?
En effet, un phénomène se développe non seulement en France, mais aussi dans tous les grands pays industrialisés : on assiste à une institutionnalisation de la précarité, avec la banalisation d’un revenu médian – si l’on peut parler de revenu ! –, disons plutôt d’une allocation médiane de 700 ou 800 euros.
Vous affirmez, monsieur le haut-commissaire, que ces personnes parviendront à toucher 1 000 euros ou 1 035 euros, mais je demande à voir ! Aujourd’hui, j’ai pu constater dans le quartier que je connais bien, celui des Minguettes, que les allocations ou ressources des gens concernés par les minimas sociaux sont plutôt faibles. J’ai entendu parler d’une ressource médiane de 450 euros dans le département du Rhône. Je me trompe peut-être sur ce chiffre, mais, en général, je sais de quoi je parle.
Tout cela nous préoccupe, et c’est ce qui justifie notre opposition de principe à cette proposition de loi. La lutte contre la pauvreté est l’une de nos priorités, et nous ne manquerons pas de revenir sur ces questions très importantes, qui préoccupent également tous ceux qui auront la charge de cette allocation.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Moreigne.
M. Michel Moreigne. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je serai bref, m’étant déjà largement exprimé lors de la discussion générale.
Considérant que la véritable priorité est le règlement de la dette de l’État à l’égard des conseils généraux, non seulement en termes financiers, mais aussi en termes de personnels, considérant que l’on ne traite ici que d’un problème accessoire, le groupe socialiste s’abstiendra sur les dispositions proposées par notre collègue Michel Mercier, quoique amendées largement par la commission des finances.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le texte que le Sénat s’apprête à approuver constitue un vrai progrès. Ne lui demandons pas ce qui n’est pas dans son objet, c’est-à-dire de régler les problèmes de compensation ou de solde des reliquats, car son seul objectif est de donner aux conseils généraux un instrument de pilotage pour l’attribution du RMI.
Grâce à ce texte, les « frottements », les incompréhensions et les ambiguïtés qui ont pu être observés, ici ou là, dans les relations entre certaines caisses d’allocations familiales et certains conseils généraux pourront être levées et le partenariat s’exercera dans les meilleures conditions possible.
Nous pouvons le constater encore une fois, cette décentralisation porte ses fruits. Aujourd’hui, le pilotage est une préoccupation des conseils généraux. Hier, l’État pilotait à distance et distribuait généreusement sans que, apparemment, les objectifs soient véritablement atteints.
S’agissant du RSA, monsieur le haut-commissaire, l’exercice auquel il va être procédé grâce à ce texte permettra de créer les conditions optimales pour gérer au mieux sa mise en œuvre. La création du revenu de solidarité active est une belle idée, qui mettra un terme à une situation contestable et, parfois, scandaleuse, dans laquelle une personne en difficulté pouvait hésiter à reprendre un travail par crainte de se voir privée d’une partie de son très modeste revenu. Il sera donc désormais porté remède à une telle injustice.
Je remercie notre collègue Michel Mercier d’avoir déposé cette proposition de loi, ainsi que notre rapporteur, Auguste Cazalet, qui s’y est repris à deux fois pour parfaire ses propositions. Sur le plan méthodologique, c’est un progrès que nous avons accompli ensemble.
J’espère donc que le Sénat votera avec confiance cette proposition de loi. Au surplus, si la réforme constitutionnelle, telle qu’elle est proposée par le Gouvernement, doit aboutir, nous aurons eu ce soir l’illustration de ce qu’il adviendra de la discussion des textes en séance publique. En effet, ce qui constitue actuellement l’une des caractéristiques de toute proposition de loi, c’est-à-dire l’examen en séance publique des conclusions de la commission saisie au fond, vaudra pour l’ensemble des textes, qu’ils soient d’origine gouvernementale ou d’origine parlementaire. (M. le rapporteur applaudit.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?….
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des finances sur la proposition de loi n° 212.
(La proposition de loi est adoptée.)
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Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de Mme Muguette Dini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Le rapport sera imprimé sous le n° 324 et distribué.
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Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 mai 2008 :
À seize heures :
1. Débat à l’initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la politique étrangère de la France
Le soir :
2. Discussion du projet de loi (n° 270, 2007-2008), adopté par l’Assemblée nationale, ratifiant l’ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d’un dispositif d’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté et l’ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire modifiant et complétant la partie législative du code de la défense et le code civil, et portant diverses dispositions relatives à la défense
Rapport (n° 317, 2007-2008) de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 14 mai 2008, à une heure trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD