Sommaire

Présidence de Mme Michèle André

1. Procès-verbal

2. Organisme extraparlementaire

3. Expérimentation de la gratuité des musées. - Discussion d'une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.)

MM. Jacques Valade, auteur de la question ; Pierre Fauchon, Serge Lagauche, Pierre Bordier, Ivan Renar.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

Clôture du débat.

4. Contrôle comptable du revenu minimum d'insertion. - Renvoi à la commission d'une proposition de loi. (Ordre du jour réservé.)

Discussion générale : MM. Michel Mercier, auteur de la proposition de loi ; Auguste Cazalet, rapporteur de la commission des finances ; Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté ; Michel Moreigne, Charles Guené, Gérard Le Cam.

M. le haut-commissaire.

Clôture de la discussion générale.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 1 de la commission. - MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Roland du Luart. - Adoption.

La proposition de loi est renvoyée à la commission.

5. Lutte contre l'épidémie de fièvre catarrhale ovine. - Discussion d'une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.)

M. Gérard Bailly, auteur de la question ; Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale de la commission des finances ; MM. Michel Moreigne, Bernard Barraux, Gérard Le Cam, Mme Nathalie Goulet, MM. Daniel Soulage, René Beaumont, Mme Anne-Marie Payet, M. Claude Biwer.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Clôture du débat.

6. Conférence des présidents

7. Dépôt de questions orales avec débat

8. Transmission d'un projet de loi

9. Dépôt d'une proposition de loi

10. Transmission d'une proposition de loi

11. Dépôt de rapports

12. Dépôt d'avis

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Organisme extraparlementaire

Mme la présidente. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement public du musée du Quai Branly.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires culturelles à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

3

expérimentation de la gratuité des musées

Discussion d'une question orale avec débat

(Ordre du jour réservé)

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 11 de M. Jacques Valade à Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'expérimentation de la gratuité des musées.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Jacques Valade interroge Mme la ministre de la culture et de la communication sur les conséquences de la mise en oeuvre, à partir du 1er janvier 2008 et pour une durée de six mois, de l'expérimentation de gratuité des musées. Présentée le 23 octobre 2007, conformément aux engagements du projet présidentiel et de la déclaration de politique générale du Premier ministre, cette initiative correspond à l'objectif de démocratisation de l'accès à la culture et devra faire l'objet d'une évaluation par un organisme extérieur. Elle concerne quatorze établissements nationaux, dont l'accès aux collections permanentes sera gratuit ; quatre autres musées parisiens ont mis en place des dispositifs de gratuité ciblés sur les jeunes publics.

« Il s'interroge sur l'intérêt d'une telle mesure en termes d'amélioration de l'accès aux musées de ?nouveaux publics? qui n'ont pas l'habitude de les fréquenter, alors que des initiatives conduites jusqu'à présent à l'étranger ou dans certaines villes ne permettent pas d'observer des progrès significatifs sur ce point.

« Il souhaite également avoir des précisions sur l'impact financier de l'expérimentation engagée. Au-delà des modalités de prise en charge et de compensation de son coût direct, à savoir la perte de recettes pour les établissements, évaluée à 2,23 millions d'euros pour 2008, il s'interroge sur les conséquences indirectes de la gratuité sur l'image des musées concernés, sur le mécénat dont ils peuvent bénéficier ou encore sur les éventuels effets de concurrence entre les musées gratuits et ceux dont l'accès resterait payant. Il lui demande donc si cette mesure ne doit pas s'inscrire dans le cadre d'une réflexion plus globale sur le pilotage de notre politique des musées. »

La parole à M. Jacques Valade, auteur de la question.

M. Jacques Valade. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le 1er janvier, une expérimentation, lancée sur l'initiative du Gouvernement et pilotée par le ministère de la culture, permet d'accéder librement, pendant six mois, aux collections permanentes de quatorze musées et monuments nationaux.

L'annonce d'une telle mesure, à l'automne dernier, a suscité un débat. La commission des affaires culturelles a souhaité que le Sénat y apporte sa contribution en demandant l'inscription à l'ordre du jour de cette question orale.

Certes, à mi-parcours, il ne saurait s'agir de dresser un bilan de cette opération. Un organisme extérieur est d'ailleurs chargé d'en réaliser une évaluation et vous nous en présenterez, le moment venu, les résultats en termes quantitatifs et qualitatifs, madame la ministre. En effet, l'objectif visé est non seulement la hausse de la fréquentation des sites concernés, mais également l'évolution de la composition de leurs publics.

De ces résultats dépendra la suite que le Gouvernement décidera de donner à cette expérimentation. L'évolution du nombre de visiteurs des musées gratuits est par ailleurs l'un des critères retenus pour évaluer l'efficacité de l'action de votre ministère pour l'année 2008, madame la ministre. Il s'agit donc d'un chantier majeur.

Sans anticiper sur les conclusions qui seront tirées à l'issue d'un semestre de mise en oeuvre, nous avons jugé utile de vous faire part des interrogations et réflexions qu'une telle initiative suscite au sein de la commission et de notre assemblée. Le débat sera également l'occasion de préciser le sens que le Gouvernement donne à cette mesure, les attentes qu'il place en elle et la manière dont il entend assumer ses implications, notamment sur le plan budgétaire ; j'y reviendrai.

Tout d'abord, en quoi consiste le dispositif ? Les établissements désignés pour conduire l'expérimentation de gratuité pour tous représentent un panel qualifié de « représentatif » de nos musées et monuments nationaux, de par leur localisation, leur thématique ou leur volume de fréquentation. Il s'agit de six musées franciliens et de huit sites en province. En parallèle, des mesures ciblées sur les jeunes publics sont testées dans quatre grands établissements parisiens, dont le Louvre. Depuis 2005, ce dernier ouvre déjà ses portes gratuitement aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans lors de ses nocturnes du vendredi. Cette mesure est étendue un soir par semaine au Musée national d'art moderne, ainsi qu'aux musées d'Orsay et du Quai Branly.

Souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre, cette expérimentation part d'une idée noble et généreuse. S'inscrivant dans la longue tradition française de « culture pour tous », elle traduit une volonté de partage de notre patrimoine commun. Lever la barrière du coût, qui est potentiellement discriminatoire, vise à mettre les chefs-d'oeuvre de nos collections nationales à la disposition du public le plus large et à offrir à tous, sans entraves, l'accès à la beauté et à la connaissance. Cette ambition a toujours été au coeur de nos politiques culturelles.

La gratuité, ou à défaut l'aménagement des tarifs, n'est d'ailleurs pas chose nouvelle pour nos musées nationaux. Si les droits d'entrée y ont été institués en 1922 dans un but pragmatique, afin d'assurer la conservation et l'accroissement des collections, des exonérations ponctuelles ont toujours été maintenues.

Ces dix dernières années, la gratuité a trouvé une actualité nouvelle, en France et dans les pays européens. L'accès gratuit chaque premier dimanche du mois a été réintroduit au Louvre en 1996, après y avoir été supprimé en 1990. Puis la mesure a été étendue en 2000 à l'ensemble des musées nationaux. Par ailleurs, aux termes de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, les droits d'entrées sont fixés « de manière à favoriser leur accès au public le plus large » et les jeunes de moins de dix-huit ans en sont exemptés.

Selon des formules devenues, il est vrai, de plus en plus complexes et disparates, la plupart des musées ont mis en place des réductions et exonérations ponctuelles ou catégorielles pour les enseignants, les journalistes, les étudiants en écoles d'art, les chômeurs ou les RMIstes. C'est ainsi que plus du tiers des visiteurs des musées nationaux bénéficient déjà d'une gratuité sous différentes formes.

Des collectivités territoriales ont également décidé de rendre gratuit l'accès à leurs musées, souvent pour en accroître la fréquentation par leur public de proximité. Tel est le cas de la Ville de Paris depuis 2002, des douze musées du département de l'Isère, de cinq musées de Dijon ou de deux musées de Caen depuis 2004 et des musées de Bordeaux depuis le mois de décembre 2005. Au total, ce sont 15 % des musées de France qui sont ainsi gratuits. Cependant, un sur cinq ne propose aucune formule de gratuité.

À l'étranger, l'exemple britannique est le plus souvent cité en référence, depuis que le gouvernement de Tony Blair a réintroduit la gratuité d'accès aux collections permanentes des musées nationaux. Mais bien d'autres musées, chez la plupart de nos voisins européens, incluent différentes formules de gratuité dans leur politique tarifaire.

De telles décisions politiques sont toutes motivées par un objectif de démocratisation culturelle, puisqu'elles visent à favoriser l'accès au musée à un plus large public.

L'expérimentation de gratuité s'inscrit donc dans cette tendance. Elle part du constat qu'environ un tiers seulement des Français se sont rendus au moins une fois dans l'année dans un musée. La fréquence des visites augmente en fonction du niveau d'éducation, du capital culturel et de la position sur l'échelle sociale. Ces mêmes constats se retrouvent dans les pays, avec des disparités parfois même plus fortes, pour d'autres pratiques culturelles, comme la fréquentation du théâtre ou de l'opéra. De plus, le succès populaire d'événements tels que le Printemps des musées ou les journées du patrimoine montre l'intérêt que les Français portent à leur patrimoine culturel.

Le prix d'entrée au musée, bien que relativement faible en France, serait-il donc une barrière, ne serait-ce que symbolique, pour les publics les plus défavorisés ? Certes, la question mérite d'être posée. Toutefois, les enseignements tirés des initiatives des collectivités locales ou de nos voisins européens invitent à faire preuve d'une certaine mesure quant aux effets de la gratuité. En outre, cela ne permet pas de répondre à l'ensemble des interrogations que suscite l'expérimentation en cours.

Première interrogation, la gratuité, si précieuse soit-elle pour permettre l'accès de tous à l'instruction publique, ne serait-elle pas une « fausse bonne idée » dans le domaine de la culture ?

Certes, après bientôt trois mois de mise en oeuvre, l'expérimentation semble avoir des premières retombées positives. Les visiteurs sont en général satisfaits de pouvoir entrer sans payer. Les établissements, du moins certains d'entre eux, affichent de fortes hausses de fréquentation, en moyenne de 50 % à 60 % au mois de janvier et jusqu'à 130 % au château d'Oiron, 200 % au Musée national de la porcelaine de Limoges ou encore plus de 300 % au Palais Jacques Coeur à Bourges. D'ailleurs, cela n'est pas sans susciter des interrogations en termes de sécurité et de qualité de l'accueil.

Mais quelles conclusions tirer de ces chiffres, même à l'issue d'un semestre ? Ce délai de six mois semble court pour apprécier la pertinence de la gratuité. En effet, les études réalisées jusqu'à présent, à l'étranger ou dans les communes ayant testé la mesure, mettent en évidence un effet « lune de miel ». Dans un premier temps, la gratuité dope la fréquentation, mais son effet à moyen ou long terme est moins évident si rien n'est fait en parallèle pour attirer et fidéliser les nouveaux publics. L'expérience du musée des Beaux-arts de Caen conduit ainsi son directeur à constater qu'une fois l'effet d'annonce passé la fréquentation a repris son rythme.

En outre, les mêmes études convergent pour montrer que la gratuité n'est pas le sésame de la démocratisation. Elle ne serait ainsi qu'un élément secondaire dans la construction du projet de visite, car elle ne crée pas, en elle-même et à elle seule, l'envie de venir ou revenir au musée. De fait, ni au Royaume-Uni, ni à Paris, ni dans les autres villes qui l'ont mise en place, la gratuité n'a permis d'élargir de façon significative les publics et de réduire la distance culturelle qui en éloigne durablement certains ; elle aurait avant tout suscité des visites plus fréquentes pour les habitués. Hormis certaines catégories de publics sensibles au prix, comme les jeunes, le droit d'entrée est donc loin d'être la seule barrière. Une récente étude du Louvre sur les conséquences de la gratuité le dimanche aboutit aux mêmes conclusions.

Introduite de façon universelle, la gratuité suscite inévitablement des effets d'aubaine pour les publics avertis ou les touristes étrangers. Elle peut également avoir des effets pervers. D'une certaine manière, ne risque-t-elle pas de déresponsabiliser les visiteurs, de banaliser la visite, voire de dévaloriser la mission de conservation, d'entretien et de valorisation des oeuvres qui est celle des musées ? Pour parer à cela, les musées britanniques informent les visiteurs du coût que représente le musée et leur proposent de laisser un don, afin de contribuer aux charges d'entretien et d'enrichissement des collections qu'ils sont venus admirer.

En revanche, introduite de façon plus ciblée, en fonction des objectifs propres à chaque établissement, la gratuité apparaît bien plus pertinente et sans doute plus conforme à l'objectif d'équité. Faut-il donc aller au-delà des modulations réfléchies et souvent mises en place des tarifs et des exonérations, avant même d'apprécier toute la portée des mesures actuelles ?

Comme beaucoup d'établissements étrangers, qui jouissent d'une large autonomie de gestion, pourquoi ne pas laisser à nos musées la responsabilité de fixer leur stratégie de prix, en fonction de leur projet de développement, de leur identité, de leur contexte, plutôt que de leur imposer une politique uniforme qui pourrait être perçue par certains comme une contrainte ?

Si certains directeurs de musées ont pu, jusqu'à présent, avoir le sentiment d'être mis devant le fait accompli, le lancement de l'expérimentation devrait néanmoins permettre d'engager des concertations avec ces professionnels sur ces différents enjeux. Rien ne se fera sans eux ; je rappelle qu'au Royaume-Uni les conservateurs de musées étaient en majorité favorables à la gratuité quand elle a été réintroduite.

La gratuité n'est pas une fin en soi et ne se suffit pas à elle-même. De l'avis unanime des acteurs de terrain, des mesures appropriées d'accueil, de médiation et d'accompagnement des publics sont primordiales pour renforcer l'accessibilité des musées. Mais cela représente un travail de fond sur le long terme, et suppose de déployer d'importants moyens financiers et humains.

Nos musées ont connu une mutation profonde, en s'ouvrant progressivement vers leurs publics, en travaillant sur leur attractivité et en renouvelant leur programmation. Cependant, cette mutation reste encore à approfondir. Quels sont, madame la ministre, les orientations de votre ministère en ce sens et les appuis susceptibles d'être apportés aux musées dans ces évolutions ?

Un autre travail de fond consiste naturellement à éveiller la curiosité des adultes de demain : telle est la finalité du chantier que vous avez ouvert et relancé, avec M. le ministre de l'éducation nationale, en vue de renforcer l'éducation artistique et culturelle.

C'est sans doute en initiant les jeunes enfants à l'histoire des arts, en multipliant les visites scolaires dans les lieux culturels et les contacts, de toutes natures, avec la pratique artistique, que l'on développera, chez une plus large frange de la population, cet « appétit » culturel. « Ami, n'entre pas sans désir » : ce vers de Paul Valéry, inscrit au frontispice du Palais de Chaillot, nous rappelle l'impérieuse nécessité de ces actions éducatives. Par ailleurs, il ne faut pas que nous négligions l'incontestable effet d'entraînement des enfants sur leur famille.

La commission a entendu en janvier Éric Gross, qui vous a remis un rapport sur le sujet, madame la ministre. Elle a également confié à Catherine Morin-Desailly un rapport d'information sur la décentralisation des enseignements artistiques. Nous serons donc attentifs aux avancées concrètes qui résulteront des récentes annonces du Gouvernement sur ce sujet, que nous estimons prioritaire.

J'en viens à présent à la deuxième interrogation que suscite l'expérimentation : quels seront le coût et les contreparties de la gratuité ? En d'autres termes, comment sera compensé le manque à gagner en recettes de billetterie, que l'État s'est engagé à prendre en charge ?

Notre rapporteur pour avis, Philippe Nachbar, vous avait interrogée sur ce point, madame la ministre, au moment de l'examen des crédits de la mission « Culture » dans le projet de loi de finances pour 2008 ; vous aviez alors estimé le coût de l'expérimentation à 2,23 millions d'euros, et indiqué qu'il serait financé par redéploiement.

Pouvez-vous désormais nous apporter des précisions supplémentaires sur ces modalités de compensation ?

Par ailleurs, des réflexions sont-elles développées, à l'occasion de cette mesure, sur le financement de la politique des musées, et en particulier sur la diversification des ressources des établissements ? Vous avez vous-même récemment souligné, madame la ministre, combien l'exigence d'entretien ou de sécurisation des bâtiments et des collections, notamment, impose de très lourdes charges. Les moyens dédiés à ces investissements seront-ils désormais satisfaisants ?

Troisième et dernière interrogation : dans quelle stratégie territoriale s'inscrit l'expérimentation ? En effet, des représentants des collectivités territoriales, eux-mêmes gestionnaires d'un grand nombre de nos musées de France, ont pu exprimer des inquiétudes à son égard, y compris parmi les sénateurs de la commission.

Décréter la gratuité du musée ou du monument national peut avoir des conséquences au niveau local, en créant une forme de concurrence entre établissements. Or les recettes des musées représentent une part parfois non négligeable du budget de certaines collectivités. Les élus locaux et les directeurs d'établissements territoriaux ont-ils été consultés avant la mise en oeuvre de l'expérimentation et pour le choix des établissements désignés pour la conduire ? Le seront-ils au moment où il faudra décider de reconduire, ou non, la gratuité, voire de la généraliser pour l'ensemble de nos établissements nationaux ?

Tels sont, madame la ministre, les quelques sujets d'interrogation pour lesquels nous attendons des premiers éléments de réponse de votre part.

À l'heure où la gratuité gagne de nouveaux territoires, dans le secteur de la presse ou avec le téléchargement de musique ou de films sur Internet, d'une façon assez peu consensuelle et en favorisant l'ancrage d'une « culture de la gratuité » aux conséquences quelquefois inattendues et aux effets parfois pernicieux, cette nouvelle extension de la gratuité au secteur des musées et du patrimoine pose question. Nous tenions donc à ouvrir le débat pour approfondir notre réflexion avec vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Avant d'aborder la question qui est l'objet de ce débat, permettez-moi d'attirer votre attention, madame la ministre, sur un texte que les deux assemblées ont voté à l'unanimité en 2004 et qui concernait une certaine politique de prêts et de dépôts de nos grands musées nationaux au profit des musées de province.

Nous nous sommes permis de poser une question orale avec débat sur ce sujet voilà quelques semaines. Vous n'aviez pas pu assister à la discussion, madame la ministre, mais je ne saurais vous le reprocher puisque vous étiez en déplacement officiel avec le Président de la République à Dubaï. Je suis en effet de ceux qui ont soutenu le projet d'extension du Louvre à Dubaï avec un certain enthousiasme ; c'est un très bon projet pour le rayonnement de la France et de notre culture en général.

Depuis, grâce à vos services, j'ai eu connaissance du rapport établi par l'Inspection générale des musées sur cette question, lequel montre bien que, pour le moment, cette loi votée à l'unanimité, et à laquelle Philippe Richert, ici présent, a fortement contribué, n'a pas reçu véritablement d'application.

Une expérience intéressante « Vingt-deux chefs-d'oeuvre pour vingt-deux régions » a été engagée par M. Donnedieu de Vabres. C'était une excellente idée, car nous souhaitions le prêt ou le dépôt d'oeuvres significatives, qui sont concentrées dans notre pays essentiellement au Louvre.

Madame la ministre, le président de la commission et moi-même nous serions heureux, si vous vouliez bien nous recevoir, de prolonger cette réflexion avec vous.

Je referme cette parenthèse pour aborder la question qui nous réunit, la gratuité des musées, sans prétendre, bien entendu, porter sur celle-ci une vue d'ensemble ; l'analyse exhaustive est le fait de la commission des affaires culturelles. Toutefois, comme la culture est un peu l'affaire de tous, je me permets d'intervenir sur le sujet, parce que je suis, sinon membre ou responsable de cette commission, du moins l'un de ceux qui fréquentent assidûment les musées et les expositions non seulement en France, mais également en Grande-Bretagne, où j'ai encore pu vérifier, le week-end dernier, les avantages de la gratuité.

C'est donc un témoignage personnel que je vais apporter, sans prétendre, encore une fois, épuiser tous les aspects du problème. Je souhaite simplement insister sur les raisons qui militent, me semble-t-il, en faveur de la gratuité ; celles-ci sont de deux ordres.

En premier lieu, mis à part les exceptions particulières de gratuité, notamment celles qui sont liées à l'âge, le prix d'entrée dans un musée, couramment compris entre 8 et 10 euros, constitue une dépense non négligeable pour tous ceux dont les fins de mois ne sont pas faciles ; et ils sont nombreux, en France comme ailleurs, à devoir compter et à choisir de se passer de musée plutôt que de bifteck ou de tickets de métro ; je pense en particulier aux familles, car la dépense augmente vite pour plusieurs personnes, il faut y être sensible.

Il me paraît tout de même assez choquant, dans une société comme la nôtre qui se fixe des priorités sociales et culturelles, que le coût puisse constituer un obstacle à l'accès aux musées pour un certain nombre de nos compatriotes.

En second lieu - cette réflexion est peut-être moins répandue, mais je la crois tout aussi importante ; elle vaut pour tous - le fait d'acquitter un prix d'entrée s'accompagne quelquefois de l'obligation de faire la queue au guichet, ce qui représente une perte de temps.

Je me suis rendu au Louvre la semaine dernière - j'y vais très fréquemment - pour visiter l'exposition « Babylone » sur la Mésopotamie ; je me dispense de tout commentaire sur le sujet, car je serais assez critique. Nous en reparlerons à une autre occasion : il faudrait prévoir une question orale avec débat sur la façon de compacter 4 000 ans d'histoire sous le titre « Babylone » ; comme si l'on pouvait compacter l'histoire de Jules César au général de Gaulle ! (Sourires.) Cela me paraît quelque peu réducteur ; mais je referme la parenthèse.

Il fallait attendre très longtemps, un jour de semaine, pour accéder à cette exposition. Pour ma part, je fais partie de la Société des Amis du Louvre et j'ai pu entrer directement. Mais les autres personnes devaient attendre près d'une demi-heure pour accéder au musée, puis une autre demi-heure pour parvenir aux oeuvres. Ne soyez donc pas surpris si cette exposition n'intéresse vraiment que des mordus de la culture et de l'art !

Ces difficultés ont pour effet de transformer la visite d'un musée en une action un peu exceptionnelle, une sorte d'obligation culturelle.

Il faut « avoir fait le Louvre » au moins une fois dans sa vie ! Alors, on fait le Louvre, mais dans quelles conditions ? C'est le parcours du combattant pour des centaines de milliers de visiteurs : ils s'arrêtent devant la Joconde, puis parcourent le reste, de salle en salle... Je me demande quel est leur niveau culturel à la sortie.

L'accès gratuit modifie complètement cette relation avec le musée : la démarche n'est plus exceptionnelle, plus ou moins rituelle ; les visites sont beaucoup plus fréquentes, sans doute plus brèves, mais en réalité plus intenses et plus fécondes, parce que plus motivées. Ceux qui le souhaitent vont voir la sculpture romaine, d'autres les jardins, pendant une demi-heure, trois quarts d'heure... Ils ne se sentent pas obligés de tout visiter parce qu'ils ont payé neuf ou dix euros l'entrée.

La gratuité devrait faire en sorte que, pour beaucoup - et le nombre de visiteurs devrait s'accroître au fur et à mesure de l'expérience, qu'il ne faut surtout pas arrêter trop vite - la fréquentation du musée deviendrait une forme de loisir comme une autre, une pratique régulière et non pas exceptionnelle, comme peuvent l'être le sport, la télévision, l'écoute de la musique...

Il me semble que notre vie culturelle s'en trouverait singulièrement enrichie, d'autant que la visite des musées se fait souvent en famille ou en couple, et qu'elle revêt dès lors un caractère convivial qui a sa valeur propre.

La vie culturelle est de plus en plus dominée par la communication moderne, elle-même largement assujettie aux priorités de l'économie marchande, qui bénéficie d'une certaine « gratuité », comme le soulignait M. Valade, mais d'une gratuité assez nocive dans la mesure où celle-ci ne fait que traduire la domination de l'économie marchande sur les médias modernes. C'est le revers de cette pseudo-gratuité !

Il me paraît plus important que jamais de faciliter l'accès du plus grand nombre, et spécialement des familles, à ces sources vives de culture et de spiritualité que sont les oeuvres d'arts plastiques conservées dans nos musées, et dont il n'est pas exagéré de dire qu'elles font partie du trésor de l'humanité.

L'expérience que je viens de vivre, ces jours derniers, de la gratuité du musée de Cardiff, ville de Grande-Bretagne qui n'est pourtant pas de premier plan, m'a étonné : j'ai vu, le dimanche de Pâques, des familles entières se presser au musée ; quel que soit l'âge des enfants, chacun y trouve son intérêt. Quatre ou cinq musées sont regroupés au même endroit. On peut ainsi y rester deux heures, trois heures, ou seulement une demi-heure si on le désire. Cette facilité d'accès rend la démarche tout à fait différente.

J'ai également entendu dire qu'à Buenos Aires, en Argentine, où des membres de ma famille se sont rendus récemment, tous les musées étaient gratuits. Or personne ne trouve ce fait choquant. Le résultat est que l'accès aux musées est beaucoup plus agréable.

Ces exemples vécus montrent que la facilité d'accès au musée modifie en profondeur la relation des visiteurs avec les créations d'arts plastiques. À cet égard, je rappelle que celles-ci présentent l'avantage de surmonter le barrage des langues et des cultures plus élaborées pour atteindre directement la sensibilité de ceux qui y ont accès.

Quels que soient le niveau culturel ou la connaissance des langues, n'importe qui se trouvant en présence d'un Chardin ou, dans un tout autre genre, devant Le sacre de Napoléon par David reçoit un choc devant l'oeuvre. Il n'est pas nécessaire d'avoir une préparation culturelle élaborée, car ces oeuvres d'arts plastiques parlent directement à l'intimité de chacun. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'un moyen de communication culturelle important et, au sens profond du terme, populaire.

Je crois pouvoir dire que cette réflexion est également partagée par mon groupe, et je parle sous le contrôle du président Michel Mercier. Je sais toutefois que, dans ses rangs, comme l'a d'ailleurs très bien exprimé M. Valade, il y a des interrogations et des réserves, lesquelles sont particulièrement justifiées dès lors qu'il s'agit de musées très particuliers.

Notre collègue de Bayeux nous a fait observer que la gratuité n'était pas possible pour admirer la tapisserie de Bayeux, qui ne fait d'ailleurs pas partie de ce que l'on appelle la culture générale au sens global du terme. En outre, la ville de Bayeux ne dispose probablement pas des mêmes ressources que l'État pour assurer la gratuité.

Cette remarque vaut aussi pour les expositions particulières, notamment celles du Louvre. J'ai déjà parlé de celle sur la Mésopotamie, pour la critiquer, d'ailleurs. Je la ménagerai en n'y revenant pas, car ce n'est malheureusement pas le sujet qui nous occupe ; sinon, j'aurais beaucoup à dire. (Sourires.)

Quoi qu'il en soit, poursuivons l'expérimentation avec confiance ! Ne jugeons pas trop vite ses résultats. Les habitudes ne se prendront pas en quelques semaines ou en quelques mois : quelques années seront nécessaires pour voir comment le public réagira et s'adaptera à cette forme nouvelle de fréquentation des musées.

Ne nous enfermons pas dans le monde auquel nous sommes habitués, celui des guichets et des tickets à acheter. Tournons notre imagination vers un monde différent où la fréquentation des oeuvres d'art deviendrait moins exceptionnelle, moins rituelle et plus personnelle, car facilitée par la gratuité.

Enfin, ne sous-estimons pas ce que j'ai pu observer en Grande-Bretagne, où les prestations complémentaires de caractère marchand comme les boutiques de cadeaux ou les cafétérias, sources de revenus parfaitement légitimes, constituent des attractions autonomes, beaucoup plus volontiers fréquentées du fait même de la gratuité d'accès. En Grande-Bretagne, on décide plus facilement d'aller déjeuner à la cafétéria du musée, puis de visiter quelques salles avant de rentrer chez soi. Cette démarche tout à fait nouvelle peut être génératrice d'un revenu non négligeable. Chez nous, ce revenu est faible, car nous n'avons pas ce type de culture.

Vous l'aurez compris, madame la ministre, je suis de ceux qui croient tout à fait souhaitable de poursuivre et d'étendre l'expérience actuelle, très heureusement engagée par le Gouvernement, ce dont je le félicite. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'idée de la démocratisation de l'accès à la culture n'est pas nouvelle. Depuis 1981, les expériences se sont multipliées en ce sens, permettant à un nombre toujours plus important de nos concitoyens d'accéder, au moindre coût, à des institutions culturelles et des pratiques artistiques. La politique en faveur de la modernisation et de la démocratisation des musées date de cette époque.

Les musées français avant 1980, à l'exception notable du Musée national d'art moderne du centre Georges-Pompidou, créé en 1977, étaient dans une situation indigne de la notoriété et de la qualité de leurs collections. Dans ce domaine, la France était très en retard sur ses voisins allemands et britanniques et a fortiori sur les États-Unis : partout des locaux vétustes, une organisation archaïque, une image et une réalité poussiéreuses.

Un quart de siècle plus tard, chacun mesure l'ampleur de l'effort en faveur non seulement de l'équipement et de la modernisation des locaux, mais aussi du fonctionnement, de la diffusion et de l'ouverture vers tous les publics. Cet effort fut, au début des années quatre-vingt, d'abord le fruit de la volonté de François Mitterrand, à l'origine des grands projets : le Grand Louvre, la Cité des sciences, la Cité de la musique, l'Institut du monde arabe, le Musée d'Orsay ...

Cette forte volonté politique a bientôt été suivie et largement relayée par les collectivités territoriales, les maîtres d'ouvrage faisant le plus souvent appel, pour les bâtiments, à des maîtres d'oeuvre de grande qualité : à Paris, Ieoh Ming Pei, Jean Nouvel ou Christian de Portzamparc ; à Villeurbanne, Mario Botta ; au Mont Beuvray, Pierre-Louis Faloci ; à Vassivière, Aldo Rossi ....

Le succès a dépassé les espérances, et les principales réalisations à Paris comme en région font références dans le monde entier. Dans la période 1980-2000, la fréquentation globale de nos musées a explosé.

Si je me suis attardé quelques instants sur cette période fondatrice pour le renouveau des musées français, c'est pour démontrer que la gratuité n'est pas une fin en soi sans une réelle politique de développement des musées et de mise en valeur des collections. La véritable démocratisation passe par là et non pas seulement par une politique tarifaire.

Cependant, le coût d'entrée dans les institutions culturelles et dans les musées constitue désormais une dépense non négligeable pour un citoyen et sa famille désireux de profiter des collections publiques ou privées, le plus souvent aux alentours de 10 euros par personne. L'aménagement des tarifs pleins des musées pour favoriser l'accès d'un public plus diversifié est une question qui doit nourrir le débat sur la démocratisation de l'accès à la culture.

Depuis une décennie, les élus ont pris conscience de l'importance de ce débat.

Ainsi, dans son programme à l'élection présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy avait lancé l'idée d'instaurer la gratuité dans les musées ; le coût de cette mesure était alors estimé entre 150 et 200 millions d'euros. Cette idée, reprise au titre d'une « expérimentation » par François Fillon dans son discours de politique générale, a été concrétisée et officiellement présentée par vous, madame la ministre, lors d'une conférence de presse, le 23 octobre 2007, pour mise en oeuvre de l'« expérimentation » du 1er janvier 2008 au 30 juin 2008.

La gratuité dite « expérimentale » concerne ainsi quatorze musées français répartis sur l'ensemble du territoire et quatre musées parisiens pour les seuls 18-26 ans, un soir par semaine de dix-huit heures à vingt et une heures.

Il est quelque peu surprenant de faire autant de bruit autour de cette expérimentation et de prétendre en faire une politique novatrice et ambitieuse. Il y a un peu plus de quarante-cinq ans, le 15 décembre 1960, l'UNESCO adoptait la « Recommandation concernant les moyens les plus efficaces de rendre les musées accessibles à tous ».

Ce texte reconnaissait aux musées un rôle en matière de contribution « à la vie intellectuelle et culturelle de la population » et une « mission éducative permanente » et demandait qu'y soient développés des « services éducatifs ».

Il préconisait en outre une meilleure accessibilité aux musées « par toutes les catégories de la population » et recommandait que des dispositions soient prises pour « permettre, dans la mesure du possible, l'entrée libre dans les musées », précisant que, « à défaut de la gratuité permanente [...], l'admission dans chaque musée devrait être gratuite au moins un jour [...] par semaine. ».

En pratique, depuis une dizaine d'années, la gratuité dans les musées fait, un peu partout en France, mais aussi à l'étranger, l'objet de nombreuses expérimentations selon diverses formules : elles concernent différents publics, des horaires spécifiques .... Il ne s'agit donc aucunement d'une politique novatrice dans le secteur culturel.

Je m'attarderai quelques instants sur les exemples d'expérimentation de gratuité d'accès aux musées les plus parlants.

Faisant suite à une expérience de même type d'ouverture gratuite de cent monuments nationaux en octobre 1999, Catherine Trautmann, alors ministre de la culture du gouvernement Jospin, avait pris la décision d'ouverture gratuite des trente-quatre musées nationaux - vingt-trois en Île-de-France et onze en régions - le premier dimanche de chaque mois, à partir de janvier 2000.

Un an après, le bilan tiré de cette expérience de gratuité faisait apparaître une hausse moyenne de la fréquentation de 46 % par rapport à l'année précédente.

Ces musées nationaux sont, depuis lors, demeurés ouverts gratuitement à tous les publics le premier dimanche de chaque mois.

Le plan Sarkozy-Albanel constitue en réalité une extension du plan Trautmann, qui avait lancé une réelle gratuité, pour tous les publics, dans les musées nationaux.

Une expérience semblable a été mise en place par la ville de Paris : la gratuité d'accès aux collections permanentes des musées de la ville est ainsi effective depuis décembre 2001.

Ici encore, la ville de Paris affiche des chiffres de fréquentation en forte hausse ; celle-ci serait passée de 537 000 visiteurs en 2001 à 761 000 en 2005.

La satisfaction du public semble également au rendez-vous, puisque, selon une enquête menée par la ville de Paris, 73 % des personnes interrogées déclarent être « satisfaites » de l'instauration de cette gratuité. Néanmoins, 12 % des sondés n'ont pas entendu parler de l'opération de gratuité dans les musées de la ville de Paris.

La contrepartie d'une telle politique réside néanmoins dans le coût de celle-ci. À Paris, l'expérience de la gratuité des musées de la ville a été estimée à 400 000 euros. Je tiens à souligner que la gratuité dans les musées de la ville de Paris ne constitue pas une opération anodine, puisque les collections des musées concernés constituent les premières collections publiques de France après celles de l'État. Ainsi, le Petit Palais, dont l'accès aux collections permanentes est désormais gratuit, a exposé 1 300 oeuvres depuis le début de l'expérimentation.

En province, de nombreuses collectivités territoriales sont extrêmement dynamiques, malgré la réduction drastique des crédits d'intervention et des crédits déconcentrés depuis quelques exercices : baisse de 5 % des crédits destinés au patrimoine et stagnation, au sein de ces crédits, de ceux qui sont spécifiquement destinés au patrimoine des musées, pour le seul exercice budgétaire de 2008.

Je ne pourrai citer ici l'ensemble des expériences provinciales menées en matière de gratuité dans les musées. Je saluerai néanmoins les initiatives conduites à Dijon, où l'accès aux collections permanentes des musées municipaux est gratuit depuis le 1er juillet 2004.

De même, les huit musées départementaux de l'Isère sont devenus gratuits depuis le 2 janvier 2004 à la suite d'un vote du conseil général. On pourrait encore citer les exemples de gratuité des musées municipaux de Caen, de Sceaux ou de Saint-Brieuc.

Chez nos voisins européens, les expériences de gratuité se multiplient également. Ainsi, au Royaume-Uni, la gratuité est de mise depuis 2001 pour l'accès aux collections permanentes des musées. La fréquentation des musées de ce pays serait passée de 24 millions de visiteurs en 1997-1998 à 39 millions en 2006.

La hausse de la fréquentation doit cependant être relativisée. Les chiffres que je viens de citer doivent être pris avec précaution : les experts estiment que l'effet d'aubaine joue les premiers mois, mais surtout que la hausse de fréquentation signifie non pas un renouvellement du public, mais une fréquentation accrue, du fait de la gratuité, des publics habitués.

L'objectif de démocratisation de la culture par l'instauration de la gratuité ne serait-il alors qu'un miroir aux alouettes ? Celle-ci ne favoriserait-elle qu'un public déjà éduqué, issu de catégories socioculturelles favorisées ?

Déontologiquement, on peut donc doublement s'interroger sur le bien-fondé de l'accès gratuit aux musées et à la culture en général.

D'aucuns estiment, à juste titre, que la culture a un coût et que le public consommateur de cette culture doit en prendre conscience. En acquitter le prix par un droit d'entrée ou d'usage participe de cette prise de conscience.

Concevoir un musée comme un simple lieu de passage, c'est oublier qu'il abrite des personnes travaillant à la conservation des collections, à la restauration d'oeuvres, à la publication d'écrits et qu'il doit s'enrichir en permanence par l'acquisition de nouvelles oeuvres.

Je ne veux pas relancer une polémique qui nous a récemment divisés au sein de cette assemblée. Je rappellerai cependant que c'est une certaine vision de la gratuité de la culture qui conduit des personnes mal informées à télécharger illégalement en ligne des oeuvres culturelles - films et musique -, générant l'idée que l'accès à la culture doit être gratuit, et ce au mépris du droit des auteurs, de leur juste droit à rémunération pour le fruit de leur travail.

La gratuité dans les musées est une arme à double tranchant. On peut donc légitimement s'interroger sur la pertinence d'une gratuité intégrale. Des politiques de gratuité à application ciblée se justifient : on peut ainsi très bien imaginer la mise en place de la gratuité pour seulement certaines catégories de visiteurs.

Je ne reviens pas sur les catégories bénéficiant toujours au moins d'un tarif préférentiel, tels les chômeurs, les étudiants ou les séniors pour lesquels la gratuité d'accès doit être généralisée.

On pourrait cependant envisager de favoriser les visiteurs nationaux dont les collections des musées constituent le patrimoine commun, financé par leurs impôts. Dans de nombreux pays, des tarifs préférentiels, voire la gratuité, ont été instaurés pour les seuls nationaux.

Les étrangers constituent la plus grande partie des visiteurs, soit environ 70 % du public fréquentant les musées. Ils ne contribuent pas, par leurs impôts, au fonctionnement des musées.

En grossissant un peu le trait, on peut estimer qu'exonérer de droit d'entrée les touristes étrangers dans les musées reviendrait, dans de nombreux cas, à contribuer indirectement au financement des tours opérateurs !

M. Jacques Valade. Il faut faire payer les étudiants étrangers, alors !

M. Serge Lagauche. On peut aussi opter pour un système de gratuité pour des jours ou des heures ciblés : c'est l'option retenue depuis plusieurs années par de nombreuses institutions.

Je reviendrai quelques instants sur les problèmes de financement de la gratuité d'accès aux musées. À ma connaissance, aucune action dans le projet de budget pour 2008 ne prend en charge le coût de l'opération. J'ai, hélas, compris que l'État renonçait à assumer ses responsabilités à l'endroit des musées !

L'érosion constante des crédits destinés au patrimoine et aux musées depuis 2003, qui ne laisse pas de me préoccuper, ne permet pas d'espérer un seul euro budgétaire pour compenser les millions d'euros nécessaires au financement de l'expérimentation.

Madame la ministre, vous allez me répondre, je suppose, que la plupart des musées nationaux ayant accédé au statut d'établissement public à caractère administratif, il leur revient de prendre en charge le financement de la gratuité.

L'autonomisation de ces établissements, décidée sous la précédente législature, les contraint à développer une politique de rentabilité au détriment d'une politique de démocratisation de ces institutions.

Ainsi assiste-t-on, dans les grandes institutions, à une politique mettant en oeuvre une hausse très souvent déraisonnable des billets des expositions - 11 euros pour certaines expositions temporaires à la National Gallery de Londres, déjà 8,50 euros pour l'accès aux seules expositions temporaires du musée du quai Branly, 9 euros au Petit Palais -, des tarifs des cafétérias et à une diversification des tâches premières muséographiques, notamment la location d'espaces dans l'enceinte du musée pour des activités n'ayant que peu de rapport avec les collections présentées.

Je rappelle que, poussé dans cette logique de rentabilité, le Louvre a supprimé en 2004 la gratuité ciblée pratiquée de longue date envers des publics spécifiques particulièrement concernés par l'activité muséographique : les enseignants, sauf ceux qui accompagnent un groupe scolaire, et les artistes.

Quant aux étudiants de l'École du Louvre, ils sont désormais sommés de bien vouloir donner quelques heures de leur temps libre en gardiennage du musée, comme contrepartie à la gratuité d'accès accordée.

Est-ce ainsi que l'on permet aux enseignants de préparer dans de bonnes conditions les visites destinées à former leurs élèves et aux artistes de se pénétrer des oeuvres des grands maîtres ?

J'aborderai une dernière question. L'accès gratuit aux musées engendre une économie potentielle pour le visiteur ; celui-ci reporte-t-il l'économie ainsi réalisée sur un autre bien ou sur un autre service de l'économie culturelle ou touristique ?

De l'avis des économistes de la culture, il est extrêmement difficile de mesurer le report de l'économie réalisée sur le prix d'un ticket d'entrée au musée vers les investissements dans d'autres produits ou services de l'économie touristico-culturelle : restaurant, achat de produit dérivé à la sortie du musée. Il n'est donc pas certain que l'économie culturelle soit bénéficiaire de l'instauration de la gratuité dans les musées.

La gratuité ne fait donc pas tout pour la démocratisation de l'accès aux grands musées ; elle ne constitue pas une fin en soi d'éducation à la culture.

Le coût de cette politique est loin d'être anodin pour l'État et les collectivités, et celle-ci s'effectue souvent au détriment d'autres actions culturelles.

Les expériences menées depuis plusieurs années ne permettent de tirer aucune conclusion hâtive. Néanmoins, s'il fallait s'engager dans une politique cohérente de gratuité, compte tenu des difficultés de financement et du manque de certitude sur les publics bénéficiant réellement de cette démocratisation, je pense que l'on pourrait exploiter plusieurs pistes telles que le recours amplifié aux nocturnes, la réduction des tarifs pleins, qui sont souvent très chers  - 9 euros au musée du Louvre, 8,50 euros au musée du quai Branly, 8 euros au musée des Arts décoratifs -, l'instauration de forfaits permettant l'accès illimité au musée pendant une période donnée, éventuellement courte.

M. Jacques Valade. Cela existe !

M. Serge Lagauche. Surtout, il faut de toute urgence consacrer un réel budget au développement de l'éducation artistique dès l'école primaire, et ainsi favoriser un goût précoce pour les arts et les pratiques culturelles.

Ces politiques permettraient de poursuivre et de généraliser les efforts entrepris depuis une dizaine d'années ici et là en France, et de répondre aux exigences exprimées par l'UNESCO il y a plus de quarante ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Bordier.

M. Pierre Bordier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer l'initiative du président Jacques Valade, qui nous a permis d'ouvrir un débat passionnant sur l'expérimentation de la gratuité dans les musées et sur l'accès de tous à la culture.

Depuis une vingtaine d'années, les musées connaissent un regain d'intérêt du public. On a même pu parler d'une « fièvre des musées », s'expliquant par la rencontre de plusieurs éléments : l'essor du tourisme, la modernisation des musées, qui ont donné d'eux-mêmes une nouvelle image, grâce au développement d'une plus grande diversité d'activités culturelles, pédagogiques et commerciales.

Les programmations événementielles et les opérations telles que La Nuit des musées ont également contribué à cette évolution très positive.

En 1985, 9 millions de personnes visitaient les musées nationaux. Cette fréquentation est passée à 15 millions de visiteurs en 2002 et à près de 24 millions de visiteurs en 2007. Elle a augmenté de 8 % en 2007 par rapport à 2006.

On a pu penser que cette embellie s'accompagnait d'une diversification des publics. Cependant, les analyses de statistiques de fréquentation ont fait tomber bien des illusions sur ce point.

En effet, on assiste à une intensification des rythmes de visites des publics en place plutôt qu'à la conquête de nouveaux publics. Le chiffre de fréquentation de publics en difficulté sociale reste désespérément bas. Or les musées constituent un formidable outil d'éducation populaire, qui participe à la lutte contre les inégalités, l'exclusion et l'isolement. Comme le disait André Malraux, « le musée est un des lieux qui donnent la plus haute idée de l'homme ».

L'accès à la connaissance, à l'éducation, au plaisir de la découverte des oeuvres doit être ouvert au plus grand nombre. Il faut donc étudier l'ensemble des voies possibles pour donner aux musées toute leur place dans une politique de démocratisation culturelle.

Je me réjouis que le Gouvernement, conformément aux engagements figurant dans le projet présidentiel, ait décidé de trouver des solutions pour attirer de nouveaux visiteurs vers l'art et la culture.

Dans un premier temps, celui-ci souhaite évaluer l'impact de la gratuité sur la fréquentation des musées nationaux. Cette expérimentation se justifie au regard des politiques menées par nos voisins : plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, ont choisi depuis quelques années de rendre leurs musées gratuits pour tous.

La gratuité des musées est un sujet complexe, qui suscite, à juste titre, un vaste débat. La gratuité peut-elle suffire à attirer de nouveaux publics ? Quels avantages et quels inconvénients présente-t-elle ? Ne risque-t-elle pas de bouleverser l'équilibre financier des musées ?

Par ailleurs, peut-on appliquer la gratuité à l'ensemble des musées nationaux alors qu'ils diffèrent les uns des autres par leur taux de fréquentation, la nature de leur public ou le poids de leurs recettes ?

J'ai bien noté, madame la ministre, votre volonté de tenir compte, dans cette expérimentation, de la diversité des musées français puisqu'un double dispositif a été mis en place : l'accès totalement gratuit aux collections permanentes de dix musées à Paris et en province, et l'accueil gratuit des jeunes de 18 à 26 ans, un soir par semaine, dans quatre grands musées parisiens.

La question de la gratuité doit, en effet, être traitée différemment selon le type de musée : musée de province ou grand musée à forte popularité internationale. Les jeunes représentent un public spécifique.

Je souhaite évoquer les premiers résultats de l'expérimentation, communiqués en février. Les chiffres montrent une augmentation de la fréquentation, avec une hausse de 50 % sur les dix musées et de 100 % sur les quatre grands musées parisiens.

Cependant, il est encore trop tôt pour savoir si la gratuité a attiré de nouveaux publics. De plus, les premiers chiffres sont à relativiser puisqu'ils ne laissent en rien présager le comportement des visiteurs sur la durée.

J'évoquerai donc les études antérieures puisque la gratuité, d'abord prévue au musée du Louvre pour le premier dimanche de chaque mois, a été étendue en 2000 à l'ensemble des musées nationaux. Cette mesure a augmenté notablement la fréquentation de ces musées.

Mais l'on n'a pas vu clairement dans cette hausse de la fréquentation la traduction d'un élargissement des publics. Il semble que l'offre de gratuité touche surtout le public déjà habitué à fréquenter les musées. Une enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, concernant les dimanches gratuits du musée du Louvre, confirme la faible évolution de l'origine sociale des visiteurs ce jour-là.

De même, une étude dirigée en 2007 par le département des études, de la prospective et des statistiques vient renforcer ce sentiment : selon les conclusions de cette étude, la gratuité ne crée pas l'envie de consommer de la culture, et moins encore pour ceux qui n'ont pas connu d'expériences satisfaisantes en la matière.

Malheureusement, la gratuité risque de n'apporter qu'une réponse partielle à la question de l'élargissement des publics. Nous nous trouvons face à une problématique plus complexe qu'il n'y paraît. Il me semble que le problème doit être pris sous un autre angle.

Pour les publics les plus défavorisés, les populations immigrées ou les jeunes habitant dans des quartiers difficiles, le musée est un lieu ennuyeux et sans vie, qui fait partie d'un autre monde. Même sans appartenir à un milieu très défavorisé, nombreuses sont les personnes qui voient dans le musée un sanctuaire destiné à ceux qui disposent déjà d'une culture artistique. Accorder la gratuité ne peut modifier cet état d'esprit.

La familiarisation avec les musées doit commencer dès l'école, la France ayant un véritable retard à rattraper en matière d'enseignement, de sensibilisation et de pratiques artistiques en milieu scolaire.

L'action que vous menez, madame la ministre, avec M. Xavier Darcos, en mettant en oeuvre un plan gouvernemental de développement de l'éducation artistique et culturelle, peut être déterminante pour donner l'envie aux jeunes de pousser la porte des musées.

Suivant les préconisations du rapport Gross de décembre dernier, vous prévoyez, notamment, la fréquentation des institutions culturelles par le public scolaire et un enseignement de l'histoire des arts depuis le primaire jusqu'au lycée ; je tiens à vous féliciter de cette initiative.

Pour tous ceux qui n'ont plus l'âge d'aller à l'école, l'action menée par les musées est essentielle. Je pense, par exemple, aux tarifs préférentiels, à la présence de guides, à l'aide à la visite et à l'information des visiteurs.

Le recours aux nocturnes a déjà montré son efficacité pour attirer des publics qui apprécient de pouvoir visiter ces lieux autrement ou qui n'ont pas le temps de venir à d'autres moments.

Diverses pistes sont à explorer, tels les billets permettant de revenir pendant une période déterminée ou donnant l'accès à d'autres lieux culturels, l'organisation de journées exceptionnelles et de manifestations dans et hors de l'enceinte des musées. En modifiant l'offre, on peut peut-être modifier le profil du visiteur.

Par ailleurs, la gratuité représente un coût considérable. Il est nécessaire d'évaluer ce coût et d'étudier toutes les conséquences financières qui découleraient du choix d'une gratuité plus ou moins élargie.

Les musées connaissent des frais importants de conservation, de restauration, de publication, d'une part, et des frais de fonctionnement, d'autre part.

Le Gouvernement pourra-t-il faire le choix de la gratuité dans un contexte budgétaire contraint ? En outre, n'est-il pas regrettable de laisser échapper les recettes du tourisme ? Les touristes ne sont pas les publics que nous voulons atteindre, mais ils seront les premiers à profiter de la gratuité.

Enfin, comme l'a souligné le président Jacques Valade, peut-on réellement prévoir les effets de la concurrence entre les musées gratuits et ceux dont l'accès restera payant ?

Il faut également s'interroger sur le concept même de gratuité.

Madame la ministre, vous luttez contre le piratage et l'image donnée par Internet d'un accès libre et gratuit aux oeuvres culturelles. Cette lutte passe par toute une pédagogie en direction du public, notamment les jeunes, afin qu'il reconnaisse que l'accès à une oeuvre musicale ou cinématographique a un coût. Pourquoi adopterait-on un autre discours en ce qui concerne l'accès aux musées ?

Je me réjouis qu'avec l'avis favorable du Gouvernement la commission des finances du Sénat ait prévu, lors de la discussion du projet de budget pour 2008, la remise d'un rapport dans les neuf mois, associant ainsi les parlementaires à l'analyse des résultats de l'expérimentation. Ce rapport précisera les coûts de l'expérimentation pour les établissements concernés, ainsi que la composition du public accueilli.

Notre débat d'aujourd'hui montre, me semble-t-il, que les réponses à apporter sont multiples et que le sujet exige une très large réflexion.

Comme vous l'avez souligné lors de votre présentation du dispositif au musée national du Moyen Âge, madame la ministre, nous rêvons tous d'attirer plus largement les publics vers les lieux de culture, de leur donner envie d'en pousser les portes.

Notre groupe salue votre détermination à mener à bien ce projet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, je me réjouis que soit en cours un débat sur l'expérimentation de la gratuité des musées. C'est un débat nécessaire sur un sujet très important qui suscite, comme vous le savez, des avis et des analyses parfois très tranchés, car c'est aussi une question de passion pour des dizaines de milliers de professionnels de la filière.

C'est pourquoi il me semble essentiel que la représentation nationale puisse revenir sur cette question culturelle sensible à l'issue de cette expérimentation, afin d'en tirer tous les enseignements en connaissance de cause, en ne perdant jamais de vue que la plupart des musées français relèvent d'une compétence municipale et, donc, de la politique culturelle et sociale des communes.

Cela dit, qui pourrait se prononcer contre la gratuité, ne serait-ce que pour des raisons de justice sociale ? Pour autant, les choses sont complexes. Aujourd'hui, le concept de gratuité est très en vogue, dans le domaine de la culture en particulier, madame la ministre, avec des fortunes diverses : la banalisation des journaux gratuits, par exemple, au détriment de la presse écrite fait peser des menaces graves sur le pluralisme et la démocratie. En revanche, la gratuité de la musique et du cinéma sur le Net est mise hors-la-loi sans que soient pour autant recherchées de nouvelles alternatives économiques plus favorables aux artistes et en phase avec les nouvelles pratiques.

N'est-il pas paradoxal de vouloir combattre la gratuité sur le Net et d'accepter en même temps sa banalisation dans d'autres domaines ?

Alors que la billetterie constitue une ressource décisive pour de nombreuses institutions, voilà que le Président de la République souhaite que les musées soient gratuits ! Pourtant, l'on nous explique que les caisses de l'État sont vides et l'on impose un budget d'austérité au ministère de la culture !

De plus, n'est-il pas surprenant de constater que ce qui était gratuit car relevant du service public - l'accès aux soins, par exemple - devrait devenir payant quand ce qui était payant deviendrait gratuit ? Cela ne conduit-il pas à la confusion et à un renversement des valeurs ?

Et que signifie exactement « gratuit » ? Qui finance ? Dans le cas des journaux, on le sait, c'est la publicité. Donc, ce sont les consommateurs qui, en définitive, paient. On le constate, trop souvent, la gratuité n'est qu'un trompe-l'oeil, avec toujours, en bout de course, quelqu'un qui doit bourse délier.

Le principe de la gratuité des musées peut paraître séduisant de prime abord, mais il a un coût. Au-delà d'hypothétiques compensations de l'État, qui va financer les nouveaux gardiens, guides-conférenciers, médiateurs culturels, pour accompagner la montée en puissance envisagée ? On peut légitimement craindre que les collectivités locales ne soient de nouveau mises à contribution, la plupart des établissements étant municipaux.

Or à qui profitera le libre accès aux musées ? Plusieurs études montrent d'ores et déjà que la seule gratuité n'élargit guère l'accès au musée, en particulier du public le plus profane, alors que celui-ci doit être le premier bénéficiaire de cette mesure.

C'est pourquoi de nombreux professionnels ont une nette préférence pour une gratuité ciblée et une politique tarifaire modulée telle qu'elle est souvent pratiquée par de nombreuses institutions. Car à qui doit bénéficier cette gratuité ? Aux tours-opérateurs et aux touristes ? Aux habitués des musées ou à de nouveaux publics pour lesquels des actions de sensibilisation spécifiques sont primordiales afin de les inciter à en franchir le seuil ? Car, même avec la gratuité, aller au musée n'est pas donné à tout le monde ! Il n'y a pas que les enfants qu'il est nécessaire de prendre par la main !

On sait très bien que l'accroissement des inégalités sociales renforce la fracture culturelle La combattre passe par une énergique politique de démocratisation et donc aussi, et peut-être d'abord, par la généralisation de l'éducation artistique à l'école et l'instauration à tous les niveaux de l'enseignement de l'histoire de l'art. Les études montrent que les enfants qui ne vont pas au musée pendant leur scolarité ne les fréquentent pas davantage à l'âge adulte.

On le constate, la gratuité n'a aucun sens si elle reste une mesure isolée. Or cette gratuité va entraîner un appauvrissement des établissements, alors même que des investissements substantiels sont indispensables pour aménager les musées et enrichir leurs collections.

On peut redouter que cette situation ne conduise à la diminution des actions culturelles en direction des scolaires, des RMIstes, des chômeurs, des quartiers difficiles..., actions pourtant essentielles à l'élargissement des publics. C'est pourquoi la gratuité doit non pas conduire à banaliser le musée, mais, au contraire, à toujours mieux sensibiliser les publics.

Les conservateurs savent que la gratuité de la visite, même si elle est louable, ne suffit pas en soi ; il faut aussi la gratuité des médiations, des visites guidées en fonction des profils des publics, mais aussi des actions spécifiques pour permettre à ceux qui ne fréquentent pas les musées de vraiment se les approprier.

Certes, on le sait, la gratuité peut doper la fréquentation à court terme. Mais plutôt qu'à une éphémère « lune de miel » il est préférable de concourir à un mariage au long cours entre toute la population et son patrimoine artistique.

En effet, le musée appartient à tous, sans oublier les personnes en situation de handicap. Il est un bien collectif de la nation. Mais agir sur le seul facteur économique sans s'attaquer aux barrières sociales, éducatives, psychologiques, symboliques est un leurre. La seule gratuité n'est pas une panacée, c'est encore moins un sésame.

Plutôt qu'une solution « uniformisante » et plaquée, qui risque de fragiliser de nombreux musées, ne conviendrait-il pas de multiplier des formules diversifiées et adaptées à des situations différentes ? Ne revient-il pas aux collectivités locales, par exemple, en fonction de la spécificité des musées, du territoire, de leur histoire, d'inventer des solutions appropriées ? D'ailleurs, certains établissements pratiquent déjà la gratuité - totale, catégorielle ou exceptionnelle, lors de « la nuit des musées », par exemple -, conscients néanmoins qu'elle ne résout pas à elle seule la question de l'élargissement des publics.

N'est-il pas préférable d'approfondir les différentes formules de gratuité existantes ? Et si l'on va jusqu'au bout de cette logique, pourquoi ne pas étendre la gratuité aux expositions temporaires, dont les tarifs ont augmenté de façon vertigineuses ces dernières années, y compris au Musée du Luxembourg ? Parallèlement, ne conviendrait-il pas aussi de baisser leur prix d'entrée, qui est de plus en plus dissuasif ? Cela suppose, bien évidemment, des moyens supplémentaires, que le mécénat seul ou la marchandisation à outrance de produits dérivés ne comblera pas.

Est-ce pour cette raison que, parallèlement à la gratuité dans les musées, il a été envisagé de vendre une partie des collections publiques ? (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Comment ne pas relayer les légitimes inquiétudes des conservateurs, qui craignent la remise en cause du fondement même de la notion de collection publique et le principe de continuité historique des collections ?

Après un examen scrupuleux, M. Jacques Rigaud, que vous avez chargé, madame la ministre, d'un rapport sur cette question et qui a été entendu ce matin en commission, a tranché : il réaffirme que les musées ne sont pas des entreprises commerciales, qu'ils constituent bien un service public et que vendre des oeuvres serait une erreur fatale.

En résumé, le service public, même s'il n'a pas de prix, a un coût. Aussi, je pense qu'il est plus pertinent non pas de généraliser la gratuité mais de l'ajuster, en s'orientant vers une tarification encore plus différenciée selon le profil des visiteurs - chômeurs, étudiants, jeunes, seniors, familles nombreuses -, assortie de réductions ciblées.

Bref, plutôt que de préconiser une gratuité aveugle, nous devons en faire bénéficier ceux qui en ont besoin, tout en proposant des tarifs modulés avec des objectifs clairs, car il est essentiel de conjuguer le quantitatif au qualitatif et de ne pas se satisfaire d'une massification sans âme.

C'est, j'en suis convaincu, la meilleure façon d'élargir et de fidéliser les publics et d'en faire venir de nouveaux dans de bonnes conditions. La qualité de l'échange avec le visiteur, les connaissances transmises, le plaisir partagé sont déterminants pour susciter durablement de nouveaux émules.

On dit parfois : « voir Naples et mourir » ; je dirai plutôt : « visiter le Louvre et nos beaux musées de France et vivre pour tous et avec tous ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur diverses travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord remercier le président Jacques Valade d'avoir suscité un débat particulièrement intéressant.

Cette question de la gratuité des musées prend un relief tout particulier à la veille des cinquante ans du ministère de la culture, à la lumière des grandes missions fondatrices que lui avait assignées André Malraux, notamment celles de rendre accessibles les oeuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création des oeuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent.

C'est dans cet esprit que la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France a défini les missions des musées. Elle a précisé leur rôle social et éducatif, et les a intégrés dans une réelle logique de décentralisation afin qu'ils deviennent de véritables acteurs de la démocratisation de la culture.

La politique des musées de France se déploie selon quatre axes majeurs : protéger et enrichir le patrimoine, faire progresser la connaissance et mieux la transmettre, au travers notamment d'une politique d'éducation artistique et culturelle, aménager le territoire et enrichir l'offre muséale, développer les coopérations européennes et internationales.

Grâce à l'implication forte de l'État et des collectivités territoriales depuis plusieurs décennies, nos musées ont considérablement évolué, ainsi que tous les orateurs, en particulier M. Pierre Bordier, l'ont souligné.

Les Français aiment leurs musées ; huit sur dix les admirent, les trouvent utiles ou savants, et plus de sept sur dix les associent aux idées de plaisir, de détente et d'émotion, même si l'on peut toujours souhaiter attirer les trois réfractaires qui ne les associent pas à cette idée de plaisir !

Les chiffres de fréquentation traduisent cette attractivité et l'on ne peut que s'en réjouir. Ainsi, 49 millions de visiteurs ont franchi les portes des musées de France en 2006, dont 24,5  millions celles des musées nationaux. Ces excellents chiffres se confirment en 2007, puisque les musées nationaux ont connu une fréquentation de plus de 25 millions de visiteurs.

Ainsi, les musées sont devenus plus accessibles sans pour autant perdre de leurs exigences scientifiques ni, évidemment, se réduire à un simple lieu de loisir.

Ils sont devenus des vecteurs attractifs d'accès à la connaissance grâce à une mutation profonde non seulement dans leur conception muséographique, mais aussi dans leur rapport au public avec l'apparition de véritables services culturels. Ils ont su proposer de nombreux outils de médiation adaptés à la diversité des publics, comme des visites-conférences, des livrets pour les familles, et font appel aujourd'hui aux nouvelles technologies pour développer des sites internet et des audioguides plus performants.

La valorisation des collections passe aussi, désormais, par l'édition de produits dérivés, la création de boutiques et de librairies qui, souvent, sont des relais au plaisir : quand on sort d'une exposition, on a envie de la prolonger en faisant un achat en rapport direct avec ce que l'on a vu.

Le musée est devenu un lieu de vie où l'on peut aussi se restaurer et parfois même assister à des colloques, des concerts ou des spectacles qui font écho à la programmation scientifique.

De grands progrès ont été accomplis pour que les publics, et tout particulièrement les jeunes, s'approprient nos musées. Sur ce dernier sujet, nous comptons évidemment beaucoup sur l'application des préconisations du rapport sur l'éducation artistique et culturelle, qui a donné lieu au plan que Xavier Darcos et moi-même avons annoncé voilà maintenant quelques semaines.

La politique tarifaire est, bien évidemment, un levier essentiel pour l'augmentation et la diversification des publics. La construction des grilles tarifaires des musées est faite dans un souci d'équité, à l'intersection de deux enjeux importants et qui pourraient paraître contradictoires : l'accès à la culture, dont Pierre Fauchon a souligné l'immense importance pour tous, et la nécessité pour chaque établissement de développer ses ressources propres afin de compléter son financement sur fonds publics et ainsi contribuer à limiter la pression fiscale. On ne saurait oublier la portée symbolique des mesures tarifaires, en particulier pour le public national et le public local de proximité.

La loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France précisait que « les droits d'entrée des musées de France sont fixés de manière à favoriser leur accès au public le plus large ». Dans les musées de France relevant de l'État, les mineurs de dix-huit ans sont exonérés du droit d'entrée donnant accès aux espaces de présentation des collections permanentes. La loi réaffirme ainsi son attachement aux valeurs de démocratisation et d'ouverture à tous les publics, en particulier au jeune public de moins de dix-huit ans.

Je souligne que la politique tarifaire proposée par les musées nationaux prévoit déjà de nombreuses exonérations ainsi que des tarifs réduits et la gratuité pour les catégories de publics les plus défavorisées socialement et économiquement, c'est-à-dire les chômeurs, les bénéficiaires du RMI, les titulaires du minimum vieillesse, les personnes handicapées.

Les tarifs réduits, enfin, existent pour les titulaires d'une carte de réduction de famille nombreuse et les visiteurs acquittant le droit d'entrée avec des chèques-vacances.

De nombreuses formules d'abonnements permettent également de venir et de revenir dans les musées. Ainsi que M. Pierre Fauchon l'a souligné, il est important que les amateurs puissent voir tantôt une chose, tantôt une autre, et revenir plusieurs fois, ce que permettent les formules d'abonnements qui sont aujourd'hui très répandues.

Je rappelle aussi que les musées nationaux sont ouverts le premier dimanche de chaque mois depuis janvier 2000. Cette mesure, très populaire, favorise la visite des jeunes, des familles mais aussi de la population active dans son ensemble.

Par ailleurs, la première visite dans un musée se fait souvent ce jour-là.

Ces mesures, qui sont appréciées des Français, notamment la gratuité pour les moins de dix-huit ans, devraient être mises en oeuvre, en application de la loi relative aux musées de France, dans l'ensemble des musées nationaux, tous ministères confondus : défense, éducation nationale, recherche et enseignement supérieur.

Je me réjouis que le ministère de la culture et de la communication se soit trouvé aux avant-postes en matière de tarification pour les plus défavorisés. Je constate, par ailleurs, que de nombreuses collectivités territoriales ont également décidé, de manière autonome, d'appliquer des mesures tarifaires similaires.

La question de la gratuité est évidemment au coeur de la politique tarifaire. L'accès gratuit aux collections des musées nationaux fait l'objet d'un débat déjà ancien. Ainsi, dès la création du Museum central des Arts, la Convention adopte sans discussion le principe de la gratuité, et ce pour deux raisons que je tiens à rappeler : en premier lieu, les collections publiques issues des confiscations de la Révolution constituaient une propriété collective appartenant à tous et à chacun ; en second lieu, le musée devait être destiné aux étudiants et aux artistes.

Jusqu'aux années 1890, le principe de la gratuité des musées est acquis, les vertus éducatives des musées s'inscrivent dans la lignée des principes de l'école publique, laïque et gratuite, chers à Jules Ferry, selon lequel « si c'est à l'école que l'enfant et l'ouvrier reçoivent l'enseignement, c'est surtout au musée qu'ils trouvent l'exemple ». Le principe de la gratuité des musées était alors le corollaire du principe républicain de la gratuité de l'enseignement public.

Le débat sur le bien-fondé d'un droit d'entrée dans les collections nationales surgit en 1896, au moment de la création de la Caisse des musées nationaux, l'ancêtre de la Réunion des musées nationaux. Le premier argument avancé par les partisans de l'instauration du droit d'entrée réside dans l'obligation de développer de nouvelles ressources et pose la question du musée en tant que service public. La commission parlementaire chargée d'instruire le dossier réalise une enquête auprès des musées européens qui, pour la plupart, percevaient alors des droits et appliquaient la gratuité le dimanche.

De longs débats parlementaires s'ensuivent, opposant violemment - déjà à l'époque ! - les partisans de la gratuité à ceux qui souhaitaient voir appliquer un droit d'entrée. Le fait que l'entrée payante du musée permettrait d'éloigner les vagabonds était souvent évoqué. Devant la Chambre, Clemenceau avait riposté à cet argument : « Ils regardent avec une douloureuse stupeur les toiles que le hasard a mis devant eux. Laissez rêver les pauvres, ouvrez les portes plus grandes encore si vous pouvez, au lieu de songer à les fermer ! »...

M. Pierre Fauchon. Très bien !

Mme Christine Albanel, ministre. D'autres estimaient que l'État n'avait pas de raison de prendre en charge les loisirs de « la clientèle cosmopolite de l'agence Cook », désignant ainsi les ancêtres des touristes d'aujourd'hui. Ces débats contradictoires, qui ont abouti à de nombreuses mesures de gratuité, vont se poursuivre longtemps, s'ils ne se poursuivent pas encore.

Mais, à l'heure des audits, des études et des enquêtes d'évaluation, il devrait nous être possible de mieux percevoir les enjeux sociaux, économiques et symboliques de ces mesures. À la demande de la direction des musées de France, la DMF, une enquête nationale exhaustive a été conduite en 2004 auprès des 11 173 musées de France, alors qu'une enquête générale a été réalisée par le CREDOC - cela a été rappelé - auprès d'un échantillon de 6 000 Français de plus de 18 ans. Les résultats nous permettent d'aborder la problématique de la tarification des musées, grâce à une meilleure connaissance des pratiques culturelles de nos concitoyens.

La politique tarifaire au sein des musées de France est très variée. À côté de la gratuité totale dans certains musées, une large gamme de tarifs réduits et de gratuités partielles est proposée pour certains types de publics : jeunes, étudiants, scolaires, chômeurs. Il faut préciser aussi que les droits d'entrée des musées de France restent, dans l'ensemble, peu élevés - même si on peut les trouver trop importants -, allant de 3 à 10 euros au maximum, par rapport à d'autres institutions culturelles, notamment celles du spectacle vivant.

La gratuité totale, hors expositions temporaires, concerne 15 % des musées de France, des petits ou moyens musées en général, mais aussi ceux de la Ville de Paris et d'autres collectivités territoriales qui ont instauré la gratuité d'accès à leurs collections permanentes : Bordeaux, Caen, Dijon ou encore le département de l'Isère, par exemple.

La gratuité totale est moins fréquemment appliquée que la gratuité partielle ou ciblée comme, par exemple, un jour par mois, par semaine, pour les enfants ou les jeunes, ou bien encore pour les publics les plus défavorisés. Ainsi, un peu moins d'un musée sur cinq, soit 21 %, offrent un jour de gratuité totale par mois et, à l'opposé, 19 % des musées sont totalement payants et ne proposent aucune formule de gratuité, quels que soient les publics.

Le sujet de la gratuité revêt donc des formes diverses et s'avère, de ce fait, complexe. Les débats sont souvent contradictoires quant aux effets directs et indirects des droits d'entrée sur la fréquentation et l'élargissement des publics, les expériences différant parfois d'un établissement à l'autre et d'un pays à l'autre.

La comparaison avec des musées d'autres pays peut alimenter la discussion à l'échelon international. Les différents orateurs ont mentionné à juste titre les récentes déclarations sur la gratuité des musées britanniques ainsi que l'annonce d'une semaine de gratuité en 2008 pour les grandes institutions culturelles britanniques subventionnées du spectacle vivant, du café-théâtre au Royal Opera House à Londres.

Il faut nuancer l'interprétation des chiffres concernant l'augmentation de la fréquentation liée à la gratuité des musées nationaux britanniques, ainsi que cela a d'ailleurs été souligné par M. Lagauche. Des résultats qui semblaient très performants, avec 83 % d'augmentation de la fréquentation, ne concernaient en fait que cinq musées : le Science Museum, le musée d'histoire naturelle, le musée des sciences et de l'industrie de Manchester, un musée zoologique et le musée national de Liverpool. Les autres musées nationaux britanniques n'ont enregistré qu'une petite augmentation de leur fréquentation de 5 %, voire une diminution de l'ordre de 10 % à 25 %, comme dans le cas de la National Gallery.

Je tenais à rappeler ces éléments pour replacer le débat de la gratuité dans son contexte : la démocratisation de l'accès à la culture est un objectif absolument majeur pour le Gouvernement, et il importe donc de choisir les bons leviers pour attirer de nouveaux publics.

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre avait demandé que soit conduite une expérimentation de la gratuité sur un échantillon d'établissements situés à Paris et dans les régions. Le but était de connaître l'impact réel du prix sur la fréquentation, mais aussi sur la diversification des publics de nos musées : la fréquentation augmente-t-elle dans un contexte de gratuité et, si oui, dans quelle proportion ? La gratuité permet-elle d'attirer de nouveaux publics et, dans l'affirmative, lesquels ?

Pour répondre à ces questions, il fallait définir un échantillon d'établissements qui soit représentatif du paysage muséal français. Ce paysage est très divers et il semble évident que les enjeux de la gratuité ne sont pas les mêmes pour un grand musée national, qui connaît déjà des records de fréquentation et rencontre parfois des problèmes du fait de cette fréquentation, ou pour un établissement plus confidentiel. Il n'était en aucun cas ni possible ni souhaitable d'appliquer arbitrairement la gratuité totale à l'ensemble des musées nationaux.

Deux dispositifs d'expérimentation de l'accès gratuit aux collections permanentes ont donc été conçus : la gratuité totale pour tous dans quatorze musées et monuments nationaux dépendant du ministère de la culture mais aussi d'autres ministères - défense, enseignement supérieur et recherche - et la gratuité pour les jeunes de 18 à 25 ans dans quatre grands établissements parisiens, un soir par semaine, de 18 à 21 heures. Cette expérimentation a débuté le 2 janvier et s'achèvera à la fin du mois de juin. Le suivi journalier de la fréquentation et l'enquête de public ont été confiés à un prestataire extérieur, qui bénéficiera de l'expertise de la direction des musées de France et du département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture.

Le choix des quatorze établissements qui expérimentent la gratuité totale s'est inscrit dans une réflexion d'ensemble sur le pilotage des musées et des monuments nationaux. L'échantillon proposé couvre l'ensemble du territoire - nous en avons, évidemment, informé les élus locaux - et concerne des musées qui attirent une part limitée de visiteurs étrangers ; bien sûr, le problème de la gratuité se pose dans des termes particuliers pour un établissement comme le château de Versailles, par exemple, qui accueille 75 % de visiteurs étrangers. Il traduit aussi la grande variété des collections nationales, qui couvrent un champ chronologique et scientifique large, de la préhistoire, avec le musée d'archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, aux collections contemporaines exposées au château d'Oiron, en passant par le Moyen Âge célébré au musée de Cluny, la Renaissance au musée d'Écouen, sans oublier les souvenirs des sacres royaux au palais du Tau à Reims, ni les trésors de l'Asie exposés au musée Guimet.

Pour répondre à votre interrogation, monsieur le président Valade, nous avons également tenu compte du contexte local, afin de ne pas créer de situation de concurrence déloyale entre les musées d'un même territoire. C'est ainsi que le choix du musée Adrien Dubouchet de Limoges s'explique par le fait que le musée municipal de l'Évêché est déjà gratuit et connaît une fréquentation supérieure à celle de notre musée national. Nous avons retenu le musée Magnin de Dijon pour les mêmes raisons : tous les musées municipaux de la capitale bourguignonne sont, en effet, d'ores et déjà gratuits.

L'autre dispositif concerne l'expérimentation de la gratuité pour les jeunes de 18 à 25 ans dans quatre grands établissements parisiens un soir par semaine : le Centre Georges-Pompidou, le musée du Louvre, le musée d'Orsay et le musée du quai Branly.

Le suivi est assuré en interne par les directions des publics des établissements concernés : une enquête quantitative est mise en place avec les dispositifs de chaque site.

Pour la dimension qualitative, une enquête est lancée en collaboration avec le master « affaires publiques » de l'institut d'études politiques de Paris. Cette dernière étude analysera les effets de la gratuité en termes d'attractivité, d'image, de pratiques, d'effets de transfert d'un équipement à l'autre.

Nous sommes dans le troisième mois de l'expérimentation : les premiers chiffres dont nous disposons confirment déjà la complexité de l'analyse. Pour les mois de janvier et de février, la fréquentation des quatorze établissements qui expérimentent la gratuité totale s'élève à 314 856 visiteurs, soit une progression de 65 % par rapport à l'année dernière. Cependant, on observe une certaine variabilité selon les sites, puisque cette progression varie de 20 % au musée Guimet jusqu'à 345 % au palais Jacques Coeur - mais il est vrai que, dans ce dernier cas, on ne partait pas de chiffres de fréquentation considérables ! (M. Pierre Fauchon s'exclame.)

La progression est supérieure à la moyenne dans tous les sites, musées ou monuments à faible fréquentation - c'est-à-dire inférieure à 10 000 visiteurs en janvier - comme le palais Jacques Coeur, que je viens de citer, ou le musée de la marine de Toulon, qui a vu sa fréquentation augmenter de 204 %. La seule exception est le musée de l'air et de l'espace, musée à forte fréquentation, dont le nombre de visiteurs a augmenté de 139 %.

Au sein même des musées à forte fréquentation, comme le musée national du Moyen Âge et le musée Guimet, la gratuité n'a pas eu les mêmes effets. Le musée national du Moyen Âge progresse de 76 % en février par rapport à février 2007, et le musée Guimet de seulement 16 % pour la même période. L'essentiel de la fréquentation est constitué par les adultes, qui ne sont pas bénéficiaires de la gratuité en temps normal et représentent 65 % des visiteurs, musée Guimet excepté. Viennent ensuite les moins de 18 ans, avec 20 % de la fréquentation - toujours compte non tenu du musée Guimet -, en raison de la présence du musée de l'air et de l'espace dans l'échantillon, les jeunes constituant 54 % de son public. D'une manière générale, les familles et les jeunes de moins de 18 ans sont plus présents le week-end et les scolaires représentent une grande part de la fréquentation de la semaine. On a constaté que les visiteurs sont particulièrement attentifs aux textes et aux cartels, qu'ils restent plus longtemps et que les publics de proximité reviennent plus souvent. Les utilisations d'audio-guides et les demandes de visites-conférences sont en augmentation dans certains lieux, ce qui montre l'intérêt de ce public pour les outils de médiation.

S'agissant des quatre nocturnes gratuites, on a pu noter une forte augmentation - de l'ordre de 46 % à 69 % - de la proportion des visiteurs de 18 à 25 ans sur la fréquentation totale. Il faudra maintenant déterminer précisément la part des jeunes étrangers dans cette fréquentation, ce à quoi s'applique tout particulièrement le musée d'Orsay.

Il semble évidemment prématuré de tirer des conclusions avant la fin de l'expérimentation, car on ne saurait « surinterpréter » un éventuel effet d'aubaine - M. Renar a parlé d'un « effet lune de miel », qu'il a comparé avec ce que serait un mariage sur le long cours - et le phénomène d'engouement des premiers mois. Il est également encore trop tôt pour se prononcer sur la diversification des catégories socioprofessionnelles. Conformément au contrat passé avec le prestataire du suivi de l'expérimentation, le rapport final ne sera rendu qu'à la fin du mois d'août.

Pour répondre aux interrogations du président Valade, je rappelle que ces mesures de gratuité expérimentale ont, bien sûr, un coût direct lié à la perte des recettes de droits d'entrée : le coût total de ces deux dispositifs est de 2,226 millions d'euros auxquels s'ajoutent les 85 000 euros du coût de l'étude. Conformément à l'engagement pris par le Premier ministre, le coût de l'expérimentation fera l'objet d'une compensation financière sur la gestion 2008, qui viendra abonder le budget du ministère de la culture.

Le président Valade le rappelait également, il est vrai que l'on constate parfois, dans certains établissements, des ruptures de partenariat, ou même la défection de certains mécènes, car le musée est jugé moins attractif ou, tout simplement, parce qu'il n'est plus en état d'assurer des prestations particulières en faveur du mécène, dont la gratuité. On a donc vu certains mécènes se retirer, en particulier au musée de Cluny.

Je soulignerai, par ailleurs, que l'augmentation de la fréquentation a évidemment des conséquences sur les conditions d'accueil des publics, cela a été dit, ainsi que sur les conditions de travail des personnels, en particulier sur les sites non rénovés.

L'impact de la gratuité sur le chiffre d'affaires est variable d'un établissement à l'autre. La perte de recettes de billetterie n'est nulle part compensée - c'est intéressant à noter- par une augmentation des recettes annexes, du moins pour l'instant : au musée Guimet, le chiffre d'affaires du restaurant a baissé de plus de 8 %. En règle générale, sur les deux premiers mois, on constate une certaine réduction du panier moyen d'achat des visiteurs dans les boutiques des musées, même sur des petits achats d'impulsion telles les cartes postales, comme si le contexte général de gratuité impliquait que tout doive participer de cette gratuité. Il est évident que cette tendance devra être vérifiée sur les six mois de l'expérimentation.

Tous ces éléments montrent bien que, face à la grande diversité des musées, en termes de budget, de fréquentation, de situation géographique, de structure du public, aucune solution globale ne s'impose.

Je souhaite en fait que, à l'issue de cette expérimentation, nous soyons en mesure de définir une politique des publics ambitieuse et qui déploie un « arsenal » de dispositions tarifaires adaptées, dont l'État maîtrisera l'incidence, les coûts directs et induits.

Je désire pouvoir présenter les grands axes de cette politique à l'automne prochain. De toute façon, il est clair que l'un de ces axes sera de favoriser la fréquentation des musées par les jeunes publics.

Évidemment, toute décision politique a un coût. Vous savez que, à l'occasion de la communication sur l'éducation artistique et culturelle faite en conseil des ministres par M. Xavier Darcos et moi-même le 30 janvier dernier, nous avons décidé d'accorder aux enseignants la gratuité d'accès aux collections permanentes des musées nationaux et monuments nationaux. Cette mesure entrera en vigueur dès la rentrée scolaire de 2008.

On estime que les enseignants, français et étrangers, représentent en réalité de 5 % à 10 % de la fréquentation totale. Cette mesure paraît très importante pour favoriser, précisément, la fréquentation des publics scolaires. Elle fera évidemment l'objet, le moment venu, d'une compensation financière selon des modalités similaires à celles qui ont été arrêtées pour l'expérimentation en cours. On avait évalué, au départ, à 2 millions d'euros le coût de la mesure, mais on pense aujourd'hui qu'il sera certainement très supérieur à ce chiffre.

Si nous attendons de connaître les résultats de l'expérimentation pour en mesurer l'incidence sur la fréquentation et la diversification des publics, nous disposons déjà d'une première évaluation des coûts de trois mesures de gratuité partielles ou ciblées.

Le coût de la gratuité totale de l'accès aux musées nationaux pour les jeunes âgés de 18 ans à 25 ans représenterait de 15 millions à 25 millions d'euros par an.

Le coût de la gratuité des musées nationaux tous les dimanches se situerait dans la même fourchette.

Enfin, le coût annuel de la gratuité totale des musées s'inscrirait, cela a été rappelé, entre 165 millions et 200 millions d'euros. Instaurer cette gratuité supposerait, bien sûr, de revoir radicalement le soutien public aux musées nationaux, car, au-delà de la compensation intégrale des pertes directes de recettes, il faudrait aussi assumer les charges liées au renforcement de la capacité d'accueil du public, de la surveillance et de la maintenance des espaces.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois qu'il est évident, à ce stade - cela a été souligné par les différents orateurs -, que la seule gratuité ne peut avoir un effet important sans un recours à une médiation appropriée et, bien entendu, à l'engagement de personnels formés à ces pratiques et à ces enjeux.

Les musées sont, par excellence, des lieux de transmission des savoirs, et cela fait plus de vingt ans que le métier de médiateur a été introduit dans ces institutions. Je souhaite, d'ailleurs, que nous puissions ouvrir une réflexion sur l'avenir et l'évolution des métiers de l'accueil et de la surveillance.

Toute nouvelle mesure de gratuité doit être accompagnée d'une campagne de communication adaptée, de nouveaux outils de médiation, de la recherche et de l'accompagnement des publics les plus éloignés de la culture et des musées.

Je voudrais rappeler, à cet instant, l'importance du développement des partenariats avec les collectivités territoriales, mais aussi avec l'ensemble des acteurs de la société civile et des acteurs sociaux. J'évoquerai l'exemple des protocoles d'accord et des conventions que nous passons avec les ministères chargés de l'éducation nationale, de la recherche et de l'enseignement supérieur, de la santé, de la justice, du tourisme, ainsi, bien entendu, qu'avec les fédérations d'éducation populaire.

Il est clair que le travail en cours sur la tarification de l'accès aux musées est l'un des aspects majeurs - mais ce n'est pas le seul - de l'insertion des musées de France dans la vie sociale et culturelle de nos concitoyens. Il est également clair que c'est l'un des volets - ce n'est pas non plus le seul - d'une politique générale de démocratisation culturelle que nous appelons de nos voeux et qui va bien au-delà, supposant en particulier la mise en oeuvre d'une politique d'éducation artistique et culturelle forte et adaptée.

Il est évident, en outre, que cette question s'inscrit dans une réflexion générale sur le thème de la gratuité de la culture. Cela a notamment été souligné par MM. Valade, Renar et Lagauche. En effet, nous menons par ailleurs une réflexion sur la lutte contre le piratage et sur le téléchargement, afin de défendre le droit des auteurs, ce qui est aussi une façon de défendre l'emploi culturel. Cela suppose évidemment toute une philosophie. La question de la gratuité des musées est l'un des éléments de la démarche, même si l'on voit bien quelle incidence la gratuité peut avoir sur la fréquentation de ces établissements. Sur ce point, les chiffres sont significatifs.

En tout cas, si nous devions aller vers cette solution, il faudrait affirmer une volonté politique très forte et faire des choix budgétaires à la hauteur des enjeux et des nécessités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec cette question orale.

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Dossier législatif : proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion
Discussion générale (suite)

Contrôle comptable du revenu minimum d'insertion

Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion
Demande de renvoi à la commission (début)

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion d'une proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (nos 212, 235).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Mercier, auteur de la proposition de loi.

M. Michel Mercier. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de présenter au Sénat a, en fin de compte, un objet bien modeste et tout simple.

La loi du 18 décembre 2003 a confié aux conseils généraux le soin d'assurer la gestion du dispositif du revenu minimum d'insertion. Afin de remplir correctement cette mission, ils doivent pouvoir disposer d'un minimum de renseignements. Ne serait-ce que par respect pour les bénéficiaires du RMI, il convient à mon sens de connaître leur situation exacte, de voir où ils en sont, afin de pouvoir dialoguer avec eux et de savoir finalement ce que l'on paie chaque mois au titre de ce dispositif.

La proposition de loi que j'ai déposée a donc simplement pour objet de prévoir que les organismes liquidateurs du RMI, que ce soient les caisses d'allocations familiales ou les caisses de la Mutualité sociale agricole, devront obligatoirement fournir aux départements la liste des allocations versées par eux chaque mois.

Cela n'a rien d'extraordinaire ! Je n'imagine pas que le montant total demandé au conseil général puisse être différent de l'addition des montants des allocations versées aux bénéficiaires du RMI. S'il en était autrement, cela signifierait que l'on ne sait pas ce que l'on paie, mais je suis persuadé que les organismes payeurs font correctement leur travail et que le montant qu'ils demandent aux départements ne résulte que du cumul des allocations individuelles. S'il en allait différemment, la situation deviendrait quelque peu mystérieuse et il serait alors normal que l'on s'interroge.

Je demande donc simplement que les départements puissent disposer de la liste des allocations mensuelles, afin de savoir combien touche chaque allocataire, de pouvoir suivre les bénéficiaires du RMI et dialoguer avec eux. Cela permettra aussi de garantir que les référents, dont la présence est obligatoire, aient quelque chose de concret à faire. Ne pas savoir qui perçoit ou non le RMI pose un certain nombre de problèmes.

Dans le département que j'ai encore l'honneur d'administrer (Sourires.), nous avons vu, grâce à une action commune de tous les intervenants, le nombre de bénéficiaires du RMI passer en un an et demi de 29 000 à 22 000, ce qui représente une forte diminution.

Cependant, le montant de l'acompte demandé tous les mois par les organismes payeurs n'a diminué que de 4 %. Je sais très bien que l'acompte recouvre, outre le montant des allocations, l'intéressement. Le département du Rhône consacre chaque année 10 millions d'euros à l'intéressement, qui est en quelque sorte l'ancêtre du revenu de solidarité active, le RSA. J'espère, monsieur le haut-commissaire, que vous nous donnerez au moins 10 millions d'euros par an, afin que nous puissions mener à bien la mise en oeuvre du RSA !

À cet égard, j'ai pris connaissance, au travers de la lecture de la presse, de l'appel que vous lancez depuis deux jours à vos collègues. Votre action n'est pas très aisée à conduire, je n'en doute pas, mais comme nous contribuons déjà au financement du dispositif à hauteur de 10 millions d'euros chaque année, je suis bien sûr que vous aurez à coeur de mettre au moins autant d'argent que nous sur la table, sinon cela ne marchera pas. Si vous ne consacrez pas autant de moyens au dispositif que le département, vous ne tiendrez pas vos engagements, mais je suis persuadé que vous vous ferez un devoir de partager équitablement la charge avec nous. Le département du Rhône maintiendra, bien sûr, sa contribution de 10 millions d'euros, mais il attend de votre part un effort équivalent.

Par ailleurs, il faut parler aussi des indus. À ce moment, je me tourne plus particulièrement vers les spécialistes des finances publiques. Dans un département comme le Rhône - je vous prie de m'excuser, mes chers collègues, de le prendre encore une fois en exemple, mais c'est celui que je connais le mieux -, nous devons payer chaque mois 400 000 euros au titre des indus. Cela pose un vrai problème. En effet, c'est tout de même la négation de toutes les règles de la comptabilité publique que de payer ce qui n'est pas dû, en l'occurrence 400 000 euros par mois, soit près de 5 millions d'euros par an, ce qui représente, pour le département, 1,5 point d'impôt. Ce n'est donc pas tout à fait négligeable.

La proposition de loi que j'ai déposée n'a pas d'autre objet que de nous aider à y voir un peu plus clair. Je pense que l'allocation du RMI est due à tous ceux qui sont en situation d'y prétendre. Donner 400 euros par mois à quelqu'un, ce n'est tout de même pas le Pérou ; on ne doit pas « mégoter » sur ce point, les gens qui n'ont rien méritent bien de toucher le RMI. Cela étant, il faut que l'on soit sûr qu'on ne le donne que lorsqu'il est dû.

Dans cette perspective, la mesure que je présente est purement administrative et n'a rien de rare. Dans mon département, les montants en jeu atteignent 10 millions d'euros par mois. Quand on demande au conseil général une telle somme, il faut lui préciser qui en bénéficie, lui fournir la liste des allocataires et des montants perçus, afin qu'il puisse ensuite travailler avec les bénéficiaires et leurs référents, et ne pas être complètement dans le brouillard. En effet, je ne doute pas que les organismes payeurs qui nous demandent 10 millions d'euros par mois sachent à qui ils donnent cet argent. S'ils le savent, ils peuvent nous le dire ; s'ils ne le savent pas, c'est un peu grave !

Telle est, pour l'essentiel, la teneur de la proposition de loi que j'ai élaborée.

Ce texte comporte un autre article, qui peut poser problème : il concerne le croisement des fichiers.

Pendant plusieurs mois, je le rappelle, les caisses d'allocations familiales n'ont pu avoir accès aux fichiers des ASSEDIC, ce qui a entraîné une vaste pagaille. Des personnes n'ont pas perçu le RMI auquel elles avaient droit et il a fallu procéder à des rappels. Ce qui est grave dans cette affaire, monsieur le haut-commissaire, c'est que des gens qui avaient besoin du RMI ne l'ont pas reçu ; ce qui n'est pas normal, c'est que personne n'a avisé officiellement les présidents des conseils généraux, qui sont responsables de la gestion du dispositif, que le système informatique était quelque peu défaillant.

Cela n'aurait pourtant guère coûté que l'envoi d'un mail aux 101 présidents de conseil général, signalant l'existence du problème et l'impossibilité provisoire d'accéder aux fichiers des ASSEDIC.

Nous avons donc continué à recevoir des factures mensuelles, sans que personne nous avertisse de quoi que ce soit !

Mes chers collègues, la proposition de loi que je soumets à la délibération du Sénat est très simple et ne pose aucune difficulté. Elle n'a ni plus ni moins pour objet que de permettre de déterminer quels sont les bénéficiaires des 10 millions d'euros que l'on nous demande chaque mois de débourser. Notre demande est légitime lorsque l'on sait que cette somme représente, pour un département comme le nôtre, trois points de fiscalité. Cela n'étant tout de même pas négligeable, un peu de rigueur paraît nécessaire.

Je ne doute pas que notre rapporteur saura, bien mieux que moi, convaincre, d'une part, le Sénat d'adopter cette proposition de loi et, d'autre part, M. le haut-commissaire de ne pas craindre ces mesures de clarté qui sont nécessaires pour pouvoir avancer dans le domaine social. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Auguste Cazalet, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion a été déposée par notre collègue Michel Mercier, le 15 février dernier. Elle s'inscrit dans le prolongement de ses travaux antérieurs, puisqu'il a remis deux rapports au nom de l'Observatoire de la décentralisation : le premier, en mai 2005, intitulé Le RMI : d'un transfert de gestion à une décentralisation de responsabilité ; le second, en février 2007, intitulé Financement du RMI : sortir de l'impasse par une plus grande responsabilité sur les dépenses.

Je le rappelle, la gestion du RMI a été transférée aux départements par la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité. Depuis lors, toutes les attributions auparavant partagées entre les préfets et les départements incombent aux seuls présidents de conseils généraux. La charge financière de ces allocations a également été transférée aux départements, qui se sont vu affecter, en contrepartie, une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

Au 31 décembre 2007, on dénombrait en France environ 1,16 million d'allocataires du RMI. Leur nombre a connu une baisse importante au cours de l'année passée, puisqu'il a diminué de 8,3 %.

Le coût du dispositif du RMI demeure toutefois très élevé pour les conseils généraux : en effet, le montant total versé au titre du RMI s'est élevé à environ 6 milliards d'euros en 2007.

Il s'agit donc d'un enjeu budgétaire important pour les départements. À cet égard, l'objet de la proposition de loi paraît totalement légitime, puisqu'elle vise à « permettre aux départements d'exercer pleinement leur rôle », en leur donnant les moyens d'effectuer un contrôle réel sur les dépenses de RMI et en précisant leurs relations avec les caisses d'allocations familiales, les CAF.

Il convient de souligner que ces dernières jouent un rôle essentiel dans la gestion du RMI. En effet, il leur appartient de tenir le fichier des allocataires qui relèvent d'elles et de procéder au versement du RMI aux bénéficiaires.

La qualité des relations entre ces caisses et les services des conseils généraux a donc une importance déterminante, dans la mesure où elle a un impact direct sur la capacité des départements à « piloter » la dépense de RMI. Ces relations entre les conseils généraux et les caisses d'allocations familiales sont aujourd'hui encadrées par une série de dispositions législatives et réglementaires. En outre, les conseils généraux ont signé des conventions avec les organismes versant le RMI, qui précisent leurs rapports.

D'après les auditions que j'ai menées, les relations entre les conseils généraux et les caisses d'allocations familiales, qui sont assez complexes, paraissent plutôt bonnes. Toutefois, les conseils généraux peuvent rencontrer certaines difficultés, qui tiennent en particulier à deux éléments : la gestion des indus et la transmission des données de suivi du RMI par les caisses d'allocations familiales.

L'Inspection générale des affaires sociales relève ainsi, dans un récent rapport, que la dispersion de l'information ne permet pas de répondre complètement aux besoins de pilotage exprimés par les conseils généraux.

De même, le recoupement des fichiers des caisses d'allocations familiales et de ceux d'autres administrations publiques est aujourd'hui prévu, mais sa transmission aux présidents de conseils généraux n'est pas obligatoire. La Caisse nationale d'allocations familiales m'a toutefois précisé que les présidents de conseils généraux n'en ont pas été particulièrement demandeurs jusqu'à présent. Elle m'a également fourni la liste des informations transmises par les CAF aux départements, en indiquant qu'elles sont nombreuses.

Selon d'autres sources, il semble cependant que ces informations soient insuffisantes pour permettre un contrôle effectif du département sur la réalité de la dépense. Il semble également qu'elles soient présentées sous une forme difficilement exploitable par les services des conseils généraux.

Au total, il me paraît difficile de porter aujourd'hui un jugement global sur les dispositions législatives nécessaires pour améliorer les relations entre les organismes payeurs et les conseils généraux. En effet, les appréciations émises sur la qualité des informations transmises par les caisses d'allocations familiales aux conseils généraux et, plus largement, sur les relations entre ces deux acteurs sont parfois divergentes.

La seule étude de la réglementation en vigueur ne permet pas de juger de la qualité de ces relations ; celle-ci dépend largement d'éléments pratiques, qui nécessitent une approche de terrain. Or, il ne m'a pas été possible de me rendre dans quelques départements pour examiner la situation, en raison des délais très brefs qui s'imposaient à nous et du contexte spécifique lié aux élections cantonales. J'estime donc que je ne suis pas en mesure d'émettre, à ce stade, des conclusions définitives sur la présente proposition de loi.

Par conséquent, en tant que rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », je souhaite mener une mission de contrôle sur pièces et sur place dans quelques départements, qui me permettra de juger réellement de la qualité des informations transmises par les CAF aux conseils généraux, ainsi que des procédures d'échanges.

Cela devrait nous permettre de trouver les solutions les plus adaptées pour remédier aux difficultés rencontrées par certains départements dans l'exercice de leurs compétences en matière de RMI.

Monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la commission ne souhaite donc pas, à ce stade, déposer de conclusions définitives sur la proposition de loi et entend poursuivre ses travaux, car il s'agit d'un enjeu important pour les conseils généraux.

La discussion très riche intervenue hier en commission a montré toute l'attention que portent les présidents de conseils généraux à ce texte et combien il est nécessaire d'approfondir cette question en se rendant sur le terrain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur Mercier, en introduction à la présentation de votre proposition de loi, vous avez indiqué que son objet était bien modeste. Permettez-moi de vous contredire, car elle cache, en réalité, une grande ambition : faire prendre conscience de la nécessité de réformer un dispositif qui existe depuis bientôt vingt ans, qui a rendu un certain nombre de services, mais qui se trouve aujourd'hui en butte à des interrogations légitimes de la part de ceux qui en bénéficient, de ceux qui le payent et de ceux qui l'animent.

Nous avons un devoir commun, celui de permettre une transformation profonde du dispositif du RMI. Et comme « le diable se cache dans les détails », c'est effectivement en examinant de manière extrêmement précise, mois par mois, les échanges d'informations, la nature des données et les cas individuels que nous pourrons prendre conscience des changements à opérer.

Monsieur le rapporteur, vous avez souligné la nécessité d'aller sur le terrain pour se rendre compte de la situation. Monsieur Mercier, puisque vous m'y avez invité, j'ai eu le plaisir de passer une grande partie de la journée de vendredi dernier avec vous, dans les locaux d'une CAF et des services du conseil général du Rhône, quelques jours après m'être rendu à la CAF de Paris et dans l'ensemble des CAF de la région Poitou-Charentes pour essayer de cerner les problèmes existants.

Votre proposition de loi, je le répète, est ambitieuse, car elle vise deux objectifs. Le premier est partagé par chaque président de conseil général : le payeur veut savoir à quoi sert l'argent qu'il verse, si ceux qui en ont besoin - et seulement eux - en sont bien les destinataires, et il est soucieux de la maîtrise des dépenses publiques.

Le second est de comprendre en quoi les textes actuels sont à l'origine des difficultés, des excès et des allers-retours que vous dénoncez. Il faut donc étudier ces deux points.

Je commencerai par le premier.

Vous avez, à juste titre, évoqué le « démon » que constituent les indus, dont vous avez rappelé l'importance : certaines personnes perçoivent indûment de l'argent, qu'elles doivent rembourser ensuite. S'agit-il de fraudes ? La réponse est non ; les indus sont, en effet, consubstantiels au système.

Je rappelle que le législateur - donc vous, monsieur Mercier - a souhaité que le RMI permette de faire face rapidement à une situation d'urgence. Une personne sans aucune ressource doit se voir octroyer très vite des moyens de subsistance élémentaires, sur présentation de premiers justificatifs. Sa situation est ensuite régularisée sur présentation de justificatifs plus précis.

Le système génère donc lui-même une partie des indus. On peut toutefois considérer qu'il s'agit là de la contrepartie normale de ce dispositif, que la France n'est d'ailleurs pas la seule à avoir mis en place ; d'autres pays européens l'ont également instauré. Je pense que, à terme, l'ensemble des pays européens disposeront d'un revenu minimum.

Il est vrai cependant qu'il arrive que, après examen du dossier de l'allocataire, en raison d'un changement de situation familiale, de la perception d'un salaire ou d'un avantage logement, le montant de l'allocation versé le premier mois doive être réajusté. La somme indûment perçue doit alors être remboursée.

Il me semble néanmoins capital que cet instrument social qu'est le RMI puisse à la fois permettre de faire face à l'urgence et être ajusté le plus précisément possible en fonction de la situation de l'allocataire. C'est une question d'équité.

Il existe une seconde catégorie d'indus, auxquels nous voulons mettre fin ; ils résultent d'une modification de la situation professionnelle de l'allocataire. Lorsqu'il reprend une activité professionnelle, ses ressources trimestrielles sont recalculées de façon rétroactive. Ainsi, le montant de l'allocation versé au titre des deux premiers mois d'un semestre peut-il être trop élevé en raison de la perception par l'allocataire d'un salaire le troisième mois.

Cette situation est totalement délétère. Alors que l'allocataire n'a ni fraudé ni négligé de renvoyer un quelconque papier, alors qu'il a fait exactement ce qu'on lui a demandé de faire, qu'il a repris un travail, parfois juste pour quelques heures, dans le cadre d'un contrat aidé ou de tout autre type de contrat, qu'il bénéficie de la règle de l'intéressement, il est contraint, au moment où lui est versé son premier salaire, de rembourser une somme d'un montant qui lui est parfois équivalent. Il a pourtant respecté toutes les règles !

Je suis persuadé, pour avoir rencontré ce cas de figure très fréquemment - j'ai entendu votre appel sur les contrôles -, que c'est ce qui explique que, un mois ou deux après avoir retrouvé du travail, les gens y renoncent souvent.

Si nous ne sommes pas capables de mettre fin à de telles situations, si nous ne considérons pas qu'il ne faut plus demander aux bénéficiaires des minima sociaux de rembourser, au moment même où ils retrouvent du travail, des sommes que, aux termes de la loi, ils ont indûment perçues, ce système pervers perdura. Le retour au travail ne se fera pas ou sera interrompu.

Vous avez également mis l'accent, monsieur Mercier, sur les différences entre les départements. Le Rhône fait partie de ceux - il y en a d'autres - où la baisse du nombre d'allocataires du RMI est supérieure à la moyenne nationale. Nous nous réjouissons tous que le nombre d'allocataires du RMI commence à diminuer après des années d'augmentation inquiétantes.

Vous vous inquiétez du fait que la baisse du nombre de bénéficiaires du RMI ne s'accompagne pas d'une baisse équivalente des dépenses. Il est normal de s'en émouvoir.

Lorsque l'on examine la situation, comme nous l'avons fait ensemble, on s'aperçoit que si les personnes qui reprennent un travail tout en bénéficiant de l'intéressement - le cumul d'une partie d'une allocation et d'un revenu d'activité - ne sont plus comptabilisées comme bénéficiaires du RMI, l'allocation qu'elles perçoivent reste à la charge du conseil général. Il y a donc un temps de latence. La différence entre les départements s'explique par l'application des lois que vous avez votées. Il existe donc effectivement deux courbes, qui divergent.

Je pense que vous serez d'accord avec moi sur le fait qu'il vaut mieux que les dépenses à la charge du département baissent un peu moins vite et que le nombre de personnes dont une partie des revenus proviennent du travail augmente. Notre objectif commun est, en effet, d'accroître la proportion de celles qui reprennent un travail. On estime aujourd'hui que 15 % des allocataires reprennent un travail dans l'année. Notre but est de doubler ce taux le plus vite possible ; nous pourrons peut-être faire plus. Les premières expérimentations sont prometteuses.

Par ailleurs, on sait également - les statistiques le montrent bien - que le montant moyen du RMI versé par ménage a eu tendance à augmenter, pour des raisons à la fois démographiques, sociales et familiales.

À votre invitation, monsieur Mercier, nous avons regardé d'extrêmement près la différence entre les acomptes qui vous étaient demandés par la CAF et la réalité des dépenses. Je pense que la plus grande partie de cet écart est explicable. C'est la raison pour laquelle je me suis permis de conseiller amicalement que les conditions légales de versement entre le conseil général et la CAF soient honorées, afin que nous puissions avoir un débat de principe sur la transparence des échanges d'informations et sur les indus.

Nous pouvons apporter deux réponses à ces questions.

En premier lieu, nous devons profondément réformer le système pour qu'il soit mieux ajusté aux situations individuelles et qu'il tienne mieux compte des allers-retours entre travail et chômage. Il faut également que le système soit plus incitatif, que le retour au travail soit davantage favorisé et que ce moment soit celui où l'allocataire est le plus soutenu, afin que les revenus du travail soient le socle des ressources de la grande majorité de nos concitoyens.

Il convient que nous revenions aux nombres initiaux des bénéficiaires des différents minima sociaux, qu'il s'agisse du RMI - dont on compte aujourd'hui plus de 1,1 million de bénéficiaires -, de l'allocation parent isolé, l'API, ou de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS. Ces dispositifs ont été conçus pour des nombres de bénéficiaires deux à trois fois moins importants que ceux que nous connaissons aujourd'hui. Un pays comme la France ne peut pas avoir d'objectif moins ambitieux. Nous y consacrons toute notre énergie.

En second lieu, il faut assurer un suivi au plus près des allocataires.

J'ai suivi le parcours de l'allocataire du RMI, de l'agent de la CAF, de l'agent du conseil général et de l'agent de l'ANPE. J'ai étudié les relations entre ces différents services publics, entre ces différentes personnes. Il est possible d'aller plus vite, de faire mieux et d'être plus efficace.

Il n'est pas tolérable que, avant de connaître ses droits et ses devoirs, un allocataire du RMI doive passer par sept ou huit institutions différentes et que cela prenne deux ou trois mois. Ces délais peuvent être réduits.

Il n'est pas normal que les procédures administratives pour rapprocher les données soient extrêmement compliquées. Quand on a en face de soi un allocataire du RMI, on doit disposer de tous les outils permettant de répondre à ses besoins et de lui proposer des mesures positives.

Au-delà des réformes des incitations financières, sur lesquelles nous travaillons, nous devons résoudre le problème de la dispersion des guichets et des incompatibilités informatiques. De nombreux efforts ont déjà été faits dans ces domaines. On l'a vu, des croisements de fichiers sont désormais possibles. Ils se font à échéances régulières, avec les fichiers des ASSEDIC par exemple. De tels croisements permettent également de repérer un certain nombre d'indus.

Depuis la décentralisation, les rapprochements entre les CAF et les conseils généraux conduisent, le plus souvent, à des échanges d'informations. En outre, ils permettent des contacts entre les différents acteurs. À cet égard, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse : lorsque, face à un allocataire du RMI, on réunit dans la même pièce le représentant du conseil général, ceux de la CAF, de la caisse primaire d'assurance maladie, du centre communal d'action sociale, de l'ANPE et celui de l'ASSEDIC, afin qu'ils puissent résoudre directement les problèmes de cette personne, ce que l'on observe n'est pas inintéressant du tout.

On observe ainsi qu'il est possible de porter de 50 % ou 60 % à 100 % le taux de contractualisation d'insertion. On observe qu'on peut passer de 25 % de personnes dont les droits ne sont pas ouverts à 100 % de bénéficiaires dont les droits sont ouverts. On observe qu'on peut abaisser le délai moyen de signature des contrats d'insertion de trois mois à quelques jours. On observe qu'on peut parler de droits et de devoirs immédiatement. On observe qu'on peut évoquer l'entrée dans le service public de l'emploi tout de suite et ainsi supprimer trois mois de désespoir. On observe que les agents des différents services publics sont beaucoup plus épanouis parce qu'il est bien plus intéressant pour eux de pouvoir apporter des réponses globales à des personnes que de les renvoyer à la caisse d'à côté. Tels sont les points sur lesquels nous devons travailler.

Au-delà de la question du revenu de solidarité active comme incitation financière, nous devons réfléchir à la manière de simplifier les procédures et les échanges de données.

C'est ce que nous nous sommes efforcés de faire dans le petit Livre vert (M. le haut-commissaire montre le document.). Nous avons soulevé des questions auxquelles nous attendons des réponses de la part des conseils généraux, des CAF et des acteurs de terrain. Il est question non pas d'instituer un système administratif de plus, mais d'apporter une réponse humaine, concrète, précise, évolutive et positive aux problématiques de dépenses que nous rencontrons.

Vous avez dit, monsieur Mercier, qu'il ne fallait pas craindre la clarté. Je pense que vous évoquiez là non pas Cristal, le système informatique des CAF (Sourires), mais la transparence en matière d'échange de données.

J'ai constaté qu'un agent du conseil général pouvait accéder, via le système CAFPRO, aux données de la CAF et connaître ce qui avait été versé le mois précédent à un allocataire. Par ailleurs, j'ai constaté que des états informatiques, certes compliqués, permettant de rendre compte de l'ensemble des dépenses, pouvaient être transmis des uns aux autres.

Enfin, j'ai remarqué que l'amicale et forte pression, monsieur le président du conseil général du Rhône, que vous exercez sur la caisse d'allocations familiales la conduisait à produire plus d'états qu'auparavant. Cela montre qu'un certain nombre de vos demandes étaient totalement justifiées. (Sourires.)

Sans doute serait-il bénéfique également que, lors de l'élaboration des plans de contrôle, les conseils généraux et les CAF, qui, les uns et les autres, ont intérêt à ce que le système soit le plus fluide et le plus précis possible, se mettent d'accord sur le fait qu'avoir accès à l'ensemble des données est une priorité et que cela suppose des conventions d'échange des données qui soient bien faites.

Je me demande, sous l'oeil vigilant du président Jean Arthuis, qui m'a rappelé bien souvent qu'il fallait être économe non seulement des deniers publics, mais également des modifications législatives - vous comprendrez cette interrogation, mesdames, messieurs les sénateurs ! -, s'il est opportun de régler ce problème dès aujourd'hui par le vote d'une disposition législative.

Je n'en suis pas convaincu. J'ai proposé de mettre mes bons offices au service des conseils généraux qui le demanderaient et des CAF qui auraient du mal à fournir ces informations spontanément, afin que les conventions qui ont été passées entre les CAF et les conseils généraux puissent être renforcées et que ces échanges d'informations puissent figurer dans les conventions-types. J'ai, récemment encore, reçu le président-directeur général de la CNAF pour examiner ce sujet.

J'ai bien peur que le fait de modifier par la voie législative le contenu de ces conventions-types n'entraîne la centaine de conseils généraux et les quelque cent vingt-cinq CAF concernés à délibérer sans fin sur la révision desdites conventions au sein de commissions ou de conseils d'administration, alors que, dans certains départements, les informations sont échangées de façon satisfaisante, même si, dans d'autres, au contraire, il est nécessaire de « mettre la pression ».

J'avancerai un second argument pour vous convaincre qu'une réponse autre que législative pourrait être donnée ici, maintenant : nous souhaitons, à neuf mois d'un changement fondamental qui permettra de renvoyer le RMI à ces vingt dernières années et de passer à un autre dispositif, le revenu de solidarité active, opérer une simplification d'une ampleur considérable, puisqu'elle consisterait à fusionner plusieurs minima sociaux ainsi que les différents mécanismes d'intéressement qui viennent d'être évoqués, à simplifier la nature des prestations, à les mettre davantage en adéquation avec les revenus du travail. Peut-être permettra-t-elle de répondre à une question lancinante : les indus doivent-ils être récupérés tous les trois mois ou mensuellement ?

Nous avons un travail administratif de grande envergure à mener, très prenant, très complexe, très ardu, pour parvenir à cette simplification, à cette transparence et à cette clarté que vous appelez de vos voeux, monsieur Mercier.

Je suggère que les propositions que vous avez formulées dans le présent texte soient utilisées lors des travaux préparatoires que j'ai annoncés. J'ai indiqué, dans le Livre vert que j'ai envoyé à tous les parlementaires, que mes collaborateurs et moi-même étions à leur disposition dès maintenant pour travailler très en amont à la fois sur les questions de principe et sur les questions concrètes.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'étudier de très près la situation. Les progrès à réaliser sont considérables, en ce qui concerne tant la conception de ces prestations sociales que les relations entre les différents acteurs qui les versent, les liquident, les attribuent, les contrôlent. Vous nous faites obligation d'apporter des réponses à toutes ces questions, pour que les conseils généraux, qui sont les pivots de cette politique d'insertion, puissent la conduire en étant sûrs que chaque euro dépensé vient non seulement soutenir quelqu'un en difficulté, mais aussi l'aider à faire en sorte que ses revenus dépendent le moins possible de la solidarité et le plus possible de son activité et de son travail.

Mesdames, messieurs les sénateurs, mes collaborateurs et moi-même serons toujours à vos côtés dans cette tâche.

J'écouterai avec beaucoup d'attention ceux d'entre vous qui vont à présent s'exprimer, mais, pour toutes les raisons que je viens d'exposer, je vous suggère d'ores et déjà de reprendre nos réflexions lors de la discussion, que j'espère prochaine, du texte que j'ai évoqué tout à l'heure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Moreigne.

M. Michel Moreigne. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l'examen de cette proposition de loi me donne l'occasion de rappeler que c'est Michel Rocard qui a créé le RMI, en 1988. Vingt ans plus tard, 1 158 000 personnes en bénéficient encore.

C'est le volet « allocation » qui nous occupe aujourd'hui. Il est intéressant de réfléchir, comme l'a fait Michel Mercier, à sa mise en oeuvre.

Sous l'intitulé « Renforcer le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion », il s'agit - si j'ai bien compris ! - de redéfinir les relations existant entre les partenaires du RMI, les conseils généraux, d'une part, et les organismes payeurs que sont les caisses d'allocations familiales et de la mutualité sociale agricole, d'autre part.

Plus de quatre ans après la loi de décentralisation du RMI, ce texte a pour objet de « permettre aux départements d'exercer pleinement leur rôle, en ce qui concerne les dépenses liées au RMI ».

Depuis la décentralisation du RMI, les dépenses liées à sa gestion ont explosé, grevant lourdement les budgets des conseils généraux, sans laisser à ces derniers une grande marge de manoeuvre.

Cependant, si la proposition de loi peut permettre aux conseils généraux de mieux contrôler leurs dépenses, en revanche, elle n'apporte aucune amélioration en matière de gouvernance de ce dispositif. Ce texte ne répond donc que partiellement aux problèmes posés.

Qu'en est-il du problème du contrôle comptable du RMI ? Il est temps de renforcer le rôle des départements dans la gestion du RMI. Mais, est-ce possible ?

À cette fin, Michel Mercier a identifié deux problèmes : d'une part, l'impossibilité pour les départements « d'avoir connaissance de la réalité de la dépense mise à leur charge », et, d'autre part, l'impossibilité pour eux de « pouvoir procéder au contrôle que tout payeur public doit exercer avant de mettre en liquidation une dette ».

Face à ce constat, il est suggéré de répondre, en premier lieu, par un renforcement de l'information du département, et, en second lieu, par une meilleure gestion des indus.

Ainsi, il est proposé, dans l'article 1er, d'abord, d'obliger les organismes payeurs à fournir aux départements, à l'occasion de chaque demande de règlement, tous documents justificatifs du versement du RMI. Ils devront à ce titre préciser les bénéficiaires, les prestations, l'objet de la prestation ainsi que son montant.

Cette disposition permettrait aux conseils généraux d'exercer un contrôle a priori sur les dépenses de RMI et d'obtenir une information au minimum mensuelle sur le nombre de bénéficiaires, puisque le département doit verser mensuellement des acomptes aux organismes payeurs.

Il y est proposé, ensuite, de rendre obligatoire la conclusion d'une convention entre les conseils généraux et les organismes payeurs.

Actuellement, les conseils généraux sont libres de conclure une telle convention, et il semble bien qu'en pratique de nombreux départements ont eu recours à cette possibilité, ce qui est le signe d'un dialogue positif entre ces institutions.

Un décret prévoit, entre autres, que doivent figurer dans ces conventions la liste des compétences que délègue le département à l'organisme payeur ainsi que les modalités financières et de transmission des informations.

L'article 2 de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à rendre obligatoire la signature d'une telle convention dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, et précise également les dispositions qui devront y figurer.

Celles-ci reprennent pour l'essentiel les clauses du décret actuel, à l'exception d'une seule, qui constitue l'objet essentiel de cette proposition de loi : la gestion des indus.

Cette dernière semble, en effet, poser quelques problèmes et peser ainsi sur les relations entre les conseils généraux et les organismes payeurs. L'indu, qui a été défini tout à l'heure brillamment par. Michel Mercier, est effectivement la somme perçue par l'allocataire alors que sa situation ne devrait pas lui permettre d'en bénéficier. Cette somme devient donc -théoriquement - une créance pour la collectivité à l'égard du bénéficiaire.

Selon une étude de la CNAF, en 2005, le coût des indus s'élèverait à 336 millions d'euros, soit plus de 5 % du montant total des allocations versées.

Toujours selon la même étude, les trois quarts de ces indus relèveraient de l'allocataire, essentiellement du fait d'une déclaration tardive, erronée ou même d'un défaut de déclaration. La responsabilité des CAF ne serait, quant à elle, engagée que dans environ 10 % des cas.

S'il semble que, dans un premier temps, les départements n'en aient pas fait une priorité, le recouvrement des indus pèse aujourd'hui sur le budget de certains conseils généraux et, dans un double souci de solidarité envers les plus défavorisés et d'efficacité du système, il apparaît nécessaire de leur donner les moyens de résoudre ce problème.

Actuellement, les départements ne peuvent recouvrir les indus en dessous d'un seuil fixé par décret à 77 euros. Il est suggéré, dans la proposition de loi, de résoudre cette difficulté en renforçant les relations existantes entre la CAF, la MSA et les conseils généraux.

La question de savoir sur qui pèsera la charge financière de ces indus, s'agissant particulièrement de la part gérée par les organismes payeurs, autrement dit lorsque l'allocataire bénéficie toujours du RMI, est ici entièrement posée. La convention pourrait permettre d'y répondre et ainsi d'en limiter le poids pour les conseils généraux.

Néanmoins, le problème des indus ne peut - et ne doit pas - être uniquement imputé aux allocataires. En effet, la multiplicité des procédures informatiques, qui diffèrent d'un partenaire à l'autre, peut entraver le recoupement efficace des informations entre les gestionnaires du RMI et favorise, par conséquent, une telle situation.

C'est la raison pour laquelle des améliorations, au-delà de celles qui sont proposées dans le texte de. Michel Mercier, devraient être apportées.

Les liaisons entre les systèmes d'information des organismes payeurs et ceux des départements doivent être renforcées, afin, notamment, de permettre aux conseils généraux d'avoir une connaissance statistique des indus ainsi que de leurs motifs.

La mise en place de divers groupes de travail, ces derniers temps, a permis - chacun me l'accordera - des avancées importantes.

Bien évidemment, il ne s'agit en aucune manière de procéder à une véritable « chasse aux indus », à une « chasse aux sorcières » ; il s'agit, au contraire, de renforcer, par une gestion plus efficace du RMI, la solidarité sociale au profit de nos concitoyens qui en ont le plus besoin. Telle est la préoccupation que j'ai cru déceler dans les propos de notre collègue Michel Mercier.

Enfin, l'article 3 vise à favoriser une meilleure gestion de ce dispositif en obligeant les organismes payeurs à transmettre tous les mois aux départements les résultats de la confrontation de leurs statistiques avec celles des ASSEDIC et des services fiscaux.

J'insiste sur ce point : la proposition de loi ne tend ici qu'à rendre obligatoire une faculté offerte par la loi, en instaurant un échange d'informations selon une fréquence mensuelle.

Est-ce la seule et la bonne solution ? Dans son rapport publié en 2007, l'Inspection générale des affaires sociales précisait que « si des échanges existent, notamment entre la CAF et différentes institutions (ASSEDIC, CNAM, CNASEA, administration fiscale), leur fréquence est au mieux mensuelle ».

Par ailleurs, les auteurs du rapport préviennent également que « la périodicité mensuelle de cette actualisation est considérée par les départements comme insuffisante pour assurer un suivi optimal des bénéficiaires ».

Je conclurai sur le texte de la proposition de loi qui nous est soumise en affirmant qu'il est aujourd'hui indispensable que les conseils généraux puissent renforcer leur rôle dans la gestion du RMI. Cette nouvelle donne ne pourra se faire sans un repositionnement de l'ensemble de ses partenaires, dont les CAF et la MSA, ce dans un contexte de contrainte budgétaire incontestable pour ces partenaires.

Quid de la gouvernance et du financement de l'action sociale, compte tenu de la réforme prévisible des minima sociaux, monsieur le haut-commissaire ?

Si mes collègues du groupe socialiste et moi-même, nous ne désapprouvons pas les dispositions proposées, il nous semble néanmoins que, dans le texte présenté par Michel Mercier, ne sont pas abordés les problèmes, pour nous essentiels, liés à la décentralisation du RMI en 2003.

Ainsi, n'y sont envisagé ni la gouvernance du RMI, ni le problème récurrent, mais néanmoins crucial, de son financement.

Or la réforme des minima sociaux, annoncée et prévue pour l'automne prochain, avec la généralisation du RSA, imposerait une remise à plat totale du système de gestion et du financement de l'action sociale.

S'agissant de son financement, le RMI, qui, je le rappelle, était initialement financé et géré par l'État, a été entièrement transféré aux conseils généraux par la loi du 18 décembre 2003 votée dans le cadre de l'acte II de la décentralisation.

C'est ici que les choses ne s'améliorent pas et même - oserais-je dire - qu'elles se gâtent ! Vous le savez, mes chers collègues, les conditions de ce transfert sont fortement désavantageuses pour les conseils généraux.

En effet, chacun ici s'en souvient, bien évidemment, la loi de décembre 2003 précise : « Les charges résultant, pour les départements, des transfert et création de compétences réalisés par la présente loi, sont compensées par l'attribution de ressources constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'État ».

Cette attribution a été précisée dans la loi de finances pour 2004, qui prévoit la compensation du transfert du RMI par l'attribution aux départements d'une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Cette compensation a été ajustée au vu des comptes administratifs des départements pour l'année 2004.

Ainsi, le montant définitif de la compensation a été arrêté et approuvé par la Commission consultative d'évaluation des normes, le 9 novembre 2005, à un niveau légèrement supérieur à 4,8 milliards d'euros. Mes chers collègues, tous ces rappels peuvent vous paraître quelque peu fastidieux, mais ils sont à mon sens tout à fait nécessaires.

Or, concomitamment à la dégradation de la situation économique du pays, le nombre des bénéficiaires du RMI a fortement augmenté, entraînant par conséquent une explosion des dépenses. Les contributions des conseils généraux ont été de plus en plus importantes, avec un pic, constaté en 2006, à plus de 6,1 milliards d'euros.

Alors, face à la contestation des départements, le gouvernement de l'époque a été dans l'obligation d'assumer ses responsabilités et a proposé d'abonder le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion à hauteur de 500 millions d'euros par an pendant une durée de trois ans, de 2006 à 2008. Néanmoins, ce geste, appréciable et d'ailleurs apprécié, s'avère toujours insuffisant pour couvrir la totalité des dépenses liées au RMI.

Monsieur le haut-commissaire, la majoration de ce fonds arrivant à son terme au 31 décembre prochain, qu'en sera-t-il du financement du RMI pour l'année 2009 ?

À ce jour, le déficit cumulé mis à la charge des conseils généraux est évalué à plus de 2,5 milliards d'euros par l'Assemblée des départements de France. Sans doute avez-vous les mêmes chiffres, monsieur le haut-commissaire ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Pas tout à fait !

M. Michel Moreigne. Le problème du financement du RMI n'est donc toujours pas réglé. S'agissant du département que j'ai l'honneur de représenter, le déficit, s'il est bien évidemment sans commune mesure avec celui du département du Rhône en ne s'élevant qu'à 1,5 million d'euros, représente tout de même quatre points de fiscalité départementale. Et je suis sûr de ces calculs !

La question reste donc aujourd'hui ouverte, bien qu'elle doive, semble-t-il, être dorénavant appréciée au regard de la réforme des minimas sociaux, qui devrait aboutir à l'automne prochain.

Ce sera alors le problème global de la gouvernance de l'action sociale qui sera posé et qui devra être résolu. Comme l'indique le président de l'Assemblée des départements de France, M. Lebreton, « la question de la prise en charge du surcoût du RSA ne [pourra] être envisagée sans une mise à plat complète et préalable des relations financières entre l'État et les conseils généraux ».

Mes chers collègues, après ces observations, vous comprendrez que le groupe socialiste restera vigilant quant au déroulement des réformes à venir et qu'il ne s'opposera pas à la proposition de loi de M. Mercier, pas plus qu'aux conclusions de M. le rapporteur. Nous tenons tout de même à rappeler ceci : les vieux philosophes nous ont toujours recommandé de nous assurer de la réalité des choses avant d'en trop parler...

Monsieur le rapporteur, c'est ce à quoi vous devrez vous attacher par le biais, si j'ai bien compris, de divers contrôles sur pièces et sur place. Je puis d'ailleurs vous assurer du bon accueil que vous réservera mon département.

Pour finir, je me permettrai d'indiquer tout benoîtement à mon excellent collègue Michel Mercier que les meilleurs avocats sont tout de même ceux qui gagnent les gros procès ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur le banc de la commission.)

MM. François Marc et Michel Mercier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené.

M. Charles Guené. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue Michel Mercier est intéressante, et ce à double titre.

D'une part, elle illustre les enjeux financiers et de gouvernance auxquels sont confrontés les départements dans le cadre de la gestion de leurs dépenses dites « obligatoires », notamment en matière sociale et médico-sociale.

D'autre part, elle met en évidence la disparité des situations dans lesquelles se trouvent les départements, selon leur taille, mais aussi selon les pratiques locales des services de l'État et de la sécurité sociale.

L'enjeu est donc, d'abord, financier.

Le groupe UMP se réjouit de la baisse de 8,3 % du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion en 2007. Cette diminution importante est à mettre en parallèle avec celle du chômage, elle aussi très significative.

Toutefois, comme le souligne notre excellent collègue Auguste Cazalet dans son rapport, le coût du dispositif du RMI reste très élevé pour les conseils généraux. Il a ainsi représenté 6,01 milliards d'euros en 2007.

Les départements sont donc en droit de demander des comptes sur cette charge qui leur a été confiée dans le cadre de la décentralisation et qui représente un poste important de leurs dépenses.

Ils sont en droit d'exiger une bonne gestion et un efficace contrôle de prestations qui, souvent versées de manière indue, deviennent alors difficilement récupérables et peuvent entraîner des coûts supplémentaires, évalués par notre commission des finances à 300 millions d'euros par an pour l'ensemble des départements.

De cet enjeu financier découle celui de la transparence.

Notre collègue  Michel Mercier estime que les départements n'ont pas connaissance de la réalité de la dépense mise à leur charge au titre du RMI.

Cela pose la question des relations entre les conseils généraux et les organismes qui versent des prestations pour le compte des départements, notamment les caisses d'allocations familiales.

Plusieurs rapports, en particulier celui qui a été publié en novembre 2007 par l'Inspection générale des affaires sociales, soulignent que ces relations pourraient être améliorées en matière de transmission des informations entre les CAF et les conseils généraux, d'interopérabilité des systèmes et de gestion des indus.

Dans ce domaine, la transparence doit prévaloir à nos yeux. Il est normal, légitime et indispensable que les départements disposent d'une information précise et actualisée sur les bénéficiaires des prestations, leur objet et leur montant. Le payeur public et, à travers lui, les contribuables doivent pouvoir contrôler la réalité des dépenses engagées et leur bonne affectation aux bénéficiaires véritables.

Nous devons mettre fin à certains dysfonctionnements comptables, sources de versements d'indus et de décalages de trésorerie. Nous devons surtout combattre avec fermeté la fraude et les abus, qui ont pu conduire certains propriétaires de manoirs ou de logements fastueux à bénéficier du RMI. Certes, de tels cas sont évidemment exceptionnels, mais ils ont tout de même bel et bien existé !

Il s'agit pour nous à la fois d'une question de transparence, de bonne gestion et de justice sociale.

Afin de permettre aux départements d'exercer pleinement leur rôle en matière de RMI, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à rendre obligatoire la fourniture de documents justificatifs par les organismes payeurs et la signature d'une convention entre ces organismes et les départements pour définir les obligations de chacune des parties.

Elle prévoit également la transmission aux départements des résultats du croisement des fichiers des caisses d'allocations familiales et de la Mutualité sociale agricole avec ceux des services fiscaux.

Ces propositions nous semblent aller dans le bon sens, celui de la transparence et de la responsabilité.

Elles nous conduisent néanmoins à nous interroger sur leur portée et leur opportunité, compte tenu des disparités de situation observées dans les différents départements.

Ces disparités posent la question de la gouvernance locale et des relations entre les acteurs concernés.

M. le rapporteur souligne que les éléments d'analyse dont il dispose ne lui permettent pas de porter un jugement global sur les dispositions législatives nécessaires pour améliorer les relations entre les organismes payeurs et les conseils généraux. Les informations recueillies par les sénateurs UMP confortent, d'ailleurs, cette analyse.

Dans certains départements, comme le mien - la Haute-Marne -, le Loiret ou les Ardennes, les difficultés semblent limitées. Les relations avec les CAF sont normalisées et les conseils généraux estiment disposer d'une assez bonne information sur les prestations versées et leurs bénéficiaires.

Dans d'autres, comme celui de la Sarthe, cher à notre collègue Roland du Luart, le manque de coordination paraît beaucoup plus important, avec des conséquences significatives pour les conseils généraux en termes de pertes financières et de décalage de trésorerie. Vous avez, d'ailleurs, bien voulu admettre vous-même cette réalité, monsieur le haut-commissaire.

Il existe néanmoins un point de convergence : le besoin d'une véritable information des départements sur les résultats du recoupement des fichiers des caisses d'allocations familiales et de ceux d'autres administrations publiques.

Vous l'avez compris, monsieur le haut-commissaire, il s'agit pour nous, non pas d'instruire ce dossier uniquement à charge par rapport à des procédures qui recouvrent des situations complexes et souvent douloureuses, mais bien d'obtenir une nécessaire information pour mieux accompagner la conduite des politiques en ce domaine.

À ce titre, mon collègue Yves Fréville me rappelait tout à l'heure que nous utilisions très souvent les chiffres du RMI pour le calcul de nombreuses dotations. À cet égard, il importe que ces statistiques soient suffisamment précises...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économique de la nation. Et sincères !

M. Charles Guené. ...pour éviter toute contestation sur le montant de ces dotations.

La communication des résultats d'un tel recoupement est prévue par la loi, mais seulement au président du conseil général et au président de la commission locale d'insertion. Surtout, elle n'est pas obligatoire et semble être mise en oeuvre de manière plus ou moins régulière, rapide et complète selon les départements.

De manière générale, la situation sur le terrain paraît dépendre fortement de la nature des relations nouées localement entre les conseils généraux et les caisses d'allocations familiales. Les conventions qu'ils signent peuvent être très différentes dans leurs contenus et, surtout, dans leurs conditions d'application. La qualité des informations transmises par les CAF paraît parfois insuffisante et peu exploitable.

Les difficultés ne sont donc pas limitées à un ou deux départements.

Un problème de coordination et de gouvernance semble se poser de manière plus générale, même s'il reste difficile à appréhender et, donc, à résoudre de manière législative, compte tenu de la variété des situations, sur lesquelles vous avez bien voulu attirer à juste titre notre attention, monsieur le haut-commissaire.

Aussi, le groupe UMP tient à saluer la qualité de l'analyse du rapporteur, Auguste Cazalet. Il approuve sa volonté d'apporter une expertise supplémentaire avant de présenter ses conclusions et répondra favorablement à la demande formulée en ce sens par la commission des finances.

Il nous paraît, en effet, essentiel que le Sénat légifère dans de bonnes conditions sur un tel sujet. Il représente non seulement des enjeux importants en termes de finances locales, de transparence et de gouvernance, mais est aussi une source d'enseignements pour l'avenir, alors que les réflexions sont en cours sur la généralisation de l'expérimentation du revenu de solidarité active. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Michel Moreigne applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue et ami Thierry Foucaud, qui a eu un empêchement de dernière minute.

Accélérer les réformes, c'est ainsi que certains, au plus haut niveau gouvernemental, ont traduit le message de l'électorat consulté lors des dernières élections municipales et cantonales.

Nous trouvons quelque peu étonnant que l'un des premiers textes que nous ayons à examiner soit une proposition de loi émanant d'un membre éminent de la majorité sénatoriale (M. Michel Mercier s'esclaffe.), dont le contenu est pratiquement d'ordre réglementaire ! On nous demande, en effet, de valider par la voie législative un objet juridique qui aurait presque trouvé sa place dans le cadre d'un décret ministériel, voire d'un simple arrêté !

Dois-je rappeler à nos collègues, notamment au président Mercier, que les conventions liant les départements et les organismes, bien qu'expressément prévues par la loi de décembre 2003 organisant le transfert du RMI aux départements, ont d'abord et avant tout fait l'objet de deux décrets en mars 2004 ? Quelque part, au moins pour cet élément, la proposition de loi qu'il nous propose n'a pas vraiment de caractère législatif et empiète quelque peu sur les limites du pouvoir réglementaire.

Mais là ne réside évidemment pas la question essentielle.

Derrière le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion existe cette obsession permanente selon laquelle le versement des minima sociaux ferait l'objet, de longue date, de fraudes massives qu'il conviendrait de pourchasser sans relâche !

Sur cette question, permettez-moi de citer l'extrait d'un rapport présenté lors d'une réunion d'un conseil général, au cours de laquelle était fait le bilan de l'application du transfert du RMI : « En ce qui concerne les indus, nous avons modifié la situation antérieure à 2004. Aujourd'hui, nous recevons mensuellement un volume d'indus transférés par les organismes payeurs d'environ 300 000 euros. Pour les neuf premiers mois de l'année, cela représente 2,240 millions d'euros. Le taux de recouvrement est extrêmement faible, il s'élève à près de 8 % seulement des indus transférés.

« Le traitement des recours gracieux sollicités par les allocataires : chaque mois, nous recevons entre 100 et 150 demandes de recours gracieux. En 2006, nous avons refusé 845 recours. Par ailleurs, nous examinons néanmoins les propositions de la Banque de France en matière de plan de surendettement et nous sommes prêts à accorder des moratoires de façon régulière.

« Le traitement des recours contentieux : au 1er juillet 2006, pour l'année 2006, nous comptabilisions 1 126 recours en instance. Dans 50 % des cas, le paiement est maintenu. En ce qui concerne les poursuites pénales engagées par le département, le montant des indus frauduleux s'élève, depuis septembre 2004, à 2,6 millions d'euros. Le taux de poursuites pénales est de 42 %. Depuis le début de l'année 2006, vous avez déposé, monsieur le président, 90 plaintes au nom du département. Le montant moyen d'un indu frauduleux est d'environ 15 000 euros ».

Ce conseil général - faut-il le préciser ? - verse chaque année, selon le même rapport, plus de 130 millions d'euros d'allocations.

On mesure l'importance de la fraude décrite dans ce rapport, dont vous avez eu connaissance avant nous, monsieur le président Mercier, puisqu'il s'agit, en l'occurrence, du conseil général du Rhône et d'un rapport d'étape et d'évaluation présenté par l'un des membres éminents de votre majorité départementale, M. Albéric de Lavernée, conseiller général de Perrache !

On comprend bien là ce que vous recherchez avec cette proposition de loi : pourchasser, traquer une prétendue fraude aux allocations (M. Michel Mercier fait un geste de dénégation), qui cache mal le développement exponentiel de la précarité et de la pauvreté dans l'ensemble de nos régions, de nos départements, de nos villes.

Vous avez peut-être 27 000 bénéficiaires du RMI dans votre département, monsieur Mercier, mais vous avez aussi 370 000 foyers non imposables à l'impôt sur le revenu, dont plus de 215 000 déclarent des revenus annuels inférieurs à 7 500 euros !

Cette situation est vécue, monsieur Mercier, par plus de 35 % des foyers fiscaux de Vaulx-en-Velin, près du tiers de ceux de Vénissieux, mais aussi 30 % des résidents du Ier arrondissement de Lyon, près du quart des contribuables du IIe arrondissement, où est élu M. de Lavernée, et même près du tiers des contribuables de Thizy, ville que vous connaissez quelque peu...

Je vous rassure, mon cher collègue : la fraude aux allocations de solidarité est réduite, puisque le chargé de mission « lutte contre la fraude » de la Caisse nationale d'allocations familiales l'estime à 35 millions d'euros par an sur 60 milliards d'euros de prestations servies, soit 0,05 % environ !

Au fond, la précarité et la pauvreté appellent bien d'autres solutions que celle qui est prônée dans cette proposition de loi, consistant à laisser croire que les allocataires de minima sociaux sont tous des fraudeurs en puissance. Il suffit de rapporter le nombre d'allocataires du RMI à celui des personnes non imposables à l'impôt sur le revenu pour constater que, mises à part quelques situations extrêmement peu fréquentes, nombreux sont les allocataires ou les demandeurs potentiels qui ne demandent même pas la moindre allocation !

En vérité, ce n'est pas en entretenant ce climat de suspicion autour des allocataires de revenus sociaux que vous règlerez le douloureux problème de la compensation intégrale des charges transférées aux départements au titre du RMI.

M. Michel Moreigne. Très bien !

M. Gérard Le Cam. Pour cela, monsieur Mercier, mes chers collègues, il existe un autre moyen : rendre à l'État la pleine et entière responsabilité de l'un des éléments importants de sa politique sociale.

Comment ne pas relever, cependant, que les intentions sous-tendant votre proposition semblent, pour une part, d'ores et déjà partagées ? Tel est, notamment, le sens des mesures prises récemment pour « favoriser » le développement du revenu minimal d'activité et exiger des allocataires qu'ils prennent part à une activité, fût-elle très fragmentaire et limitée.

Tels sont les points que nous voulions soulever à l'occasion de cette discussion générale et qui marquent notre opposition à l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Robert Bret. M. Mercier a apprécié !

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. M'étant exprimé longuement tout à l'heure, je serai bref.

J'ai pris note avec attention des différents points qui ont été soulevés au cours de la discussion générale. Je vous confirme que, lorsque nous reviendrons vous présenter la réforme des minima sociaux, nous ne fuirons pas, bien évidemment, le débat sur les relations financières entre l'État et les départements.

C'est dans un climat de très grande confiance que nous avons commencé, avec près de la moitié des conseils généraux, les expérimentations concernant la prise en charge du surcoût du revenu de solidarité active. Nous ferons profiter les départements de 100 % des économies que nous espérons réaliser, car nous nous battons pour favoriser le retour à l'emploi.

J'ai également pris bonne note des questions de principe que vous avez posées, les uns et les autres. Là encore, je réaffirme que le débat est ouvert, avec les exécutifs des conseils généraux comme avec les parlementaires, afin que nous ne laissions pas en suspens ces questions importantes.

Il a été rappelé, dans la dernière intervention, les deux aspects que revêtait cette question. L'aspect de transparence et de bonne gestion des deniers publics n'entre pas en contradiction avec les politiques de lutte contre la pauvreté, qui sont des politiques non pas de contrôle, mais de soutien aux familles défavorisées et, surtout, de retour et d'accès à l'emploi, sans que ceux-ci soient pénalisants.

Ce débat est devant nous. Il faut que nous l'ayons très rapidement si nous voulons être au rendez-vous du début de l'année 2009. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion
Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Arthuis, au nom de la commission des finances, d'une motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (n° 212, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. le président de la commission des finances, auteur de la motion.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, à l'occasion de la première discussion en séance publique de la proposition de loi, déposée par M. le président Mercier et tendant à donner aux conseils généraux des moyens légaux de contrôle du RMI, qui est versé d'ordre et pour compte du conseil général par des caisses d'allocations familiales, des caisses de Mutualité sociale agricole ou, éventuellement, par d'autres prestataires, la question que nous examinons porte sur la reddition de comptes.

Nous devons remercier M. le président Mercier d'avoir posé comme exigence celle de la transparence. C'est en effet parce que, ici ou là, quelques conseils généraux éprouvent des difficultés à se convaincre que le montant mensuellement mis à la disposition du prestataire n'est pas pleinement justifié, que nous devons, à un moment donné, y voir clair. Tel est le sens de cette proposition de loi.

Monsieur le haut-commissaire, nous travaillons ici dans un climat de pleine confiance. Mais il existe un principe fondamental de notre République selon lequel la société peut demander des comptes à tout agent public de son administration. Les caisses d'allocations familiales doivent respecter cette obligation. La confiance en dépend très directement.

Notre rapporteur, Auguste Cazalet, a accompli des diligences dans un contexte délicat, en raison des récentes consultations électorales, notamment cantonales. Il n'a donc pu mener à leur terme ses investigations et a été par conséquent, comme il nous l'a dit, dans l'incapacité de déposer des conclusions. Nous allons donc nous livrer à des investigations complémentaires, car nous disposons de prérogatives de contrôle sur place et sur pièces. Tel est l'engagement pris par M. le rapporteur.

Dans ces conditions, je propose au Sénat, au nom de la commission des finances, une motion de renvoi à la commission. Nous disposerons de quelques semaines pour poursuivre nos investigations. Sans doute M. Cazalet se rendra-t-il, durant cette période, dans le département du Rhône afin d'observer le contenu des documents justificatifs et d'éclairer parfaitement le Sénat à ce sujet.

Si M. Cazalet est en mesure de conclure avant le 13 mai, date de la prochaine séance réservée aux propositions de loi présentées par des sénateurs, nous demanderons à nouveau l'inscription de cette question à l'ordre du jour, en fin de journée, car nous disposerons alors de tous les moyens permettant de l'éclaircir. Ce faisant, nous devrons innover dans l'art de légiférer : il nous faudra, sans doute, le faire d'une main tremblante et éviter toute précipitation.

Ce débat nous a permis d'exprimer nos préoccupations et de poser un certain nombre de questions. Nous allons prendre le temps d'y répondre en nous appuyant sur des observations factuelles et des convictions. Peut-être alors, monsieur le haut-commissaire, parviendrons-nous à vous convaincre qu'il est nécessaire de légiférer, du moins si notre rapporteur parvient à cette conclusion.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland du Luart, pour la motion.

M. Roland du Luart. Je tiens à remercier personnellement Michel Mercier d'avoir déposé cette proposition de loi, ainsi que M. le haut-commissaire pour les propos qu'il a tenus, car tout cela fait avancer les choses et permet de comprendre l'état d'esprit dans lequel nous sommes.

N'en déplaise à mon collègue Gérard Le Cam, je ne partage pas son analyse. En effet, nous sommes comptables de l'argent public et, à ce titre, il est normal que nous disposions de possibilités de contrôle.

À cet égard, la Sarthe est certainement un département exceptionnel. (Sourires.) Le père du RMI, Jean-Claude Boulard, est d'ailleurs sarthois. Le Premier ministre, qui m'a précédé en tant que président du conseil général, m'avait demandé de développer les contrats d'activité

Si je tiens à remercier Michel Mercier, c'est parce que je me trouve dans une situation assez paradoxale. En effet, depuis qu'il est question que cette proposition de loi soit discutée devant la Haute Assemblée, la caisse d'allocations familiales de la Sarthe a annoncé - c'était hier soir - que nous allions trouver une solution à nos problèmes et que nous aurions accès en temps réel, dès la fin du mois de juin, à tous les renseignements que nous demandions depuis des mois. Sans Michel Mercier, nous n'y serions pas parvenus !

Ce que nous recherchons, c'est tout simplement la transparence. Nous ne voulons faire le procès de personne ! Je suis, à cet égard, tout à fait en phase avec les propos tenus par le président Arthuis.

Notre objectif partagé est de mieux réussir le retour au travail en évitant tout recul et toute déchéance. Nous ne voulons pas que les personnes soient rétrogradées par rapport à leur situation antérieure mais, au contraire, qu'elles avancent. Nous sommes donc « mûrs » pour accepter la mise en place du revenu de solidarité active, à condition que nous maîtrisions l'ensemble de nos dépenses sociales.

Dans un département comme le mien, l'ordre de grandeur est à l'heure actuelle de 7 500 bénéficiaires du RMI, ce qui représente une diminution de 8 % en un an. On retrouve d'ailleurs ces chiffres dans d'autres départements. Le coût global du RMI est de 38 millions d'euros et celui des indus de 1 million d'euros, soit un trente-huitième.

Depuis quelques mois, nous avons mis en place une plate-forme d'accueil permettant aux différents partenaires concernés par un dossier d'en discuter. Grâce à ce système, environ 15 % des personnes qui souhaitaient déposer un dossier ne vont pas jusqu'au terme de leur démarche et le retirent, car elles se rendent compte que cette prestation ne correspond pas à ce qu'elles attendaient.

Cette plate-forme permet d'éviter les malentendus et le remboursement ultérieur par les bénéficiaires des aides versées indument. Il est en effet extrêmement difficile, pour des personnes à revenus modestes, d'être obligé de rembourser de tels montants. Nous sommes donc sur la bonne voie.

Je sais gré à Michel Mercier de m'avoir permis de clarifier la situation avec la CAF dans mon département. Sans lui, je n'y serais pas parvenu aussi rapidement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

(La motion est adoptée).

Mme la présidente. En conséquence, le renvoi à la commission est ordonné.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion
Discussion générale (début)

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Lutte contre l'épidémie DE fièvre catarrhale ovine

Discussion d'une question orale avec débat

(Ordre du jour réservé)

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 6 de M. Gérard Bailly à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Gérard Bailly interroge M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les moyens mis en oeuvre pour lutter contre l'épidémie de fièvre catarrhale ovine, ou FCO, aussi appelée maladie de la langue bleue, qui, depuis la fin de l'été, affecte l'Europe du nord-ouest et singulièrement la France.

« Brutalement apparue sous nos latitudes pour la première fois en août 2006, cette maladie vectorielle a connu un nouvel essor, particulièrement virulent, à partir de juillet 2007, touchant de plein fouet les éleveurs d'ovins et de bovins dans une zone géographique désormais très étendue puisqu'elle concerne presque toute l'Allemagne, les États du Benelux, la Suisse et une partie du Royaume-Uni, du Danemark, de la République tchèque ainsi que de la France.

« Dans notre pays, en effet, ce ne sont pas moins de cinquante départements qui sont désormais situés dans la zone dite « réglementée », dont les mouvements de sortie du bétail sont normalement interdits. Les éleveurs et professionnels de la filière sont ainsi confrontés à une situation sanitaire et économique très critique, leur cheptel subissant une morbidité et une mortalité élevées et leur activité des charges financières et des pertes particulièrement pénalisantes.

« Dans ce contexte de crise, il souhaiterait connaître l'état actuel de la diffusion de la maladie et le nombre d'élevages et de têtes de bétail touchés en France, l'estimation des conséquences économiques à en attendre, notamment à l'exportation, les mesures de protection sanitaire adoptées pour lutter contre l'épidémie et celles qui sont envisagées pour prévenir la reprise de l'activité vectorielle l'an prochain, et, enfin, les dispositifs de soutien économique mis en oeuvre cet automne au niveau national comme au plan communautaire, et ceux susceptibles d'être décidés en 2008.

« En outre, il s'interroge sur l'organisation et les moyens qu'il conviendrait de prévoir, associant les États membres, l'Union européenne et les structures professionnelles, pour anticiper ce type de crise sanitaire de grande ampleur dont, à l'avenir, les risques de multiplication, vraisemblablement liés à la globalisation et au réchauffement climatique, ne peuvent pas être écartés. »

La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question.

M. Gérard Bailly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous rassemble aujourd'hui, l'épidémie de fièvre catarrhale ovine et ses conséquences, se trouve au coeur de l'actualité de la filière de l'élevage et des préoccupations de ses professionnels. Aussi suis-je particulièrement heureux que nous puissions en débattre, comme je l'ai souhaité, en séance publique.

L'importance de ce thème m'avait d'ailleurs conduit, en tant que président du groupe d'études de l'élevage, à mener une série d'auditions à l'automne dernier, mais aussi à y accorder une place notable dans le rapport sur l'avenir de la filière ovine que notre collègue François Fortassin et moi-même avons eu le plaisir de voir adopter à l'unanimité par notre commission des affaires économiques voilà quelques semaines.

Je sais, monsieur le ministre, que cette filière vous inquiète autant que nous et je suis heureux que votre collègue irlandaise ait attiré très récemment l'attention du Conseil et de la Commission sur la situation très grave dans laquelle se trouve toute la filière européenne. J'espère que, sous votre présidence, au deuxième semestre, des décisions importantes seront prises en sa faveur.

Avant de vous interroger de façon prospective, monsieur le ministre, et afin que tous nos collègues ici présents aient bien en tête les données du problème, je souhaiterais procéder à quelques rappels sur l'historique de la maladie, ses conséquences sur le cheptel et les mesures prises par les pouvoirs publics pour y faire face, après avoir rappelé également que la Fédération des groupements de défense sanitaire, la FGDS, estime que cette crise est l'une des plus importantes depuis la Seconde Guerre mondiale et, probablement, la plus grave depuis la fin des années soixante.

La fièvre catarrhale ovine, dite aussi maladie de la langue bleue, est une maladie infectieuse, mais non contagieuse, due à un virus transmis essentiellement par des insectes piqueurs et pouvant revêtir vingt-quatre formes sérotypes différentes. Elle touche l'ensemble des ruminants, grands et petits : bovins, ovins et caprins. Issue des zones subtropicales, elle se propage au niveau planétaire du fait du réchauffement climatique et de la globalisation des échanges, notamment des produits de l'élevage. À une échelle plus locale, elle peut s'étendre au gré des vents dominants, progressant d'une trentaine de kilomètres par jour.

Présente depuis quelques années dans les pays du sud de l'Europe, dont la Corse, elle a fait une première apparition à la mi-août 2006 dans le nord du continent, aux Pays-Bas, sous forme du sérotype 8. La Belgique, le Danemark, une partie du Royaume-Uni, l'Allemagne, puis la France sont ensuite touchés dans des proportions variables. Si notre pays est d'abord relativement épargné, il ne résiste pas à l'explosion de l'épizootie de l'été 2007, toujours en provenance du nord de l'Europe, jusqu'à être recouvert presque entièrement. Ainsi, la France compte seulement une demi-douzaine de cas en 2006, 10 000 en 2007 et plus de 18 000 selon les derniers chiffres publiés début mars.

La situation s'est compliquée encore davantage avec l'apparition du sérotype 1 dans les Pyrénées-Atlantiques, en provenance d'Espagne. Notre pays se trouve ainsi « pris en tenailles » entre essentiellement deux types différents du même virus, qui ne peuvent être traités de façon uniforme. En France, en effet, ce sont plus de cinquante départements qui sont désormais situés dans la zone dite « réglementée », dont les mouvements de sortie du bétail sont normalement interdits.

Les éleveurs et professionnels de la filière sont ainsi confrontés à une situation sanitaire et économique très critique.

Or, les conséquences de cette maladie sont dramatiques, quand bien même elle ne remet pas en cause la qualité et le goût de la viande en tant que telle. Sur le plan purement sanitaire, on relève ainsi les symptômes suivants : un affaiblissement général des animaux contaminés, dont les voies respiratoires sont obstruées, ainsi qu'un amaigrissement et des retards de croissance ; une difficulté de reproduction des mâles et des femelles, du fait des conséquences du virus sur la fertilité, de nombreux cas de stérilité et une augmentation significative des avortements ; un accroissement des taux de morbidité et de mortalité.

Sur un plan plus économique, les éleveurs d'ovins, de bovins ou de caprins sont touchés de plein fouet par les effets directs et indirects de la maladie, entraînant des baisses importantes des revenus du fait des baisses de production en lait et en viande. Sont également à signaler une augmentation des charges vétérinaires - visites et traitements -, une chute importante de la fertilité des mâles et une augmentation de la stérilité sur beaucoup d'animaux, une image de marque dépréciée auprès des consommateurs, et, pour nombre d'élevages, une restriction de circulation des animaux à l'intérieur des territoires contaminés. On note, surtout, une restriction des échanges intracommunautaires avec, pour conséquence, des baisses de prix significatives.

Ces échanges se font majoritairement à destination de l'Italie, qui importe 84 % de nos broutards destinés à l'export, et accessoirement, c'est-à-dire pour 13 %, à destination de l'Espagne. Or, depuis le 3 mars, nos partenaires italiens imposent un blocus sur les importations de bovins français non vaccinés contre la fièvre catarrhale et issus de la zone réglementée, soit 80 % de la production hexagonale. Ce sont ainsi 200 000 broutards qui pourraient être privés d'exportation, le temps que le programme national de vaccination se mette en place.

On peut espérer que ces difficultés sont conjoncturelles, même si les mois d'avril et de mai sont parmi les moins dynamiques pour le commerce des bovins. Cependant, elles touchent la filière à un moment où le marché des broutards connaît déjà une baisse structurelle inquiétante. Depuis plusieurs mois, en effet, et indépendamment de l'épidémie de fièvre catarrhale, la demande italienne est en recul sensible, et les cours des broutards sont en retrait. Cette tendance peut être attribuée à une flambée du cours des céréales servant de base à l'alimentation des animaux, à une baisse de la consommation et à une concurrence accrue des viandes importées des pays de l'Est et d'Amérique latine.

La filière ovine n'est pas davantage en situation de faire face à de telles difficultés. Comme nous l'avons mentionné dans le rapport auquel j'ai fait tout à l'heure allusion, celle-ci a en effet vu son cheptel se réduire d'un quart depuis le début des années quatre-vingt, et les revenus de ses producteurs stagner - dans le meilleur des cas - dans les tout derniers rangs des revenus agricoles, notre pays étant donc contraint d'importer plus de la moitié des ovins qu'il consomme, alors que nous avons tant d'espaces...

C'est sur cette espèce ovine que les conséquences sont les plus dramatiques : un taux de mortalité beaucoup plus fort - entre 10% et 50 % du cheptel -, des frais vétérinaires importants et, surtout, un pourcentage d'élevages contaminés beaucoup plus grand que dans le secteur bovin.

Dans un rapport de la chambre d'agriculture des Ardennes - département touché depuis le début de l'épidémie -, on peut lire que 45 % des béliers sont stériles. De plus, les brebis connaissent une baisse de prolificité, laquelle passe de 1,25 agneau par brebis à 0,43 agneau par brebis, soit un manque de 80 agneaux pour 100 brebis. Vous comprendrez alors la vulnérabilité de ces élevages.

Ce rapport montre aussi un impact important sur les élevages « bovins lait ». Les exploitations laitières ardennaises sont, pour les deux tiers, des exploitations mixtes avec des troupeaux allaitants de type naisseur mais, surtout, naisseur engraisseur de boeufs. Les conséquences de la FCO sur le troupeau allaitant s'ajoutent alors à celles qui sont constatées sur le troupeau laitier. Pour beaucoup d'élevages, la chute de production laitière par rapport à l'an passé est significative, voire très importante. Les problèmes du vêlage sont nombreux tant au niveau de la santé des veaux nouveau-nés que de la santé des vaches au niveau génital, puisque l'on recense de nombreuses métrites et rétentions placentaires.

Par ailleurs, les vaches ayant vêlé en fin d'hiver ou au printemps sont, pour la plupart, vides aujourd'hui - jusqu'à 70 %, comme on a pu le constater. Les lots de génisses mis à la reproduction pendant l'été, pour des vêlages au printemps 2008, ont des résultats de reproduction très faibles. De plus, la morbidité des veaux est inquiétante pour la stabilité à venir des troupeaux.

L'impact sur les élevages allaitants risque aussi d'être très lourd. Les cours de la viande semblent peu impactés. Le prix du broutard est, en revanche, en forte baisse - 2 euros au lieu de 2,60 par kilo vif, soit une perte d'environ 200 euros par broutard vendu.

M. Michel Moreigne. C'est vrai !

M. Gérard Bailly. Les broutards doivent être gardés sur les exploitations pendant l'hiver en attendant une éventuelle opportunité commerciale. Il faut donc les loger, ce qui pose un problème de place en bâtiment, et les alimenter. Les foins médiocres et les prix des aliments du bétail qui flambent augmentent les frais liés au stockage des animaux non vendus. Il faut compter un coût de 1,50 euro par jour -  ce qui inclut l'alimentation, plus la litière - et par animal conservé. Les avortements et mortalités de veaux observés cet automne sont autant de veaux non commercialisés en broutards l'année prochaine ou en boeufs, taurillons et génisses de viande, les années suivantes, selon que les systèmes sont naisseurs ou naisseurs engraisseurs.

Face à toutes ces difficultés, les pouvoirs publics ne sont pas restés sans s'activer, en France comme à l'échelon communautaire. Je tiens à vous exprimer, monsieur le ministre, ma reconnaissance pour le souci que vous avez en permanence manifesté sur ce dossier.

La profession agit aussi : ainsi, la FNGDS a mis en place une caisse de solidarité animale où chaque éleveur apportera une cotisation de 0,5 euro par bovin et de 0,10 euro par ovin dans un premier temps afin d'aider les éleveurs les plus touchés.

La Commission européenne a, elle aussi, pris le dossier à bras-le-corps et a consenti à cofinancer à hauteur de 50 % les plans nationaux de vaccination.

Vous-même, monsieur le ministre, avez rapidement saisi l'ampleur du problème et agi en conséquence. À peine nommé, vous avez mis en place, au début de l'été 2007, un plan d'intervention doté d'une enveloppe de 7 millions d'euros, permettant d'indemniser les producteurs dont des animaux sont morts des suites de l'épidémie et avez demandé à l'Europe de relever le plafond de la règle de minimis. Vous avez également lancé un appel d'offres pour la fabrication de 33 millions de vaccins.

La nouvelle vague de contamination vous a poussé à renforcer encore les mesures dans trois directions, d'abord, en accélérant le plan de vaccination. Ainsi seize départements « prioritaires » commencent à être traités contre le sérotype 8, et six autres contre le sérotype 1. D'ici au mois d'août, nous espérons que plus de 33 millions de doses de vaccin seront, comme on nous le dit, disponibles pour traiter 15 millions de bovins et plus de 10 millions de petits ruminants.

Ensuite, vous avez réévalué à la hausse l'indemnisation des éleveurs victimes de l'épidémie à hauteur de 600 euros pour les bovins adultes, 800 euros pour ceux de haute valeur génétique et, respectivement, 100 euros et 150 euros pour les ovins, soit une enveloppe globale de 4 millions d'euros. Vous avez également consenti des facilités de trésorerie pour les éleveurs en sollicitant le fonds d'allégement des charges à hauteur de 3 millions d'euros.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez fait pression pour obtenir un déblocage du débouché commercial indispensable que constitue pour nos producteurs le marché italien. Le jour même de l'activation par l'Italie de la clause de sauvegarde, le 3 mars dernier, vous avez demandé à la Commission européenne de faire respecter le droit communautaire, qui implique une procédure contradictoire menée par cette dernière, et, par conséquent, de lever cette mesure.

Vous avez, en outre, alerté directement les autorités italiennes et, à défaut de réaction de leur part, saisi une nouvelle fois la Commission, le 12 mars dernier, de la même demande.

Finalement, le 19 mars, vous avez saisi la Cour de justice de Luxembourg d'un recours en manquement vis-à-vis des autorités sanitaires italiennes, en application de l'article 227 du traité européen.

Si toutes ces actions sont indéniablement à mettre à votre actif, monsieur le ministre, ce dont je vous remercie, il n'en reste pas moins que de nombreuses questions restent en suspens et continuent d'alimenter l'inquiétude des filières bovine et ovine.

Première question : pouvez-vous nous dire de façon précise quel est l'état actuel de la situation, que ce soit en termes d'animaux et de territoires contaminés, de conséquences sanitaires et économiques, d'avancement des traitements ou de mobilisation financière pour accompagner la filière ?

Deuxième question : sera-t-il possible d'accélérer les procédures afin de minimiser les pertes ?

Cela pourrait se faire de deux façons : soit en vaccinant plus rapidement ou en réduisant le délai de 30 jours entre la première vaccination et le rappel, puis de 60 jours correspondant à la phase « d'acquisition » ; en effet, compte tenu des délais de traitement, nos broutards n'obtiendront leur passeport pour l'Italie que dans trois mois et devront, en attendant, être gardés dans les exploitations, ce qui, comme je l'ai déjà relevé, n'est pas sans coût pour les éleveurs -, soit en obtenant rapidement une décision judiciaire communautaire favorable.

Or la Commission européenne dispose d'un délai de trois mois pour donner son avis sur le recours. Avez-vous des informations plus précises sur les délais dans lesquels les deux institutions européennes impliquées dans cette procédure juridictionnelle se prononceront, et quelles sont les chances de les voir donner raison à votre demande et, plus généralement, à notre pays ?

Troisième question : quand les vaccins seront-ils réellement disponibles ? Selon le calendrier annoncé, 25 000 doses ont été expédiées au début de ce mois ; quand les 175 000 autres le seront-elles ? Serons-nous en mesure de fournir les 33 millions de doses annoncées d'ici à l'été ?

Par ailleurs, ces traitements seront-ils satisfaisants au regard des normes sanitaires en vigueur, notamment européennes ?

Un récent rapport de l'Office alimentaire et vétérinaire européen semble dubitatif sur ce point. Pouvez-vous nous assurer que nous ne risquons rien dans ce domaine ?

Quatrième question : ne pensez-vous pas que priorité doit être donnée, vu le nombre limité de vaccins, à tous les géniteurs mâles, bovins et ovins, dans les centres d'insémination, quand on connaît les conséquences d'une perte de valeur génétique pour nos élevages ?

Par ailleurs, serait-il envisageable de donner aux éleveurs la possibilité de réaliser eux-mêmes les injections vaccinales, tout au moins sur les animaux qu'ils n'envisagent pas de commercialiser, et ce pour faire avancer la vaccination ? Je précise bien qu'il s'agirait d'animaux dont la commercialisation n'est pas envisagée, car, dans le cas contraire, il est logique que le vétérinaire procède à une attestation pour chaque animal.

Cinquième question : quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre, au cas où la situation de blocage avec l'Italie se poursuivrait, afin de gérer au mieux nos contingents de broutards non exportés ?

Je crois savoir que vous avez déjà réfléchi à un plan de soutien à l'engraissement et de maintien des animaux sur les exploitations en vue de les exporter dans un second temps comme animaux semi-finis vers l'Italie et j'aimerais savoir où en sont vos réflexions.

Enfin, sixième et dernière question : de façon plus prospective, quels moyens faudrait-il mobiliser, et selon quel mode d'organisation, pour anticiper ce type de crise sanitaire de grande ampleur dont la récurrence et les conséquences pourraient s'accentuer dans les décennies à venir ?

L'Organisation mondiale de la santé animale, dont nous avons auditionné un représentant, a inscrit la fièvre catarrhale sur la liste des maladies ayant « un grand pouvoir de diffusion, susceptible de s'étendre au-delà des frontières nationales, dont les conséquences socio-économiques ou sanitaires sont graves et dont l'incidence sur le commerce international des animaux et des produits d'origine animale est très importante ».

Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, combien nous sommes attachés à un bouclier sanitaire européen face à la mondialisation des risques. À cet égard, l'Europe doit mettre en place les outils nécessaires pour gérer les risques non seulement sanitaires mais aussi économiques.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques pistes de discussion que je souhaitais tracer, certain que vous ne manquerez pas de les compléter et de les préciser, à l'ouverture d'un débat consacré à un problème très douloureux pour notre filière de l'élevage, qui s'y trouve confrontée pour la deuxième, voire, dans certains départements du nord de notre pays, pour la troisième année consécutive.

Nous avons bon espoir que le blocage avec nos partenaires transalpins se dénoue, car il ne sert l'intérêt ni de l'Italie, dont un tiers de la viande consommée provient de broutards français, ni de notre pays, bien sûr, pour qui il représente un substantiel manque à gagner, et je pense ici plus particulièrement aux territoires de hauts plateaux ou de montagne qui peuvent difficilement se reconvertir vers d'autres productions agricoles, tel que le Massif central.

M. Michel Moreigne. Très bien !

Mme Nathalie Goulet. N'oubliez pas la Normandie !

M. Gérard Bailly. La filière ne demande qu'à être rassurée et se sentir épaulée pour passer ce cap difficile, comme elle en a surmonté d'autres en matière sanitaire ces dernières années.

Tous les éléments que vous pourrez nous apporter en ce sens aujourd'hui, monsieur le ministre, retiendront vivement l'attention non seulement de mes collègues ici présents, mais aussi des éleveurs de l'ensemble de notre pays et de tous les professionnels du secteur.

Sachant votre attachement à cette filière et aux territoires qu'elle met en valeur, je ne doute pas un instant, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de les soutenir, comme vous l'avez déjà fait et comme vous ne manquerez pas de le faire demain, ce dont je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier non seulement notre collègue Gérard Bailly ainsi que M. le président de la commission des affaires économiques, qui ont souhaité que la question de la fièvre catarrhale ovine soit inscrite à l'ordre du jour de notre Haute Assemblée, mais aussi M. le président du Sénat ainsi que M. le président de la commission des finances, qui m'ont permis d'intervenir, et ce en l'absence de conférence des présidents compte tenu de l'interruption de nos travaux en séance publique.

Je souhaitais intervenir dans ce débat, car, en ma qualité de rapporteure spéciale des crédits de la mission « Sécurité sanitaire », au nom de la commission des finances du Sénat, j'ai décidé de mener cette année, en application des dispositions de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, une mission de contrôle budgétaire sur la gestion de la crise de la fièvre catarrhale ovine, ou FCO.

Plusieurs éléments m'ont conduite à retenir ce thème de contrôle pour 2008.

Il s'agit, en premier lieu, de l'ampleur de la crise, qui a été rappelée par notre collègue Gérard Bailly, même si la FCO est sans risque pour l'homme.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, monsieur le ministre, vos services avaient évoqué une « diffusion explosive de la maladie » ; l'adjectif m'avait alors fortement marquée.

Depuis lors, nous avons, au fil des auditions, eu la confirmation que l'épizootie actuelle de FCO sera certainement la plus grande crise sanitaire que la France ait connue depuis celle de la fièvre aphteuse, il y a une cinquantaine d'années, non pas en termes d'épidémiologie, puisqu'il ne s'agit pas d'une maladie contagieuse, mais en termes de rapidité de diffusion et de conséquences économiques, telles qu'elles viennent d'être rappelées.

Il semble même que la FCO soit plus difficile encore à contenir en raison de son mode de propagation - par moucherons - et de l'absence, jusqu'à fort récemment, de moyens de lutte efficaces, je pense notamment aux vaccins.

Le second élément qui m'a incitée à choisir ce thème de contrôle réside dans les sous-budgétisations que connaît ce poste de dépenses.

À cet égard, je tiens à rappeler que, à deux reprises, lors de l'examen des projets de loi de finances respectivement pour 2007 et pour 2008, j'ai attiré l'attention de la Haute Assemblée sur ces risques de sous-budgétisation.

Or, malheureusement, mes craintes se sont révélées fondées, puisqu'un décret d'avance daté du 25 octobre 2007 a été nécessaire pour ouvrir 6,5 millions d'euros supplémentaires et lever la mise en réserve à hauteur de 4,96 millions d'euros sur le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

Quant à 2008, lors de l'examen du projet de loi de finances, vos services, monsieur le ministre, m'ont indiqué, que le montant des crédits inscrits - soit moins de 2 millions d'euros - serait très insuffisant pour faire face à l'épizootie actuelle. Ces mêmes services, que j'ai de nouveau auditionnés depuis, ont fait état d'un besoin de près de 25 millions d'euros !

Dès lors, monsieur le ministre - ce sera ma première question - quand allez-vous, au nom du Gouvernement, solliciter du Parlement l'ouverture de crédits par décret d'avance ou la prochaine levée de la mise en réserve ?

À travers cette mission de contrôle, je souhaite vérifier plusieurs éléments.

Il s'agit, en premier lieu, de l'efficacité opérationnelle des mesures prises par votre ministère pour lutter contre la FCO. Certes, j'ai bien compris que votre plan de vaccination contre le sérotype 8 a été soumis aux délais de fourniture des vaccins, mais l'on peut se poser la question de son efficacité.

En effet, les doses de vaccin risquant d'être insuffisantes, la vaccination sera pratiquée en pleine activité vectorielle et restera donc - compte tenu de la quantité de vaccins disponibles - facultative.

En outre - mes collègues évoqueront sans doute également ce sujet -, je pense que le plan de vaccination que vous avez arrêté créera forcément, en termes territoriaux, des frustrations dans les départements qui ne sont pas déclarés, au premier degré, prioritaires.

M. Michel Moreigne. C'est déjà fait !

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale. Certes, ces départements seront couverts, mais ils ne figureront pas parmi les priorités.

Cela me conduit, monsieur le ministre, à mon deuxième axe de contrôle qui porte, cette fois, sur l'efficacité de l'intervention des structures administratives et, notamment, sur la capacité d'anticipation de votre ministère.

En effet, si l'on se reprend les dates, on s'aperçoit que l'Agence française de sécurité sanitaire de l'alimentation, l'AFSSA, et l'Organisation mondiale de la santé animale, l'OIE, soulignaient dès 2006 la nécessité de réfléchir à un plan de vaccination.

De ce point de vue, l'épizootie de fièvre catarrhale ovine doit, me semble-t-il, monsieur le ministre, vous inciter à tirer les leçons de cette crise et vous inviter à mieux prendre en compte le risque d'émergence sur le territoire européen de maladies qui jusqu'alors étaient présentées comme « exotiques ». Je pense, par exemple, à la fièvre de la vallée du Rift. Un effort sur la recherche en la matière me paraît indispensable, tant il est vrai que nous sommes là non plus dans l'exotisme mais dans l'émergence et, ainsi que cela a été rappelé, dans la mondialisation.

Par ailleurs, la crise de la FCO m'amène à poser une nouvelle fois la question de l'articulation entre les instances chargées de l'évaluation, en l'occurrence l'AFSSA, et celles qui ont en charge la gestion du risque sanitaire, en l'occurrence le pouvoir exécutif, c'est-à-dire le Gouvernement.

Il semble en effet que ces deux pôles d'intervention n'aient pas, s'agissant de la FCO, développé la même philosophie, la même approche.

Ainsi, l'AFSSA, dans sa logique scientifique d'éradication de l'épizootie, s'est placée d'un certain point de vue, alors que, pour votre part, en temps que gestionnaire du risque, monsieur le ministre, vous vous êtes situé dans une stratégie de « gestion de la pénurie » de vaccins et de limitation des conséquences économiques de la crise sur les filières concernées.

Je compte enfin, à l'occasion de ce contrôle, me rendre sur place, dans les départements touchés par la FCO, afin d'apprécier les actions menées par les services déconcentrés de votre ministère. J'en profiterai évidemment pour aborder la question de l'application des principes de la LOLF à cet échelon administratif, suite à la réforme de la cartographie des budgets opérationnels de programme.

Plus généralement, ma mission de contrôle me permettra, pour le compte de la commission des finances - mais j'ai entendu que la commission des affaires économiques partageait cette préoccupation, ce dont je me félicite -d'aborder deux des thèmes que vous vous êtes fixés comme priorités pour 2008, monsieur le ministre.

Je veux parler, d'une part, de la réforme du mode de financement des risques sanitaires, qui devrait reposer sur un cofinancement des pouvoirs publics et des éleveurs et, d'autre part, du renforcement de la coopération sanitaire au niveau européen, point sur lequel je voudrais conclure.

Il m'apparaît, en effet, compte tenu de l'expérience que j'ai pu tirer des contrôles auxquels j'ai procédé concernant la crise de l'influenza aviaire et le dispositif des agences de sécurité sanitaire, que le renforcement de la coopération européenne en matière sanitaire est indispensable pour faire face aux crises telles que celle que nous vivons et qui risquent de se multiplier avec la globalisation des échanges commerciaux et le réchauffement climatique. Le croisement de la mondialisation des échanges commerciaux et du risque climatique est, je le pense, porteur d'un certain nombre de menaces.

Or force est de constater que, face à ce risque de plus en plus identifié, la coopération européenne ne fonctionne pas de manière satisfaisante. Ainsi, les échanges d'informations entre États membres sont difficiles et l'Agence européenne de sécurité des aliments peine à trouver sa place auprès de certaines instances nationales et, plus encore, auprès de la Commission européenne.

Ces deux thèmes sont d'importance et j'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez apaiser nos inquiétudes en nous disant que dans le cadre, d'une part, de la présidence française de l'Union européenne, qui s'ouvrira le 1er juillet prochain, et d'autre part, du « bilan de santé de la PAC », ces questions seront à l'ordre du jour et figureront dans l'agenda européen.

Rassurez-nous sur ce point, monsieur le ministre : je pense que vous êtes en capacité de le faire et vous en remercie par avance ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Moreigne.

M. Michel Moreigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me soit permis tout d'abord de remercier M. Gérard Bailly, auteur de cette question orale avec débat, de la brillante synthèse qu'il nous a présentée.

Monsieur le ministre, vous avez fait paraître le 20 mars dernier un arrêté en version consolidée fixant les mesures techniques et financières de police sanitaire relative à la fièvre catarrhale ovine, soit le sujet qui nous occupe aujourd'hui ; l'annexe de l'arrêté du 21 août 2001 avait d'ailleurs déjà été modifiée par un arrêté du 12 février 2008.

Ce document est d'une lecture fort intéressante. Toutefois, comme l'a déjà souligné M. Gérard Bailly, il laisse nombre de questions en suspens, en particulier s'agissant du dispositif forfaitaire d'indemnisation, dont je vous accorde, monsieur le ministre, qu'il ne constitue pas une mince affaire.

Sur la mortalité des animaux, le dispositif a été vivement critiqué. L'un de nos collègues députés, M. Alain Marty, vous a posé à ce sujet une question orale sans débat, le mardi 8 janvier dernier ; il a souligné, notamment, que le dispositif forfaitaire pour les bêtes mortes ne tenait pas suffisamment compte de la valeur réelle des animaux - je ne reprendrai pas les chiffres qu'il a cités. En outre, M. Gérard Bailly nous a donné tout à l'heure des informations complémentaires très intéressantes. Mais convenez avec moi, monsieur le ministre, que ce dispositif doit encore être précisé.

La morbidité des animaux pose également un problème sérieux, et les questions des éleveurs à ce sujet restent sans réponse. Comment le fonds d'allégement des charges sera-t-il réparti entre les différents départements d'élevage ? Pouvez-nous nous indiquer clairement la ventilation qui en sera faite ? Je n'ignore pas qu'il s'agit d'un point assez délicat, mais il faut faire preuve de clarté.

Les problèmes posés par la FCO, pour aigus qu'ils soient à présent, ne sont pas récents. D'ailleurs, Bernard Piras, André Vantomme et moi-même n'avons pas manqué de vous adresser de nombreuses questions à ce sujet, mais je vous en épargnerai la lecture. Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui la crise fait rage.

J'ai sous les yeux une longue liste de communiqués publiés par la FNSEA (M. Michel Moreigne brandit des documents), dont le premier fut publié le 14 décembre 2006 - cela ne date pas d'hier ! - et tel autre le 6 septembre 2007. Je n'en lirai même pas les titres, mais je vous assure, monsieur le ministre, qu'ils sont préoccupants, surtout quand on suit l'affaire sur la durée. Or, jusqu'à présent, les réponses que vous nous avez apportées nous laissent un peu sur notre faim. J'espère qu'il en ira autrement aujourd'hui.

Je citerai seulement les propos tenus par M. Philippe Monteil, le président de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles, du département que j'ai l'honneur de représenter, c'est-à-dire la Creuse. Il s'agit d'un véritable cri du coeur, qui témoigne de l'inquiétude de ce président de FDSEA.

À cause de cette crise, M. Monteil redoute « l'assassinat programmé de la production bovine française, et creusoise en particulier ». Il ajoute : « Rien n'est fait à ce jour pour sortir les éleveurs de cette impasse. Nous sommes en train de perdre 16 millions d'euros.» J'ignore comment ce chiffre est calculé, mais il ne semble pas inexact, dès lors qu'il a été rappelé tout à l'heure que la perte enregistrée par les éleveurs s'élevait, en moyenne, à 200 euros par broutard.

« Les montants des compensations ne représentent pas plus de 20 euros par exploitation » poursuit M. Monteil. Mes chers collègues, c'est là où le bât blesse ! Aussi, le président de la FDSEA de la Creuse s'emporte et nous interpelle avec une vigueur particulière, qu'en ce qui me concerne je comprends et excuse en grande partie : « Vous n'avez pas honte, vous, les élus politiques ? ». Ici je me suis senti visé, même si j'étais tout de même moins concerné qu'un certain nombre de nos collègues membres de la majorité ! 

Mais je poursuis ma lecture.

« Quand il faut mettre la main à la poche, il n'y a plus personne. Avec le plan de vaccination, là aussi, la colère gronde. Sous prétexte que les vaccins sont arrivés, les élus et les pouvoirs publics pensent qu'on est sorti d'affaire, alors que ce n'est pas du tout le cas. Car il va falloir encore attendre 90 jours pour pouvoir sortir nos animaux. » Du moins si nous avons de la chance et si, grâce à vos efforts, monsieur le ministre, l'Italie le permet !

Je n'insiste pas davantage, car je suis conscient que vous ne pouvez faire l'impossible. En outre, vous nous avez transmis un grand nombre d'informations, à l'occasion de nombreux courriers - ils forment un épais dossier ! -, notamment ceux qui sont datés du 25 février, du 4 mars et du 12 mars derniers. Je tiens à vous en remercier.

Les parlementaires de la Creuse, quelle que soit leur tendance politique, ont été sensibles aux efforts que vous avez déployés pour les informer et dont je vous donne acte. Je salue également la mobilisation du préfet du département, qui a tenu des réunions d'information et nous a associés étroitement afin de résoudre tous les problèmes qui pouvaient être résolus.

Je rappellerai aussi les avertissements qui ont été adressés par la FNSEA tout au long du mois de mars dernier, en particulier au cours de la période éminemment critique qui s'est étendue du 11 mars au 14 mars.

D'ailleurs, monsieur le ministre, le vendredi 14 mars, vous avez annoncé - nouvelle ô combien intéressante ! - que vous envisagiez un plan de maintien des animaux dans les exploitations. Les agriculteurs y ont été très sensibles, mais pouvez-vous nous donner des détails supplémentaires sur ce plan ?

Monsieur le ministre, j'essaye de me mettre à votre place, si j'ose dire, mais je dois avouer que, en ce moment, je préfère ne pas m'y trouver ! (Sourires) Vous le savez, des manifestations importantes se déroulent aujourd'hui même à Paris. J'ai ici des fax (M. Michel Moreigne brandit d'autres documents.), qui évoquent, l'un, une « manifestation des éleveurs de la Loire », l'autre, une « manifestation des éleveurs de bovins devant le ministère de l'agriculture... » - vous avez dû vous en rendre compte ! - « ...pour réclamer la reprise des exportations des animaux non vaccinés vers l'Italie ».

Cette dernière manifestation réunit essentiellement des éleveurs de la Saône-et-Loire. Toutefois, je rappelle que les élevages de la Creuse représentent une part non négligeable du bassin allaitant : le département que j'ai l'honneur de représenter se flatte - une fois n'est pas coutume ! -, de posséder le deuxième ou le troisième cheptel de ce bassin. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je me suis permis, sinon de vous interpeller, du moins de vous adresser ce cri du coeur.

Je tiens à citer un petit texte paru dans la presse.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Une tribune de M. Michel Moreigne ? (Sourires.)

M. Michel Moreigne. Vous êtes bien facétieux, monsieur Arthuis ! (Nouveaux sourires.)

Ce texte, paru dans un journal local auvergnat, évoque le marché au cadran d'Ussel, dont l'activité, naturellement, a beaucoup diminué depuis que l'Italie a fermé ses frontières aux animaux non vaccinés. Un éleveur du canton de Felletin, qui est proche du canton dont je suis l'élu, déclare au journal qu'il n'a pas amené ses broutards au cadran : « Je n'ai pas le choix. Je ne peux pas les vendre. J'ai douze bêtes de plus de cinq cents kilos. »

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce sont de gros broutards !

M. Michel Moreigne. Pourquoi sont-ils gros, monsieur Arthuis ? Parce que l'éleveur n'a pu les vendre et qu'ils ont pris du poids ! Vous qui avez des racines paysannes, vous devez le comprendre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Michel Moreigne. L'éleveur déclare donc : « J'ai douze bêtes de plus de cinq cents kilos qui sont bloquées sur mon exploitation, ce qui entraîne un blocage financier, un surplus de travail pour s'occuper des bêtes non vendues... » - mes chers collègues, ce sont là des évidences mais, je le répète, il s'agit d'un cri du coeur - « ...et un surcoût lié à leur alimentation. Cette situation se rajoute aux augmentations des prix de la paille, des engrais, des céréales. C'est très dur financièrement. De plus, nous n'avons aucune garantie quant aux prix qui seront fixés dans trois mois, quand les premiers broutards vaccinés seront commercialisables. Je pense que pour s'en remettre il faudra au moins deux ans, en comptant le cycle des vaccinations. »

Naturellement, cela ne semble pas considérable vu d'ici, mais telle est la réalité du terrain ! Il faut apporter aux éleveurs les réponses qu'ils attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Barraux.

M. Bernard Barraux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est quelque peu présomptueux d'intervenir après M. Gérard Bailly, qui a réalisé un exposé particulièrement exhaustif. De même, M. Michel Moreigne a parfaitement expliqué la situation des éleveurs ; comme le département de la Creuse qu'il représente se trouve voisin du département de l'Allier dont je suis l'élu, n'attendez rien de nouveau de mon propos, mes chers collègues ! (Sourires.)

Il faut le reconnaître, ceux qui, parmi nos amis éleveurs, parviendront à passer le cap de cette fièvre catarrhale seront immunisés pour le restant de leurs jours contre toutes les catastrophes qui pourront leur tomber sur la tête ! En effet, depuis dix ans, ils auront absolument tout subi. Ils ont été agressés, accusés de tous les maux de la terre, traités de pollueurs, d'empoisonneurs, de massacreurs de la nature, entre autres. Ils ont subi l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine, la grippe aviaire, les fièvres porcines - j'en passe et des meilleures !

Dans presque toutes les situations, ces crises sanitaires ont eu pour origine des contaminations extérieures aux élevages - c'est d'ailleurs cela qui est dramatique : les éleveurs n'y sont pour rien ! - que les mesures d'hygiène et de prévention, appliquées pourtant scrupuleusement par les éleveurs, n'ont jamais permis d'éviter.

Ces risques sanitaires, accentués par l'augmentation des échanges à l'échelle de la planète, deviennent des facteurs prédominants de déstabilisation économique et de déséquilibre des marchés. Les épizooties d'influenza aviaire et de fièvre catarrhale en sont des exemples malheureusement plus que jamais d'actualité.

Particulièrement virulente et géographiquement étendue, la fièvre catarrhale est brutalement apparue depuis le mois de juillet 2006, ainsi que notre collègue Gérard Bailly l'a rappelé. Elle est arrivée par l'Italie du Sud, l'Espagne, la Corse, notamment, où elle était présente depuis un certain nombre d'années.

Cette maladie n'a pas épargné la France métropolitaine : elle est venue d'Afrique du Sud en passant par les Pays-Bas, au cours de l'été 2007. Nous n'avons pas eu de chance : la voilà, elle est bien là. Et nous pouvons vraiment dire que l'ensemble du cheptel français a été touché de plein fouet.

Les chiffres ont été rappelés tout à l'heure. Les miens, qui datent de 2007, sont obsolètes : le 19 octobre 2007, 5 900 cas étaient recensés. Or Gérard Bailly vient de nous apprendre que plus de 18 000 cas étaient actuellement dénombrés. Il est bien difficile aujourd'hui de savoir si certains départements sont épargnés : l'ensemble du territoire semble touché par cette catastrophe.

Toutes les mesures de protection sanitaire ont dû être adoptées dans l'urgence pour lutter contre la diffusion de l'épidémie - elle a, hélas ! continué à se propager -, dans l'attente de l'élaboration d'un vaccin efficace, ce fameux vaccin que tous nous attendons. Il arrive ; il vient, et, de ce point de vue, l'Allier, qui fait partie des départements prioritaires, n'est pas le plus à plaindre. Il n'en reste pas moins qu'il faudra impérativement fabriquer ce vaccin en très grande série.

À chaque crise, l'efficacité des dispositifs de protection et de gestion, indispensables à la maîtrise et à l'éradication de ces maladies, repose sur l'action responsable des éleveurs des zones réglementées et sur leur professionnalisme. Ces professionnels subissent, nous le disons tous, monsieur le ministre, d'insupportables contraintes, qui perturbent complètement les règles habituelles d'organisation de leur exploitation et des marchés, ce qui entraîne les surcoûts que nous savons et des pertes économiques extrêmement importantes.

Les dernières crises sanitaires et la façon dont elles surviennent appellent une nouvelle organisation préventive pour agir avec rapidité et efficacité, pour limiter ainsi les conséquences économiques, tout en assurant les soutiens nécessaires aux éleveurs.

La fièvre catarrhale, qui affecte aujourd'hui non seulement les ruminants domestiques - ovins, caprins et bovins - mais également les ruminants sauvages, a donc un impact sur la commercialisation des produits alimentaires, tels que les viandes, le lait ou leurs dérivés. Cette maladie, comme d'ailleurs la fièvre porcine, provoque de graves perturbations dans le commerce des animaux et de leurs semences ; elle constitue une menace sérieuse pour l'économie de l'élevage français.

Certes, des efforts notables ont déjà été accomplis : il convient de rappeler les différentes mesures qui ont déjà été prises, notamment le montant important des crédits qui ont été réservés dans la loi de finances pour 2008, dans un contexte de forte incertitude sur la potentialité d'une crise. Néanmoins, ces crédits risquent, hélas ! de se révéler insuffisants pour affronter des menaces croissantes de pandémies. En effet, il faut tenir compte de l'évolution rapide, trop rapide de la maladie vers le sud et l'ouest de la France.

La multiplication des épisodes de crise sanitaire nous conduit également à nous interroger sur les missions et le périmètre d'intervention respectifs de l'État et des acteurs économiques. Si la prise en charge sanitaire doit naturellement relever de l'État, en revanche, les coûts économiques induits pour les professionnels en cas de pandémie - je pense à toutes les pertes directes ou indirectes sur le cheptel - sont assumés aujourd'hui par les éleveurs. Or ils devraient l'être par des caisses de solidarité professionnelles, qui restent à inventer.

L'importance de l'impact économique de ces crises sanitaires nous invite à explorer de nouvelles modalités de couverture du risque. Nous devons essayer de réfléchir à la mise en place d'un véritable « plan ORSEC » des crises sanitaires, car, hélas !, depuis un certain nombre d'années, celles-ci nous arrivent toujours au moment où nous nous y attendons le moins.

La mondialisation des risques sanitaires est réelle. C'est pourquoi il est important d'améliorer également la coordination internationale pour la gestion de toutes ces crises, qui reste indissociable d'une meilleure organisation du réseau déconcentré des acteurs de la sécurité sanitaire.

Il est clair que nous devons réaliser des progrès, notamment en matière d'objectifs et d'indicateurs de performance, avec davantage de rigueur, d'exigence, d'ambition, dans un contexte de crise sanitaire qu'il nous faut désormais considérer comme un risque permanent.

Monsieur le ministre, je représente un territoire d'élevage, l'Allier, dans lequel le troupeau allaitant et le troupeau ovin sont très importants. C'est la raison pour laquelle je me permets d'appeler votre attention sur la situation des éleveurs de mon département, qui vivent depuis plus de dix ans des moments extrêmement difficiles, avec toutes les catastrophes qu'ils ont connues. Je comprends d'ailleurs fort bien que mes collègues entreprennent la même démarche pour leur propre département !

M. Bernard Barraux. La fièvre catarrhale touche aujourd'hui les ruminants de presque tous les départements de France, particulièrement l'Allier.

Bien qu'elle n'affecte pas directement la qualité de la viande et n'inspire donc aucune inquiétude pour le consommateur et la population, cette maladie reste néanmoins extrêmement préoccupante pour l'équilibre économique de toute la filière animale. Elle crée une espèce de suspicion auprès de la clientèle, ce qui - cela va sans dire ! - ne permet pas le développement de la consommation.

Le blocage des animaux à l'exportation dans l'Union européenne fut l'une des conséquences indirectes majeures qui a affecté la filière, et un grand nombre d'exploitations agricoles en ont subi les conséquences. Ce problème est particulièrement sensible dans mon département, où se vend une partie importante des productions en animaux maigres et en broutards, notamment à destination de l'Italie.

Depuis le 4 mars 2008, tous les animaux exportés en Italie doivent absolument être vaccinés. Malheureusement, le nombre de vaccins est insuffisant, même si j'ai bien conscience que l'Allier fait partie des départements privilégiés puisqu'il a bénéficié des premiers vaccins, ce dont nous vous sommes infiniment reconnaissants, monsieur le ministre. Mais, ne l'oublions pas : qui dit vaccination dit aussi rappel, puis bilan immunologique. Cela se traduit par une attente de plusieurs semaines avant que les animaux puissent être expédiés.

Qui plus est, nous savons très bien que les raisons prétendument sanitaires qu'invoque actuellement l'Italie lui servent à épargner son propre marché, qui est complètement engorgé et compte des surplus de marchandises considérables. Dans cette circonstance, les risques sanitaires ont bon dos et sont largement exploités par nos amis italiens !

Les risques sanitaires, accentués par l'augmentation des échanges à l'échelle mondiale, deviennent des facteurs prédominants et presque permanents de déstabilisation économique et de déséquilibre des marchés. À l'encéphalopathie spongiforme bovine, ou ESB, l'influenza aviaire, la fièvre porcine et la fièvre catarrhale a succédé un contexte de forte incertitude pour les éleveurs quant à l'avenir de leur profession.

Il est donc plus que nécessaire de soutenir aujourd'hui l'ensemble des filières d'élevage, d'autant que l'augmentation des cours des céréales et des sojas se traduit par une hausse importante du coût de l'alimentation des bétails. Et je ne parle évidemment pas de la facture énergétique, qui est liée, chacun le sait, au cours du baril de pétrole !

Ce renchérissement des coûts de production est une menace extrêmement grave pour nos productions de viande : les éleveurs ne peuvent pas répercuter ces hausses de tarifs sur leurs prix de vente ! Qui plus est, ils sont tributaires d'un marché extrêmement fluctuant, versatile et non maîtrisable.

En outre, la crise que traverse actuellement la filière bovine s'ajoute à une autre crise, qui résulte de la concurrence insensée que nous livrent de grands exportateurs de l'hémisphère austral, pour lesquels le gigot est un vulgaire sous-produit de la laine. Ainsi, dans notre alimentation, cette viande n'a pas la place qu'elle mérite et se voit un peu dévalorisée.

La filière a besoin d'un recentrage des aides sur ses aspects territoriaux et environnementaux, propres à revaloriser l'ensemble de l'élevage bovin, ainsi que d'une adaptation de l'offre à l'évolution des consommateurs.

En conclusion, monsieur le ministre, je vous poserai à mon tour quelques questions.

Premièrement, peut-on raisonnablement espérer avoir un nombre suffisant de vaccins d'ici à la fin de cette année ?

Deuxièmement, les moyens alloués pour lutter efficacement contre la fièvre catarrhale seront-ils revus et réévalués ? D'autres risques seront-ils anticipés afin que puisse être mis en place un processus propre à déclencher plus rapidement toutes les parades contre le développement de ces maladies ?

Troisièmement, quelles dispositions comptez-vous prendre à l'échelon national ou promouvoir à l'échelle européenne pour juguler non seulement cette épizootie mais également tout risque d'épizootie dû aux échanges mondiaux accrus ?

Nous savons bien qu'il n'est point nécessaire d'espérer pour entreprendre. Pourtant, monsieur le ministre, quelques bonnes paroles chargées d'un peu d'espoir nous feraient du bien, à nous et à ceux qui nous attendent dans nos départements ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nathalie Goulet. Il a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plus de vingt ans, la filière ovine européenne a plus que tout autre secteur servi de précurseur à la libéralisation des marchés : Organisation commune des marchés ovine favorisant une guerre économique intracommunautaire ouverte, remise en cause de la préférence communautaire et marché européen offert sur un plateau aux pays producteurs à bas prix, notamment la Nouvelle-Zélande, montants des aides compensatoires largement insuffisants pour pouvoir permettre de dégager un revenu correct de son travail, et j'en passe.

La crise de la filière ovine se trouve aujourd'hui encore aggravée et, avec elle, la situation de nos éleveurs.

La hausse des cours des matières premières et la baisse des prix à la vente amputent gravement les revenus, déjà particulièrement faibles, de cette profession.

Le revenu moyen, toutes primes comprises, des éleveurs ovins français est aujourd'hui le plus bas de tous les agriculteurs. Il est inférieur de moitié au revenu moyen de l'ensemble des exploitants. Ces dix dernières années, la France a perdu 20 000 éleveurs ovins et 1 million de brebis ; elle importe à ce jour 60 % de la viande ovine qu'elle consomme.

À cette situation économique difficile s'ajoute une évolution sanitaire très inquiétante, avec un nombre croissant de cas de fièvre catarrhale ovine recensés.

En 2007, une brochure diffusée par le gouvernement français faisait état, pour la France, de 5 645 foyers notifiés, constitués à 80 % par des foyers bovins, et de 8 438 cas confirmés.

Les conséquences économiques et sociales de cette crise sanitaire, qui aggrave encore les difficultés structurelles de la filière ovine, risquent d'être considérables.

Les éleveurs sont préoccupés par l'avenir du secteur ovin et de sa filière, notamment en ce qui concerne la remise en cause de la production dans des régions difficiles, à la suite de la politique de découplage des aides à la production initiée par la Commission européenne.

Face à cette situation, très grave pour l'élevage, il était nécessaire que les autorités françaises et européennes apportent des éclaircissements sur les actions tant curatives que préventives engagées et prévues.

La question très large de notre collègue Gérard Bailly mais également la multiplication des questions posées sur ce sujet et demeurant parfois sans réponse, aussi bien devant notre assemblée que devant le Parlement européen, témoignent de la mauvaise information des élus du peuple.

C'est pourquoi nous espérons que ce débat sera pour vous, monsieur le ministre, l'occasion d'apporter des réponses précises aux préoccupations de nos éleveurs.

Comme vous le savez, au mois de juillet 2007, la maladie de la langue bleue a touché de plein fouet les éleveurs bovins et ovins dans une zone géographique très étendue : l'Allemagne, les États du Benelux, la Suisse, une partie du Royaume-Uni, du Danemark, de la République tchèque, ainsi que la France.

Le vecteur de cette maladie en Europe a été identifié. Selon un communiqué de l'Organisation mondiale de la santé animale, il s'agit d'un diptère piqueur originaire des zones chaudes, de type culicoïde, qui s'est adapté au climat européen. Vingt-quatre sérotypes viraux différents sont répertoriés dans le monde, ils touchent les ruminants domestiques - ovins, bovins, caprins - mais aussi sauvages. La maladie gagne de nouveaux territoires.

En 2005, alors que la présence de la fièvre catarrhale se limitait, en France, à la seule région corse, le ministre de l'agriculture de l'époque, dans une réponse à une question écrite sur le sujet, rappelait qu'un plan de surveillance et de contrôle renforcé avait été mis en place depuis le mois d'avril 2005 dans les départements à risque du pourtour méditerranéen.

Force est de constater que les mesures prises à l'époque n'ont pas su ou pas pu freiner la progression de la maladie. Or, les conséquences sur l'élevage ne se limitent pas à la perte déjà grave des animaux malades. Les éleveurs ovins, bovins et caprins subissent aussi d'importantes pertes en raison des frais d'intervention des vétérinaires, sans parler des animaux mort-nés ou mal formés.

Aujourd'hui, il apparaît plus que jamais essentiel et urgent de renforcer la surveillance et l'échange d'informations, éléments clefs d'une démarche efficace de lutte contre la fièvre catarrhale ovine, comme le rappelle d'ailleurs le règlement communautaire du 27 octobre 2007.

En outre, selon l'avis du groupe scientifique sur la santé et le bien-être animal de l'Autorité européenne de sécurité des aliments concernant l'origine et l'occurrence de la fièvre catarrhale ovine, il est fondamental que des programmes de surveillance appropriés soient mis en place pour détecter le plus rapidement possible l'occurrence de la maladie. Ainsi, il serait bon que de tels programmes comportent un volet clinique, sérologique et entomologique qui soit appliqué de manière homogène dans tous les États membres. Qu'en est-il d'un tel dispositif de suivi et de surveillance en France ?

Nous nous interrogeons sur les moyens financiers et humains mis en oeuvre par la France afin de répondre aux exigences européennes, d'autant plus que le syndicat unique de la profession vétérinaire a exprimé ses craintes de voir son rôle de sentinelle, en lien avec les éleveurs, négligé par les autorités publiques, fait qui augmentera, prévient-il, le risque pour la santé publique.

En effet, rappelons que les exigences minimales relatives aux programmes de suivi de la fièvre catarrhale devant être appliquées dans les zones réglementées vont du suivi sérologique de plusieurs animaux sentinelles  - ils doivent être testés au moins une fois par mois -, au suivi entomologique, qui consiste en la capture de vecteurs au moyen de pièges permanents et en leur envoi pour analyse aux laboratoires spécialisés.

Par ailleurs, les États doivent faire preuve de vigilance hors des zones réglementées afin d'assurer, en plus de la surveillance clinique passive, une surveillance sérologique et entomologique.

Les analyses susmentionnées ont un coût, et je voudrais obtenir des éclaircissements, monsieur le ministre, plus particulièrement sur le financement des analyses sanguines des animaux. On sait - mais vous ne manquerez pas de le confirmer - que les coûts des analyses pratiquées lors des mouvements d'animaux provenant des périmètres interdits sont pris en charge par l'État. Pouvez-vous nous dire si la Commission entend proposer un cofinancement des tests nécessaires pour prévenir le risque de dissémination de telles infections ?

En ce qui concerne le programme de vaccination, il semblerait que l'Union européenne finance intégralement l'acquisition de quelque 200 millions de doses de vaccins et la moitié des coûts de leur administration aux troupeaux. Le coût moyen d'une dose de vaccin est évalué à 0,5 euro. Les achats des vaccins, s'élevant environ à 100 millions d'euros, seront prélevés sur un fonds vétérinaire européen.

Cette campagne de vaccination sur un an concernerait les toutes dernières souches de cette maladie. Les pays touchés du nord de l'Union européenne - Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, France et Royaume-Uni - seraient concernés en premier lieu par la vaccination, afin d'empêcher l'extension de l'épizootie.

En France, des procédures accélérées d'autorisation de commercialisation des vaccins ont permis les premières vaccinations le 5 mars dernier. Au regard des volumes de productions nécessaires, nous aimerions savoir si l'ensemble du cheptel européen sera vacciné avant le retour, vers le mois de mai, du moucheron vecteur de la maladie.

En ce qui concerne plus particulièrement notre pays, et afin de réduire dans les délais les plus brefs les pertes économiques subies par les éleveurs, le Gouvernement peut-il nous donner des informations précises sur l'ensemble du calendrier des vaccinations ?

Enfin, il est impératif de s'assurer de l'innocuité et de l'efficacité du ou des vaccins. Il semblerait, en effet, que des doutes demeurent quant à la durée exacte de la protection apportée contre l'infection virale. D'autres moyens de prévention et de lutte doivent être envisagés à plus long terme, se fondant sur une meilleure connaissance du virus et de ses vecteurs, ainsi que sur l'expérience acquise dans d'autres régions du monde.

Quant aux impacts commerciaux de la maladie, au moment où les éleveurs français se plaignent, à juste titre, des contraintes auxquelles ils sont assujettis, les pays de l'Union européenne ont décidé d'alléger les règles restreignant le mouvement des animaux vivant dans une zone contaminée par la maladie de la langue bleue. En effet, de nombreux éleveurs français dénoncent les restrictions apportées aux déplacements des animaux, notamment les exportations, principalement vers l'Italie et l'Espagne. La France exporte 100 000 broutards chaque année, pour environ 1 milliard d'euros.

En vertu du code de l'Organisation mondiale de la santé animale, il est interdit d'expédier dans des pays tiers des animaux testés négativement, certificat vétérinaire à l'appui, et originaires de la zone des 20 kilomètres, même si le pays tiers concerné donne son accord. Cet état de fait avait suscité une question écrite d'un parlementaire européen qui demandait quelles raisons motivaient, en vertu de l'article 5 de la décision 2005/393/CE, le maintien d'un accord obligatoire supplémentaire si les tests pratiqués sur la base des critères de l'Union européenne sur les animaux vivants étaient négatifs. Il se posait la question de savoir s'il n'était pas possible de voir dans cette disposition une violation de la libre circulation des marchandises.

Les experts vétérinaires de l'Union européenne ont donné leur accord à un amendement visant à assouplir les règles relatives aux déplacements des animaux.

Selon un communiqué de la Commission européenne, « le texte clarifie les conditions s'appliquant aux mouvements d'animaux à l'intérieur et vers l'extérieur de zones de restriction », où la maladie a été identifiée au niveau européen. Plus précisément, il autorise un léger assouplissement pour les déplacements d'animaux à certaines périodes saisonnières froides durant lesquelles l'insecte qui transmet la maladie est hors d'état de nuire.

Dans sa réponse à la question écrite du 25 janvier 2007 posée au Sénat, le Gouvernement affirmait qu'une avancée de portée générale avait été réalisée en comité spécialisé le 3 octobre 2007 : un nouveau règlement relatif aux mouvements d'animaux des zones réglementées en matière de fièvre catarrhale ovine a été voté. Dans ce nouveau texte, le principe de l'accord du pays de destination pour l'échange d'animaux provenant de zones réglementées a été supprimé. De plus, ont été mises en place des dérogations en vue de la sortie du territoire concerné si un abattage direct a lieu. Depuis le 1er décembre, les animaux de la zone de protection peuvent être abattus dans un abattoir de la zone.

Pourriez-vous confirmer, monsieur le ministre, ces informations ?

Enfin, comme je l'ai déjà indiqué au début de mon intervention et comme l'a rappelé notre collègue Gérard Bailly dans son rapport d'information, revenons à nos moutons. (Sourires.) Ce secteur économique est très fragilisé. Les agriculteurs dont l'élevage constitue l'une des activités principales sont d'autant plus affectés par cette crise sanitaire.

Vous avez annoncé qu'une aide au maintien des veaux et des broutards dans le périmètre de protection a été mise en oeuvre le 2 octobre dernier, dans le cadre d'une enveloppe de 1,5 million d'euros. Il est vrai que ce premier dispositif constitue une indemnisation des pertes pour les éleveurs ayant conservé leurs animaux sur l'exploitation.

Une seconde mesure d'indemnisation a été annoncée ; elle concerne les éleveurs ayant vendu leurs animaux sur un marché perturbé. Les éleveurs des zones réglementées pouvaient prétendre à une indemnisation des pertes de chiffre d'affaires constatées entre le 1er septembre et le 30 novembre 2006 pour des transactions concernant des veaux de huit jours, des broutards, des broutardes et des vaches de race allaitantes. Avez-vous des éléments supplémentaires sur la position arrêtée par la Commission européenne, suite au mémorandum communautaire qui lui a été transmis pour que des mesures exceptionnelles de soutien des marchés bovin et ovin affectés par les restrictions soient cofinancées par l'Union européenne ?

Le Gouvernement peut-il nous indiquer quelles mesures vont être prises pour aider les agriculteurs touchés par ce problème tout en veillant à leur garantir un revenu et à contribuer à éliminer rapidement cette maladie animale ? L'État doit procéder à l'indemnisation des éleveurs concernés par la maladie ou par ses conséquences commerciales. À ce titre, une évaluation précise des incidences économiques particulièrement pour la filière ovine doit être réalisée afin que les éleveurs soient soutenus à la hauteur des préjudices subis. Aussi, monsieur le ministre, et j'en terminerai par là, comment comptez-vous évaluer les pertes subies par la filière et sur quel délai de réaction pouvons-nous compter ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 1er décembre dernier, dans cet hémicycle, Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la mission « Sécurité sanitaire », avait consacré la troisième partie de son rapport à la fièvre catarrhale.

Le Sénat s'était alors montré particulièrement attentif à cette question, à l'état des lieux, comme à l'évolution de la maladie et à ses conséquences économiques.

Dans son rapport écrit, notre collègue rappelait les caractéristiques de la FCO, ses effets sanitaires et économiques sur le cheptel, l'historique de son apparition en Europe et l'état actuel de sa diffusion.

Il avait aussi expliqué comment s'était organisée l'aide aux filières ovine et bovine, depuis la contribution de 6,6 millions d'euros apportée par la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire du bétail, dans le cadre de la solidarité professionnelle, jusqu'au plan de soutien de 13 millions d'euros que vous aviez annoncé vous-même, monsieur le ministre.

Daniel Soulage avait cependant relevé, comme Mme Bricq, une sous-évaluation des besoins, indiquant même que les crédits demandés pour 2008 étaient totalement déconnectés des besoins probables.

Dans votre réponse, monsieur le ministre, vous aviez éclairé le Sénat sur les mesures prises ou envisagées. Il faut reconnaître que vous aviez fait montre, à cette époque, d'un grand sens de l'anticipation, indiquant la saisine de la Commission européenne et l'affectation de 13,5 millions d'euros de soutien immédiat.

À l'approche des beaux jours, nous voilà au coeur de la problématique.

Avec 9,3 % de sa population exerçant une activité dans le secteur agricole, soit trois fois plus que la moyenne nationale, l'Orne est particulièrement sensible aux crises sanitaires. Comme d'autres départements dont nous avons déjà parlé, elle a déjà essuyé de nombreuses crises ces dernières années. Tous les acteurs de la filière viande, les engraisseurs, les abattoirs, les négociants de bestiaux du département, rudement touchés par les précédentes épizooties, sont particulièrement inquiets, et l'artérite équine vient accroître encore leur inquiétude.

Alors que, dans l'Orne, une dizaine de cas de fièvre catarrhale ont été signalés jusqu'à présent, l'ensemble du département se trouve placé en périmètre interdit depuis le 18 octobre 2007. En conséquence, il est demandé aux éleveurs de suivre certaines précautions sanitaires conseillées et de respecter les mesures encadrant les mouvements d'animaux.

Confrontés à des problèmes de fertilité, ces éleveurs voient les coûts vétérinaires qu'ils supportent s'accumuler. Notons, à cet égard, qu'une visite coûte 25 euros, somme à laquelle s'ajoutent les montants des prises de sang et d'un certain nombre de formalités. Jusqu'à présent, ces dépenses ne sont pas prises en charge.

Avec la concentration des animaux dans les bâtiments, les exploitants constatent également une augmentation des pathologies respiratoires et digestives.

La fermeture de la frontière italienne pose encore de nombreux problèmes. Ce point ayant déjà été évoqué, je n'y reviendrai pas plus longuement.

Pour la Coordination rurale, différentes mesures, comme le report de paiement des cotisations à la Mutualité sociale agricole, la mise en oeuvre de prêts à taux zéro, des aides d'urgence à la trésorerie, permettraient de résoudre les problèmes rencontrés par les exploitations. Le syndicat demande également la constitution d'une cellule de crise nationale.

À titre principal, monsieur le ministre, je sollicite une révision du planning de vaccination dressé par votre ministère, de façon que les départements qui connaissent l'activité rurale la plus importante soient protégés par priorité.

Le département de l'Orne organise régulièrement et plusieurs fois par mois de très nombreux comices agricoles. La date prévue pour les vaccinations risque de porter une atteinte irréparable à l'organisation de ces manifestations, qui sont extrêmement importantes pour le maillage des territoires.

Ainsi, le 21 juin aura lieu le comice agricole de la commune de Goulet, à laquelle je suis particulièrement attachée. (Sourires.) Si les vaccinations qui doivent être effectuées au mois de mai ne sont pas réalisées en temps et en heure, les agriculteurs rencontreront un certain nombre de problèmes, à l'intérieur même du département, pour transporter leurs animaux. On a beaucoup parlé des exportations, mais cette dimension intradépartementale du problème ne doit pas être ignorée.

Dans le département de l'Orne, 276 000 animaux sont susceptibles d'être vaccinés. Ce cheptel est bien plus important que celui d'autres départements comptant 80 000 ou 50 000 animaux et qui, cependant, doivent être traités en priorité. Selon moi, la situation devrait être inversée, de façon à garantir tant les manifestations intérieures aux départements concernés que les exportations. Je sollicite par conséquent, monsieur le ministre, votre intervention pour que soit révisé le calendrier des vaccinations.

J'en viens maintenant brièvement aux mesures d'accompagnement.

Vous aviez annoncé, dès le 1er décembre, un plan de soutien et des mesures comme le fonds d'allégement des charges, le dispositif « Agriculteurs en difficulté » de la Mutualité sociale agricole et les fonds de prévention des aléas sanitaires

Vous aviez aussi appelé de vos voeux l'instauration de mécanismes nouveaux de couverture des risques sanitaires.

L'État a déjà fait beaucoup, mais la vaccination restera facultative, son organisation et la facturation aux éleveurs seront traitées dans le cadre des relations habituelles, c'est-à-dire qu'elles resteront à la charge des exploitants.

Or la vaccination est de loin le moyen le plus sûr en cette période de l'année. Il faut donc favoriser cette démarche, sans doute par le biais d'une aide financière.

Il en est de même pour ce qui concerne les insecticides, notamment du Butox. Car il a beaucoup été question des vaccinations, mais il ne faut pas oublier différentes opérations qui, aujourd'hui, ne sont pas prises en compte. Je rappelle en effet que les agriculteurs ont recours à des insecticides, notamment le Butox, produits qui coûtent chers, mais dont ils doivent badigeonner leurs animaux.

Dans quelles conditions les agriculteurs pourraient-ils être aidés pour en supporter le coût ? J'attire également votre attention sur le fait que ces produits seront difficiles à appliquer lorsque les animaux seront dispersés, ce qui est le cas des troupeaux de bêtes allaitantes.

Il est à craindre que les difficultés ne dissuadent les éleveurs de procéder à une vaccination facultative.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur votre projet de mise en place d'un fonds spécifiquement destiné à faire face aux conséquences des aléas sanitaires ? En outre, pourriez-vous communiquer les résultats de votre enquête à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, même si, je vous l'accorde, le programme de celle-ci s'allonge de jour en jour ?

Monsieur le ministre, nous ne doutons pas de votre engagement. À ce titre, je tiens à souligner à quel point votre présence quasi-sédentaire au salon de l'agriculture, en compagnie de l'ensemble de vos collaborateurs, a été appréciée non seulement par les visiteurs, mais également par les élus qui y ont passé du temps. Chacun souhaiterait vous faire part de sa très grande satisfaction non seulement d'avoir pu vous rencontrer mais aussi et surtout d'avoir pu échanger avec vous. À mon sens, cette expérience a été extrêmement heureuse, car elle a montré au public l'image d'un ministre de l'agriculture très mobilisé dans son domaine de compétences. Au nom de tous, je tenais à vous en remercier.

Dans notre bon département de l'Orne, nous n'avons aucun doute quant à votre volonté de gérer la crise sanitaire avec transparence, compétence et pragmatisme. Mais, encore une fois, il faut, me semble-t-il, aider les agriculteurs, qui ont déjà beaucoup souffert, notamment dans ce petit département normand. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais remercier à mon tour notre collègue Gérard Bailly d'avoir interrogé le ministre chargé de l'agriculture sur une épidémie qui préoccupe chaque responsable impliqué dans le domaine agricole.

En effet, apparue en France voilà dix-huit mois, la fièvre catarrhale ovine se propage à une vitesse impressionnante et, surtout, très inquiétante.

Je tiens également à saluer le travail d'information réalisé par les services du ministère de l'agriculture, qui mettent très régulièrement à jour les informations relatives à cette épidémie, notamment sur une page Internet dédiée. Les renseignements recueillis y sont précieux, précis et, surtout, actualisés.

Vous le comprendrez aisément, dans la mesure où un certain nombre de points ont déjà été abordés, je centrerai mon propos sur la situation dans le Sud-Ouest, où les fronts des zones réglementées pour les sérotypes 8 et 1 se rencontreront bientôt.

De telles circonstances posent un problème à la fois sanitaire, pour la protection des élevages face à deux virus différents de la fièvre catarrhale, et économique, face à la campagne de vaccination et à la clause de sauvegarde activée par l'Italie.

La situation est la suivante. Le sérotype 8, dont la présence est plus ancienne sur notre territoire, nous est arrivé par l'Europe du Nord depuis 2006. Sa zone réglementée concerne presque la totalité de la Gironde, le nord du Lot-et-Garonne, le Lot et une petite partie du nord du Tarn-et-Garonne. L'autre sérotype, le 1, nous vient, quant à lui, d'Espagne. Il est apparu en France à l'automne 2007. Pour l'instant, sa zone réglementée est limitée à une partie des départements des Landes et des Pyrénées-Atlantiques.

D'un point de vue sanitaire, les agriculteurs ont désormais, ou auront très prochainement, la possibilité de vacciner leurs élevages contre les deux sérotypes, 8 et 1.

Face au sérotype 8, la vaccination des ovins devrait démarrer en avril et se prolonger au mois de mai dans le Lot-et-Garonne, la Gironde, le Tarn-et-Garonne et l'Aveyron. Elle transformera de fait tout le territoire en zone réglementé, et ce afin de faire barrière à l'avancée du sérotype 8 vers la zone où sévit le sérotype 1.

Face au sérotype 1, le lancement de la vaccination dans les départements des Landes, des Pyrénées-Atlantiques, du Gers et des Hautes-Pyrénées a pour objectif d'en contenir très vite et très fort géographiquement le développement. Il devrait, en application du règlement européen sur la fièvre catarrhale ovine, créer une zone de surveillance au sein de laquelle la vaccination BTV1 serait interdite. Le Lot-et-Garonne en ferait partie.

Ainsi, comme on peut le voir avec cette rapide description des zones de vaccination, une zone franche ou zone tampon sans vaccination serait de fait créée entre les deux zones réglementées. Elle s'étendrait du sud de la Gironde à l'Aveyron, en passant par le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne et, probablement, par une partie de la Haute-Garonne et même de l'Ariège, zone sur laquelle, pour l'instant, les élevages sont naturellement indemnes de fièvre catarrhale.

S'agissant des exportations, depuis le 3 mars, l'Italie exige que les broutards en provenance de zones réglementées soient valablement vaccinés. Comme cela a été évoqué à plusieurs reprises, une telle obligation correspond à une durée d'attente de trois mois avant de pouvoir exporter ces animaux.

En outre, depuis le 15 mars, l'Italie refuse également l'importation d'animaux en provenance des zones non réglementées, donc indemnes de fièvre catarrhale, faute, selon elle, de données épidémiologiques sur ces zones. Cela correspond notamment à la fameuse zone tampon évoquée précédemment et dans laquelle les animaux ne pourront, de fait, pas être vaccinés.

Une partie du Sud-Ouest - je pense notamment à mon département, le Lot-et-Garonne - se trouve donc dans une situation très particulière. Pour le BTV8, la vaccination entraînera le passage de ce territoire en zone réglementée, ce qui occasionnera des retards à l'exportation, comme cela a été souligné. Pour le BTV1, il y aura une zone vaccinée et une zone de surveillance, zone tampon, qui, elle, ne pourra pas exporter vers l'Italie dans les conditions d'exigence actuelles.

Monsieur le ministre, une telle zone de surveillance sera-t-elle véritablement créée ? Pourra-t-on ou non y vacciner les animaux contre le sérotype 1 ?

J'en viens à une autre question, qui est très importante et que vous connaissez bien : les Italiens reviendront-ils sur les conditions d'exportation actuellement mises en place ? Reviendront-ils au droit commun, c'est-à-dire à la possibilité d'importation d'animaux de zones indemnes à partir de tests virologiques ? Je sais que vous avez engagé une action soutenue dans ce domaine. Ses résultats nous intéressent naturellement au premier plan. Aussi, je souhaiterais savoir dans quel délai elle pourrait aboutir.

Au-delà des problèmes sanitaires, ce sont bien des difficultés économiques importantes qui s'annoncent pour les éleveurs.

On peut noter des frais liés à la conservation des broutards dans les exploitations. Ce coût, principalement lié à l'alimentation, peut être estimé, selon les personnes, à 2 euros ou 2,50 euros par animal et par jour.

Monsieur le ministre, la semaine dernière, vous avez évoqué la mise en place d'un plan de maintien des animaux sur les exploitations. Pourriez-vous nous en préciser les axes principaux ?

En outre, d'autres frais sont liés aux tests pour l'exportation. Si l'existence de la zone de surveillance BTV1 ne remet pas purement et simplement en cause la possibilité d'exporter vers l'Italie, il devrait être possible de faire partir les animaux en direction de ce pays 67 jours après la première injection, en faisant un test virologique individuel, dont le prix pourrait être compris entre 20 euros et 30 euros, ce qui reviendrait tout de même moins cher que de conserver les animaux un mois de plus. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer l'état de vos réflexions au sujet d'une telle prise en charge ?

Enfin, même si le coût du vaccin est assumé à 100 % par l'État et celui de l'acte médical à 50 % par l'Union européenne, avec un plafond de 2 euros pour les bovins et de 0,75 euro pour les ovins - une seule injection -, ce mode de prise en charge peut parfois encourager une élévation des prix de l'acte.

De plus, compte tenu du nombre de vaccins aujourd'hui disponibles et de leur répartition, les vétérinaires font actuellement acquitter des frais liés à l'éloignement et au faible nombre d'animaux à vacciner à chaque visite.

En conclusion, vous l'aurez compris, le Sud-Ouest, notamment le Lot-et-Garonne, se trouve à la confluence des deux sérotypes. Il est donc pour partie en zone réglementée avec obligation de vacciner contre le sérotype 8 et en zone tampon avec impossibilité de vacciner contre le sérotype 1. C'est cette contradiction qui m'inquiète, en particulier s'agissant des possibilités d'exportation qui sont offertes aux éleveurs.

Naturellement, empêcher le mélange des sérotypes est une priorité. Mais, en cas de mélange, quelles mesures de sécurité sanitaire êtes-vous en capacité de prendre, monsieur le ministre ? Est-il scientifiquement et financièrement possible d'envisager deux vaccinations, qu'elles soient simultanées ou consécutives ? J'avoue que je l'ignore.

Monsieur le ministre, je connais votre engagement sans faille sur ce dossier, et je vous en remercie vivement. J'espère que vous serez en mesure d'apporter des réponses claires et précises aux questions que nous avons posées aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Madame la présidente, monsieur le ministre, en tant que vétérinaire dans un grand département allaitant - c'est à cet égard, me semble-t-il, le plus grand en superficie et en nombre d'animaux de notre pays -, je souhaite vous apporter mon témoignage local, même si l'essentiel a déjà été souligné, à la fois par mon collègue et ami Gérard Bailly dans son excellent rapport, qui était très complet, et par tous les orateurs qui se sont succédé à cette tribune.

Toutefois, aucun d'entre eux n'était élu de la Bourgogne et du département de la Saône-et-Loire, qui est tout de même tout à fait typique en la matière et qui a ses spécificités. D'ailleurs, de telles particularités renforcent la difficulté de votre mission, monsieur le ministre. En effet, nous avons entendu une élue de l'Orne, puis un élu du Sud-Ouest. Chaque territoire a ses difficultés, qui ne sont pas les mêmes partout. Il faut donc s'adapter à des situations différentes, ce qui n'est pas - je le conçois - toujours évident.

Tout à l'heure, des plans de maintien des animaux sur les exploitations ont été évoqués. Dans le département de la Saône-et-Loire, une telle mesure relève de l'utopie. En effet, nous ne disposons ni des moyens financiers et matériels ni des locaux pour les mettre en oeuvre. Je le rappelle, dans notre département, le cheptel est constitué de 650 000 têtes ! En particulier, nombre de broutards ne sont pas vendus et restent « sur le tapis ». Aujourd'hui, il n'est pas possible de les conserver dans les exploitations. Il faut donc trouver d'autres solutions. Il s'agira très probablement de l'exportation, lorsqu'elle sera rendue possible avec les délais de vaccination. J'y reviendrai dans un instant.

Dans la perspective de la discussion de la présente question orale avec débat, j'ai fait réaliser une étude par la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire selon laquelle la trésorerie des exploitations sera dégradée de 37 millions d'euros si les exportations ne reprennent pas avant le début du mois de juin.

Or, en observant la situation, on s'aperçoit qu'il sera très difficile d'atteindre un tel objectif. En effet, les Italiens demandent - une telle exigence me semble quelque peu démesurée - qu'aucun animal ne soit exporté en direction de leur pays pendant les 50 jours suivant le rappel de vaccination. Or, et je parle en tant que vétérinaire, pendant une telle période, il n'y a aucun risque, puisque le grand mérite de l'injection de rappel est précisément de prolonger la durée de protection, qui existe déjà à ce moment-là. Dans ces conditions, monsieur le ministre, nos amis italiens devraient pouvoir renoncer à une telle exigence sur votre demande, ce qui débloquerait considérablement la situation.

Dans le cas contraire, nous nous retrouverions dans une situation de blocage total des animaux sur le territoire jusqu'au mois de juin prochain, ce qui aurait d'énormes conséquences financières pour les éleveurs et, in fine, pour la nation.

En outre, monsieur le ministre, je souhaiterais moi aussi avoir des précisions sur les doses de vaccins disponibles. D'une manière plus générale, quelle est la situation sur l'ensemble du territoire français ? Par exemple, peut-on envisager que l'ensemble du cheptel, notamment, mais pas seulement, les animaux destinés à être exportés, soit vacciné d'ici à la fin du mois de juin prochain ? D'abord, en avons-nous les moyens en termes de doses de vaccins disponibles ? Et, si oui, cela sera-t-il fait ?

À cet égard, permettez au vétérinaire que je suis un plaidoyer pro domo sur la vaccination des animaux.

Certes, les animaux destinés à l'exportation seront vaccinés par les vétérinaires. En effet, comme il y a une certification à établir, il n'y a aucun problème de ce point de vue.

Toutefois, plusieurs orateurs et M. Gérard Bailly, dans son rapport - c'est d'ailleurs le seul point sur lequel je divergerai avec lui -, ont évoqué la possibilité de fournir les doses aux éleveurs pour qu'ils procèdent eux-mêmes à la vaccination des reproducteurs. Cela peut paraître une solution, et même une solution économique, mais je ne suis pas sûr que ce soit véritablement le cas. Dans de telles circonstances, en effet - je le sais d'expérience, en tant que vétérinaire rural dans une zone d'élevage bien connue - il y a toujours un certain nombre de fraudeurs ou de personnes qui renoncent à remplir leurs obligations devant les difficultés de la tâche.

En effet, il s'agira pour les éleveurs de rentrer le troupeau allaitant, et ce à deux reprises, à 40 jours d'intervalle et en plein été. Comme certains troupeaux allaitants dépassent aujourd'hui 200 ou 250 têtes, de surcroît réparties sur une centaine de pâturages, une telle entreprise est très lourde et particulièrement pénible.

Je vois bien comment certains résoudront le problème. Ils commanderont le vaccin, le paieront, recevront une facture, mais ne l'injecteront jamais. Cela représente un vrai danger, puisque toute vaccination ne repose que sur un matelas sanitaire. Si ce matelas n'est pas parfait, s'il y a des leurres, s'il y a des trous, c'est-à-dire si le vaccin qui a été payé demeure dans le réfrigérateur, les animaux ne seront absolument pas protégés.

Dans ces conditions, il y aura des grands risques de propagation de la maladie, liés non pas au vaccin, mais bien à l'absence de vaccination.

À ce propos, monsieur le ministre, votre ministère a mis en place de longue date - et vous avez maintenu ce dispositif - un système de protection sanitaire exemplaire que le monde nous envie. Je ne le détaillerai pas entièrement, mais je préciserai simplement qu'il repose en grande partie sur un certain nombre de vétérinaires praticiens ruraux - j'étais encore l'un d'eux il n'y a pas si longtemps - chargés d'assurer une veille sanitaire.

Ils assurent cette mission à votre demande et constituent un maillage du territoire qui reste inégalé. Ils interviennent ensuite pour des vaccinations, à votre demande également, et c'est d'ailleurs ainsi que l'on considère généralement que les vétérinaires sanitaires sont rétribués. Il n'en demeure pas moins qu'ils assurent la veille sanitaire en permanence et qu'ils doivent parfois pour cela effectuer des déplacements qui ne sont pas facturés.

Dans ces conditions, si, en mettant en place un plan de protection sanitaire, on trouve le moyen d'éviter le recours à ces vétérinaires sanitaires, vous aurez de plus en plus de mal, monsieur le ministre, à trouver à la campagne des praticiens libéraux qui accepteront d'assurer la protection sanitaire. Cela me paraît évident !

Je voudrais enfin aborder à nouveau la question de l'employeur des vétérinaires sanitaires, monsieur le ministre, l'État, en la circonstance.

Même si je sais que vous ne pourrez pas résoudre tous les problèmes dans l'immédiat, il faut savoir que l'État emploie ces personnes dans l'illégalité la plus complète, pendant toute l'année, avec des vacations parfois importantes, sans aucune déclaration ni cotisations de maladie ou de retraite. Pour certains d'entre eux, la protection sanitaire représente la moitié de leurs revenus ; ils arrivent donc à la retraite sans aucuns droits pour la moitié de leur activité. Il faudra un jour vous pencher sur cette question qui suscite un vrai malaise, si du moins vous voulez continuer à assurer la présence de vétérinaires sanitaires en milieu rural, car c'est l'une des raisons de la désaffection pour la profession.

C'est pourquoi je vous demande, au nom des éleveurs de Saône-et-Loire et, plus généralement, au nom des éleveurs de la France entière, puisque Nathalie Goulet a formulé la même demande, la mise en place d'une cellule nationale de crise. Celle-ci ne pourra pas résoudre tous les problèmes, mais elle favorisera une prise de contact régulière avec vous et vos services sur ce sujet préoccupant. Une telle mesure ne coûte pas cher et permettrait sans doute de donner une meilleure information à tout le monde. À cet égard, si vous avez besoin de quelques sénateurs vétérinaires, monsieur le ministre, je suis partant ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Gérard Bailly a souhaité aborder aujourd'hui la question de la fièvre catarrhale ovine et, plus largement, celle de la sécurité sanitaire dans notre pays.

Dans mon département de la Réunion, cette maladie, réglementée depuis 2000, de même que la rhinotrachéïte infectieuse bovine, maladie non réglementée communément appelée IBR, sont également présentes, bien que non endémiques.

Si le virus de l'IBR existe à la Réunion, il ne rencontre cependant pas de conditions favorables à son expression et est peu virulent. La circulation du virus reste faible et, dans les élevages atteints, les animaux contaminés ne présentent généralement pas de signes cliniques permettant d'identifier la maladie.

En 2003, 444 animaux sont importés de France métropolitaine et d'Allemagne par deux coopératives locales et voyagent sur le même bateau ; 164 d'entre eux ont une sérologie négative à l'IBR ; en revanche, cette sérologie n'est pas pratiquée sur les 125 autres têtes de bétail, qui bénéficient uniquement d'un vaccin vivant contre l'IBR, appelé Iffavax. D'après le rapport d'expertise, cette vaccination effectuée sur des animaux dont, selon toute vraisemblance, six étaient sérologiquement positifs avant leur départ, a eu pour effet de faire flamber la maladie. Livrés aux éleveurs après quatre semaines de transport maritime, ces animaux ont pu contaminer l'ensemble de leur cheptel.

Il a été démontré que cette maladie affaiblit les bovins et qu'elle peut contribuer à faciliter l'émergence d'autres affections, notamment la fièvre catarrhale ovine, qui a été constatée sur certains cheptels. Ce facteur n'est vraisemblablement pas unique, mais son action débilitante faisant le lit d'autres affections n'a pas été contestée par les experts.

Je souhaiterais vous parler brièvement du cas d'un éleveur dont le cheptel entier a été contaminé par l'IBR, à la suite de la livraison de bêtes malades importées de métropole en 2003 et livrées par les coopératives locales.

Malgré ses nombreuses interventions auprès des services vétérinaires, il aura fallu attendre l'année 2007 et la nomination d'un nouveau directeur des services vétérinaires pour que sa voix soit entendue. Le frère de cet éleveur, qui travaille, lui aussi, sur l'exploitation, est atteint de chlamydiose, maladie dont les conséquences médicales peuvent être très graves. L'éleveur lui-même a contracté une fièvre, forme humaine de la FCO. Un premier test a été réalisé pour la fixation du point zéro de l'infection, et un second est en cours d'analyse pour vérifier la contamination.

Je suis intervenue personnellement et à plusieurs reprises auprès du ministre de l'agriculture, votre prédécesseur, pour l'alerter sur ce dossier et lui demander pourquoi un arrêté du 10 mai 2006 rendant obligatoire le dépistage de l'IBR s'applique uniquement à la France métropolitaine et pas outre-mer, mais aussi pour réclamer une mission d'enquête.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir mandaté un inspecteur du Conseil général de l'agriculture pour réaliser une expertise sanitaire. Les responsabilités ont été établies. Le dossier de cet éleveur a connu aujourd'hui des avancées significatives et son professionnalisme, qui a été un moment contesté, est maintenant reconnu.

En effet, un arrêté préfectoral de force majeure ordonnant l'abattage des bovins de son exploitation a été pris et l'éleveur a été indemnisé en conséquence. Son cas n'est malheureusement pas unique dans le département et je souhaite vivement que les autres éleveurs dans cette situation bénéficient également d'un arrêté de force majeure et soient indemnisés pour la perte de leurs bêtes.

À la suite de cette affaire, et compte tenu des risques de contamination dus potentiellement à de nombreuses maladies touchant les bovins lors des introductions d'animaux vivants dans le département, le groupement régional de défense sanitaire des bovins de la Réunion a élaboré une charte sanitaire d'introduction. Elle prévoit notamment, en sus des obligations légales, que des attestations soient fournies par rapport à l'IBR, en particulier un test individuel négatif de moins de trois mois.

Par ailleurs, je tiens à souligner que le sérotype de FCO présent à la Réunion est différent de celui dont étaient porteuses les bêtes malades importées. Des experts locaux m'ont fait part de leur inquiétude liée à la possibilité d'une mutation génétique permettant l'émergence d'une nouvelle souche du virus, qui pourrait être beaucoup plus virulente.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je demande que soit réalisée une analyse sous contrôle de tous les cheptels du département pour déterminer précisément les sérotypes de FCO présents dans l'île, mais aussi que soient réalisées des analyses sérologiques pour les autres maladies existantes : BVD, chlamydiose, fièvre Q, leucose...

Afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise, il est souhaitable, comme le proposent MM. Gérard Bailly et François Fortassin dans leur rapport, Revenons à nos moutons, de mettre en place des stratégies complémentaires.

Il s'agit, à court terme, et après avoir dressé l'état des lieux des pertes économiques des exploitations, de revaloriser l'indemnisation de l'animal mort à hauteur de sa valeur vénale, ou du moins aussi près de cette dernière que possible. Il conviendrait également que les animaux morts depuis le début de la période de circulation virale fassent l'objet d'une indemnisation comme ceux qui ont été euthanasiés par la suite et que les pertes indirectes induites par la maladie soient couvertes.

À plus long terme, il est indispensable de réfléchir à la mise en place d'un dispositif de gestion et d'indemnisation des risques sanitaires. Sur ce point précis, il semble que, monsieur le ministre, vous soyez déjà en train de réfléchir à la mise en place d'un fonds sanitaire.

À l'heure actuelle, le dispositif français de couverture des risques sanitaires repose sur des mécanismes distincts dans les domaines végétal et animal et sur des modalités de financement différentes. Comme l'ont souligné mes collègues Gérard Bailly et François Fortassin, il devient urgent de mettre en place un dispositif cohérent qui permette aux pouvoirs publics et aux professionnels d'indemniser les conséquences des aléas sanitaires. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la troisième fois en l'espace de quelques mois que j'interviens sur le sujet de la FCO. Il faut dire que cette crise est très grave, puisqu'elle touche 65 départements français et concerne aussi bien les élevages ovins que les élevages bovins.

Mon département, la Meuse, n'a pas été épargné puisque, après un premier épisode en 2006, la maladie s'est considérablement propagée durant l'été 2007 ; la mortalité des animaux se poursuit inexorablement et pèse désormais très lourdement sur les résultats techniques et financiers des élevages, touchés de plein fouet par la morbidité des animaux, les charges vétérinaires, l'infertilité, les problèmes de reproduction et l'insuffisance de débouchés.

Je crois pouvoir dire que les éleveurs ont besoin de clarté et de compréhension : ils observent que les tergiversations sur l'origine de la FCO leur ont fait perdre beaucoup de temps. Ils ont, en effet, le sentiment que les autorités sanitaires et administratives ont découvert les subtilités de cette maladie en même temps qu'eux ; malheureusement, pendant ce temps, les animaux sont morts dans leur élevage.

Bien entendu, votre ministère n'est pas resté inactif et vous avez dégagé des fonds pour venir en aide aux éleveurs, monsieur le ministre. Mais il faut bien reconnaître que ceux-ci sont insuffisants et l'aide-mortalité, à défaut d'être simple et réévaluée, semble de plus être soumise à la règle de minimis.

La campagne de vaccination qui a été annoncée a suscité de grands espoirs chez les éleveurs, car elle permettra d'assurer une protection des troupeaux. Mais vous laissez aux éleveurs le soin de préciser avec leur vétérinaire les modalités de cette vaccination : cette manière peu cohérente de procéder ne risque-t-elle pas de compromettre ce programme de vaccination ? Il est également dommage que ce vaccin soit mis en place après la date de mise à l'herbe, ce qui laissera de côté de nombreux animaux. Il serait nécessaire que la vaccination soit la plus large possible, voire obligatoire pour éviter les erreurs, et que les vaccins soient fournis en nombre nécessaire.

Cependant, monsieur le ministre, le pire n'est-il pas à venir ? Les conséquences de cette FCO ne risquent-elles pas de déstructurer, et pour longtemps, l'élevage ovin ? En effet, la mortalité des brebis est considérable : c'est ainsi que, durant l'automne, l'activité de collecte des équarrisseurs a augmenté de plus de 75 %, et l'hiver n'a guère été plus clément. La mortalité des animaux a explosé. Certains éleveurs ont même renoncé à leur exploitation et mis fin à leur production, comme cela s'est produit dans notre département.

Ainsi la filière ovine risque à très court terme de manquer d'agneaux. Dans une région intermédiaire comme la mienne, cette situation pourrait être fatale à l'élevage ovin.

Monsieur le ministre, l'expérience de FCO du nord de l'Europe et celle que nous vivons à l'heure actuelle devraient faire réfléchir votre ministère et, bien sûr, l'ensemble de la profession.

Le risque sanitaire n'est pas cloisonné : il est évolutif, il peut se répéter et impose à tous une très grande réactivité pour mobiliser la recherche ou la main-d'oeuvre lorsque cela est nécessaire, mais aussi des moyens financiers qui soient à la hauteur de l'événement.

Dans l'immédiat, je souhaite vivement que la campagne de vaccination réussisse, que les éleveurs soient justement indemnisés et reprennent confiance. Pour l'avenir, je souhaite que les autorités sanitaires et administratives soient plus réactives et que les autorités européennes mettent en place un fonds accompagnant cette réactivité. C'est en tout cas l'espoir que je forme : sachant les efforts que vous faites dans ce domaine, monsieur le ministre, je reste très confiant. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais dire en préambule toute l'importance et toute l'utilité que revêt pour moi l'initiative prise par la Haute Assemblée, sous l'impulsion de Gérard Bailly et avec l'appui des présidents Jean-Paul Emorine et Jean Arthuis, ainsi que de beaucoup d'entre vous, d'inscrire à l'ordre du jour cette question orale avec débat sur un sujet majeur, à savoir l'apparition et le développement très rapide, dans notre pays, de la fièvre catarrhale ovine.

Vous avez, monsieur Gérard Bailly, présenté de manière extrêmement précise et compétente les étapes de l'apparition de cette maladie animale, et expliqué les différentes mesures qui ont d'ores et déjà été mises en place, mesures que je souhaiterais détailler brièvement devant vous.

Plusieurs d'entre vous ont bien voulu donner acte au ministère que j'ai l'honneur d'animer et à ses services de leur engagement et de leur disponibilité. J'ai d'ailleurs été très sensible, monsieur Moreigne, à ce que vous avez dit à propos des services de l'État, notamment des préfets, auxquels je voudrais associer les directeurs départementaux des services vétérinaires, les directeurs départementaux de l'agriculture et de la forêt et les vétérinaires libéraux, que vous connaissez bien, monsieur Beaumont. Permettez-moi également d'ajouter les groupements de défense sanitaire et les organisations professionnelles et syndicales, qui, face à cette crise, la plus sérieuse depuis plusieurs décennies, font preuve d'un très grand sens des responsabilités.

Monsieur Bailly, votre première question porte sur la situation sanitaire actuelle et sur ses conséquences économiques.

Au moment où nous parlons, nous recensons précisément 18 916 cas. La quasi-totalité de la France est touchée par les différentes formes de cette maladie du bétail : soixante-quinze départements, et non pas cinquante-cinq, monsieur Biwer, sont touchés par le sérotype 8, deux départements - les Landes et les Pyrénées-Atlantiques - par le sérotype 1 et les deux départements de Corse par les sérotypes 2, 4 et 16 depuis de nombreuses années déjà.

Ce sont aujourd'hui dix pays du nord de l'Europe qui sont atteints par le sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine, qui s'est développée de manière très rapide comme en France.

Monsieur Le Cam, ces pays vont procéder comme nous le faisons nous-mêmes, mais dans un délai plus long et de façon plus progressive, à la vaccination avant l'année prochaine.

Madame Bricq, monsieur Barraux, madame Goulet, vous vous êtes interrogés sur la mise en place préventive de financements. Je comprends cette question. Pour autant, pouvions-nous prévoir des dotations budgétaires plus précisément en 2007 ? Je rappelle que la préparation du projet de loi de finances initiale s'est conclue en juillet. En décembre, au moment de l'examen du projet de loi de finances, nous avions encore beaucoup d'incertitudes sur le niveau des dépenses mais aussi des recettes, en particulier celles provenant de l'Union européenne.

Madame Bricq, je vous confirme que je demanderai au mois d'avril la levée de la mise en réserve de crédits à hauteur de 10 millions d'euros sur le programme 206 de mon budget. En outre, nous ne l'avions pas prévu au moment de l'examen du projet de loi de finances, nous avons heureusement obtenu entre-temps des aides européennes à hauteur de 87 millions d'euros afin de faire face aux opérations de vaccination dont je vais parler.

Comme vous le savez, les conséquences de cette maladie sont doubles : aux conséquences directes liées à la maladie - mortalité, morbidité, chute de production, infertilité - s'ajoutent les conséquences indirectes liées aux restrictions de mouvements qui influent beaucoup sur la commercialisation, comme l'a justement rappelé M. Barraux.

Je veux confirmer à M. Le Cam que le règlement sanitaire communautaire obtenu en octobre 2007, pour lequel je me suis beaucoup battu, a permis de rétablir la fluidité des échanges. Or c'est précisément ce règlement, toujours en vigueur dans les autres pays, que l'Italie ne veut pas respecter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les pertes que je viens d'évoquer sont difficiles à estimer avec précision, car toutes les conséquences ne sont pas encore quantifiables. Je pense par exemple à la fertilité des animaux qui ont été atteints en 2007 et qu'il est aujourd'hui difficile de connaître. Entre juillet et décembre 2007, la mortalité a été estimée à environ 15 000 ovins et 8 000 bovins.

Afin d'avoir une idée plus précise, un observatoire des conséquences économiques a été mis en place au mois de mars. L'objectif est de quantifier et de suivre l'évolution des mortalités ovine et bovine, des sur-stockages bovins, de la fécondité et de la production laitière bovine.

Les mesures de lutte contre cette maladie ont reposé en 2006 et 2007 sur la protection contre les vecteurs - les insectes que M. Le Cam a décrits avec une compétence très professionnelle et toute scientifique - et la limitation de mouvements des animaux. C'étaient, à l'époque, les seules mesures possibles dans l'attente du développement d'un vaccin dont nous ne disposions pas, vaccin qui constitue le seul moyen de lutte efficace contre cette maladie dont la particularité tient au fait qu'elle est transmise par un insecte vecteur.

S'agissant des mesures d'accompagnement, et en complément de celles que vous avez déjà citées, messieurs Bailly et Le Cam, j'ai annoncé à la mi-février des mesures de soutien supplémentaires pour permettre aux éleveurs de faire face aux difficultés économiques rencontrées tout au long de l'année 2007 et au début de 2008.

Ainsi - je veux rappeler les chiffres, puisqu'il s'agit d'argent public -, 3 millions d'euros ont été débloqués pour renforcer le fonds d'allégement des charges. Monsieur Moreigne, je vous communiquerai au plus vite la répartition de ce fonds par département. En attendant, je peux vous indiquer que, pour la Creuse, qui vous intéresse plus précisément, une somme de 19 223 euros a été débloquée dans le cadre de cette première enveloppe.

En outre, 3 millions d'euros ont été alloués à la mise en place d'une aide à la perte de chiffre d'affaires des entreprises de commercialisation des animaux. Monsieur Moreigne, pour répondre à l'une de vos interrogations, 4 millions d'euros serviront à revaloriser l'indemnisation déjà en place pour les animaux morts. Cette indemnisation est portée, pour les bovins, de 228 euros à 600 euros et, pour les ovins, de 45 euros à 100 euros.

Monsieur Bailly, votre deuxième question, qui a également été soulevée par M. Soulage, porte sur les délais de blocage des animaux destinés à l'Italie compte tenu, d'une part, de la clause de sauvegarde que les Italiens ont activée à l'encontre de la France et, d'autre part, des délais prévus dans la réglementation communautaire entre la première vaccination et la possibilité d'exporter un animal vers l'Italie.

Vous l'avez dit, les autorités sanitaires italiennes ont, par la voie d'une ordonnance, introduit des mesures sanitaires unilatérales visant à n'accepter en provenance de France que des animaux valablement vaccinés. Concrètement, cela implique aujourd'hui un délai entre la première vaccination et un départ possible vers l'Italie, soit de 90 jours, soit de 67 jours avec la réalisation d'un test virologique.

Quelles sont les perspectives d'évolution à la suite de cette décision unilatérale ?

Vous le savez, j'ai décidé d'engager une procédure de recours en manquement vis-à-vis de l'Italie en application de l'article 227 du traité. Cette procédure, qui est rarement mise en oeuvre, prévoit une notification préalable à la Commission de notre intention d'attaquer la décision italienne devant la Cour de justice des Communautés européennes. La Commission doit rendre un avis dans un délai qui ne peut excéder trois mois.

Cette procédure est très longue. Pendant ce temps-là, les animaux sont bloqués et la désespérance s'installe.

À la suite des contacts pris à Bruxelles, j'espère néanmoins que la Commission, grâce à son pouvoir d'intermédiation et au pouvoir réglementaire que lui confère le Traité, pourra aboutir dans les toutes prochaines semaines à une solution conforme au droit communautaire.

Nous souhaitons cet accord. J'ai appelé mon homologue italien et sa collègue chargée de la sécurité sanitaire au respect du droit communautaire et à des efforts de conciliation.

Nous avons également pris contact avec la nouvelle commissaire à la santé, Mme Vassiliou, qui a pris ses fonctions il y a quelques semaines. Elle a en effet programmé une réunion du comité vétérinaire spécialisé dans les tout prochains jours. Son objectif est de redéfinir rapidement des règles harmonisées, acceptées et respectées par tous les pays membres de l'Union européenne.

Vous m'interrogez par ailleurs sur la réalisation de l'acte de vaccination et vous suggérez, pour accélérer la vaccination, qu'elle puisse être réalisée par les éleveurs, monsieur Bailly.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire au congrès des éleveurs qui s'est tenu il y a quelques semaines ainsi qu'aux producteurs laitiers : du point de vue de la loi, la vaccination des animaux est un acte vétérinaire et doit donc être réalisée par des vétérinaires. Dans le cadre des exportations en particulier, personne ne souhaite prendre le risque de voir le statut d'animal immunisé remis en question par les autorités italiennes ou par celles d'autres États. Or c'est bien le certificat vétérinaire qui atteste la validité de la vaccination.

La Commission prendra en charge 50 % de la campagne et l'État assurera le paiement direct des aides européennes aux vétérinaires.

Monsieur Biwer et Mme Bricq, vous avez évoqué le caractère facultatif de la vaccination pour le sérotype 8.

Si la vaccination pour le sérotype 1 a été rendue obligatoire, c'est, d'une part, parce que nous voulons protéger le reste du territoire et, d'autre part, parce que nous avons suffisamment de vaccins.

En revanche, si la vaccination est aujourd'hui facultative pour le sérotype 8, c'est parce que nous n'avons pas assez de doses pour la rendre obligatoire cette année. Nous allons donc cibler les animaux en production.

L'organisation de la vaccination et la facturation aux éleveurs seront traitées dans le cadre des relations habituelles qui existent entre les vétérinaires et leurs clients. Dans un souci d'efficacité, cela permet une flexibilité qui respecte malgré tout la loi.

Monsieur Le Cam, le coût de l'épidémio-surveillance est estimé à 12 millions d'euros par an. Un cofinancement communautaire a été sollicité.

Monsieur Bailly, votre troisième question, qui a également été évoquée par M. Barraux, porte sur le plan de vaccination massive. Vous vous inquiétez de savoir si les vaccins seront disponibles et s'ils seront efficaces.

Les appels d'offres que j'ai lancés à la fin de 2007 - nous étions les premiers en Europe à le faire - nous ont permis d'être les premiers à démarrer la vaccination contre le sérotype 8. Comme vous le savez, la vaccination a déjà démarré dans les seize départements touchés depuis 2006 ainsi que pour les broutards destinés aux échanges avec l'Italie.

Un premier lot de 400 000 doses permettant de vacciner 200 000 bovins destinés aux échanges, puis un premier lot de 300 000 doses pour les petits ruminants des seize départements ont déjà été livrés.

Un nouveau lot d'environ 1,3 million de doses est prévu pour la fin du mois de mars. Nous y sommes ! Il sera utilisé en priorité pour les ovins et caprins des seize départements, monsieur Le Cam. Une partie de ce lot, soit 150 000 doses environ, ira aux animaux destinés aux échanges.

Les livraisons s'échelonneront ensuite jusqu'au début du mois d'août, permettant de vacciner d'ici à la fin du mois d'août 15 millions de bovins et 10 millions de petits ruminants.

Mme Goulet a évoqué un événement important, le comice agricole de la commune de Goulet, en juin. (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Le 21 juin précisément, et vous êtes invité, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Barnier, ministre. Avant de répondre à votre invitation, madame le sénateur, je m'assurerai que l'Orne a bien reçu ses vaccins (Sourires.), mais, d'après mes informations, c'est au mois de juin que ce département devrait en disposer. Ensuite, les décisions se prendront dans le cadre de la concertation départementale. En effet, ce n'est pas à moi de dire s'il faut vacciner les animaux qui seront présentés au comice agricole...

Ce plan de vaccination respecte les priorités qui ont été définies, même si je sais qu'il y a ici ou là des questions, des inquiétudes, voire des critiques. Mais je n'ai pas élaboré ce plan tout seul. En effet, un ministre ne possède pas la science infuse, pas plus que son cabinet ou la direction générale de l'alimentation. Nous avons accompli un travail honnête, sincère, approfondi en concertation avec l'ensemble des professionnels. Voilà comment nous avons défini les priorités.

Puisque tous les animaux ne pouvaient pas être vaccinés en même temps, nous avons donc dû établir des priorités de la façon la plus objective possible afin d'être les plus efficaces possible.

Les priorités de vaccinations sont donc les suivantes : bovins et petits ruminants reproducteurs, ainsi que femelles de remplacement des seize départements du Nord ; animaux partant en transhumance ; animaux destinés aux échanges ; animaux de cinq départements - Aveyron, Gironde, Lot, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne - afin de prévenir la diffusion du sérotype 8 vers la zone déjà touchée par le sérotype 1.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il n'y a pas de doute, à avoir sur l'efficacité de la vaccination puisque les vaccins ont fait l'objet d'une évaluation de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments avant d'être autorisés. Je pense pouvoir vous apporter clairement et honnêtement une assurance sur ce point.

Le rapport de l'Office alimentaire et vétérinaire auquel vous faites référence, monsieur Bailly, concerne non pas l'acceptation de notre vaccin, mais bien la mise en oeuvre des actions de prévention pendant l'année 2007 dont certaines faiblesses ont conduit l'Italie à prendre les mesures unilatérales que nous avons regrettées.

À ce titre, des réunions techniques se tiennent cette semaine pour examiner avec les professionnels les mesures d'adaptation sanitaires aux recommandations formulées par la Commission européenne à la suite de l'inspection de l'Office alimentaire et vétérinaire.

Monsieur Soulage, je viens d'évoquer le risque de rencontre entre le sérotype 1 et le sérotype 8. Concernant la zone « tampon », comme vous l'avez souligné, une zone de surveillance devra être mise en place autour de la zone vaccinée par le BTV1. Dans ces zones, les animaux seront vaccinés contre le sérotype 8 et feront l'objet d'une surveillance particulière à l'égard du sérotype 1. Des conditions particulières pour l'exportation sont prévues dans les textes communautaires au travers de la réalisation d'un test virologique. Ces éléments sont pris en compte dans les discussions sur ces textes communautaires.

M. Soulage, comme d'ailleurs MM. René Beaumont et Gérard Bailly, m'a interrogé sur le principe de l'aide au maintien des animaux sur les exploitations. J'en viens donc aux mesures de soutien à mettre en oeuvre si la situation de blocage actuel avec l'Italie devait se poursuivre.

Si une telle situation devait se prolonger, j'étudierais naturellement avec les professionnels les dispositifs d'aide au maintien des animaux dans les exploitations pendant les trois ou quatre mois d'embargo nécessitant des soutiens publics.

Monsieur Soulage, nous discutons actuellement de tous ces principes avec les professionnels. L'idée reste cependant de mettre en oeuvre une mesure similaire à celle qui a été instaurée en 2006, en tenant compte du coût des aliments qui a augmenté.

Monsieur René Beaumont, vous avez signalé qu'en Saône-et-Loire, grand département d'élevage, on n'a pas les moyens de maintenir les animaux sur les exploitations. C'est la raison pour laquelle nous réfléchissons non pas à un seul type d'aide, mais à différents dispositifs permettant de prendre en compte la diversité des situations.

Les éleveurs qui commercialisent leurs broutards devront faire face à un coût de nutrition animale supplémentaire, comme vous l'avez très clairement souligné, monsieur Bailly, et, le cas échéant, à des problèmes de trésorerie. J'ai donc demandé à mes services d'expertiser le montant de ces mesures et les modalités de leur mise en oeuvre.

Par ailleurs, M. Michel Moreigne a évoqué le cas d'un éleveur de son département possédant douze bêtes de plus de 500 kilos. De telles situations peuvent être nombreuses. Mes services expertisent donc également l'opportunité de créer une aide à l'engraissement afin d'évacuer les broutards lourds qui ne trouvent pas de marché. Ces animaux serviront à la production de jeunes bovins dits « rajeunis », répondant à une demande des industriels.

J'ajoute que, en plus des mesures économiques déjà en place - le FAC, l'indemnisation pour la mortalité - et des mesures sur lesquelles nous travaillons avec les professionnels - maintien, engraissement -, j'ai indiqué à la Mutualité sociale agricole que la crise dont nous discutons cet après-midi au Sénat faisait partie de nos priorités en termes de prises en charge des cotisations.

Monsieur Bailly, votre dernière question portait sur les moyens à mobiliser et sur les modes d'organisation à mettre en place pour anticiper ce type de crise sanitaire de grande ampleur dont la récurrence et les conséquences pourraient s'accentuer dans les décennies à venir.

Au-delà de la conjoncture que nous traitons dans l'urgence, le dos au mur, avec le soutien des autorités européennes, des leçons doivent à mon avis être tirées.

Nous ne pourrons bien sûr éviter que ce genre de crise ne se reproduise. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, ces pathogènes émergents, qui explosent un peu partout et n'importe comment, se multiplieront sous le double effet du réchauffement climatique et de la mondialisation des échanges.

Le sérotype 8 est apparu au nord de l'Europe alors qu'il aurait dû remonter du Sud, en provenance de l'Afrique. Dans un autre ordre d'idée, on a vu apparaître le chikungunya, maladie qui n'est pas animale et que vous connaissez bien, madame Payet, directement au nord de l'Italie, sous l'effet du réchauffement climatique comme de la mondialisation ou de la facilitation des échanges.

Nous devons donc nous préparer à affronter, dans les années à venir, des pathogènes émergents et des crises sanitaires touchant soit des végétaux, soit des animaux, soit même des humains - la frontière entre les maladies humaines et les maladies animales est assez étroite - un peu n'importe où et n'importe comment en Europe.

Voilà pourquoi des leçons doivent à mon avis être tirées de cette crise. C'est ce que je fais pour ma part depuis que je suis ministre de l'agriculture et de la pêche, et j'ai d'ailleurs avancé un certain nombre de propositions au cours des négociations européennes.

Je partage par conséquent votre analyse, monsieur Bailly : au-delà de la gestion dans l'urgence de cette crise, nous devons mettre en place des dispositifs durables adaptés à la gestion des crises sanitaires potentielles.

Face à la montée de ces risques, que M. Bernard Barraux a très bien décrits, nous devons inscrire dans le bilan de santé de la politique agricole commune, actuellement en cours de discussion - nous nous sommes prononcés lundi dernier à l'unanimité, moins deux abstentions, en conseil des ministres de l'agriculture sur les orientations politiques de ce bilan de santé -, des outils permettant de couvrir notamment les conséquences des aléas climatiques et des crises sanitaires. Nous avons d'ailleurs obtenu que cela se fasse dès cette année.

Le 30 janvier dernier, j'ai présenté en conseil des ministres de l'agriculture une série de propositions. C'est sur cette base que le conseil des ministres a délibéré lundi dernier et que la Commission a accepté pour la première fois l'idée d'un prélèvement d'une partie de l'argent du premier pilier de la PAC - le pilier économique, celui des aides directes - dès 2008, pour une mise en oeuvre de dispositifs d'indemnisation des risques en 2009. Il s'agit donc non pas d'une échéance très lointaine, mais de décisions que nous allons voir confirmer sur le plan européen sous la présidence française.

Je proposerai d'une manière générale que l'on puisse écrêter - je ne peux pas vous dire pour l'instant à quelle hauteur - l'ensemble du premier pilier de la PAC afin de doter ces outils de financements qui viendront accompagner, consolider, encourager des financements professionnels, notamment via des systèmes assurantiels.

Je répète donc qu'une partie de l'argent du premier pilier de la PAC pourra être utilisée dès 2009 pour cofinancer et accompagner des systèmes assurantiels afin de faire face - la Commission en est d'accord - à ces risques climatiques et sanitaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis que je suis ministre et que je dois traiter chaque semaine de telles crises, avec vous et avec les professionnels, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire à cette tribune que l'on n'a pas le droit de laisser durablement les entreprises agricoles - je préfère cette dénomination à celle d' « exploitations agricoles » -, qui sont les plus vulnérables aux accidents et aux aléas climatiques, sanitaires et économiques, voire aux trois en même temps, sans protection, sans accompagnement mutualisé, sans prévention, sans système d'épargne.

Je veux, avec votre soutien, être le ministre qui aura créé, dans le cadre européen, ce dispositif d'aide et de gestion des crises de manière durable pour l'ensemble des entreprises agricoles françaises.

Mesdames Nicole Bricq, Nathalie Goulet, Anne-Marie Payet, vous avez évoqué le fonds sanitaire qui permettra de mobiliser conjointement, en les mutualisant, des fonds nationaux, des fonds communautaires et des fonds professionnels, pour faire face à ce type de crises. Ce sera un très grand progrès dans le sens d'une agriculture durable.

Le projet des professionnels de la filière bovine dans le cadre du fonds national de l'élevage s'inscrit lui aussi tout à fait dans cette perspective. J'ai d'ailleurs rendu hommage à ces professionnels. C'est la troisième partie du financement, puisque ce dernier est national, européen et professionnel.

Madame Bricq, les maladies émergentes sont prises très au sérieux sur le plan européen, et pas seulement au travers de ces nouveaux systèmes de cofinancement. À titre d'exemple, je peux citer le projet Emerging Diseases European Network, EDEN, qui permet aux centres de recherche européens de travailler ensemble.

Ces orientations s'inscrivent pleinement dans le cadre des évolutions de la politique de la santé animale communautaire. Un rapport de la Commission à cet égard a été présenté par le précédent commissaire, et nous allons participer très activement, avec la Commission, à la mise en place de ce projet. L'une de mes priorités pendant la présidence française sera de faire avancer ce projet de la Commission, madame Bricq.

Parallèlement à ce travail sur des mécanismes financiers, nous devons développer la recherche et améliorer nos systèmes d'épidémio-surveillance et de veille des risques émergents.

C'est dans cette optique que j'ai, d'une part, débloqué un montant d'1 million d'euros pour des projets de recherche sur la fièvre catarrhale ovine et, d'autre part, signé conjointement avec les ministres chargés de l'environnement, de la recherche et de la santé une lettre de mission à l'attention de l'Institut de recherche pour le développement, l'IRD.

Compte tenu de l'émergence des maladies vectorielles que vous avez parfaitement identifiées, dans le domaine tant de la santé humaine que de la santé animale, il est nécessaire de mieux nous organiser pour surveiller les populations vectorielles, pour former des experts en entomologie et pour orienter nos programmes de recherche. Les résultats de cette saisine sont attendus dans le courant du premier semestre 2008.

Mais, là encore, mesdames, messieurs les sénateurs, plus la réponse sera mutualisée au niveau européen - je parle non pas d'argent, mais de recherche, de coordination, de prévention -, meilleure sera cette réponse.

Madame Goulet, j'ai été très sensible à votre témoignage concernant ma présence pendant le salon de l'agriculture, ainsi que les nombreux échanges que nous avons eus les uns avec les autres.

Monsieur Beaumont, vous avez tout à l'heure évoqué la tâche difficile - et j'ajouterai « passionnante » - du ministre « des agricultures », la diversité des interventions, qui reflète celle des territoires, m'autorisant ce pluriel.

Je veux absolument vous dire à l'un et à l'autre mon accord avec le suivi permanent de cette crise que vous avez appelé de vos voeux. Une cellule nationale de crise, qui regroupe une quarantaine de responsables, y compris les vétérinaires et les organisations professionnelles, se réunit tous les mois, sous la présidence de mon directeur de cabinet, et je présiderai moi-même la toute prochaine, le 17 avril.

En conclusion, en vous remerciant de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, ce qui était nécessaire vis-à-vis du Sénat et, au-delà, de l'ensemble des éleveurs, des responsables agricoles, des citoyens qui sont inquiets de cette très grave crise animale, je tiens à vous dire que je continuerai, avec l'ensemble de mes collaborateurs, à gérer cette dernière avec, comme vous m'y avez appelé, la transparence, la rigueur, l'équité qui s'imposent. Je veillerai d'ailleurs au même respect de ces principes dans les territoires et départements d'outre-mer, auxquels je suis très attaché, comme le sait Mme Payet. Transparence, équité, rigueur, volontarisme et souci de la concertation entre nous et avec l'ensemble des acteurs de cet enjeu et de ce défi en France et, naturellement, avec l'ensemble de nos partenaires européens sont les principes qui doivent nous guider. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

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conférence des présidents

Mme la présidente. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Jeudi 27 mars 2008

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Question orale avec débat n° 12 de M. Gérard Dériot à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur la politique de lutte contre l'obésité ;

(La conférence des présidents a :

- attribué un temps de parole de dix minutes au Président de la commission des Affaires sociales ;

- fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré) ;

2°) Deuxième lecture du projet de loi relatif à la nationalité des équipages de navires (n° 190, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les délais limites pour les inscriptions de parole et le dépôt des amendements sont expirés) ;

À 15 heures :

3°) Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

4°) Communication de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, sur son rapport annuel, en application de la loi n° 2000-23 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Ordre du jour prioritaire

5°) Suite éventuelle du projet de loi relatif à la nationalité des équipages de navires ;

6°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les États-Unis d'Amérique, d'autre part (n° 207, 2007-2008).

Mardi 1er avril 2008

Ordre du jour prioritaire

À 16 heures et le soir :

- Projet de loi relatif aux contrats de partenariat (n° 211, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 31 mars 2008, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 31 mars 2008).

Mercredi 2 avril 2008

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et, éventuellement, le soir :

1°) Suite éventuelle du projet de loi relatif aux contrats de partenariat ;

2°) Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna (n° 156, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 1er avril 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 1er avril 2008).

Jeudi 3 avril 2008

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale, par la mise en conformité du code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire relatif à un groupement européen de coopération territoriale (n° 182, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 1er avril 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 2 avril 2008) ;

À 15 heures et, éventuellement, le soir :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire

3°) Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2007-613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (n° 198, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mercredi 2 avril 2008, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 2 avril 2008).

Mardi 8 avril 2008

Ordre du jour réservé

À 10 heures et 16 heures :

1°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'extension du chèque emploi associatif (n° 195, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 7 avril 2008, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 7 avril 2008).

2°) Question orale avec débat n° 17 de M. Jean-Pierre Godefroy à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur l'aide aux malades en fin de vie ;

(La conférence des présidents a :

- attribué un temps de parole de dix minutes au président de la commission des affaires sociales ;

- fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 7 avril 2008) ;

Mercredi 9 avril 2008

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et le soir :

1°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la journée de solidarité (n° 245, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 8 avril 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 8 avril 2008) ;

2°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (n° 241, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a :

- fixé au mardi 8 avril 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- attribué un temps de parole spécifique de dix minutes au représentant de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 8 avril 2008).

Jeudi 10 avril 2008

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Suite éventuelle du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

2°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux conditions de commercialisation et d'utilisation de certains engins motorisés (n° 197, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 8 avril 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 9 avril 2008) ;

À 15 heures et, éventuellement, le soir :

3°) Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire

4°) Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.

Mardi 15 avril 2008

À 10 heures :

1°) Questions orales :

L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 155 de Mme Marie-France Beaufils à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Maintien sur le site de Clocheville de l'hôpital pour enfants) ;

- n° 158 de M. Philippe Richert à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ;

(Régime d'assurance chômage applicable aux contrats d'accompagnement dans l'emploi et aux contrats d'avenir) ;

- n° 166 de M. Adrien Gouteyron à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Situation de la psychiatrie publique) ;

- n° 171 de M. Thierry Repentin à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ;

(Situation du centre hospitalier spécialisé de la Savoie) ;

- n° 174 de M. Jean-Pierre Chauveau à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice ;

(Réforme de la carte judiciaire et mise en place des points justice) ;

- n° 176 de Mme Elisabeth Lamure à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

(Régime des plus-values professionnelles taxables à 16 % pour les entreprises individuelles) ;

- n° 177 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ;

(Avenir du bassin d'emploi de Château-Chinon) ;

- n° 178 de M. Alain Fouché à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ;

(Programme complémentaire de couverture en téléphonie mobile du département de la Vienne) ;

- n° 179 de Mme Anne-Marie Payet à M. le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer ;

(Logement social outre-mer) ;

- n° 181 de M. Yves Détraigne à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ;

(Conditions d'application de l'article 5 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA)) ;

- n° 186 de M. Christian Cambon à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ;

(Incidences de l'application de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier concernant le règlement par chèque bancaire) ;

- n° 188 de M. Richard Yung à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

(Orientations du groupe de travail intergouvernemental sur la santé publique, l'innovation et la propriété intellectuelle (IGWG)) ;

- n° 189 de M. Jean-Marc Todeschini à M. le ministre de l'éducation nationale ;

(Remise en cause des dispositifs artistiques et culturels en milieu scolaire) ;

- n° 192 de M. Georges Mouly à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ;

(Libéralisation du marché des pièces de rechange automobile).

Ordre du jour prioritaire

À 16 heures et le soir :

2°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines (n° 171, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 14 avril 2008, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 14 avril 2008) ;

3°) Projet de loi relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense (n° 324, 2006-2007) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 14 avril 2008, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 14 avril 2008).

Mercredi 16 avril 2008

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et le soir :

- Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (A.N., n° 719) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 15 avril 2008, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 15 avril 2008).

Jeudi 17 avril 2008

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et le soir :

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Je rappelle que le Sénat suspendra ses travaux en séance plénière du samedi 19 avril 2008 au dimanche 27 avril 2008.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

7

Dépôt de questions orales avec débat

Mme la présidente. J'informe le Sénat que j'ai été saisie de la question orale européenne avec débat suivante :

n° 2 - Le 3 avril 2008 - M. Hubert Haenel rappelle à M. le ministre de la défense que le traité de Lisbonne prévoit un développement de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et que faire progresser l'Europe de la défense sera une des priorités de la présidence française de l'Union européenne. Il souligne que, pour respecter les principes démocratiques qui sont à la base de l'Union, les avancées de la construction européenne en matière de sécurité et de défense doivent s'accompagner d'un développement du contrôle parlementaire, et que celui-ci ne peut s'exercer uniquement à l'échelon national, mais doit, pour être adapté, comporter une dimension interparlementaire. Il expose que l'Assemblée de l'UEO, qui assure aujourd'hui un suivi interparlementaire, ne paraît pas pouvoir constituer durablement un cadre approprié, étant donné les statuts différents des membres de l'Union au sein de l'UEO, l'absence de représentation du Parlement européen, et l'arrivée à expiration du traité de l'UEO depuis 2004 qui rend fragile la situation de cette Assemblée. Il rappelle par ailleurs que le protocole n° 1 annexé au traité de Lisbonne dispose qu'« une conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l'Union », couramment dénommée la COSAC, peut organiser des conférences interparlementaires « pour débattre des questions de politique étrangère et de sécurité commune, y compris la politique de sécurité et de défense commune ». Il estime, dans ces conditions, qu'un rapprochement de la COSAC et de l'Assemblée de l'UEO pourrait ouvrir la voie à une formule de suivi de la PSDC associant des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen. Il lui demande s'il est envisagé, durant la présidence française de l'Union européenne, de prendre des initiatives dans ce sens, un suivi interparlementaire effectif paraissant nécessaire pour la pleine légitimité démocratique de l'Europe de la défense. (déposée le 26 mars 2008 - annoncée en séance publique le 26 mars 2008)

Conformément aux articles 79, 80 et 83 bis du règlement, cette question orale européenne avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

J'informe le Sénat que j'ai été saisie de la question orale avec débat suivante :

n° 17 - Le 3 avril 2008 - M. Jean-Pierre Godefroy demande à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative de bien vouloir lui indiquer les initiatives que le Gouvernement compte prendre sur la question des malades en fin de vie. Plusieurs cas récents mettent aujourd'hui en lumière les lacunes de la loi n° 2005-370 votée le 22 avril 2005. Certes, en s'inscrivant dans le prolongement de la loi n° 1999-477 du 9 juin 1999 garantissant à tous l'accès aux soins palliatifs et de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, elle a confirmé la prohibition de l'acharnement thérapeutique et légalisé le double effet. Mais en instaurant un droit « au laisser mourir » qui peut répondre aux situations de malades en fin de vie, elle a volontairement exclu la question « de l'aide active à mourir ». Comme l'avait déjà proposé le groupe socialiste du Sénat en 2005, il semble aujourd'hui nécessaire d'aller plus loin vers la reconnaissance d'une exception d'euthanasie qui permettrait de gérer les cas exceptionnels pour lesquels les soins palliatifs ne peuvent apporter la solution. (déposée le 26 mars 2008 - annoncée en séance publique le 26 mars 2008)

Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

8

Transmission d'un projet de loi

Mme la présidente. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 241, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

Dépôt d'une proposition de loi

Mme la présidente. J'ai reçu de Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Odette Terrade, Eliane Assassi, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Robert Bret, Jean-Claude Danglot, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Thierry Foucaud, Guy Fischer, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera, Jean-François Voguet, François Autain et Pierre Biarnès une proposition de loi tendant à favoriser la prévention des expulsions locatives.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 244, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

Transmission d'une proposition de loi

Mme la présidente. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la journée de solidarité.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 245, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

Dépôt de rapports

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Gilbert Barbier un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2007 613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (n° 198, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 237 et distribué.

J'ai reçu de Mme Catherine Troendle un rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale par la mise en conformité du code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire relatif à un groupement européen de coopération territoriale (n° 182, 2007 2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 238 et distribué.

J'ai reçu de M. Laurent Béteille un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi relatif aux contrats de partenariat (n° 211, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 239 et distribué.

J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna (n° 156, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 242 et distribué.

12

Dépôt d'avis

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Michel Houel un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi relatif aux contrats de partenariat (n° 211, 2007 2008).

L'avis sera imprimé sous le n° 240 et distribué.

J'ai reçu de M. Charles Guené un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi relatif aux contrats de partenariat (n° 211, 2007 2008).

L'avis sera imprimé sous le n° 243 et distribué.

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ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 27 mars 2008 :

À neuf heures trente :

1. Discussion de la question orale avec débat n° 12 de M. Gérard Dériot à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur la politique de lutte contre l'obésité.

M. Gérard Dériot demande à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, de bien vouloir l'informer de l'état d'avancement de la politique de lutte contre l'obésité. Il souhaite notamment faire le point sur les résultats du programme national nutrition santé 2001-2005, ainsi que sur les mesures mises en oeuvre et à venir dans le cadre du second programme national nutrition santé 2006-2010 et les moyens qui y sont consacrés. Par ailleurs, il lui demande une appréciation de l'efficacité du dispositif prévu à l'article 29 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, en ce qui concerne les modalités de levée de la taxe sur les publicités en faveur des produits gras et sucrés et l'estimation de son rendement pour l'institut national de prévention et d'éducation à la santé, mais aussi l'évaluation des effets, sur la population, des messages de prévention diffusés dans le cadre de ces publicités. Il s'interroge enfin sur l'évolution prévisible de l'obésité en France au cours des prochaines décennies, notamment chez les enfants et les populations précaires.

2. Discussion du projet de loi (n° 190, 2007-2008), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la nationalité des équipages de navires.

Rapport (n° 232, 2007-2008) de M. Charles Revet, fait au nom de la commission des affaires économiques.

À quinze heures et, éventuellement, le soir :

3. Questions d'actualité au Gouvernement.

Délai limite d'inscription des auteurs de questions : jeudi 27 mars 2008, à 11 heures

4. Communication de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, sur son rapport annuel, en application de la loi n° 2000-23 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration.

5. Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.

6. Discussion du projet de loi (n° 207, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les États-Unis d'Amérique, d'autre part.

Rapport (n° 234, 2007-2008) de M. Philippe Nogrix, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD