M. Georges Othily. Cela fait quatre ans qu’on le demande !
M. Michel Mercier. Je suis sûr que, si vous le vouliez, monsieur le haut-commissaire, vous pourriez nous dire qui sont les bénéficiaires de ces sommes. Nous ne vous demandons rien d’autre. N’essayez pas de nous faire dire ce que nous n’avons pas dit à travers ce texte !
En ma qualité de responsable, je veux être sûr que tous ceux qui ont droit au RMI l’auront, qu’ils pourront être suivis et assistés. Verser moins de 400 euros à ceux qui n’ont rien pour se donner bonne conscience, c’est appliquer la politique de l’autruche ! Je n’appelle pas cela une politique sociale !
Il serait bien de personnaliser le RSA, comme le RMI, de connaître les bénéficiaires de ces allocations pour les aider à s’en sortir. Mais encore faut-il qu’on nous aide ! Très honnêtement, pouvez-vous soutenir que nous portons atteinte à quiconque en cherchant à comprendre comment on arrive au total qui nous est demandé chaque mois ?
Notre demande est légitime, et j’espère que vous voudrez bien la satisfaire. Sinon, il faudra tirer les conséquences de ce manque de confiance à notre égard et ne pas nous confier la gestion du RSA !
Je ne sais si cette proposition de loi sera adoptée, le cas échéant appliquée. Ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu’un texte n’entrerait pas en vigueur. Je sais déjà qu’elle a posé quelques problèmes. Si elle n’avait servi qu’à faire payer les 12,5 % – la somme n’est pas fondamentale au regard des milliards d’euros non compensés depuis 2004,…
M. Guy Fischer. 2,3 milliards !
M. Michel Mercier. ….mais elle n’est pas négligeable –ce serait déjà un gain, pas très important, mais pas tout à fait nul ! (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Moreigne.
M. Michel Moreigne. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous voici amenés à discuter à nouveau des relations entre les conseils généraux et les organismes payeurs, CAF et MSA, dans le cadre de la gestion comptable du revenu minimum d’insertion.
Monsieur le rapporteur, vous vous êtes assuré sur place des difficultés rencontrées par les départements ; permettez-moi très amicalement de regretter que mon invitation au conseil général de la Creuse n’ait pas suffisamment retenu votre attention ; mais il est vrai que les indus sont moins importants dans ce département que dans celui du Rhône, et je vous pardonne volontiers ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un département bien tenu !
M. Michel Moreigne. Vous reconnaissez la réalité des difficultés, décrites à l’instant par M. Mercier, entre les organismes payeurs et les conseils généraux, mais le nouveau texte ne règle pas le problème principal à mes yeux : la dette de l’État à l’égard des conseils généraux en matière de RMI.
En effet, comme l’a admis le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, lors de la présentation du rapport en commission, la proposition de loi a uniquement pour objet « de permettre aux départements de disposer des instruments de pilotage adéquats »,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !
M. Michel Moreigne. …mais elle ne comporte aucune disposition relative au financement du RMI,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !
M. Michel Moreigne. …ce que mes amis et moi-même, ainsi sans doute qu’un certain nombre de collègues appartenant aux autres groupes, déplorons fortement.
Comme le fait apparaître le rapport de M. Cazalet, on ne peut nier aujourd’hui les difficultés rencontrées par les conseils généraux dans la gestion du dispositif du RMI avec certains des organismes payeurs.
S’agissant des indus, il est incontestable que, dans un contexte budgétaire difficile, ils pèsent sur les budgets des conseils généraux. Il paraît donc important d’en limiter le volume.
Vous le savez, mes chers collègues, nous traitons d’une population socialement et financièrement très fragile. Le taux de recouvrement par les conseils généraux reste très faible, puisque, même lorsqu’ils ont adopté un seuil supérieur aux 77 euros fixés par décret, ils procèdent chaque fois à l’examen très attentif – toujours bienveillant d’ailleurs – de la situation sociale et financière de l’allocataire.
Ainsi les conseils généraux accordent-ils des remises gracieuses aux bénéficiaires de bonne foi, ce qui est, vous me l’accorderez, le plus souvent le cas. En raison de cette approche humaine et sociale adoptée par les départements, les conseils généraux ne cherchent pas à effectuer de « chasse aux pauvres » en pourchassant les indus, mais souhaite simplement gérer plus efficacement l’aide sociale dont ils ont depuis 2004 l’entière responsabilité.
Puisque, en la matière, « mieux vaut prévenir », que peut-on faire ?
Un meilleur contrôle et une plus grande fluidité dans la transmission des données entre les différents partenaires doivent permettre de pallier certaines difficultés.
Le texte issu des conclusions de la commission propose diverses solutions.
Les organismes payeurs devront transmettre aux départements, en plus de la liste des indus, le nom de l’allocataire, l’objet de la prestation, le montant initial de l’indu, ainsi que le solde restant à recouvrer.
Cette disposition satisfera très probablement les départements demandeurs de plus d’informations, tel celui de notre collègue Michel Mercier.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que le système déclaratif du RMI est en lui-même générateur d’indus.
La périodicité trimestrielle actuellement en vigueur n’arrange rien. Peut-être une déclaration mensuelle, comme elle existe pour les ASSEDIC, serait-elle plus efficace ? Monsieur le haut-commissaire, vous avez évoqué, lors de votre audition devant la commission des finances, le mardi 6 mai dernier, votre volonté de mettre fin au système de déclaration trimestrielle, que vous avez qualifié d’« archaïque ». Il faudrait alors renforcer les moyens des CAF, insuffisants pour effectuer un traitement plus affiné des demandes dans le cadre du système de déclaration mensuelle qui est suggéré.
Se pose ensuite le problème de l’information et de la transmission des données des organismes payeurs aux conseils généraux.
Actuellement, lors de la demande de versement d’acompte adressée par les organismes payeurs aux départements, aucune pièce justificative n’est transmise, comme Michel Mercier vient de le rappeler avec la vigueur qui lui est coutumière.
L’acompte versé par les départements correspond aux allocations payées par les organismes payeurs deux mois auparavant. Ainsi, aucune vérification des informations n’est réellement possible pour les conseils généraux.
L’article 1er de la proposition de loi vise à pallier ce manque.
En outre, le texte qui nous est soumis entend également favoriser la transmission d’informations à trois occasions : lors de la reprise du versement de l’allocation par l’organisme payeur, après une période de suspension décidée par le même organisme ; lors des confrontations des fichiers des organismes payeurs avec ceux des organismes d’indemnisation du chômage et des organisations de recouvrement des cotisations de sécurité sociale selon une périodicité mensuelle, ainsi qu’avec ceux de l’administration fiscale chaque année ; lors de la transmission de la liste des allocataires ayant fait l’objet d’un contrôle, avec le détail de la nature du contrôle et son issue.
Ces apports répondent sans doute aux souhaits des départements, qui pourront conventionnellement définir avec leurs partenaires, CAF et MSA, les modalités de transmission de ces informations.
Néanmoins, comme le signale M. le rapporteur, ces changements ne pourront intervenir qu’après une période d’adaptation, concernant notamment les systèmes informatiques des CAF, lesquels ne permettent actuellement pas, par exemple, d’obtenir de données agrégées, sauf dans certains départements, qui, si j’ai bien compris, sont « plus égaux » que d’autres.
Vous nous avez indiqué en commission, monsieur le haut-commissaire, que le surcoût serait compensé par les CAF.
Monsieur le rapporteur, si les mesures qui nous sont proposées aujourd’hui par M. le rapporteur, sur l’initiative de notre collègue du département du Rhône, semblent correspondre à une attente des conseils généraux, je regrette cependant fortement que la proposition de loi ne s’attaque pas au problème majeur du RMI, à savoir son financement.
Est-il excessif de ma part de prétendre qu’un décret aurait suffi pour régler les problèmes de relation entre les CAF et les départements ?
M. Guy Fischer. Non !
M. Michel Moreigne. Je ne le crois pas, et j’estime ainsi qu’il aurait été plus opportun que le Sénat s’attache davantage aux questions de financement de l’action sociale d’insertion plutôt qu’à des difficultés relativement peu importantes.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Michel Moreigne. Il ne s’agit en effet pas uniquement de donner aux départements les moyens de mieux piloter le RMI ; il est indispensable de leur accorder également les moyens financiers nécessaires.
Au risque d’être à nouveau un peu désagréable, je rappellerai que le déficit des départements imputable au financement du RMI s’élève aujourd’hui à près de 2,5 milliards d’euros. Quant au département que j’ai, avec une certaine obstination, l’honneur de représenter ici, il subit un déficit qui atteint 1,5 million d’euros, soit près de quatre points de fiscalité départementale, ce qui est d’autant moins négligeable qu’il s’agit d’un des départements les moins riches.
L’État, qui s’était engagé à compenser les compétences transférées aux collectivités territoriales, ne respecte pas sa parole.
Avec la montée en puissance du nouveau dispositif en perspective et alors que les dépenses liées au RMI devraient bientôt atteindre quelque 6 milliards d’euros, comment les départements pourront-ils faire face, l’État ne leur transférant qu’une ressource atone en guise de compensation financière ?
Certes, le Gouvernement a bien fait naguère – presque jadis ! – un geste en s’engageant à verser 500 millions d’euros par an par le biais du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion. Néanmoins, chacun sait ici que cet engagement prendra fin cette année même.
En outre, le financement de la réforme des minima sociaux, avec la généralisation du RSA désormais prévue au cours de l’année 2009, aggravera sans doute encore cette situation ! Je le regrette, comme nombre d’entre vous sans doute, mes chers collègues.
J’ai bien noté, monsieur le haut-commissaire, que la participation de l’État aux contrats d’avenir créés dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 était réglée et qu’il suffisait que les conseils généraux présentent la facture à l’État : soyez sûr que votre annonce aura des effets que, pour ma part, je trouve heureux !
Permettez-moi, mes chers collègues, de rendre hommage, à cette tribune, aux conseils généraux.
Devenus à la suite de la décentralisation du RMI entièrement responsables de l’insertion sociale, les départements ont fortement investi dans les moyens humains et matériels afin de remplir leurs missions et de favoriser le retour à l’emploi. Pour cela, ils n’ont pas toujours pu compter sur le total soutien de l’État.
À cet égard, quitte à être qualifié d’obstiné, je ferai référence aux personnels qui auraient dû être mis à la disposition des conseils généraux à la suite des lois de décentralisation.
Face au refus des conseils généraux de signer les conventions de mise à disposition des personnels, une mission a été confiée aux inspections générales afin d’évaluer les effectifs des DDASS affectés aux compétences sociales ainsi qu’au RMI avant les lois de décentralisation.
Mise en place en février 2007, cette mission, après s’être rendue dans dix départements, a remis son rapport au Gouvernement l’été dernier.
Ce rapport souligne la notable sous-évaluation des personnels qui auraient dû être mis à disposition des départements au 1er janvier 2004. Selon la mission, 94,5 équivalents temps plein dédiés au RMI auraient en effet « disparu » au cours de l’année 2003, année précédant le transfert de compétence.
Pour ce qui concerne ces emplois, la compensation financière est estimée à 3 millions d’euros par an, soit – c’est mathématique – un coût de 12 millions d’euros pour la période 2004-2007.
Au-delà des emplois disparus, monsieur le haut-commissaire, je rappellerai pour rafraîchir les mémoires que 145,13 équivalents temps plein sont en outre devenus vacants depuis le 1er janvier 2004.
La mission souligne l’urgence qu’il y a à traiter définitivement ce dossier en compensant financièrement et rétroactivement les montants correspondant au coût des personnels qui auraient dû être mis à disposition des départements. Cela fait rêver… Espérons que le rêve se transformera en réalité !
En conclusion, si le texte que nous examinons semble répondre à la demande des départements de disposer des moyens nécessaires au bon pilotage du RMI, il ne doit en aucun cas constituer « l’arbre qui cache la forêt » des désaccords entre l’État et les conseils généraux, s’agissant tant des finances que des moyens en personnel.
En effet, les propositions qui nous sont soumises, puisqu’elles tendent à fluidifier les relations entre les départements et les organismes payeurs, sont souhaitables et doivent être mises en œuvre préalablement à la mise en place généralisée du RSA. Néanmoins, ne laissons pas passer le message selon lequel tous les maux du RMI seraient uniquement le fait des RMIstes et des indus. Ce serait se contenter de peu.
J’aurais préféré qu’il soit demandé à l’État, avec autant de vigueur et d’énergie que l’a fait notre collègue du département du Rhône pour le contrôle des bénéficiaires du RMI – c’est en effet bien de cela qu’il s’agit –, de respecter ses obligations envers les collectivités territoriales et de payer ses dettes.
Après ce réquisitoire que j’ai volontairement exposé de façon modérée, vous aurez compris, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, que le groupe socialiste s’abstiendra sur cette proposition de loi qui contribuera à régler un problème mineur, certes, mais ne réglera pas l’essentiel.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, on l’a dit, le RMI a été mis en place par le gouvernement Rocard pour lutter contre la pauvreté. Depuis, le nombre de ses bénéficiaires a crû au point que les pouvoirs publics en sont venus à se rappeler que, s’il s’agissait d’un revenu minimum, il avait pour objet l’insertion, ce que l’on avait eu un peu tendance à oublier pendant des années.
Je rappelle que le RMI n’est ni une allocation d’assistance ni une prestation de la sécurité sociale ; c’est un engagement réciproque de l’individu et de la collectivité qui tient compte des besoins, aspirations et possibilités des bénéficiaires.
Il est à la fois un droit accessible à tous ceux qui remplissent les conditions de revenu et un contrat, puisqu’il est lié à une contrepartie : la nécessité d’une démarche d’insertion.
C’est cette logique qui prévaut avec la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité, par laquelle les départements sont devenus entièrement responsables de la politique de réinsertion sociale, qu’ils exercent notamment au travers des contrats d’insertion.
C’est encore cette même logique d’insertion qui motivera, monsieur le haut-commissaire, la généralisation du revenu de solidarité active, tant les premières expérimentations conduites dans un nombre croissant de départements démontrent que le RSA permet d’augmenter le nombre d’allocataires sortant du dispositif des minima sociaux « par le haut », c’est-à-dire en accédant au marché du travail.
Cette réussite apparaît au fur et à mesure. Il convient de rappeler que la décision de travailler sur ce dossier est un choix initial des collectivités, même si cela sera appelé à se généraliser.
Si l’insertion ne doit pas être opposée à l’assistance, force est néanmoins de constater que les moyens qui sont indument attribués au titre de la seconde ne peuvent que cruellement faire défaut à la première.
Dans ces conditions, la proposition de loi de notre collègue Michel Mercier tendant à renforcer le contrôle comptable du RMI mérite d’être approuvée, tant il est vrai que l’un de ses objectifs forts consiste à diminuer le nombre de paiements indus afin de pouvoir précisément consacrer ces sommes à d’autres fins, telles que la réinsertion des allocataires.
Chacun ayant cité l’exemple du département dans lequel il est élu, je rappellerai à mon tour que, dans le mien, le RMI représente 40 millions d’euros, dont, en 2007, 1,2 million d’euros d’indus, soit trois fois plus que les 400 000 euros consacrés au RSA ! Ce n’est pas négligeable ! En d’autres termes, avec de telles sommes, nous pouvons faire encore plus pour le RSA.
La question du contrôle et de la gestion des indus, puisque c’est de cela qu’il s’agit, est donc essentielle. En effet – faut-il le rappeler ? –, la rigueur dans le versement du RMI est, au-delà de la considération financière, une question d’équité non seulement par le non-versement du RMI à ceux qui n’y ont pas droit, mais aussi par l’attribution de ce dernier à tous ceux qui peuvent légitimement en bénéficier et dont certains aujourd’hui ne sont pas couverts par le dispositif.
Aussi les conclusions présentées par la commission des finances sont-elles de nature, d’une part, à améliorer la collaboration entre les organismes payeurs que sont les caisses d’allocations familiales et les conseils généraux et, d’autre part, à permettre aux départements de mieux assumer la gestion du RMI.
Enfin, je voudrais saluer le travail accompli par le rapporteur, M. Auguste Cazalet.
Chacun de nous sait que les relations entre les conseils généraux et les organismes payeurs sont variables d’un département à l’autre et que, dans certains cas, les conventions déjà mises en œuvre abordent l’essentiel des points traités par cette proposition de loi.
Par conséquent, il est tout à fait opportun de ne pas imposer de renégociation et de permettre aux départements qui le souhaitent de demander une modification de la convention – certains l’ont déjà fait – avec l’organisme payeur afin d’y inclure certains éléments figurant dans cette proposition de loi.
Depuis des années, les hommes politiques que nous sommes entendent parler, quel que soit le gouvernement en place, du désengagement de l’État ; ce discours ne change pas.
Cette proposition de loi est bonne dans la mesure où elle tend vers l’équité et renforce le contrôle et la transparence. Elle s’inscrit ainsi, me semble-t-il, dans la démarche non seulement du Gouvernement, mais aussi des collectivités locales, en vue de soutenir plus fortement celles et ceux qui sont concernés par l’insertion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Fischer et Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 8 tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi en discussion.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des finances (n° 320, 2007-2008) sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (n° 212, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà déjà quelque temps – pour ne pas dire depuis que le RMI existe, soit bientôt vingt ans – que d’aucuns, au sein de la majorité parlementaire actuelle, entendent pointer du doigt les allocataires et le coût qu’ils représenteraient pour les finances publiques, singulièrement pour celles des départements.
Lors de la discussion du projet de loi portant décentralisation en matière de RMI et créant un revenu minimum d’activité – je rappelle que ce dispositif avait été disjoint de la loi sur les responsabilités locales –, j’avais déjà eu l’occasion d’indiquer que, dès 1988, la droite sénatoriale s’était prononcée en faveur du transfert du RMI aux départements et que, durant les premières années, elle avait souhaité faire du RMI un nouveau dispositif, le RMA, ou revenu minimum d’activité. Il s’agissait ni plus ni moins de mettre sous conditions d’exercice d’une activité professionnelle, même réduite, le versement de l’allocation.
Le débat sur le RMA avait animé une partie de la discussion du projet de loi en 2003, nonobstant le fait que d’aucuns le trouvaient pourtant d’un intérêt plus que limité. De ce point de vue, si l’on fait le bilan du RMA, tout un chacun peut objectivement faire ce constat.
J’avais alors rappelé ceci : « En ce qui concerne tout d’abord le RMA, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce nouveau contrat, qui vient s’ajouter à la panoplie déjà très large de contrats aidés, est très loin d’être satisfaisant, sauf peut-être pour les employeurs, qui bénéficieront indiscutablement "d’une aide substantielle permettant de réduire significativement les coûts salariaux" ; je me contente de citer M. le rapporteur.
« Les associations, pour leur part, sont unanimes à considérer que ce projet de loi est "trop rigide et trop précaire" – c’est notamment le cas de Martin Hirsch, d’Emmaüs – et que c’est "un mauvais CES". »
Or, depuis tout ce temps, outre le devenir quasi confidentiel du RMA, nous avons vu apparaître le RSA, qui présente, qu’on le veuille ou non, des caractéristiques assez proches de celles que l’on pouvait trouver dans le revenu minimum d’activité.
À cet égard, je dois dire que j’ai approuvé une partie de l’intervention de mon collègue Éric Doligé concernant les conditions de mise en œuvre du RSA. Je fus le seul parlementaire à m’opposer à la création du RSA, lors de l’examen de projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, ou TEPA, à la fin du mois de juillet 2007, expliquant que les conditions de remplacement du RMI, notamment, méritaient d’être discutées. Certains avaient alors avancé – c’est ce qui avait provoqué ma colère et mon vote négatif – qu’il conviendrait de supprimer les droits connexes ou, tout au moins, de les prendre en compte. Or je constate que, aujourd’hui, des présidents de conseil général éminents tirent eux-mêmes la sonnette d’alarme – pas plus tard que cet après-midi, dans le cadre de la mission commune d’information sur la pauvreté et l’exclusion, les auditions sont venues conforter ce point de vue –, afin que ne soient pas imposées la mise en place du RSA et sa généralisation avant que les expérimentations soient terminées et que l’on en ait tiré toutes les conséquences.
Le postulat idéologique de départ sous-tendant la proposition de loi qui nous est soumise est connu : les allocataires du revenu minimum d’insertion, comme d’ailleurs les allocataires de n’importe quel minimum social – il s’agit là d’un point qui nous oppose, Michel Mercier et moi-même, depuis pas mal de temps –, se complairaient dans l’assistanat et refuseraient de mener les parcours d’insertion que notre société, où chacun a sa chance, se fait pourtant un plaisir de leur tracer ! Ainsi M. le Président de la République a-t-il confié à Martin Hirsch la mission de substituer le RSA à tous les minima sociaux existants, notamment les plus importants d’entre eux, qu’il s’agisse du RMI, de l’allocation de parent isolé ou de l’allocation de solidarité spécifique.
Les allocataires de minima sociaux seraient au pire des fraudeurs : voilà qui reprend le grand discours d’Eric Woerth sur la lutte contre la fraude. Pourtant, à en croire le directeur général de la Caisse nationale d’allocations familiales, c’est infinitésimal. Au mieux, les allocataires de minima sociaux seraient des paresseux et des fainéants qui profitent du travail des autres ! Il y a là une stigmatisation que nous ne pouvons accepter !
Il semble que l’on veuille ainsi faire d’une pierre deux coups, à savoir, d’une part, montrer qu’il n’est pas si facile que cela de bénéficier des prétendues largesses de la collectivité nationale – personnellement, je n’y vois pas d’inconvénient, étant moi-même pour la rigueur dans ce domaine –, ce qui explique en grande partie le renforcement des contrôles prévu par la loi dont nous débattons et, d’autre part, tenter, par cette affirmation d’autorité, de dissuader certains de solliciter les allocations concernées, en attendant, bien entendu, qu’un autre texte ou une autre réforme de plus grande ampleur vienne mettre fin à certains des minima sociaux existants ou en réduire la portée, avant que d’en confier la gestion intégrale aux départements. Je mentionnerai pour mémoire le rapport de MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt sur les minima sociaux d’insertion, concernant notamment la réforme de l’API, ainsi que le transfert, voire la gestion même, de l’ASS.
C’est dans ce cadre idéologique que s’inscrit la proposition de loi de Michel Mercier ! En réalité, il ne fait pas bon être RMIste ou chômeur dans La France d’après, la France de M. Sarkozy !
En effet, si l’on est RMIste, on risque fort, outre le fait d’être soumis à un contrôle de plus en plus tatillon – sauf, évidemment, si le Gouvernement manifeste son intention de ne pas retenir les attendus de cette proposition de loi ; mais, de toute évidence, l’adoption de ce texte semble en bonne voie –, d’être bientôt contraint d’accepter tout et n’importe quoi au fil d’un parcours d’insertion dont le cheminement s’arrêtera rapidement sur le segment d’un revenu de solidarité active devenu un espace de précarité renforcée.
Ainsi, derrière certains discours sur le RSA et sa possible généralisation se profile l’émergence d’un sous-emploi massif qui cantonnerait des centaines de milliers de personnes sur certains segments d’activité : je pense notamment aux besoins émergents en matière d’aide à domicile et d’aide aux personnes âgées, au travail le dimanche, la nuit ou le week-end, domaines dans lesquels le secteur marchand ne peut fonder sa rentabilité que sur l’écrasement des conditions d’emploi et de rémunération, autrement dit sur la prise en charge par la collectivité d’une part plus ou moins élevée de la rémunération. Tel est l’enjeu.
Quand on est chômeur, les choses ne sont guère plus positives.
En effet, après la réforme du service public de l’emploi fusionnant l’ANPE et les ASSEDIC, après la modernisation du marché du travail, voici que se fait jour la vérité des intentions gouvernementales : la gestion de la demande d’emploi par la mise en œuvre de la notion d’offre valable d’emploi, véritable machine à exclure les personnes sans emploi du droit à allocation et trappe à déqualification et à sous-rémunération des personnes privées d’emploi ! La situation, à peine caricaturée, pourrait se résumer ainsi : « Ne pas accepter telle ou telle proposition aboutit à ne plus être indemnisé ! »
Derrière le discours de M. le Président de la République, abondamment relayé par le secrétaire d’État chargé de l’emploi, M. Laurent Wauquiez, il y a cette illusion populiste qui voudrait que, si les gens ne trouvent pas d’emploi leur convenant, c’est qu’ils ne font pas preuve des efforts suffisants pour en trouver un !
Dois-je rappeler à ce jeune secrétaire d’État promis, peut-on penser, à un bel avenir au premier rang des dirigeants futurs de la droite française que, pour que des personnes sans emploi en trouvent un, il faudrait déjà que les secteurs souffrant le plus d’un déficit de main-d’œuvre commencent par embaucher durablement les intérimaires dont ils viennent de suspendre les missions ?
Ainsi, alors que l’enquête « Besoins de main-d’œuvre 2008 », réalisée par les ASSEDIC, établit que le secteur du BTP entend recruter près de 146 000 salariés cette année, le Gouvernement commence par supprimer, par arbitrage en faveur des heures supplémentaires défiscalisées de la loi TEPA, plus de 9 000 postes de salariés intérimaires en décembre 2007. Telle est la réalité !
D’ailleurs, s’agissant de la situation des chômeurs dans notre pays, il faut revenir à l’essentiel : loin de profiter abusivement de prestations généreusement et aveuglément distribuées, ils sont 50 % à ne bénéficier d’aucune allocation de la part du régime d’assurance chômage !
Le chômage constitue la principale angoisse, la première préoccupation de nos compatriotes. La peur de l’exclusion, découlant de la perte de l’emploi ou d’un travail nettement moins rémunéré, est aujourd’hui une réalité et l’un des vecteurs de cette « paix armée » que l’on constate sur le front social.
Dans l’idéologie de la droite, le chômage joue pleinement son rôle : on vitupère et on stigmatise les chômeurs, mais ceux-ci servent aussi à faire accepter aux actifs les sacrifices, les reculs, les abandons et les restrictions de garanties collectives chèrement acquises par le passé ! Et tous les actifs cotisent à un régime d’assurance chômage qui ignore tout bonnement les droits de la moitié des personnes qui pourraient y prétendre ! Ce n’est pas moi qui l’affirme de façon gratuite : c’est ce que l’on observe à la simple lecture du document remis par le Gouvernement aux organisations syndicales de salariés lors de la réunion tripartite de la semaine dernière.
Ce document exemplaire nous en apprend beaucoup. Mes chers collègues, je ne lirai pas tous les passages que j’ai relevés, car je sens que je vous lasserais, je ne vous en livrerai qu’une partie :
« Le " potentiel indemnisable " est constitué de l’ensemble des demandeurs d’emploi (indemnisés ou non indemnisés) inscrits en catégories 1, 2, 3, 6, 7 et 8, auquel s’ajoutent les DRE – les dispensés de recherche d’emploi – indemnisés. Le " potentiel indemnisable " mesure en effet l’ensemble des personnes susceptibles de percevoir une indemnisation au titre du chômage. Il s’agit tout d’abord des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE qui sont en recherche effective d’un emploi (ce qui exclut les demandeurs d’emploi en catégories 4 et 5). En outre, parmi les dispensés de recherche d’emploi, seuls les indemnisés, parce qu’ils continuent à percevoir leurs indemnités au titre du chômage, sont ajoutés à l’ensemble des demandeurs d’emploi pour constituer le « potentiel indemnisable ».
Mes chers collègues, je n’entrerai pas dans le détail des chiffres qui nous ont été donnés par ce document.