M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.
M. Dominique Leclerc. Je souhaiterais comprendre.
Cet article 5 définit une nouvelle procédure, la rupture conventionnelle du contrat de travail, et ce pour encourager la rupture à l’amiable au détriment du recours au licenciement.
Loin de moi l’idée de mettre en cause la liberté contractuelle. Néanmoins, nous le savons tous, à cette procédure est adossé un régime fiscal et social assez avantageux.
Je dois dire, pour me souvenir des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, que l’on se rapproche du « départ négocié en commun avec l’accord de l’employeur » créé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 et, surtout, supprimé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Certaines précautions juridiques ont été prises. Ce qui nous est proposé aujourd'hui n’est pas pire que ce qui existe actuellement.
Pourtant, on le sait, à l’usage, toutes ces affirmations ont fréquemment été démenties dans le passé, car l’apparition de dispositions nouvelles est souvent source de difficultés supplémentaires.
Pour ma part, il me semble qu’il convient surtout de veiller à ce que l’assouplissement juridique dont nous avons la volonté cet après-midi ne donne pas lieu, une fois de plus, à des détournements, sous la forme d’un accroissement des départs anticipés à la retraite avant l’âge légal.
Mme Raymonde Le Texier. Évidemment !
M. Dominique Leclerc. Je vous renvoie ici, mes chers collègues, au taux d’emploi des seniors dans notre pays et aux détournements de procédure qui ont été évoqués dans cette assemblée lors de l’examen des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Au-delà de cet article5, qui détermine la procédure applicable en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail, on voit bien que ce texte constitue véritablement un recul par rapport au pacte social, lequel, pour nous, de toute évidence, sera détourné, une fois de plus, par l’entreprise et le patronat !
M. Dominique Leclerc, qui travaille sur le problème des retraites, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et il a raison !
M. Guy Fischer. … sait fort bien qu’une des difficultés majeures est le taux d’emploi des seniors.
Nous attendons avec impatience les futurs textes de loi que nous présentera le Gouvernement.
En effet, si le taux d’emploi des seniors s’élève à 38 % dans notre pays, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Guy Fischer. … c’est surtout, nous le savons, même si M. Leclerc ne l’a pas dit, le fait du prince, c'est-à-dire de l’entreprise !
Les politiques d’emploi qui sont menées aujourd'hui, d’une manière ou d’une autre, visent à diminuer dans des proportions considérables la masse salariale, action bien souvent concentrée sur l’emploi des seniors, et ce pour le plus grand bénéfice des actionnaires. C’est un débat qui nous oppose depuis déjà très longtemps.
À partir de là, que ce soit pour les ressources de la sécurité sociale, pour la vie de l’entreprise, pour entretenir et perpétuer des savoir-faire, notamment à travers le tutorat, des problèmes réels se posent.
Nous souhaitons donc véritablement que le Gouvernement ne se contente pas aujourd’hui de suivre la commission, mais qu’il nous en dise plus.
Je prendrai un exemple, qui est hors sujet, mais à propos duquel je voulais faire un rappel au règlement.
Hier, pendant que nous débattions de ce projet de loi, le Gouvernement recevait les organisations syndicales pour - pensions-nous alors - engager une négociation relative à l’indemnisation du chômage. Or, hier, à plusieurs reprises, M. le rapporteur mais surtout M. le ministre nous ont annoncé qu’un certain nombre de textes allaient être examinés. Dans quelles conditions en débattrons-nous ? C’est bien notre préoccupation majeure en tant que parlementaires. Il y a notamment le texte sur l’assurance chômage, le texte sur la formation professionnelle, celui sur l’emploi des seniors, et je pourrais continuer l’énumération.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. N’oubliez pas le texte sur la pénibilité !
M. Guy Fischer. En effet, un texte que l’on attend depuis des années et qui trouverait ici toute sa pertinence.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons beaucoup regretté que vous n’ayez jamais traité le problème !
M. Guy Fischer. Nous pensions que le Gouvernement engagerait une négociation relative à l’indemnisation du chômage, une négociation que vous nous promettiez hier encore, lorsque nous vous faisions part de notre réticence à voter un texte qui parle d’ « employabilité » et veut faire de celle-ci la nouvelle norme protectrice des salariés au détriment du droit fondamental, c’est-à-dire au maintien dans l’emploi.
Or, M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi, a annoncé, hier après-midi, ce que serait le contenu du projet de loi : sanctions pour les salariés privés d’emploi qui refuseraient deux offres d’emploi dont la rémunération serait égale à 80 % du salaire antérieur et qui n’entraîneraient pas un trajet de plus de trente kilomètres !
Et, là, quelle est la stratégie adoptée, sinon celle qu’a définie le Président de la République en disant qu’il faut que tout cela aille très vite ? M. Laurent Wauquiez est même allé plus loin : le problème devrait être traité avant les vacances d’été !
Va-t-on traiter d’un problème aussi important que celui du chômage de cette manière ?
M. Wauquiez reste d’ailleurs curieusement silencieux sur la nature du contrat que les salariés se verraient contraints d’accepter et l’on ne comprend que trop pourquoi. On est là vraiment au cœur du problème ; ce n’est pas le contrat unique, puisqu’il a fallu faire très vite.
Et le secrétaire d’État chargé de l’emploi d’ajouter, tout juste après la fin de cette rencontre, qu’un texte serait prêt avant l’été, tout en précisant : « La porte du Gouvernement reste ouverte » – notez la formulation ! – pour des « concertations informelles ». Va-t-on traiter d’un sujet aussi important par des « concertations informelles » ?
Voilà donc la conception que vous vous faites du dialogue social !
Vous ne pouvez poursuivre ce double discours qui est le vôtre. Vous ne pouvez pas promettre à la représentation nationale un grand débat sur l’indemnisation du chômage et sur ses conditions et annoncer, en même temps, des discussions « informelles » qui renvoient presque les syndicats dans la clandestinité. D’autant que, lorsqu’il s’agit d’offrir au patronat une loi faite sur mesure pour licencier à moindre coût, vous êtes prêts à prendre le temps nécessaire…
Par conséquent, je crains fort que certaines organisations signataires de cet accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 ne regrettent déjà leur signature, car, au chantage qui a été le vôtre, doit s’ajouter aujourd’hui le mensonge, et cela, nous le dénonçons, monsieur le ministre !
Il en est de même du débat sur les retraites, que vous voulez escamoter, et dont nous reparlerons lors de l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Notre collègue Dominique Leclerc pourrait nous éclairer sur ce sujet. Le texte que vous nous avez présenté il y a une semaine mériterait amplement un débat national. Eh bien, non ! c’est à travers le décret et certains articles du PLFSS que vous comptez traiter un problème aussi important ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Une explication de vote en effet s’impose.
Dans la réponse qu’il nous a faite, notre excellent rapporteur nous a reproché de présenter une vision idéologique de l’entreprise et non une vision concrète.
Je dirai d’abord à notre rapporteur qu’il aura du mal - mais je salue ses efforts - à faire passer le libéralisme pour un état de nature. Je suis obligé de remarquer que ce qu’il propose, c’est ce que proposent partout les gouvernements libéraux. Je le comprends, mais comment peut-il dire que la vision des uns serait idéologique tandis que celle des autres procéderait de l’évidence, de ce qui va de soi ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Non, monsieur le rapporteur !
J’ajoute que je ne crois pas du tout à l’efficacité économique de sa thèse ! La précarité, ce n’est pas efficace économiquement.
Le jour viendra - et il est proche - où les pénuries de main-d’œuvre vous obligeront à une autre vision. Lorsqu’en 2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin, la reprise a été telle que de nombreux secteurs d’activité ont été confrontés à des pénuries de main-d’œuvre, j’ai pu observer que les branches qui ont réussi à retenir leurs personnels étaient celles qui leur offraient la plus grande stabilité et la moindre précarité sociale. C’était un avantage comparatif tout à fait décisif.
J’aime mieux vous dire que le « marché social » - je mets des guillemets à cette expression - a tranché. Les êtres humains sont ainsi faits que, depuis l’origine des temps, ils préfèrent la stabilité à l’insécurité, la garantie à la précarité.
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Jean-Luc Mélenchon. Alors, la vision idéologique, c’est celle qui consiste à essayer de tordre le bras à cette réalité humaine pour imposer ce que vous appelez « une situation apaisée » au motif, monsieur le rapporteur, que l’on discuterait tranquillement de la rupture du contrat de travail, entre employeur et salarié. C’est ce que vous appelez « une relation apaisée », parce que les deux parties discutent entre elles, même s’il l’une est très forte et l’autre très faible.
Si cela suffisait, alors, à quoi bon légiférer sur le divorce ? La répudiation n’est-elle pas suffisante, puisque aussi bien l’homme que la femme peuvent répudier ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas la répudiation !
M. Jean-Luc Mélenchon. Où est le problème ? N’est-ce pas une relation civilisée, normale, entre deux personnes qui discutent tranquillement ? Non ! Nous faisons des lois parce que nous essayons d’organiser les relations humaines entre le faible et le fort dans l’intérêt général.
Je répondrai également à la remarque formulée par Mme Procaccia selon laquelle la rupture de contrat négociée de cette manière correspondrait à une demande des salariés parce que, dit-elle, et je veux bien la croire, statistiquement, sur 20 000 ou 30 000 employés, il y en a toujours un ou deux par an qui ont envie de quitter l’entreprise. Bien sûr ! Je ne conteste pas ce point, mais ces salariés peuvent partir et ils ont toujours pu le faire : cela s’appelle la démission.
Vous m’objecterez, madame Procaccia, mais vous y avez déjà fait allusion, qu’en cas de démission ces salariés ne peuvent pas obtenir d’indemnité, tandis que, dans la rupture par consentement mutuel, ils en obtiendront une.
Madame Procaccia, vous aurez mal lu le texte ! Le texte ne fait aucune obligation en ce sens dans le cas de rupture par consentement mutuel. Imaginez qu’une personne qui fait bien son travail mais qui veut quitter son emploi parce qu’elle ne se plaît pas chez son employeur lui demande une indemnité. Par consentement mutuel, que va répondre l’employeur ? Qu’il ne consent pas ! Et que peut faire le salarié qui aurait voulu partir avec une indemnité ? Rien ! C’est pour cela qu’il y a des lois qui prévoient que, dans certains cas de rupture, l’employé a droit à une indemnité et dans d’autres, pas !
Par conséquent, croire que cette disposition garantira à des salariés individuels qui voudraient quitter l’entreprise une indemnité qu’ils n’auraient pas pu obtenir en démissionnant n’est absolument pas conforme à la réalité de ce que contient ce texte.
La vérité, c’est que cette disposition n’a rien à voir avec la revendication des salariés. Personne ne peut signaler une seule pétition d’un seul syndicat, d’une seule association de travailleurs ayant demandé la mise en place de la rupture du contrat par consentement mutuel !
En revanche, je peux vous citer l’auteur de cette invention. Il s’agit – et c’est bien le travail des responsables du MEDEF – de la présidente du MEDEF ; c’est elle qui a inventé cette histoire de « séparabilité », ainsi qu’elle a nommé son nouveau concept. Mais c’est bien son droit, après tout, d’avoir des idées au regard des intérêts qu’elle défend.
La « séparabilité » date de 2006, donc ce n’est pas d’aujourd’hui. Je vous fais grâce des citations, car je pense que vous me croirez sur parole. Le cas échéant, je tiens à votre disposition l’extrait du discours qui vous permettra de vous assurer de l’origine, de la paternité, si je puis dire dans le cas qui nous occupe, de cette « séparabilité ».
Mais, ce qui est le plus frappant, c’est le cri de victoire à la sortie… Aucun des syndicats, même les plus sensibles aux arguments que vous avancez, n’a fait de communiqué pour dire que tout cela était excellent ou se réjouir qu’une de ses revendications ait été satisfaite ! En revanche, on a entendu Mme Parisot dire : « L’idée de la séparabilité était en France une idée totalement neuve. Elle a d’abord fait rire, car c’était impossible. » En effet, nous pensions que c’était impossible. « Elle a semé le trouble jusque dans les esprits des professeurs de droit et des observateurs les plus spécialistes. Peu à peu, elle s’est installée. […] Aujourd’hui, le mot de séparabilité n’est plus seulement labellisé MEDEF, et c’est tant mieux. »
En effet, elle a gagné et nous sommes invités aujourd’hui à consacrer sa victoire. Mais essayer de déguiser cette idée ou faire croire qu’il s’agit d’une revendication des travailleurs, c’est un très mauvais coup pour eux et pour leur vie professionnelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je suis très surpris de ce débat, et ce pour deux raisons.
Nous sommes en train de discuter d’un accord intervenu entre sept organisations professionnelles et syndicales, après de longs mois de négociations. Alors que nous réclamions tous, ici, et depuis très longtemps, la reprise du dialogue social, voilà que le premier acte qui marque sa renaissance suscite l’opposition d’un certain nombre de nos collègues s’agissant de telle ou telle disposition de cet accord. Cela signifie en fait que nos collègues ne sont pas partisans du dialogue social ni des accords. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. On ne négocie pas avec un revolver sur la tempe !
M. Jean-Pierre Fourcade. Soyons francs ! Seule la CGT n’a pas voulu signer. Or la CGT n’est pas un syndicat majoritaire dans le secteur privé, vous le savez comme moi.
Mme Raymonde Le Texier. Quand le chantage s’exerce continuellement, il n’y a pas de négociation !
M. Jacques Muller. On ne négocie pas sous la menace du chômage !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, je constate que vous ne voulez pas entrer dans la voie du dialogue social.
Mme Raymonde Le Texier. On leur a dit que c’était l’accord ou le chaos !
M. Jean-Pierre Fourcade. J’en viens à mon second sujet d’étonnement.
Nous discutons aujourd’hui comme si la France était totalement seule, comme s’il n’y avait pas de concurrence mondiale, comme s’il n’y avait pas de compétitivité, et comme si nous pouvions régler, ici, dans des conditions assez satisfaisantes, un après-midi de mai, le problème du développement des entreprises et du commerce international, en évoquant le droit du travail.
Or la compétitivité de notre pays recule actuellement. Je me suis récemment rendu en Chine et en Russie avec la commission des affaires étrangères. Nos entreprises perdent des parts de marché ; elles sont soumises à des systèmes rigides.
Mme Raymonde Le Texier. Si ce n’est pas de l’idéologie, cela….
M. Jean-Pierre Fourcade. Le ministre du travail essaie d’assouplir les règles, en conservant les valeurs fondamentales qui font notre spécificité.
Je considère que focaliser le débat, aujourd’hui, sur cet article 5, après des événements aussi emblématiques que la suppression du contrat nouvelles embauches, le CNE, sans parler du problème des stages, c’est vraiment faire peu de cas du développement de nos entreprises, et donc de l’emploi, dans la compétition mondiale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. Nous avons le droit de faire notre travail de parlementaires !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Monsieur Fourcade, si vous aviez été présent hier, au début de ce débat, vous auriez entendu ce que j’ai expliqué.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il était là !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet !
M. Jacques Muller. J’ai expliqué très clairement dans quelles conditions les négociations se sont déroulées, en termes de calendrier, d’objectifs…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourquoi les organisations syndicales ont-elles signé, alors ? Vous les prenez pour des enfants de chœur !
M. Jacques Muller. … et de pressions exercées sur les salariés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quel mépris pour les partenaires sociaux !
M. Jacques Muller. Or, en droit civil, un contrat signé sous contrainte est considéré comme nul.
Nous considérons que, dans les conditions où se sont déroulées les négociations, les conclusions de ce contrat ne sont…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous prenez les représentants pour des guignols ! Ils pouvaient refuser de signer !
M. Jacques Muller. Non, ils n’avaient pas le choix !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On a toujours le choix !
M. Jacques Muller. On les a menacés en leur disant que si ce n’était pas cela, ce serait pire!
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils nous ont dit qu’ils approuvaient l’accord !
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à garder à nos débats la sérénité que requièrent ces lieux.
Monsieur Muller, veuillez poursuivre et conclure, je vous prie.
M. Jacques Muller. On peut parler d’idéologie, mais l’idéologie n’est pas que d’un côté. À vous entendre, elle serait dans un camp et ne serait pas dans l’autre. L’idéologie néolibérale transpire dans tout ce texte, de la première à la dernière ligne. Assumez-le, tout simplement !
Mme Bernadette Dupont. Nous l’assumons !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas avec de tels discours que la représentativité des syndicats va s’améliorer dans notre pays !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 et 74.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le I bis de cet article, après le mot :
Dans
insérer les mots :
le second alinéa de
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Il s’agit d’un amendement très technique qui vise à corriger une simple erreur d’imputation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 75, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 1237-11 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
La rupture conventionnelle dont l’employeur est à l’initiative doit être motivée.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’amendement n° 75 vise à donner pleine application à la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, en ce qui concerne le droit au licenciement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous ne parlons pas d’un licenciement !
M. Guy Fischer. Vous savez qu’il s’agit d’une question importante puisque le respect de cet accord international est une garantie pour les droits de tous les salariés.
C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à compléter la rédaction actuelle de l’article 5 de ce projet de loi en précisant que la rupture conventionnelle, lorsqu’elle résulte de l’initiative de l’employeur, doit être motivée, ce qui est le moins s’agissant d’une décision aussi importante.
En effet, la convention n° 158 précise : « Aux fins de la présente convention, le terme de licenciement signifie la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur. ». Cela signifie que toute cessation de la relation de travail due à l’initiative de l’employeur doit obéir au droit du licenciement de base prévu par la convention.
Or, vous en conviendrez avec moi, une rupture conventionnelle aura bien pour effet de faire cesser la relation de travail. Si elle intervient sur l’initiative de l’employeur, d’après notre analyse, elle entre alors en plein dans la définition posée par l’OIT.
Comment, dès lors, justifier l’absence de motivation, alors que nos engagements internationaux nous contraignent – et c’est tant mieux – à adapter notre législation pour qu’aucune rupture de relation contractuelle à l’initiative de l’employeur ne puisse intervenir sans motivation ?
Cette motivation est un outil complémentaire de protection des salariés, puisqu’un licenciement non motivé est interdit, mais permet également de rendre sa dignité au salarié auquel il faut impérativement expliciter les raisons pour lesquelles l’entreprise se sépare de lui. C’est la moindre des choses !
Notre raisonnement, qui vise à assimiler toute cessation de rupture contractuelle résultant de l’initiative d’un employeur à un licenciement et exige, par là même, une motivation, est confirmé par un arrêt récent de la Cour de cassation, rendu le 5 mars 2008, selon lequel : « une rupture qui est réputée d’un commun accord […] ne […] prive pas le salarié de la possibilité d’en contester le motif économique ».
Si l’on peut contester le motif économique lors d’une rupture à l’amiable, c’est donc bien que, même dans ce type de rupture, la motivation est obligatoire.
L’amendement que nous vous proposons d’adopter vise donc, en partie, à éviter que la France ne soit à nouveau sanctionnée par l’OIT et, comme nous l’avons vu avec le contrat nouvelles embauches, par les chambres sociales de notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Je comprends bien qu’après avoir échoué dans votre tentative de suppression complète vous essayiez de détourner le sens de cet article, mon cher collègue.
M. Guy Fischer. Nous essayons d’en préciser le sens !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement est contraire à la logique même de la rupture conventionnelle. Ce qui compte, ce n’est pas tant l’initiative que l’accord entre les parties. Je suis d’ailleurs persuadé qu’il y aura plus de ruptures conventionnelles demandées par les salariés que par les chefs d’entreprise.
Cet amendement est tout à fait contraire à ce qu’ont souhaité les signataires de l’accord national interprofessionnel. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l’amendement n° 75.
Mme Raymonde Le Texier. L’amendement de nos collègues communistes soulève le problème fondamental que pose la rupture conventionnelle : qui en prend l’initiative ?
En théorie, personne, ce qui est évidemment une fiction. Si je vends ma voiture à un tiers, il s’agit certes de la rencontre de deux volontés, comme le veut la théorie du droit des obligations, mais il faut bien que mon initiative trouve en écho une demande, à moins que la volonté d’achat d’un tiers ne suscite mon assentiment. En d’autres termes, il faut bien que l’une des deux parties au contrat parle la première. Même si l’accord se fait immédiatement, ou presque, il y a toujours une initiative.
Pour une affaire aussi importante que la rupture d’un contrat de travail, il va de soi que l’acceptation ne peut intervenir « entre deux portes ». Le texte le reconnaît explicitement, puisque des entretiens sont prévus afin que l’on discute des conditions de la convention de rupture.
Pour autant, si tout se déroule comme prévu et dans un climat de bonne foi, nous ne sommes ni dans le cas d’un licenciement, ni dans le cas d’une démission.
Ce n’est pas une démission, puisque l’employeur accepte les conditions financières de la rupture conventionnelle et que le salarié bénéficie donc d’une indemnité et des allocations de chômage. Ce n’est pas non plus un licenciement, puisque le salarié décide ou accepte de quitter l’entreprise, sans exiger l’application de la procédure de licenciement. Il renonce, sinon aux avantages financiers, au moins aux voies de recours juridiques afférentes au licenciement.
Les deux parties s’en remettent à l’homologation par l’administration du travail et à un éventuel recours devant les prud’hommes, aucun citoyen ne pouvant être privé de recours juridique. Mais l’historique de la rupture, précisant qui peut être considéré comme en ayant pris l’initiative, n’est susceptible d’apparaître que dans les procès-verbaux d’entretiens.
On peut raisonnablement présumer que tout employeur un peu avisé et bien conseillé aura soin que la mention de son éventuelle initiative ne soit jamais portée au procès-verbal. Mais le salarié n’aura pas non plus intérêt à ce que son initiative risque d’être requalifiée en démission si un problème apparaît. On peut donc dire que chacun tient l’autre par la barbichette !
Juridiquement, si la rupture conventionnelle n’est pas un licenciement, elle n’entre donc pas dans le champ de la convention n° 158 de l’OIT. Nous sommes dans le cadre d’une convention qui glisse doucement vers le contrat de droit civil entre deux parties en situation d’égalité.
C’est ici que nous en venons à la deuxième fiction, car l’employeur et le salarié ne sont pas en situation d’égalité. Le fondement du droit du travail est la reconnaissance de cette réalité, et c’est précisément pour cela que les efforts constants du patronat visent à faire disparaître cette spécificité.
Il est aussi excessif de considérer le monde du travail comme un roman de la comtesse de Ségur que comme un western, avec les bons d’un côté et les méchants de l’autre. Mais c’est un monde structurellement inégalitaire, où le facteur humain doit aussi être pris en compte. Non, les employeurs et les salariés ne sont pas en situation d’égalité !
Comment ne pas voir que le salarié n’a aucun moyen de pression sur l’employeur pour accéder à la rupture conventionnelle, comme cela a été dit tout à l’heure ? Pour exercer sa volonté de départ, il ne dispose que de la démission, qui le prive d’indemnités et d’allocations de chômage. En revanche, l’employeur, si – par extraordinaire, bien sûr – il était de mauvaise foi, pourrait créer toutes sortes de difficultés au salarié pour lui rendre la vie impossible et l’acculer à accepter la rupture conventionnelle, nous le savons bien ! Il suffit de penser au chantage habituel, mille fois entendu : il vaut mieux pour le salarié qui cherche un nouvel emploi être démissionnaire plutôt que démissionné.
Pour une somme relativement modique, l’employeur échappe à la fastidieuse procédure de licenciement et, dans la quasi-totalité des cas, au recours juridique, puisque le salarié aura signé la rupture et que l’initiative de cette rupture restera dans l’ombre.