M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission émet un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Nous nous sommes déjà, me semble-t-il, longuement exprimés sur la constitutionnalité du présent projet de loi dans le cadre de la discussion générale.
De mon point de vue, la lecture du texte, telle qu'elle a été faite par les différents orateurs, montre bien que nous ne sommes pas dans un cas d'inconstitutionnalité. Le dispositif proposé s'inscrit parfaitement dans le cadre des principes rappelés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 juin 2003.
En effet, et nous avons été plusieurs à le souligner aujourd'hui, si le Conseil constitutionnel a souhaité encadrer le recours au contrat de partenariat, il n'a pas interdit la création de cas d'ouverture autres que l'urgence et la complexité, dans la mesure où ces deux critères ne constituent que des exemples de « motifs d'intérêt général » justifiant le recours à un tel contrat, l'expression « tels que », contenue dans la décision du 26 juin 2003, prouvant d'ailleurs qu'il s'agit seulement d'exemples.
En outre, si le projet de loi ouvre significativement la possibilité de recourir au contrat de partenariat, il ne la généralise pas pour autant. En effet, en réalisant un bilan, l'évaluation préalable doit prouver que le contrat serait effectivement le meilleur outil pour mener à bien le projet concerné.
La personne publique ne peut pas décider de recourir librement à ce contrat, à l'instar du marché public ou de la délégation de service public, pour laquelle - je vous le rappelle - aucune évaluation n'est nécessaire. Vous pouvez très bien conclure un marché public, même lorsque son évaluation éventuelle serait défavorable. Il n'y a aucune restriction. En revanche, il y en a une dans le dispositif présenté aujourd'hui. Nous sommes donc bien dans un cas de dérogation, conforme à la décision du Conseil constitutionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, et ce pour les raisons que M. le rapporteur vient d'évoquer et que j'avais déjà soulevées dans le cadre de la discussion générale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voudrais soutenir l'exception d'irrecevabilité présentée par Mme Mathon-Poinat à l'instant et revenir, madame la ministre, sur les arguments que vous avez avancés.
Si j'ai bien compris, toute votre démonstration s'appuie sur l'expression « tels que ». Pour ma part, j'ai entendu l'argument de Mme la ministre, repris par M. le rapporteur, selon lequel l'utilisation des termes « tels que » par le Conseil constitutionnel prouverait que l'urgence et la complexité ne seraient que des exemples et que, par conséquent, nombre d'autres circonstances pourraient être ajoutées.
Si ce raisonnement est juste, je ne comprends pas pourquoi, madame la ministre, vous avez commencé par dire que, selon vous, le contrat de partenariat devait rester exceptionnel. S'il est exceptionnel, cela signifie qu'il peut y avoir quelques exceptions, mais, convenons-en, l'exception n'est pas la règle.
Donc, même si l'on peut imaginer que la complexité et l'urgence ne soient pas des critères exhaustifs, l'on ne saurait pour autant considérer que la généralisation des contrats de partenariat soit conforme à la décision du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel indique d'ailleurs que « la généralisation de telles dérogations [...] serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles ». Or, par ce projet de loi, vous procédez à une véritable généralisation.
Au risque de fâcher notre collègue Paul Girod (M. Paul Girod lève les bras au ciel), j'évoquerai de nouveau la remarquable démonstration de notre collègue Éric Doligé. D'après ce dernier, la réalisation de collèges en contrat de partenariat public-privé est tellement avantageuse que ce serait à la limite méconnaître l'intérêt public que de continuer à recourir à une autre procédure !
En réalité, nous ne savons pas évaluer ces contrats sur une période de dix ans. J'espère que nous serons tous vivants dans dix ans : nous pourrons alors porter un jugement sur ce qui s'est passé.
Je ne reprendrai pas l'argument que vous avez invoqué, madame la ministre, en vous fondant sur l'expression « au nombre de » figurant dans l'avis rendu par le Conseil d'État. Il s'agit du même raisonnement, que je ne développerai pas. Les termes « tels que » et « au nombre de » sont les pierres philosophales qui expliqueraient que ce texte est conforme à la Constitution...
Vous ajoutez encore deux arguments.
D'abord, vous dites que, si le bilan est « plus avantageux », on doit pouvoir conclure un contrat de partenariat. Je viens tout juste d'expliquer que personne ne peut prouver ce qui sera le plus avantageux dans trente ans ; il y a trop de variables. Il s'agit donc d'un pari.
Plusieurs collègues ont évoqué les cas où il est « prouvé » que le contrat de partenariat est plus avantageux. Mes chers collègues, je comprends ce que signifie le verbe « prouver » en mathématiques et dans certaines sciences, mais là, il ne s'agit pas de preuve, il s'agit simplement d'un acte de foi !
Par conséquent, à chaque fois que je vais déclarer que c'est avantageux, je vais pouvoir établir un contrat de partenariat ! C'est exactement la généralisation du recours à ces contrats, donc le contraire de l'exception et de l'exceptionnel que vous défendez, madame la ministre, nonobstant l'expression « tels que ».
Ensuite, vous prévoyez un deuxième critère : « jusqu'au 31 décembre 2012 ». On se demande pourquoi... Jusqu'à cette date, presque tout sera déclaré urgent !
Il me paraît évident que le Conseil constitutionnel, s'il est saisi, aura l'impression que son texte est interprété de façon pour le moins extensive !
Je vous donne acte, madame la ministre, que les expressions « tels que » et « au nombre de » vous eussent permis d'ajouter un troisième cas exceptionnel. Mais comme vous étendez le recours au contrat de partenariat à chaque fois que celui-ci est plus avantageux, et pour un très grand nombre de domaines jusqu'en 2012, je ne sais pas comment vous allez plaider que ce n'est pas, de facto, une généralisation.
C'est pourquoi je soutiens la démonstration de Mme Mathon-Poinat.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 96, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
CHAPITRE IER
Dispositions modifiant l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par Mme Mathon-Poinat, M. Billout, Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat est abrogée.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Une fois n'est pas coutume, monsieur le président, nous allons commencer la discussion des articles en retirant cet amendement quelque peu provocateur.
Nous voudrions entamer le débat non pas sur cette note, mais plutôt, avec l'amendement n° 98, sur une proposition d'amélioration du projet de loi, gage de notre volonté de nous inscrire le plus positivement possible dans ce débat.
M. le président. L'amendement n° 97 est retiré.
L'amendement n° 98, présenté par Mme Mathon-Poinat, M. Billout, Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Toute identification de projet public susceptible d'être mis en oeuvre sous la forme d'un contrat de partenariat doit être notifiée préalablement à son lancement.
Pour l'État, cette notification est faite devant la Mission d'appui des partenariats public-privé, qui en assure la publicité sur son site.
Pour les collectivités territoriales, la notification est faite devant l'assemblée plénière et sur le portail « marchés » de la collectivité ou de son prestataire attitré.
La forme minimale de l'information sur le projet doit contenir son objet, ses enjeux, ainsi que qu'une évaluation financière globale du montage envisagé.
Cette publicité préalable est assurée pendant quarante-cinq jours avant tout lancement des procédures de contrat de partenariat.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Par cet amendement, nous proposons d'encadrer les contrats de partenariat, de façon à éviter certaines dérives.
Cet amendement constituerait, s'il était adopté, une avancée significative par un apport au projet de loi dans sa forme actuelle.
Il s'agit en effet d'assurer la plus grande transparence sur les projets de contrats de partenariat, de sorte que la concurrence entre les opérateurs intéressés soit exacerbée. J'ose penser que je vais obtenir l'assentiment de la Haute Assemblée, mes chers collègues, puisqu'il s'agit, finalement, d'aller dans le sens d'une protection de la concurrence libre et non faussée à laquelle vous êtes, je le sais, très attachés.
Rappelons que, tant pour les marchés publics que pour les contrats de délégation de service public, les projets d'investissement sont soumis, pour l'État, à la présentation des autorisations de programme et, pour les collectivités territoriales, au vote formel des projets en assemblée plénière.
Or, dans l'ordonnance de juin 2004 que nous complétons aujourd'hui, un dispositif similaire d'information préalable a, semble-t-il, été omis.
En l'état, et compte tenu de la multiplication annoncée du recours à la procédure du contrat de partenariat, cela risquerait de jeter la suspicion sur toutes les procédures, alors même que d'autres écueils guettent son utilisation, comme l'accusation d'être un outil approprié pour masquer l'endettement par la déconsolidation.
Aussi est-il souhaitable que tous les projets se mettent en place avec le maximum de transparence. Les actuels projets de l'État sont certes soumis à l'examen de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat, la MAPPP. Mais lorsque cette dernière publie sur son site le contenu de l'avis qu'elle a rendu, la procédure est déjà lancée, et cela interdit tout exercice légitime du contrôle démocratique.
Pour les collectivités locales, la situation actuelle est pire puisque le projet n'est soumis à aucune autorité indépendante - cela fera l'objet d'un autre amendement - et sa publicité n'est opérée que lorsque les commissions appropriées doivent en prendre connaissance.
Aussi, imposer la publication des projets ex ante, comme le prévoit cet amendement, garantit leur transparence et renforce la pression concurrentielle, puisque l'un des leviers du libre jeu de la concurrence est l'accès entier et gratuit à l'information.
J'invite donc le Sénat à adopter cet amendement, que je qualifierai de « sage ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Celui-ci alourdit la procédure par un dispositif nouveau, inconnu du droit de la commande publique, et m'apparaît d'autant moins nécessaire qu'il existe déjà des règles de publicité pour les contrats de partenariat à même d'assurer une concurrence efficace.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Quoique je salue la proposition constructive, j'émets également un avis défavorable.
En effet, des règles de publicité préalable sont déjà prévues de manière substantielle, en particulier la publication d'un avis au Journal officiel de l'Union européenne, qui donne une information complète sur le projet et semble suffisant pour l'information de tous les candidats éventuels titulaires de ces marchés.
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l'article 1er de l'ordonnance 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, il est ajouté un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les contrats de partenariat sont des contrats dérogatoires au droit commun de la commande publique et à la domanialité publique. La généralisation de telles dérogations ne saurait priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, j'ai été mortifié que vous ayez complètement ignoré mes questions dans vos réponses. Il me semblait pourtant que certaines d'entre elles n'étaient pas complètement anodines.
Par exemple, pourquoi ajouter encore à l'arsenal dont nous disposons en matière de commande publique, y compris d'ailleurs des contrats de partenariat autorisés par l'ordonnance de 2004 ? Je n'ai pas eu de réponse.
Je m'interrogeais également sur la possibilité réelle de réaliser des bilans sérieux. D'ailleurs, hormis la jurisprudence Loiret - cela ne concerne d'ailleurs, à mon avis, que le Loiret, car je connais d'autres endroits où l'on construit des collèges en trois ans -, nous n'avons guère eu d'explications sur ce sujet.
Cet amendement vise à préciser que les contrats de partenariat tels que vous nous les présentez sont dérogatoires au droit commun de la commande publique, ce qui est aussi, ai-je cru comprendre, votre sentiment. Je pense donc que nous obtiendrons un avis favorable de votre part.
Nous ajoutons que « la généralisation de telles dérogations ne saurait priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics. »
Je serai très attentif au jugement qui sera porté sur notre proposition qui, je le rappelle, est à la fois de bon sens et conforme au droit en vigueur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Cet amendement tend à inscrire dans la loi une partie de la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003 encadrant le recours au contrat de partenariat.
La commission des lois a été attentive au respect de ces dispositions du Conseil constitutionnel ; elle a essayé de s'assurer de l'existence de garanties suffisantes dans le projet de loi pour que les contrats de partenariat restent une exception, en tant qu'ils sont dérogatoires au droit commun de la commande publique.
Elle considère pour autant qu'il n'est pas nécessaire de rappeler un principe de droit qui a été énoncé par le Conseil constitutionnel. La décision du Conseil constitutionnel se suffit à elle-même, et elle n'a pas besoin d'être reprise dans la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, monsieur le président.
Je voudrais répondre à l'interpellation de M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le sénateur, il s'agit simplement d'ajouter un élément nouveau, sous la forme de ce contrat de partenariat public-privé, dans la boîte à outils dont dispose la puissance publique lorsqu'il s'agit de passer une commande publique. Cela concourt à la concurrence : plus on dispose d'instruments juridiques, plus on peut choisir. Il n'y a donc là rien de contraire au principe dérogatoire que vous avez justement rappelé.
Il sera tout à fait possible de tirer un bilan en temps utiles. Mais, depuis 2004, trop peu de commandes ont été passées selon les modalités de partenariat public-privé. Il est donc encore un peu tôt. En revanche, je ne doute pas que, avec les développements qui résulteront de l'application du texte que nous examinons ce soir, la puissance publique étant alors en mesure de recourir au partenariat public-privé dans des conditions facilitées quoique exceptionnelles, nous pourrons tirer un bilan.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
L'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat est ainsi modifié :
1° Il est inséré un : « I » au début de l'article ;
2° Au troisième alinéa, il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Il peut se voir céder, avec l'accord du cocontractant concerné, tout ou partie des contrats passés par la personne publique pouvant concourir à l'exécution de sa mission, notamment des contrats passés en application du code des marchés publics et de la loi n° 85-504 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée. » ;
3° Il est ajouté un alinéa et un II ainsi rédigés :
« Le contrat de partenariat peut prévoir un mandat de la personne publique au cocontractant pour encaisser, au nom et pour le compte de la personne publique, le paiement par l'usager final de prestations revenant à cette dernière. »
« II. - Lorsque la réalisation d'un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs personnes publiques, ces dernières peuvent désigner par convention celle d'entre elles qui conduira la procédure de passation, signera le contrat et, éventuellement, en suivra l'exécution. Cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme. »
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 99, présenté par Mme Mathon-Poinat, M. Billout, Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 1er prévoit un assouplissement du régime des contrats de partenariat passés par l'État.
L'État, qui aurait passé des contrats, en particulier des marchés de maîtrise d'oeuvre, pourrait ainsi céder ces contrats au titulaire du contrat de partenariat. Les marchés de maîtrise ne sont en effet pas nécessairement intégrés au contrat de partenariat.
Nous comprenons bien la logique de cet article, qui, du point de vue des architectes, s'explique par le souhait de ces derniers de conserver la maîtrise d'oeuvre durant toute la durée du contrat. Néanmoins, le fait de céder un marché de maîtrise d'oeuvre entraîne une situation qui, si elle peut sembler évidente, a cependant des conséquences importantes dans les faits : l'interlocuteur du maître d'oeuvre change, et ce dernier a alors affaire non plus à la personne publique, mais à son partenaire, personne privée.
Si ce changement d'interlocuteur n'a pas beaucoup d'importance pour des maîtres d'oeuvre privés, il en va différemment lorsque la maîtrise d'oeuvre est assurée par la filière technique de la fonction publique territoriale par exemple. Les cadres et les ingénieurs de la DDE pourraient eux aussi être directement concernés. Or leurs rapports avec le maître d'ouvrage risquent de changer du jour au lendemain si le marché de maîtrise d'oeuvre est cédé par la personne publique à son partenaire privé. Ce dernier n'a en effet pas la même conception du service public qu'un fonctionnaire.
L'article 1er prévoit également que les personnes publiques pourront se regrouper pour signer un contrat de partenariat.
Si l'on peut aisément deviner que certains projets, en raison de leur envergure, se prêtent bien à ce genre de montage, une question se pose néanmoins. En effet, les destinées politiques de chaque personne publique seront forcément divergentes durant l'exécution du contrat, qui, je le rappelle, peut durer plusieurs dizaines d'années.
Que se passera-t-il en cas de changement de majorité dans un exécutif local ou à la tête d'une administration après une élection ? Les contrats en cours seront-ils remis en cause ? Quelle sera la liberté de l'élu de revenir sur un projet qu'il estime inopportun ?
Il devient également impératif que la collectivité ait fixé avec précision les contours du projet et qu'elle ne change plus d'avis. On le sait, les pénalités sont lourdes en cas de non-exécution du contrat de partenariat et si des clauses de réversibilité n'ont pas été prévues dans le contrat initial. Cela signifie-t-il que les contrats de partenariat, une fois signés par un groupement de personnes publiques, deviennent immuables ? C'est une situation qui devient soudain très intéressante pour le partenaire privé...
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, cet article pose plus de problèmes qu'il n'en résout, notamment au détriment de la personne publique. C'est pourquoi nous en demandons la suppression.
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par MM. Sueur, Collombat, Masseret et Todeschini, Mme Printz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat est ainsi rédigé :
« Art. 1er - I. - Les contrats de partenariat sont des contrats administratifs par lesquels l'État ou un établissement public de l'État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale relative au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée.
« Il ne peut être conclu de contrat de partenariat que si le montant des travaux et prestations à réaliser en vertu du dit contrat est supérieur à 50 millions d'euros hors taxe.
« II. - Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser.
« Il peut se voir confier tout ou partie de la conception des ouvrages. Il peut se voir céder, avec l'accord du cocontractant concerné, tout ou partie des contrats passés par la personne publique pouvant concourir à l'exécution de sa mission.
« Lorsque le contrat de partenariat concerne la construction, la réhabilitation, la réutilisation ou la transformation d'un ou plusieurs bâtiments, la procédure de mise en concurrence visant à l'attribution du contrat ne peut s'effectuer que sur la base d'un projet résultant d'un concours d'architecture organisé préalablement, par la personne publique à l'origine du contrat de partenariat.
« La rémunération du cocontractant fait l'objet d'un paiement par la personne publique pendant toute la durée du contrat. Elle peut être liée à des objectifs de performance assignés au cocontractant.
« III. - Lorsque la réalisation d'un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs personnes publiques, ces dernières peuvent désigner par convention celle d'entre elles qui conduira la procédure de passation, signera le contrat et, éventuellement, en suivra l'exécution. Cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement, qui vise à une nouvelle rédaction de l'article 1er, apporte deux modifications. Je n'en aborderai qu'une seule pour le moment, car j'interviendrai sur la question des architectes à la faveur d'un sous-amendement.
Je veux limiter mon propos à l'alinéa visant à instaurer un seuil de 50 millions d'euros en dessous duquel aucun contrat de partenariat public-privé ne pourrait être conclu. Pour défendre ce seuil, je serai bref, car je m'appuierai essentiellement sur l'excellent rapport pour avis de M. Guené, fait au nom de la commission des finances.
Dans ce rapport, monsieur Guéné, vous évoquez les différents risques liés à la déconsolidation de la dette, parmi lesquels figure celui du rétrécissement des conditions de mise en concurrence. Force est de souligner que la généralisation des contrats de partenariat conduira de fait à une diminution de la concurrence par l'exclusion des nombreux artisans, TPE et PME qui n'auront plus accès aux marchés publics du fait de leur incapacité à pouvoir rivaliser avec les majors du BTP.
Dans votre rapport pour avis, qui se réfère à l'expérience ayant eu lieu au Royaume-Uni, vous faites judicieusement remarquer ceci : « Le Trésor britannique considère que les opérations inférieures à 20 millions de livres, comme celles concernant les systèmes d'information, ne présentent pas en général un bilan coût/avantage suffisant. » Puisque l'on parle beaucoup en ce moment du Royaume-Uni, où notre Président de la République a effectué récemment un voyage très remarqué, et que l'on ne cesse de nous vanter l'exemple britannique en matière de contrats de partenariat, on pourrait tout à fait s'inspirer, me semble-t-il, de cette constatation.
L'article 6 prévoit, conformément à la directive européenne, que, en deçà de 5,150 millions d'euros, les contrats puissent être attribués sous une simple forme négociée. En deçà de ce même seuil, ils échappent également à la procédure de dialogue compétitif.
Aujourd'hui, le risque est réel de voir se multiplier des contrats de partenariat d'un faible montant, économiquement peu efficients et dont la seule motivation tient à quelques accommodements budgétaires, et ce pour de nombreux ouvrages banals qui constituent actuellement le marché des artisans et des PME.
J'ajoute que M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est demandé, lors de la réunion de la commission des finances, « s'il ne convenait pas de poser un seuil en deçà duquel il ne serait pas possible de recourir aux PPP ».
Il serait effectivement sage, à mon avis, de prévoir un tel seuil : ce serait un moyen de ne pas généraliser le système des partenariats public-privé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Béteille, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 48 est présenté par M. Houel, au nom de la commission des affaires économiques.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit cet article :
A. L'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat est ainsi rédigé :
« I. - Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l'État ou un établissement public de l'État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet le financement, la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public.
« Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée.
« II. - Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser.
« Il peut se voir céder, avec l'accord du cocontractant concerné, tout ou partie des contrats passés par la personne publique pouvant concourir à l'exécution de sa mission.
« La rémunération du cocontractant fait l'objet d'un paiement par la personne publique pendant toute la durée du contrat. Elle est liée à des objectifs de performance assignés au cocontractant.
« Le contrat de partenariat peut prévoir un mandat de la personne publique au cocontractant pour encaisser, au nom et pour le compte de la personne publique, le paiement par l'usager final de prestations revenant à cette dernière.
« III. - Lorsque la réalisation d'un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs personnes publiques, ces dernières peuvent désigner par convention celle d'entre elles qui conduira la procédure de passation, signera le contrat et, éventuellement, en suivra l'exécution. Cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme. »
B. En conséquence, la même ordonnance est ainsi modifiée :
1° Dans le dernier alinéa de l'article 8, les mots : « ouvrages ou équipements » sont remplacés par les mots : « ouvrages, équipements ou biens immatériels » ;
2° Dans les c, e, f et k de l'article 11, les mots : « ouvrages et équipements » sont remplacés par les mots : « ouvrages, équipements ou biens immatériels » et dans le d du même article, les mots : « ouvrages ou équipements » sont remplacés par les mots : « ouvrages, équipements ou biens immatériels » ;
3° Dans les a et c et dans le dernier alinéa de l'article 12, le mot : « ouvrages » est remplacé par les mots : « ouvrages, équipements ou biens immatériels ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Laurent Béteille, rapporteur. Cet amendement vise à une nouvelle rédaction de l'article 1er afin de distinguer plus nettement, dans la définition du contrat de partenariat, les critères facultatifs des critères obligatoires du contrat de partenariat, de clarifier le champ du contrat de partenariat en indiquant qu'il recouvre aussi bien les ouvrages, les équipements que les biens immatériels, et de préciser que la rémunération du partenaire privé est nécessairement liée aux objectifs de performance.
M. le président. L'amendement n° 1 est assorti de quatre amendements.
Le sous-amendement n° 119, présenté par MM. Sueur, Collombat, Masseret et Todeschini, Mme Printz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le I du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat par un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut être conclu de contrat de partenariat que si le montant des travaux et prestations à réaliser en vertu du dit contrat est supérieur à 50 millions d'euros hors taxe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je l'ai déjà défendu, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 120, présenté par MM. Sueur, Collombat, Masseret et Todeschini, Mme Printz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le contrat de partenariat concerne la construction, la réhabilitation, la réutilisation ou la transformation d'un ou plusieurs bâtiments, la procédure de mise en concurrence visant à l'attribution du contrat ne peut s'effectuer que sur la base d'un projet résultant d'un concours d'architecture organisé préalablement, par la personne publique à l'origine du contrat de partenariat. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce sous-amendement traite de l'architecture. Ce que l'on nous dit rituellement sur l'architecture n'est pas plus satisfaisant que ce que l'on nous dit sur les PME, en nous indiquant que l'on pourra toujours faire appel à ces dernières.
Rien n'interdit de faire appel aux PME. Certes ! Mais toutes les PME auront-elles le droit de concourir ? Bien sûr que non !
De la même manière, on nous dit que la collectivité locale ou l'État pourra organiser un concours d'architectes. Certes !
On nous dit que l'opérateur titulaire du contrat de partenariat pourra mettre en oeuvre une concurrence entre les architectes si la collectivité locale ou l'État le lui demande. Certes !
Aujourd'hui, vous le savez bien, la législation en vigueur oblige à mettre en concurrence les architectes pour la construction de bâtiments publics à partir d'un certain seuil
Or nous sommes ici non pour décider de préconisations vagues et générales, mais pour élaborer un texte de loi. Si l'on accepte la formulation du projet de loi, on rend possible le fait qu'il n'y ait pas de concours d'architectes pour des ouvrages de grande dimension si la collectivité ou l'opérateur en décide ainsi.
Si ce texte est adopté en l'état, vous rendrez possible le choix discrétionnaire d'un architecte par la collectivité ou par l'opérateur. C'est pourquoi j'espère que notre amendement et nos sous-amendements seront retenus. Le fait de rétorquer qu'un concours pourra être organisé n'est absolument pas un argument. Pour une construction de très grande dimension, l'État, la collectivité ou l'opérateur, si l'État ou la collectivité en sont d'accord, pourra parfaitement désigner M. X ou Mme Y comme architecte.
Il nous paraît donc essentiel d'inscrire dans la loi que, « lorsque le contrat de partenariat concerne la construction, la réhabilitation, la réutilisation ou la transformation d'un ou plusieurs bâtiments, la procédure de mise en concurrence visant à l'attribution du contrat ne peut s'effectuer que sur la base d'un projet résultant d'un concours d'architecture organisé préalablement, par la personne publique à l'origine du contrat de partenariat ». Le conseil national de l'ordre des architectes et les syndicats d'architectes le demandent !
À l'argument qui consisterait à dire qu'il s'agit de lobbies ne représentant qu'eux-mêmes, je répondrai que c'est au contraire une profession parfaitement respectable, que nous devons respecter et qui s'exprime par toutes ses instances.
J'ajoute que ce n'est pas du corporatisme. La demande des architectes va vraiment dans le sens de l'égal accès des membres de cette profession à la commande publique. Le fait qu'il y ait une vraie concurrence organisée avec de véritables concours est aussi une garantie pour la qualité et l'évolution architecturales dans notre pays. Je vous en supplie, ne répondez pas que l'on pourra toujours organiser un concours d'architectes, comme si cette procédure allait de soi ! Je ne cherche pas à prévoir une injonction, mais j'aimerais mieux que l'on précise qu'un concours devra être organisé. Ce principe est très important.