Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Bernard Barraux. La fièvre catarrhale touche aujourd'hui les ruminants de presque tous les départements de France, particulièrement l'Allier.
Bien qu'elle n'affecte pas directement la qualité de la viande et n'inspire donc aucune inquiétude pour le consommateur et la population, cette maladie reste néanmoins extrêmement préoccupante pour l'équilibre économique de toute la filière animale. Elle crée une espèce de suspicion auprès de la clientèle, ce qui - cela va sans dire ! - ne permet pas le développement de la consommation.
Le blocage des animaux à l'exportation dans l'Union européenne fut l'une des conséquences indirectes majeures qui a affecté la filière, et un grand nombre d'exploitations agricoles en ont subi les conséquences. Ce problème est particulièrement sensible dans mon département, où se vend une partie importante des productions en animaux maigres et en broutards, notamment à destination de l'Italie.
Depuis le 4 mars 2008, tous les animaux exportés en Italie doivent absolument être vaccinés. Malheureusement, le nombre de vaccins est insuffisant, même si j'ai bien conscience que l'Allier fait partie des départements privilégiés puisqu'il a bénéficié des premiers vaccins, ce dont nous vous sommes infiniment reconnaissants, monsieur le ministre. Mais, ne l'oublions pas : qui dit vaccination dit aussi rappel, puis bilan immunologique. Cela se traduit par une attente de plusieurs semaines avant que les animaux puissent être expédiés.
Qui plus est, nous savons très bien que les raisons prétendument sanitaires qu'invoque actuellement l'Italie lui servent à épargner son propre marché, qui est complètement engorgé et compte des surplus de marchandises considérables. Dans cette circonstance, les risques sanitaires ont bon dos et sont largement exploités par nos amis italiens !
Les risques sanitaires, accentués par l'augmentation des échanges à l'échelle mondiale, deviennent des facteurs prédominants et presque permanents de déstabilisation économique et de déséquilibre des marchés. À l'encéphalopathie spongiforme bovine, ou ESB, l'influenza aviaire, la fièvre porcine et la fièvre catarrhale a succédé un contexte de forte incertitude pour les éleveurs quant à l'avenir de leur profession.
Il est donc plus que nécessaire de soutenir aujourd'hui l'ensemble des filières d'élevage, d'autant que l'augmentation des cours des céréales et des sojas se traduit par une hausse importante du coût de l'alimentation des bétails. Et je ne parle évidemment pas de la facture énergétique, qui est liée, chacun le sait, au cours du baril de pétrole !
Ce renchérissement des coûts de production est une menace extrêmement grave pour nos productions de viande : les éleveurs ne peuvent pas répercuter ces hausses de tarifs sur leurs prix de vente ! Qui plus est, ils sont tributaires d'un marché extrêmement fluctuant, versatile et non maîtrisable.
En outre, la crise que traverse actuellement la filière bovine s'ajoute à une autre crise, qui résulte de la concurrence insensée que nous livrent de grands exportateurs de l'hémisphère austral, pour lesquels le gigot est un vulgaire sous-produit de la laine. Ainsi, dans notre alimentation, cette viande n'a pas la place qu'elle mérite et se voit un peu dévalorisée.
La filière a besoin d'un recentrage des aides sur ses aspects territoriaux et environnementaux, propres à revaloriser l'ensemble de l'élevage bovin, ainsi que d'une adaptation de l'offre à l'évolution des consommateurs.
En conclusion, monsieur le ministre, je vous poserai à mon tour quelques questions.
Premièrement, peut-on raisonnablement espérer avoir un nombre suffisant de vaccins d'ici à la fin de cette année ?
Deuxièmement, les moyens alloués pour lutter efficacement contre la fièvre catarrhale seront-ils revus et réévalués ? D'autres risques seront-ils anticipés afin que puisse être mis en place un processus propre à déclencher plus rapidement toutes les parades contre le développement de ces maladies ?
Troisièmement, quelles dispositions comptez-vous prendre à l'échelon national ou promouvoir à l'échelle européenne pour juguler non seulement cette épizootie mais également tout risque d'épizootie dû aux échanges mondiaux accrus ?
Nous savons bien qu'il n'est point nécessaire d'espérer pour entreprendre. Pourtant, monsieur le ministre, quelques bonnes paroles chargées d'un peu d'espoir nous feraient du bien, à nous et à ceux qui nous attendent dans nos départements ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nathalie Goulet. Il a raison !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plus de vingt ans, la filière ovine européenne a plus que tout autre secteur servi de précurseur à la libéralisation des marchés : Organisation commune des marchés ovine favorisant une guerre économique intracommunautaire ouverte, remise en cause de la préférence communautaire et marché européen offert sur un plateau aux pays producteurs à bas prix, notamment la Nouvelle-Zélande, montants des aides compensatoires largement insuffisants pour pouvoir permettre de dégager un revenu correct de son travail, et j'en passe.
La crise de la filière ovine se trouve aujourd'hui encore aggravée et, avec elle, la situation de nos éleveurs.
La hausse des cours des matières premières et la baisse des prix à la vente amputent gravement les revenus, déjà particulièrement faibles, de cette profession.
Le revenu moyen, toutes primes comprises, des éleveurs ovins français est aujourd'hui le plus bas de tous les agriculteurs. Il est inférieur de moitié au revenu moyen de l'ensemble des exploitants. Ces dix dernières années, la France a perdu 20 000 éleveurs ovins et 1 million de brebis ; elle importe à ce jour 60 % de la viande ovine qu'elle consomme.
À cette situation économique difficile s'ajoute une évolution sanitaire très inquiétante, avec un nombre croissant de cas de fièvre catarrhale ovine recensés.
En 2007, une brochure diffusée par le gouvernement français faisait état, pour la France, de 5 645 foyers notifiés, constitués à 80 % par des foyers bovins, et de 8 438 cas confirmés.
Les conséquences économiques et sociales de cette crise sanitaire, qui aggrave encore les difficultés structurelles de la filière ovine, risquent d'être considérables.
Les éleveurs sont préoccupés par l'avenir du secteur ovin et de sa filière, notamment en ce qui concerne la remise en cause de la production dans des régions difficiles, à la suite de la politique de découplage des aides à la production initiée par la Commission européenne.
Face à cette situation, très grave pour l'élevage, il était nécessaire que les autorités françaises et européennes apportent des éclaircissements sur les actions tant curatives que préventives engagées et prévues.
La question très large de notre collègue Gérard Bailly mais également la multiplication des questions posées sur ce sujet et demeurant parfois sans réponse, aussi bien devant notre assemblée que devant le Parlement européen, témoignent de la mauvaise information des élus du peuple.
C'est pourquoi nous espérons que ce débat sera pour vous, monsieur le ministre, l'occasion d'apporter des réponses précises aux préoccupations de nos éleveurs.
Comme vous le savez, au mois de juillet 2007, la maladie de la langue bleue a touché de plein fouet les éleveurs bovins et ovins dans une zone géographique très étendue : l'Allemagne, les États du Benelux, la Suisse, une partie du Royaume-Uni, du Danemark, de la République tchèque, ainsi que la France.
Le vecteur de cette maladie en Europe a été identifié. Selon un communiqué de l'Organisation mondiale de la santé animale, il s'agit d'un diptère piqueur originaire des zones chaudes, de type culicoïde, qui s'est adapté au climat européen. Vingt-quatre sérotypes viraux différents sont répertoriés dans le monde, ils touchent les ruminants domestiques - ovins, bovins, caprins - mais aussi sauvages. La maladie gagne de nouveaux territoires.
En 2005, alors que la présence de la fièvre catarrhale se limitait, en France, à la seule région corse, le ministre de l'agriculture de l'époque, dans une réponse à une question écrite sur le sujet, rappelait qu'un plan de surveillance et de contrôle renforcé avait été mis en place depuis le mois d'avril 2005 dans les départements à risque du pourtour méditerranéen.
Force est de constater que les mesures prises à l'époque n'ont pas su ou pas pu freiner la progression de la maladie. Or, les conséquences sur l'élevage ne se limitent pas à la perte déjà grave des animaux malades. Les éleveurs ovins, bovins et caprins subissent aussi d'importantes pertes en raison des frais d'intervention des vétérinaires, sans parler des animaux mort-nés ou mal formés.
Aujourd'hui, il apparaît plus que jamais essentiel et urgent de renforcer la surveillance et l'échange d'informations, éléments clefs d'une démarche efficace de lutte contre la fièvre catarrhale ovine, comme le rappelle d'ailleurs le règlement communautaire du 27 octobre 2007.
En outre, selon l'avis du groupe scientifique sur la santé et le bien-être animal de l'Autorité européenne de sécurité des aliments concernant l'origine et l'occurrence de la fièvre catarrhale ovine, il est fondamental que des programmes de surveillance appropriés soient mis en place pour détecter le plus rapidement possible l'occurrence de la maladie. Ainsi, il serait bon que de tels programmes comportent un volet clinique, sérologique et entomologique qui soit appliqué de manière homogène dans tous les États membres. Qu'en est-il d'un tel dispositif de suivi et de surveillance en France ?
Nous nous interrogeons sur les moyens financiers et humains mis en oeuvre par la France afin de répondre aux exigences européennes, d'autant plus que le syndicat unique de la profession vétérinaire a exprimé ses craintes de voir son rôle de sentinelle, en lien avec les éleveurs, négligé par les autorités publiques, fait qui augmentera, prévient-il, le risque pour la santé publique.
En effet, rappelons que les exigences minimales relatives aux programmes de suivi de la fièvre catarrhale devant être appliquées dans les zones réglementées vont du suivi sérologique de plusieurs animaux sentinelles - ils doivent être testés au moins une fois par mois -, au suivi entomologique, qui consiste en la capture de vecteurs au moyen de pièges permanents et en leur envoi pour analyse aux laboratoires spécialisés.
Par ailleurs, les États doivent faire preuve de vigilance hors des zones réglementées afin d'assurer, en plus de la surveillance clinique passive, une surveillance sérologique et entomologique.
Les analyses susmentionnées ont un coût, et je voudrais obtenir des éclaircissements, monsieur le ministre, plus particulièrement sur le financement des analyses sanguines des animaux. On sait - mais vous ne manquerez pas de le confirmer - que les coûts des analyses pratiquées lors des mouvements d'animaux provenant des périmètres interdits sont pris en charge par l'État. Pouvez-vous nous dire si la Commission entend proposer un cofinancement des tests nécessaires pour prévenir le risque de dissémination de telles infections ?
En ce qui concerne le programme de vaccination, il semblerait que l'Union européenne finance intégralement l'acquisition de quelque 200 millions de doses de vaccins et la moitié des coûts de leur administration aux troupeaux. Le coût moyen d'une dose de vaccin est évalué à 0,5 euro. Les achats des vaccins, s'élevant environ à 100 millions d'euros, seront prélevés sur un fonds vétérinaire européen.
Cette campagne de vaccination sur un an concernerait les toutes dernières souches de cette maladie. Les pays touchés du nord de l'Union européenne - Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, France et Royaume-Uni - seraient concernés en premier lieu par la vaccination, afin d'empêcher l'extension de l'épizootie.
En France, des procédures accélérées d'autorisation de commercialisation des vaccins ont permis les premières vaccinations le 5 mars dernier. Au regard des volumes de productions nécessaires, nous aimerions savoir si l'ensemble du cheptel européen sera vacciné avant le retour, vers le mois de mai, du moucheron vecteur de la maladie.
En ce qui concerne plus particulièrement notre pays, et afin de réduire dans les délais les plus brefs les pertes économiques subies par les éleveurs, le Gouvernement peut-il nous donner des informations précises sur l'ensemble du calendrier des vaccinations ?
Enfin, il est impératif de s'assurer de l'innocuité et de l'efficacité du ou des vaccins. Il semblerait, en effet, que des doutes demeurent quant à la durée exacte de la protection apportée contre l'infection virale. D'autres moyens de prévention et de lutte doivent être envisagés à plus long terme, se fondant sur une meilleure connaissance du virus et de ses vecteurs, ainsi que sur l'expérience acquise dans d'autres régions du monde.
Quant aux impacts commerciaux de la maladie, au moment où les éleveurs français se plaignent, à juste titre, des contraintes auxquelles ils sont assujettis, les pays de l'Union européenne ont décidé d'alléger les règles restreignant le mouvement des animaux vivant dans une zone contaminée par la maladie de la langue bleue. En effet, de nombreux éleveurs français dénoncent les restrictions apportées aux déplacements des animaux, notamment les exportations, principalement vers l'Italie et l'Espagne. La France exporte 100 000 broutards chaque année, pour environ 1 milliard d'euros.
En vertu du code de l'Organisation mondiale de la santé animale, il est interdit d'expédier dans des pays tiers des animaux testés négativement, certificat vétérinaire à l'appui, et originaires de la zone des 20 kilomètres, même si le pays tiers concerné donne son accord. Cet état de fait avait suscité une question écrite d'un parlementaire européen qui demandait quelles raisons motivaient, en vertu de l'article 5 de la décision 2005/393/CE, le maintien d'un accord obligatoire supplémentaire si les tests pratiqués sur la base des critères de l'Union européenne sur les animaux vivants étaient négatifs. Il se posait la question de savoir s'il n'était pas possible de voir dans cette disposition une violation de la libre circulation des marchandises.
Les experts vétérinaires de l'Union européenne ont donné leur accord à un amendement visant à assouplir les règles relatives aux déplacements des animaux.
Selon un communiqué de la Commission européenne, « le texte clarifie les conditions s'appliquant aux mouvements d'animaux à l'intérieur et vers l'extérieur de zones de restriction », où la maladie a été identifiée au niveau européen. Plus précisément, il autorise un léger assouplissement pour les déplacements d'animaux à certaines périodes saisonnières froides durant lesquelles l'insecte qui transmet la maladie est hors d'état de nuire.
Dans sa réponse à la question écrite du 25 janvier 2007 posée au Sénat, le Gouvernement affirmait qu'une avancée de portée générale avait été réalisée en comité spécialisé le 3 octobre 2007 : un nouveau règlement relatif aux mouvements d'animaux des zones réglementées en matière de fièvre catarrhale ovine a été voté. Dans ce nouveau texte, le principe de l'accord du pays de destination pour l'échange d'animaux provenant de zones réglementées a été supprimé. De plus, ont été mises en place des dérogations en vue de la sortie du territoire concerné si un abattage direct a lieu. Depuis le 1er décembre, les animaux de la zone de protection peuvent être abattus dans un abattoir de la zone.
Pourriez-vous confirmer, monsieur le ministre, ces informations ?
Enfin, comme je l'ai déjà indiqué au début de mon intervention et comme l'a rappelé notre collègue Gérard Bailly dans son rapport d'information, revenons à nos moutons. (Sourires.) Ce secteur économique est très fragilisé. Les agriculteurs dont l'élevage constitue l'une des activités principales sont d'autant plus affectés par cette crise sanitaire.
Vous avez annoncé qu'une aide au maintien des veaux et des broutards dans le périmètre de protection a été mise en oeuvre le 2 octobre dernier, dans le cadre d'une enveloppe de 1,5 million d'euros. Il est vrai que ce premier dispositif constitue une indemnisation des pertes pour les éleveurs ayant conservé leurs animaux sur l'exploitation.
Une seconde mesure d'indemnisation a été annoncée ; elle concerne les éleveurs ayant vendu leurs animaux sur un marché perturbé. Les éleveurs des zones réglementées pouvaient prétendre à une indemnisation des pertes de chiffre d'affaires constatées entre le 1er septembre et le 30 novembre 2006 pour des transactions concernant des veaux de huit jours, des broutards, des broutardes et des vaches de race allaitantes. Avez-vous des éléments supplémentaires sur la position arrêtée par la Commission européenne, suite au mémorandum communautaire qui lui a été transmis pour que des mesures exceptionnelles de soutien des marchés bovin et ovin affectés par les restrictions soient cofinancées par l'Union européenne ?
Le Gouvernement peut-il nous indiquer quelles mesures vont être prises pour aider les agriculteurs touchés par ce problème tout en veillant à leur garantir un revenu et à contribuer à éliminer rapidement cette maladie animale ? L'État doit procéder à l'indemnisation des éleveurs concernés par la maladie ou par ses conséquences commerciales. À ce titre, une évaluation précise des incidences économiques particulièrement pour la filière ovine doit être réalisée afin que les éleveurs soient soutenus à la hauteur des préjudices subis. Aussi, monsieur le ministre, et j'en terminerai par là, comment comptez-vous évaluer les pertes subies par la filière et sur quel délai de réaction pouvons-nous compter ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 1er décembre dernier, dans cet hémicycle, Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la mission « Sécurité sanitaire », avait consacré la troisième partie de son rapport à la fièvre catarrhale.
Le Sénat s'était alors montré particulièrement attentif à cette question, à l'état des lieux, comme à l'évolution de la maladie et à ses conséquences économiques.
Dans son rapport écrit, notre collègue rappelait les caractéristiques de la FCO, ses effets sanitaires et économiques sur le cheptel, l'historique de son apparition en Europe et l'état actuel de sa diffusion.
Il avait aussi expliqué comment s'était organisée l'aide aux filières ovine et bovine, depuis la contribution de 6,6 millions d'euros apportée par la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire du bétail, dans le cadre de la solidarité professionnelle, jusqu'au plan de soutien de 13 millions d'euros que vous aviez annoncé vous-même, monsieur le ministre.
Daniel Soulage avait cependant relevé, comme Mme Bricq, une sous-évaluation des besoins, indiquant même que les crédits demandés pour 2008 étaient totalement déconnectés des besoins probables.
Dans votre réponse, monsieur le ministre, vous aviez éclairé le Sénat sur les mesures prises ou envisagées. Il faut reconnaître que vous aviez fait montre, à cette époque, d'un grand sens de l'anticipation, indiquant la saisine de la Commission européenne et l'affectation de 13,5 millions d'euros de soutien immédiat.
À l'approche des beaux jours, nous voilà au coeur de la problématique.
Avec 9,3 % de sa population exerçant une activité dans le secteur agricole, soit trois fois plus que la moyenne nationale, l'Orne est particulièrement sensible aux crises sanitaires. Comme d'autres départements dont nous avons déjà parlé, elle a déjà essuyé de nombreuses crises ces dernières années. Tous les acteurs de la filière viande, les engraisseurs, les abattoirs, les négociants de bestiaux du département, rudement touchés par les précédentes épizooties, sont particulièrement inquiets, et l'artérite équine vient accroître encore leur inquiétude.
Alors que, dans l'Orne, une dizaine de cas de fièvre catarrhale ont été signalés jusqu'à présent, l'ensemble du département se trouve placé en périmètre interdit depuis le 18 octobre 2007. En conséquence, il est demandé aux éleveurs de suivre certaines précautions sanitaires conseillées et de respecter les mesures encadrant les mouvements d'animaux.
Confrontés à des problèmes de fertilité, ces éleveurs voient les coûts vétérinaires qu'ils supportent s'accumuler. Notons, à cet égard, qu'une visite coûte 25 euros, somme à laquelle s'ajoutent les montants des prises de sang et d'un certain nombre de formalités. Jusqu'à présent, ces dépenses ne sont pas prises en charge.
Avec la concentration des animaux dans les bâtiments, les exploitants constatent également une augmentation des pathologies respiratoires et digestives.
La fermeture de la frontière italienne pose encore de nombreux problèmes. Ce point ayant déjà été évoqué, je n'y reviendrai pas plus longuement.
Pour la Coordination rurale, différentes mesures, comme le report de paiement des cotisations à la Mutualité sociale agricole, la mise en oeuvre de prêts à taux zéro, des aides d'urgence à la trésorerie, permettraient de résoudre les problèmes rencontrés par les exploitations. Le syndicat demande également la constitution d'une cellule de crise nationale.
À titre principal, monsieur le ministre, je sollicite une révision du planning de vaccination dressé par votre ministère, de façon que les départements qui connaissent l'activité rurale la plus importante soient protégés par priorité.
Le département de l'Orne organise régulièrement et plusieurs fois par mois de très nombreux comices agricoles. La date prévue pour les vaccinations risque de porter une atteinte irréparable à l'organisation de ces manifestations, qui sont extrêmement importantes pour le maillage des territoires.
Ainsi, le 21 juin aura lieu le comice agricole de la commune de Goulet, à laquelle je suis particulièrement attachée. (Sourires.) Si les vaccinations qui doivent être effectuées au mois de mai ne sont pas réalisées en temps et en heure, les agriculteurs rencontreront un certain nombre de problèmes, à l'intérieur même du département, pour transporter leurs animaux. On a beaucoup parlé des exportations, mais cette dimension intradépartementale du problème ne doit pas être ignorée.
Dans le département de l'Orne, 276 000 animaux sont susceptibles d'être vaccinés. Ce cheptel est bien plus important que celui d'autres départements comptant 80 000 ou 50 000 animaux et qui, cependant, doivent être traités en priorité. Selon moi, la situation devrait être inversée, de façon à garantir tant les manifestations intérieures aux départements concernés que les exportations. Je sollicite par conséquent, monsieur le ministre, votre intervention pour que soit révisé le calendrier des vaccinations.
J'en viens maintenant brièvement aux mesures d'accompagnement.
Vous aviez annoncé, dès le 1er décembre, un plan de soutien et des mesures comme le fonds d'allégement des charges, le dispositif « Agriculteurs en difficulté » de la Mutualité sociale agricole et les fonds de prévention des aléas sanitaires
Vous aviez aussi appelé de vos voeux l'instauration de mécanismes nouveaux de couverture des risques sanitaires.
L'État a déjà fait beaucoup, mais la vaccination restera facultative, son organisation et la facturation aux éleveurs seront traitées dans le cadre des relations habituelles, c'est-à-dire qu'elles resteront à la charge des exploitants.
Or la vaccination est de loin le moyen le plus sûr en cette période de l'année. Il faut donc favoriser cette démarche, sans doute par le biais d'une aide financière.
Il en est de même pour ce qui concerne les insecticides, notamment du Butox. Car il a beaucoup été question des vaccinations, mais il ne faut pas oublier différentes opérations qui, aujourd'hui, ne sont pas prises en compte. Je rappelle en effet que les agriculteurs ont recours à des insecticides, notamment le Butox, produits qui coûtent chers, mais dont ils doivent badigeonner leurs animaux.
Dans quelles conditions les agriculteurs pourraient-ils être aidés pour en supporter le coût ? J'attire également votre attention sur le fait que ces produits seront difficiles à appliquer lorsque les animaux seront dispersés, ce qui est le cas des troupeaux de bêtes allaitantes.
Il est à craindre que les difficultés ne dissuadent les éleveurs de procéder à une vaccination facultative.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur votre projet de mise en place d'un fonds spécifiquement destiné à faire face aux conséquences des aléas sanitaires ? En outre, pourriez-vous communiquer les résultats de votre enquête à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, même si, je vous l'accorde, le programme de celle-ci s'allonge de jour en jour ?
Monsieur le ministre, nous ne doutons pas de votre engagement. À ce titre, je tiens à souligner à quel point votre présence quasi-sédentaire au salon de l'agriculture, en compagnie de l'ensemble de vos collaborateurs, a été appréciée non seulement par les visiteurs, mais également par les élus qui y ont passé du temps. Chacun souhaiterait vous faire part de sa très grande satisfaction non seulement d'avoir pu vous rencontrer mais aussi et surtout d'avoir pu échanger avec vous. À mon sens, cette expérience a été extrêmement heureuse, car elle a montré au public l'image d'un ministre de l'agriculture très mobilisé dans son domaine de compétences. Au nom de tous, je tenais à vous en remercier.
Dans notre bon département de l'Orne, nous n'avons aucun doute quant à votre volonté de gérer la crise sanitaire avec transparence, compétence et pragmatisme. Mais, encore une fois, il faut, me semble-t-il, aider les agriculteurs, qui ont déjà beaucoup souffert, notamment dans ce petit département normand. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais remercier à mon tour notre collègue Gérard Bailly d'avoir interrogé le ministre chargé de l'agriculture sur une épidémie qui préoccupe chaque responsable impliqué dans le domaine agricole.
En effet, apparue en France voilà dix-huit mois, la fièvre catarrhale ovine se propage à une vitesse impressionnante et, surtout, très inquiétante.
Je tiens également à saluer le travail d'information réalisé par les services du ministère de l'agriculture, qui mettent très régulièrement à jour les informations relatives à cette épidémie, notamment sur une page Internet dédiée. Les renseignements recueillis y sont précieux, précis et, surtout, actualisés.
Vous le comprendrez aisément, dans la mesure où un certain nombre de points ont déjà été abordés, je centrerai mon propos sur la situation dans le Sud-Ouest, où les fronts des zones réglementées pour les sérotypes 8 et 1 se rencontreront bientôt.
De telles circonstances posent un problème à la fois sanitaire, pour la protection des élevages face à deux virus différents de la fièvre catarrhale, et économique, face à la campagne de vaccination et à la clause de sauvegarde activée par l'Italie.
La situation est la suivante. Le sérotype 8, dont la présence est plus ancienne sur notre territoire, nous est arrivé par l'Europe du Nord depuis 2006. Sa zone réglementée concerne presque la totalité de la Gironde, le nord du Lot-et-Garonne, le Lot et une petite partie du nord du Tarn-et-Garonne. L'autre sérotype, le 1, nous vient, quant à lui, d'Espagne. Il est apparu en France à l'automne 2007. Pour l'instant, sa zone réglementée est limitée à une partie des départements des Landes et des Pyrénées-Atlantiques.
D'un point de vue sanitaire, les agriculteurs ont désormais, ou auront très prochainement, la possibilité de vacciner leurs élevages contre les deux sérotypes, 8 et 1.
Face au sérotype 8, la vaccination des ovins devrait démarrer en avril et se prolonger au mois de mai dans le Lot-et-Garonne, la Gironde, le Tarn-et-Garonne et l'Aveyron. Elle transformera de fait tout le territoire en zone réglementé, et ce afin de faire barrière à l'avancée du sérotype 8 vers la zone où sévit le sérotype 1.
Face au sérotype 1, le lancement de la vaccination dans les départements des Landes, des Pyrénées-Atlantiques, du Gers et des Hautes-Pyrénées a pour objectif d'en contenir très vite et très fort géographiquement le développement. Il devrait, en application du règlement européen sur la fièvre catarrhale ovine, créer une zone de surveillance au sein de laquelle la vaccination BTV1 serait interdite. Le Lot-et-Garonne en ferait partie.
Ainsi, comme on peut le voir avec cette rapide description des zones de vaccination, une zone franche ou zone tampon sans vaccination serait de fait créée entre les deux zones réglementées. Elle s'étendrait du sud de la Gironde à l'Aveyron, en passant par le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne et, probablement, par une partie de la Haute-Garonne et même de l'Ariège, zone sur laquelle, pour l'instant, les élevages sont naturellement indemnes de fièvre catarrhale.
S'agissant des exportations, depuis le 3 mars, l'Italie exige que les broutards en provenance de zones réglementées soient valablement vaccinés. Comme cela a été évoqué à plusieurs reprises, une telle obligation correspond à une durée d'attente de trois mois avant de pouvoir exporter ces animaux.
En outre, depuis le 15 mars, l'Italie refuse également l'importation d'animaux en provenance des zones non réglementées, donc indemnes de fièvre catarrhale, faute, selon elle, de données épidémiologiques sur ces zones. Cela correspond notamment à la fameuse zone tampon évoquée précédemment et dans laquelle les animaux ne pourront, de fait, pas être vaccinés.
Une partie du Sud-Ouest - je pense notamment à mon département, le Lot-et-Garonne - se trouve donc dans une situation très particulière. Pour le BTV8, la vaccination entraînera le passage de ce territoire en zone réglementée, ce qui occasionnera des retards à l'exportation, comme cela a été souligné. Pour le BTV1, il y aura une zone vaccinée et une zone de surveillance, zone tampon, qui, elle, ne pourra pas exporter vers l'Italie dans les conditions d'exigence actuelles.
Monsieur le ministre, une telle zone de surveillance sera-t-elle véritablement créée ? Pourra-t-on ou non y vacciner les animaux contre le sérotype 1 ?
J'en viens à une autre question, qui est très importante et que vous connaissez bien : les Italiens reviendront-ils sur les conditions d'exportation actuellement mises en place ? Reviendront-ils au droit commun, c'est-à-dire à la possibilité d'importation d'animaux de zones indemnes à partir de tests virologiques ? Je sais que vous avez engagé une action soutenue dans ce domaine. Ses résultats nous intéressent naturellement au premier plan. Aussi, je souhaiterais savoir dans quel délai elle pourrait aboutir.
Au-delà des problèmes sanitaires, ce sont bien des difficultés économiques importantes qui s'annoncent pour les éleveurs.
On peut noter des frais liés à la conservation des broutards dans les exploitations. Ce coût, principalement lié à l'alimentation, peut être estimé, selon les personnes, à 2 euros ou 2,50 euros par animal et par jour.
Monsieur le ministre, la semaine dernière, vous avez évoqué la mise en place d'un plan de maintien des animaux sur les exploitations. Pourriez-vous nous en préciser les axes principaux ?
En outre, d'autres frais sont liés aux tests pour l'exportation. Si l'existence de la zone de surveillance BTV1 ne remet pas purement et simplement en cause la possibilité d'exporter vers l'Italie, il devrait être possible de faire partir les animaux en direction de ce pays 67 jours après la première injection, en faisant un test virologique individuel, dont le prix pourrait être compris entre 20 euros et 30 euros, ce qui reviendrait tout de même moins cher que de conserver les animaux un mois de plus. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer l'état de vos réflexions au sujet d'une telle prise en charge ?
Enfin, même si le coût du vaccin est assumé à 100 % par l'État et celui de l'acte médical à 50 % par l'Union européenne, avec un plafond de 2 euros pour les bovins et de 0,75 euro pour les ovins - une seule injection -, ce mode de prise en charge peut parfois encourager une élévation des prix de l'acte.
De plus, compte tenu du nombre de vaccins aujourd'hui disponibles et de leur répartition, les vétérinaires font actuellement acquitter des frais liés à l'éloignement et au faible nombre d'animaux à vacciner à chaque visite.
En conclusion, vous l'aurez compris, le Sud-Ouest, notamment le Lot-et-Garonne, se trouve à la confluence des deux sérotypes. Il est donc pour partie en zone réglementée avec obligation de vacciner contre le sérotype 8 et en zone tampon avec impossibilité de vacciner contre le sérotype 1. C'est cette contradiction qui m'inquiète, en particulier s'agissant des possibilités d'exportation qui sont offertes aux éleveurs.
Naturellement, empêcher le mélange des sérotypes est une priorité. Mais, en cas de mélange, quelles mesures de sécurité sanitaire êtes-vous en capacité de prendre, monsieur le ministre ? Est-il scientifiquement et financièrement possible d'envisager deux vaccinations, qu'elles soient simultanées ou consécutives ? J'avoue que je l'ignore.
Monsieur le ministre, je connais votre engagement sans faille sur ce dossier, et je vous en remercie vivement. J'espère que vous serez en mesure d'apporter des réponses claires et précises aux questions que nous avons posées aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. René Beaumont.