M. Michel Moreigne. C'est vrai !
M. Gérard Bailly. Les broutards doivent être gardés sur les exploitations pendant l'hiver en attendant une éventuelle opportunité commerciale. Il faut donc les loger, ce qui pose un problème de place en bâtiment, et les alimenter. Les foins médiocres et les prix des aliments du bétail qui flambent augmentent les frais liés au stockage des animaux non vendus. Il faut compter un coût de 1,50 euro par jour - ce qui inclut l'alimentation, plus la litière - et par animal conservé. Les avortements et mortalités de veaux observés cet automne sont autant de veaux non commercialisés en broutards l'année prochaine ou en boeufs, taurillons et génisses de viande, les années suivantes, selon que les systèmes sont naisseurs ou naisseurs engraisseurs.
Face à toutes ces difficultés, les pouvoirs publics ne sont pas restés sans s'activer, en France comme à l'échelon communautaire. Je tiens à vous exprimer, monsieur le ministre, ma reconnaissance pour le souci que vous avez en permanence manifesté sur ce dossier.
La profession agit aussi : ainsi, la FNGDS a mis en place une caisse de solidarité animale où chaque éleveur apportera une cotisation de 0,5 euro par bovin et de 0,10 euro par ovin dans un premier temps afin d'aider les éleveurs les plus touchés.
La Commission européenne a, elle aussi, pris le dossier à bras-le-corps et a consenti à cofinancer à hauteur de 50 % les plans nationaux de vaccination.
Vous-même, monsieur le ministre, avez rapidement saisi l'ampleur du problème et agi en conséquence. À peine nommé, vous avez mis en place, au début de l'été 2007, un plan d'intervention doté d'une enveloppe de 7 millions d'euros, permettant d'indemniser les producteurs dont des animaux sont morts des suites de l'épidémie et avez demandé à l'Europe de relever le plafond de la règle de minimis. Vous avez également lancé un appel d'offres pour la fabrication de 33 millions de vaccins.
La nouvelle vague de contamination vous a poussé à renforcer encore les mesures dans trois directions, d'abord, en accélérant le plan de vaccination. Ainsi seize départements « prioritaires » commencent à être traités contre le sérotype 8, et six autres contre le sérotype 1. D'ici au mois d'août, nous espérons que plus de 33 millions de doses de vaccin seront, comme on nous le dit, disponibles pour traiter 15 millions de bovins et plus de 10 millions de petits ruminants.
Ensuite, vous avez réévalué à la hausse l'indemnisation des éleveurs victimes de l'épidémie à hauteur de 600 euros pour les bovins adultes, 800 euros pour ceux de haute valeur génétique et, respectivement, 100 euros et 150 euros pour les ovins, soit une enveloppe globale de 4 millions d'euros. Vous avez également consenti des facilités de trésorerie pour les éleveurs en sollicitant le fonds d'allégement des charges à hauteur de 3 millions d'euros.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez fait pression pour obtenir un déblocage du débouché commercial indispensable que constitue pour nos producteurs le marché italien. Le jour même de l'activation par l'Italie de la clause de sauvegarde, le 3 mars dernier, vous avez demandé à la Commission européenne de faire respecter le droit communautaire, qui implique une procédure contradictoire menée par cette dernière, et, par conséquent, de lever cette mesure.
Vous avez, en outre, alerté directement les autorités italiennes et, à défaut de réaction de leur part, saisi une nouvelle fois la Commission, le 12 mars dernier, de la même demande.
Finalement, le 19 mars, vous avez saisi la Cour de justice de Luxembourg d'un recours en manquement vis-à-vis des autorités sanitaires italiennes, en application de l'article 227 du traité européen.
Si toutes ces actions sont indéniablement à mettre à votre actif, monsieur le ministre, ce dont je vous remercie, il n'en reste pas moins que de nombreuses questions restent en suspens et continuent d'alimenter l'inquiétude des filières bovine et ovine.
Première question : pouvez-vous nous dire de façon précise quel est l'état actuel de la situation, que ce soit en termes d'animaux et de territoires contaminés, de conséquences sanitaires et économiques, d'avancement des traitements ou de mobilisation financière pour accompagner la filière ?
Deuxième question : sera-t-il possible d'accélérer les procédures afin de minimiser les pertes ?
Cela pourrait se faire de deux façons : soit en vaccinant plus rapidement ou en réduisant le délai de 30 jours entre la première vaccination et le rappel, puis de 60 jours correspondant à la phase « d'acquisition » ; en effet, compte tenu des délais de traitement, nos broutards n'obtiendront leur passeport pour l'Italie que dans trois mois et devront, en attendant, être gardés dans les exploitations, ce qui, comme je l'ai déjà relevé, n'est pas sans coût pour les éleveurs -, soit en obtenant rapidement une décision judiciaire communautaire favorable.
Or la Commission européenne dispose d'un délai de trois mois pour donner son avis sur le recours. Avez-vous des informations plus précises sur les délais dans lesquels les deux institutions européennes impliquées dans cette procédure juridictionnelle se prononceront, et quelles sont les chances de les voir donner raison à votre demande et, plus généralement, à notre pays ?
Troisième question : quand les vaccins seront-ils réellement disponibles ? Selon le calendrier annoncé, 25 000 doses ont été expédiées au début de ce mois ; quand les 175 000 autres le seront-elles ? Serons-nous en mesure de fournir les 33 millions de doses annoncées d'ici à l'été ?
Par ailleurs, ces traitements seront-ils satisfaisants au regard des normes sanitaires en vigueur, notamment européennes ?
Un récent rapport de l'Office alimentaire et vétérinaire européen semble dubitatif sur ce point. Pouvez-vous nous assurer que nous ne risquons rien dans ce domaine ?
Quatrième question : ne pensez-vous pas que priorité doit être donnée, vu le nombre limité de vaccins, à tous les géniteurs mâles, bovins et ovins, dans les centres d'insémination, quand on connaît les conséquences d'une perte de valeur génétique pour nos élevages ?
Par ailleurs, serait-il envisageable de donner aux éleveurs la possibilité de réaliser eux-mêmes les injections vaccinales, tout au moins sur les animaux qu'ils n'envisagent pas de commercialiser, et ce pour faire avancer la vaccination ? Je précise bien qu'il s'agirait d'animaux dont la commercialisation n'est pas envisagée, car, dans le cas contraire, il est logique que le vétérinaire procède à une attestation pour chaque animal.
Cinquième question : quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre, au cas où la situation de blocage avec l'Italie se poursuivrait, afin de gérer au mieux nos contingents de broutards non exportés ?
Je crois savoir que vous avez déjà réfléchi à un plan de soutien à l'engraissement et de maintien des animaux sur les exploitations en vue de les exporter dans un second temps comme animaux semi-finis vers l'Italie et j'aimerais savoir où en sont vos réflexions.
Enfin, sixième et dernière question : de façon plus prospective, quels moyens faudrait-il mobiliser, et selon quel mode d'organisation, pour anticiper ce type de crise sanitaire de grande ampleur dont la récurrence et les conséquences pourraient s'accentuer dans les décennies à venir ?
L'Organisation mondiale de la santé animale, dont nous avons auditionné un représentant, a inscrit la fièvre catarrhale sur la liste des maladies ayant « un grand pouvoir de diffusion, susceptible de s'étendre au-delà des frontières nationales, dont les conséquences socio-économiques ou sanitaires sont graves et dont l'incidence sur le commerce international des animaux et des produits d'origine animale est très importante ».
Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, combien nous sommes attachés à un bouclier sanitaire européen face à la mondialisation des risques. À cet égard, l'Europe doit mettre en place les outils nécessaires pour gérer les risques non seulement sanitaires mais aussi économiques.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques pistes de discussion que je souhaitais tracer, certain que vous ne manquerez pas de les compléter et de les préciser, à l'ouverture d'un débat consacré à un problème très douloureux pour notre filière de l'élevage, qui s'y trouve confrontée pour la deuxième, voire, dans certains départements du nord de notre pays, pour la troisième année consécutive.
Nous avons bon espoir que le blocage avec nos partenaires transalpins se dénoue, car il ne sert l'intérêt ni de l'Italie, dont un tiers de la viande consommée provient de broutards français, ni de notre pays, bien sûr, pour qui il représente un substantiel manque à gagner, et je pense ici plus particulièrement aux territoires de hauts plateaux ou de montagne qui peuvent difficilement se reconvertir vers d'autres productions agricoles, tel que le Massif central.
M. Michel Moreigne. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. N'oubliez pas la Normandie !
M. Gérard Bailly. La filière ne demande qu'à être rassurée et se sentir épaulée pour passer ce cap difficile, comme elle en a surmonté d'autres en matière sanitaire ces dernières années.
Tous les éléments que vous pourrez nous apporter en ce sens aujourd'hui, monsieur le ministre, retiendront vivement l'attention non seulement de mes collègues ici présents, mais aussi des éleveurs de l'ensemble de notre pays et de tous les professionnels du secteur.
Sachant votre attachement à cette filière et aux territoires qu'elle met en valeur, je ne doute pas un instant, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de les soutenir, comme vous l'avez déjà fait et comme vous ne manquerez pas de le faire demain, ce dont je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier non seulement notre collègue Gérard Bailly ainsi que M. le président de la commission des affaires économiques, qui ont souhaité que la question de la fièvre catarrhale ovine soit inscrite à l'ordre du jour de notre Haute Assemblée, mais aussi M. le président du Sénat ainsi que M. le président de la commission des finances, qui m'ont permis d'intervenir, et ce en l'absence de conférence des présidents compte tenu de l'interruption de nos travaux en séance publique.
Je souhaitais intervenir dans ce débat, car, en ma qualité de rapporteure spéciale des crédits de la mission « Sécurité sanitaire », au nom de la commission des finances du Sénat, j'ai décidé de mener cette année, en application des dispositions de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, une mission de contrôle budgétaire sur la gestion de la crise de la fièvre catarrhale ovine, ou FCO.
Plusieurs éléments m'ont conduite à retenir ce thème de contrôle pour 2008.
Il s'agit, en premier lieu, de l'ampleur de la crise, qui a été rappelée par notre collègue Gérard Bailly, même si la FCO est sans risque pour l'homme.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, monsieur le ministre, vos services avaient évoqué une « diffusion explosive de la maladie » ; l'adjectif m'avait alors fortement marquée.
Depuis lors, nous avons, au fil des auditions, eu la confirmation que l'épizootie actuelle de FCO sera certainement la plus grande crise sanitaire que la France ait connue depuis celle de la fièvre aphteuse, il y a une cinquantaine d'années, non pas en termes d'épidémiologie, puisqu'il ne s'agit pas d'une maladie contagieuse, mais en termes de rapidité de diffusion et de conséquences économiques, telles qu'elles viennent d'être rappelées.
Il semble même que la FCO soit plus difficile encore à contenir en raison de son mode de propagation - par moucherons - et de l'absence, jusqu'à fort récemment, de moyens de lutte efficaces, je pense notamment aux vaccins.
Le second élément qui m'a incitée à choisir ce thème de contrôle réside dans les sous-budgétisations que connaît ce poste de dépenses.
À cet égard, je tiens à rappeler que, à deux reprises, lors de l'examen des projets de loi de finances respectivement pour 2007 et pour 2008, j'ai attiré l'attention de la Haute Assemblée sur ces risques de sous-budgétisation.
Or, malheureusement, mes craintes se sont révélées fondées, puisqu'un décret d'avance daté du 25 octobre 2007 a été nécessaire pour ouvrir 6,5 millions d'euros supplémentaires et lever la mise en réserve à hauteur de 4,96 millions d'euros sur le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».
Quant à 2008, lors de l'examen du projet de loi de finances, vos services, monsieur le ministre, m'ont indiqué, que le montant des crédits inscrits - soit moins de 2 millions d'euros - serait très insuffisant pour faire face à l'épizootie actuelle. Ces mêmes services, que j'ai de nouveau auditionnés depuis, ont fait état d'un besoin de près de 25 millions d'euros !
Dès lors, monsieur le ministre - ce sera ma première question - quand allez-vous, au nom du Gouvernement, solliciter du Parlement l'ouverture de crédits par décret d'avance ou la prochaine levée de la mise en réserve ?
À travers cette mission de contrôle, je souhaite vérifier plusieurs éléments.
Il s'agit, en premier lieu, de l'efficacité opérationnelle des mesures prises par votre ministère pour lutter contre la FCO. Certes, j'ai bien compris que votre plan de vaccination contre le sérotype 8 a été soumis aux délais de fourniture des vaccins, mais l'on peut se poser la question de son efficacité.
En effet, les doses de vaccin risquant d'être insuffisantes, la vaccination sera pratiquée en pleine activité vectorielle et restera donc - compte tenu de la quantité de vaccins disponibles - facultative.
En outre - mes collègues évoqueront sans doute également ce sujet -, je pense que le plan de vaccination que vous avez arrêté créera forcément, en termes territoriaux, des frustrations dans les départements qui ne sont pas déclarés, au premier degré, prioritaires.
M. Michel Moreigne. C'est déjà fait !
Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale. Certes, ces départements seront couverts, mais ils ne figureront pas parmi les priorités.
Cela me conduit, monsieur le ministre, à mon deuxième axe de contrôle qui porte, cette fois, sur l'efficacité de l'intervention des structures administratives et, notamment, sur la capacité d'anticipation de votre ministère.
En effet, si l'on se reprend les dates, on s'aperçoit que l'Agence française de sécurité sanitaire de l'alimentation, l'AFSSA, et l'Organisation mondiale de la santé animale, l'OIE, soulignaient dès 2006 la nécessité de réfléchir à un plan de vaccination.
De ce point de vue, l'épizootie de fièvre catarrhale ovine doit, me semble-t-il, monsieur le ministre, vous inciter à tirer les leçons de cette crise et vous inviter à mieux prendre en compte le risque d'émergence sur le territoire européen de maladies qui jusqu'alors étaient présentées comme « exotiques ». Je pense, par exemple, à la fièvre de la vallée du Rift. Un effort sur la recherche en la matière me paraît indispensable, tant il est vrai que nous sommes là non plus dans l'exotisme mais dans l'émergence et, ainsi que cela a été rappelé, dans la mondialisation.
Par ailleurs, la crise de la FCO m'amène à poser une nouvelle fois la question de l'articulation entre les instances chargées de l'évaluation, en l'occurrence l'AFSSA, et celles qui ont en charge la gestion du risque sanitaire, en l'occurrence le pouvoir exécutif, c'est-à-dire le Gouvernement.
Il semble en effet que ces deux pôles d'intervention n'aient pas, s'agissant de la FCO, développé la même philosophie, la même approche.
Ainsi, l'AFSSA, dans sa logique scientifique d'éradication de l'épizootie, s'est placée d'un certain point de vue, alors que, pour votre part, en temps que gestionnaire du risque, monsieur le ministre, vous vous êtes situé dans une stratégie de « gestion de la pénurie » de vaccins et de limitation des conséquences économiques de la crise sur les filières concernées.
Je compte enfin, à l'occasion de ce contrôle, me rendre sur place, dans les départements touchés par la FCO, afin d'apprécier les actions menées par les services déconcentrés de votre ministère. J'en profiterai évidemment pour aborder la question de l'application des principes de la LOLF à cet échelon administratif, suite à la réforme de la cartographie des budgets opérationnels de programme.
Plus généralement, ma mission de contrôle me permettra, pour le compte de la commission des finances - mais j'ai entendu que la commission des affaires économiques partageait cette préoccupation, ce dont je me félicite -d'aborder deux des thèmes que vous vous êtes fixés comme priorités pour 2008, monsieur le ministre.
Je veux parler, d'une part, de la réforme du mode de financement des risques sanitaires, qui devrait reposer sur un cofinancement des pouvoirs publics et des éleveurs et, d'autre part, du renforcement de la coopération sanitaire au niveau européen, point sur lequel je voudrais conclure.
Il m'apparaît, en effet, compte tenu de l'expérience que j'ai pu tirer des contrôles auxquels j'ai procédé concernant la crise de l'influenza aviaire et le dispositif des agences de sécurité sanitaire, que le renforcement de la coopération européenne en matière sanitaire est indispensable pour faire face aux crises telles que celle que nous vivons et qui risquent de se multiplier avec la globalisation des échanges commerciaux et le réchauffement climatique. Le croisement de la mondialisation des échanges commerciaux et du risque climatique est, je le pense, porteur d'un certain nombre de menaces.
Or force est de constater que, face à ce risque de plus en plus identifié, la coopération européenne ne fonctionne pas de manière satisfaisante. Ainsi, les échanges d'informations entre États membres sont difficiles et l'Agence européenne de sécurité des aliments peine à trouver sa place auprès de certaines instances nationales et, plus encore, auprès de la Commission européenne.
Ces deux thèmes sont d'importance et j'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez apaiser nos inquiétudes en nous disant que dans le cadre, d'une part, de la présidence française de l'Union européenne, qui s'ouvrira le 1er juillet prochain, et d'autre part, du « bilan de santé de la PAC », ces questions seront à l'ordre du jour et figureront dans l'agenda européen.
Rassurez-nous sur ce point, monsieur le ministre : je pense que vous êtes en capacité de le faire et vous en remercie par avance ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Moreigne.
M. Michel Moreigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me soit permis tout d'abord de remercier M. Gérard Bailly, auteur de cette question orale avec débat, de la brillante synthèse qu'il nous a présentée.
Monsieur le ministre, vous avez fait paraître le 20 mars dernier un arrêté en version consolidée fixant les mesures techniques et financières de police sanitaire relative à la fièvre catarrhale ovine, soit le sujet qui nous occupe aujourd'hui ; l'annexe de l'arrêté du 21 août 2001 avait d'ailleurs déjà été modifiée par un arrêté du 12 février 2008.
Ce document est d'une lecture fort intéressante. Toutefois, comme l'a déjà souligné M. Gérard Bailly, il laisse nombre de questions en suspens, en particulier s'agissant du dispositif forfaitaire d'indemnisation, dont je vous accorde, monsieur le ministre, qu'il ne constitue pas une mince affaire.
Sur la mortalité des animaux, le dispositif a été vivement critiqué. L'un de nos collègues députés, M. Alain Marty, vous a posé à ce sujet une question orale sans débat, le mardi 8 janvier dernier ; il a souligné, notamment, que le dispositif forfaitaire pour les bêtes mortes ne tenait pas suffisamment compte de la valeur réelle des animaux - je ne reprendrai pas les chiffres qu'il a cités. En outre, M. Gérard Bailly nous a donné tout à l'heure des informations complémentaires très intéressantes. Mais convenez avec moi, monsieur le ministre, que ce dispositif doit encore être précisé.
La morbidité des animaux pose également un problème sérieux, et les questions des éleveurs à ce sujet restent sans réponse. Comment le fonds d'allégement des charges sera-t-il réparti entre les différents départements d'élevage ? Pouvez-nous nous indiquer clairement la ventilation qui en sera faite ? Je n'ignore pas qu'il s'agit d'un point assez délicat, mais il faut faire preuve de clarté.
Les problèmes posés par la FCO, pour aigus qu'ils soient à présent, ne sont pas récents. D'ailleurs, Bernard Piras, André Vantomme et moi-même n'avons pas manqué de vous adresser de nombreuses questions à ce sujet, mais je vous en épargnerai la lecture. Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui la crise fait rage.
J'ai sous les yeux une longue liste de communiqués publiés par la FNSEA (M. Michel Moreigne brandit des documents), dont le premier fut publié le 14 décembre 2006 - cela ne date pas d'hier ! - et tel autre le 6 septembre 2007. Je n'en lirai même pas les titres, mais je vous assure, monsieur le ministre, qu'ils sont préoccupants, surtout quand on suit l'affaire sur la durée. Or, jusqu'à présent, les réponses que vous nous avez apportées nous laissent un peu sur notre faim. J'espère qu'il en ira autrement aujourd'hui.
Je citerai seulement les propos tenus par M. Philippe Monteil, le président de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles, du département que j'ai l'honneur de représenter, c'est-à-dire la Creuse. Il s'agit d'un véritable cri du coeur, qui témoigne de l'inquiétude de ce président de FDSEA.
À cause de cette crise, M. Monteil redoute « l'assassinat programmé de la production bovine française, et creusoise en particulier ». Il ajoute : « Rien n'est fait à ce jour pour sortir les éleveurs de cette impasse. Nous sommes en train de perdre 16 millions d'euros.» J'ignore comment ce chiffre est calculé, mais il ne semble pas inexact, dès lors qu'il a été rappelé tout à l'heure que la perte enregistrée par les éleveurs s'élevait, en moyenne, à 200 euros par broutard.
« Les montants des compensations ne représentent pas plus de 20 euros par exploitation » poursuit M. Monteil. Mes chers collègues, c'est là où le bât blesse ! Aussi, le président de la FDSEA de la Creuse s'emporte et nous interpelle avec une vigueur particulière, qu'en ce qui me concerne je comprends et excuse en grande partie : « Vous n'avez pas honte, vous, les élus politiques ? ». Ici je me suis senti visé, même si j'étais tout de même moins concerné qu'un certain nombre de nos collègues membres de la majorité !
Mais je poursuis ma lecture.
« Quand il faut mettre la main à la poche, il n'y a plus personne. Avec le plan de vaccination, là aussi, la colère gronde. Sous prétexte que les vaccins sont arrivés, les élus et les pouvoirs publics pensent qu'on est sorti d'affaire, alors que ce n'est pas du tout le cas. Car il va falloir encore attendre 90 jours pour pouvoir sortir nos animaux. » Du moins si nous avons de la chance et si, grâce à vos efforts, monsieur le ministre, l'Italie le permet !
Je n'insiste pas davantage, car je suis conscient que vous ne pouvez faire l'impossible. En outre, vous nous avez transmis un grand nombre d'informations, à l'occasion de nombreux courriers - ils forment un épais dossier ! -, notamment ceux qui sont datés du 25 février, du 4 mars et du 12 mars derniers. Je tiens à vous en remercier.
Les parlementaires de la Creuse, quelle que soit leur tendance politique, ont été sensibles aux efforts que vous avez déployés pour les informer et dont je vous donne acte. Je salue également la mobilisation du préfet du département, qui a tenu des réunions d'information et nous a associés étroitement afin de résoudre tous les problèmes qui pouvaient être résolus.
Je rappellerai aussi les avertissements qui ont été adressés par la FNSEA tout au long du mois de mars dernier, en particulier au cours de la période éminemment critique qui s'est étendue du 11 mars au 14 mars.
D'ailleurs, monsieur le ministre, le vendredi 14 mars, vous avez annoncé - nouvelle ô combien intéressante ! - que vous envisagiez un plan de maintien des animaux dans les exploitations. Les agriculteurs y ont été très sensibles, mais pouvez-vous nous donner des détails supplémentaires sur ce plan ?
Monsieur le ministre, j'essaye de me mettre à votre place, si j'ose dire, mais je dois avouer que, en ce moment, je préfère ne pas m'y trouver ! (Sourires) Vous le savez, des manifestations importantes se déroulent aujourd'hui même à Paris. J'ai ici des fax (M. Michel Moreigne brandit d'autres documents.), qui évoquent, l'un, une « manifestation des éleveurs de la Loire », l'autre, une « manifestation des éleveurs de bovins devant le ministère de l'agriculture... » - vous avez dû vous en rendre compte ! - « ...pour réclamer la reprise des exportations des animaux non vaccinés vers l'Italie ».
Cette dernière manifestation réunit essentiellement des éleveurs de la Saône-et-Loire. Toutefois, je rappelle que les élevages de la Creuse représentent une part non négligeable du bassin allaitant : le département que j'ai l'honneur de représenter se flatte - une fois n'est pas coutume ! -, de posséder le deuxième ou le troisième cheptel de ce bassin. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je me suis permis, sinon de vous interpeller, du moins de vous adresser ce cri du coeur.
Je tiens à citer un petit texte paru dans la presse.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Une tribune de M. Michel Moreigne ? (Sourires.)
M. Michel Moreigne. Vous êtes bien facétieux, monsieur Arthuis ! (Nouveaux sourires.)
Ce texte, paru dans un journal local auvergnat, évoque le marché au cadran d'Ussel, dont l'activité, naturellement, a beaucoup diminué depuis que l'Italie a fermé ses frontières aux animaux non vaccinés. Un éleveur du canton de Felletin, qui est proche du canton dont je suis l'élu, déclare au journal qu'il n'a pas amené ses broutards au cadran : « Je n'ai pas le choix. Je ne peux pas les vendre. J'ai douze bêtes de plus de cinq cents kilos. »
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce sont de gros broutards !
M. Michel Moreigne. Pourquoi sont-ils gros, monsieur Arthuis ? Parce que l'éleveur n'a pu les vendre et qu'ils ont pris du poids ! Vous qui avez des racines paysannes, vous devez le comprendre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !
M. Michel Moreigne. L'éleveur déclare donc : « J'ai douze bêtes de plus de cinq cents kilos qui sont bloquées sur mon exploitation, ce qui entraîne un blocage financier, un surplus de travail pour s'occuper des bêtes non vendues... » - mes chers collègues, ce sont là des évidences mais, je le répète, il s'agit d'un cri du coeur - « ...et un surcoût lié à leur alimentation. Cette situation se rajoute aux augmentations des prix de la paille, des engrais, des céréales. C'est très dur financièrement. De plus, nous n'avons aucune garantie quant aux prix qui seront fixés dans trois mois, quand les premiers broutards vaccinés seront commercialisables. Je pense que pour s'en remettre il faudra au moins deux ans, en comptant le cycle des vaccinations. »
Naturellement, cela ne semble pas considérable vu d'ici, mais telle est la réalité du terrain ! Il faut apporter aux éleveurs les réponses qu'ils attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Barraux.
M. Bernard Barraux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est quelque peu présomptueux d'intervenir après M. Gérard Bailly, qui a réalisé un exposé particulièrement exhaustif. De même, M. Michel Moreigne a parfaitement expliqué la situation des éleveurs ; comme le département de la Creuse qu'il représente se trouve voisin du département de l'Allier dont je suis l'élu, n'attendez rien de nouveau de mon propos, mes chers collègues ! (Sourires.)
Il faut le reconnaître, ceux qui, parmi nos amis éleveurs, parviendront à passer le cap de cette fièvre catarrhale seront immunisés pour le restant de leurs jours contre toutes les catastrophes qui pourront leur tomber sur la tête ! En effet, depuis dix ans, ils auront absolument tout subi. Ils ont été agressés, accusés de tous les maux de la terre, traités de pollueurs, d'empoisonneurs, de massacreurs de la nature, entre autres. Ils ont subi l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine, la grippe aviaire, les fièvres porcines - j'en passe et des meilleures !
Dans presque toutes les situations, ces crises sanitaires ont eu pour origine des contaminations extérieures aux élevages - c'est d'ailleurs cela qui est dramatique : les éleveurs n'y sont pour rien ! - que les mesures d'hygiène et de prévention, appliquées pourtant scrupuleusement par les éleveurs, n'ont jamais permis d'éviter.
Ces risques sanitaires, accentués par l'augmentation des échanges à l'échelle de la planète, deviennent des facteurs prédominants de déstabilisation économique et de déséquilibre des marchés. Les épizooties d'influenza aviaire et de fièvre catarrhale en sont des exemples malheureusement plus que jamais d'actualité.
Particulièrement virulente et géographiquement étendue, la fièvre catarrhale est brutalement apparue depuis le mois de juillet 2006, ainsi que notre collègue Gérard Bailly l'a rappelé. Elle est arrivée par l'Italie du Sud, l'Espagne, la Corse, notamment, où elle était présente depuis un certain nombre d'années.
Cette maladie n'a pas épargné la France métropolitaine : elle est venue d'Afrique du Sud en passant par les Pays-Bas, au cours de l'été 2007. Nous n'avons pas eu de chance : la voilà, elle est bien là. Et nous pouvons vraiment dire que l'ensemble du cheptel français a été touché de plein fouet.
Les chiffres ont été rappelés tout à l'heure. Les miens, qui datent de 2007, sont obsolètes : le 19 octobre 2007, 5 900 cas étaient recensés. Or Gérard Bailly vient de nous apprendre que plus de 18 000 cas étaient actuellement dénombrés. Il est bien difficile aujourd'hui de savoir si certains départements sont épargnés : l'ensemble du territoire semble touché par cette catastrophe.
Toutes les mesures de protection sanitaire ont dû être adoptées dans l'urgence pour lutter contre la diffusion de l'épidémie - elle a, hélas ! continué à se propager -, dans l'attente de l'élaboration d'un vaccin efficace, ce fameux vaccin que tous nous attendons. Il arrive ; il vient, et, de ce point de vue, l'Allier, qui fait partie des départements prioritaires, n'est pas le plus à plaindre. Il n'en reste pas moins qu'il faudra impérativement fabriquer ce vaccin en très grande série.
À chaque crise, l'efficacité des dispositifs de protection et de gestion, indispensables à la maîtrise et à l'éradication de ces maladies, repose sur l'action responsable des éleveurs des zones réglementées et sur leur professionnalisme. Ces professionnels subissent, nous le disons tous, monsieur le ministre, d'insupportables contraintes, qui perturbent complètement les règles habituelles d'organisation de leur exploitation et des marchés, ce qui entraîne les surcoûts que nous savons et des pertes économiques extrêmement importantes.
Les dernières crises sanitaires et la façon dont elles surviennent appellent une nouvelle organisation préventive pour agir avec rapidité et efficacité, pour limiter ainsi les conséquences économiques, tout en assurant les soutiens nécessaires aux éleveurs.
La fièvre catarrhale, qui affecte aujourd'hui non seulement les ruminants domestiques - ovins, caprins et bovins - mais également les ruminants sauvages, a donc un impact sur la commercialisation des produits alimentaires, tels que les viandes, le lait ou leurs dérivés. Cette maladie, comme d'ailleurs la fièvre porcine, provoque de graves perturbations dans le commerce des animaux et de leurs semences ; elle constitue une menace sérieuse pour l'économie de l'élevage français.
Certes, des efforts notables ont déjà été accomplis : il convient de rappeler les différentes mesures qui ont déjà été prises, notamment le montant important des crédits qui ont été réservés dans la loi de finances pour 2008, dans un contexte de forte incertitude sur la potentialité d'une crise. Néanmoins, ces crédits risquent, hélas ! de se révéler insuffisants pour affronter des menaces croissantes de pandémies. En effet, il faut tenir compte de l'évolution rapide, trop rapide de la maladie vers le sud et l'ouest de la France.
La multiplication des épisodes de crise sanitaire nous conduit également à nous interroger sur les missions et le périmètre d'intervention respectifs de l'État et des acteurs économiques. Si la prise en charge sanitaire doit naturellement relever de l'État, en revanche, les coûts économiques induits pour les professionnels en cas de pandémie - je pense à toutes les pertes directes ou indirectes sur le cheptel - sont assumés aujourd'hui par les éleveurs. Or ils devraient l'être par des caisses de solidarité professionnelles, qui restent à inventer.
L'importance de l'impact économique de ces crises sanitaires nous invite à explorer de nouvelles modalités de couverture du risque. Nous devons essayer de réfléchir à la mise en place d'un véritable « plan ORSEC » des crises sanitaires, car, hélas !, depuis un certain nombre d'années, celles-ci nous arrivent toujours au moment où nous nous y attendons le moins.
La mondialisation des risques sanitaires est réelle. C'est pourquoi il est important d'améliorer également la coordination internationale pour la gestion de toutes ces crises, qui reste indissociable d'une meilleure organisation du réseau déconcentré des acteurs de la sécurité sanitaire.
Il est clair que nous devons réaliser des progrès, notamment en matière d'objectifs et d'indicateurs de performance, avec davantage de rigueur, d'exigence, d'ambition, dans un contexte de crise sanitaire qu'il nous faut désormais considérer comme un risque permanent.
Monsieur le ministre, je représente un territoire d'élevage, l'Allier, dans lequel le troupeau allaitant et le troupeau ovin sont très importants. C'est la raison pour laquelle je me permets d'appeler votre attention sur la situation des éleveurs de mon département, qui vivent depuis plus de dix ans des moments extrêmement difficiles, avec toutes les catastrophes qu'ils ont connues. Je comprends d'ailleurs fort bien que mes collègues entreprennent la même démarche pour leur propre département !