Article 2
I. - Après la première phrase du troisième alinéa de l'article 721 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il peut également ordonner le retrait lorsque la personne a été condamnée pour les crimes ou délits, commis sur un mineur, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle et qu'elle refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l'application des peines, sur avis médical, en application des articles 717-1 ou 763-7. »
II. - Le deuxième alinéa de l'article 721-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la personne a été condamnée pour les crimes ou délits, commis sur un mineur, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle, la réduction ne peut excéder deux mois par an ou quatre jours par mois ou, si elle est en état de récidive légale, un mois par an ou deux jours par mois, dès lors qu'elle refuse les soins qui lui ont été proposés. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Frimat, C. Gautier, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 72 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 54.
M. Richard Yung. Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article 2 relatif aux réductions de peine, sujet sur lequel le Parlement a déjà légiféré à plusieurs reprises ces dernières années, à l'occasion de l'examen de la loi Perben II en 2004, prévoyant certaines mesures de sûreté, et de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
À chaque fois que l'opportunité s'est présentée, le travail législatif a abouti à diminuer les réductions de peine ou à aggraver, en quelque sorte, leurs conditions d'accès.
Il nous est ici proposé, dans le I de cet article, de « réduire » la réduction de peine elle-même en cas de refus de suivre le traitement proposé par le juge de l'application des peines, le JAP. Au vu de la situation actuelle, où le juge peut retirer la réduction de peine à hauteur de trois mois maximum par an, l'application pour les cas visés à ce paragraphe aboutira à la suppression complète de ladite réduction.
Il s'agit de revenir sur une réforme, positive, qui avait supprimé toute distinction en matière de réduction de peine en fonction de la gravité de celle-ci. Tout le monde était ainsi mis sur le même plan, ce qui avait été très bien perçu et très bien vécu dans les prisons, comme pourront vous le confirmer l'ensemble des personnels pénitentiaires.
Le II du même article vise un cas similaire quoique un peu différent, c'est-à-dire les réductions de peine supplémentaires qui étaient octroyées aux condamnés manifestant des efforts sérieux de réadaptation par le travail ou les études. Autrement dit, ils étaient encouragés à suivre une telle voie. Là encore, on va diminuer ces réductions de peine supplémentaires jusqu'au point où elles seront finalement supprimées.
Certes, je comprends une partie de la philosophie qui sous-tend le dispositif. Il s'agit de contraindre le condamné à accepter tel ou tel traitement qui lui est proposé, car son refus peut signifier, ce qui est effectivement choquant, qu'il n'a aucune envie de s'amender ni d'aller vers la guérison.
Or, ce n'est exact qu'en apparence. Au fond de moi, je me dis que nul ne peut contraindre quelqu'un à se soigner. Après tout, le refus est un choix fondamental, un choix personnel ; sans doute est-ce un mauvais choix, sur lequel nous-mêmes portons un regard négatif, mais c'est le choix du détenu.
Le danger qui se profile derrière est réel. Nombre de psychopathes et de criminels endurcis ne manquent malheureusement pas de subtilité et vont très bien comprendre le fonctionnement de cette mécanique. Pour éviter les suppressions de réduction de peine, pour être bien considérés, il leur suffira de faire semblant, en acceptant de suivre le traitement recommandé par le juge de l'application des peines, mais seulement en apparence. Ils n'iront pas dans le sens de la guérison parce qu'ils resteront à la surface des choses. Ils ne participeront pas au traitement de tout leur coeur et de toute leur âme. En réalité, il y aura une apparence de traitement, un non-soin et, donc, une non-guérison.
Par ailleurs, tous les personnels pénitentiaires vous le diront, les réductions de peine sont un élément extrêmement important dans la vie des condamnés et leur diminution, que le projet de loi tend à introduire, aura certainement pour conséquence de tendre les relations dans les prisons, voire d'y accroître la violence.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 72.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Aujourd'hui, l'article 2 modifie les articles 721 et 721-1 du code de procédure pénale, qui régissent le régime des réductions de peines. Je rappelle que ceux-ci ont déjà été modifiés, le premier par la loi de décembre 2005 et le second, tout dernièrement, par celle d'août 2007, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle est d'application trop récente pour que l'on puisse juger de ses effets et sans compter qu'elle avait, elle aussi, été adoptée dans l'urgence.
Nous avions, pour notre part, contesté ces lois, alors que vous renforcez une nouvelle fois la logique d'enfermement. C'est ainsi que l'article 2 étend les exceptions au principe figurant à l'article 721 du code de procédure pénale et selon lequel « chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation ».
Il procède, ce faisant, à des assimilations pour le moins peu pertinentes : le refus de se soumettre à des soins serait traité de la même manière qu'une « mauvaise conduite » ou une récidive. À cet égard, je rappelle les réserves émises en 2005 par notre collègue, François Zocchetto.
De plus, la limitation des réductions de peines toucherait ici des personnes non récidivistes, mais considérées en quelques sorte comme des « récidivistes potentiels ».
En juillet dernier, lors de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, nous avions rappelé l'unanimité des médecins pour dire que le principe du consentement aux soins est nécessaire si l'on veut que ceux-ci aient une chance de réussir et que ce consentement ne doit pas être contraint.
Nous avions également souligné, comme le fait d'ailleurs la commission des lois, l'exigence d'effectivité de ces soins ; c'est, évidemment, un minimum. Or, il est fortement à craindre que le problème ne reste posé, toujours en raison de l'insuffisance des moyens.
Surtout, les réductions de peines font partie des outils qui, à l'instar de la libération conditionnelle, doivent être favorisés, car ils ont une influence positive sur la réinsertion des détenus.
C'est aussi l'avis de la CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui considère que « Les nouvelles limites envisagées dans le présent texte sont autant d'obstacles aux possibilités de réinsertion durable et réelle du condamné dans la société ». Elles les jugent donc toutes « contreproductives ».
C'est au bénéfice de ces explications que nous vous proposons la suppression de cet article 2.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
L'amendement n° 88, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - L'article 721 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, en raison de sa particulière dangerosité, le condamné est susceptible de faire l'objet d'une rétention de sûreté dans les conditions mentionnées à l'article 706-3-14, la juridiction régionale de la rétention de sûreté visée à l'article 706-53-15 peut décider du retrait de la réduction de peine dont a bénéficié le condamné aux fins de son placement en rétention de sûreté ».
2° Dans le dernier alinéa, après les mots : « en cas », sont insérés les mots : « de décision de placement en rétention de sûreté, ».
... - Dans le quatrième alinéa de l'article 721-1 du même code, après les mots : « de l'application des peines », sont insérés les mots : « ou de la juridiction régionale de la rétention de sûreté, ».
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous reprenons ici la même logique que celle qui sous-tendait l'amendement que nous avons défendu à propos de la substitution de la rétention de sûreté à la période correspondant aux crédits de peine dont le condamné a bénéficié.
En fait, au premier abord, l'article 2 corrobore en partie le dispositif que nous proposons, en ce que son I prévoit le retrait des crédits de peine du condamné visé à l'article 706-53-12. Cela va donc dans le sens de notre démarche, mais c'est pour nous insuffisant.
En effet, le retrait des crédits de peine doit être prononcé par la commission régionale de la rétention de sûreté, afin de garantir l'unicité de la décision. Si le juge de l'application des peines décide du retrait des crédits de peine en raison du refus de suivre le traitement proposé, ce sera pour ce motif et non en fonction de la dangerosité du condamné. Il nous paraît donc plus utile de confier le soin du retrait des crédits de peine à la commission régionale, dans le cadre de la décision de placement en rétention de sûreté.
Les deux systèmes ne nous semblent pas incompatibles. Il ne faudrait pas, en effet, créer une confusion entre la procédure de rétention de sûreté, encadrée par la commission régionale de la rétention de sûreté, et cette nouvelle procédure de retrait, confiée au juge de l'application des peines, en raison du refus de soins.
La commission régionale pourra, par ailleurs, s'appuyer sur la décision du JAP pour confirmer le retrait des crédits de peine un an avant la libération prévue du condamné, afin d'étayer sa décision de placement en rétention de sûreté.
Par ailleurs, le II de cet article a pour effet d'amoindrir les jours de crédits de peine, qui pourront être en quelque sorte convertis en une mesure de rétention de sûreté. En effet, la rétention de sûreté étant égale à celle du crédit de peine, l'article réduit en conséquence sa durée théorique. Il faudrait peut-être, au contraire, favoriser les crédits de réductions de peine supplémentaires, car, pour le type de condamnés visés, ils permettront dans tous les cas d'être convertis en un placement en rétention de sureté. Cela vaudrait mieux puisque, après tout, la prise en charge médicale et sociale serait meilleure que dans le cas d'un simple emprisonnement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 54 et 72 de suppression de l'article 2.
La réduction de peine doit être considérée non pas nécessairement comme un droit, mais comme une reconnaissance des efforts faits par le détenu pour sa réinsertion. À nos yeux, le refus de suivre un traitement et d'accéder aux soins est effectivement une attitude contre laquelle il convient de lutter. Si l'on ne peut pas forcer une personne à se soigner, on peut au moins l'y inciter vivement, et l'une des techniques possibles est justement la diminution des réductions de peine.
De même, pour ceux qui choisiraient délibérément d'aller jusqu'au bout de la peine et de refuser à la fois tout traitement et tout aménagement, la rétention de sûreté pourra être une manière de les inciter à accepter les soins.
En ce qui concerne les amendements nos 38 et 88, l'argumentation de Mme Boumediene-Thiery est quelque peu différente, puisqu'elle reprend la logique de l'un de ses amendements présentés précédemment, dans lequel elle prévoyait que la rétention de sûreté pouvait être appliquée dans le cadre de la durée correspondant aux réductions de peine obtenues.
Dans cette perspective, il pouvait s'avérer utile de ne pas limiter de telles réductions. Mais cette logique n'étant pas celle du projet de loi, la commission y est également défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 54 et 72. Le principe même de la réduction de peine, c'est d'être la conséquence d'une bonne conduite ou d'un gage de réinsertion ; ce n'est pas un droit automatique. Or elle a souvent été dévoyée.
S'agissant du type de délinquants visés, il est extrêmement important que la réduction de peine prenne tout son sens. Par conséquent, mieux vaut la prévoir en contrepartie de soins ou d'une autre mesure de réinsertion.
Pour les même raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 38.
Par ailleurs, le Gouvernement émet le même avis défavorable sur l'amendement n° 88 que sur l'amendement n° 49 rectifié bis, qui a été examiné hier.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54 et 72.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
CHAPITRE III
Dispositions applicables en cas d'irresponsabilité pénale en raison d'un trouble mental
Article 3
Après l'article 706-118 du code de procédure pénale, il est inséré un titre XXVIII ainsi rédigé :
« TITRE XXVIII
« DE LA PROCÉDURE ET DES DÉCISIONS D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE POUR CAUSE DE TROUBLE MENTAL
« CHAPITRE IER
« Dispositions applicables devant le juge d'instruction et la chambre de l'instruction
« Art. 706-119. - Si le juge d'instruction estime, lorsque son information lui paraît terminée, qu'il est susceptible d'appliquer le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal relatif à l'irresponsabilité pénale d'une personne en raison d'un trouble mental, il en informe les parties lorsqu'il les avise ainsi que le procureur de la République lorsqu'il lui communique le dossier, en application du premier alinéa de l'article 175.
« Le procureur de la République, dans ses réquisitions, et les parties, dans leurs observations, indiquent s'ils demandent la saisine de la chambre de l'instruction afin que celle-ci statue sur l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal conformément aux articles 706-122 à 706-127 du présent code.
« Art. 706-120. - Lorsqu'au moment du règlement de son information, le juge d'instruction estime, après avoir constaté qu'il existe contre la personne mise en examen des charges suffisantes d'avoir commis les faits reprochés, qu'il y a des raisons plausibles d'appliquer le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, il ordonne, soit d'office soit si le procureur de la République ou une partie en a formulé la demande, que le dossier de la procédure soit transmis par le procureur de la République au procureur général près la cour d'appel aux fins de saisine de la chambre de l'instruction.
« À défaut de cette transmission, il rend une ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui précise qu'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés.
« Art. 706-121. - L'ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.
« L'ordonnance de transmission de pièces rendue en application de l'article 706-120 ne met pas fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire, qui se poursuit jusqu'à l'audience de la chambre de l'instruction, sans préjudice de la possibilité pour le juge d'instruction, par ordonnance distincte, d'ordonner la mise en liberté ou la levée du contrôle judiciaire. S'il n'a pas été mis fin à la détention provisoire, la chambre de l'instruction doit statuer dans un délai de six mois en matière criminelle ou quatre mois en matière correctionnelle à compter de la date de l'ordonnance de transmission de pièces, à défaut de quoi la personne mise en examen est remise en liberté si elle n'est pas détenue pour une autre cause.
« Art. 706-122. - Lorsque la chambre de l'instruction est saisie en application de l'article 706-120, son président ordonne, soit d'office soit à la demande de la partie civile, du ministère public ou de la personne mise en examen, la comparution personnelle de cette dernière si son état le permet. Si celle-ci n'est pas assistée d'un avocat, le bâtonnier en désigne un d'office à la demande du président de la juridiction. Cet avocat représente la personne même si celle-ci ne peut comparaître.
« Les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique, hors les cas de huis clos prévus par l'article 306.
« Le président procède à l'interrogatoire de la personne mise en examen, si elle est présente, conformément à l'article 442.
« Les experts ayant examiné la personne mise en examen doivent être entendus par la chambre de l'instruction, conformément à l'article 168.
« Sur décision de son président, la juridiction peut également entendre au cours des débats, conformément aux articles 436 à 457, les témoins cités par les parties ou le ministère public si leur audition est nécessaire pour établir s'il existe des charges suffisantes contre la personne d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés ou déterminer si le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal est applicable.
« Le procureur général, l'avocat de la personne mise en examen et l'avocat de la partie civile peuvent poser des questions à la personne mise en examen, à la partie civile, aux témoins et aux experts, conformément à l'article 442-1.
« La personne mise en examen, si elle est présente, et la partie civile peuvent également poser des questions par l'intermédiaire du président.
« Une fois l'instruction à l'audience terminée, l'avocat de la partie civile est entendu et le ministère public prend ses réquisitions.
« La personne mise en examen, si elle est présente, et son avocat présentent leurs observations.
« La réplique est permise à la partie civile et au ministère public, mais la personne mise en examen, si elle est présente, et son avocat auront la parole les derniers.
« Art. 706-123. - Si elle estime qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés, la chambre de l'instruction déclare qu'il n'y a lieu à suivre.
« Art. 706-124. - Si elle estime qu'il existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés et que le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal n'est pas applicable, la chambre de l'instruction ordonne le renvoi de la personne devant la juridiction de jugement compétente.
« Art. 706-125. - Dans les autres cas, la chambre de l'instruction rend un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental par lequel :
« 1° Elle déclare qu'il existe des charges suffisantes contre la personne d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés ;
« 2° Elle déclare la personne irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ;
« 3° Si la partie civile le demande, elle renvoie l'affaire devant le tribunal correctionnel compétent pour qu'il se prononce sur la responsabilité civile de la personne, conformément à l'article 489-2 du code civil, et statue sur les demandes de dommages et intérêts ;
« 4° Elle prononce, s'il y a lieu, une ou plusieurs des mesures de sûreté prévues au chapitre III du présent titre.
« Art. 706-126. - L'arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.
« Il peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.
« Art. 706-127. - Les articles 211 à 218 sont applicables aux décisions prévues aux articles 706-123 à 706-125.
« Art. 706-128. - Les articles 706-122 à 706-127 sont applicables devant la chambre de l'instruction en cas d'appel d'une ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou en cas d'appel d'une ordonnance de renvoi lorsque cet appel est formé par une personne mise en examen qui invoque l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal.
« CHAPITRE II
« Dispositions applicables devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises
« Section 1
« Dispositions applicables devant la cour d'assises
« Art. 706-129. - Lorsqu'en application des articles 349-1 et 361-1, la cour d'assises a, au cours du délibéré, répondu positivement à la première question relative à la commission des faits et positivement à la seconde question portant sur l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, elle déclare l'irresponsabilité pénale de l'accusé pour cause de trouble mental.
« Art. 706-130. - Lorsque la cour d'assises rentre dans la salle d'audience en application de l'article 366, le président prononce un arrêt portant déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
« Cet arrêt met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.
« Art. 706-131. - En application de l'article 371 du présent code et conformément à l'article 489-2 du code civil, la cour, sans l'assistance du jury, statue alors sur les demandes de dommages et intérêts formées par la partie civile.
« Elle prononce s'il y a lieu une ou plusieurs des mesures de sûreté prévues au chapitre III du présent titre.
« Art. 706-132. - Le procureur général peut faire appel des arrêts portant déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. La cour d'assises statuant en appel est alors désignée conformément aux articles 380-14 et 380-15.
« L'accusé et la partie civile peuvent faire appel de la décision sur l'action civile. L'appel est alors porté devant la chambre des appels correctionnels, conformément à l'article 380-5.
« Section 2
« Dispositions applicables devant le tribunal correctionnel
« Art. 706-133. - S'il estime que les dispositions du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal sont applicables, le tribunal correctionnel rend un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental par lequel :
« 1° Il déclare que la personne a commis les faits qui lui étaient reprochés ;
« 2° Il déclare la personne irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ;
« 3° Il se prononce sur la responsabilité civile de la personne auteur des faits, conformément à l'article 489-2 du code civil, et statue, s'il y a lieu, sur les demandes de dommages et intérêts formées par la partie civile ;
« 4° Il prononce, s'il y a lieu, une ou plusieurs des mesures de sûreté prévues au chapitre III du présent titre.
« Le jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.
« Art. 706-134. - Les dispositions de l'article 706-133 sont applicables devant la chambre des appels correctionnels.
« Elles sont également applicables, à l'exception du 4°, devant le tribunal de police ou la juridiction de proximité.
« CHAPITRE III
« Mesures de sûreté pouvant être ordonnées en cas de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
« Art. 706-135 A. - Sans préjudice de l'application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, lorsque la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée, l'hospitalisation d'office de la personne dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code s'il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les hospitalisations ordonnées en application de l'article L. 3213-1 du même code, dont le deuxième alinéa est applicable. L'article L. 3213-8 du même code est également applicable.
« Art. 706-135. - Lorsque la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner à l'encontre de la personne les mesures de sûreté suivantes, pendant une durée qu'elle fixe et qui ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle et vingt ans si les faits commis constituent un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement :
« 1° Interdiction d'entrer en relation avec la victime de l'infraction ou certaines personnes ou catégories de personnes, et notamment les mineurs, spécialement désignées ;
« 2° Interdiction de paraître dans tout lieu spécialement désigné ;
« 3° Interdiction de détenir ou de porter une arme ;
« 4° Interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale spécialement désignée, dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, sans faire préalablement l'objet d'un examen psychiatrique déclarant la personne apte à exercer cette activité ;
« 5° Suspension du permis de conduire ;
« 6° Annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis.
« Ces interdictions, qui ne peuvent être prononcées qu'après une expertise psychiatrique, ne doivent pas constituer un obstacle aux soins dont la personne est susceptible de faire l'objet.
« Si la personne est hospitalisée en application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, les interdictions dont elle fait l'objet sont applicables pendant la durée de l'hospitalisation et se poursuivent après la levée de cette hospitalisation, pendant la durée fixée par la décision.
« Art. 706-136. - La personne qui fait l'objet d'une interdiction prononcée en application de l'article 706-135 peut demander au juge des libertés et de la détention du lieu de la situation de l'établissement hospitalier ou de son domicile d'ordonner sa modification ou sa levée. Celui-ci statue en chambre du conseil sur les conclusions du ministère public, le demandeur ou son avocat entendus ou dûment convoqués. Il peut solliciter l'avis préalable de la victime. La levée de la mesure ne peut être décidée qu'au vu du résultat d'une expertise psychiatrique. En cas de rejet de la demande, aucune demande ne peut être déposée avant l'expiration d'un délai de six mois.
« Art. 706-137. - Lorsque l'interdiction prévue au 1° de l'article 706-135 est prononcée, la partie civile peut demander à être informée par le procureur de la République de la levée de l'hospitalisation d'office dont cette personne aura pu faire l'objet en application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique.
« La partie civile peut, à tout moment, indiquer au procureur de la République qu'elle renonce à cette demande.
« Art. 706-138. - La méconnaissance par la personne qui en a fait l'objet des interdictions prévues par l'article 706-135 est punie, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, de deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende.
« Art. 706-139. - Un décret précise les modalités d'application du présent titre. »
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons, avec l'article 3, le volet du projet de loi relatif à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
Cette irresponsabilité pénale est aujourd'hui régie par le principe posé à l'article 122-1 du code pénal, qui opère une distinction entre l'abolition et l'altération du discernement, afin de déterminer si la personne est pénalement irresponsable ou, au contraire, responsable.
La personne poursuivie fait l'objet d'une expertise psychiatrique au moment de l'instruction, une telle expertise étant de toute façon obligatoire lorsqu'elle a commis un crime.
Mais, de façon surprenante, l'irresponsabilité mentale est de moins en moins retenue par les juges d'instruction : ainsi, le nombre d'ordonnances de non-lieu rendues pour ce motif est passé de 444 en 1987 à 233 en 2003, soit une diminution de moitié environ.
Ces chiffres viennent confirmer le constat que faisait déjà la commission d'enquête parlementaire sur les prisons en 2000, qui indiquait ainsi : « les psychiatres, s'appuyant sur le deuxième alinéa de l'article 122-1 du nouveau code pénal, ont interprété la loi dans un sens univoque. À leur sens, peu de troubles psychiques ou neuropsychiques abolissent le discernement de la personne ou entravent le contrôle de ses actes. En conséquence, le nombre d'accusés jugés ? irresponsables au moment des faits ? est passé de 17 % au début des années quatre-vingt à 0,17 % pour l'année 1997 ».
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant de retrouver ces personnes souffrant de troubles mentaux dans nos prisons : 30 % environ des détenus seraient concernés. L'augmentation du nombre de ceux qui nécessitent l'application de l'article D. 398 du code de procédure pénale permettant aux établissements pénitentiaires de procéder à des hospitalisations d'office dans les hôpitaux psychiatriques est un signe de cette évolution.
Ce n'est donc pas tant l'application de cet article 122-1 du nouveau code pénal qui pose problème, mais c'est bien la médiatisation des faits divers se rapportant à des cas d'irresponsabilité pénale et l'instrumentalisation de la souffrance des victimes. D'ailleurs, ce sont bien deux faits divers qui sont à l'origine de ce projet de loi, dont l'un concerne un jeune homme ayant tué deux infirmières de l'hôpital psychiatrique de Pau et ayant bénéficié d'un non-lieu pour raison psychiatrique.
Nous entendions le Président de la République déclarer, le 20 août 2007, que « le premier des droits de l'homme à défendre, c'est celui des victimes ». Pourtant, la loi n'est pas muette s'agissant des droits des victimes dans les cas d'irresponsabilité pénale. Depuis 1995, l'ordonnance de non-lieu motivée par un trouble mental est notifiée oralement dans le cabinet du juge d'instruction et la contre-expertise sollicitée par la partie civile est de droit.
La loi du 9 mars 2004 a introduit l'obligation faite au juge, en cas d'application de l'article 122-1, de préciser dans son ordonnance de non-lieu s'il existait des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés. Pourquoi, par conséquent, vouloir réformer dans l'urgence cette procédure ?
Cette loi est donc clairement une loi d'affichage et non, évidemment, une loi destinée à améliorer le traitement des personnes irresponsables pénalement et à soutenir le secteur de la psychiatrie dans les hôpitaux et dans les établissements pénitentiaires.
Ce que le Gouvernement ne comprend pas, c'est qu'en donnant davantage de moyens à la prévention et au suivi des personnes malades mentales, que ce soit en prison ou en hôpital psychiatrique, on favorise la lutte contre les actes violents et la récidive et, de fait, on agit bien plus efficacement pour la réinsertion de ces personnes dans la société. Faire en sorte qu'il y ait moins de victimes, n'est-ce pas le meilleur moyen d'agir en leur faveur ?
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 55 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Frimat, C. Gautier, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 73 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 55.
M. Richard Yung. Je souhaite présenter quelques remarques sur la nouvelle procédure instaurée à l'article 3.
Je ferai deux types d'observations, les unes concernant la procédure applicable, les autres l'introduction de « mesures de sûreté pouvant être ordonnées en cas d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ».
En premier lieu, la participation du malade mental, atteint au point de ne pas être responsable de ses actes, à une forme de procès public qui aboutit à la déclaration d'irresponsabilité porte de sérieuses atteintes aux règles de procédure.
Elle entraîne, tout d'abord, une confusion entre la juridiction d'instruction et la juridiction de jugement, cette dernière devant se prononcer sur la réalité et l'imputabilité des actes. J'ai déjà développé ce point en défendant la motion d'irrecevabilité déposée par mon groupe. Il s'agit d'un problème lourd sur lequel le Conseil constitutionnel devra se prononcer.
Apparaît, ensuite, une confusion entre l'audience de jugement et l'instruction, alors même que, durant l'instruction, l'individu demeure présumé innocent.
En second lieu, l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dite Convention européenne des droits de l'homme, dispose que « tout accusé a droit notamment à [...] se défendre lui-même ». Or, dans la procédure envisagée, il existe un cas dans lequel l'accusé ne serait pas convoqué par le président de la chambre d'instruction, peut-être à juste titre s'il n'est pas en état de comparaître, mais aussi dans d'autres situations. En tout état de cause, cet accusé doit être représenté par son avocat, ce qui constitue une remise en cause de son droit à se défendre lui-même.
Un autre point est plus préoccupant. Cette nouvelle procédure, dont l'organisation est compliquée, ne représentera pas nécessairement un grand progrès pour les victimes et leurs familles. En effet, la confrontation physique avec un auteur de crime malade ne constituera pas une explication ou une réparation, mais sera plutôt un drame ajouté au drame, une confrontation de souffrances.
Dans un cas, si la personne présumée coupable est dans un état normal, ce qui peut arriver au cours des cycles de maladie mentale, la famille, les ayants droit ou la victime en tireront la conclusion négative que la déclaration d'irresponsabilité n'est qu'un artifice de procédure, que la personne dispose en réalité de toutes ses capacités, qu'elle est donc vraiment coupable et qu'elle échappe au véritable jugement en faisant semblant d'être malade.
Dans un autre cas, si le coupable présumé est dans un état tel que sa maladie mentale apparaît clairement, il n'y aura pas de dialogue possible. On verra probablement se jouer une mauvaise scène de théâtre, douloureuse pour chaque partie, et les familles n'en tireront pas un grand réconfort.
Une autre variante possible consisterait à prévoir la représentation du coupable présumé par son avocat, comme cela se fait, dans un certain nombre de cas, en cour d'assises. Ainsi, le président de la cour d'assises de Paris nous a dit avoir organisé, à plusieurs reprises, des réunions entre des familles de victimes et les avocats des deux parties concernées, ce qui a permis de faire le tour de l'affaire, sans rien cacher, et de dégager la vérité sur la situation. J'ai cru comprendre que ceux qui avaient participé à ces réunions en étaient sortis plus réconfortés que si le coupable présumé avait été présent.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de l'article 3.