M. Nicolas About, rapporteur. Oh !

Mme Christine Boutin, ministre. Ce n'est pas gentil !

Mme Odette Terrade. Vous savez pertinemment qu'il existe moult dispositifs pour amortir fiscalement à la fois le coût des travaux de réparation et d'entretien des logements destinés à la location et leur vieillissement progressif.

En effet, si l'on prend la situation des bailleurs soumis au régime d'imposition des revenus fonciers, s'agissant de ceux qui déclarent un bénéfice foncier sans relever du régime micro-foncier des plus petits propriétaires, on observe que le revenu foncier moyen, qui s'élevait à 8 368 euros nets en 2003, est passé à 8 932 euros nets en 2005, soit une progression de près de sept points en deux ans, progression que les salariés auraient aimé connaître sur le plan de leurs revenus !

De plus, il faut le souligner, cette tendance se situe dans un contexte où des mécanismes fortement incitatifs, notamment les dispositifs « de Robien » et « Borloo », ont été mis en oeuvre pour créer, naturellement, des déficits fonciers fiscalement reportables ou imputables.

En outre, comment ne pas souligner que tout euro de perte relative de revenu locatif pour un bailleur privé sera de toute manière fiscalement imputable sur ses revenus fonciers ?

L'effort de modération des loyers doit donc être largement partagé et permettre la poursuite de la lutte contre les exclusions d'accès au logement, qui résultent de l'inadaptation de l'offre locative actuelle par rapport à la demande des familles sans logement ou mal logées.

Or l'intérêt bien compris des bailleurs privés n'est-il pas de constater l'occupation de leurs logements, sachant qu'un logement vide, mal entretenu ou rapidement inoccupé, cela signifie d'abord une absence de revenu locatif ?

C'est sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, que nous vous demandons d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement vise à baisser le plafond de l'augmentation légalement autorisée lorsqu'un loyer est manifestement sous-évalué.

Considérant que ce plafond est déjà suffisamment bas, la commission a donné un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre. Madame le sénateur, votre proposition induit un lissage quasi automatique de l'augmentation du loyer en cas de renouvellement. Or cette possibilité de lisser une augmentation ne peut être envisagée que pour des augmentations de loyer significatives, à savoir un nouveau loyer majoré de 10 %, comme c'est le cas actuellement.

Je vous rappelle aussi qu'il existe, mais vous le savez bien, des commissions de conciliation réunissant l'ensemble des partenaires, qui sont des lieux de médiation entre locataires et propriétaires où, avec des acteurs extérieurs, on peut régler les conflits s'il y a lieu.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 46 rectifié, présenté par M. Repentin, Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Collombat, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les trois premiers alinéas du b de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Pendant une période de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° ... du ... pour le pouvoir d'achat, le loyer des logements vacants ou faisant l'objet d'une première location qui ne sont pas visés au a ci-dessus est fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables dans les conditions définies à l'article 19, s'il est supérieur au dernier loyer exigé du précédent locataire. »

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Cet amendement a pour objet de bloquer les loyers au moment de la relocation, c'est-à-dire à la signature d'un nouveau bail.

Cette mesure viendrait compléter celle qui est proposée par le Gouvernement. Elle serait transitoire et, dans la rédaction proposée, elle préserverait la faculté des propriétaires d'augmenter le loyer en cas, par exemple, de réalisation de travaux importants dans le logement.

La pratique qui consiste à reconduire les loyers à leur niveau initial au moment du changement de locataire est en très net recul, puisqu'elle ne concernait plus que 3 % des loyers en 2006 contre 29 % en 1999. C'est une conséquence des tensions fortes sur le marché du logement locatif, de l'accentuation de la pénurie et de l'inadaptation de l'offre.

Ces chiffres de l'INSEE traduisent d'une autre manière que, toutes choses égales par ailleurs, et malgré une inflation plutôt faible ces dernières années, il est désormais quasi impossible au million de locataires qui déménagent chaque année de retrouver un bien comparable à celui qu'ils occupaient jusqu'alors.

C'est un frein incontestable à la mobilité géographique, à laquelle, pourtant, de plus en plus d'employeurs poussent leurs salariés, notamment les employeurs d'entreprises de réseaux du secteur tertiaire : banque, assurance, commerce, notamment. Dans ces secteurs, il n'est pas rare que la mobilité soit même obligatoire tous les trois ans. Les ménages sont « coincés », contraints d'accepter les frais, résignés à limiter leur surface habitable s'ils veulent préserver leur pouvoir d'achat.

Je souhaite enfin préciser que cet amendement revient à réactiver un mécanisme identique prévu par la loi du 6 juillet 1989, mécanisme qui a fonctionné jusqu'en 1997. Il répondait à une situation de tension sur les marchés, lesquels n'avaient pas atteint tous les ans les niveaux constatés partout en France aujourd'hui.

La situation actuelle exige des mesures conservatoires et protectrices. Qu'on ne m'oppose pas qu'elles seraient liberticides ! En effet, ni en 1993 ni en 1995 les gouvernements de droite n'avaient songé à supprimer ce mécanisme protecteur des locataires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. La commission craint que cet amendement visant à geler pendant trois ans la hausse de certains loyers du parc privé n'aggrave la crise du logement. Pour cette raison, elle émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur les conséquences tout à fait néfastes qu'entraînerait un blocage des loyers. Il est nécessaire qu'il existe un équilibre entre les locataires et les propriétaires. Pour cela, il faut absolument encourager les propriétaires à mettre sur le marché un certain nombre de logements qui n'y sont pas à ce jour. Or, je le répète, le blocage des loyers aurait un effet tout à fait néfaste en l'espèce.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Notre groupe votera cet amendement. Madame la ministre, il me démangeait depuis un certain temps de vous dire que le problème de la relocation des logements est très grave. Je suis en total désaccord avec la décision qu'a prise le Gouvernement de mettre à bas le sacro-saint principe du maintien dans les lieux et de lui substituer un « parcours résidentiel ». Mais un tel parcours a l'inconvénient, bien souvent, de figer ou de bloquer les situations, et ce dans le parc social comme dans le parc privé. C'est pourquoi vous passez en force.

Mme Christine Boutin, ministre. C'est vous, la force !

M. Nicolas About, rapporteur. Mme Boutin, c'est la douceur même ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. En revanche, les familles qui, habitant aujourd'hui de trop grands logements, pourraient être susceptibles de déménager dans le cadre du « parcours résidentiel » ne le font pas pour éviter d'avoir à acquitter un loyer plus élevé.

À l'heure actuelle, les offices ne disposent pratiquement plus de fonds propres compte tenu de la baisse des crédits que vous leur imposez - cela a d'ailleurs fait l'objet d'un grand débat avec l'Union sociale pour l'habitat. Pour cette raison, les offices veulent absolument augmenter les loyers à leur prix plafond, entraînant ainsi une hausse insupportable pour le logement social.

Si vous pouviez garantir aux locataires qui déménagent dans la même résidence ou dans la même ville que leur nouveau loyer n'augmentera pas de manière trop importante par rapport à leur ancien loyer, alors nous ferions un premier pas dans la fluidification du « parcours résidentiel ».

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Je soutiens l'amendement qu'a défendu à l'instant notre collègue Patricia Schillinger et j'insiste sur le fait que le dispositif qu'elle propose aura une durée transitoire de trois ans, à compter de l'entrée en vigueur du présent projet de loi.

Il faut faire en sorte que le renouvellement des baux ne s'accompagne pas d'une hausse qui, financièrement, soit intolérable pour nos concitoyens. La limitation de l'augmentation des loyers mois après mois pour les locataires en place entraînera inéluctablement les propriétaires à adopter un mode de gestion quelque peu différent de leurs biens. Dès lors qu'ils auront compris qu'ils peuvent augmenter sans contrainte les loyers à l'occasion du renouvellement d'un bail, ils y procéderont chaque fois. Les locataires qui, pour des raisons professionnelles, sont contraints de déménager régulièrement et, par conséquent, de signer des baux de courte durée - les travailleurs saisonniers, qui exercent leur activité d'une région à l'autre ; les étudiants, qui concluent en général des contrats de location de neuf à douze mois ; les intérimaires ; les professions, notamment du tertiaire, pour lesquelles l'obligation de mobilité tous les trois ans est inscrite dans le contrat de travail - tous ces locataires subiront d'importantes hausses de loyer. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'interdire toute hausse pendant trois ans.

Quand le marché paraît devoir subir la dérégulation, vous n'hésitez pas à prendre des mesures générales pour en atténuer les effets. Permettez-moi de faire un parallèle avec la hausse de la rémunération du livret A. Selon les règles du marché, son taux de rémunération devait passer à 4 %. Or vous avez estimé que c'était trop, que les petits épargnants gagnaient trop, et avez fixé le taux à 3,5 %.

M. Guy Fischer. C'est scandaleux ! Toujours pour les riches !

M. Thierry Repentin. Pourquoi n'adoptez-vous pas la même démarche intellectuelle à l'égard des locataires qui sont confrontés à la dérégulation du marché des loyers ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre. Le Sénat m'est moins familier que l'Assemblée nationale. Néanmoins, j'apprécie beaucoup la tonalité particulière des débats qui s'y tiennent et la courtoisie des propos échangés, lesquels n'empêchent pas qu'y soient dites des choses fortes. Je répondrai successivement à M. Fischer et à M. Repentin.

Monsieur Fischer, dans votre évocation du principe du maintien dans les lieux, vous avez oublié de préciser le cas du logement en HLM. Il est exact qu'il s'agissait d'un principe sacro-saint. Mais, grâce à l'accord qui a été signé avec M. Delebarre, le monde HLM se rend enfin compte que nous sommes entrés dans le xxie siècle et que la mobilité est un facteur important de la vie de nos contemporains.

Aux termes de cet accord, mesdames, messieurs les sénateurs, il est question non plus d'un maintien dans les lieux, mais d'un maintien dans le parc. Il ne s'agit aucunement de mettre les gens dehors n'importe où - ils sont relogés dans le parc HLM -, mais de donner à quiconque habite un appartement qui ne correspond plus obligatoirement à ses besoins la possibilité d'aménager dans un autre logement du parc HLM plus adapté. Cela n'était pas possible jusqu'à présent.

Vous savez très bien, monsieur Fischer, que personne ne sera contraint de déménager. Comme vous et comme l'ensemble de vos collègues ici présents, comme l'ensemble du monde HLM, je considère que les personnes ne sont pas des numéros, des statistiques ou des boîtes de conserve que l'on déplacerait d'un endroit à un autre, et qu'il ne faut pas raisonner uniquement en fonction des chiffres. La mobilité à l'intérieur du parc, monsieur le sénateur, se fera sur la base du volontariat, que ce soit celui de l'organisme ou celui du locataire. Il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté sur ce point.

M. Nicolas About, rapporteur. Bien sûr !

Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Repentin, votre dernière observation sur le livret A m'a stupéfiée. Vous qui êtes un spécialiste des questions de logement, en particulier du logement social, vous savez très bien que le livret A sert précisément à financer le logement social.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle est bien bonne, celle-là !

Mme Christine Boutin, ministre. Comment pouvez-vous tenir de tels propos, monsieur le sénateur ? Heureusement que j'étais assise ! (Sourires.) Mais, à observer votre sourire, je vois bien que vous-même n'y croyez pas vraiment. (Mouvements divers sur les travées du groupe socialiste.) Si on m'avait rapporté vos propos, je n'y aurais pas cru, j'aurais demandé des preuves écrites ! Pas vous, monsieur Repentin !

En revanche, vous établissez un juste diagnostic de l'évolution du travail telle qu'elle se dessine pour le xxie siècle.

Mme Isabelle Debré. De temps en temps...

Mme Christine Boutin, ministre. Vraisemblablement, nos petits-enfants seront amenés à changer beaucoup plus souvent de lieu de travail que ne le faisaient leurs prédécesseurs au xixe et au xxe siècle. Cette mobilité accrue entraînera des déménagements plus nombreux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y en a qui s'accrochent à leurs beaux appartements...

Mme Christine Boutin, ministre. C'est la raison pour laquelle nous devons prendre en considération les contrats de travail particuliers. Ainsi, à destination notamment des étudiants et des personnes en intérim ou en contrat à durée déterminée qui sont amenées à déménager, il existe déjà le système LOCA-PASS, amélioré par ce que nous avons négocié avec le 1 % patronal, à savoir le lissage du dépôt de garantie sur la durée du contrat de location, ouvert, précisons-le, à tous les locataires. Je ne vous cache pas que nous réfléchissons à d'autres mécanismes de ce type.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, qui, visiblement, a pris goût au dialogue avec le Gouvernement. (Sourires.)

M. Guy Fischer. Je m'étonne de vos propos, madame la ministre.

Vous avez oublié de préciser que, pour le maintien dans les lieux, cela se traduira certainement par d'importantes hausses de loyer, qui, je le crains, contraindront un certain nombre de familles à quitter leur logement. Je vous renvoie aux discussions que nous avons eues sur la situation de ceux dont les revenus seraient prétendument trop élevés pour qu'ils continuent d'occuper leur logement HLM.

Enfin, madame la ministre, permettez-moi une note d'humour : je m'étonne que vous remettiez en cause un principe considéré comme sacro-saint. (Rires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Article 4 (suite)

3

souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires de Guinée équatoriale

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de parlementaires de Guinée équatoriale, conduite par son président M. Angel-Séraphin Seriche Dougan Malabo, vice président de l'Assemblée nationale.

Il s'agit de la première visite officielle d'une délégation équato-guinéenne, organisée sous l'égide du groupe d'amitié France-Afrique centrale du Sénat présidé par notre collègue M. Jean-Pierre Cantegrit. Cette visite est la marque d'une nouvelle étape dans le renforcement des relations entre nos deux pays.

À cette occasion, je salue les efforts constants de la Guinée équatoriale, membre de la Francophonie depuis 2000, pour développer l'usage de la langue française sur son territoire. Je souhaite que nous puissions, à notre niveau, les aider dans cette voie.

Je formule enfin des voeux pour que cet accueil contribue à renforcer l'amitié entre la France et la Guinée équatoriale. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

4

Pouvoir d'achat

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat.

Article 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour le pouvoir d'achat
Article 5

Article 4 (suite)

M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen de l'article 4.

L'amendement n° 47 rectifié, présenté par M. Repentin, Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Collombat, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le e de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette hausse ne peut excéder 15 % du coût réel des travaux d'amélioration portant sur les parties privatives ou communes quand ces travaux sont d'un montant au moins égal à la dernière année de loyer, toutes taxes comprises. »

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. L'amendement 47 rectifié vise à limiter les hausses de loyers qui pourraient résulter des travaux effectués par les propriétaires, notamment dans le cadre des obligations qui pourraient leur être imposées à la suite des décisions du Grenelle de l'environnement, qui ont sans doute eu des échos jusqu'en Guinée équatoriale ! (Sourires.)

Cet amendement tend à modifier l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 afin qu'il soit précisé que, lorsque le propriétaire fait effectuer des travaux dans un logement qu'il loue, il ne peut imputer au locataire qu'une partie des frais qu'il a engagés, et ce à condition que le montant des travaux soit suffisamment élevé. Cela permettrait de limiter les risques qui pèseront bientôt sur les locataires de logements dont le propriétaire entreprendrait des travaux de rénovation importants.

La hausse ne pourrait excéder 15 % du coût réel des travaux d'amélioration portant sur les parties privatives ou communes quand ces travaux sont d'un montant au moins égal à la dernière année de loyer, toutes taxes comprises. Cette proposition ne prend pas en considération la possibilité qui sera peut-être ouverte, en plus, aux propriétaires de récupérer une partie de leur investissement par l'intermédiaire des charges récupérables. Dans cette perspective, un débat sur la nature des charges récupérables devra avoir lieu, et nous y participerons activement.

Reste que, aujourd'hui, en cas de travaux, les propriétaires peuvent imposer des hausses de loyers à leurs locataires, qui sont souvent contraints de les accepter compte tenu des difficultés rencontrées pour trouver un nouveau logement.

La rédaction que nous vous proposons n'est pas le fruit du hasard, pas plus que le choix du plafond de 15 %, puisqu'il s'inspire de la rédaction du décret concernant l'Île-de-France, qui prévoit depuis 2007 de limiter les hausses de loyers imputables à la réalisation de travaux dans un logement à 15 % du coût réel des travaux.

Les annonces consécutives au Grenelle de l'environnement laissent en effet espérer une accélération des mises en chantier de rénovation : en France, 63 % du parc ont été construits avant 1975, ce qui signifie que 19 millions de logements ne sont aujourd'hui soumis à aucune norme d'isolation. Or, selon la norme visée, les travaux de rénovation coûtent de 10 % à 20% plus cher selon l'état d'origine du bien considéré. Qu'adviendra-t-il du montant du loyer des bailleurs méritants, respectant les objectifs du Grenelle ? L'équation est difficile à résoudre !

Pour ces logements, le groupe opérationnel du Grenelle de l'environnement présidé par Philippe Pelletier, le président de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, a donc planché et remis quarante-quatre propositions voilà quelques jours, propositions qui visent à aider, puis contraindre à la rénovation de près de 2,6 milliards de mètres carrés de logements existants privés.

De nombreuses propositions concernent les propriétaires occupants : elles consistent essentiellement en des extensions de prêts avantageux et d'avantages fiscaux. Plus rares sont en revanche les suggestions visant des mesures en direction des propriétaires bailleurs, et donc, par ricochet, des locataires. Il est difficile de dire combien de locataires seront concernés, mais, selon le dernier rapport sur l'évolution des loyers dans le parc privé de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, la DGUHC - auquel M. Lecomte doit être très sensible -, en 2002, le parc locatif représentait 38 % du parc des résidences principales, soit 9,3 millions de logement ; le parc privé représentait 55 % du total et 46 % des bailleurs étaient des personnes physiques.

Pour eux, le comité présidé par M. Pelletier propose par exemple l'extension du crédit d'impôt, ou l'extension du contrat de performance énergétique, sans vraiment lever le voile sur les modalités d'application de ces mesures aux locataires.

Si, comme semble l'attester le rapport Pelletier, on se dirige à terme vers une obligation de travaux, comment peut-on être certain que les charges que devront supporter les propriétaires bailleurs ne seront pas répercutées sur les locataires, sous prétexte que les économies de charges leur seraient bénéfiques ? À la page 49, M. le rapporteur propose de prévoir explicitement la possibilité d'une récupération partielle de l'amortissement de l'investissement dans les charges en modifiant la loi du 6 juillet 1989.

Je vous propose d'anticiper cette décision par une mesure de précaution. Pourquoi ? Parce qu'en évoquant un mécanisme de surloyer - je cite la page 50 du rapport - comme « une garantie pour le locataire », il se peut que, dès aujourd'hui certains propriétaires anticipent leurs obligations. Aujourd'hui, aux termes de la loi, un propriétaire qui ferait effectuer des travaux par anticipation sur les mesures du Grenelle pourrait imposer à son locataire sans grande difficulté une hausse importante du loyer.

Vous en conviendrez pourtant, il est indispensable de ne pas exposer les locataires à une nouvelle vague de hausses brutales de loyer, qui serait consécutive à une anticipation des acteurs sur les décisions futures du Grenelle. C'est pourquoi, en adoptant dès maintenant un amendement qui viserait à limiter ces hausses, nous sécuriserions les locataires sur leur pouvoir d'achat à venir et faciliterions, du même coup, les négociations avec le propriétaire quand il s'agira, comme le précise le rapport Pelletier, de « passer à l'acte » de la rénovation.

J'espère que le ministère du logement est pleinement impliqué dans les suites du Grenelle de l'environnement et qu'il en tirera toutes les conséquences tant législatives que réglementaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Cet amendement, visant à limiter les hausses de loyers autorisées à la suite de la réalisation de travaux, pourrait en définitive pousser les propriétaires à renoncer à effectuer un certain nombre de ces travaux. Devant cette crainte, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur Repentin, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer depuis le début de cette discussion sur la nécessité de préserver l'équilibre entre les intérêts des locataires, qui sont privilégiés dans le texte que nous vous présentons, et les propriétaires. Je n'y reviendrai pas.

Mais cet amendement vous a donné l'occasion d'aborder un ensemble de questions sur lesquelles je souhaiterais revenir.

Le rapport Pelletier ne fournit que des indications, ce qui est insuffisant. Il faut aller beaucoup plus loin. À cet égard, vous le savez, je présenterai un projet très ambitieux de rénovation des centres anciens auquel l'ANAH sera associée.

Vous avez raison, monsieur Repentin, de soulever le problème de la réhabilitation des logements anciens dans les centres-villes ; ils sont souvent utilisés de façon indigne par des marchands de sommeil. Il faut absolument que nous arrivions à éradiquer ces pratiques.

Aujourd'hui, je le répète, le rapport Pelletier n'est pas suffisant. Il faut aller beaucoup plus loin, notamment sur le plan technique. Le ministre du logement que je suis ne peut se contenter de simples déclarations et doit agir sur la base de données beaucoup plus précises.

Monsieur Repentin, vous serez sans doute rassuré en apprenant que le ministère du logement est étroitement associé à tous les travaux du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables concernant le Grenelle de l'environnement.

Je vous remercie de me donner l'occasion de redire ici que toutes les contraintes qui s'imposent actuellement à nous ou qui apparaîtront à l'avenir concernant le sauvetage de la planète en général et les économies d'énergie en particulier auront naturellement des conséquences très directes sur l'habitat ancien, et donc sur les familles les plus fragiles, pour lesquelles nous devons être particulièrement vigilants.

Je ne voudrais pas que, sous prétexte de vouloir répondre à une préoccupation légitime que nous partageons tous, les familles aux revenus modestes soient doublement sanctionnées, d'une part, parce qu'elles ne pourraient pas effectuer les travaux nécessaires pour isoler leur logement, et, d'autre part, parce que leur consommation d'énergie serait plus importante que celle des autres. Nous devons absolument éviter de créer une deuxième précarité, une précarité énergétique qui jouerait, en quelque sorte, comme une double peine.

Monsieur Repentin, je comprends parfaitement votre préoccupation. C'est pourquoi, au-delà du rapport de l'ANAH que m'a remis M. Pelletier et qui ne contient que des déclarations, il me faut des analyses beaucoup plus techniques. Le président de l'ANAH partage d'ailleurs cette conception. Cela s'inscrira dans le plan de rénovation des centres anciens que je projette de mettre en place et dans lequel l'ANAH aura toute sa place.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Barraux, est ainsi libellé :

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 411-11 du code rural est ainsi rédigée :

« Ce loyer ainsi que les maxima et les minima sont actualisés, chaque année, selon la variation de l'indice de référence des loyers publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques chaque trimestre et qui correspond à la moyenne sur les douze derniers mois de l'évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Nicolas About, rapporteur. Je le reprends au nom de la commission des affaires sociales, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 55 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 411-11 du code rural est ainsi rédigée :

« Ce loyer ainsi que les maxima et les minima sont actualisés, chaque année, selon la variation de l'indice de référence des loyers publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques chaque trimestre et qui correspond à la moyenne sur les douze derniers mois de l'évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, rapporteur. La commission reprend à son compte l'amendement de M. Barraux, qui a pour objet d'étendre l'indexation des loyers prévue par le présent texte aux bâtiments loués dans le cadre des baux ruraux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre. Je remercie vivement la commission d'avoir repris cet amendement, qui vise à appliquer aux loyers des bâtiments d'habitation et des exploitations agricoles la réglementation applicable à l'ensemble des locations d'habitation. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 126, présenté par Mme Terrade, M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le deuxième alinéa de l'article 19 de la loi n° 89-462 précitée est ainsi rédigé :

« Le nombre minimal des références à fournir par le bailleur est de six. Toutefois, il est de neuf dans les communes dont la liste est fixée par décret, faisant partie d'une agglomération de plus de 200 000 habitants. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement prolonge notre démarche globale sur la question des rapports locatifs : il s'agit, après nous être posé la question de l'indice de référence des loyers, de parler des loyers de référence.

Chacun le sait, depuis la loi Méhaignerie, une possibilité est offerte, dans le cadre de l'article 19 de cette loi, de réviser les loyers à proportion des loyers pratiqués dans le voisinage immédiat du logement mis en location.

Le nombre de références exigées des bailleurs pour valider la fixation d'un loyer est aujourd'hui fixé à trois dans la plupart des agglomérations, et à six dans les agglomérations comptant plus de un million d'habitants, c'est-à-dire les marchés locatifs de Paris, de Lyon, de Marseille et de Lille.

Notre proposition vise donc deux objectifs précis.

Le premier est d'accroître le nombre de références retenues pour la fixation du loyer en le portant à six pour le cas général, et à neuf pour les agglomérations les plus importantes.

Il s'agira, sur la base d'un nombre plus élevé de références, de permettre une modération objective des hausses de loyer, par fixation d'un loyer moyen moins disparate.

Mais la principale innovation, si l'on peut dire, de notre amendement consiste à réduire sensiblement le niveau de population retenu pour les marchés locatifs où les loyers de référence devront être établis sur la base de neuf références.

Sur le fond, il nous semble en effet incompréhensible, notamment du fait de l'évolution de l'espace urbain dans notre pays et de l'aménagement du territoire, que des agglomérations comme celles de Bordeaux, de Toulouse, de Nancy, de Strasbourg ou encore de Rennes soient exclues du champ d'application de ces nouvelles règles de calcul des références locatives, d'autant qu'il s'agit là, assez souvent, de marchés locatifs dans lesquels une certaine tension est apparue ces dernières années, caractérisée par un sensible relèvement des loyers du secteur privé.

On notera d'ailleurs que cette progression des loyers se révèle aussi être à la base de la hausse du nombre des procédures engagées devant les commissions départementales de conciliation des rapports locatifs, étant noté que l'activité de ces commissions a singulièrement augmenté en province.

Pourtant, les premières années d'existence de ces commissions avaient été naturellement marquées par une prépondérance des contentieux locatifs constatés à Paris et dans sa proche banlieue.

La notion de loyer de référence est à la source de 40 % des litiges portés devant les commissions départementales.

S'agissant de la question des loyers dans les communes et agglomérations de province, notons par exemple, pour comparaison, les éléments du rapport fournis par l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne, qui établit une accélération de la hausse des loyers dans les principales agglomérations de province entre 2000 et 2005.

L'année 2006 marque un relatif ralentissement de la progression des loyers, mais cette progression atteint encore 3 % sur l'ensemble de l'année, ce taux étant dépassé à Aix, Bordeaux, Grenoble ou Toulouse, secteurs où les obligations des bailleurs, notamment en matière de loyers de voisinage, sont moins importantes qu'à Paris ou à Lyon.

C'est donc pour faciliter un relatif encadrement des loyers dans le secteur privé, susceptible de maintenir une offre locative accessible, notamment aux couches moyennes et modestes du salariat, que nous vous invitons à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. La commission estime que le nombre de références actuellement exigées est suffisant, puisqu'il limite déjà considérablement le risque d'abus de la part des propriétaires. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

Madame le sénateur, nous sommes dans une logique de simplification des procédures et des références. Notre pays est en train de mourir du fait d'un empilement d'encadrements qui tue la liberté.