M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis. Ah !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il a été présenté une subvention du CNES en augmentation, conformément à son contrat. Il est apparu depuis que le CNES bénéficierait d'une exonération de TVA. La subvention de l'établissement a donc été diminuée d'autant, et le CNES a parfaitement été informé de cette modification. L'ajustement comptable de 5,3 millions d'euros traduit donc cette baisse de charge de TVA et n'affecte en rien la capacité d'intervention de l'établissement.
M. Jean Boyer n'étant plus là, je dirai seulement, à propos des pôles d'excellence rurale, que leur logique me paraît être une logique de territoire. Ajouter des complexités de financement à ce beau dispositif n'est pas souhaitable, d'autant que cela relève davantage du ministère de l'agriculture et de la pêche, donc de mon collègue Michel Barnier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante-cinq minutes pour intervenir.
Madame la ministre, vous avez déjà entamé ce temps de parole de trente-six minutes !
Dans la suite du débat, la parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me limiterai à quelques remarques sur quatre points.
Le premier concerne la mission que nous avons, et qui figure d'ailleurs dans votre feuille de route, madame la ministre, de donner la priorité à l'excellence et de faire en sorte qu'elle soit, d'ici peu, étendue à un certain nombre d'universités françaises. Pour le moment, cela nous fait défaut en matière de visibilité internationale. C'est pourtant la première des priorités, car comment viser l'attractivité du territoire si, en matière de préparation de l'avenir, nous ne sommes pas excellents ?
Les dernières indications, y compris celles de l'OCDE, concernant le niveau en classe de seconde, nous placent en dix-septième position.
M. Yves Fréville. Eh oui !
M. Pierre Laffitte. Le niveau de notre enseignement secondaire continue de baisser, alors qu'il était considéré comme l'un des meilleurs au monde. Nous sommes aujourd'hui largement dépassés par les pays nordiques, le Canada, mais aussi par le Royaume-Uni et l'Allemagne.
Cette situation est préoccupante, d'autant que c'est le niveau scientifique qui semble le plus faible. Vous-même, madame la ministre, ainsi que votre collègue chargé de l'enseignement secondaire, vous devrez réagir.
Peut-être le lien entre le public et le privé est-il mieux connu ailleurs que chez nous. Si les organismes de recherche savent ce qui se passe, notamment en Europe continentale, les universitaires en ont en général, me semble-t-il, une connaissance assez moyenne.
Tout récemment, j'avais organisé une mission à Munich. Les universitaires et les chercheurs des centres de recherche ont pu y constater que les instituts Max-Planck, par exemple, étaient largement au-dessus de leurs équivalents français.
Nous avons également visité différents départements de l'université technologique de Munich, avec laquelle peu d'universités françaises - je dirais même aucune -seraient capables de rivaliser. Il y a donc, tout près de chez nous, à une heure de Paris, des expériences à faire.
Madame la ministre, serait-il possible d'organiser, au niveau national, ce type de séjours, afin qu'un plus grand nombre d'universitaires soient incités à passer quelques semaines chez nos voisins, en particulier les meilleurs d'entre eux, à savoir les pays nordiques, l'Allemagne, voire le Royaume-Uni ou l'Italie, quitte à prévoir leur prise en charge. Je ne parle pas des États-Unis, car ils s'y rendent de toute façon !
Je souhaite maintenant évoquer le développement des opérations européennes. À la fin du mois de février, se tiendra un forum franco-allemand. Quelle place sera attribuée à la recherche, madame la ministre ? Allons-nous vraiment continuer ce qui a été fait jusqu'à présent, notamment par le biais de l'Association franco-allemande pour la science et la technologie ? Sur des thématiques bien précises, des centaines de scientifiques français et allemands se sont déjà rencontrés.
Se tiendra également à la fin du mois de février prochain un colloque à Stockholm sur les problèmes de l'innovation en Europe et la mise en relation des clusters les plus innovants. Il y a là toute une stratégie préparée par un high level group, dans lequel sont réunis l'ancien premier ministre du pays européen le plus avancé en matière de recherche et d'enseignement supérieur, la Finlande, le ministre de l'industrie suédois et toute une série de personnalités. On m'en a confié la présidence. Je ne sais pas très bien pourquoi, mais sans doute est-ce lié à la notoriété de Sophia-Antipolis. J'y vois une opportunité pour bien préparer la présidence française de l'Union européenne, période au cours de laquelle l'innovation européenne pourrait devenir un point clé.
J'en viens aux problèmes de l'innovation. Nous n'avons pas, en France, l'équivalent de ce qui existe en Israël ; nous n'avons pas d'incubateurs modernes ! Et je ne parle pas des États-Unis ! Or les meilleurs incubateurs permettent, en deux ans, à de petites équipes universitaires, de lever des centaines de millions d'euros. J'y vois la possibilité de « fabriquer » de véritables entreprises à croissance très rapide. Pour ce faire, toute une stratégie est à mettre en place.
Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2008, le Sénat a adopté un amendement visant à étendre un dispositif prévu par la loi TEPA, qui permet aux personnes assujetties à l'ISF de financer, jusqu'à une certaine somme, des sociétés innovantes.
Pour ne pas effrayer le ministère des finances et la commission des finances, le dispositif favorisant l'investissement dans des incubateurs innovants demeure expérimental. Nous aurons dorénavant la possibilité de mettre en place des incubateurs privé-public, qui se calqueront exactement sur les modèles existants.
IBM a conçu un modèle tout à fait intéressant, qui fonctionne à Constance. L'entreprise est prête à participer à cette phase de transfert de technologie à partir de la science, afin de parvenir à la création de richesses et d'emplois, ce qui est capital.
Je souhaite évoquer brièvement le volet « recherche » du Grenelle de l'environnement. Bien évidemment, un certain nombre de thématiques concernent la biodiversité, l'énergie, le développement durable et les sciences humaines et appliquées, qu'il faudra, me semble-t-il, mettre en oeuvre de façon systématique. Or on me dit que l'ANR va réduire ses financements dans le domaine de l'énergie. Est-ce vrai, madame la ministre ?
Indiscutablement, les sciences humaines appliquées devraient pouvoir trouver une thématique autorisant tous nos chercheurs, dont les actions sont tout de même très diversifiées, à avoir une unité de vues, ce qui permettrait, à terme, de transformer les mentalités en matière de développement durable.
Une commission ad hoc du CNRS et des organismes concernés, en particulier la Maison des sciences de l'homme, pourraient réfléchir à des thématiques de recherche scientifique, ou considérées comme telles, car les sciences humaines possèdent aussi des aspects scientifiques.
On m'a dit, lorsque j'ai introduit une équipe de sociologie à l'École des mines, que c'était stupide. Or cette petite équipe de sociologues a fait de l'ingénierie sociologique, au point que les chercheurs ont été conviés à donner des cours au MIT, le Massachusetts institute of technology. Ce n'est donc pas si mal !
Il n'y a aucune raison pour que, dans ce domaine, nous ne soyons pas de nouveau les meilleurs. En effet, l'école sociologique française était tout de même très importante voilà un siècle, et même voilà cinquante ans. Actuellement, on a l'impression qu'elle est très dispersée. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, certes, les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » sont à la hausse, mais je modérerai le satisfecit de votre majorité concernant cette progression.
D'abord, la seconde délibération intervenue à l'Assemblée nationale a déjà minoré ces crédits de près de 36,5 millions d'euros. Ensuite, la sincérité de ce budget est, bien avant son adoption définitive par le Parlement, sérieusement mise en doute par l'annonce des régulations budgétaires. Ainsi, pour le Centre national d'études spatiales, le CNES, 33 millions d'euros sont gelés.
Mais surtout, c'est la structure même de cette hausse qu'il convient de prendre en compte. La majeure partie de cet effort financier est « mangé » par l'augmentation des cotisations retraite des établissements publics à caractère scientifique et technologique, par le rattrapage des engagements non respectés par l'État dans le cadre des contrats de plan 2000-2006 et par le triplement du crédit d'impôt recherche. Il s'agit donc essentiellement de mesures déjà acquises. On retient bien peu de mesures nouvelles : en matière de recherche et d'enseignement supérieur, on est bien loin de la rupture annoncée par le Président de la République.
Le crédit d'impôt recherche équivaudra à un quart du budget de l'enseignement supérieur : par conséquent, un quart du budget ne sera soumis à aucune évaluation. Le Gouvernement attache une grande importance aux notions de contrôle, d'évaluation et de coût, qu'il érige même en dogmes lorsque celles-ci s'appliquent aux services publics, mais est nettement moins regardant quand il s'agit d'aides fiscales en direction du privé. Là, le leitmotiv de la « gestion rigoureuse des finances publiques » et l'impératif selon lequel « chaque euro dépensé est un euro utile » passe par pertes et profits.
Comme MM. les rapporteurs de la commission des affaires culturelles vous y invitent eux-mêmes, madame la ministre, il ne serait pas inutile que le Gouvernement, aussi bien en ce qui concerne la recherche que la bonne gestion de l'argent public, accepte de se poser la question du montant du crédit d'impôt recherche, en particulier au regard du faible financement - c'est une situation récurrente - des équipes de recherche et des incubateurs. Les doutes sur l'efficacité de ce dispositif ne sont en effet pas l'apanage de l'opposition.
Les modifications du crédit d'impôt recherche intervenues chaque année depuis quatre ans constituent l'aveu, il est vrai, que les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs exorbitants que le Gouvernement place dans ce dispositif pour développer notre recherche privée. Un bilan digne de ce nom n'en est que plus nécessaire. Il devra apporter des réponses claires aux questions suivantes : quel est l'impact du crédit d'impôt recherche en termes d'emploi ? Dans quelle proportion constitue-t-il, pour certaines entreprises, une aide publique comme une autre, au même titre que les baisses de charges, s'il n'est pas du tout réinvesti dans le budget consacré à la recherche de l'entreprise ? Le crédit d'impôt recherche représente-t-il réellement une incitation à investir dans la recherche et développement pour les entreprises qui n'en font pas du tout, ou très peu ?
Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie met en garde, pour sa part, « contre la dérive qui consiste à n'asseoir ce crédit que sur le montant absolu des dépenses. Une telle mesure bénéficie naturellement au groupe restreint de grandes entreprises - pharmaceutiques ou électroniques - qui font systématiquement de la recherche au niveau mondial. » Le conseil ajoute : « Ce soutien, souvent un effet d'aubaine, est sans proportion avec celui qui résultera pour les petites entreprises, qui ont un besoin durable de soutien à des dépenses faibles en montant, mais particulièrement risquées. »
Si les crédits de la mission représentent un effort budgétaire modéré, nuancé, ils comportent également, a contrario, un signe négatif très fort envers la communauté scientifique : pour la première fois depuis de très nombreuses années, aucune création de poste n'est prévue. Comme quoi, avec ce gouvernement, tout peut arriver, même le pire ! Et ce, alors même, madame la ministre, que vous affirmiez aux députés, voilà trois semaines : « Il va falloir recruter 3 700 chercheurs et enseignants-chercheurs par an d'ici à 2012, alors que 4 000 allocataires de recherche seulement entrent en doctorat. Le défi est donc plutôt d'ordre démographique. »
À quand une gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique ? Elle s'avère incontournable, non seulement du fait de la pyramide des âges, mais aussi parce que c'est, en grande partie, le manque de perspective des carrières scientifiques qui restreint notre vivier potentiel de jeunes chercheurs, et les à-coups en matière de recrutement sont néfastes pour notre système de recherche.
De même, vous avez assuré aux présidents d'université que vous leur donneriez les moyens de leur autonomie. Mais vous ne prévoyez aucune création de poste administratif ou technique.
Les universités n'ayant pas les moyens humains d'assurer correctement leurs compétences de gestion, comment pourraient-elles absorber des moyens supplémentaires sans un rattrapage préalable ?
Le budget que vous consacrez au renforcement de leur encadrement, soit 6,2 millions d'euros, est notoirement insuffisant.
Dans la plupart des pays développés comparables à la France, le rapport entre personnels académiques et personnels d'appui à la recherche et à l'administration est de 1 pour 2, alors qu'il est de 2 pour 1 en France.
Dans ces conditions, comment les universités seront-elles en mesure de se doter des capacités d'un réel contrôle de gestion, à la fois sur le plan budgétaire et en matière de ressources humaines ?
En ce qui concerne la mobilisation contre la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, précisément, vous payez, sur la forme, le prix du manque de dialogue et de concertation, de l'élaboration d'une loi dans la précipitation et de son examen complètement verrouillé au Parlement, au pas de charge, en session extraordinaire, en plein été.
S'il est vrai que la mobilisation des étudiants n'est pas exempte de toute considération électorale à l'approche du renouvellement de leurs représentants au centre national et aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, ainsi qu'au sein des conseils d'administration universitaires, il n'en demeure pas moins que certaines de leurs inquiétudes sont légitimes quant au fond.
Je pense au risque de double marginalisation des petites universités, si elles restent à l'écart de la constitution des pôles de recherche et d'enseignement supérieur et s'il n'y a pas de rattrapage des inégalités entre établissements avant l'absorption de toute compétence nouvelle.
D'ailleurs, tout en étant favorables à l'autonomie, nombre de présidents d'université réfléchissent déjà à la manière de corriger les aspects les plus négatifs de votre loi, que nous avions pointés du doigt : réhabilitation du rôle du Conseil scientifique, mise en place de commissions de recrutement composées d'élus et de membres extérieurs nommés, limitation des contractuels...
Pour notre part, nous serons vigilants quant à l'application de la loi et au bilan qui doit en être établi à l'issue de sa première année de mise en oeuvre. Et puisque ce gouvernement se fait le chantre de l'évaluation et du contrôle des politiques publiques, j'en déduis que nous aurons très rapidement à examiner, dans un débat serein et sans précipitation, les ajustements éventuels nécessaires.
À l'incohérence de votre politique en matière de gestion des ressources humaines s'ajoute l'incohérence entre, d'une part, les thèmes prioritaires déterminés par le Président de la République dans la lettre de mission qu'il vous a adressée cet été - comme l'énergie et le développement durable - et, d'autre part, la réalité de votre politique budgétaire.
L'analyse des programmes destinés à la recherche montre que ce sont précisément les secteurs dont les activités répondent à des missions de service public qui accusent une baisse de crédits en euros constants. Il en est ainsi pour le secteur spatial, l'environnement, l'énergie, les transports, l'équipement, l'habitat, la recherche militaire et civile.
Le Président de la République vous a fixé d'ambitieux objectifs pour le rayonnement international de la France dans vos secteurs de compétence. Malheureusement, votre politique budgétaire ne nous permet même pas de conserver le rang déjà acquis dans des secteurs clés. C'est le cas de la recherche spatiale.
Ainsi, la dette du Centre national d'études spatiales, le CNES, à l'égard de l'Agence spatiale européenne va encore augmenter en 2008, rendant complètement illusoire l'objectif de la ramener à zéro en 2010.
Nous sommes en perte de vitesse, et c'est bien notre rôle moteur dans l'Europe spatiale qui est remis en cause, au profit de l'Allemagne.
Certes, s'agissant des domaines liés au développement durable, comme l'a souligné le rapporteur spécial Christian Gaudin, cette loi de finances a été élaborée avant les conclusions du Grenelle de l'environnement et les annonces présidentielles qui vont en découler.
Mais vous auriez pu effectuer des ajustements par voie d'amendements. Au lieu de cela, la seconde délibération demandée à l'Assemblée nationale est venue minorer les crédits et, au premier rang, ceux du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui joue pourtant un rôle central au regard des enjeux de la politique nationale de recherche et des domaines affichés comme prioritaires.
Plus globalement, dans votre pilotage de la recherche, c'est la concurrence entre les différents modes de collaboration et entre structures qui est prônée. Ainsi en est-il entre pôles de recherche et d'enseignement supérieur, ou PRES, d'une part, et réseaux thématiques de recherche avancée, d'autre part.
Les grands organismes de recherche ont boudé les premiers au profit des seconds, sous l'impulsion de leur direction de tutelle, aboutissant à un partage entre ces deux types de structures, sans communication ou interaction entre les deux démarches.
Le premier bilan de mise en oeuvre des PRES, qui vous a été remis en septembre dernier, a bien souligné la nécessité d'un travail commun entre la direction générale de l'enseignement supérieur et la direction générale de la recherche industrielle.
Notre système souffre, en effet, d'un déficit de coordination d'une architecture générale complexe, du cloisonnement entre structures, mais aussi de la faiblesse de la mobilité dans les déroulements de carrière des chercheurs, tant entre recherche publique et enseignement supérieur qu'entre recherche publique et milieu industriel. Le manque de reconnaissance du doctorat, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, participe à cet état de fait. Aussi, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles sont les avancées à attendre dans ce domaine ?
Nous pouvons considérer que vous gérez bien votre budget, mais le retard pris précédemment par votre majorité mériterait un effort plus grand de rattrapage. Donc, en toute logique, le groupe socialiste désapprouve les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Madame la ministre, tout d'abord, permettez-moi de vous féliciter d'avoir tenu les engagements pris lors des votes de la loi de programme pour la recherche et de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, en allant même au-delà de ce qui était prévu.
Les moyens consacrés à la recherche et à l'enseignement supérieur par la loi de finances pour 2008 connaissent une augmentation sans précédent, puisqu'ils progressent de 1,8 milliard d'euros, soit de 7,8 % par rapport à la loi de finances de 2007. Cet effort est particulièrement important dans une période de maîtrise de la dépense publique.
En effet, le Président de la République a fait de la recherche et de l'enseignement supérieur une des priorités de son quinquennat et s'est engagé à accroître de 5 milliards d'euros les moyens de l'enseignement supérieur et de 4 milliards d'euros les moyens dédiés à la recherche et à l'innovation. Notre groupe se réjouit de cette politique ambitieuse.
Nous connaissons bien les maux de notre système d'enseignement supérieur et de recherche.
En matière de recherche, la France bénéficie d'une longue tradition d'excellence et compte des scientifiques de grande valeur, mais les résultats sont trop faibles dans un contexte de forte compétition mondiale.
La loi de programme pour la recherche est venue donner un nouveau souffle à notre système en créant les pôles de recherche et d'enseignement supérieur et les réseaux thématiques de recherche avancée et en renforçant le pilotage de la recherche et son évaluation.
Ces réformes sont aujourd'hui poursuivies et nécessitent des investissements importants. Je rappelle que ce sont les pays qui ont le plus investi dans la recherche qui connaissent les meilleurs taux de croissance et le recul le plus significatif du chômage.
En ce qui concerne nos universités, la loi votée en juillet dernier est venue supprimer les trop nombreuses contraintes qui les entravaient, en leur proposant une gouvernance moderne et une autonomie responsable, à l'image de ce qui existe et fonctionne déjà dans d'autres pays.
Le budget pour 2008 accompagnera cette autonomie avec 381 millions d'euros supplémentaires, dont un effort particulier sur l'immobilier pour préparer son transfert aux universités.
Il est regrettable que, malgré de tels efforts, nos universités aient connu une tentative de déstabilisation entourée de la plus grande désinformation.
Le Premier ministre vient de signer, le 28 novembre dernier, un accord avec les présidents d'université, visant à garantir la hausse du budget des universités de 50 % en cinq ans.
La veille, vous aviez annoncé, madame la ministre, votre volonté d'accélérer la mise en oeuvre des chantiers de réforme lancés depuis l'été concernant les bourses, la lutte contre l'échec en premier cycle et le logement.
J'espère que votre évidente détermination ainsi que la nature exceptionnelle du budget que nous étudions aujourd'hui seront de nature à apaiser toutes les inquiétudes.
Toutefois, en tant qu'élu des Français de l'étranger, je voudrais profiter de cette tribune, madame la ministre, pour vous entraîner un instant sur le terrain international.
J'évoquerai trois points, en développant un peu plus longuement le troisième.
Tout d'abord, s'agissant des pôles de compétitivité, s'il importe de donner toute leur place aux PME - cela a été rappelé, en particulier, par Pierre Laffitte -, il faut toujours s'assurer de leur dimension internationale et s'efforcer de la développer.
Ensuite, la nécessité d'attirer en France toujours plus de talents, de chercheurs et d'étudiants étrangers est un sujet qui vous est bien connu ; il importe aujourd'hui d'instaurer une coopération avec votre collègue Brice Hortefeux, dont le ministère est chargé de porter à 50 % la part de l'immigration économique ou professionnelle.
Enfin, et surtout, je veux soulever la piste de l'enseignement technique et professionnel à l'étranger.
À cet égard, il existe dans le monde une demande extraordinairement importante, qui ne fait que croître. Tous les pays, qu'ils soient « en développement » ou « émergents », des plus petits aux plus grands, ont des besoins énormes dans tous les secteurs, des plus traditionnels aux plus pointus techniquement.
La France, par le biais de ses entreprises - qui forment elles-mêmes le personnel dont elles ont besoin en fonction de leurs marchés -, de ses différentes collectivités territoriales engagées dans des opérations de coopération décentralisée et leurs universités, de ses grandes écoles, de ses instituts universitaires de technologie, ou IUT, si appréciés à l'étranger, de certaines de ses chambres de commerce, avec une mention spéciale pour celle de Paris, a initié un grand nombre de coopérations et constitué un réseau d'une grande diversité.
Toutes ces opérations sont très positives et riches d'avenir, mais je regrette, personnellement, qu'elles ne soient pas mieux orchestrées et systématiquement encouragées.
Bien loin d'imaginer de les centraliser, il faut au contraire promouvoir ce foisonnement d'initiatives. Mais ces dernières devraient s'inscrire dans une véritable politique à la hauteur de l'enjeu qu'elles représentent en termes à la fois d'influence et de retombées économiques pour notre pays.
À cet effet, il s'agira de travailler en même temps, à l'échelon interministériel et dans un cadre de partenariat avec le secteur privé.
J'ai noté que nombre d'entreprises qui gèrent individuellement leurs problèmes de formation professionnelle imagineraient volontiers de mutualiser leurs actions avec d'autres entreprises et de les pérenniser par la création d'établissements d'enseignement spécialisé.
Les financements existent, par les entreprises elles-mêmes, qui sont parfois contraintes de consacrer un certain pourcentage de leurs marchés à des opérations d'intérêt public, dont la formation professionnelle et technique peut faire partie.
Certes, le ministère des finances, de l'économie et de l'emploi et le ministère des affaires étrangères et européennes sont également concernés par un tel enjeu, mais il me semble qu'il devrait revenir au vôtre d'être le promoteur et l'artisan d'une telle politique. C'est lui qui, mobilisant toutes nos compétences et développant un corps de missionnaires spécialistes de l'international, sera le créateur de la coopération et de la synergie nécessaires à la constitution de ce grand partenariat.
J'espère vivement, madame la ministre, que vous accepterez ce rôle de chef de « l'orchestre France » que j'ai essayé de dessiner.
Je le souhaite d'autant plus vivement que je sais que vous comptez dans votre ministère et au sein même de votre équipe rapprochée des experts aussi compétents que convaincus et capables d'assurer le succès d'une telle opération.
À présent, à titre d'encouragement et pour terminer sur une note résolument optimiste, je rappellerai, mes chers collègues, que le prix Nobel de physique a été attribué, cette année, à un Français, Albert Fert, chercheur et également professeur à l'université Paris xi, pour ses travaux liés aux nanotechnologies. Cette marque de reconnaissance de la vitalité de la recherche française et de l'excellence de ses chercheurs est un signe qui vient à propos pour nous encourager à poursuivre nos efforts.
Bien évidemment, le groupe UMP votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, annoncé en forte progression, le budget pour 2008 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est qualifié de « vide », voire considéré comme « l'un des pires depuis un demi-siècle » par les organisations représentatives de chercheurs et enseignants-chercheurs.
Sur les 1,8 milliard d'euros supplémentaires, 391 millions d'euros seront absorbés par l'inflation, 330 millions d'euros seront affectés aux rénovations de bâtiments universitaires, dont les trois quarts serviront à rattraper le retard pris sur divers chantiers et 470 millions d'euros seront dévolus au paiement des arriérés de salaires et de retraites de l'année 2007.
Dans les faits, madame la ministre, c'est le collectif budgétaire que l'on vous a refusé l'été dernier. Mais la priorité du Gouvernement était ailleurs, comme en témoignent les 15 milliards d'euros consacrés au paquet fiscal. Les a priori idéologiques coûtent cher !
Autant dire que les étudiants, les personnels, les universités et les organismes de recherche publique ne bénéficieront pas de l'augmentation affichée des crédits de cette mission.
Tandis que la recherche publique et l'enseignement supérieur devraient voir leurs moyens, au mieux, stagner, alors que les crédits des organismes progresseront moins que l'inflation, les dégrèvements fiscaux augmenteront dix fois plus vite que les crédits budgétaires : 450 millions d'euros supplémentaires seront consacrés aux dispositifs fiscaux destinés aux entreprises, dont 390 millions d'euros pour le seul crédit d'impôt recherche.
Si l'ensemble des acteurs de la recherche et de l'enseignement supérieur sont soumis à évaluation, il est pour le moins surprenant que le crédit d'impôt recherche, dans lequel sont investies des sommes considérables et dont le montant progresse chaque année, n'ait fait l'objet d'aucune étude d'impact objective et incontestable.
Il est grand temps, madame la ministre, qu'une évaluation sérieuse de l'impact réel du crédit d'impôt recherche soit engagée, évaluation d'ailleurs réclamée tant par la Chambre des comptes que par le Conseil supérieur de la science et de la technologie.
Cela étant, ce budget s'inscrit pleinement dans la continuité de la politique engagée ces dernières années visant à réorienter l'ensemble du système de recherche et de l'enseignement supérieur vers les besoins des entreprises.
Il est souhaitable, certes, de renforcer les liens entre ces deux mondes, mais en aucun cas en instaurant un rapport de subordination.
La recherche et l'enseignement supérieur doivent demeurer réellement autonomes et, donc, disposer de ressources propres, en ayant pour vocation première de définir ce qui, au travers des siècles, a fait de nous des humains, de produire et de transmettre de nouvelles connaissances, et non pas d'accompagner, de façon étroite, la compétitivité des entreprises.
Le rapprochement entre recherche publique et entreprises ne pourra s'effectuer pleinement, sereinement et durablement que lorsque ces dernières auront acquis une véritable culture de la recherche, c'est-à-dire lorsqu'elles seront enfin disposées, par exemple, à embaucher des docteurs ou des « post-doc » rompus aux rythmes et aux aléas de la conduite de travaux scientifiques.
Ce n'est toutefois pas cette conception qui prévaut. Une fois encore, le Gouvernement manifeste sa volonté de soutenir massivement la recherche et développement du secteur privé et l'innovation, privilégiant ainsi la rentabilité immédiate tout en sacrifiant la recherche fondamentale. Celle-ci est encore un peu plus abandonnée au profit de recherches sur projet s'inscrivant tout au plus sur une durée de trois à quatre ans.
Il apparaît pourtant plus que nécessaire et urgent d'opérer un rééquilibrage entre soutien à la recherche fondamentale et soutien à l'innovation. Les chercheurs ont beau dire et répéter que la recherche fondamentale a sa propre temporalité, ses propres dynamiques, qu'elle est faite de tâtonnements, de mises au point de concepts purement théoriques parfois invalidés, pour le Gouvernement, seuls comptent les résultats à très court terme.
Il serait pourtant avisé d'écouter les scientifiques, tel Albert Fert, en particulier l'autre jour aux Mardis de Descartes, qui, tous, nous disent qu'ils n'auraient pu mener leurs travaux à bien s'ils avaient bénéficié uniquement de financements sur projet.
Les découvertes de demain nécessitent une prise de risque incompatible avec des exigences de rentabilité à court terme. D'où l'importance de maintenir des organismes de recherche disposant de fonds propres et d'une marge de manoeuvre importante leur permettant de soutenir des axes de recherche dont la finalité n'est pas connue a priori.
De même, nous devrions entendre les propos de Mme Faust, première femme présidente de Harvard, repris dans le New York Times, qui affirmait en octobre dernier : « L'université, ce n'est pas seulement les résultats financiers du prochain trimestre, ce n'est même pas ce qu'un étudiant est devenu au moment de la remise de son diplôme. Il s'agit d'un enseignement qui modèle à vie, un enseignement qui transmet l'héritage des millénaires, un enseignement qui façonne l'avenir. »
Les orientations politiques prises depuis plusieurs années vont, à moyen terme, fragiliser durablement la recherche et l'enseignement supérieur de notre pays, d'autant que ceux-ci sont d'ores et déjà confrontés à un phénomène particulièrement préoccupant, qui ne cesse de s'accentuer : la désaffection des jeunes pour les filières et les carrières scientifiques.
En outre, on peut s'inquiéter de l'avenir de la recherche en France, alors que le nombre annuel de doctorants stagne autour de 10 000 par an. Peut-on sérieusement croire que cette tendance s'inversera si ne sont pas données de réelles perspectives aux étudiants susceptibles de se tourner vers la recherche ?
De ce point de vue, il faut souligner que ce budget se caractérise également par l'absence de créations d'emplois statutaires. Certes, les financements de l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, permettront de créer quelques emplois, mais ceux-ci seront précaires, leur durée étant liée à celle des contrats. Que deviendront alors ces chercheurs recrutés en contrat à durée déterminée et sans débouchés sur des emplois stables ?
Alors que la recherche et l'enseignement supérieur sont désormais unanimement reconnus comme étant des secteurs clés dont dépend l'avenir de notre pays, il y aurait tout lieu d'établir une programmation pluriannuelle de l'emploi scientifique. Celle-ci est d'ailleurs demandée depuis plusieurs années par le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, le CSRT, qui rappelle qu'elle « serait indispensable tant pour lisser les remplacements des départs à la retraite que pour donner une visibilité de moyen terme à la politique scientifique et encourager les jeunes à s'engager dans cette voie ».
Mais, cette année encore, cette recommandation restera sans suite. Seules sont prévues des mesures d'accompagnement permettant aux universités de transformer des emplois de catégorie B et C en emplois de catégorie A. Il reste que l'enveloppe consacrée à ces mesures est très insuffisante, d'autant que les universités ont besoin de salariés des catégories B et C qui, à l'heure actuelle, sont loin d'être en surnombre.
Quant aux crédits destinés à revaloriser les carrières des enseignants et des enseignants-chercheurs, on ne peut que déplorer leur insuffisance : ils représentent en moyenne une augmentation de 7 euros par personnel. Celle-ci traduit-elle toute la considération que la nation porte à ses scientifiques ?
L'emploi scientifique est loin d'être la préoccupation première du Gouvernement, qui a pourtant une importante contradiction à gérer : comment atteindre les objectifs de Lisbonne et entrer pleinement dans l'économie de la connaissance quand l'investissement de l'État dans le système éducatif dans son ensemble est réduit d'année en année, quand aucun signal fort n'est donné à une jeunesse qui, de plus en plus, délaisse les mastères de recherche ?
S'il faut acter la légère revalorisation des allocations de recherche, celle-ci demeure insuffisante. La désaffection des étudiants pour les métiers de la recherche est une question majeure que l'on ne peut traiter avec des demi-mesures. Car, demain, pourra-t-on encore encourager les entreprises à développer un effort de recherche, voire à maintenir leurs activités de recherche et développement sur le territoire national, quand elles ne seront plus en mesure de trouver des personnels suffisamment qualifiés ?
Plutôt que d'engager des dépenses croissantes dans le crédit d'impôt recherche, ne serait-il pas plus pertinent de revaloriser les carrières scientifiques pour créer un véritable appel d'air ?
Madame la ministre, votre budget s'inscrit dans la droite ligne du pacte pour la recherche, voté sous la précédente législature, qui prévoyait de changer structurellement l'appareil national de recherche et d'enseignement supérieur. Croyez-le, nous aurions préféré une véritable rupture avec la politique de vos prédécesseurs !
Il est en effet grand temps de redonner souffle aux universités et aux organismes de recherche, de redonner confiance aux jeunes qui, aujourd'hui, hésitent de plus en plus à s'investir dans des études scientifiques longues, exigeantes et, au final, souvent peu gratifiantes, si ce n'est du point de vue intellectuel.
Il est plus que jamais nécessaire d'engager des moyens considérables pour répondre à la massification et à la démocratisation de notre enseignement supérieur, notamment en recrutant de nombreux enseignants-chercheurs, ce qui permettrait prioritairement de renforcer l'encadrement pédagogique en premier cycle pour, à terme, parvenir à un taux d'encadrement identique à celui des classes préparatoires.
Ce ne sont pas les modestes 40 millions d'euros affectés à la réussite en licence qui permettront de remédier au taux d'échec important des plus jeunes étudiants.
Mais pour procéder à des recrutements pertinents, fondés sur les seules qualités scientifiques des candidats, encore faudrait-il développer le vivier des thésards. Pour répondre aux seuls besoins de l'enseignement supérieur et de la recherche, il conviendrait de doubler leur nombre pendant dix ans.
Susciter des vocations impose de donner de nouvelles perspectives aux étudiants et, de ce point de vue, le crédit d'impôt recherche pourrait également jouer un rôle, dès lors qu'il ne serait accordé qu'aux entreprises embauchant des docteurs.
Il serait urgent d'enclencher une telle dynamique, qui irriguerait notre pays en connaissance et en matière grise dont dépend l'avenir de notre pays. Tel ne sera toutefois pas le cas en 2008, la politique actuellement mise en oeuvre organisant la pénurie du futur et fragilisant encore un peu plus le service public de l'enseignement supérieur et de la recherche.
L'enseignement supérieur et la recherche se portent bien, à condition qu'on les sauve. Il est exact qu'il faut des changements de structure et des ressources nouvelles. Mais c'est se leurrer que de croire que le secteur privé y pourvoira, alors que, même aux États-Unis, les universités privées reçoivent de l'État la majeure partie de leurs subsides par le biais du système fiscal.
Le mouvement de contestation actuel des étudiants, qui traduit les réelles inquiétudes de la jeunesse sur son futur - mon ami Jean-François Voguet en parlera tout à l'heure -, comme la mobilisation croissante des chercheurs et des enseignants-chercheurs, démontrent que le débat sur l'enseignement supérieur et la recherche est loin d'être clos.
La nation ne pourra pas faire l'économie d'un débat fondamental qui conditionnera les capacités de la France à répondre aux défis du monde de demain.
Si le vote, en urgence, durant l'été, de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités a permis de limiter les échanges contradictoires, force est de constater que de nombreuses questions restent en suspens et que les réponses, élaborées sans concertation suffisante avec les différents acteurs, ne sont pas satisfaisantes.
Ce budget est la traduction de ces insuffisances. C'est pourquoi nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)