M. Bernard Fournier. Il y va de la modernisation et de l'amélioration des outils et des conditions de travail des exploitants, ainsi que de la difficile préparation de nos régions à une prochaine révision de la PAC, que la commissaire européenne a annoncé et qui risque fort de fragiliser les agriculteurs.
Ensuite, le projet du ministère prévoit une baisse de 1 million d'euros du budget des préretraites et de 50% des crédits destinés aux agriculteurs en difficulté, alors que les enveloppes sont déjà très insuffisantes.
Deux points relatifs au budget social me semblent très importants.
Le premier concerne la revalorisation des petites retraites, annoncée par le Président de la République au cours de sa campagne, et qui est très attendue. Je sais que ce sujet vous tient particulièrement à coeur et que, depuis plusieurs années, des avancées ont été obtenues sur ce dossier, notamment sous le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.
M. Bernard Fournier. Il convient de poursuivre ces efforts.
Le second point est relatif à l'équilibre du budget global de la MSA, qui connaît un nouveau déficit de 2,7 milliards d'euros pour 2008, soit un cumul de 8,5 milliards d'euros sur quatre ans. Cette situation inquiète beaucoup la profession. Les prévisions de hausse des cotisations agricoles sont évaluées, me semble-t-il, à 2,4 % alors que la compensation démographique baisse pour la quatrième année consécutive. En d'autres termes, les bases de calcul de la compensation démographique entre régimes doivent être impérativement revues.
Dans le domaine de l'eau, le projet du ministère prévoit des possibilités de financement uniquement pour les retenues dites de substitution. Or les organisations professionnelles, notamment dans mon département, souhaitent une relance vigoureuse de la politique de stockage de l'eau, car les besoins sont très importants que ce soit pour irriguer les cultures ou pour abreuver les cheptels.
Lors de la sécheresse de 2003, certains réseaux publics ont été en quasi-rupture de disponibilité. Il s'agit d'une politique à long terme, nécessaire, qui ne peut se résumer à la simple substitution des pompages actuels par des retenues. Le soutien à tous les projets de retenues collinaires est indispensable.
Une ambition doit être clairement affichée sur ce point, d'autant plus que des solutions de stockage d'eau « écologiquement » acceptables existent aujourd'hui.
Que cette eau soit stockée pour irriguer les champs ou pour abreuver les animaux, notre principal souci est de sécuriser les exploitations confrontées aux aléas climatiques, afin de garantir les volumes de production et d'assurer une qualité constante, conformément aux demandes des marchés. Faute de quoi nous risquons, par manque de marchandises, de perdre des clients, ce qui serait dramatique, car une grande partie de nos débouchés est tournée vers le marché local.
Je profite de mon intervention pour relayer la très forte inquiétude des agriculteurs frappés par la crise porcine qui sévit depuis la fin du printemps dernier, et qui va fragiliser, voire anéantir, de nombreuses exploitations.
Du fait du renchérissement du coût des aliments de base et de la baisse des prix de vente, la perte s'élève à 33 euros par porc, et la Commission européenne refuse d'autoriser à nouveau les aides à l'exportation, seul moyen de soulager le marché.
M. Bernard Fournier. Je m'en réjouis.
En conclusion, en ma qualité d'élu d'un département couvert par un domaine forestier de 125 000 hectares - soit près de 30 % de sa superficie -, les deux tiers en résineux et un tiers en feuillus, réparti entre 50 000 propriétaires, je conclurai en évoquant la forêt.
Monsieur le ministre, je ne peux qu'être satisfait de l'ouverture, le 21 novembre dernier, des Assises de la forêt. Elles ont pour objectif de renforcer la production forestière en l'inscrivant dans une gestion durable, prenant en compte la biodiversité forestière et la gestion des risques.
Je souscris aux propos que vous avez tenus devant nos collègues députés lorsque vous avez envisagé « un doublement de la récolte commercialisée à l'échelle de dix ans, ce qui est compatible avec les capacités physiques de notre forêt, mais qui nécessite une gestion soutenue ». Et vous ajoutiez : « Pour ce faire, nous prendrons des mesures afin d'obtenir une augmentation rapide de la récolte, non seulement dans les forêts domaniales, mais aussi dans les forêts privées. »
Ce sont des engagements très forts et j'espère que nous pourrons les tenir. C'est un choix économique, mais aussi écologique, puisque les espaces forestiers constituent le plus grand réservoir de biodiversité de notre pays. Ils préservent les sols, les ressources en eau, l'air, les paysages.
Le seul bémol vient de l'augmentation des normes européennes, de plus en plus contraignantes, qui obligent à une modernisation et à une ouverture vers les nouvelles technologies, s'agissant en particulier du bois de charpente; qui seront, me semble-t-il, difficiles à mettre en oeuvre.
Vous avez aussi répondu à l'inquiétude des sylviculteurs en réaffirmant que le plan chablis sera bien poursuivi et ce, a priori, dans les mêmes conditions. Il continuera donc à bénéficier des cofinancements communautaires.
Monsieur le ministre, vous avez, bien sûr, tout mon soutien et je vous remercie à nouveau très chaleureusement et très sincèrement de l'attention que vous portez au monde agricole et au développement de nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Panis.
Mme Jacqueline Panis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera essentiellement sur la filière équestre, qui n'a pas encore été évoquée mais à laquelle bon nombre d'entre vous sont, comme moi-même, très attachés. Je pense, notamment, aux membres du groupe « Cheval » du Sénat.
Sur le plan européen, la filière « cheval » est remise en cause à deux niveaux distincts.
En premier lieu, la fin du monopole du PMU et l'ouverture maîtrisée des jeux en France inquiètent fortement les professionnels de la filière qui, forte de 60 000 emplois directs, défend le système français alliant agriculture, sport et éducation.
A cet égard, monsieur le ministre, est-il prévu, à l'instar des obligations pesant sur le PMU, qu'une partie des gains obtenus lors des paris soit reversée à la filière équestre via le fonds Éperon ?
En second lieu, la Commission européenne a mis en demeure les Pays-Bas et interrogé sept autres pays, dont la France, sur le passage d'un taux réduit à un taux plein de TVA applicable à la vente d'équidés non destinés à la consommation alimentaire.
Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce sujet ? Vous concevez aisément les lourdes conséquences d'une telle décision, la filière équestre faisant partie intégrante de l'agriculture.
Par ailleurs, sur le plan national, pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur l'application du bouclier fiscal afférent à la filière équestre ? En effet, un crédit d'impôt est envisagé pour l'acquisition ou l'élevage d'un cheval français destiné au sport de haut niveau, selon une liste définie par arrêté ministériel, dans la limite de 25 % et de 60 000 euros annuels.
Cette mesure vise à conserver en France les chevaux de haut niveau et à les valoriser, dès lors que le coût de la mise au travail de ce type d'équidés ne peut être compensé avant plusieurs années, du fait de quasi-absence de gains en compétition.
Pouvez-vous nous confirmer cette mesure et nous apporter quelques précisions sur son application ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à souligner que vous êtes contraint, eu égard aux orientations gouvernementales clairement dirigées vers la réduction des déficits et la maîtrise des dépenses publique, de vous contenter d'une enveloppe en baisse de 2,1 % en crédits de paiement pour la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».
Je constate que vous avez su opérer des choix stratégiques, parmi de multiples axes d'intervention, afin de privilégier les dispositifs les plus efficaces, et je tiens à vous en féliciter.
Ce projet de budget s'inscrit dans une conjoncture très importante pour notre agriculture, puisque 2008 sera l'année du « bilan de santé » de la PAC et celle des Assises de l'agriculture, auxquelles le Parlement sera associé, ce dont je vous remercie.
Ces différents rendez-vous seront essentiels afin de répondre aux nombreuses préoccupations exprimées par le monde agricole, qui subit des crises sanitaires à répétition, souffre de l'augmentation du prix du gazole, du coût des céréales qui fragilise les filières porcines et aviaires, ainsi que du partage, toujours délicat, de la valeur ajoutée avec la grande distribution.
Le 20 novembre dernier, la Commission européenne a présenté une série de recommandations en vue de l'élaboration de la réforme destinée à moderniser la politique agricole commune. L'objectif affiché est de l'adapter à la flambée des cours mondiaux du secteur. A titre d'exemple, le cours du blé à la cotation de Chicago s'est envolé, avec une hausse de 58 % en un an ; à Paris, le cours du maïs a augmenté de plus de 27%.
L'explosion de la demande dans des pays tels que la Chine et l'Inde est à l'origine de cette hausse des prix qui, nous en sommes tous convaincus, va durer.
On constate, sur ce point, un parallélisme saisissant avec l'évolution des prix des matières premières industrielles.
Ce renchérissement a remis au goût du jour le besoin de produire plus, après des décennies de maîtrise de la production au sein de l'Union européenne. Il démontre l'importance de la réactivité dont doivent faire preuve les agriculteurs de notre pays.
Cependant, l'approche esquissée par la Commission européenne ne semble pas conforme aux traités dont elle est censée être la gardienne ni à l'esprit du « modèle agricole européen ».
Une PAC fondée pour l'essentiel sur des aides totalement découplées et des programmes de développement rural ne paraît pas susceptible, d'une part, de répondre de manière adéquate à certaines attentes légitimes des citoyens européens et, d'autre part, d'assurer la vocation exportatrice de la filière européenne de l'agroalimentaire. Je vous rappelle que l'excédent de notre balance commerciale agroalimentaire est de 7 milliards à 8 milliards d'euros par an.
Je tiens, par ailleurs, à souligner le rôle éminemment stratégique de l'agriculture. Il ne me semble pas opportun de lui étendre, tant pour les politiques internes que pour le commerce international, un modèle économique élaboré pour l'industrie et pour certains services.
En effet, différents facteurs tels que l'accroissement démographique mondial, le réchauffement climatique, le renchérissement des coûts de transport des produits agricoles, plaident en faveur du maintien d'une agriculture dynamique, capable de répondre aux besoins des Européens et d'être présente sur les marchés mondiaux.
Partisan d'une politique agricole plus ambitieuse et plus active, je considère que le système des aides directes découplées devra évoluer vers un meilleur ciblage, ce qui permettra d'améliorer leur efficacité et leur légitimité. Des aides ciblées pourraient éventuellement contribuer à conforter la vocation productive et exportatrice de l'agriculture au sein des organisations de producteurs, par contractualisation avec l'industrie de transformation.
Par ailleurs, il est désormais acquis que, demain, le revenu des agriculteurs sera assuré davantage par le marché. Parallèlement, il convient de mettre en place différentes garanties.
Monsieur le ministre, je salue votre volonté de considérer la gestion des risques et des aléas comme un sujet important, puisque vous abondez de deux millions d'euros les crédits consacrés à l'assurance récolte. C'est un signal positif. En effet, le développement de l'assurance récolte, qui permet, par d'autres voies, une garantie de revenus, m'apparaît pertinente. Elle est un peu dans l'esprit des mécanismes de soutien qui existent aux États-Unis.
Je me réfère sur ce sujet à l'excellent rapport de notre collègue Dominique Mortemousque. Après avoir constaté l'impossibilité de laisser coexister, à terme, deux systèmes concurrents, l'un fondé sur une indemnisation assuré par les pouvoirs publics et l'autre sur une individualisation de la gestion du risque, il évoque plusieurs scénarii de développement de l'assurance récolte reposant sur un engagement financier constant de l'État et sur une offre publique de réassurance, indispensable afin de couvrir les aléas climatiques de grande ampleur.
En effet, le régime des calamités agricoles ne répond plus aujourd'hui aux besoins des exploitants agricoles, qui doivent en permanence s'adapter aux demandes du marché, donc bénéficier d'une couverture plus forte contre les aléas.
Dans le même ordre d'idées, compte tenu de la répétition des crises sanitaires, il convient de mettre en place un dispositif d'assurance contre les aléas sanitaires.
En tout état cause, si l'on souhaite que la gestion des crises et des risques soit un thème majeur du « bilan de santé » de la PAC et de la réforme de la politique agricole pour l'après-2013, la France doit jouer un rôle précurseur et s'engager à proposer rapidement une offre assurantielle de base, accessible à tous, pour toutes les productions.
Enfin, j'insiste sur le fait que le soutien à la recherche et à l'innovation devrait devenir une dimension essentielle de la PAC, favorisant ainsi, dans le respect de l'environnement, l'émergence de nouvelles pratiques culturales assurant à la fois une forte productivité, une gestion durable des ressources naturelles, le développement de la « chimie verte » et des bioproduits.
Nous ne pouvons absolument pas ignorer l'évolution technologique mondiale, sauf à créer irrémédiablement une distorsion de concurrence à l'égard de nos propres agriculteurs. Notre collègue M. Fournier l'a également évoqué tout à l'heure à propos de la crise porcine : il est bien évident qu'aujourd'hui le différentiel du prix du maïs en Europe et aux Etats-Unis - il varie du simple au double - est en partie sous-tendu, précisément, par le recours aux biotechnologies.
Vous savez, monsieur le ministre, que, surveillant ces sujets depuis sept ou huit ans, je considère que notre approche en matière de biotechnologies doit s'intégrer dans l'évolution de la sélection variétale, comme cela fut le cas, il y a une cinquantaine d'années, à travers notre engagement pour la création d'hybrides, qui a permis de multiplier par dix ou quinze les rendements des céréales.
Je me réjouis donc de l'examen prochain par le Parlement d'un projet de loi sur les OGM, et je salue votre courage politique sur ce point. Permettez-moi simplement de vous demander d'être beaucoup plus sensible aux avis, que ce soient ceux de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire, de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ou, justement, du commissaire européen M. Dimas.
Je crois très sincèrement que nous ne pouvons pas rester plus longtemps à l'écart de cette évolution, au-delà même du contentieux qui est pendant au niveau de l'OMC ; sur ce dernier point, le groupe spécial a certes permis à l'Union européenne d'obtenir un sursis jusqu'au 11 janvier 2008, mais cela ne réglera pas, loin s'en faut, le problème.
De même, nous nous devons de bien prendre en compte la donne environnementale, préoccupation qu'il faut également inclure dans les règles de l'OMC. Les travaux menés dans le cadre du Grenelle de l'environnement sont une parfaite illustration de cet enjeu, au même titre que les efforts entrepris par la France pour promouvoir la transformation du Programme des Nations unies pour l'environnement, le PNUE, en Organisation des Nations unies pour l'environnement, l'ONUE.
L'ONUE nous apporterait une autorité politique renforcée et nous permettrait de rationaliser le système actuel de bonne gouvernance. Il est, en effet, de moins en moins acceptable que certains pays produisent des biens agricoles en s'exonérant des contingences environnementales auxquelles souscrit l'Union européenne. Je voudrais, sur ce point, souligner la proposition française qui consiste à revisiter la notion de préférence communautaire et qui, sans aller jusqu'au protectionnisme, s'oriente vers la notion de préférence collective ; je fais, en particulier, référence à l'analyse de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État aux affaires européennes, qui demande davantage de réciprocité entre pays dans les échanges commerciaux internationaux.
Nous devons donc aborder l'actuel « bilan de santé » pour 2008-2009 et le débat sur l'« après-2013 », qui a déjà commencé, dans un esprit offensif, en défendant une PAC ambitieuse, mais aussi dans un esprit ouvert. La situation sera très différente de celle que nous avons connue jusqu'ici, et nous n'avons pas intérêt à l'aborder sous un angle défensif, en essayant de préserver à tout prix les schémas hérités du passé.
La France assurera la présidence de l'Union européenne au second semestre 2008, quand les propositions législatives sur la PAC devront être présentées par Bruxelles. La présidence française devra alors mener à bien la conduite de cette réforme délicate. Je sais, monsieur le ministre, pouvoir compter sur votre expérience en matière de négociation européenne et sur votre détermination pour faire passer un certain nombre de messages auprès de nos partenaires.
Je soulignerai, enfin, l'importance que je continue d'accorder à la valorisation de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles, seuls capables de préserver la compétitivité de nos produits sur le marché mondial. Je me réjouis donc de l'augmentation de 2 % des crédits qui leur sont alloués, dans un contexte budgétaire contraint.
Pour terminer, j'évoquerai d'un mot la nécessaire simplification administrative, qu'il faut intensifier.
Sachez, monsieur le ministre, que je vous apporterai mon entier soutien dans l'examen de votre projet de budget comme de l'ensemble de la politique agricole du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce moment du débat, beaucoup de choses ayant été dites, je me contenterai de me faire le relais de la viticulture, de l'arboriculture et de l'agriculture méditerranéennes françaises.
Vous connaissez la gravité de la crise qu'elles traversent, l'une des plus profondes depuis plusieurs générations. Dans mon département, par exemple, le revenu des viticulteurs accuse une baisse de 40 %, et près de 10 % du vignoble, plus de 2 500 hectares, viennent d'être déclarés « destinés à l'arrachage définitif ».
Ainsi, l'arrachage, qui devait être une mesure qualitative, s'est-il transformé en mesure sociale. C'est un patrimoine irremplaçable qui est jeté dans les décharges ! Pis, nos paysages, matière première de l'économie touristique, sont meurtris, les équilibres écologiques compromis, les friches périurbaines livrées à l'appétit des spéculateurs immobiliers.
Il ne s'agit pas seulement d'une crise sans précédent frappant une filière économique : c'est le développement durable des territoires, c'est leur identité même qui sont atteints.
L'arboriculture et l'agriculture maraîchère méditerranéennes sont dans la même situation. Je signale par exemple que, comme les pêcheurs, les producteurs « sous serre » viennent de prendre de plein fouet la flambée du prix du fuel : un hectare de serre, ce sont 20 tonnes de fuel par an, et le chauffage représente plus de 30 % du coût de production de la tomate sous serre.
Monsieur le ministre, les mesures, légitimes, en faveur des pêcheurs ne seraient-elles pas légitimes aussi pour ces maraîchers, qui subissent en outre une concurrence internationale implacable ?
Il faut le dire clairement : l'agriculture méditerranéenne va de crise en crise et de mesures conjoncturelles en mesures conjoncturelles. Or, à la veille de l'ouverture des marchés méditerranéens, il faut des mesures structurelles d'une ampleur sans précédent pour abaisser le coût de la main-d'oeuvre, pour moderniser les exploitations, pour soutenir les efforts collectifs de commercialisation ou encore l'innovation et la recherche. C'est, en fait, une nouvelle approche de l'agriculture méditerranéenne qu'il faut définir.
Monsieur le ministre, il convient de remettre l'agriculture méditerranéenne au coeur du processus de Barcelone. Nous vous avons proposé qu'un forum EUROMED aborde ces questions - nous avons même suggéré qu'il se tienne à Perpignan ! - et amorce des pistes concrètes.
Nos agriculteurs, nos arboriculteurs, nos viticulteurs, veulent de la lisibilité ; c'est l'exigence des nouvelles générations. Face à une concurrence économique de plus en plus inégale, ils s'interrogent, en effet, sur notre capacité politique à donner un avenir à nos productions méditerranéennes. Ils attendent du Gouvernement un courage politique sans faille.
Je sais, monsieur le ministre, la qualité de votre écoute et votre détermination. En retour, sachez que l'agriculture méditerranéenne attend beaucoup de vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.
M. Raymond Couderc. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier de nous avoir fait l'honneur de votre présence au Salon international des techniques et équipements vitivinicoles et arboricoles, le SITEVI, qui s'est tenu à Montpellier la semaine dernière.
Vous nous y avez, notamment, montré tout le soutien que vous apportez à la viticulture languedocienne et votre engagement à nos côtés pour préserver et promouvoir le « plus grand vignoble de France ». Vous nous avez également présenté les grandes orientations du « plan de modernisation de la viticulture française » que le Président de la République vous a chargé de mettre en oeuvre. Enfin, vous avez répondu dans votre discours à nos inquiétudes plus immédiates, concernant en particulier les préretraites des viticulteurs, la question des arriérés de cotisations sociales pour certains d'entre eux, ainsi que la pérennisation du dispositif de reconversion qualitative différée.
Nous espérons également que les mesures d'exonération ou de report de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, ainsi que les dispositions qui répondent au problème des dotations en droits à paiement unique après arrachage, aboutiront effectivement dans un sens favorable à la viticulture languedocienne en particulier, et française en général.
Mais c'est surtout sur la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole que je souhaite attirer l'attention du Gouvernement.
La proposition de résolution, déposée par notre collègue Gérard César sur ce sujet et adoptée par le Sénat le 21 novembre dernier, va dans le bon sens ; les viticulteurs s'en réjouissent. Cependant, ils souhaitent insister sur deux points qui continuent à cristalliser tout particulièrement leurs inquiétudes : d'une part, la mention du cépage et du millésime sur les vins sans indication géographique et, d'autre part, l'équité de la répartition des enveloppes nationales entre les représentants de la production viticole dans leur ensemble.
Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que ma région, le Languedoc-Roussillon, est la première région européenne productrice de vins. Or, elle est précisément parvenue à ce que le vignoble français des vins de cépage soit identifié au label « Vin de Pays d'Oc », dont le succès commercial ne se dément pas et qui représente 90 % des vins de cépage français. Ceux-ci sont axés sur la qualité, en particulier grâce à des agréments, et sur la traçabilité, liée à leur indication géographique ; ils répondent aux tendances internationales de consommation du vin, avec des conditionnements modernes et innovants.
Tandis que les vins du Nouveau monde, en particulier ceux de nos principaux concurrents - la Californie et l'Australie -, adoptent aujourd'hui une stratégie de montée en gamme à travers une multiplication des indications géographiques qui leur permet de territorialiser leurs productions, les vignerons du Languedoc-Roussillon déplorent que les propositions de réforme de l'OCM vitivinicole formulées par la Commission européenne comportent la possibilité de mentionner le cépage et le millésime sur des vins sans indication géographique.
Il s'agit là d'un véritable danger de nivellement par le bas : les vins de cépage seraient assimilés à une simple matière première, sans origine ni critère distinctif de qualité. Cette logique productiviste des vins de cépage risque de favoriser l'offensive des vins du Nouveau monde, qui deviendront de fait plus rassurants pour le consommateur.
Pourquoi vouloir porter atteinte au segment de marché le plus porteur de valeur ajoutée dans une région de monoculture viticole ? D'autant plus qu'un consensus s'est établi en faveur du respect des pratiques oenologiques traditionnelles ayant cours dans certaines régions, telle la chaptalisation - pratiques, d'ailleurs, nécessaires à l'élaboration de vins qui ont fait la réputation mondiale de la France !
En ce sens, je souhaite conforter la position de mon collègue Gérard César quant à la rédaction d'un cahier des charges très strict encadrant l'élaboration de ces vins, afin de ne pas déstabiliser l'ensemble du bassin viticole du Languedoc-Roussillon. Je demande au Gouvernement que ce cahier des charges soit rédigé en étroite collaboration avec les professionnels des Vins de Pays d'Oc, qui voient dans cette nouvelle OCM une atteinte à leur modèle économique qu'ils vivent comme un déclassement, comme un retour en arrière qui anéantirait la révolution qualitative engagée depuis plus de trente ans.
En outre, et c'est le second point, je souhaite que la répartition des enveloppes nationales soit conduite dans le respect du nécessaire principe d'équité, de façon que l'ensemble des représentants de la production viticole en bénéficient.
Pour ce qui est des opérations finançables par ces enveloppes nationales, je tiens à souligner qu'il est impératif, dans les actions de restructuration des entreprises, de prendre en compte les vignerons indépendants, dont la stratégie de commercialisation et de production est tout à fait spécifique par rapport à celle des caves coopératives.
Si l'on devait reconduire en l'état la liste des opérations finançables, cela risquerait de se faire au mépris de ce principe d'équité entre tous les représentants de la production viticole. Je tiens à rappeler que, en Languedoc-Roussillon, la filière compte 253 caves coopératives et 1 477 caves particulières ; vous comprendrez, dans ces conditions, que l'équilibre entre caves coopératives et caves particulières nous tienne particulièrement à coeur ! Nous serons donc particulièrement vigilants sur ce point. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, c'est à un exercice difficile et donc forcément imparfait que je vais me livrer en répondant à autant de questions, qui démontrent un véritable intérêt du Sénat pour ce budget, intérêt dont je ne suis d'ailleurs pas étonné.
Un grand nombre d'intervenants - Yvon Collin, Daniel Soulage, Michel Doublet, Bernard Barraux, Claude Biwer, Bernard Fournier, Gérard Bailly, Philippe Nogrix, Bernard Piras, Georges Mouly, Gérard César, Gérard Le Cam, Alain Vasselle - ont évoqué les sujets sociaux. Je tiens à rendre tout d'abord un hommage particulier à Jean-Pierre Raffarin, car, depuis 2003, époque à laquelle il était Premier ministre - et je suis d'ailleurs extrêmement heureux d'avoir participé à l'un de ses gouvernements -, un certain nombre d'avancées sont enregistrées en matière de retraites.
La mise en place de la retraite complémentaire obligatoire a permis aux pensions d'atteindre le niveau de 75 % du SMIC. Depuis le 1er janvier 2007, la durée minimale d'activité pour bénéficier d'une revalorisation a été abaissée à vingt-deux ans et demi, et la minoration de pension pour années manquantes, qui était de 15 %, est passée à 5,5 % et s'établira à 4 % au 1er janvier 2008.
Cependant, comme vous avez été très nombreux à le souligner - le chef de l'État l'a d'ailleurs dit lui-même dans son discours de Rennes -, il reste des situations très difficiles pour lesquelles de nouveaux efforts sont souhaitables.
Nous allons veiller à ce que la situation des anciens agriculteurs les plus modestes, et plus particulièrement des agricultrices, soit prise en compte dans le cadre du grand rendez-vous sur les retraites de 2008.
J'en viens au budget social du FFIPSA. Son déficit est important, puisqu'il dépassera 2 milliards d'euros pour 2007, 5 milliards d'euros en cumulé. Ce déficit est lié non pas à un problème de gestion du régime ou des prestations, mais aux recettes insuffisantes qui ont été affectées. Cette année, la dette de l'État à l'égard du BAPSA - 619 millions d'euros -, reprise lors de la création du FFIPSA, sera apurée en loi de finances rectificative.
Le solde du déficit devrait être traité dans le cadre plus large de la réduction de la dette des autres régimes. Je vais engager avec Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, les travaux nécessaires dès les prochaines semaines, et ce avec l'objectif d'assurer le financement pérenne des régimes agricoles tout en préservant leur spécificité et leur gestion mutualiste.
André Lejeune a évoqué le problème des agriculteurs en difficulté. La loi de financement de la sécurité sociale permet, depuis le 1er janvier 2007, de financer les prises en charge partielles de cotisations en faveur de ces agriculteurs : 15 millions d'euros y seront consacrés en 2008 dans le budget de la mutualité sociale agricole.
Odette Terrade et Paul Girod ont évoqué les contrôles et le poids administratif pour les agriculteurs. Nous y reviendrons tout à l'heure lors de l'examen de l'amendement de Claude Biwer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la réalisation des contrôles est fortement contrainte par le droit communautaire. Il s'agit, en contrepartie des aides européennes, d'assurer la sécurité sanitaire de la production et d'éviter les risques pour l'environnement. Dans ce cadre, les marges de manoeuvre quant au principe et au volume des contrôles sont réduites, mais, j'en conviens, des progrès peuvent être réalisés ; j'entends d'ailleurs bien ce qui est dit à ce sujet lors de mes différents déplacements chaque semaine en province.
Voilà pourquoi un rapport du corps d'inspection du ministère de l'agriculture et de la pêche a publié en 2004 une première série d'engagements.
Afin d'aller plus loin dans cette voie, j'ai demandé à Yves Simon, ancien député, de me présenter des propositions plus innovantes, et, tout en respectant le cadre communautaire, je m'efforcerai de simplifier et de mieux coordonner ces contrôles. C'est vrai pour l'agriculture, mais c'est vrai aussi pour la pêche.
Jean Boyer, par la voix de Philippe Nogrix, mais aussi Jacques Blanc et Adrien Gouteyron par écrit, m'ont interrogé sur l'agriculture de montagne.
Ayant présidé pendant dix-sept ans le conseil général de Savoie, je suis d'ores et déjà convaincu de l'importance de l'agriculture de montagne ! Cette dernière bénéficie d'enveloppes particulièrement importantes : 510 millions d'euros en 2007 pour l'ICHN.
S'agissant du plan « bâtiments » - je répète ce que j'ai indiqué récemment aux représentants des communes des régions de montagne en Lorraine ou en Alsace -, l'expérience de 2005 et 2006 montre que 42 % des crédits - j'y insiste - profitent aux 28 % de dossiers issus des zones de montagne.
En 2008, notre effort sera poursuivi, et l'aide à la mécanisation en montagne, sujet que vous n'avez pas évoqué, sera maintenue.
S'agissant des prêts aux jeunes agriculteurs, le maintien des taux à 1 % en zone de montagne, alors que le loyer de l'argent est depuis le 1er novembre à 4,77 %, entraîne une bonification de 25 400 euros si le prêt porte sur un plafond de 110 000 euros par bénéficiaire.
Je suis soucieux d'une bonne prise en compte de la spécificité de la montagne dans les réflexions sur la PAC ; c'est d'ailleurs l'un des sujets que j'ai évoqués à l'occasion du bilan de santé dont nous commençons la discussion.
Charles Revet a évoqué les quotas laitiers. J'ai émis des réserves de principe sur la question de la suppression des quotas telle qu'elle est envisagée en 2013.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. C'est très bien ! Il faut les maintenir !
M. Michel Barnier, ministre. La majorité de nos partenaires européens sont favorables à la suppression des quotas, qui constituent une contrainte parce qu'ils nous empêchent d'augmenter nos productions - j'observe toutefois que la France est globalement à 600 000 tonnes en dessous du quota national -,...
M. Charles Revet. Exactement !
M. Michel Barnier, ministre. ...mais qui comportent un avantage, monsieur Revet, dans la mesure où les quotas sont fixés par département. Or, à des quotas départementalisés s'attachent par définition des outils de transformation, des laiteries ou des usines qui sont eux aussi territorialisés.
Par conséquent, avant d'accepter la suppression des quotas, je veux vérifier, en concertation avec la filière laitière, que l'ouverture éventuelle de ce système ne nous conduirait pas à une sorte de « déménagement » de l'économie laitière de notre pays.