M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
Mme Odette Herviaux. Mais cela ne suffira pas à nous faire voter votre budget, décidément trop restreint ! (Exclamations sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère de l'agriculture traduisent la volonté du Gouvernement de maîtriser la dépense publique et de réduire les déficits.
Vous avez dû faire des choix difficiles, monsieur le ministre, nous en sommes bien conscients. Vos priorités vont à certains dispositifs comme l'enseignement et la recherche, la gestion des crises, la sécurité alimentaire ou les actions qui contribuent au développement d'une agriculture durable, choix pertinents dans le contexte du Grenelle de l'environnement.
Certes, la situation budgétaire est difficile et nous apprécions d'autant plus l'effort que vous avez consenti devant l'Assemblée nationale en accordant 5 millions d'euros supplémentaires pour l'installation des jeunes agriculteurs, le renouvellement des générations étant tout à fait prioritaire.
Il faut dire que le contexte est particulièrement nouveau, cette année, pour le monde agricole : aléas climatiques très importants, politique volontariste de développement des biocarburants, aux États-Unis entre autres, évolution de la demande et des habitudes alimentaires dans certains pays de la planète.
Le cumul de ces facteurs a fait flamber le cours des matières premières agricoles et, pour la première fois depuis vingt ans, les prix cessent de baisser. Nous assistons, en effet, à un renversement complet de tendance avec une hausse spectaculaire des prix des céréales ; je crois, à cet égard, que la suppression des jachères est une bonne chose.
Cependant, la situation est loin d'être la même pour toutes les productions. En tant que président du groupe d'études de l'élevage du Sénat, je ne peux qu'être sensible au fait que les exploitations d'élevage bovin, porcin, ovin et de volailles souffrent aujourd'hui de la hausse des prix des aliments du bétail, qui profite à certains agriculteurs mais en pénalise durement d'autres.
L'évolution désordonnée des prix des céréales crée de grandes difficultés pour ces éleveurs, mais aussi pour les producteurs laitiers, qui sont pénalisés également par la vente de leurs petits veaux. Ils subissent une baisse des prix de plus de moitié, due à la pression des engraisseurs qui ont vu le prix de la poudre de lait augmenter de plus de 70 %. Les producteurs de fromages, eux, n'ont pas encore perçu la hausse du prix du lait.
Tout cela contribue à des disparités croissantes de revenus entre agriculteurs. J'ajouterai - dans la prolongation du discours du Président de la République à Rennes, en septembre dernier - que nous sommes particulièrement attentifs à la réforme de la loi Galland, préparée par Luc Chatel, et au cadre spécifique réservé aux produits agricoles, afin que les agriculteurs bénéficient d'une juste rémunération.
Les revenus de ces éleveurs vont subir de très fortes baisses occasionnées par la hausse du coût de l'alimentation complémentaire - non produite dans les zones de plateaux et de montagne, et qu'il faut acheter -, celle des prix de l'énergie et le prix de vente catastrophique des veaux.
Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur ce sujet auquel, j'en suis sûr, vous devez être déjà sensibilisé par les éleveurs de votre département et de votre région. Il est indispensable que le montant de l'indemnité compensatrice de handicaps naturels, l'ICHN, soit relevée dans les meilleurs délais.
Vous avez fait un effort afin de résorber les dossiers en attente - plus de 8 000 - pour la modernisation des bâtiments d'élevage et nous apprécions les 29 millions d'euros supplémentaires consentis par l'État, ainsi que le déblocage des crédits communautaires. Il fallait répondre à l'engorgement actuel, mais il est aussi impératif d'allouer les crédits de paiement nécessaires au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, répondant ainsi aux objectifs environnementaux des élevages.
Je veux évoquer aussi l'inquiétude des éleveurs touchés par les crises sanitaires qui s'ajoutent aux crises structurelles ou conjoncturelles : vache folle, grippe aviaire, fièvre aphteuse et, maintenant, fièvre catarrhale ovine. Ces crises se multiplient, entraînant de graves conséquences sur les revenus et les courants économiques : produits vétérinaires à acheter, analyses à effectuer, etc.
Le développement de la fièvre catarrhale touche aussi, vous le savez, la filière bovine, qui a connu de grosses difficultés de commercialisation des animaux. C'est notamment le cas pour les broutards français. S'ajoutent des pertes financières, résultant des baisses de production de lait et de viande dues aux avortements et à l'infertilité, qui sont encore difficilement évaluables et ne seront pas prises en charge.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez tout mis en oeuvre afin qu'un vaccin soit disponible l'an prochain. Mais les crédits que vous prévoyez pour 2008 seront-ils suffisants pour faire face aux frais des campagnes de vaccination, d'autant plus que le développement de cette maladie risque de s'étendre à tout notre pays et de conduire à indemniser des éleveurs en grande difficulté ?
C'est sans conteste dans la filière ovine que le problème est le plus grave, car le développement de la FCO fait peser sur elle une menace supplémentaire alors que sa situation structurelle est déjà très préoccupante. Chargé en ce moment même, avec mon collègue des Hautes-Pyrénées, François Fortassin, d'une mission sur l'élevage ovin, j'ai pu me rendre compte, au cours de nos déplacements sur les territoires concernés, de la grande détresse de ces éleveurs - principalement, dans les massifs - qui se sentent abandonnés face à leurs problèmes et dont les revenus sont les plus faibles du secteur agricole.
Les cheptels ovins diminuent rapidement, puisque nous sommes passés de 12,8 millions de têtes en 1990 à 8,4 millions aujourd'hui. De ce fait, nous ne couvrons que 45 % des besoins de notre marché national. Notre collègue Dominique Mortemousque m'a demandé de vous signaler qu'il ne reste plus que 54 000 brebis en Dordogne, alors qu'on en comptait encore 100 000 il y a dix ans. La filière, avec son indication géographique protégée « agneau du Périgord », est en réel péril. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, mais la situation est plus dramatique encore en montagne où il n'existe qu'un palliatif : la friche.
Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très conscient de ce problème, puisque, dans un contexte difficile, vous avez arrêté des mesures d'urgence : prise en charge des intérêts d'emprunt pour les éleveurs les plus vulnérables, report sur la prise en charge des cotisations sociales et aide de minimis complémentaire.
Mais, pour survivre, la profession a réellement besoin de mesures structurelles. Mon collègue François Fortassin et moi-même nous emploierons à vous présenter, dans quelques semaines, des propositions concrètes. Au titre de ces urgences, il convient de renforcer très vite ces productions grâce à une augmentation très significative des aides de la PAC, si nous ne voulons pas que se poursuive l'hémorragie des troupeaux ovins dans nos montagnes et dans les zones difficiles.
Par ailleurs, la présence de prédateurs conduit les éleveurs à une véritable révolte. C'est pourquoi j'ai proposé, avec quinze de mes collègues, un amendement visant à amputer de 3 millions d'euros les crédits destinés au maintien ou à la réintroduction des prédateurs. J'aurais souhaité, monsieur le ministre, que cette somme puisse être réaffectée au soutien au pastoralisme et à la filière ovine, à laquelle il est important d'adresser un signal.
Même s'il est très peu développé dans mon département, je tiens à mettre en garde contre la disparition de l'élevage ovin, qui aurait des conséquences bien plus graves pour l'environnement et serait bien pire que « l'absence de présence » du loup ou de l'ours. Il faut choisir : « Prédateurs et pastoralisme : priorité à l'homme », comme l'écrivait Christian Estrosi dans son rapport rendu en mai 2003, au nom de la commission d'enquête constituée par l'Assemblée nationale.
Il convient, très vite, de lutter contre la disparition de la production ovine - respectueuse de l'environnement, soulignons-le -, qui contribue tant à structurer nos territoires agricoles et à entretenir ceux de montagne.
Vous déclariez il y a peu, monsieur le ministre, à propos des pistes d'aménagement de la PAC que la Commission européenne vient de présenter, que vous souhaitiez que le redéploiement des aides ne se fasse pas uniquement en faveur des questions environnementales, mais s'effectue au profit d'une activité de production dynamique dans les territoires, plus encore aujourd'hui qu'hier, compte tenu des besoins des marchés mondiaux. Vous citiez, parmi les affectations possibles, la production laitière en montagne, le soutien à l'élevage, ovin notamment, et l'agriculture biologique.
Bien que j'approuve tout à fait vos orientations, je tiens néanmoins à vous alerter sur les dangers du découplage que souhaitent certains pays. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce sujet. Prenons garde de primer sans être obligés de produire, surtout maintenant que nos marchés sont porteurs ! C'est ce qu'attendent nos filières agroalimentaires créatrices d'emplois dans nos territoires ruraux.
Pour l'heure, monsieur le ministre, je soutiens votre budget. Mais permettez-moi de vous dire, comme d'autres collègues ici présents, que les agriculteurs retraités attendent avec impatience la revalorisation de leurs retraites, qui doit être une priorité dans les prochains budgets.
En outre, soyons vigilants, car sans une hausse de leurs revenus, nous verrons se reconvertir bon nombre d'éleveurs vers les grandes cultures, moins exigeantes en termes de présence, et ce dans toutes les régions propices.
Monsieur le ministre, votre expérience européenne nous réjouit dans la perspective du grand rendez-vous du second semestre de 2008. Vous y jouerez un rôle très important. Soyez assuré de notre collaboration. Vous serez une chance pour notre pays et, comme vous l'avez dit ce matin, pour « le grand retour de l'agriculture ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je supplée en cet instant mon collègue et ami Jacques Muller, sénateur du Haut-Rhin, qui, cloué au lit par une très forte fièvre, ne peut malheureusement pas être parmi nous.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Une fièvre catarrhale ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Le Grenelle de l'environnement a permis de dresser un constat quasi consensuel sur les difficultés engendrées par une agriculture productiviste, dopée depuis de trop longues années à coups de crédits publics, et de tracer un axe de travail dont je tiens à souligner ici la pertinence : s'engager résolument vers une agriculture HVE, à haute valeur environnementale.
Dans cette perspective, ses conclusions préconisant la réduction drastique de l'emploi des pesticides et le développement de l'agriculture biologique constituent d'excellents objectifs intermédiaires pour la nouvelle politique agricole française. Nos choix budgétaires ne peuvent pas ne pas intégrer cette rupture attendue par nos concitoyens.
En matière de pesticides, le temps est venu de mettre en place une fiscalité réellement incitative, d'une part, pour dissuader l'emploi de produits globalement indésirables pour l'environnement et dangereux pour la santé humaine, et plus particulièrement pour leurs utilisateurs, d'autre part, pour donner aux agences de l'eau les moyens nécessaires, aujourd'hui totalement insuffisants, pour inciter et soutenir la reconversion à l'agriculture biologique dans les zones sensibles de captages.
Je propose, par conséquent, une révision en profondeur de la « pollutaxe » actuelle sur les pesticides. Il faut qu'elle devienne effectivement dissuasive, de manière à s'inscrire dans la logique du « pollueur-payeur », qui est l'un des concepts économiques de base du développement soutenable. Elle est le seul moyen crédible, non réglementaire, de faire évoluer en profondeur les pratiques agricoles dans le sens d'une forte réduction de l'emploi des pesticides, à l'instar de ce que l'on peut déjà observer, par exemple, au Danemark.
En matière de développement de l'agriculture biologique, les intentions affichées dans le plan d'action ministériel vont dans le bon sens, mais je reste perplexe face au diagnostic et à la faiblesse des moyens qui seront mis en oeuvre.
S'il est louable, pour la santé de nos enfants, d'afficher un premier objectif de 20 % de repas « bio » dans les cantines publiques, cela ne répond pas aux enjeux présents : notre pays est de plus en plus déficitaire en produits biologiques, car l'offre nationale est de moins en moins capable de répondre à une demande croissante pour ce type de produits.
Par conséquent, compte tenu de la faiblesse des marges de manoeuvre de l'action budgétaire, qui est due en bonne partie aux mauvais choix opérés cet été en faveur des plus riches - 8 milliards d'euros cette année, 15 milliards d'euros l'an prochain -, notre priorité doit aller à une politique ambitieuse de l'offre de produits.
Il nous faut soutenir efficacement le développement de la production biologique pour marquer des points sur plusieurs tableaux : pour la santé des utilisateurs de pesticides, dont les cocktails de molécules sont aujourd'hui considérés comme dangereux pour la santé humaine, même à faible dose ; pour la santé des consommateurs, s'agissant surtout des produits frais, plus particulièrement des fruits et légumes, sur lesquels nous enregistrons les chiffres les plus inquiétants en matière de résidus de pesticides ; pour l'équilibre de l'environnement, concernant la qualité des eaux et de l'air, la biodiversité et, notamment, la protection des abeilles pollinisatrices ; pour la diffusion de techniques, de savoir-faire et d'approches en termes de systèmes de production agricoles durables, qui ne concernent pas uniquement le développement de l'agriculture biologique, mais qui seront indispensables pour passer d'une agriculture productiviste, aujourd'hui dominante, à une agriculture HVE telle que le Grenelle de l'environnement l'a conceptualisée, mais qui n'est pas forcément biologique stricto sensu ; enfin, pour la diminution de notre déficit commercial en produits biologiques.
S'agissant des filières, alors que le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, le CGAAER, recommandait, dans son rapport publié en août dernier, « le soutien spécifique à l'aval de la filière » biologique en « s'inspirant de l'expérience allemande et du rapport de la FAO », je suis au regret de devoir relever la timidité des dispositions proposées.
Une partie - la proportion n'est pas clairement définie -des 387 millions d'euros inscrits au titre de « l'adaptation des filières à l'évolution des marchés » doit servir à cet effet. Mais l'indicateur de performance utilisé laisse perplexe quant à l'ambition du Gouvernement : faire passer la part des superficies cultivées en agriculture biologique de 2,45 % à 2,55 % de la surface agricole utile. Cela en dit long sur l'ambition affichée par le Gouvernement de développer l'agriculture biologique : une augmentation grandiose de 0,1 % en un an, soit 1 % en dix ans et 10 % en cent ans ! (Sourires.)
Concernant la production, des initiatives sont prises, mais, comme pour la filière, elles sont très loin de répondre aux enjeux.
M. Jean Bizet. C'est le marché qui fait la filière !
M. Jean Desessard. Le marché existe, mon cher collègue. En revanche, on ne peut pas en dire autant de l'offre !
En termes de soutien financier, le crédit d'impôt était une initiative intéressante, mais son niveau actuel est jugé par tous notoirement insuffisant pour inciter au passage à l'agriculture biologique, qui correspond à un bouleversement en profondeur du système de production agricole. Nos voisins européens font deux à trois fois mieux que nous dans ce domaine !
En réalité, le développement de la production biologique exige que l'on se donne les moyens de financer enfin correctement, non seulement la reconversion, mais encore le maintien. Les outils existent déjà - il s'agit des mesures agro-environnementales -, mais les moyens mis en jeu pour 2008 sont symboliques. En termes de crédits publics nationaux, les 71 millions d'euros dédiés globalement aux MAE pèsent moins de 7 % du milliard d'euros consacré par notre pays à « la gestion durable de l'agriculture ». C'est franchement dérisoire par rapport au noble objectif affiché pour prétendre développer la production biologique !
Compte tenu de la faiblesse des marges de manoeuvre déjà évoquée, il existait pourtant un véritable levier pour doper les concours publics destinés à développer l'agriculture biologique et à haute valeur environnementale, à budget constant : le redéploiement des crédits européens déversés chaque année sur l'agriculture.
En effet, ce sont quelque 10 milliards d'euros en provenance de l'Union européenne qui viennent chaque année irriguer directement l'agriculture française, des crédits que la France a décidé, sous la pression du lobby céréalier, de distribuer de la pire manière qui soit.
Plus de 52 % des aides aux marchés et aux revenus agricoles sont des aides découplées, liées aux droits à paiement unique, les DPU. Je tiens à préciser quelle en est la teneur exacte, afin que chacun puisse se faire une opinion précise. Ces aides découplées à la française sont des droits à primes liés à la terre, calculés sur la base des anciennes primes dites « compensatoires » touchées par les exploitants agricoles entre 2000 et 2002.
À titre d'exemple, la prime MAE à l'herbe s'élevait à l'époque à quelque 60 euros l'hectare, tandis que la prime dite « compensatoire » pour le maïs irrigué s'élevait à 490 euros l'hectare.
« Compensatoire », ai-je dit ? En effet, la réforme de la PAC, réalisée en 1993 sous la pression de l'Organisation mondiale du commerce et des contraintes internes à l'Union européenne, s'était accompagnée d'une baisse importante des prix garantis, dont le dispositif de soutien était particulièrement coûteux.
Le budget agricole européen s'en trouva réparti selon des principes nouveaux : beaucoup moins de soutien aux marchés et aux prix, ainsi que deux innovations, à savoir les MAE, qui auront toujours la portion congrue, et les fameuses primes « compensatoires », qui permettront de maintenir le système inique en vigueur depuis des décennies.
L'argent public continuait ainsi de financer prioritairement les exploitations les plus grandes et les plus productivistes : prime à l'hectare, prime au capital, et donc prime à l'agrandissement des exploitations et à la destruction du monde paysan au profit d'agromanagers amateurs de primes !
M. Alain Vasselle. N'importe quoi !
M. Jean Desessard. Je tiens à souligner ce paradoxe : les pouvoirs publics subventionnent le capital au détriment du travail, tout en déplorant officiellement la désertification de nos campagnes !
Avec la réforme de 2006, ces DPU à la française apparaissent comme une véritable rente de situation, dont le caractère franchement indécent saute encore plus aux yeux aujourd'hui.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean Desessard. Je conclus, monsieur le président.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, pour toutes ces raisons, les sénatrices et sénateurs Verts ne peuvent voter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Charles Revet. Ils ont tort ! (Sourires.)
M. Jean-François Le Grand. Nous avons raté une chance historique ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a rappelé le rapporteur spécial, notre collègue et ami Joël Bourdin, les crédits du programme 149, relatif à la forêt, représentent 11 % des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ». Or, en surface, la forêt occupe 28 % du territoire !
Je reconnais que ce rapprochement n'a qu'une valeur tout à fait relative, mais il parle à l'esprit, surtout au lendemain du Grenelle de l'environnement.
Il est vrai qu'il faut tenir compte des dépenses fiscales, pour 87 million d'euros, notamment l'exemption des forêts privées de l'impôt de solidarité sur la fortune, des financements communautaires, pour quelque 58 millions d'euros, et des ressources propres à l'ONF, pour 446 millions d'euros, soit quelque 624 millions d'euros, un peu moins du double des crédits budgétaires que vous demandez pour 2008 et qui s'élèvent à 321 millions d' euros.
Avec quelque surprise, j'ai noté que M. Bourdin semblait vous faire grief des 144 millions d'euros de versement compensateur à l'ONF. Haro sur les crédits de fonctionnement, semblait-il dire !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je me suis mal exprimé !
M. Yann Gaillard. J'ai peut-être mal compris.
Ce versement compensateur, dont vous avez-vous-même fait l'éloge et expliqué l'utilité, monsieur le ministre, a pour objet de permettre le financement du régime forestier dans les forêts communales, lequel s'impose à nos 11 000 collectivités forestières. Sans ce crédit, les frais de garderie payés par les communes à l'ONF dépasseraient les faibles capacités de ces dernières, qui sont souvent très petites, et la forêt péricliterait dans nos zones rurales, alors que le pays attend d'elle, entre autres, la fourniture de bois-matériau et de bois-énergie, la lutte contre l'effet de serre, la protection de la biodiversité, et j'en passe.
Pour ma part, tout en étant moi aussi, comme Joël Bourdin, un modeste servant de la « sainte LOLF » (Sourires), je me réjouis vivement que l'État ait, grâce à vous, monsieur le ministre, respecté l'engagement qui avait été pris à Épinal en juin 2006, et que le deuxième contrat de plan État-ONF 2007-2011 démarre ainsi, avec les communes forestières, dans une atmosphère apaisée.
Aussi ne reviendrai-je pas sur les quelques petites déceptions récentes que nous avons éprouvées.
D'une part, un amendement, adopté à l'Assemblée nationale, a privé de 2 millions d'euros les investissements forestiers au profit des agriculteurs. Il faut bien faire des concessions au Parlement...
D'autre part, un amendement qui nous a été distribué retire 750 000 euros à la forêt pour les bâtiments d'élevage, « en raison de la file d'attente et du profil particulier de l'échéancier de paiement propre à ces bâtiments », précise son objet.
Quoi qu'il en soit, tout cela est second, sinon secondaire, par rapport à la très grande satisfaction que vous nous avez donnée.
Dans ce débat fleuve sur l'agriculture, la forêt dispose de peu de temps. Je passerai donc sur bien des questions pour aller à l'essentiel, c'est-à-dire à l'avenir.
Nous sortons, monsieur le ministre, du Grenelle de l'environnement, dont vous avez été un acteur majeur avec Jean-Louis Borloo. Dans ce cadre, vous vous préparez à lancer les Assisses de la forêt. La semaine dernière, vous en avez défini l'ambitieux programme devant le Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois, où siègent presque tous les acteurs de l'interprofession : forêt-bois, élus, hauts fonctionnaires, forestiers privés et publics, regroupés dans l'association France-Forêt, industriels et savants de haut niveau. Il apparaît, si l'on en croit M. Roman-Amat, que notre forêt est menacée, qu'à l'échelle du demi-siècle le réchauffement climatique modifiera l'implantation géographique, voire la survie de certaines essences, tels le hêtre, le chêne pédonculé et l'épicéa. D'ores et déjà, les contributions aux futures assises s'élaborent.
Se fondant sur l'accord que l'on pourrait qualifier d'historique, et que vous-même avez salué, entre les forestiers, publics et privés, et les écologistes de « France Nature Environnement », l'association France-Forêt vous a présenté trois jeux de fiches. Partant des « références Grenelle » et présentant des plans d'action, elles portent sur le climat et le développement économique - bois-matériau, bois-énergie -, la biodiversité - c'est la fameuse « trame verte » -, l'adaptation de notre sylviculture à la nouvelle donne.
L'ambition affichée d'une mobilisation de la production forestière passe par une amplification de la densité forestière, en montagne comme en plaine, et par une généralisation de la certification. Vous avez fait vôtres ces orientations ambitieuses, monsieur le ministre. À cet égard, vous avez constitué trois groupes de travail qui préparent les Assises de la forêt et qui doivent vous remettre des propositions précises pour le 8 décembre.
Il va de soi que le document budgétaire qui nous est soumis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008 -c'est là que je voulais en venir - est très en-deçà de ces perspectives. Dans votre communiqué du 21 novembre, vous soulignez le rôle essentiel de la forêt - vous l'avez redit ce matin -, qui « stocke chaque année autant de C02 que le volume que l'on demande à nos industriels de réduire dans leurs émissions ».
Il faudra donc bien - ou le Grenelle ne sera qu'un mythe - qu'une étape nouvelle et volontariste s'ouvre dans l'action des pouvoirs publics. Comment seront financées ces mesures multiformes et importantes ? Un tel financement n'appelle-t-il pas le rappel à la vie du défunt Fonds forestier national, qui fut un magnifique instrument au service de la forêt française ?
On parle ici et là d'un « Fonds chaleur », auquel participeraient les activités économiques et fondé sur des combustibles fossiles. Ne pourrait-il s'agir - la nature même du sujet le suggère - d'un programme européen, puisque le réchauffement climatique menace toutes les forêts d'Europe ? Étant donné vos fonctions antérieures - bien connues - et vos convictions européennes - non moins bien connues ! (Sourires) -, une telle suggestion ne devrait pas vous laisser insensible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je ne ferai pas l'analyse de votre budget, puisque les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques se sont livrés à cet exercice ce matin même. Je partage, bien sûr, leurs conclusions.
Je souhaiterais simplement poser quatre questions -deux au ministre chargé de l'agriculture, deux au ministre chargé de la pêche - et faire une suggestion.
La première question concerne la production sucrière. La Seine-Maritime a été un très grand département sucrier. Presque chaque année, pour le tonnage de sucre par hectare, la Seine-Maritime arrivait en tête. Aujourd'hui, nous produisons sur près de 10 000 hectares, alors que notre potentiel est de 60 000 hectares environ.
Très longtemps, la production de sucre était répartie entre le quota B et le quota C, pour maintenir l'activité des entreprises, même si le cours mondial ne permettait pas de rémunérer à leur juste prix les tonnes de betteraves livrées. Le Brésil s'orientant vers la production d'éthanol et réduisant, par conséquent, sa production de sucre - ce n'est pas la seule cause -, les cours mondiaux ont augmenté. À ce moment-là, nous aurions bien voulu développer notre production de sucre pour pouvoir bénéficier d'un résultat économique intéressant, mais l'Europe ne l'a pas accepté !
M. Alain Vasselle. Ce sont des technocrates qui ont pris cette décision ! C'est un scandale !
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, ces données ne peuvent manquer d'interpeler toute personne de bon sens. ! Peut-être faudrait-il regarder cette situation afin de permettre à nos agriculteurs de relancer une activité économique importante de ce type et d'avoir de meilleurs revenus. De plus, pour l'équilibre de notre balance commerciale, cela ne pourrait être que positif.
Ma deuxième question s'adresse également au ministre de l'agriculture. Peut-être pourriez-vous nous dire un mot sur l'évolution des quotas laitiers. On dit beaucoup de choses, mais 2013, c'est demain ! Alors que va-t-il se passer ? Vous avez affirmé que vous feriez tout pour maintenir cette production laitière. Cela représente une sécurité pour ceux qui ont beaucoup investi, et Dieu sait que, dans ce domaine, il faut investir, et pour longtemps ! Nous souhaiterions que vous nous indiquiez l'orientation qui va être prise en ce domaine.
Mes deux dernières questions ont trait à la pêche. Monsieur le ministre, j'ai eu l'honneur et la chance d'être, dans les années quatre-vingt, l'un des représentants de la France à l'ONU lors de la conférence sur le droit de la mer.
À cette occasion, j'ai découvert beaucoup de choses, notamment la richesse des grandes profondeurs, avec les nodules polymétalliques. Mais ce n'est pas l'objet de mon propos. J'ai aussi découvert que la France était la deuxième puissance au monde de par sa zone économique. Cela signifie que nous avons un potentiel extraordinaire. Or nous sommes largement déficitaires, puisque 75 % des produits de la mer consommés par les Français sont importés. C'est tout de même assez étonnant !
Il serait bon de procéder à une analyse de la situation. Je saisis cette occasion, monsieur le ministre, pour vous adresser, ainsi qu'au Président de la République, tous mes remerciements pour les dispositions que vous avez prises rapidement. Elles étaient indispensables pour aider nos pêcheurs côtiers, qui étaient confrontés à des difficultés importantes et qui auraient pu voire leur situation empirer du fait de l'augmentation du coût du carburant. Vous avez réagi très vite, ce qui a permis, de calmer les choses et de les sécuriser.
J'ai longtemps représenté - et je représente encore, puisqu'elle se situe à quelques encablures de chez moi - la grande ville de Fécamp, qui a été une zone de pêche très importante. Elle le demeure en matière de pêche côtière, mais le temps des grands chalutiers est révolu. Il est donc inutile de se poser des questions sur les mesures que nous pourrions être conduits à prendre pour relancer cette grande pêche.
Par ailleurs, compte tenu de l'étendue de nos côtes et de notre zone économique, l'alimentation en produits de la mer ne se fera pas uniquement à partir de la pêche faite au large. Dès lors, le développement de l'aquaculture devrait prendre plus d'importance. Là encore, nous sommes extrêmement faibles, monsieur le ministre, mais notre potentiel est extraordinaire.
Peut-être pourriez-vous nous apporter quelques précisions. Je vous suggérerai d'organiser une table ronde, et non pas de grands colloques, où nous sommes trop nombreux et qui nous font perdre notre temps. Ainsi, nous serions à même d'examiner la situation des intéressés, d'analyser les causes et d'envisager une disposition pour relancer cette activité. Importer 75 % des produits de la mer pour couvrir nos besoins alimentaires est, d'une certaine manière, inacceptable !
Telles sont les réflexions que je souhaitais vous soumettre. Monsieur le ministre, nous somme à vos côtés. L'agriculture et la pêche sont à un tournant extraordinaire. Comme vous l'avez dit, c'est peut-être le moment de rebondir. Nous comptons sur vous et nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » intervient une nouvelle fois dans un contexte budgétaire contraint. L'essentiel des mesures à destination du monde agricole sont néanmoins préservées.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont été largement et très bien commentés par les rapporteurs ce matin. Je voudrais, dans le temps qui m'est imparti, insister sur plusieurs points.
Tout d'abord, je me félicite de la reconduction de la prolongation des dispositifs de remboursement partiel de taxe intérieure sur les produits pétroliers, ou TIPP, et de taxe intérieure sur le gaz naturel au profit des exploitants agricoles. Cette mesure était très attendue par la profession, qui doit faire face, comme chacun le sait, à l'augmentation du coût des carburants, ce qui induit des hausses importantes, notamment des engrais.
Je serai plus nuancé sur la situation du financement des investissements en bâtiments, qui est un sujet de préoccupation très fort, car les subventions du plan national pour le bâtiment sont insuffisantes, alors que les prêts bonifiés ont été quasiment supprimés. La situation de certains jeunes agriculteurs est difficile, voire précaire.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez pris en compte une partie de ces considérations, puisque nous avons appris, le 24 novembre dernier, que vous aviez mobilisé pour les prêts bonifiés des crédits complémentaires sur le budget du ministère de l'agriculture et obtenu du Premier ministre une ouverture complémentaire.
Pouvez-vous me confirmer, monsieur le ministre, d'une part, que la région Rhône-Alpes, qui nous est chère, recevra bien une enveloppe de 1,85 million d'euros et, d'autre part, que vous travaillerez prochainement avec le président des jeunes agriculteurs à une adaptation du mécanisme des prêts bonifiés en 2008, afin d'éviter les files d'attentes ?