M. le président. Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu'en application des décisions de la conférence des présidents le Gouvernement dispose au total de soixante minutes. Or vous avez déjà parlé quarante minutes !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Juste précision, monsieur le président ! M. le ministre aura du mal à répondre ensuite à tous les intervenants.

M. Michel Barnier, ministre. Je serai bref dans ma réponse aux orateurs. Néanmoins, je ne pense pas que mes propos sur les sujets évoqués soient inutiles.

M. Adrien Gouteyron. Au contraire !

M. Michel Barnier, ministre. S'agissant des offices agricoles, leur capacité d'intervention sera maintenue en 2008. Certes, j'ai dû accepter la vente de l'ancien siège de l'Office national interprofessionnel des céréales. Mais je veux assurer à la Haute Assemblée que cette opération s'accompagnera de toutes les garanties nécessaires pour permettre le déroulement normal des interventions des offices. De ce point de vue, j'ai obtenu des assurances du ministre du budget et des comptes publics, Éric Woerth, à savoir que la dotation de base des offices soit réévaluée au minimum à hauteur de 50 millions d'euros. Après cette opération exceptionnelle, le budget pour 2009 retrouvera son montant initial.

Par ailleurs, nous devrons constituer un niveau régional fort. Je veux déconcentrer un certain nombre de missions et de compétences vers l'échelon régional.

Au niveau départemental, nous allons regrouper un certain nombre de compétences autour des directions départementales des services vétérinaires et nous poursuivrons le rapprochement des DDAF, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, et des DDE, les directions départementales de l'équipement, sans préjudice de la future organisation de l'administration territoriale de l'État.

Je proposerai également un certain nombre de modifications et de restructurations au niveau central de l'administration.

Au début de mon propos, faisant écho au titre d'un article d'un grand journal, j'ai dit que l'agriculture était de retour. Les agriculteurs, eux, ont pu sourire de cette formule, car ils ne sont jamais partis. Tel est en tout cas le sentiment général qui s'exprime. La production agricole, l'acte de produire pour nourrir, pour entretenir des territoires, retrouve son actualité et toute sa force au niveau mondial. Ainsi, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, dans un rapport, la Banque mondiale insiste sur le fait que l'investissement dans l'agriculture est celui qui contribue le plus à la lutte contre la pauvreté.

Certes, notre cadre de travail se situe maintenant au niveau européen, car notre politique agricole est quasiment entièrement européenne. Mais, dans un contexte national, grâce à de meilleurs prix - même s'ils posent des problèmes - ou à d'autres activités telles que la production d'énergie ou la biomasse à usage industriel, l'ensemble des agriculteurs peuvent nourrir des espérances nouvelles.

Enfin, toujours à propos de l'Europe, certains évoquent le fameux agenda de Lisbonne comme si celui-ci ne concernait que l'industrie ou le secteur des nouvelles communications. Mais la biodiversité, les nouvelles énergies et donc l'agriculture sont également importantes pour la modernité et la compétitivité de l'Europe.

C'est le message que j'ai fait passer à mes partenaires : pour mettre en oeuvre avec succès la stratégie de Lisbonne, nous avons besoin d'une économie agricole européenne et nationale très forte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de soixante minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme  Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur deux volets importants de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » : la pêche et la forêt. Mon collègue Gérard Le Cam traitera, lui, de l'agriculture.

En ce qui concerne la situation de la pêche, l'an dernier à la même époque, nous attirions l'attention du Gouvernement sur la crise profonde que traverse ce secteur depuis maintenant de nombreuses années. La pêche a d'ailleurs longtemps été l'enfant pauvre du budget agricole. Le Gouvernement a semblé prendre conscience de l'importance du soutien qui doit être apporté à cette filière.

Cette année, l'effort en direction de la pêche est maintenu à crédits constants. Pourtant, comme en témoignent les événements récents, un certain nombre de problèmes persistent.

L'un d'eux - et non des moindres ! - concerne les ressources halieutiques. Les pêcheurs de nos côtes sont en effet de plus en plus malmenés par les politiques conduites aux niveaux européen et international. L'existence même de certains secteurs est d'ailleurs remise en cause.

Il est prévu, dans la loi de finances pour 2008, une forte augmentation des crédits consacrés à la gestion de la ressource et au contrôle des pêches. Nous aimerions avoir quelques précisions sur les priorités de l'action pour 2008 du Conseil de prospective et de stratégie des pêches maritimes, qui doit être créé et réfléchir aux enjeux de gestion, de revalorisation des produits et de réduction de la facture énergétique.

Les crédits alloués aux contrôles des pêches maritimes passent de 2,7 millions à 5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008. Le Gouvernement souhaite ainsi répondre aux nouvelles exigences de Bruxelles. Bien sûr, tous les professionnels reconnaissent l'utilité des contrôles ; il s'agit pour eux de préserver leur outil de travail.

Toutefois, d'une part, on comprend mal l'utilité d'une telle augmentation. Selon nous, c'était loin d'être la priorité au regard des moyens dont dispose déjà la France au travers d'un certain nombre d'administrations : affaires maritimes, douanes, gendarmerie, etc. D'autre part, la politique dictée par l'Union européenne, au service de laquelle seront mis ces moyens, manque de transparence, d'équité et de concertation.

Les exemples de réductions de quotas ou d'interdictions de pêche pure et simple se sont multipliés ces derniers mois. Or, nous le savons, une réduction brutale des quotas peut condamner définitivement une flottille ou un port, tout en ayant des effets pervers compte tenu des reports sur d'autres espèces.

De plus, les techniques modernes de pêche permettent de repérer et de capturer toutes sortes d'espèces avec une plus grande efficacité que par le passé. Or de grandes entreprises ont investi dans ce métier et envoient sur zone leurs navires-usines qui pêchent, trient, nettoient, conditionnent et congèlent le poisson. Cette pêche industrielle, qui travaille beaucoup pour les chaînes de la grande distribution, ne ressent pas les contraintes de la même façon que la pêche artisanale.

En France et en Europe, les bateaux de pêche artisanale subissent la concurrence des navires-usines de manière aggravée. Pour eux les difficultés sont accrues. En effet, d'un côté, compte tenu du coût de la modernisation de leurs bateaux et de l'augmentation du prix du gazole, ils doivent pêcher de plus et plus loin pour tenter de rentrer dans leurs frais et payer les équipages à la part. De l'autre, la diminution de la ressource et la limitation du nombre de jours passés en mer se traduisent, d'année en année, par une diminution des prises, ce qui a des conséquences économiques et sociales douloureuses pour les ports de pêche français.

C'est pourquoi il est essentiel que l'État fasse porter son effort sur la restructuration et la modernisation de la flottille. Au contraire, nous constatons que, sur cette action, les crédits connaissent une baisse de 28,5 %. Cela est d'autant plus regrettable qu'il est question de la sécurité de nos marins. Comme le rappelait M. le ministre à l'instant, le nombre d'accidents et le lourd tribut que paient chaque année nos marins auraient nécessité, au contraire, une augmentation.

De plus, eu égard à la crise structurelle et persistante que connaît la profession, nous déplorons la diminution des sommes allouées aux caisses de garantie chômage contre les intempéries et avaries.

Enfin, s'agissant du prix du gazole, il occupe sans aucun doute une part importante des charges, parfois jusqu'à 30 % ou 40 % du budget. Au retour de la pêche, l'équipage déduit d'abord les frais, puis se divise les revenus. Si le budget consacré au gazole flambe, les parts se réduisent. Aujourd'hui, elles peuvent varier de 300 euros à 500 euros pour une campagne de quinze jours, soit de 600 euros à 1 000 euros mensuels. Autant dire que l'on est proche du seuil de pauvreté...

Toutefois, le prix de la facture énergétique n'est qu'un révélateur d'une situation sociale précaire.

Le président de la République a annoncé plusieurs mesures censées répondre aux difficultés graves que connaissent les pêcheurs.

Nous aimerions avoir des précisions sur le financement et le calendrier des mesures annoncées au début du mois de novembre 2007. Comment va être financé le plan de modernisation des moteurs de bateaux ? Quid de la répercussion du prix du gazole dans le prix du poisson à l'étal, alors que le Gouvernement communique sur la défense du pouvoir d'achat ?

Permettez-nous de dire que nous restons très sceptiques face à ces annonces, notamment sur l'efficacité de l'exonération des cotisations sociales. Le secteur va très mal, et depuis trop longtemps, pour que des demi-mesures suffisent. Il a besoin de réformes d'ampleur pour remettre au centre des débats la sécurité des marins, les effectifs à bord et le prix du poisson au départ du navire jusqu'à l'étal.

J'en viens au programme 149 intitulé « Forêt ».

Après la tenue du Grenelle de l'environnement, tous les ministères ont intégré dans leurs actions la nécessité de conduire des politiques respectueuses du développement durable. Ainsi, monsieur le ministre - et nous nous en réjouissons -, vous avez ouvert les Assises de la forêt, qui ont pour objectif ambitieux de renforcer la production forestière en l'inscrivant dans une gestion durable prenant en compte la biodiversité forestière et la gestion des risques.

Or, si un budget ne fait pas une politique, vous conviendrez qu'une politique sans budget est largement dépourvue d'efficacité. Hélas, c'est un peu l'impression que l'on garde à la lecture des documents budgétaires après les ambitions affichées lors du Grenelle !

S'agissant plus particulièrement de la forêt, il est précisé dans le document budgétaire : « La politique forestière du ministère de l'agriculture et de la pêche, MAP, [...] repose sur l'équilibre entre trois grandes fonctions - écologique, sociale et économique - assurées par les forêts, dans une perspective de développement durable. »

Selon nous, le budget consacré à la forêt reste en deçà de la promotion de ces trois fonctions.

Comme le note le rapporteur, 71 % des crédits du programme couvrent des dépenses de fonctionnement. Cette proportion résulte, pour une large part, du versement compensateur à l'Office national des forêts, subvention pour charges de service public inscrite à l'action n° 2.

Le montant de ce versement compensateur n'est pas laissé à la discrétion du Gouvernement. En vertu des textes, l'État doit verser à l'ONF une somme égale au coût du régime forestier dans le cas où les frais de garderie ne couvriraient pas les dépenses de l'Office. Mais cette somme devrait être réévaluée de 70 millions d'euros pour rester au niveau de celle qui était versée au début des années 1980 ! De plus, si l'on déduit cette somme, on s'aperçoit que les crédits du programme « Forêt » sont en diminution. Cela nous conduit à dire que les investissements de l'État restent trop timides, notamment pour la forêt privée.

La sous-exploitation chronique de nos forêts reste encore un problème. Il est pourtant essentiel d'encourager durablement et régulièrement la filière bois, afin d'exploiter au maximum ce merveilleux patrimoine que constitue la forêt française. À ce titre, il serait utile d'avoir une véritable évaluation de la ressource forestière. Cette question a déjà été soulevée à l'Assemblée nationale ; je crois qu'elle est d'importance.

La sous-exploitation des forêts et leur mauvais entretien sont encore plus préoccupants au regard de l'aggravation du réchauffement climatique. En effet, une forêt qui n'est pas exploitée et qui ne peut se régénérer est une forêt en péril. C'est pourquoi l'État doit s'engager plus fortement s'il veut mener une politique efficace d'un point de vue à la fois économique et environnemental.

En ce qui concerne les personnels, vous serez sans doute d'accord avec nous pour reconnaître qu'une gestion forestière durable ne sera valablement menée que si les moyens en personnel sont en adéquation avec le volume et le niveau des missions.

La loi de finances pour 2008 prévoit une diminution des effectifs de l'ONF. Si l'on tient compte, comme cela est précisé dans le « bleu » budgétaire, de la diminution tendancielle des effectifs prévue par le contrat entre l'État et l'ONF, d'une part, le non-remplacement des départs à la retraite s'appliquerait à l'établissement et, d'autre part, le directeur général de l'ONF l'a confirmé, l'établissement continuerait à supprimer des postes courant 2008, alors que la création de valeur ajoutée se poursuit sans faiblir. Cette diminution des personnels s'inscrit dans un contexte où les produits issus du domaine - vente de bois, location de chasse en forêt domaniale - atteindront en 2007 leur niveau le plus élevé depuis 1999 !

La forêt constitue pour notre pays un atout considérable en termes social, environnemental et économique. Mais la reprise des cours du bois ne doit pas faire oublier la fragilité d'une filière qui reste peu rentable et qui connaît un faible niveau d'intégration.

Monsieur le ministre, certaines activités sont mises en difficulté du fait des politiques menées par votre Gouvernement. Nous connaissons la crise que traverse, à l'heure actuelle, l'industrie papetière, qui est véritablement « étranglée » par le coût de sa facture énergétique. De même, la fermeture généralisée des gares de fret porte un coup très dur à la filière dans son ensemble.

En conclusion, monsieur le ministre, que ce soit dans le secteur de la pêche ou de la forêt, ces activités ont un rôle d'aménagement du territoire, économique et social essentiel. Les questions environnementales ne peuvent pas être exclues de l'approche des politiques menées dans ces secteurs. Toutefois, les crédits qui leur sont alloués dans la loi de finances pour 2008, mal répartis, trop timides, sont insuffisants pour répondre honnêtement aux objectifs affichés. C'est pourquoi nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps dont je dispose, je m'en tiendrai à l'essentiel, avec quelques scrupules toutefois face aux interventions substantielles et argumentées de nos différents rapporteurs.

Monsieur le ministre, votre intervention, si dense, est une belle illustration des efforts accomplis en faveur du développement de l'agriculture, pour la pêche, la forêt et la ruralité, efforts que, globalement, je salue.

Je me bornerai donc à la présentation de quelques problèmes de terrain rapportés par des responsables du secteur agricole d'un département à forte dominante rurale et partiellement zone de montagne, et à des questions ponctuelles.

Je commencerai par évoquer deux aides agricoles, la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, et l'indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN. Je vous ai bien entendu sur ces deux sujets, monsieur le ministre, et je veux croire que le financement de ces aides ne posera pas de problème en 2008.

S'agissant de la PHAE, le montant de l'enveloppe attribuée en 2007 permettra-t-il de servir les hectares primables ? C'est bien la question qui se pose. Les contraintes administratives qui pèsent sur les éleveurs ayant des parcelles engagées en PHAE ne pourraient-elles être allégées dès lors que les taux de chargement et de spécialisation qui fondent le soutien financier sont respectés ?

Dans ma région, pour honorer les nouvelles demandes, il serait nécessaire, en l'état actuel des choses, de ramener le plafonnement de 100 hectares à 80 hectares. Est-ce rêver que d'émettre un tel souhait ?

S'agissant de l'indemnité compensatoire de handicap naturel, qui est un outil indispensable à la pérennité de l'agriculture de moyenne montagne, les engagements pris précédemment, en 2003 si je ne m'abuse, pourront-ils être tenus ?

M. André Lejeune. On attend !

M. Georges Mouly. Là encore, je vous ai bien entendu, monsieur le ministre. Mais permettez-moi de vous poser une question précise : le conjoint ne pourrait-il être reconnu pour l'octroi d'une ICHN ?

J'en viens à la production ovine, dont la situation de crise est bien connue ; vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Je note qu'il en est tenu compte puisqu'un plan de soutien prévoit, entre autres, une aide complémentaire pour les éleveurs dont le taux de spécialisation atteint 50 % et dont le troupeau compte au moins 150 brebis allaitantes, ce qui est, semble-t-il, un minimum.

Dans mon département, la Corrèze, les éleveurs ovins sont rarement spécialisés à plus de 50 %. Je veux cependant partager le sentiment des responsables de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, qui voient dans ces mesures le début d'« une réelle prise en compte de la crise ovine ».

Comment ne pas aborder le problème de la fièvre catarrhale ? Dans une démarche conjointe menée avec mon collègue Bernard Murat, nous avons évoqué la possibilité de réaliser des tests à partir de mélanges sanguins sur des lots de cinq animaux ou plus, ce qui permettrait d'accélérer les démarches et d'en diminuer le coût. Nous avons également proposé que les éleveurs puissent réaliser eux-mêmes les vaccins, comme cela semble être le cas dans d'autres pays.

Les crédits de modernisation sont réduits, ai-je pu lire, à la portion congrue. En réalité, des choix devaient être faits, j'en conviens, parmi les nombreux axes d'intervention possibles et je comprends qu'aient été retenus ceux qui peuvent bénéficier d'un effet de levier, grâce au financement communautaire, notamment la modernisation des exploitations et la politique d'installation.

À la fin du mois d'août 2007, quelque 160 dossiers « bâtiments d'élevage » se trouvaient en attente de financement dans mon département. J'ai noté, comme chacun a pu le faire, une augmentation des crédits de paiement pour résorber précisément ces files d'attente. J'espère que cette mesure permettra de résoudre le problème.

Les subventions dorénavant allouées obéissent-elles aux mêmes critères que précédemment ? Dans le cas contraire, les agriculteurs qui ont bâti leur plan de financement sur les bases connues seraient en difficulté. Plus globalement, le handicap des départements qui n'ont que peu bénéficié, du fait de la petite taille de leurs exploitations, des financements du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, n'en serait que plus accentué.

À propos de l'installation, je lis sous la plume des jeunes agriculteurs de mon département : « Une victoire pour les prêts bonifiés. » Annoncés tout au long de l'année lors des différents rendez-vous avec la profession agricole, ils sont enfin assumés par vous-même, monsieur le ministre. Il s'agit donc d'un sujet de satisfaction dont je me fais l'écho avec plaisir.

Les crédits du dispositif « agriculteurs en difficulté », ou crédits AGRIDIFF, sont en diminution. Mais je ne puis imaginer, monsieur le ministre, que vous laissiez un jour, vous-même ou vos services, au bord de la route les agriculteurs en difficulté. J'ai bien compris la position de la MSA, la Mutualité sociale agricole, en la matière.

J'évoquerai maintenant une question d'importance, plus généralement ressentie dans les départements à forte proportion de personnes âgées, à savoir les retraites. Il convient de rappeler que, depuis 2003, des avancées sensibles ont été réalisées. J'aurais aimé les évoquer, mais je n'en ai malheureusement pas le temps. La référence aux 75 % du SMIC doit cependant être constamment rappelée.

Que penser d'une demande de suppression pure et simple des minorations sur les revalorisations des petites retraites ? De ce point de vue, il existe des situations très difficiles. En la matière, dans la perspective de la mise en oeuvre des engagements du Président de la République, je veux vous exprimer ma confiance, monsieur le ministre, en attendant les rendez-vous sur les retraites de 2008.

Je souhaite également vous manifester mon espoir et ma confiance pour ce qui concerne la situation quelque peu catastrophique, il faut bien le reconnaître, du FFIPSA, le Président de la République ayant pris l'engagement d'un financement pérenne.

Telle est la série de questions et de réflexions que je souhaitais formuler.

Par ailleurs, je tiens à vous faire part de ma satisfaction concernant la place tenue dans mon département par les pôles d'excellence rurale.

À l'heure de la mondialisation, de l'accroissement de la demande alimentaire mondiale, des questions environnementales, mes questions ponctuelles trouvent difficilement leur place. Vous avez abordé ces sujets, monsieur le ministre, et vous trouverez, lors de votre prochaine venue dans mon département, des interlocuteurs qui sauront aborder les problèmes à ce niveau-là.

Le Livre blanc a été présenté voilà peu de temps dans mon département. À cet égard, « les syndicalistes du Massif central se positionnent fortement dans le débat européen. Ils ont dressé sur ce document un projet refondateur pour une PAC plus lisible, plus efficace et plus équitable ». Belle ambition !

Ma volonté et ma confiance vous accompagnent, monsieur le ministre, vous qui êtes à la tête d'un grand ministère. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à préciser que je parle au nom de mon collègue Jean Boyer. Ne l'oubliez pas, car vous pourriez être surpris de m'entendre tenir certains propos. (Sourires.)

Je voudrais d'abord saluer votre présence, monsieur le ministre, à la tête de cet important ministère de l'agriculture et de la pêche, qui concerne l'ensemble de notre territoire, qu'il s'agisse du littoral, de la plaine ou de la montagne. Le Savoyard que vous êtes aura à coeur de comprendre et de défendre, j'en suis convaincu, les intérêts qui concernent les zones de montagne.

Dans le Cantal, proche de la Haute-Loire, vous avez même parlé d'un « ministre des agricultures ». C'est au nom de l'une de ces agricultures, qui ne demande pas de privilèges, mais simplement la parité, que je veux m'exprimer ce matin.

Chaque année, l'étude du budget de l'agriculture mobilise notre attention, car nous savons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, la place que celle-ci a tenue hier, qu'elle tient aujourd'hui et qu'elle devra tenir demain dans notre pays, avec des vocations nouvelles et complémentaires dans des mutations successives indispensables et nécessaires.

Dans cette perspective, nos agriculteurs doivent être prêts à faire face, en sachant s'adapter et réagir en permanence. La réflexion lancée dans le cadre du Grenelle de l'environnement montre combien l'agriculture, en France et dans le monde, occupe une place majeure, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, notamment par rapport au défi alimentaire mondial qui est le sien. Nourrir sept milliards d'habitants aujourd'hui, et neuf milliards en 2050, quel défi ! Comment l'aborder ?

Nous le savons tous, le contexte budgétaire difficile qui est le nôtre aujourd'hui demande de définir des priorités. Malgré cela, vous avez su faire entendre la voix de l'agriculture de notre pays, monsieur le ministre, et votre forte implication est constructive, car elle est reconnue au niveau européen. Elle en est un signe essentiel pour l'avenir.

J'en veux pour preuve votre mobilisation permanente et votre volonté de nous informer régulièrement, en vous servant des technologies de l'information et de la communication, par le biais de courriels que nous recevons dans nos permanences. Je vous remercie beaucoup de cette attention.

Connaissant votre attachement aux problèmes de la montagne, je souhaite avant tout attirer votre attention sur cette agriculture spécifique, frappée de nombreux handicaps et qui mérite une attention, un soutien et un accompagnement permanents.

La montagne souffre et, avec elle, tous nos territoires ruraux, soucieux de leur aménagement et de leur développement. Nos éleveurs ont bien des difficultés. Concernant l'avenir, se font jour des problèmes de trésorerie, mais aussi de lisibilité en matière de production, que ce soit pour les bovins - lait et viande - ou pour la filière ovine, sans oublier la filière porcine, qui traverse à l'heure actuelle une très grave crise.

L'agriculture de montagne ne demande rien d'autre, je le disais au début de mon intervention, qu'une parité, une équité et une certaine égalité dans l'appréhension de ses difficultés. Elle souhaite que lui soient reconnus également les nombreux handicaps qui la caractérisent. Je pense, entre autres, à la collecte du lait, qui doit être assurée tous les jours, quel que soit le temps, même pendant les hivers les plus rigoureux. Je n'oublie pas non plus les normes spécifiques des bâtiments d'élevage dans les zones de montagne, les mesures agro-environnementales particulières, la multiplication des contrôles, appliqués parfois avec un manque de réalisme et de bon sens.

Autre sujet d'inquiétude, monsieur le ministre, un impondérable vient aggraver la situation déjà fragile de nos exploitations : le prix du baril de pétrole. La situation devient préoccupante, car elle hypothèque tous les jours un peu plus le revenu de nos agriculteurs. Avons-nous véritablement la volonté de mettre en place une filière de biocarburants ? Je le sais, cela ne fera pas de miracles, mais encourageons les expériences, afin de pouvoir juger et fixer durablement les perspectives possibles pour l'avenir.

L'un des blocages actuels ne serait-il pas la filière fiscale qui, elle, ne demande pas trop de technicité, mais engendre, malheureusement, une trop grande production normative et administrative ? Ne peut-on pas faire fi quelques instants de ces obstacles et encourager, comme il se doit, une technologie nouvelle, une évolution naturelle, une innovation essentielle pour l'avenir de la France ? Sommes-nous prêts à répondre rapidement et de la meilleure manière qui soit à ce projet non seulement déterminant pour l'indépendance énergétique de notre pays, mais aussi de nature à renforcer le pouvoir d'achat, sujet dont on parle tant et qui inquiète tous nos concitoyens ?

Régulièrement, je profite de ma présence à la tribune du Sénat pour rappeler combien il est important de favoriser l'installation de nos jeunes agriculteurs, mais également de permettre à tous ceux qui ont oeuvré, avec beaucoup de courage et de détermination, une longue partie de leur vie, de pouvoir bénéficier, comme il se doit, d'une retraite bien méritée.

Chaque année, la question des préretraites dans l'agriculture pose problème, car les dotations sont trop faibles. Pour les retraites, reconnaissons-le, des avancées ont été obtenues, avec la retraite complémentaire obligatoire. Au moment même où l'on souhaite favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, permettons à ceux qui le désirent, mais aussi à ceux qui en ont le plus besoin, de pouvoir partir à l'âge qui leur convient, compte tenu de leur état de santé ou de leurs difficultés économiques.

Pour nos zones de montagne, la revalorisation de l'indemnité compensatrice des handicaps naturels est une nécessité, dont les enjeux, pour l'agriculture de demain, sont énormes. Sur ce point, monsieur le ministre, je vous remercie des propos que vous avez tenus. En effet, la revalorisation de 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares, mesure annoncée à maintes reprises et limitée, aujourd'hui, à 35 %, constitue un véritable sujet de préoccupation. Les plafonds européens n'étant pas atteints, cette disposition devrait permettre de pérenniser et de clarifier la politique de soutien à l'agriculture de montagne, à laquelle vous êtes attaché.

S'agissant du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, je mesure combien les efforts successifs de nos gouvernements en la matière ont permis des avancées depuis 2004. L'enveloppe budgétaire a en effet été portée de 23 millions à 120 millions d'euros, dont 42 %, soit précisément 42 millions d'euros, sont consacrés aux zones de montagne. De 19 000 euros en zone de plaine à 32 000 euros en zone de montagne, cette aide moyenne offre aux exploitants une véritable bouffée d'oxygène. Cependant, dans le même temps, le nombre de bâtiments à financer a été multiplié par trois.

Vous le savez, le succès rencontré par ce plan est incontestable, mais il trouve aujourd'hui ses limites, puisque le nombre de dossiers en attente - près de 10 000, soit trois années de retard - est impressionnant. Même s'il vous a été permis de débloquer une enveloppe complémentaire de 23 millions d'euros, portant ainsi la participation française à 75 millions d'euros, il est plus que nécessaire - je sais que telle est votre volonté, monsieur le ministre -, pour ne pas créer de précédents, d'inégalités, de fossés, de solder l'ensemble des dossiers en attente.

Il est également impératif de mettre en oeuvre cette mesure dans des conditions identiques à celles qui étaient en vigueur lors du dépôt des dossiers.

Cette mesure d'équité est d'autant plus vraie que nos agriculteurs en zone de montagne connaissent des coûts de construction plus importants eu égard au climat, à la topographie, à l'isolement - capacité plus importante -, sans oublier la disparition des prêts spéciaux de modernisation.

L'économie agricole, en montagne donc en zone rurale, ne peut être laissée au bord de la route : elle doit, comme toute activité économique, être accompagnée et soutenue. Le plan de modernisation des bâtiments en est l'un des moyens, principalement chez nous, en zone de montagne.

En terminant mon propos, je veux très simplement, avec la détermination de Jean Boyer, aborder une fois de plus la question de la nécessaire simplification administrative. Nous en sommes tous d'accord et nous l'appelons tous de nos voeux, mais elle ne vient pas !

Elle devrait faciliter, autant que faire se peut, toutes les aides à l'agriculture, notamment celles qui concernent les contrats agro-environnementaux. Qui de nous n'a pas rencontré un agriculteur se plaignant du nombre de dossiers qu'il avait eu à remplir pour obtenir, au bout du compte, une petite aide.

M. Paul Girod. Et comment !

M. Philippe Nogrix. Il ne suffit pas de mobiliser nos énergies sur des lancements de plan de relance des différentes filières si, dans le même temps, les tracasseries administratives, les mesures de contrôle et les réglementations viennent contraindre un peu plus chaque jour notre agriculture, de montagne ou d'ailleurs.

Permettez-moi de vous dire, à l'instar du philosophe Maurice Blondel : « L'avenir ne se prévoit pas, il se prépare ».

Vous en êtes le parfait exemple, monsieur le ministre. Vous l'avez confirmé ce matin, vous êtes prêt à anticiper l'avenir de notre agriculture, sa modernisation, et à relever le challenge de son évolution. C'est un ancien agriculteur, devenu sénateur, qui vous l'affirme. Ces propos sont signés de Jean Boyer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget consacré, en 2008, à l'agriculture, la pêche, la forêt et les affaires rurales symbolise clairement la politique conduite par le gouvernement actuel, fondée sur l'effet d'annonces, l'incohérence, voire la contradiction.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Bernard Piras. Ce secteur d'activité, pourtant censé, selon les dires du Président de la République, devenir prioritaire en raison de son intérêt stratégique pour nos échanges commerciaux, accuse une baisse, en 2008, de 2,37 % en euros constants, soit 4% en euros courants.

L'agriculture paie peut-être, et même sans doute, les cadeaux fiscaux de cet été ! (Exclamations au banc des commissions.)

Je n'ose imaginer la réaction de la droite sénatoriale si un gouvernement de gauche avait osé présenter un tel budget ! (Oh la la ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Charles Revet. Allons, allons !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. C'est une réalité !

M. Bernard Piras. Depuis que je suis sénateur, je n'ai jamais vu un budget autant dénoncé par les organisations représentatives agricoles. Elles ont unanimement fait part de leur mécontentement, même celles qui sont peu enclines habituellement à critiquer la majorité actuelle.

Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu'un bon budget est forcément un budget en augmentation. Cependant, en l'occurrence, au travers des arbitrages réalisés, les résultats prévisibles vont à l'encontre des objectifs à atteindre pour assurer la pérennité de notre agriculture. Il en est ainsi de l'effort nécessaire pour orienter l'agriculture vers un meilleur respect de l'environnement, effort qui se révèle inexistant.

La baisse de 7,65 % du soutien aux territoires et aux acteurs ruraux, conjuguée avec celle qui affecte les mesures agro-environnementales et les territoires, souligne l'abandon des territoires ruraux, attitude confirmée d'ailleurs par les décisions prises dans d'autres domaines, notamment en ce qui concerne la réforme de la carte judiciaire. Les territoires ruraux sont à l'abandon !

Que penser, alors, de la diminution des crédits consacrés au renouvellement des exploitations, accentuée par l'enveloppe insignifiante accordée aux prêts bonifiés, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure ? Mal préparer l'avenir est une faute politique tant pour le secteur agricole que, plus largement, pour l'ensemble de la ruralité, qui en est fortement dépendante.

En ce qui concerne la valorisation des produits, l'orientation et la régulation des marchés, les crédits consacrés au développement des produits « bio » sont insignifiants au regard des enjeux économiques, d'aménagement du territoire et environnementaux. Les organisations agricoles dénoncent, par ailleurs, le peu d'efforts financiers de solidarité déployés par l'État à l'occasion de la mise en place de l'assurance récolte, chère à notre ami Gérard César.

De même, il est clair que la promotion à l'international des produits et du modèle agroalimentaire français n'est plus une priorité. Je m'arrêterai là, mais je pourrais multiplier les exemples démontrant l'incohérence et la nocivité des arbitrages réalisés à l'occasion de la préparation du budget qui nous est soumis.

Je souhaite évoquer rapidement deux sujets ne relevant pas directement de cette mission, mais qui ont une influence majeure sur la bonne santé du monde rural présent et à venir.

En premier lieu, il s'agit de l'enseignement agricole. Je ne m'attarderai pas sur la qualité de cet enseignement, consacrée notamment par l'exceptionnel taux d'insertion professionnelle qu'il assure, soit 85 % en moyenne.

La baisse, cette année encore, du nombre de postes - 45 équivalents temps plein dans le secteur public et 29 équivalents temps plein dans le secteur privé -, la différence de traitement entre le privé et le public, aux dépens de ce dernier, puisque la baisse est de 3 % pour l'un et de 1,3 % pour l'autre, la suppression de 100 heures d'enseignement par an et par classe, le projet de suppression du stage de préinstallation de six mois, sont autant de signaux négatifs envoyés aux enseignants et aux élèves, ainsi qu'au monde rural en général, tant ces établissements sont étroitement liés au tissu local.

À titre d'exemple, pour la Région Rhône-Alpes - que vous connaissez bien, monsieur le ministre - neuf classes et quatorze postes d'enseignants seront supprimés à la rentrée de 2008.

Ne pas reconnaître la réussite de cet enseignement, ne pas la pérenniser, ignorer les besoins futurs d'adaptation de notre agriculture, sont des fautes qui vous incombent, monsieur le ministre.

En second lieu, je veux aborder brièvement la question des retraites agricoles. Il est fort regrettable que, lors de la dernière législature, les gouvernements successifs n'aient pas poursuivi l'amélioration sans précédent apportée, entre 1997 et 2002, par le plan quinquennal du gouvernement Jospin.

Alors que nous avons alerté le Gouvernement, dès 2004 et lors de chaque budget, sur l'insuffisance du financement consacré au FFIPSA, compte tenu de l'instabilité des recettes fiscales lui étant affectées, la situation est désormais catastrophique et le déficit abyssal.

Sur la pérennisation du financement du FFIPSA et la revalorisation des retraites agricoles, des engagements ont été pris par le Président de la République. Malheureusement, aucune mesure permettant de les honorer ne ressort du budget qui nous est présenté.