M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercierai tout d'abord les orateurs qui viennent de s'exprimer, M. le rapporteur spécial, Joël Bourdin, et les rapporteurs pour avis Gérard César, Jean-Marc Pastor, Gérard Delfau et Alain Gérard.
Je souhaite, dans ce débat interactif entre le Gouvernement et la Haute Assemblée, saisir ce premier moment pour vous exposer dans quel esprit j'ai l'honneur, depuis quelque six mois, d'animer ce grand ministère de l'agriculture et de la pêche et d'agir au service du monde rural, de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire de notre pays.
Je veux à mon tour rappeler que le projet de budget pour 2008 s'inscrit dans un contexte de changement, dans un environnement en mutation qui place chaque jour davantage l'agriculture au coeur des défis de la société. Il m'est déjà arrivé, devant un congrès de représentants professionnels, de souligner que la question agricole ne se réduisait pas à la seule question des agriculteurs : c'est une question de société. Voilà quelques semaines à peine, je lisais dans un grand journal du soir, vous l'avez sans doute lu comme moi, un article bien placé intitulé « Le grand retour de l'agriculture ».
Tous ceux qui s'intéressent au sujet - vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, mais aussi les agriculteurs, les producteurs, les pêcheurs - se trouvent donc de nouveau au coeur des nouveaux défis de la société, et c'est heureux.
C'est d'abord le défi alimentaire qui se pose à l'Europe et au monde. L'Institut national de la recherche agronomique rappelait il y a quelques semaines que, pour nourrir 9 milliards d'habitants sur notre planète en 2050, il va falloir doubler la production agricole : produire plus, donc, mais aussi produire mieux, pour tenir compte du fait que les ressources naturelles, les espaces naturels, ne sont ni gratuits ni inépuisables. C'est notamment la leçon du Grenelle de l'environnement.
N'en doutez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, et portez ce message autour de vous : parce qu'ils sont les seuls dans notre société dont le travail soit quotidiennement lié à l'eau, à l'air, au sol, les agriculteurs sont les premiers concernés par le dérèglement climatique, qui va s'accentuer.
Le contexte agricole connaît, lui aussi, de forts changements, avec des marchés très volatils, des risques de délocalisation des productions, de la valeur ajoutée agricole, des emplois dans une économie agricole plus ouverte et bien évidemment tournée vers les marchés mondiaux.
Cette transition, ces changements, cette période de « croisée des chemins », pour reprendre l'expression de Gérard César, nous les abordons avec ambition et confiance, dans un contexte budgétaire difficile, en effet.
J'ai une ambition, un projet : construire une grande politique de l'alimentation, de la ruralité, de l'agriculture et de la pêche. Diverses occasions s'offrent à nous d'y travailler dès maintenant dans ce nouveau contexte, dont je veux rappeler quelques éléments.
D'abord, 2009 sera une année en partie neutralisée du fait des élections européennes et du renouvellement de la Commission. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité engager dès 2008 le grand débat sur la future politique agricole et saisir toutes les occasions offertes par le bilan de santé de la PAC.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Michel Barnier, ministre. Nous n'attendrons pas, car, l'expérience que j'ai acquise comme commissaire européen - j'étais alors chargé d'une autre grande politique qui vous intéresse, la politique régionale et des fonds de cohésion - me permet de l'affirmer, il ne faut pas, ni en Europe ni non plus, si possible, en France, que le débat budgétaire précède le débat politique.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Michel Barnier, ministre. C'est le contraire qui est normal : il faut d'abord un débat d'idées, il faut d'abord un débat politique.
C'est ce débat que, sans attendre, nous voulons conduire avec nos partenaires européens. Pour cette raison, il sera ouvert au début de la présidence française, dès le 1er juillet 2008.
Ensuite, puisque je viens de les évoquer, les propositions formulées par la Commission dans le bilan de santé nous fournissent une deuxième occasion, plus proche encore dans le temps puisque le rapport de la Commission a été publié tout récemment. Nous n'aborderons pas ce bilan de santé de manière défensive, en nous cramponnant à la politique existante, qui a certes de très bons atouts, mais qui mérite d'être adaptée. Notez-le bien, mesdames, messieurs les sénateurs - et, là aussi, je m'appuie sur mon expérience de la Commission et du débat européen -, nous allons sortir d'une logique de guichet pour aller vers une logique de projet.
Tel est donc l'état d'esprit dans lequel nous aborderons ce rendez-vous du bilan de santé, mais aussi le suivant, qui portera sur la politique agricole elle-même pour l'après-2013.
Pour la même raison, nous changerons d'attitude avec nos partenaires. J'ai souvent répété - je l'avais dit, notamment, lorsque j'étais ministre des affaires étrangères - que « la France n'est pas grande quand elle est arrogante, qu'elle n'est pas forte si elle est solitaire ». Nous ne serons pas arrogants, et nous ne serons pas solitaires.
J'ai donc intensifié, de manière besogneuse, nos relations avec nos partenaires. J'étais en Pologne la semaine dernière, je serai cette semaine en Bulgarie et en Roumanie pour créer ce tissu, cette solidarité ; non pas pour défendre le passé, mais pour bâtir ce projet que j'évoquais tout à l'heure. Ainsi, j'aurai rencontré avant le début de la présidence française, chez eux, tous nos partenaires et tous mes collègues ministres de l'agriculture et de la pêche.
En outre, la forte augmentation des prix des matières premières remet l'économie au coeur de la production agricole et, je me permets de le souligner, provoque de vrais problèmes pour certaines filières, durement touchées par l'augmentation des coûts de production : la filière avicole, les veaux de boucherie, le porc. Néanmoins, dans ce contexte d'évolution des marchés qui voit les prix atteindre durablement un niveau élevé, plus élevé en tout cas que jamais dans le passé - je pense en particulier aux grandes cultures, au bois, au lait -, nous avons la possibilité d'ouvrir le débat de manière plus constructive et plus sereine.
Enfin, le quatrième élément de ce contexte, élément qu'il ne faut pas oublier, ce sont les négociations à l'OMC. Même si leur conclusion semble s'éloigner, nous resterons, comme l'a indiqué le Président de la République, très fermes et très vigilants : nous ne pourrons évidemment pas accepter que l'agriculture devienne je ne sais quelle variable d'ajustement d'un accord à tout prix qui se ferait au seul bénéfice des pays émergents et au détriment des intérêts agricoles européens et, du même coup, des pays les plus pauvres.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour préparer ces rendez-vous, pour préparer ce projet agricole, alimentaire et territorial, j'ai proposé une méthode, dans un esprit de dialogue et de transparence, à travers les assises de l'agriculture. Parlement de l'agriculture, en quelque sorte, elles rassemblent déjà des responsables agricoles, auxquels nous avons associé d'autres acteurs, en particulier les ONG qui interviennent en matière d'environnement ou les consommateurs, que j'ai déjà rencontrés.
Nous prendrons en compte les conclusions du Grenelle de l'environnement et nous nous appuierons sur le socle des propositions qu'il a formulées afin de bâtir ce projet agricole, alimentaire et territorial. Nous prendrons également en compte le débat qui s'est ouvert sur le bilan de santé de la PAC. Ainsi, ces assises nous permettront de préparer le futur grand rendez-vous pour la PAC de l'après 2013.
Plusieurs orateurs m'ont interrogé, justement, sur le calendrier de ce bilan de santé. Notre objectif est de conclure en décembre prochain le débat qu'il a suscité et dans la foulée, parce que les choses sont liées, d'ouvrir sans attendre, sous la présidence française, le grand débat sur la future politique agricole commune, comme je l'ai déjà indiqué ; le Conseil informel des ministres de l'agriculture et de la pêche qui se tiendra à Annecy les 21, 22 et 23 septembre prochains en sera l'occasion.
C'est dans le même état d'esprit que j'aborde une autre négociation qui, monsieur César, a fait ici même, il y a quelques nuits, l'objet d'un long et intéressant débat : la négociation sur l'OCM vitivinicole. Elle se présente difficilement, et j'espère que nous aboutirons ; mais je n'en suis pas sûr. Nous n'accepterons pas n'importe quel accord, car nous voulons préserver le modèle agricole européen en général et, à l'intérieur de ce modèle, la production de vins en provenance de vignobles qui sont ancrés dans des territoires attachés à leur identité et à leur authenticité.
Si vous me le permettez, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'attarderai encore un instant sur l'ensemble de ces sujets pour les inscrire clairement dans la problématique générale qui est depuis assez longtemps celle du débat européen et qui, actuellement, s'accentue.
Depuis cinquante ans, la construction européenne voit se confronter deux idées de l'Europe. L'une, que nous n'approuvons pas, mais qui n'en est pas moins vigoureuse, est celle d'une Europe « grande zone de libre-échange », avec quelques règles, des fonds de soutien ou de solidarité - les Anglais les nomment charity funds -, une grande compétition fiscale et sociale à l'intérieur, et toutes les portes et les fenêtres ouvertes sur l'extérieur : c'est la vision anglo-saxonne. Je ne dis pas cela pour être désagréable, mais parce que cette vision existe et qu'elle est très forte, à Bruxelles comme ailleurs.
La seconde vision est celle que nous défendons depuis le début avec les cinq autres pays fondateurs - notamment avec nos partenaires allemands -, aujourd'hui rejoints par d'autres pays situés plus à l'est, en Europe centrale, orientale et baltique. Dans notre perspective, l'Union européenne doit être, bien sûr, un grand marché, mais soumis à des règles ; elle doit être aussi une communauté solidaire menant des politiques intégrées.
Nous avons pour l'heure deux grandes politiques intégrées : la politique régionale, que j'ai gérée pendant cinq ans, et la politique agricole, qui fait aujourd'hui l'objet de notre débat, démontrent que l'Union européenne ne se résume pas à un supermarché, qu'elle est aussi une communauté solidaire. J'espère que d'autres politiques intégrées suivront et que l'Union sera capable d'avoir une voix politique grâce à une politique étrangère et une politique de défense.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le secteur agricole et, en son sein, le secteur du vin se trouvent clairement au point de confrontation de ces deux idées. Vous connaissez mes convictions politiques, celles que je sers au côté du Président de la République et du Premier ministre.
Je pense que, dans le monde globalisé où nous vivons, l'idée d'une libéralisation généralisée n'est pas forcément une idée juste.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Michel Barnier, ministre. Je ne me suis pas battu pour la cause européenne pour autoriser, en tout cas pour accepter aujourd'hui que toutes les portes et les fenêtres soient ouvertes, pour remettre en cause ce que nous avons mis cinquante ans à construire.
Disant cela, je ne me cantonne pas dans je ne sais quel débat franco-français, comme s'il s'agissait simplement de défendre le modèle français ou l'exception française. Un journal britannique soulignait hier que cette question était également au coeur de la campagne présidentielle aux États-Unis, où l'on s'interroge de la même façon sur la justesse d'une libéralisation généralisée.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bien sûr !
M. Michel Barnier, ministre. Les raisons sont d'ordre écologique, social, sanitaire ; entre aussi en ligne de compte ce modèle agricole que nous évoquions et qui est ancré dans les territoires.
Tout cela, mesdames, messieurs les sénateurs, exige des outils de régulation, des outils de stabilisation. Cela exige des règles, des solidarités, des protections - et non du protectionnisme ! -, bref : cela exige une nouvelle préférence européenne.
Je tenais à préciser tous ces points parce qu'ils sont le fond de ma conviction, celle que je défends aujourd'hui à la tête de ce grand ministère de l'agriculture et de la pêche, celle que je défendais déjà dans les autres fonctions que j'ai pu exercer.
J'évoquerai maintenant la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », dont les crédits de paiement sont en légère baisse et les autorisations d'engagement en hausse de 5,3 %, en raison notamment du renouvellement massif des contrats de la prime herbagère agro-environnementale qui interviendra en 2008.
Ces dotations budgétaires doivent être mises en discussion en les reliant aux crédits communautaires. En effet, quand on parle de l'intervention économique agricole, il s'agit de près de 9 milliards d'euros dans le premier pilier de la PAC, auxquels s'ajoute 1 milliard d'euros dans le deuxième pilier.
Ces 10 milliards d'euros par an attribués à notre pays au niveau européen sont à rapporter au budget de 1 milliard d'euros, dont nous présentons la plus grande partie aujourd'hui au Sénat, si l'on enlève les crédits qui relèvent du fonctionnement et d'un autre poste dont nous avons discuté à propos de l'enseignement agricole.
La proportion est donc de dix à un s'agissant de l'action économique agricole. C'est dire que cette politique est principalement européenne et que la plupart des solutions sont à chercher avec nos partenaires européens.
Malgré les difficultés que M. le rapporteur spécial a décrites et qui sont héritées de pratiques passées - je ne les justifie pas, mais je dois les assumer - ce budget repose sur plusieurs priorités que j'ai voulu préserver.
Les deux premières sont les outils de gestion des aléas et le soutien au renouvellement des générations dans une agriculture durable ; je veux en effet être le ministre d'une agriculture durable. Une agriculture durable, ce n'est pas seulement une agriculture qui est davantage respectueuse de l'environnement, c'est une agriculture qui dure au travers du renouvellement des générations.
La troisième priorité concerne le renforcement des activités en faveur d'un développement agricole et forestier durable.
Enfin, la quatrième priorité a trait à la modernisation de l'outil que constitue ce ministère.
J'assume depuis près de six mois la fonction de ministre de l'agriculture et de la pêche et je suis, comme vous, confronté chaque semaine à des crises liées à la volatilité croissante des prix, à des crises sanitaires de plus en plus fréquentes : l'influenza aviaire, les dioxines, la sharka ou la chrysomèle du maïs, et surtout, dans soixante-sept départements aujourd'hui, la fièvre catarrhale ovine, que les éleveurs, les services de l'État, les vétérinaires libéraux et les laboratoires affrontent avec beaucoup de responsabilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous n'avons pas aujourd'hui dans notre pays les outils nécessaires pour affronter la multiplication de ces crises économiques, sanitaires et climatiques, quand elles ne se conjuguent pas au même moment !
Comme me l'a demandé le Président de la République, je travaille avec Christine Lagarde à une généralisation des mécanismes de gestion des risques à partir de l'expérience de l'assurance récolte.
Monsieur César, je vous confirme que l'objectif de stabilisation des marchés sera ma priorité dans le bilan de santé de la PAC. Je l'ai déjà dit lors du Conseil des ministres qui s'est tenu la semaine dernière à Bruxelles.
Les propositions de la Commission, avec un renforcement du second pilier pour financer des dispositifs assurantiels, ne me satisfont pas. C'est à l'intérieur du premier pilier que ceux-ci doivent être mis en place. La PAC doit rester, au travers de ce premier pilier consolidé, même s'il faut le redéployer en son sein, une politique économique. C'est même la première des politiques économiques européennes et, pour l'instant, probablement la seule véritable politique économique européenne.
En attendant, nous utiliserons au mieux les deux outils dont nous disposons.
Il s'agit d'abord de la prise en charge, depuis 2005, de 35 % des primes d'assurance récolte, 40 % pour les jeunes agriculteurs. Dans le domaine des grandes cultures, plus de 25 % des surfaces sont couvertes aujourd'hui par des contrats d'assurance ; 32 millions d'euros, soit 5 millions d'euros de plus que ce qui devrait être dépensé en 2007, sont inscrits en 2008 et devraient permettre une augmentation des taux de prise en charge de ces contrats dans le secteur de l'arboriculture et du maraîchage. Ces augmentations s'inscrivent dans la lignée des propositions du rapport de Dominique Mortemousque.
Il s?agit ensuite du Fonds national de garantie des calamités agricoles, qui a été évoqué par M. le rapporteur spécial. La dépense de l'État, abondée en cours d'année, s'établit sur la durée à parité avec la participation des professionnels, à environ 80 millions d'euros par an. Il est vrai que ce fonds de garantie n'est habituellement pas doté en loi de finances initiale. Cet outil continue néanmoins d'assurer de manière forfaitaire les indemnisations des aléas climatiques, et il sera doté en tant que de besoin au cours de l'année.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut pour ce secteur comme pour les autres un véritable outil de gestion des risques et des crises au niveau communautaire. Ce sera l'une des priorités de la présidence française.
Malgré ce constat, nous conservons quelques outils d'intervention : le Fonds d'allègement des charges, doté de 5 millions d'euros pour 2008 ; les crédits en faveur des agriculteurs en difficulté, dont la plus grande part n'apparaît plus dans le budget du ministère, puisque ces allégements de charges sont inscrits directement dans le budget de la mutualité sociale agricole
Enfin, dans le domaine des risques économiques, lors du dernier Conseil des ministres, nous avons obtenu, pour aider le secteur du porc qui connaît une crise très grave, la mise en place de restitutions - ce n'était pas acquis ! - grâce à une bonne concertation avec nos partenaires ; je pense notamment à l'appui de l'Allemagne. C'est une bonne nouvelle pour cette filière qui est très affectée par des niveaux de cours très bas et une augmentation du prix des aliments.
La deuxième priorité concerne le renouvellement des générations et le maintien des activités dans les territoires fragiles et sur les espaces littoraux
Avec 1,6 million d'emplois répartis sur l'ensemble du territoire, l'agriculture et l'agroalimentaire sont l'une des clés du dynamisme économique dans toutes nos régions ; Jean-Marc Pastor l'a rappelé tout à l'heure.
Il faut conforter ce dynamisme économique en veillant à préserver son ancrage dans les territoires. Vous le savez bien, seules certaines initiatives se trouvent dans le budget du ministère de l'agriculture.
Cela passe d'abord par le renouvellement des générations. Voilà pourquoi nous continuerons de soutenir les jeunes qui veulent s'installer : près de 16 000 installations chaque année, dont 10 000 ont moins de quarante ans.
La hausse des taux d'intérêt a eu pour effet de renchérir le coût pour l'État de la bonification des prêts. J'ai effectué de nombreux redéploiements- autant que je le pouvais - en 2007 : 18 millions d'euros sur les crédits nationaux ; 11 millions d'euros sur les crédits européens en faveur du financement de ces prêts ; la ventilation de la dernière enveloppe de 20 millions d'euros a été transmise pour chacune de vos régions en fin d'année budgétaire.
En 2008, le budget sera de 60 millions d'euros pour la dotation aux jeunes agriculteurs et de 68,4 millions d'euros pour les prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs, cette dernière dotation ayant été augmentée de 5 millions d'euros après le vote d'un amendement à l'Assemblée nationale. N'oublions pas que ces mesures sont cofinancées, ce qui conduit à une dépense réelle proche du double de ces sommes.
Je vous remercie de ne pas oublier que ces mesures sont cofinancées, ce qui conduit à une dépense réelle assez proche du double de ces sommes. Malgré cet effort, nous allons travailler en 2008 à une adaptation du mécanisme d'attribution des prêts bonifiés pour éviter les files d'attente.
Ce travail a été engagé avec le président des Jeunes Agriculteurs. Nous oeuvrons parallèlement, toujours avec les dirigeants agricoles, à une amélioration du parcours d'installation, qui doit être personnalisé, et à un plafonnement du montant maximum de la bonification.
L'ancrage agricole dans les territoires passe aussi par le maintien d'une activité dans les zones fragiles. Voilà pourquoi nous continuerons à soutenir les élevages dans nos territoires au travers de quatre outils.
Le premier outil est le renouvellement des contrats de la prime herbagère agro-environnementale. Je vous propose de renouveler ce soutien qui représente 457 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour les cinq prochaines années.
Le deuxième outil concerne l'indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN, qui est maintenue à 232 millions d'euros. Compte tenu de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, cela devrait conduire à l'augmentation de l'indemnité moyenne, qui a doublé en dix ans, passant de 2 650 euros à 5 370 euros. Voilà des chiffres qui sont la preuve de ce soutien pour les zones les plus fragiles, notamment avec l'ICHN.
Le troisième outil a trait à la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, la PMTVA, qui s'établit à 165 millions d'euros ; elle est indispensable au maintien de troupeaux à taille humaine, en particulier dans les zones défavorisées et en montagne.
Enfin, le quatrième outil est relatif au plan de modernisation des bâtiments d'élevage, évoqué par Jean-Marc Pastor, dont l'enveloppe a été augmentée de plus 23 millions d'euros à la fin de l'été et pour lequel j'ai entrepris une régulation après avoir satisfait les demandes en attente.
Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, s'est inquiété de la décroissance des crédits en 2008, qui s'établissent à 50 millions d'euros. Cette enveloppe correspond aux besoins identifiés en 2008, dans le cadre de nouvelles règles négociées avec les éleveurs, qui conduiront à une meilleure sélection des projets, en conservant une majoration pour les projets liés au pastoralisme, en zone de montagne.
Plus globalement, je réfléchis, dans le cadre de l'évolution de la PAC, à une réelle politique de soutien aux productions valorisant l'herbe et permettant de maintenir une activité agricole de production dans nos territoires. Je souhaite engager ces évolutions dès le bilan de santé de la PAC. En utilisant l'article 69 du règlement agricole, nous procéderons sans doute, à l'intérieur du premier pilier, à certaines redistributions...
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Michel Barnier, ministre. ...en écrêtant les subventions les plus élevées, dont le montant actuel ne se justifie plus puisqu'elles profitent à de grandes cultures dont les prix ont beaucoup augmenté. Il est juste que ces agriculteurs soient davantage rémunérés aujourd'hui par les prix de leurs produits que par des subventions. Par conséquent, la diminution de ces subventions se justifie ; je ne dis pas que celles-ci doivent être supprimées. Nous allons affecter cette redistribution - si la Commission nous y autorise - à des filières qui le méritent et qui ont besoin d'être davantage soutenues.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Michel Barnier, ministre. Je viens de parler du lait, de l'élevage en zone difficile et fragile ; j'évoquerai également l'élevage ovin, qui n'a pas été traité équitablement par la PAC actuelle, et l'agriculture biologique.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Michel Barnier, ministre. Telles sont les orientations auxquelles je travaillerai dès que nous connaîtrons le bilan de santé de la PAC, avec les outils que la Commission nous permettra d'utiliser.
Au-delà de ces mesures sectorielles, je veux rappeler l'importance des pôles d'excellence rurale, qui ont permis de soutenir plus de 375 projets de développement situés, pour l'essentiel, en zone de revitalisation rurale.
L'État a financé cette expérimentation pour plus de 235 millions d'euros, dont 34 millions se trouvent dans le budget du ministère de l'agriculture.
Cette politique récente, avant d'être reconduite, devra être évaluée de manière contradictoire avec les observations de votre Haute Assemblée. C'est aussi l'objet du programme de développement rural hexagonal, le PDRH, à la suite de la mission « ruralité » que vous avez évoquée monsieur Pastor, et qui a été engagé en 2006. Ce PDRH a d'ailleurs été le premier plan approuvé au niveau européen par la Commission dès le mois de juillet dernier.
Enfin, ce soutien passe par l'équilibre de notre littoral en métropole et outre-mer. C'est pourquoi l'une des priorités de ce budget concerne la pêche et l'aquaculture. Je crois en l'avenir de ces deux secteurs, je l'ai encore rappelé dans des circonstances tragiques dimanche, à Étaples, où j'ai rencontré les six marins pêcheurs rescapés du chalutier Mon bijou, qui a coulé en provoquant la mort d'un marin.
Ces secteurs sont au coeur du défi alimentaire. Je crois en leurs capacités de création de richesses et je pense qu'ils ont droit au respect et à la solidarité nationale, même si cela coûte un certain prix.
Nous parlons là du secteur de notre économie le plus dangereux de France : un mort pour 1 000 marins et 10 % d'accidents du travail chaque année. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est deux fois plus que dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Nous avons donc des raisons de faire appel à la solidarité nationale et européenne.
Cette conviction est aussi celle du Président de la République, exprimée avec force au Guilvinec, et c'est également celle du Premier ministre. Nous devons aider les pêcheurs à relever trois défis : le défi de l'environnement et de la ressource, qui doit être gérée avec précaution ; le défi de l'économie, avec la question de la viabilité des navires en raison du prix du gazole ; le défi de la politique commune de la pêche, qui est un cadre exigeant et européen.
Pour m'aider à relever ces défis, j'ai lancé deux missions : l'une sur la réforme de la pêche, conduite par Paul Roncière, ancien secrétaire général de la mer, et l'autre sur le développement de l'aquaculture, conduite par Mme Hélène Tanguy.
En ce qui concerne le budget, je vous propose aujourd'hui de consolider les moyens consacrés à la pêche à hauteur de 60 millions d'euros. Nous poursuivons ainsi l'effort entrepris en 2007, année qui avait vu le budget de la pêche augmenter de 50 %. À ce montant s'ajoutent plus de 30 millions d'euros annuels provenant du Fonds européen pour la pêche.
Par ailleurs, en concertation avec mon collègue Jean-Louis Borloo, dont dépend l'administration des affaires maritimes, nous allons renforcer les moyens de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture, en nous attachant surtout à assurer les conditions nécessaires pour garantir, sur chaque bateau, la sécurité individuelle des marins pêcheurs. À cet égard, je tiens à saluer les efforts entrepris au niveau européen pour mieux coordonner les actions de secours lorsqu'un drame tel que celui que nous avons vécu encore la semaine dernière se produit.
Au-delà de ce qu'ont alors fait les sauveteurs français - ces hommes admirables qui, dans le cadre de la société nationale de sauvetage en mer, travaillent sur des canots -, je me félicite de la bonne coopération entre les autorités françaises, belges et britanniques.
Pour répondre à Alain Gérard, nous préparons un « plan pour une pêche durable », un plan global qui ne se résume pas à la seule question du gazole, mais qui apporte une réponse à la situation économique, ainsi que l'a demandé le Président de la République.
Ainsi, pour faire remonter la ligne d'horizon, nous essaierons de donner une perspective aux pêcheurs qui n'en ont plus, et qui, souvent, désespèrent, en stabilisant la situation économique des entreprises de pêche, en améliorant les conditions de travail et de sécurité des marins pêcheurs, ainsi que leur situation sociale, car, eux aussi, ont droit à un salaire minimum, tout en respectant, de manière transparente et rigoureuse, les conditions fixées, dans le cadre européen, pour une meilleure gestion de la ressource.
La réalisation de ces objectifs s'appuiera sur le budget que je vous propose d'adopter aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les crédits du Fonds européen pour la pêche, ainsi que sur la création d'une « contribution pour le renouveau de la pêche française », une écocontribution. Cette mesure, qui sera bientôt soumise au Parlement, se situe dans le prolongement des déclarations du Président de la République au Guilvinec et des décisions qui ont été prises dans mon bureau avec les professionnels de la pêche le 7 novembre dernier.
La troisième grande priorité de ce budget, qui est préservé en dépit du plan de maîtrise des dépenses publiques, concerne le renforcement des activités en faveur d'un développement agricole et forestier durable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez observé - et ce n'est pas un hasard -, le Grenelle de l'environnement, qui était un premier grand rendez-vous démocratique, ne s'est pas fait sans ou contre les agriculteurs, alors que le risque était présent.
Nous devons en effet ce résultat à l'intelligence des dirigeants agricoles, quelle que soit leur sensibilité, au travail des fonctionnaires de l'État et aux parlementaires qui ont été associés à ces travaux. Plusieurs d'entre vous ont participé aux différents groupes de travail, certains en assurant même la présidence, et je les en remercie. Même si c'était improbable, notamment pour ce qui concerne la forêt, des rencontres ont eu lieu, avec une écoute, un respect mutuel.
Lorsque le Président de la République a conclu, à l'Élysée, cette première grande phase du débat, nous avons pu constater que l'agriculture et l'agroalimentaire étaient bien là et que les conclusions globales pouvaient constituer le socle dont j'ai parlé tout à l'heure et sur lequel nous allons bâtir la nouvelle politique territoriale alimentaire et rurale pour notre pays.
Nous allons relever le défi du Grenelle de l'environnement en améliorant encore, au-delà des efforts importants qui ont déjà été consentis par la plupart des agriculteurs, les pratiques durables et respectueuses de l'environnement.
Les outils pour y parvenir sont consolidés dans ce budget, avec notamment la prime au maintien des troupeaux de vaches allaitantes, la prime herbagère agro-environnementale et l'indemnité compensatoire de handicaps naturels.
J'illustrerai de manière complémentaire cet engagement en faveur du développement durable de nos territoires en évoquant deux mesures.
Le premier outil pour le développement durable concerne les mesures agro-environnementales territorialisées, en faveur desquelles je vous propose le doublement des crédits à hauteur de 54 millions d'euros. Ces mesures sont simplifiées, conformément au plan de développement rural hexagonal, qui connaîtra sa première année de pleine application en 2008. Elles seront ciblées pour répondre aux engagements pris dans le cadre du Grenelle de l'environnement, notamment pour soutenir le développement de l'agriculture biologique et satisfaire les objectifs de la directive-cadre sur l'eau et de la directive Natura 2000.
Le second outil est relatif au plan nitrates sur lequel j'ai beaucoup travaillé avec celles et ceux d'entre vous qui représentent la Bretagne. Dès mon arrivée au gouvernement, je me suis attaché à recréer les conditions susceptibles de restaurer la confiance qui avait disparu entre le Gouvernement français et Bruxelles et entre les acteurs locaux et le Gouvernement français.
En accord avec Jean-Louis Borloo, son cabinet et le mien ont travaillé en bonne coopération pour parvenir à un plan, qui a finalement été approuvé par la Commission européenne. Celle-ci a renoncé, au dernier moment, au recours qu'elle avait déposé devant la Cour de justice des Communautés européennes, en vertu duquel nous devions verser directement et immédiatement une pénalité de 28 millions d'euros et payer une astreinte de 117 000 euros par jour. La Commission européenne nous fait donc confiance.
Certes, ce plan est difficile, mais il est nécessaire. Nous y consacrerons, sur cinq ans, 86 millions d'euros, dont 68 millions d'euros exclusivement en faveur de l'agriculture, dans le cadre du programme des interventions territoriales de l'État, le PITE. L'objectif est de ramener les eaux des neuf bassins versants concernés à un taux de nitrates conforme à la norme.
Enfin, le développement durable, c'est aussi une meilleure valorisation de nos ressources naturelles.
Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, pour satisfaire une demande du chef de l'État que j'approuve, je me suis personnellement engagé à faire réduire de moitié, si possible d'ici à dix ans, la quantité des produits phytosanitaires utilisés par l'agriculture française, en métropole et outre-mer. À cet effet, j'ai mis moi-même en place un groupe de pilotage réunissant tous les acteurs concernés, afin d'aboutir, avant l'été prochain, à la présentation d'un plan que j'ai nommé « Éco-phyto 2018 ».
Pour répondre à l'intervention de Gérard Delfau, j'aborderai maintenant la forêt, le bois et la biomasse.
Notre massif forestier est le troisième d'Europe, et la forêt gagne tous les dix ans la superficie d'un département français. La croissance actuelle de la forêt permet la captation d'un volume de CO2 identique à l'effort de réduction des émissions demandé à nos industriels. Pour autant, la filière bois est caractérisée par une balance commerciale déficitaire de près de 5 milliards d'euros ; elle occupe le troisième rang après le pétrole et l'informatique.
Le 21 novembre dernier, j'ai ouvert les Assises de la forêt. Elles nous permettront de rénover notre politique forestière et de la filière bois avec un double objectif : mieux mobiliser la ressource et mieux valoriser cette matière première.
Nous pouvons envisager, sur dix ans, un doublement de la récolte commercialisée, ce qui est compatible avec les capacités physiques de notre forêt, mais exige une gestion soutenue. Pour ce faire, nous prendrons les mesures permettant d'obtenir une augmentation rapide de la récolte.
Les crédits consacrés à la forêt, qui enregistrent une hausse de plus de 3,5 %, s'établissent à 311 millions d'euros en autorisations d'engagement et 321 millions d'euros en crédits de paiement.
Le programme « Forêt » est marqué par le maintien du versement compensateur, conformément au contrat d'objectif, dans un contexte d'augmentation des cours du bois et d'une très nette amélioration des résultats de l'Office national des forêts.
L'ONF, dont vous avez salué le travail, constitue un levier puissant pour développer l'exemple concret d'une politique de croissance écologique et de gestion durable sur un vaste territoire.
Comme beaucoup d'entre vous, j'ai pu constater, sur le terrain, en forêt, le travail réalisé par les agents de cet office. Cet été, je me suis rendu dans le Midi, et j'ai pu mesurer leur capacité d'expertise pour aider à la reconstruction de sites dévastés par des incendies. Nous avons sollicité leurs compétences non seulement pour aider la Martinique et la Guadeloupe à reconstruire après le passage du cyclone Dean, mais aussi au-delà de notre pays pour aider la Grèce, dont près de 200 000 hectares, sur quatre parties de son territoire, ont été dévastés l'été dernier par des incendies tragiques.
Le plan Chablis sera lui aussi conduit à son terme, et nous y consacrerons 23 millions d'euros en 2008, cofinancés à hauteur de 28 millions d'euros par le FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural. Nos aides à la restructuration de la filière et de modernisation des scieries seront amplifiées et seront dotées de 9,4 millions d'euros en 2008, auxquels s'ajouteront les contreparties communautaires.
Outre le budget, la mise en oeuvre de cette politique ambitieuse pour l'alimentation, les territoires, l'agriculture et la pêche requiert une modernisation du ministère de l'agriculture et de la pêche, que j'ai l'honneur d'animer.
À cet égard, je tiens à rendre hommage à l'ensemble des fonctionnaires, des agents régionaux, départementaux ou territoriaux, en métropole et outre-mer, qui réalisent un travail souvent difficile pour faire face à toutes les crises que j'ai évoquées tout à l'heure.
Ce ministère est un grand ministère, qui s'inscrit dans une longue tradition, avec une vraie culture et une expérience reconnue dans un grand nombre de métiers. Je souhaite qu'il vive avec son temps, tout en gardant son âme. Il est le partenaire de plus de 1,6 million de personnes qui travaillent dans le secteur agricole ou agroalimentaire. La moitié des agents sont rattachés à un enseignement agricole de qualité. Le nombre des missions de ce ministère augmente continuellement pour répondre aux enjeux posés par la sécurité sanitaire, l'alimentation, l'environnement ou le développement rural.
Comme l'a dit M. le rapporteur spécial, et ainsi que l'a souligné l'audit commandé par Mme Christine Lagarde au moment où elle fut, durant quelques semaines, à sa tête, le ministère de l'agriculture et de la pêche connaît une situation financière difficile, résultat de plusieurs années de gestion.
Sur ce point, je tiens à préciser que je ne partage pas l'ensemble des conclusions de cet audit, mais j'ai déjà obtenu des avancées. Le décret d'avance de 200 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 120 millions d'euros de crédits de paiement qui vous a été soumis en octobre dernier a permis de résorber, monsieur le rapporteur spécial, quelques-uns des reports de charges. Le projet de loi de finances rectificative devrait également le permettre, notamment pour ce qui concerne le refus d'apurement.
Nous prenons notre part à l'effort de réduction des effectifs de la fonction publique, en diminuant de 198 emplois le nombre de fonctionnaires de la mission. Mais cela s'accompagne d'une évolution des politiques mises en oeuvre. Le ministère est en mouvement, dans le cadre du grand chantier de la révision générale des politiques publiques, et doit devenir - je veux qu'il le devienne ! - le grand ministère de l'alimentation, des territoires ruraux, de l'agriculture et de la pêche. Cette réorganisation passe par le regroupement des établissements publics.
À cet égard, permettez-moi, monsieur le président, de répondre à MM. Bourdin et César, qui ont souligné la baisse des moyens...