Article 33 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Engagements financiers de l'Etat - Compte spécial : Gestions du patrimoine immobilier de l'Etat - Compte spécial : Participations financières de l'Etat

Article additionnel après l'article 47 bis

M. le président. L'amendement n° II-11, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. Après l'article 47 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 57 du code général des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un article L. 57-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 57-1 - Le régime d'indemnité temporaire accordé aux personnes retraitées tributaires du présent code est réservé aux seuls bénéficiaires de cet avantage à la date du 1er janvier 2008 qui remplissent la condition de résidence effective à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

« L'indemnité servie aux intéressés est plafonnée au montant versé à cette date.

« Elle est en outre ramenée à 35 % du montant en principal de la pension, à partir du 1er janvier 2008, pour les personnes qui ne sont pas nées dans ces territoires ou qui n'y ont pas été en poste pendant les cinq années précédant la liquidation de leur pension.

« Les agents cessant de résider dans ces territoires, ou s'absentant de ceux-ci plus de quatre-vingts jours par an, perdent définitivement le bénéfice de l'indemnité temporaire ».

II. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Régimes sociaux et de retraite

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avant de présenter cet amendement, je voudrais, monsieur le ministre du budget, reprendre une observation faite par mon collègue Bertrand Auban. Dans le service des pensions, 1 200 postes sur 3 000 pourraient être transférés, sans préjudice, dans d'autres services.

Tel est le fruit de l'excellent travail réalisé par notre collègue Thierry Foucaud. Sans attendre les conclusions de la révision générale des politiques publiques, j'ose espérer que vous passerez à l'acte, car nous sommes là au coeur de la réforme de l'État.

J'en viens maintenant à l'amendement n° II-11 que Philippe Marini et moi-même avons déposé, au nom de la commission des finances.

M. Guy Fischer. Hors sujet ! (M. Guy Fischer brandit un magazine.) C'est de la propagande !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Depuis maintenant quatre ans, cet amendement vient chaque année en discussion. Certes, au fil du temps, sa rédaction a évolué, et nous devons beaucoup, cette année, à Dominique Leclerc et à ceux de nos collègues qui ont signé une proposition de loi sur ce sujet.

Pour être en parfaite cohérence avec les signataires, nous avons fidèlement transcrit les dispositions qu'ils proposent. Je tiens donc à remercier Dominique Leclerc et ses nombreux collègues, car cette proposition de loi a dû recueillir 91 signatures au moins.

M. Guy Fischer. Cent onze!

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tous les signataires ne sont pas présents ce soir, mais je voudrais, en ce samedi 1er décembre, et à cette heure tardive, saluer toutes celles et tous ceux qui sont présents ce soir.

L'amendement n° II-11 vise à arrêter le flux des bénéficiaires de l'indemnité temporaire de retraite applicable aux retraités de la fonction publique d'État qui choisissent, au moment de leur retraite, de s'installer dans certaines collectivités d'outre-mer, et à en limiter le montant.

D'une part, cet amendement supprime cette indemnité temporaire pour tous les nouveaux entrants ; elle avait été instituée par des textes réglementaires datant de 1952 et 1954.

D'autre part, il prévoit de plafonner, pour tous les bénéficiaires actuels, le montant de la majoration et de réduire à 35 % l'ensemble des niveaux de majoration de pension, sauf pour les bénéficiaires actuels qui sont nés dans les territoires d'outre-mer concernés ou qui y ont été en poste au cours des cinq années précédant la liquidation de leur pension.

Je vous rappelle pour mémoire, mes chers collègues, que cette majoration varie entre 35 % et 75 % de la pension des retraités titulaires d'une pension civile ou militaire de l'État résidant à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

En 2005, le dispositif a concerné 30 600 retraités, pour un coût total de 250 millions d'euros. Pour 2008, ce coût est estimé à près de 330 millions d'euros.

Des amendements visant à modifier ce dispositif ont été défendus à de nombreuses reprises par la commission des finances, notamment dans le cadre des débats sur les projets de loi de finances pour 2006 et 2007. Cette année, le nombre de personnes ayant voté en commission en faveur de cet amendement a progressé.

Cet amendement est motivé par quatre constats.

Premièrement, le contrôle de cette indemnité est quasiment impossible, et celle-ci constitue, de ce fait, un risque parfois avéré d'encouragement à la fraude.

Deuxièmement, elle est d'un montant jugé « exorbitant », et qui connaît une forte hausse : 158 millions d'euros en 2001, 250 millions d'euros en 2005 et 330 millions d'euros prévus pour 2008.

Troisièmement, cette indemnité est contraire au principe d'égalité. Seuls les fonctionnaires retraités de l'État peuvent en bénéficier, et uniquement dans certains territoires.

Enfin, quatrième constat, son efficacité en termes de soutien à l'économie n'a jamais été confirmée, le rapport de la mission d'audit de modernisation rendu en novembre 2006 rappelant de nouveau que « les justifications d'ordre économique ne sont pas probantes ».

Nous nous souvenons tous, monsieur le ministre, des propos tenus ici même, voilà un an, par votre prédécesseur, Jean-François Copé, qui, en rendant compte de cette mission d'audit, confirmait tous les termes justifiant cette réforme.

En outre, c'est sur la base d'un rapport de la Cour des comptes suffisamment explicite que le Parlement, plus particulièrement le Sénat, a pris l'initiative de mettre fin à des pratiques qui contreviennent à l'idée que nous nous faisons de l'égalité républicaine.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. En effet, monsieur le président de la commission, cet amendement a déjà suscité de nombreux débats.

Il est vrai que ce dispositif hors norme concerne 32 000 fonctionnaires, soit près de 3 % des fonctionnaires qui sont aujourd'hui en retraite. Son coût est évalué jusqu'au mois de novembre 2006 à 250 millions d'euros, soit une progression comprise entre 20 millions et 25 millions d'euros par an. Par ailleurs, entre 1995 et 2005, le nombre de bénéficiaires s'est accru de 87 %.

La justification de cette indemnité temporaire de retraite n'apparaît pas aussi claire qu'elle a pu l'être à l'origine, lors de sa mise en place. C'est la raison pour laquelle vous voulez, j'imagine, y mettre un terme, monsieur le président de la commission des finances.

Le Gouvernement considère que ce dispositif est certes difficile à justifier. Le maintien de cette indemnité dans certains territoires et son inexistence dans d'autres crée une situation injuste.

Nous souhaitons nous engager dans une réforme progressive du dispositif réglementaire, cette progressivité devant permettre de prendre en compte une anticipation financière des bénéficiaires. Les termes de cette réforme seront débattus à l'occasion du rendez-vous de 2008 sur les retraites.

Par rapport à mes prédécesseurs, je vous donne un calendrier très précis, qui nous permettra d'engager une concertation préalable avec les représentants des bénéficiaires de l'indemnité dans chacun des territoires.

Parallèlement, en liaison avec les élus locaux, et dans le respect des compétences de chacun, le Gouvernement souhaite proposer l'affectation des économies dégagées par cette réforme au financement de politiques ou de projets prioritaires dans les territoires concernés. Il souhaite également poursuivre ou engager un travail d'évaluation des distorsions des prix et de leur impact sur les économies locales pour agir ensuite sur leur évolution.

Le dispositif va puissamment évoluer lors de ce rendez-vous de 2008. Voilà quelques éléments de réflexion qui pourraient fonder, de manière définitive, ce nouveau régime que vous appelez de vos voeux depuis plusieurs années, monsieur le président de la commission.

Sous réserve de ces explications, je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement en vous donnant rendez-vous en 2008 pour mettre un terme définitif à ce dispositif de surpension.

M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, l'amendement n° II-11 est-il maintenu ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour l'instant, je le maintiens, monsieur le président, pour permettre à ceux de nos collègues qui le souhaitent de s'exprimer sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote.

M. Bernard Piras. Sans préjuger du fond, je veux rendre hommage à la pugnacité du président de la commission des finances, puisque c'est la quatrième fois qu'il dépose un amendement de cette nature !

Toutefois, une proposition de loi a été déposée sur ce sujet, qui mériterait un débat plus approfondi dans un cadre plus élargi. Voter une telle mesure ce soir, dans le cadre de l'examen d'un budget, ne me semble pas très démocratique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En d'autres termes, vous n'êtes pas prêts !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. J'irai dans le même sens que mon collègue Bernard Piras.

Si, à titre personnel, je suis en accord total avec le fond de cet amendement, puisque j'ai moi-même cosigné la proposition de loi, je ne le voterai pas ce soir. En effet, cette question doit être examinée dans un cadre plus approprié et plus global, et non pas au détour d'un amendement qui vient en discussion, qui plus est, un samedi à minuit.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Demerliat. Le groupe socialiste est d'accord pour traiter la question de l'indemnité temporaire de retraite au grand jour, en toute transparence, dans le cadre d'un projet de loi ou de la proposition de loi qui a été déposée, afin de tenir compte de toute la problématique, notamment s'agissant du maintien du pouvoir d'achat, soulevée par l'éventuelle extinction de cette indemnité.

Mais nous ne souhaitons pas voter à cette heure tardive, un dimanche, un amendement noyé au milieu d'un budget

Compte tenu des conséquences qu'elle implique et des polémiques qu'elle suscite et suscitera, même si elles sont très exagérées, cette question justifie un débat approfondi à part entière. Or le débat budgétaire ne permet ni de remettre les choses à plat ni de prendre en compte la complexité des situations locales, ce qui est pourtant un préalable à toute réforme. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'abstiendra sur cet amendement n° II-11.

M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry, pour explication de vote.

M. Denis Detcheverry. Je sais que les retraites de la fonction publique outre-mer sont un problème qui vous tient à coeur. Nous l'abordons d'ailleurs pour la quatrième année, comme l'a dit le président de la commission des finances. Vous avez raison d'y attacher autant d'importance, car les abus qui découlent du système sont, il est vrai, inacceptables ; il n'est donc que temps d'y remédier.

Je regrette que cela n'ait pas été fait plus tôt. J'avais moi-même envisagé de déposer un amendement l'an passé, mais j'ai suivi les consignes du ministre de l'époque, qui préférait ignorer le problème plutôt que de l'affronter courageusement comme vous le faites aujourd'hui. Sachez que je le regrette.

Vous l'aurez compris, je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fond. Il faut rapidement trouver des solutions à ce problème qui coûte à l'État français beaucoup d'argent, dont une partie n'est très certainement pas justifiée.

Cela étant, je n'aimerais pas qu'un dossier aussi important soit traité par la simple voie d'un amendement noyé parmi toutes les dispositions complexes du projet de loi de finances. Je préfère, je l'avoue, la démarche de MM. Leclerc, Lardeux, Mme Procaccia et leurs collègues signataires de la proposition de loi, qui souhaitent, eux aussi, trouver des solutions à ce problème depuis plusieurs années. C'est d'ailleurs pourquoi ils ont décidé de déposer une proposition de loi. Ils se sont également montrés favorables à la constitution d'un groupe de travail à ce sujet.

Même si, selon moi, le texte peut être amélioré, il aura l'avantage de donner lieu à une réelle réflexion et à un vrai débat. Un rapporteur sera nommé, qui auditionnera les différents intéressés, notamment les parlementaires d'outre-mer. Ce ne fut pas le cas avec Mme Bolliet, MM. Bougrier et Tenneroni qui, pour leur rapport exclusivement consacré à l'indemnité temporaire de retraite, ITR, n'avaient eu pour interlocuteurs que des représentants des ministères, à Paris.

Par conséquent, vous le comprendrez sans peine, je préfère que ce problème épineux des retraites outre-mer soit résolu à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi, ou d'un projet de loi, si le Gouvernement le souhaitait. Je suis sûr que vous serez parfaitement entendus et que les solutions trouvées ensemble, après mûres réflexions et échanges, n'en seront que meilleures pour tous.

Pour ma part, je ne suis pas favorable au fait que, du jour au lendemain, plus personne n'ait accès à un tel dispositif. Dans les rapports disponibles, je tiens à le signaler, il est bien précisé que les dérives du système ne sont pas le fait de l'outre-mer. Or aujourd'hui, on le constate en particulier dans les médias, bien que les ultramarins ne soient pas responsables, c'est bien l'outre-mer qui est montré du doigt. C'est ce qui me gêne aujourd'hui car, selon moi, les fonctionnaires qui ont travaillé une bonne partie de leur carrière outre-mer ont logiquement droit à cette indemnité, surtout s'ils cotisent sur la base de leur salaire indexé.

Il s'agit de mettre fin au parachutage, qui creuse le déficit de l'État français et donne une mauvaise image de l'outre-mer. L'outre-mer a de nombreux atouts et de nombreuses possibilités de développement. J'ose espérer que les salaires de la fonction publique ne sont pas notre unique espoir de survie !

Mes chers collègues, nous ne devons ni les uns ni les autres faire tomber le couperet de cet amendement sur l'ITR. Nous avons droit à un débat !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous partageons les avis qui ont été émis par nos différents collègues. Pour notre part, Marie-France Beaufils et moi-même souhaitons que le président Arthuis ait la sagesse de retirer son amendement.

M. Éric Woerth, ministre. La pression devient insoutenable ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. C'est une disposition que nous connaissons, puisque cet amendement a été déposé pour la première fois en 2004.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Puis en 2005 et en 2006 !

M. Guy Fischer. Des études devaient même être faites.

Il est clair que des groupes de pression ont tenté de nous influencer. Tous, nous avons en effet reçu, hier ou avant-hier, un exemplaire du Point de l'année passée, stigmatisant les régimes spéciaux dans leur ensemble et incitant plus particulièrement à en finir avec les privilèges « insensés » des fonctionnaires d'outre-mer.

Je ne veux pas polémiquer, mais je pourrais parler des retraites « chapeau », des patrons du CAC 40. J'ai en ma possession tous les documents qui qualifient de scandaleux pas moins de vingt-trois régimes de retraite...

Comme l'a proposé M. le ministre, profitons de la remise à plat qui aura lieu lors du débat national sur les retraites en 2008 pour régler le problème.

Quand on examine la progression des « surpensions » et les conditions dans lesquelles elles sont obtenues, on voit qu'il y a matière à discussion, c'est certain. Mais, précisément, c'est la réflexion qui permet de comprendre le pourquoi du comment de ce dispositif.

Par conséquent, nous souhaitons vivement que le président Arthuis, dans sa grande sagesse, retire l'amendement n° II-11.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas mal dit ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme  Anne-Marie Payet, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement de la commission des finances n'est pas nouveau. Il ne nous surprend donc pas, même s'il est quelque peu différent de ceux qui étaient présentés les années précédentes, comme l'a précisé le président de la commission des finances.

Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue Jean Arthuis, beaucoup de retraités résident effectivement en métropole et n'ont donc pas à subir les coûts excessifs du panier de la ménagère et des autres produits que nous constatons sur place. L'indemnité temporaire de retraite n'est donc pas justifiée dans ces cas-là, et il faut que cela change.

Plusieurs rapports ont été publiés ; tous ont mis en évidence la difficulté, voire l'impossibilité d'effectuer des contrôles de qualité. De plus, l'Observatoire des prix et des revenus vient seulement d'être créé à la Réunion, alors qu'il était déjà prévu dans la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer. Il a pour mission de mesurer les différences de prix entre la métropole et l'outre-mer, mais surtout de faire la lumière sur le mécanisme obscur de fixation de prix, car l'octroi de mer n'explique pas tout.

Mes chers collègues, je l'ai déclaré à plusieurs reprises, l'outre-mer n'est pas hostile à toute réforme. Mais, étant donné que nous allons examiner bientôt un texte de loi sur les retraites, il serait opportun, je crois, d'attendre cette occasion pour relancer les débats sur ce dossier explosif et, surtout, pour proposer des solutions moins brutales et plus appropriées pour remédier à la situation.

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.

M. Dominique Leclerc. Tout d'abord, je voudrais rassurer notre collègue Guy Fischer : il n'est l'objet d'aucune manipulation au sujet des « surpensions » des fonctionnaires d'outre-mer !

Il est vrai que nous abordons ce sujet pour la quatrième année. Nous avons écouté le président Arthuis avec attention. Tout a maintenant été dit ; je serai donc très bref.

Nous avons affaire, nous en sommes tous convaincus car nos propos sont concordants, à un dispositif très contestable qu'il est donc indispensable de réformer à assez brève échéance pour mettre fin à des dérives qui sont plus ou moins rapportées par la presse et qui ne donnent pas une bonne image de notre pays. Or, malgré cela, rien n'a été fait au cours de la dernière législature ; le statu quo perdure toujours !

C'est pourquoi, au sein de la commission des affaires sociales, nous avons pris, mes collègues Catherine Procaccia, André Lardeux et moi-même, l'initiative de rédiger une proposition de loi dont les cosignataires sont désormais plus de cent ! Cela signifie que notre démarche a convaincu un sénateur sur trois et plus de la moitié des membres de la majorité. Je me félicite aussi que les signataires de la proposition de loi émanent de toutes les commissions et proviennent d'autres rangs que ceux de notre propre groupe politique.

Cela prouve que nous sommes nombreux, ce soir, à vouloir couper le robinet des « surpensions », imposer parallèlement des contrôles plus stricts et limiter progressivement le nombre des bénéficiaires de cette indemnité.

En vous écoutant les uns et les autres, j'ai acquis la conviction que notre proposition de loi a d'ores et déjà fait bouger les lignes.

MM. Jean Arthuis et Philippe Marini ont choisi, au nom de la commission des finances, de reprendre la rédaction de notre texte sous la forme d'un amendement. Si nos avis divergent sur la méthode, sur le fond, nous ne pouvons que nous rejoindre. Aussi, je remercie Jean Arthuis de nous avoir permis de nous exprimer ce soir à l'occasion de l'examen de crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Pour ma part, je considère que la balle est, ce soir, dans le camp du Gouvernement. Nous ne pouvons pas tolérer que ce sujet demeure un véritable serpent de mer de la vie parlementaire. Monsieur le ministre, il va falloir entreprendre une concertation avec tous les acteurs - c'est l'objet de notre proposition de loi - pour prendre en compte tous les aspects de ces « surpensions » qui, bien au-delà des personnes, concernent la vie de territoires que nous connaissons moins, nous, élus de métropole, il faut le dire avec humilité. Vous nous avez donné des assurances à ce sujet.

Nos collègues d'outre-mer se sont exprimés ; certains sont absents ce soir, mais, sur le fond, ils nous rejoignent dans notre démarche. Par conséquent, monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour que nous n'ayons plus à débattre pendant encore des années sur ce problème des « surpensions » !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, dont je pressens qu'il va retirer l'amendement. (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je salue la prescience du président du Luart, qui confine à la télépathie. Mais n'est-ce pas le signe auquel on reconnaît les grands présidents ? (Nouveaux sourires.)

Mes chers collègues, je vous ai bien entendus ce soir. D'abord, je constate que, sur le fond, il existe une vraie convergence entre nous. Mais je vous rends attentifs au fait qu'à partir d'un certain moment les atermoiements successifs nous exposent à un soupçon de complicité.

Nous vivons en quelque sorte une vraie schizophrénie ! Nous dénonçons une pratique mais, au moment de passer à l'acte, nous disons que c'est l'affaire du Gouvernement ! Nous voulons réhabiliter le Parlement, mais, pour ce faire, encore faut-il que celui-ci ait suffisamment d'ambition pour assumer ses prérogatives...

Vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas eu de préavis : avec Philippe Marini, nous suscitons chaque année, et cela depuis au moins quatre ans, un débat sur ce sujet. Depuis, celui-ci a été enrichi par l'audit qui a été sollicité par le gouvernement précédent et dont les conclusions étaient parfaitement claires. Une année de plus s'est écoulée et rien n'a bougé. Alors, je comprends l'embarras que suscite une telle situation.

Ce qui me laisse à penser que l'évolution est positive, c'est l'accord que le président Guy Fischer a donné tout à l'heure pour remette à plat les systèmes de retraite. (Sourires.) Nous pourrons alors, à cette occasion, revoir ce problème de l'indemnité temporaire de retraite !

Je lui rappelle qu'un de nos collègues députés, M. Brard, a déjà conduit une mission dans la seule partie de l'outre-mer qui est concernée par ce dispositif. Car ces indemnités ne concernent pas tous les départements et territoires d'outre-mer. J'ai cité les six territoires dont les supposés retraités résidents peuvent bénéficier de l'indemnité temporaire, mais les Antilles échappent à ce dispositif.

À bien des égards, mes chers collègues, il faut quand même que nous nous préparions à passer à l'acte ! J'ai entendu l'engagement assez solennel pris par le ministre Éric Woerth. J'ai compris que nous n'aurons donc pas à prendre la même initiative l'année prochaine.

M. Éric Woerth, ministre. C'est vrai !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. M. le ministre le confirme.

L'année passée, après un long débat au cours duquel chacun s'est exprimé avec beaucoup de conviction, nous avons éprouvé une immense satisfaction : nous sommes parvenus à doubler le nombre de votes en faveur de la réforme : le nombre de voix est passé de neuf à dix-huit. (Sourires.) Ce soir, je ne suis pas sûr que nous parvenions à faire aussi bien que l'an passé, en dépit d'un auditoire assez nombreux, ce qui, compte tenu de l'heure, mérite d'être salué.

En conclusion, sur la foi de l'engagement pris par le Gouvernement, au nom de mon collègue Philippe Marini, que je n'ai pas eu le temps de consulter, et de la commission des finances, je retire l'amendement n° II-11.

M. le président. L'amendement n° II-11 est retiré.

M. Bernard Piras. Quelle télépathie !

compte d'affectation spéciale : « pensions »

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » figurant à l'état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Pensions

47 999 649 643

47 999 649 643

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité

43 439 510 000

43 439 510 000

Dont titre 2

43 439 010 000

43 439 010 000

Ouvriers des établissements industriels de l'État

1 755 710 000

1 755 710 000

Dont titre 2

1 746 971 324

1 746 971 324

Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

2 804 429 643

2 804 429 643

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Engagements financiers de l'État

Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l'État

Compte spécial : Participations financières de l'État

Article additionnel après l'article 47 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 35 et Etat D (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission  « Engagements financiers de l'État » ainsi que des comptes spéciaux « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et  « Participations financières de l'État ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Paul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient la charge, à cette heure tardive, de vous présenter trois missions au cours de cette unique intervention.

La mission « Engagements financiers de l'État » suscite deux questions relatives à la participation financière de l'État et à sa politique foncière, qui ont l'une et défrayé la chronique. La commission des finances a consacré un certain nombre de réunions ouvertes à deux aspects de ces deux politiques.

La mission représente, pour 2008, 42 milliards d'euros, soit pratiquement la totalité du déficit. C'est la troisième mission du budget général. En outre, 96 % de ses crédits correspondent au seul programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », qui est presque exclusivement consacré à la charge de la dette négociable. Par rapport aux prévisions de la loi de finances de 2007, cette charge augmente de 1,6 milliard d'euros, à savoir la bagatelle de 4 % supplémentaires. Elle représente quelque 40,79 milliards d'euros en crédits « évaluatifs », j'insiste sur ce terme, sur lequel je reviendrai dans quelques instants.

Je rappelle que cette hausse importante est la conséquence d'un « effet taux » - je veux parler de la remontée des taux d'intérêt, y compris à long terme - conjugué à un « effet volume » de la dette à amortir.

Il faut rendre hommage à l'Agence France Trésor, qui, bien qu'un peu chahutée au cours de l'automne, a réussi à se débrouiller au mieux. Mais l'avenir n'est malheureusement pas sûr dans ce domaine !

Je ne recommencerai pas le débat que nous avons eu mercredi dernier sur la dette. Je n'en aborderai que deux éléments et rappellerai les questions qui n'ont pas reçu de réponses.

D'une part, compte tenu du recours massif prévu pour 2008 à des émissions de court terme, il est devenu difficile de distinguer ce qui relève de l'emprunt de ce qui relève de la trésorerie. Ainsi, 22,4 milliards d'euros sont consacrés au court terme cette année !

Madame la ministre, nous avons posé cette question plusieurs fois lors du débat sur la dette : quelle raison a poussé à l'abandon - relatif, mais tout de même - de l'endettement à long terme au profit de l'endettement à court terme ? Si nous avons reçu des explications, elles ne portaient pas sur le fond. Je renouvelle donc l'interrogation de la commission.

De surcroît, avec une telle orientation, les recommandations de la LOLF ne sont pas aussi bien respectées qu'elles devraient l'être, et notre vote sur l'article d'équilibre perd une partie de sa signification dans la mesure où, s'agissant du plafond de variation nette de la dette négociable de l'État, il ne tient compte que de l'endettement à moyen et à long terme.

D'autre part, il apparaît que l'État se permet le « luxe » de dépenser au moins six à dix millions d'euros supplémentaires par an, frais liés à l'écart de taux entre les émissions de dette « sociale » et les émissions de dette « souveraine », alors que nous disposons, depuis deux ans déjà, du moyen technique de les économiser. Mais le Gouvernement ne met pas en oeuvre l'article 73 de la loi de finances pour 2006, adopté sur l'initiative du Sénat.

Vous nous avez dit dernièrement, monsieur le ministre du budget, à quel point cela vous semblait inopportun. Il n'empêche que la loi est là, et nous serions heureux de voir sortir les décrets d'application ! Ce serait un minimum ! Cette loi ne vous contraint pas, elle vous donne une possibilité. Au moins, n'écartez pas d'un revers de la main les votes du Parlement !

Le contexte du financement de la dette est sensiblement moins favorable en 2007 et 2008 qu'il ne l'a été en 2006, alors que les taux remontent. Deux palliatifs vont maintenant faire défaut.

En premier lieu, nous avions mis en place en 2006 un système de gestion dynamique de la trésorerie, qui permettait de limiter les effets de la dette. Il s'agit malheureusement d'un « fusil à un coup ».

En second lieu, les rachats de dettes permis par les recettes de cessions d'actifs financiers ne sont prévus qu'à hauteur de 3,7 milliards d'euros pour 2008. On est loin des 17 milliards d'euros de 2006 qu'avait autorisés la privatisation des sociétés d'autoroutes. Certes, il s'agit, là encore, de prévisions !

J'en viens ainsi tout naturellement au compte spécial « Participations financières de l'État », pour n'en dire d'ailleurs qu'un mot.

Tout d'abord, les événements qui sont survenus à EADS avaient conduit un certain nombre d'entre nous à se pencher sur l'aspect quelque peu léonin du pacte d'actionnaires qui liait l'État. Je suis donc allé regarder d'un peu plus près ce qui se passait pour les autres participations de l'État. Dans la liste des pactes d'actionnaires qui lient l'État, liste qui figure dans mon rapport écrit, on n'en trouve aucun qui comporte des clauses aussi dérogatoires au bon sens que le pacte d'actionnaires d'EADS !

Ensuite, les documents budgétaires font apparaître pour 2008 une prévision de privatisations de près de 5 milliards d'euros. J'ai cru comprendre que ce chiffre, purement indicatif, était déjà satisfait, ou presque, mais le Gouvernement s'est limité à une annonce de 5 milliards d'euros afin de ne pas nuire aux intérêts patrimoniaux de l'État. L'annonce a tout de même provoqué quelques remous. La prudence du Gouvernement était par conséquent tout à fait compréhensible, mais nous aurons besoin du projet de loi de règlement pour nous prononcer en toute connaissance de cause.

L'analyse du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » permet des remarques plus substantielles.

Pour 2008, l'objectif de cessions d'immeubles est fixé à 600 millions d'euros, contre une prévision de 500 millions d'euros dans la loi de finances pour 2007. Cet objectif devrait certes être déjà atteint, voire dépassé, dès cette année, mais c'est grâce à la vente du centre Kléber du ministère des affaires étrangères, pour une somme qui atteint 404 millions d'euros. Cette vente a défrayé la chronique. Il ne sera peut-être pas aussi facile de rassembler les 600 millions d'euros !

À ce propos, je voudrais formuler quelques observations sur la politique immobilière de l'État, dont le devenir me paraît aujourd'hui subordonné à un choix politique clair.

Dans une première hypothèse, on se contente de l'agence France Domaine, qui gère les ventes et les achats de bâtiments. Mais, dans ce cas, il ne fallait pas mettre en place le Conseil de l'immobilier de l'État, devant lequel, je le dis au passage, certains ministères mentent, probablement par omission, mais sereinement, alors qu'ils sont normalement obligés d'exposer leurs programmes ! Si l'on se contente de cette orientation, on ne voit pas très bien non plus l'intérêt qu'il y a à continuer de développer des loyers « budgétaires ».

Dans une deuxième hypothèse, on veut mettre en oeuvre une véritable politique patrimoniale de l'État, avec un système à la fois centralisé et rationnel. Dans ce cas, il faut aller plus loin dans la direction que vous avez déjà prise, madame, monsieur les ministres. Pour réaliser un véritable effort de gestion immobilière, en effet, on ne se contente pas de vendre et d'acheter. On s'attache à arbitrer, rechercher des opportunités et fonder une véritable problématique de gestion. Dans le cas de l'immeuble situé au 20 de l'avenue de Ségur, à Paris, nous sommes loin de l'épure !

Il faut tout de même réviser les règles actuelles d'intéressement aux cessions qui font des ministères des quasi-propriétaires. Si les ministères restent, comme aujourd'hui, intéressés à hauteur de 85 % aux opérations de vente et que seulement 15 % de la vente sont consacrés au désendettement de l'État, on les conforte dans cette situation au lieu de les inciter à en sortir.

Par conséquent, je suis de ceux qui pensent qu'il faudrait, d'une part, réviser le pourcentage d'intéressement des ministères dans le cas où ils conserveraient une gestion individualisée des bâtiments, ce qui n'est pas la position du Sénat, et, d'autre part, à tout le moins, consacrer 25 % du produit de chaque opération au désendettement de l'État.

C'est dans cette ligne que s'inscrit l'amendement que je vous présenterai tout à l'heure et qui concerne les travaux d'aménagement ou de rénovation nécessaires pour les immeubles de l'État. Il s'agit de mettre en oeuvre une gestion rationnelle du patrimoine immobilier de l'État.

Je vous présenterai également, au nom de la commission, un amendement portant sur la SOVAFIM, qui va exactement dans le même sens que le précédent, à savoir l'introduction d'une certaine souplesse dans le système.

Malgré ces observations, quelquefois un peu vigoureuses, je le reconnais, la commission des finances recommande au Sénat d'adopter les crédits inscrits pour ces trois missions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)