M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Dominati, en remplacement de M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de mon collègue Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de la mission « Participations financières de l'État », qui a été retenu dans son département.
Le débat de ce soir est tout d'abord l'occasion de saluer l'équilibre global qui nous est proposé pour la structure du compte spécial en 2008. Celui-ci confirme la priorité forte accordée au désendettement de l'État, dans la continuité des deux exercices de 2006 et 2007, mais en rupture par rapport aux vingt dernières années.
Toutefois, sur la proposition de son rapporteur Michel Bécot, la commission des affaires économiques tenait à faire part de ses préoccupations, notamment au travers de deux questions que je souhaiterais vous adresser, madame la ministre.
La première question concerne la qualité des documents budgétaires et l'information du Parlement sur cette mission.
Est-il normal que l'on doive se contenter d'un montant de recettes et de dépenses purement théorique de 5 milliards d'euros, sans rien savoir des cessions qui seront réalisées ? Le budget, tel qu'il nous est présenté, ne nous permet même pas de savoir si ce seront, au final, 2, 4 ou 10 milliards d'euros qui seront réalisés !
Tout en comprenant parfaitement les arguments tirés de la nécessité, pour l'État, de saisir les opportunités du marché, nous pensons qu'il est possible de faire mieux que l'« information zéro » qui nous est actuellement délivrée.
Par exemple, serait-il possible que le rapport annuel sur « l'État actionnaire » indique au minimum une liste indicative, donc non exhaustive, d'opérations, assortie, lorsque cela est possible, des indications sur la fourchette de la part du capital qui pourrait être cédée, ainsi que sur le montage financier, et surtout industriel, qui pourrait être proposé. Je pense notamment à la privatisation d'Areva, pour laquelle plusieurs scénarios, on le sait par la presse, sont à l'étude. La moindre des choses serait que l'examen du compte spécial « Participations financières de l'État » pour 2008 nous donne l'occasion de débattre suffisamment en amont des grandes options envisageables.
Le projet de loi de finances pourrait aussi se contenter d'afficher un montant de recettes global, mais à condition que celui-ci traduise réellement une estimation des recettes attendues par le Gouvernement et non une simple moyenne purement théorique.
La seconde question porte sur la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations, à la lumière de ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire EADS ». Sans reprendre le contenu du rapport écrit de notre collègue Michel Bécot, qui traite en détail de cette question, pouvez-vous nous indiquer ce soir, madame la ministre, quels sont les modalités et le calendrier proposés par le Gouvernement pour mettre en place la réforme des règles de fonctionnement de la Caisse des dépôts et consignations ?
Tout en étant très attentif à vos réponses à ces questions, je me dois en conclusion de vous indiquer que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Participations financières de l'État ».
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n'appartenant à aucun groupe.
Je vous rappelle également que l'intervention générale vaut explication de vote pour la mission et les deux comptes spéciaux.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l'État » et les comptes spéciaux qui lui sont rattachés représentent un ensemble de réalités dont il est difficile de rendre compte dans les quelques minutes qui nous sont offertes au titre de cette discussion budgétaire.
Bien entendu, l'un des programmes les plus importants de la mission est celui qui est consacré à la gestion de la dette publique. Sauf si des informations plus récentes sont à la disposition du ministère, le service de la dette s'avère légèrement supérieur aux crédits évaluatifs prévus dans la loi de finances initiale.
À la fin du mois de septembre, nous sommes en effet aux alentours de 1 % de dépenses supplémentaires par rapport à l'année 2006, alors que le projet de loi de finances initial prévoyait une stabilisation du service de la dette avec une hausse limitée à 0,4 point des crédits évaluatifs.
Les tensions sur les marchés financiers, nées de la crise des subprimes, la hausse du taux d'intérêt moyen de la dette de l'État, renchérie de cinquante à soixante dix points de base en un an, expliquent que des dépenses nouvelles aient été évaluées dans ce projet de loi de finances pour 2008.
Les cadeaux fiscaux improductifs votés cet été vont sans doute, pour une part, justifier la consommation de ces crédits évaluatifs.
En effet, nous sommes en présence depuis quelque temps d'une politique d'émission de titres de dette publique dépassant le tiers des recettes fiscales brutes attendues.
Ce ne sont pas les quelques millions d'euros engrangés sur les cessions de patrimoine immobilier, pour lesquelles on peut escompter éviter le désastre de la cession de l'immeuble de l'Imprimerie nationale, rue de la Convention, qui permettront de compenser ces fortes pressions.
Cette question de la gestion du patrimoine public me donne l'occasion de parler de l'un des éléments les moins appréhendés de cette mission budgétaire : la relation que l'État entretient avec les entreprises dont il est actionnaire, parfois unique, et de la manière dont ces affaires sont gérées.
L'affaire EADS, quelque peu passée au second plan, ces dernières semaines, derrière la légitime montée des mécontentements sociaux, a montré, avec un éclat tout particulier à notre sens, que la présence de l'État dans le capital d'un certain nombre d'entreprises doit être profondément repensée.
Le fait d'avoir créé l'Agence des participations de l'État, chargée de piloter l'ensemble des participations publiques dans telle ou telle entreprise, n'a manifestement pas évité quelques difficultés.
Il est aujourd'hui évident, notamment à la lumière des auditions de la commission des finances - et nous souhaitons toujours la mise en place d'une commission d'enquête pour aller plus loin -, que les actionnaires privés, majoritaires dans le capital d'EADS, ont joué des faiblesses de l'intervention publique pour mener l'opération qui s'est conclue par la création d'une spectaculaire plus-value pour les cessionnaires de parts sociales, ainsi que par un sinistre social, sous la forme d'un plan social agrémenté de 10 000 suppressions de postes chez Airbus !
Je sais que l'Agence des participations de l'État était souhaitée par le président de la commission des finances, tout comme par le rapporteur général. Mais si elle doit être maintenue, son rôle doit être redéfini clairement.
Cette Agence ne peut se contenter de mesurer l'importance du dividende perçu par l'État actionnaire pour combler une partie du déficit budgétaire ou d'être informée de manière générale des perspectives économiques de moyen terme des entreprises où l'État est présent.
Ou bien elle devient le pilote d'une véritable politique industrielle, avec ce que cela implique, ou bien nous devrons proposer sa disparition et organiser d'une autre manière l'action de l'État en qualité d'actionnaire.
Les sénateurs du groupe CRC ne voteront pas les crédits de cette mission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. Paul Girod, rapporteur spécial, et M. Michel Bécot, rapporteur pour avis, que vous représentez ce soir, monsieur Dominati, pour la qualité des rapports qu'ils ont présentés respectivement devant votre commission des finances et votre commission des affaires économiques.
Avant de répondre aux questions spécifiques que vous avez réitérées concernant le service de la dette, monsieur le rapporteur spécial, je commencerai mon propos par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », l'examen des crédits de ce compte étant l'occasion de porter un regard général sur le patrimoine de l'État en qualité d'actionnaire.
En premier lieu, pour répondre à un certain nombre de questions évoquées par vos rapports respectifs, j'indique que le montant des recettes de privatisation attendues, au titre de 2008, est fixé à nouveau, comme vous l'avez remarqué, à un montant forfaitaire de 5 milliards d'euros en loi de finances.
Pourquoi retenons-nous ce montant forfaitaire ?
Annoncer plusieurs mois à l'avance un ensemble de cessions d'actifs serait contradictoire avec l'objectif d'optimisation patrimoniale, auquel, je le sais, le Sénat est attaché.
D'une manière générale, l'État tente d'agir comme un gestionnaire avisé et actif de son portefeuille de participations. Les opérations relatives au capital des entreprises n'obéissent malheureusement pas toujours à des objectifs purement calendaires, mais dépendent d'autres paramètres, comme par exemple la réalisation d'opérations de fusion - je pense à celle de Gaz de France-Suez - ou l'existence d'opportunités de marché. Ce n'est donc nullement un domaine « programmatique » où l'on pourrait, ainsi que vous l'avez très utilement suggéré, travailler selon un certain nombre d'indications et en donnant les grandes lignes des projets de cession.
L'État se doit de mener les opérations sur le capital des entreprises de son périmètre, dans le respect de la défense de ses intérêts patrimoniaux. Il s'agit d'obtenir, dans chaque cas, la meilleure valeur correspondant au patrimoine cédé.
Je rappelle que le patrimoine détenu au titre des seules sociétés cotées représente aujourd'hui environ 200 milliards d'euros.
À cet égard, je suis heureuse de faire une annonce au Sénat ce soir, et ce sera un bon exemple de cette gestion patrimoniale à laquelle nous sommes attachés. Jeudi soir, le Président de la République a donné une orientation très claire, qui s'inscrit dans une gestion moderne et active du bilan de l'État : la Nation a des priorités politiques, notamment les universités, la recherche, qui sont clairement exprimées dans le budget ; elle a par ailleurs des actifs, des entreprises publiques, dont la valeur a considérablement crû depuis quelques années. Tel est particulièrement le cas d'EDF.
Pour faire face aux besoins d'investissement des universités, le Président de la République a annoncé la cession de titres EDF détenus par l'État, pour un ordre de grandeur de 5 milliards d'euros représentant actuellement un peu plus de 3 % du capital d'EDF, sans indiquer naturellement ni les modalités ni le calendrier précis de cette cession.
L'État détient à l'heure actuelle 87,3 % du capital d'EDF. Après cette opération, il restera bien évidemment très au-dessus du seuil de 70 % fixé par le Parlement.
Dans un souci de transparence parfaite à l'égard du Parlement et dans le respect néanmoins d'un certain nombre d'obligations de confidentialité dans la mesure où l'opération dans son ensemble n'est pas encore dénouée, je vous annonce que nous avons pris les dispositions nécessaires pour être en mesure de mettre en oeuvre une opération de cession de titres EDF dès lundi matin, pour un montant qui pourrait être supérieur à 3,5 milliards d'euros, naturellement si les conditions de marché le permettent.
Nous nous donnons ainsi la possibilité d'agir vite, pour mettre à profit une fenêtre d'opportunité sur le titre EDF, dans un marché que tout le monde sait volatile. Dans l'hypothèse où cette opération serait réalisée, j'informerais bien sûr le Parlement des détails de l'opération et de ses conséquences sur nos comptes de 2007.
Au-delà, pour des opérations plus lointaines, la préservation de la confidentialité est indispensable à une action efficace de l'État actionnaire sur les marchés.
Je rappelle que la confidentialité à laquelle nous sommes tenus n'est pas contradictoire avec l'impératif de transparence et de bonne information du Parlement. J'espère, en vous indiquant l'ensemble des modalités sur lesquelles mes services travaillent ce week-end, avoir donné un exemple de ce que la confidentialité doit laisser à l'impératif de transparence, et réciproquement.
En deuxième lieu, monsieur Dominati, vous m'avez interrogée sur les scénarios d'évolution du capital d'AREVA. Comme vous le savez, nous avons une filière nucléaire en plein renouvellement, comme en témoignent ses succès, en particulier la réussite manifeste rencontrée par la société sur le marché chinois avec la vente de deux EPR. Le Gouvernement a engagé une réflexion d'ensemble sur cette filière, son devenir et sa capitalisation en particulier.
À ce stade, l'intention du Gouvernement est d'étudier en détail toutes les options envisageables pour renforcer les positions stratégiques acquises par la filière nucléaire française et lui donner les moyens de son développement dans un marché, qui est en très forte compétition, mais où la France a clairement une longueur d'avance.
Les travaux sont en cours. Ils ne sont pas encore conclus Nous devrions avoir des éléments plus probants vers la fin du mois de décembre, et il est trop tôt aujourd'hui pour avoir une idée précise des scénarios qui seront identifiés, pour être ensuite approfondis et, naturellement, débattus, notamment au sein de cette assemblée.
En troisième lieu, j'observe que les résultats sont là, et je m'en réjouis. L'assainissement de la situation économique et industrielle des entreprises détenues en tout ou partie par l'État se confirme, et leur rentabilité a encore progressé en 2006, ce que vos rapports constatent d'ailleurs.
Messieurs les rapporteurs, vous avez fait des suggestions très intéressantes. Je vous en remercie et je compte m'en inspirer. Voilà qui témoigne d'un dialogue efficace entre le Gouvernement et le Parlement.
En particulier, nous pouvons sans aucun doute améliorer encore la construction de certains des indicateurs de performance. Nous pouvons aussi - vous en avez fait la suggestion - améliorer l'information du Parlement sur certaines recettes du compte d'affectation spéciale. Enfin, ainsi que l'a suggéré M. le rapporteur spécial, je suis totalement disposée à venir mieux rendre compte devant le Parlement, dans le cadre des débats sur les projets de loi de règlement, de l'action de l'État actionnaire
Dans la revue que vous avez effectuée des crédits de cette mission, vous avez consacré une attention particulière aux questions de gouvernance des entreprises publiques.
La gouvernance des entreprises dont l'État est actionnaire constitue un sujet majeur. L'examen du pacte d'actionnaires au sein de l'entreprise EADS nous a indiqué de manière très claire que la gouvernance était l'un des critères déterminants de la bonne gestion des actifs détenus par l'État.
Il me paraît tout à fait nécessaire de procéder à un examen très rigoureux de ces pactes, comme vous l'avez d'ailleurs fait.
Il est heureux que l'ensemble des autres pactes, au nombre de cinq, ne contiennent pas les clauses que vous avez considérées vous-même, monsieur le rapporteur spécial, comme aléatoires ou, en tout cas, comme défiant le bon sens dans la mesure où l'actionnaire n'a pas voix au chapitre en ce qui concerne les organes de gestion de l'entreprise.
Néanmoins, les participations de l'État sont aujourd'hui mieux gérées, et même bien gérées, comme le montrent nos indicateurs de performance, ainsi que la très nette tendance, qui s'est inversée au cours des dernières années, dans l'affectation des produits de cession de participations.
Aujourd'hui, quand l'État cède ses titres, c'est non plus pour doter en capital des entreprises publiques, en situation douloureuse ou délicate, mais pour se désendetter, ou bien - et ce sera le cas avec la cession des titres EDF - pour investir dans l'avenir.
Je voudrais vous remercier de l'attention que le Sénat porte à tous ces sujets, même à une heure tardive ! C'est pour moi, ainsi que pour mes services, un stimulant très utile. Gérer les participations de l'État n'est pas un métier facile - et je rends hommage à ceux qui s'en préoccupent au quotidien -, et il est réconfortant de savoir que le Parlement attend des résultats et qu'il y est attentif.
Je sais que le Parlement attend aussi des résultats sur les évolutions de la Caisse des dépôts et consignations. Sur ce point, nous avons été interrogés sur les modalités et le calendrier proposés par le Gouvernement pour une réforme de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations.
Ce sont des préoccupations qui sont aussi les nôtres. Le Premier ministre m'a demandé de faire des propositions au début de l'année prochaine pour moderniser la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations. Je souhaite travailler sur ce dossier en très étroite concertation avec le Parlement et le président de la commission de surveillance.
Ces travaux donneront lieu à des dispositions législatives qui seront présentées à la Haute Assemblée. Je souhaite qu'elles soient consensuelles et, surtout, respectueuses de la spécificité de la Caisse, que la loi place depuis bien longtemps, vous le savez, « sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative. »
Cette modernisation portera sur trois points, à savoir le renforcement des prérogatives de la commission de surveillance sur les décisions stratégiques de l'établissement et la mise en place d'un comité des investissements, l'évolution de la composition de la commission de surveillance pour y faire entrer, notamment, des personnalités qualifiées issues de la société civile en vue d'apporter un complément d'expérience et d'expertise et, enfin, l'examen de l'opportunité de soumettre les activités financières de la Caisse des dépôts et consignations à une supervision extérieure.
J'ai l'intention d'inviter rapidement les parlementaires de la commission de surveillance, ainsi que les présidents des commissions compétentes et les rapporteurs généraux des deux assemblées à en discuter. Je vous remercie par avance de bien vouloir participer à cette réflexion.
J'en viens à la mission « Engagements financiers de l'État », dont le rapporteur spécial, M. Girod, a remarquablement pointé, dans son rapport très pédagogique et constructif, les problématiques essentielles.
Ce rapport n'a pas été réalisé dans des conditions optimales, et, à cet égard, je tiens à vous présenter mes excuses et à exprimer mes regrets. Le taux de réponse de mes services n'a pas été particulièrement satisfaisant. J'espère que nous y remédierons l'année prochaine et que nous serons plus à même de vous fournir avant le 10 octobre les éléments permettant l'élaboration de votre rapport.
Cette mission est importante, car elle retrace des masses budgétaires considérables : 42,4 milliards d'euros de dépenses, dont 40,8 milliards d'euros principalement liés aux charges de la dette. Le reste de la mission correspond aux dépenses liées à l'épargne logement, aux appels de garantie et aux majorations de rentes viagères.
Le premier programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État » est le plus important et le plus lourd. Mercredi dernier, nous avons eu un débat intéressant sur la dette, au cours duquel Éric Woerth et moi-même avons eu l'occasion de répondre à certaines de vos questions, notamment sur le plafond d'endettement et la gestion de la dette sociale.
S'agissant du plafond d'endettement, je reviendrai, puisque vous m'y avez encouragée, sur les raisons qui motivent l'augmentation des titres à court terme. Elles sont au nombre de deux.
Tout d'abord, si nous avons recours à plus d'endettement à court terme, échappant ainsi au plafond qui s'applique exclusivement à la dette à moyen et à long terme, c'est pour nous permettre de lisser l'augmentation du programme de financement à moyen et à long terme liée à l'amortissement des titres émis en 1995 et 1996. Ce lissage est important pour les marchés, lesquels sont vigilants quant à l'absence d'augmentation brutale des émissions à moyen et long terme d'une année sur l'autre.
La seconde raison est que les émissions de titres à court terme ont fortement baissé en 2006 ; or il est important de conserver un compartiment de court terme liquide. L'augmentation des titres à court terme répond donc à une demande du marché et nous permet de mieux valoriser notre position d'emprunteur. Cela permet aussi de conserver un caractère attractif à ce compartiment du marché.
Telles sont les deux raisons principales pour lesquelles nous avons eu recours à de l'endettement à court terme, hors plafond d'endettement de moyen et long terme.
Je centrerai maintenant mon propos sur les charges de la dette et rappeler les principes selon lesquels nous essayons d'organiser celle-ci.
L'objectif, concernant les charges de la dette publique, est triple.
Il s'agit tout d'abord d'emprunter juste ce qu'il faut, en gérant de manière optimale notre trésorerie.
Il s'agit ensuite de le faire avec une bonne visibilité, tout en payant cette visibilité aux meilleures conditions, c'est-à-dire le moins cher possible.
Il s'agit enfin de répondre aux attentes des investisseurs, pour pouvoir placer avec régularité les titres auprès des marchés dans de bonnes conditions, au profit du contribuable.
Quel est le coeur de la stratégie ?
L'État fait face à un besoin de financement récurrent, et ses canaux de financement doivent être pérennes. En effet, la stratégie du Gouvernement en matière de gestion de la dette est d'éviter l'opportunisme, qui peut présenter des risques en termes de prévisibilité et nuire à la pérennité des financements. La régularité des placements permet, au final, de réduire le coût de la dette pour le contribuable.
Vous avez également interrogé le Gouvernement, monsieur le rapporteur spécial, au sujet de la gestion de la dette de la CADES.
Certes, la qualité première d'une bonne gestion de la dette, c'est d'en minimiser le coût. Cependant, reprendre la gestion de la dette de la CADES, même en partie, constitue une forme d'intervention de l'État dans la gestion du financement de la sécurité sociale.
C'est un choix politique qui est à l'origine de la création de la CADES : rendre plus lisible le poids de la dette avec une recette affectée, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, ou CRDS, et un amortissement visible. D'ailleurs, le législateur a souhaité renforcer encore cette visibilité en inscrivant dans la loi organique que la durée d'amortissement de la dette ne sera plus allongée. La CADES devra donc rembourser la dette sociale avant 2021.
Cette visibilité me paraît, à l'heure actuelle, plus importante que les gains financiers que l'on pourrait effectivement attendre de la suppression de la CADES. On peut au moins en espérer l'adoption d'un comportement plus vertueux.
Puisque le temps nous est compté, je passerai sur les deuxième et troisième programmes, pour évoquer finalement le quatrième et dernier programme, celui des appels en garantie.
Ce programme retrace les dépenses résultant de la mise en jeu de la garantie de l'État, à quelque titre que ce soit, que cette garantie soit liée à un emprunt, à un prêt, à des mécanismes d'assurance ou à des garanties de passifs.
Il s'agit, en particulier, de promouvoir le développement international de l'économie française en déployant l'activité de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, pour le compte de l'État.
Dans son rapport, M. Girod a souligné les limites de la mesure de la performance sur ce programme. Je crois qu'il ne faut pas, néanmoins, sous-estimer l'intérêt de certains indicateurs existants.
Je voudrais simplement évoquer, à cet instant, l'exemple du premier objectif, qui était d'assurer l'équilibre à moyen terme des procédures publiques d'assurance-crédit - assurance qui est importante pour les exportateurs. L'indicateur associé est l'indice de risque moyen, mesuré selon des règles définies par l'Organisation de coopération et de développement économiques. Si la prise de risque est excessive, cette mesure des sinistres potentiels constituera rapidement un signal négatif. Si elle est minime, l'activité de garantie n'offre aucun intérêt par rapport à la prise en charge par le marché de l'assurance privée.
L'indicateur permet bien de rendre compte au Parlement de la prudence manifestée dans l'octroi de la garantie. Il me semble intéressant de le conserver.
Cependant, monsieur le rapporteur spécial, toutes vos propositions d'amélioration de la mesure de la performance seront examinées par mes services. Nous le ferons en liaison avec la COFACE. Rendre compte au Parlement des résultats obtenus avec les moyens demandés, comme l'exige la LOLF, est une obligation pour les membres du gouvernement auquel j'appartiens.
Je remercie infiniment le Sénat de sa patience, et je ne puis que regretter l'examen de programmes de cette importance à une heure aussi avancée, comme l'a souligné M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Girod a fait de nombreux commentaires sur la gestion du patrimoine immobilier de l'État. Cette mission, sous-tendue par l'efficacité de notre politique immobilière, est l'un des volets majeurs de la réforme de l'État.
C'est un chantier ambitieux, de longue haleine. Sur ce dossier, beaucoup d'améliorations sont intervenues au fil du temps. Il faut aussi le reconnaître, et se rappeler quelle était la situation voilà deux ans pour mesurer clairement les progrès déjà accomplis dans ce domaine important qu'est la gestion immobilière de l'État.
Quatre orientations sont définies. M. Girod les connaît bien, pour être lui-même membre du Comité immobilier de l'État.
En premier lieu, il faut approfondir les grandes lignes de notre politique immobilière en 2008 avec des mesures concrètes, par la rationalisation du parc immobilier, l'objectif de cessions étant de 600 millions d'euros. J'ai dit moi-même que cet objectif est ambitieux et qu'il ne sera pas si facile de l'atteindre. Cette année, la structure des cessions était centrée sur la vente d'un grand bâtiment.
Le dispositif des loyers budgétaires concernera les services déconcentrés dans vingt-six départements. Au total, 700 millions d'euros ont été inscrits à ce titre aux budgets des administrations, qui devront désormais payer les loyers des immeubles de bureaux qu'elles occupent et dont l'État est propriétaire. Il y a donc bien une extension du dispositif des loyers budgétaires très au-delà de ce qui se pratique à l'heure actuelle. Tout cela a été débattu devant le Conseil immobilier de l'État voilà quelques semaines.
En deuxième lieu, il faudra proposer, dans les prochains mois, des mesures permettant de franchir une nouvelle étape dans la mise en place d'un État propriétaire.
Vous avez évoqué, monsieur Girod, la répartition du produit des cessions immobilières selon laquelle 85 % de celui-ci est alloué à l'administration affectataire et 15 % au désendettement de l'État. Ce ratio n'est pas gravé dans le marbre ; il est même, à mon avis, plutôt destiné à évoluer, et l'instauration à terme d'un État propriétaire le privera évidemment de sa raison d'être.
Nous devons progresser dans la connaissance exacte de la performance et des besoins réels de chaque ministère en matière immobilière. Les scénarios stratégiques des administrations, qui seront adoptés à la suite de la révision des politiques publiques, éclaireront d'un nouveau jour les schémas pluriannuels de stratégie immobilière que préparent les ministères et qui nécessiteront une réactualisation.
En troisième lieu, j'ai proposé de développer les pouvoirs, les moyens d'action, le champ d'investigation du Conseil immobilier de l'État, afin de faire progresser la professionnalisation de la fonction immobilière de l'État. Sur ce point, des propositions très précises ont été discutées devant le Conseil immobilier de l'État. Tout cela me semble aller dans le sens que vous indiquiez, monsieur le rapporteur spécial.
En quatrième lieu, il faut fournir des terrains pour développer l'offre de logements. Toute une série de propositions tendent à cette fin.
Il faudrait consacrer beaucoup plus de temps à chaque opération. Retenons simplement l'objectif de 600 millions d'euros de cessions. Je partage votre avis, monsieur Girod : c'est un objectif ambitieux. Cependant, il faut qu'il en soit ainsi, car il aurait été ridicule d'afficher un objectif inférieur à celui de l'année dernière. J'ai bien l'intention de l'atteindre.
En conclusion, nous allons faire entrer encore une fois dans une étape nouvelle la gestion des propriétés de l'État. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame, monsieur les ministres, je tiens à vous dire, au nom de celles et ceux qui sont encore présents dans cet hémicycle, que vos interventions ont représenté pour nous une forme de récompense, car vous nous avez apporté des informations d'une grande importance. Il était méritoire de votre part de rester aussi longtemps parmi nous un samedi soir, voire un dimanche matin... Soyez-en remerciés.
Madame la ministre, j'aurais souhaité vous demander comment vous envisagez, sur le plan budgétaire, l'inscription des 5 milliards d'euros de travaux prévus dans les universités. La loi de finances de 2008, que nous sommes en train d'élaborer, sera-t-elle affectée, ou aurez-vous recours à d'autres opérateurs de l'État pour mener à bien ces travaux ?
S'agissant de l'État actionnaire, je voudrais donner acte du progrès que représente la constitution de l'entité nouvelle annoncée. Il n'est pas douteux que nous constatons, d'année en année, des améliorations dans la présentation des comptes des participations de l'État, ainsi qu'une plus grande homogénéité dans les méthodes. Je crois que cela traduit un progrès dans la gouvernance des entreprises contrôlées par l'État ou dans lesquelles l'État détient une participation.
Paul Girod a évoqué les pactes d'actionnaires. À cet égard, nous avons été, les uns et les autres, assez impressionnés par le pacte d'actionnaire d'EADS, qui avait sans doute des caractéristiques particulières, spécifiques à cette opération... Nous étions désireux d'éclairer la gouvernance publique pendant cette période, comprise entre l'automne 2005 et l'été 2006, qui a défrayé la chronique, et nous avons acquis la conviction, après avoir écouté les uns et les autres, que les acteurs publics avaient été irréprochables. En effet, on leur avait, en définitive, écrit un rôle de figurants. L'État actionnaire était devenu un État figurant, et les représentants de l'État ont été excellents dans leur rôle de figuration ! Je ferme là cette parenthèse, ne doutant pas que les autres pactes d'actionnaires donnent à l'État un rôle d'actionnaire responsable.
S'agissant de la CADES, nous avons du mal à nous comprendre. Il ne s'agit pas de considérer que les dettes de la CADES sont des dettes de l'État, bien que les créanciers de la CADES ne doivent pas nourrir trop de craintes quant aux gages de leurs créances, mais nous souhaitons que toute l'expertise de l'agence France Trésor puisse être mise, par convention, à la disposition de la CADES, pour que celle-ci bénéficie des taux d'intérêt que France Trésor parvient à négocier dans les meilleures conditions possibles.
Je vous remercie enfin, madame la ministre, des indications que vous nous avez apportées sur l'évolution de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations. Si vous deviez proposer que certains membres de la commission des finances y participent, nous nous empresserions naturellement de répondre favorablement à votre invitation.