M. Claude Belot, rapporteur spécial. Cet amendement traduit notre volonté de regrouper le plus possible les programmes qui concernent l'audiovisuel public, afin d'avoir une unité d'action y compris en termes budgétaires, en les fusionnant dans un même programme, ce qui facilitera le contrôle.
J'ai cependant cru comprendre, madame la ministre, que cette évolution était d'ores et déjà en marche, mais qu'il s'agissait d'un mécanisme d'horlogerie assez complexe à régler.
L'esprit n'étant pas de vous gêner dans votre action, à vous de décider : si vous estimez que cet amendement vous gêne, je le retirerai, mais si vous nous dites qu'il vous arrange, je ne doute pas que le Sénat le votera ! (Sourires.)
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, j'ai en effet évoqué la réforme de l'audiovisuel extérieur qui va, je le souhaite, être enfin lancée. Aussi, si je comprends très bien votre souci d'une plus grande cohérence, laquelle pourrait, comme vous le suggérez, être atteinte par la réunion des crédits sur une même ligne, je ne suis pas très favorable à ce stade à une telle modification, car nous allons justement commencer à étudier les nouveaux schémas.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-15 est-il maintenu ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Nous ne voulons pas nuire à l'action gouvernementale et nous retirons l'amendement, mais j'espère, madame la ministre, que nous n'aurons pas à déposer le même l'année prochaine et que vous aurez alors réglé cette affaire au mieux des intérêts de notre pays.
M. le président. L'amendement n° II-15 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Médias » figurant à l'état B.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote sur cette mission avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de cette mission.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : avances à l'audiovisuel public
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Compte spécial : avances à l'audiovisuel public » figurant à l'état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Avances à l'audiovisuel public |
2 890 664 700 |
2 890 664 700 |
France Télévisions |
1 985 845 000 |
1 985 845 000 |
ARTE-France |
223 333 540 |
223 333 540 |
Radio France |
539 455 560 |
539 455 560 |
Radio France Internationale |
58 717 000 |
58 717 000 |
Institut national de l'audiovisuel |
83 313 600 |
83 313 600 |
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote sur cette mission avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de cette mission.
(Ces crédits sont adoptés.)
Avances à l'audiovisuel public
M. le président. J'appelle en discussion l'amendement portant article additionnel avant l'article 62 qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Compte spécial : avances à l'audiovisuel public ».
Article additionnel avant l'article 62
M. le président. L'amendement n° II-54, présenté par M. de Broissia, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Avant l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l'article 1605 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « À compter du 1er janvier 2009, ce montant est revalorisé, chaque année, dans la même proportion que l'indice des prix à la consommation ».
La parole est à M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Madame la ministre, nous n'avons pas pu réussir voilà deux jours à réévaluer le montant de la redevance. Ainsi, le pouvoir d'achat de l'audiovisuel public se dégrade-t-il d'année en année, comme je le dis depuis maintenant neuf ans dans mes rapports et comme je l'ai encore redit avant-hier, mais, avant-hier comme il y a trois ans, les groupes politiques ne m'ont pas beaucoup soutenu... Je le dis au passage, mais c'est un peu dommage, parce que les années passent sans que nous ne réévaluions les moyens de l'audiovisuel public.
J'ai bien entendu le Président de la République, madame la ministre. Si cela vaut pour les loyers, cela vaut aussi pour la redevance, et il faut faire en sorte que la redevance soit revalorisée chaque année dans la même proportion que l'indice bien connu des prix à la consommation.
Il faut donner à l'audiovisuel public les moyens de ne plus dépendre - et je m'adresse également au président de la commission des finances - de crédits budgétaires de plus en plus importants. J'ai ainsi rappelé que nous étions passés à 65 millions d'euros sur le budget cette année.
Celui qui ne paie pas par la redevance paie par l'impôt, celui qui ne paie pas par l'impôt paie par la publicité... Le Français paie toujours, car, comme je l'ai dit à Jack Ralite, l'information gratuite n'existe pas. L'information, qu'elle soit publique ou privée, a un coût, et, ce coût, c'est la redevance qui l'assure.
Il faut donc réévaluer la redevance si l'on ne veut pas que l'information dépende un jour un essentiellement de crédits budgétaires, c'est-à-dire de crédits de l'État susceptibles d'évoluer selon les politiques publiques. J'espère donc avoir le soutien unanime de la Haute Assemblée !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Monsieur le président, je suis un peu embarrassé : vous assistez depuis des années à un numéro de duettistes entre Louis de Broissia et moi. Nous avons toujours fait corps sur les intérêts de la communication et de l'audiovisuel public, mais je suis obligé de rappeler à mon collègue rapporteur pour avis qu'en première partie le Sénat a rejeté la réévaluation de la redevance. Or il n'est pas possible, au nom de l'équilibre budgétaire, que le Sénat refuse d'un côté et accepte de l'autre.
La commission des finances ne peut donc qu'émettre un avis défavorable.
Cela étant dit, il y a là matière à un vrai débat.
Premièrement, on nous assène en permanence qu'il faut réduire les prélèvements obligatoires, mais on a le choix d'avoir ou non une télévision et, à mon avis, la redevance ne s'analyse donc pas comme un prélèvement obligatoire.
Deuxièmement, avant le service de la redevance, il y avait une recette dont le produit était affecté intégralement à une action particulière : si la marée montait, les moyens montaient. C'était cela, le système ! Bercy, à l'époque, essayait toujours de se contenter des avances sur douzième de l'année précédente.
Avec mon vieux complice, nous nous attachions à connaître les rentrées exactes. Les comptables du service de la redevance savaient en effet quel montant ils donnaient à l'État et ils nous le communiquaient, ce qui nous permettait de nous assurer que le produit de la redevance était reversé intégralement à son objet d'affectation.
Il nous est arrivé plusieurs années de prendre le Gouvernement - quelle qu'ait été d'ailleurs sa couleur - en flagrant délit de captation pour d'autres usages, et notre rôle était alors de tenter d'y remédier en loi de finances rectificative.
Mais il n'y avait pas de crédits budgétaires, hormis les compensations sociales. Or, aujourd'hui, le système est totalement renversé.
On voit l'État qui s'arc-boute pour que le montant de la redevance, ne varietur, n'augmente pas et qui, constatant que le produit est insuffisant, ayant déjà garanti 3,6 % à France Télévisions, 4,1 % à Arte et ainsi de suite, prend l'engagement de payer puisque ce sont des ressources certaines : la redevance ne suffisant plus, il va devoir rembourser cette année 495 millions d'euros au titre des exonérations.
Pour participer à la vie de la commission des finances depuis près de vingt, je puis dire que nous avons toujours essayé de trouver des ressources convenables - sans « plumer la volaille » à l'excès, mais ce n'est pas le sujet. Or, avec ce système, c'est l'État lui-même qui va être obligé de payer sur les crédits budgétaires des sommes qu'il avait les moyens d'encaisser.
Cela signifie d'ailleurs, au terme de mon raisonnement, que France Télévisions n'aurait pas eu d'argent en plus par rapport aux 3,6 % garantis, mais la compensation par le budget de l'État aurait pu se faire à un moindre niveau.
Voilà, sous l'angle de l'arithmétique basique, la réalité des comptes de la nation. J'ai le sentiment que l'on raisonne mal, mais c'est ainsi.
En tout état de cause, mon cher Louis, la commission des finances a tranché et le Sénat l'avait déjà fait en première partie : la messe est dite pour cette année. Préparez vos prières pour l'année prochaine ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Il a en effet été décidé de ne pas augmenter la redevance en 2008 pour répondre à des préoccupations de maintien du pouvoir d'achat.
Pour 2009, ce sujet fera partie des réflexions qui seront menées au moment de l'élaboration du budget, mais aussi dans le cadre de la réflexion d'ensemble sur l'audiovisuel public.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ma part, je ne crois pas que cette question soit définitivement tranchée, et pourtant, comme vous le savez, je suis un vieux conventionnel régicide ! (Sourires.)
Face aux défis que rencontre l'audiovisuel public aujourd'hui, que ce soit la concurrence accrue avec la TNT, l'Internet, les groupes de communication, le maintien de son originalité et de sa vocation culturelle passent par l'augmentation de ses ressources.
Il est clair qu'augmenter la part de la publicité revient à nuire à la spécificité même de la télévision publique. De surcroît, cela fragilise l'économie sous perfusion de la presse écrite.
Je sais bien que l'augmentation de la redevance est devenue un sujet tabou...sauf, je l'ai bien noté, pour les personnes de plus de soixante-cinq ans dont l'exonération est scandaleusement supprimée malgré la faiblesse de leurs revenus.
Une chose est certaine, sans moyens supplémentaires, France Télévisions ne pourra faire face aux multiples défis à relever : le développement de la TNT, que j'ai déjà évoqué, celui de la haute définition, la télévision mobile personnelle, le sous-titrage, la création artistique...
Il faudra bien sortir de ce cercle vicieux. Tous les soirs, au théâtre de La Huchette, on peut entendre cette réplique de La Cantatrice chauve de Ionesco : « Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux ! » Eh bien, Louis de Broissia est la première victime expiatoire ! (Sourires.)
Il faudrait sérieusement mener une étude afin de trouver les meilleures solutions pour accroître le rendement de la redevance. Il y a certainement plusieurs solutions à creuser.
On sait que notre redevance est l'une des plus faibles d'Europe. On peut donc envisager d'augmenter son montant, sachant qu'une augmentation de 1 euro correspond à 20 millions d'euros de ressources supplémentaires.
On peut l'indexer sur le coût de vie, comme le prévoit en quelque sorte l'amendement de Louis de Broissia.
On peut augmenter son périmètre. Pourquoi en effet ne pas mettre à contribution ceux, de plus en plus nombreux, qui ont accès aux programmes via l'Internet haut débit, la téléphonie mobile ou personnelle ?
Enfin, on peut, comme cela a été proposé tout à l'heure, étendre la redevance à la télévision diffusée grâce aux fournisseurs d'accès à Internet.
Puisque presque tout le monde s'acquitterait de la redevance, on pourrait même envisager une redevance beaucoup moins élevée pour chacun, tout en maintenant, bien sûr, les exonérations à caractère social.
Les médias vivent une période révolutionnaire. Dès lors, monsieur Belot, pourquoi ne pas révolutionner le système de la redevance ?
Avec la refonte de la réglementation de la publicité, l'audiovisuel public pourra de moins en moins compter sur les recettes publicitaires, qui, de leur côté, alimentent de plus en plus Internet, en passe de devenir le premier des médias.
Sur le fond, il est essentiel de maintenir et de développer un service public audiovisuel de qualité. Le passage au numérique est l'occasion de favoriser les programmes de création, l'imaginaire, la diversité d'expression. Il ne suffit pas d'améliorer les tuyaux, nous sommes tous d'accord sur ce point, il faut également améliorer les contenus et combattre en permanence la standardisation.
Quand il en a les moyens, le service public sait faire ; il l'a montré et le montre encore.
Nous avons plus que jamais besoin d'une société de partage de la culture et de l'émotion, des connaissances des oeuvres de l'esprit. Cela suppose que l'État joue son rôle d'actionnaire et qu'il conforte les moyens du service public dans ses missions sans être prisonnier du seul critère d'audience.
L'augmentation prévue par le contrat d'objectifs et de moyens n'y suffira pas. Il est urgent de trouver des solutions de financement pour remettre la pensée, l'intelligence et le sensible au coeur du monde de l'image et du son.
Cet amendement est contradictoire, car il vise à augmenter la redevance sans remettre en cause la suppression de l'exonération pour les personnes âgées.
Néanmoins, nous surmonterons cette contradiction la tête haute et nous voterons l'amendement ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Nous sommes en pleine incohérence. Pour un peu, je serais presque tenté de rejoindre les rangs de la commission des finances, mais j'ai beaucoup d'attachement à la commission des affaires culturelles, à son président et à tous ses membres. (Sourires.)
En effet, si j'étais membre de la commission des finances, je ne pourrais pas mieux dire que Claude Belot : l'État se tire une balle dans le pied, madame la ministre ! Nous vous proposons une réévaluation de la redevance qui est d'autant plus acceptable qu'elle n'atteindrait pas de toute manière les niveaux pratiqués par nos voisins européens. Je vous rappelle que la redevance est d'ores et déjà de 384,85 euros en Autriche et de 204,36 euros en Allemagne.
Même les Wallons font mieux que nous !
M. Ivan Renar. Les Flamands aussi !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Ils ont fixé leur redevance à 149,60 euros. En Finlande - Ah, le modèle scandinave ! - elle atteint 220,70 euros et en Irlande 155 euros. En Italie, certes, elle n'est que de 99,60 euros. Mais voulons-nous un paysage audiovisuel à l'italienne ? A priori non, même si, à l'époque de François Mitterrand on a fait venir Berlusconi en France. Je m'en souviens bien, j'étais déjà parlementaire.
Nous sommes donc en pleine incohérence. Nous proposons au Gouvernement de réévaluer la redevance, mais il refuse, en première partie comme en seconde partie.
On demande à l'audiovisuel public d'avoir une marque culturelle, mais, lorsqu'il diffuse Le Trouvère ou une pièce de Sacha Guitry, il ne perçoit pas de recettes publicitaires, il perd même 500 000 euros de recettes.
Veut-on un audiovisuel public de qualité ? Veut-on que l'État ait des moyens ? Je propose une solution d'une simplicité biblique que le conseil municipal de mon village de 119 habitants comprendrait aisément. On me la refuse et je ne comprends pas !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. J'ai été très intéressé par cet échange de duettistes où chacun est dans son rôle.
Nous sommes fiers de l'audiovisuel public français, c'est vrai, mais nous n'avons pas tranché un certain nombre de contradictions. En somme, on veut tout, la redevance et la publicité !
À l'occasion d'une récente audition du président de France Télévisions, il m'était apparu qu'en matière de gestion de l'audiovisuel public nous avions encore quelques marges de progression.
Si, d'un côté, on peut rechercher un supplément de recettes par une réévaluation de la redevance, peut-être quelques réformes structurelles reste-t-il encore à achever qui, pour certaines, semblent au milieu du gué.
C'est également la responsabilité du Gouvernement d'indiquer très clairement aux responsables de l'audiovisuel public comment on entend l'administrer et remédier à un certain nombre de situations qui peuvent évoluer dans le sens d'une meilleure maîtrise des dépenses engagées.
Nous souhaitons, monsieur de Broissia, que l'audiovisuel public remplisse bien sa mission, mais nous ne sommes pas sûrs que la meilleure façon d'y parvenir soit de prévoir une augmentation fondée sur l'indice du coût de la vie. Peut-être faudra-t-il aller au-delà, si un jour on tranche entre publicité et redevance.
Il ne faudrait pas se priver non plus d'une évolution dans la structuration, même au plan juridique. M. de Carolis nous disait d'ailleurs que cette organisation en silo n'était peut-être pas optimale et que certains bienfaits seraient à attendre d'un décloisonnement juridique.
La réévaluation automatique du montant de la redevance ne me semble pas être un bon choix.
J'ai le regret de le confirmer à nos collègues de la commission des affaires culturelles, nous sommes défavorables à cet amendement. C'est peut-être dur à entendre, mais c'est la position des membres de la commission des finances. Et nous n'avons que de l'affection et de l'attachement pour l'audiovisuel public, comme Claude Belot en a témoigné avec beaucoup de conviction.
Nous travaillons ensemble, les auditions publiques se font conjointement, et d'autres occasions se présenteront encore. Pour l'heure, je serai très intéressé par les réponses que le Gouvernement ne manquera pas de donner, dans les mois qui viennent, au souhait exprimé par le président de France Télévisions.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Explication de vote, peut-être, monsieur le président, à supposer qu'il y ait vote, ce qui n'est pas certain !
Avec l'intervention de M. Arthuis, nous avons compris que la commission des finances ne voulait pas accorder au service public audiovisuel les moyens nécessaires à son bon fonctionnement.
Pour continuer à être un grand service public, France Télévisions doit disposer de ressources. Il est absolument normal que le grand actionnariat populaire dont parlait Jack Ralite soit la source de ce financement. Sinon, c'est effectivement l'État qui se tire une balle dans le pied !
Je suis très étonné que l'on nous dise d'attendre au motif qu'il existe des marges de progression dans le cadre d'une restructuration future de France Télévisions. C'est un peu comme si l'on décidait un plan d'économies pour rendre plus utile une augmentation des moyens.
J'ai entendu M. de Carolis, je lui ai posé des questions précises, notamment sur la nécessité d'être plus efficace, plus dynamique, plus rationnel dans cette restructuration. Je lui ai dit que, si l'on dégageait des moyens, ils serviraient à rendre la vie des personnels plus agréable, à augmenter leurs salaires et non pas à faire des économies et à licencier.
Je constate qu'il y a deux visions des choses. Les moyens dont dispose aujourd'hui France Télévisions sont insuffisants et la course à la publicité, la course à l'audimat, lui est imposée par ses concurrents, au détriment d'un certain nombre de programmes de qualité.
Un jour France Télévisions fait un bon coup avec une pièce de théâtre, mais elle n'a pas les moyens de le réitérer, car elle ne peut pas lutter contre les programmes concurrents et leurs séries américaines qui attirent un maximum d'audimat et de publicité.
Il faut adopter cet amendement. Au reste, il n'est pas correct de parler d'augmentation de la redevance, elle qui n'a pas été réévaluée depuis neuf ans. Il s'agit plutôt de suivre le coût de la vie. Ce n'est qu'un rattrapage.
Non seulement les redevances sont plus élevées chez nos voisins européens, mais elles peuvent même faire l'objet de nouvelles augmentations, comme en Allemagne, où la redevance est passée de 196 euros à 204 euros pour 2005, et cela n'a suscité aucun remous à l'époque.
Je ne comprends pas pourquoi les solutions pourtant évidentes de la commission des affaires culturelles sont à chaque fois retoquées. Peut-être est-ce parce que l'on ne veut pas les assumer et risquer de déplaire aux électeurs... Il y va cependant de notre honneur de savoir prendre des mesures justes et pas seulement démagogiques !
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Quand j'écoute M. le président de la commission des finances, je me dis que c'est la voix de la raison. Mais encore faudrait-il, pour que je l'apprécie tout à fait, que cette voix parle toujours le même langage. Or, monsieur le président de la commission des finances, que je sache, le vote qui est intervenu mardi, sur la suggestion de Free, n'a pas posé de cas de conscience sur les dépenses que cela occasionnera, y compris pour l'État...
En outre, cela fait des années que l'on fait des cadeaux coûteux aux grands groupes, mais les diffuseurs demandent toujours la suppression de règles trop contraignantes qui les handicapent, alors que, comme je l'ai démontré, ils gagnent bien leur vie, puisqu'ils augmentent leurs dividendes.
Quand on supprime l'exonération de la redevance pour les personnes âgées, c'est le budget de l'État qui empoche la somme correspondante. Il n'y a qu'un perdant : le service public !
Il faut savoir si l'on veut d'un service public à finalité culturelle. Au point où nous sommes rendus, il me semble que l'on n'en veut pas, en haut lieu.
Je voterai l'amendement, c'est une question de principe !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Depuis quelques années, madame la ministre, nous essayons de convaincre les gouvernements successifs que l'audiovisuel ne peut pas rester immobile.
Lorsque nous rédigeons les contrats d'objectifs et de moyens, nous nous efforçons, sur la proposition de ceux qui en sont responsables et sous le contrôle du Gouvernement, d'apporter notre contribution de sorte que l'audiovisuel public soit à la mesure des attentes de nos concitoyens.
Le contrat d'objectifs et de moyens précédent, que nous avons étudié avec soin et dont nous étions satisfaits, définissait de nouveaux objectifs.
M. le président de la commission des finances souhaite une rigueur accrue dans l'utilisation des crédits mis à disposition de France Télévisions, il souhaite que des économies soient réalisées. M. de Carolis nous a montré, lors de son audition, les efforts qui étaient faits en ce sens.
En outre, nous avons souhaité une restructuration profonde de cette société très composite. Là encore, M. de Carolis nous a assuré récemment qu'une telle réforme était en cours, notamment à France 3, où des négociations, au reste difficiles, sont conduites par les responsables de la chaîne, qui ont fait des propositions aux personnels.
Monsieur Ralite, j'ajouterai un dernier élément, qui n'a pas été évoqué de façon explicite ce soir : le Président de la République, ainsi que, par conséquent, le Premier ministre et Mme la ministre de la culture et de la communication, ont donné des instructions pour que France Télévisions assure sa mission culturelle.
C'est pourquoi, au lieu de chercher à faire de l'audimat à tout prix, les chaînes publiques ont diffusé des programmes de qualité, avec des résultats très divers : si la retransmission d'oeuvres lyriques a été un échec relatif, il n'en a pas été de même pour le genre dramatique, comme l'a montré l'incontestable succès de la pièce de Sacha Guitry, Faisons un rêve.
Madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, on ne peut pas à la fois demander sans cesse aux chaînes publiques des efforts supplémentaires et limiter les ressources que l'on met à leur disposition ! Comme Louis de Broissia l'a souligné, la commission des affaires culturelles considère que les moyens dont disposent M. de Carolis et son équipe ne sont pas suffisants.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais ils vont évoluer !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Depuis plusieurs années, nous réclamons une augmentation de la redevance, dont le niveau resterait extrêmement modeste, je le rappelle, surtout par rapport à ce qui se pratique dans les autres pays européens. Or, à chaque fois, la commission des finances rejette notre demande et certains groupes refusent de nous suivre, ce qui nous étonne beaucoup, d'ailleurs.
Nous faisons aujourd'hui une nouvelle tentative, non par obstination, mais par souci de cohérence avec ce que nous pensons depuis de longues années. D'ailleurs, ce point de vue est largement partagé au sein de la commission des affaires culturelles : il ne s'agit pas d'une foucade de Louis de Broissia et de Jacques Valade !
Nous nous efforçons d'indexer cette ressource sur le coût de la vie, tout simplement, et avec un retard considérable car, depuis neuf ans, on doit à la télévision publique des sommes qui ne sont pas négligeables et qui permettraient des réalisations importantes.
Mes chers collègues, gardons à l'esprit que l'augmentation de la redevance acceptée par le Gouvernement dans le budget pour 2008 sera presque entièrement absorbée par la mise à niveau technologique.
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Nous ne pouvons pas demander aux chaînes publiques de mettre en place la TNT, la TVHD et éventuellement la TMP, dont le coût est incontestable, et en même temps leur refuser les moyens financiers correspondants. Certes, l'effort consenti cette année n'est pas négligeable, mais il nous paraît insuffisant.
Je regrette profondément de me trouver en contradiction avec mes éminents collègues de la commission des finances, et notamment son président, mais, pour ma part, je voterai cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-54 est-il maintenu ?
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Oui, je le maintiens, monsieur le président !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-54.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
M. Jack Ralite. Certains ont eu peur !
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 305 |
Nombre de suffrages exprimés | 304 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 153 |
Pour l'adoption | 133 |
Contre | 171 |
Le Sénat n'a pas adopté.
J'appelle en discussion l'article 62, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Compte spécial : avances à l'audiovisuel public ».
Article 62
Le deuxième alinéa du 3° de l'article 1605 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Le bénéfice de ce dégrèvement est maintenu à partir de 2006 s'agissant des redevables visés au B du IV de l'article 37 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) et pour les seules années 2006 et 2007 s'agissant des redevables visés au A du même IV, lorsque : ».
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, sur l'article.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 62 du projet de loi de finances nous paraît prendre la question du financement de l'audiovisuel public par le mauvais bout.
En effet, voilà qu'au détour d'un amendement déposé à la dernière minute lors du débat à l'Assemblée nationale se trouve remis en cause le principe d'exonération de la redevance audiovisuelle d'un certain nombre de personnes disposant d'un récepteur de télévision.
En l'espèce, il s'agit de personnes ainsi définies par le rapport de notre collègue Claude Belot : « Selon les informations fournies à votre rapporteur spécial par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, le projet de loi de finances initiale pour 2008 s'est basé sur l'hypothèse de 25 675 879 foyers assujettis et 4 380 852 dégrevés sur rôle, soit 14,6 % de l'ensemble des foyers. Il a été estimé que les personnes âgées ou handicapées exonérées de redevance jusqu'en 2007 représentaient 879 288 foyers, dont 780 000 ne satisferaient plus les critères d'exonération de la redevance audiovisuelle en 2008. »
Pour le dire clairement, près de 800 000 foyers supplémentaires devront s'acquitter de la redevance audiovisuelle. Or cette mesure, qui sera sans doute très mal comprise, et qui l'est déjà d'ailleurs, n'apportera pas un euro de plus au financement de l'audiovisuel public : le seul gagnant sera le budget général, qui se dispensera du coût de ces exonérations.
Près de 800 000 retraités vont donc, à leur corps défendant, participer à la réduction du déficit de l'État, mais la question posée par le financement de l'audiovisuel public ne sera pas résolue pour autant !
En effet, au moment où l'on met à contribution des personnes qui, pour certaines d'entre elles, ne payaient plus la redevance audiovisuelle depuis des années, tout est agencé pour offrir à certains opérateurs de télécommunications et à certains groupes privés de l'audiovisuel des conditions particulières, une sorte de régime spécial, dont le caractère ultralibéral est affiché.
Ce régime spécial, ce sont les « conditions de concession aménagées » de la quatrième licence UMTS, destinées à satisfaire les attentes d'un opérateur privé qui prétend ne pas disposer des moyens financiers de s'acquitter de son droit d'entrée.
Pendant qu'on reprend sans hésiter 40 millions d'euros d'exonérations de redevance aux personnes âgées, on discute encore sur la manière d'aménager le paiement par un opérateur de télécommunications des 619 millions d'euros de droit d'entrée sur la quatrième licence ! Pour les uns, c'est la potion amère, pour d'autres, des sucreries !
De la même manière, la loi sur la télévision du futur, masquant derrière le mirage des avancées techniques la guerre ouverte qui fait rage entre groupes de l'audiovisuel, offre sur un plateau - d'argent ! -, avec les recettes publicitaires potentielles à la clé, trois canaux de diffusion, les fameuses chaînes « bonus », aux sociétés de télévision privée historiques.
Le régime spécial, dans ces cas-là, c'est la rigueur pour le téléspectateur, alors même que la télévision demeure pour nombre de familles la principale pratique culturelle, et les facilités les plus éhontées pour les grands groupes privés de l'audiovisuel.
Il est contre-productif et injuste de refuser d'augmenter les ressources de l'audiovisuel public, et donc la redevance. La concurrence en matière audiovisuelle est désormais exacerbée : on s'arrache à prix d'or, et souvent avec des prix dépassant la raison, l'exclusivité de tel ou tel événement sportif. On tente de racoler le spectateur avec des programmes qui visent le plus possible au-dessous de la ceinture, entre braguettes et mitraillettes. (Sourires.)
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Voyons, monsieur Renar !
M. Ivan Renar. À cette heure-ci, mon cher collègue, les enfants sont couchés ! (Nouveaux sourires.)
De même, on farcit littéralement les émissions de coupures publicitaires de plus en plus longues. Et je pourrais continuer la liste....
Priver le secteur public des ressources qui découlent de la redevance, en refusant d'augmenter cette dernière, revient à le désarmer, encore plus sûrement que le partage de la manne publicitaire, face aux appétits des grands.
Cet article constitue une fausse réponse aux vraies questions du financement de l'audiovisuel public que j'évoquais tout à l'heure. Nous ne saurions donc le voter.