M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai plus bref que M. Frimat, car j'ai moins de choses à expliquer, et elles seront plus simples !
Nous sommes ici réunis pour adopter deux projets de loi particulièrement importants pour l'avenir de la Polynésie française. Ils sont importants, car ils constituent une nouvelle étape dans l'approfondissement de son autonomie et dans l'amélioration du fonctionnement de ses institutions.
Il y a urgence à améliorer le statut de 2004, car la Polynésie française souffre de manière récurrente d'une forte instabilité institutionnelle et politique qui est préjudiciable à son développement économique et social.
Ces deux textes visent trois objectifs nécessaires et légitimes, parce que nous approuvons avec force la stabilité, la transparence et le renforcement de la démocratie locale.
Il s'agit, tout d'abord, de garantir la stabilité des institutions politiques en évitant, comme vous l'indiquiez à juste titre, monsieur le secrétaire d'État, les censures à répétition et en contraignant ceux qui veulent s'unir non pour renverser mais pour construire.
Il est notamment prévu un mode de scrutin à deux tours pour l'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française.
Il s'agit d'une réforme majeure et nécessaire, qui tend à promouvoir une représentation juste de tous les territoires et à favoriser l'émergence d'une majorité stable au sein de l'assemblée de la Polynésie française.
L'autre grande ambition de ces deux projets de loi, c'est la transparence, avec une meilleure publicité des travaux de l'assemblée polynésienne, le renforcement de la pratique des questions au gouvernement, l'institution d'un débat d'orientation budgétaire et de règles d'incompatibilité inspirées du droit commun, tant pour l'exécutif que pour l'assemblée.
Il s'agit, enfin, de renforcer les modalités d'exercice des contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires par l'application des dispositions faisant partie, là aussi, du droit commun des collectivités territoriales de la République.
Je tiens à vous rendre hommage, monsieur le secrétaire d'État, au nom de l'ensemble de mes collègues du groupe UMP. L'ensemble des mesures proposées démontre l'attachement du Gouvernement à la stabilité politique de la Polynésie et à l'affirmation de sa démocratie.
Je tiens également à saluer l'important travail de la commission des lois du Sénat qui, sous l'impulsion de son président, M. Jean-Jacques Hyest, et de notre rapporteur et ami, Christian Cointat, a permis d'enrichir de façon pertinente le contenu du texte, notamment en ce qui concerne les élections à l'assemblée territoriale, avec le relèvement des seuils d'admission à la répartition des sièges et d'accession au second tour.
Pour l'ensemble de ces raisons, les membres de mon groupe et moi-même voterons ces deux projets de loi avec la conviction que, loin d'affaiblir l'autonomie statutaire de la Polynésie, ils contribueront à la renforcer en lui donnant les moyens de fonctionner efficacement et durablement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et au banc de la commission.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
Projet de loi organique
Nous passons à la discussion des articles du projet de loi organique.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA STABILITÉ DES INSTITUTIONS
Article 1er
I. - Après l'article 72 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, il est inséré un article 72-1 ainsi rédigé :
« Art. 72-1. - En cas d'absence ou d'empêchement du président de la Polynésie française, son intérim est assuré par le vice-président nommé dans les conditions prévues à l'article 73 ou, si celui-ci est lui-même absent ou empêché, par un ministre dans l'ordre de nomination des ministres. »
II. - L'article 69 de la même loi organique est ainsi rédigé :
« Art. 69. - Le président de la Polynésie française est élu par l'assemblée de la Polynésie française parmi ses membres, au scrutin secret.
« L'assemblée de la Polynésie française ne peut valablement procéder à l'élection que si les trois cinquièmes des représentants sont présents. Si cette condition n'est pas remplie, la réunion se tient de plein droit trois jours plus tard, dimanche et jours fériés non compris, quel que soit le nombre des représentants présents.
« Le vote est personnel.
« Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'obtient la majorité absolue des membres composant l'assemblée, il est procédé à un troisième tour et l'élection a lieu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Seuls peuvent se présenter au troisième tour les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, ont recueilli le plus grand nombre de suffrages exprimés au deuxième tour. En cas d'égalité des voix, la présentation au troisième tour est acquise au bénéfice de l'âge.
« En cas d'égalité des voix, l'élection est acquise au bénéfice de l'âge.
« Pour le premier tour de scrutin, les candidatures sont remises au président de l'assemblée de la Polynésie française au plus tard la veille du jour fixé pour le scrutin. Des candidatures nouvelles peuvent être présentées au deuxième tour de scrutin. Les candidatures sont remises au président de l'assemblée de la Polynésie française au plus tard trois heures avant l'ouverture du deuxième tour de scrutin.
« Chaque candidat expose son programme devant l'assemblée avant l'ouverture de chaque tour de scrutin. »
III. - L'article 73 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le gouvernement comprend au plus quinze ministres. » ;
2° Dans le dernier alinéa, après les mots : « les attributions », sont insérés les mots : « du vice-président et ».
IV. - Le second alinéa de l'article 80 de la même loi organique est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'empêchement provisoire du président de la Polynésie française est constaté par le conseil des ministres, d'office ou à la demande de l'intéressé.
« En cas de décès, de démission, de démission d'office ou d'empêchement définitif du président de la Polynésie française, ou lorsque son empêchement excède une période de trois mois à partir de l'exercice de l'intérim par le vice-président, le gouvernement de la Polynésie française est démissionnaire de plein droit et il est pourvu à son remplacement dans les conditions prévues aux sections 2 et 3 du présent chapitre. L'empêchement définitif du président de la Polynésie française est constaté par le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi par le conseil des ministres de la Polynésie française, par le président de l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire. »
V. - Non modifié.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 3
I et II. - Non modifiés.
II bis. - Le deuxième alinéa du II de l'article 107 de la même loi organique est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l'application de cette règle ne permet pas de combler une vacance, il est procédé dans les trois mois à une élection partielle.
« Lorsque la vacance porte sur un seul siège, l'élection a lieu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. La déclaration de candidature comporte l'indication de la personne appelée à remplacer le candidat élu en cas de vacance du siège. Celle-ci doit remplir les conditions d'éligibilité exigées des candidats. Nul ne peut figurer en qualité de remplaçant sur plusieurs déclarations de candidature. Nul ne peut être à la fois candidat et remplaçant d'un autre candidat.
« Lorsque la vacance porte sur deux sièges, l'élection a lieu au scrutin de liste majoritaire à deux tours, avec dépôt de listes comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir, augmentés de un sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.
« Dans les cas prévus aux troisième et quatrième alinéas du présent II, est élu au premier tour le candidat ou la liste qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés. Au second tour de scrutin, est élu le candidat ou la liste qui a obtenu le plus de voix. Seuls peuvent se présenter au second tour les candidats ou listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du total des suffrages exprimés ; si un seul candidat ou une seule liste obtient ce nombre de suffrages, le candidat ou la liste arrivé en deuxième au premier tour peut se présenter au second tour ; si aucun candidat ou aucune liste n'obtient un tel nombre de suffrages, les deux candidats ou listes arrivés en tête au premier tour peuvent se maintenir au second tour.
« Lorsque la vacance porte sur trois sièges ou plus, l'élection a lieu dans les conditions fixées à l'article 105.
« Les nouveaux représentants sont élus pour la durée du mandat restant à courir. »
III et IV. - Non modifiés.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Le groupe socialiste a déposé trois amendements, et je serai amené à prendre plusieurs fois la parole, pour bien marquer ses positions sur ce sujet, même si elles sont connues.
Ce premier amendement vise à supprimer l'article 3, instaurant un nouveau mode d'élection des représentants de l'assemblée de Polynésie française : c'est le troisième mode de scrutin que vous nous proposez en trois ans !
Le premier, en 2004, était un scrutin proportionnel avec prime majoritaire. Il avait été taillé sur mesure par notre collègue M. Gaston Flosse pour lui-même. Mais, contre toute attente, le costume fut endossé par M. Oscar Temaru, qui, à la surprise générale, remporta les élections.
Le deuxième fut cousu main pour M. Gaston Tong Song par nos collègues de l'Assemblée nationale MM. Michel Buillard et Guy Geoffroy, lors du débat sur la loi organique relative à l'outre-mer. Chacun, ici, s'en souvient, puisque nous n'avons pas eu à en débattre.
Cependant, ce nouveau costume n'a été revêtu par personne, puisque ce mode de scrutin est mort-né : ce qui était bon en février ne l'est plus en novembre et, dans la précipitation, le Gouvernement invente un nouveau prototype de scrutin qui n'existe nulle part : un scrutin à deux tours à la proportionnelle, sans prime.
Ce que l'on ne nous a pas dit - mais nous l'avons deviné - c'était pour qui était taillé le costume. Si je puis me permettre ce langage populaire, je souhaite que le peuple polynésien taille un costume à ceux qui ont façonné le scrutin. (Sourires.)
Ce type de scrutin ne contient aucun élément de stabilité. Je serais tenté de dire que, si l'on voulait créer de l'instabilité, on ne s'y prendrait pas autrement. D'ailleurs, on croit tellement peu à ce type de scrutin, dont tout le monde voit bien les défauts, qu'immédiatement après l'avoir créé on invente un certain nombre de stabilisateurs qui sont censés le corriger.
Réserver ce prototype de scrutin à la Polynésie française, dont, nous le reconnaissons tous, la stabilité politique est fragile, ce qui tient beaucoup plus souvent à des comportements qu'à des modes de scrutin, ne nous paraît pas souhaitable.
Nos collègues socialistes, à l'Assemblée nationale, ont présenté un mode de scrutin que vous avez refusé, monsieur le secrétaire d'État. Aujourd'hui, nous entendons simplement marquer de la manière la plus claire possible nos positions. Ce nouveau mode de scrutin, s'il était adopté, se révélerait être un facteur d'instabilité. Nous ne pouvons donc l'approuver.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Nous avons déjà eu un large débat à ce sujet.
La commission ne peut qu'être défavorable à cet amendement allant à l'encontre de ce qui a été adopté en première lecture et de la position qu'elle a prise ce matin.
Adopter cet amendement reviendrait à conserver le scrutin actuel - la proportionnelle pure à un seul tour - qui ne saurait être considéré comme un facteur de stabilité.
Par ailleurs, le projet de loi organique doit être appréhendé dans sa globalité, en tenant compte du système électoral et du sous-système de gouvernance, globalité qui est gage de responsabilité et de stabilité.
Enfin, ce projet de loi organique, loin d'être un projet de loi « de convenance », comme vous l'avez dit - peut-être est-ce un lapsus de votre part - est au contraire le projet de loi qui convient.
M. Robert del Picchia. Bravo !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, nous avons déjà longuement débattu de ce sujet.
M. Bernard Frimat. Bien sûr !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Avec modestie, humilité, sans certitude aucune, je voudrais préciser de nouveau la position du Gouvernement.
Monsieur Frimat, vous êtes un fin connaisseur de la Polynésie française, vous avez souvent travaillé sur les textes la concernant, notamment lorsqu'ils portaient sur la situation économique et sociale. Dans le cas présent, peut-être n'avez-vous pas assez approfondi votre réflexion.
Je vous avoue que je n'ai pas envie de rouvrir ce débat de manière politicienne. Vous avez d'ailleurs eu, globalement, une démarche assez constructive tout au long de l'examen de ce projet de loi, et je vous en remercie. J'apprécie la manière dont nous avons échangé nos points de vue, vous, représentant de l'opposition sur ces bancs, et moi, représentant du Gouvernement.
Lorsque vous évoquez d'autres modes de scrutin possibles, vous n'avez pas non plus de certitudes : nous savons bien que tout modèle applicable en métropole n'est pas forcément transposable en Polynésie française, et que l'organisation politique de cette dernière n'est pas comparable à celle de la métropole.
J'ai simplement cherché à permettre aux Polynésiennes et aux Polynésiens de faire leur choix. Vous appartenez à une formation politique qui défend la proportionnelle ; la famille politique dont je fais partie, celle du Président de la République, considère comme anormal que, du fait de certains modes de scrutin, des Françaises et des Français, quel que soit le territoire dont ils sont issus, ne puissent être représentés dans telle ou telle assemblée.
C'est un grand débat que le Gouvernement va ouvrir pour l'ensemble de notre pays, dans les semaines et les mois qui viennent, à l'occasion de la prochaine réforme des institutions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Ce débat, il est ouvert aujourd'hui pour la Polynésie française.
Le Gouvernement entend veiller à ce qu'aucun électeur de Polynésie française n'ait le sentiment de ne pas être représenté à l'assemblée de Polynésie française.
Ce nouveau mode de scrutin ne sera certes pas la réponse à tous les problèmes ; du moins permettra-t-il à chaque électeur d'être représenté.
Le sentiment d'éloignement, de frustration, est grand, quand on est à 1 500 kilomètres, voire à 2 000 kilomètres de Papeete : on se sent loin, non pas de la métropole ou de Paris, mais simplement de Papeete.
C'est une réponse à ce sentiment d'éloignement et de frustration que, en toute bonne foi, j'ai essayé d'apporter.
Si je n'ai pas de certitude quant à la stabilité de la majorité qui sortira des urnes, - d'ailleurs, quel que soit le choix des Polynésiens, je le respecterai et je travaillerai avec celles et ceux qui seront élus - j'ai la certitude que ce nouveau mode de scrutin garantira la représentativité des territoires et des électeurs et que, de plus, les alliances éventuellement conclues entre les deux tours le seront en toute transparence, parce que ce seront les électeurs qui les valideront ou qui ne les valideront pas.
M. Robert del Picchia. Voilà !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je serai bref, parce que nous avons eu ce débat en première lecture ; mon unique souci est de souligner nos points de désaccord.
Monsieur le secrétaire d'État, on peut certes toujours réfléchir davantage. J'accepte votre remarque, et je vous la retourne : la réflexion est un exercice stimulant et la suite de ce débat nous montrera certainement que, sur des sujets précis, nous aurions pu, nous comme vous, réfléchir davantage.
J'ai bien noté que vous n'aviez pas du tout la certitude que ce mode de scrutin garantirait la stabilité d'une majorité. Je vous en donne acte : vous nous l'aviez déjà dit lors de la première lecture et vous le répétez aujourd'hui. C'est un peu contradictoire avec l'intitulé du titre premier : « Dispositions relatives à la stabilité des institutions ».
Là où votre argumentation me semble plus faible, c'est que, la répartition géographique des représentants n'étant pas modifiée et les circonscriptions restant les mêmes que lors des scrutins précédents, je ne vois pas en quoi le nouveau mode de scrutin permettrait à des représentants des îles Tuamotu, Gambiers ou Australes d'être représentés demain mieux qu'ils ne le sont aujourd'hui.
C'est le seul point sur lequel votre argumentation ne me semble pas pertinente. Sur le reste, nous avons des désaccords politiques, mais nous en avons déjà assez débattu.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
L'article 121 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 121. - L'assemblée de la Polynésie française élit son président pour la durée du mandat de ses membres. Elle élit chaque année les autres membres de son bureau à la représentation proportionnelle des groupes politiques et dans les conditions fixées par son règlement intérieur.
« En cas de vacance des fonctions de président de l'assemblée de la Polynésie française, il est procédé au renouvellement intégral du bureau.
« Lors du renouvellement annuel des membres du bureau ou lors de la première réunion suivant le renouvellement d'une partie des membres de l'assemblée de la Polynésie française, celle-ci peut décider, à la majorité absolue de ses membres, de procéder au renouvellement intégral du bureau. »
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.
M. Bernard Frimat. Ainsi que je vous l'ai signalé, monsieur le président, j'ai souhaité intervenir plusieurs fois, dans un souci de clarification. Puisque, sur cet article, mon groupe n'a pas déposé d'amendement, il faut bien qu'il s'exprime malgré tout.
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, à l'article 4, n'y a-t-il pas une sorte de contradiction à prévoir dans le même temps l'élection du président de l'assemblée pour cinq ans, ce qui va dans le sens de la stabilité, et le renouvellement annuel des membres du bureau ? De surcroît, nos collègues de l'Assemblée nationale ont prévu qu'une élection partielle pouvait aussi entraîner un tel renouvellement.
Je suis convaincu que nous aurions tout intérêt à conserver des éléments de stabilité. Le maintien d'une assemblée, de son bureau et de son président sur une longue période peut contribuer à éviter bien des revirements.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est la règle ! Avant, c'était tous les ans !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Monsieur Frimat, le nombre de sièges est, selon les différentes circonscriptions, très disproportionné : quatre circonscriptions ont trois sièges, une en a huit, une autre en a trente-sept. En cas d'annulation de l'élection dans la circonscription de trente-sept sièges, une élection partielle peut, si une majorité le décide, entraîner une nouvelle élection du président. C'est la démocratie.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'avait pas estimé nécessaire que le Sénat prévoie cette possibilité. Les députés ont souhaité introduire cette disposition. Leur argumentation est tout à fait plausible. Voilà pourquoi je vous recommande, mesdames, messieurs les sénateurs, d'adopter cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. - L'article 156 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 156. - L'assemblée de la Polynésie française peut mettre en cause la responsabilité du président de la Polynésie française et du gouvernement de la Polynésie française par le vote d'une motion de défiance. Celle-ci n'est recevable que si elle est signée par au moins le quart des représentants à l'assemblée de la Polynésie française.
« La motion de défiance mentionne, d'une part, les motifs pour lesquels elle est présentée et, d'autre part, le nom du candidat appelé à exercer les fonctions de président de la Polynésie française en cas d'adoption de la motion de défiance.
« Si elle est en session, l'assemblée de la Polynésie française se réunit de plein droit trois jours francs après le dépôt de la motion de défiance. Si la motion de défiance est déposée en dehors de la période prévue pour les sessions ordinaires, une session est ouverte de droit cinq jours francs après ce dépôt. Le vote intervient au cours des deux jours suivants ; faute de quorum, il est renvoyé au lendemain. Les délais mentionnés au présent alinéa s'entendent dimanche et jours fériés non compris.
« Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de défiance, qui ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Chaque représentant à l'assemblée de la Polynésie française ne peut signer, par année civile, plus de deux motions de défiance.
« Le président de l'assemblée de la Polynésie française proclame les résultats du scrutin et les transmet immédiatement au haut-commissaire. Les résultats du scrutin peuvent être contestés par tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire, devant le Conseil d'État statuant au contentieux, dans le délai de cinq jours à compter de cette proclamation.
« Lorsque la motion de défiance est adoptée, les fonctions des membres du gouvernement de la Polynésie française cessent de plein droit. Le candidat au mandat de président de la Polynésie française est déclaré élu et entre immédiatement en fonction. Il est procédé à la désignation des autres membres du gouvernement dans les conditions prévues à l'article 73. »
II. - Après l'article 156 de la même loi organique, il est inséré un article 156-1 ainsi rédigé :
« Art. 156-1. - I. - Si, au 31 mars de l'exercice auquel il s'applique, l'assemblée de la Polynésie française a rejeté le budget annuel, le président de la Polynésie française lui transmet, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, un nouveau projet de budget élaboré sur la base du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements soutenus lors de la discussion devant l'assemblée. Ce projet est accompagné, le cas échéant, des projets d'actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays", relatifs aux impôts et taxes destinés à assurer son vote en équilibre réel.
« Si l'assemblée de la Polynésie française n'a pas adopté ce nouveau projet de budget et, le cas échéant, les projets d'actes dénommés "lois du pays" qui l'accompagnent dans un délai de cinq jours suivant leur dépôt, le président de la Polynésie française peut engager sa responsabilité devant l'assemblée. Dans ce cas, le projet de budget et, le cas échéant, les projets d'actes dénommés "lois du pays" qui l'accompagnent sont considérés comme adoptés à moins qu'une motion de renvoi, présentée par au moins le quart des membres de l'assemblée de la Polynésie française, ne soit adoptée à la majorité absolue des membres de l'assemblée. La liste des signataires figure sur la motion de renvoi.
« La motion de renvoi est déposée dans un délai de cinq jours à compter de l'engagement de la responsabilité du président de la Polynésie française devant l'assemblée et comporte un projet de budget, accompagné, le cas échéant, des propositions d'actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays", relatives aux impôts et taxes destinés à assurer son équilibre réel. Elle mentionne le nom du candidat appelé à exercer les fonctions de président de la Polynésie française en cas d'adoption de la motion de renvoi.
« Le jour du dépôt de la motion de renvoi, le président de l'assemblée de la Polynésie française convoque l'assemblée pour le neuvième jour qui suit ou le premier jour ouvrable suivant. La convocation adressée aux représentants est assortie de la motion de renvoi déposée et du projet de budget qu'elle comporte, accompagné, le cas échéant, des propositions d'actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays", relatives aux impôts et taxes.
« Le vote sur la motion a lieu au cours de la réunion prévue au quatrième alinéa du présent I.
« Le président de l'assemblée de la Polynésie française proclame les résultats du scrutin et les transmet immédiatement au haut-commissaire. Les résultats du scrutin peuvent être contestés par tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire, devant le Conseil d'État statuant au contentieux, dans le délai de cinq jours à compter de cette proclamation.
« Si la motion est adoptée, le projet de budget qu'elle comporte et les propositions d'actes dénommés "lois du pays", relatives aux impôts et taxes, qui accompagnent celui-ci sont considérés comme adoptés. Les fonctions des membres du gouvernement cessent de plein droit. Le candidat au mandat de président de la Polynésie française est déclaré élu et entre immédiatement en fonction. Il est procédé à la désignation des autres membres du gouvernement dans les conditions prévues à l'article 73.
« Le budget est transmis au haut-commissaire de la République au plus tard cinq jours après la date à partir de laquelle il peut être considéré comme adopté conformément au deuxième alinéa du présent I ou la date de l'adoption ou du rejet et de la motion de renvoi.
« Par dérogation au premier alinéa des I et II de l'article 176 et au premier alinéa des articles 178 et 180, les actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays", relatifs aux impôts et taxes, qui accompagnent le budget sont publiés au Journal officiel de la Polynésie française et promulgués par le président de la Polynésie française au plus tard le lendemain de leur adoption et peuvent, à compter de la publication de leur acte de promulgation, faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État au titre du contrôle juridictionnel spécifique des actes dénommés "lois du pays" prévu par la présente loi organique.
« S'il est saisi à ce titre, par dérogation aux deuxième et troisième alinéas de l'article 177, le Conseil d'État annule toute disposition contraire à la Constitution, aux lois organiques, aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit.
« II. - Le présent article est également applicable aux autres délibérations budgétaires relatives au même exercice, hormis le compte administratif, qui font l'objet d'un vote de rejet par l'assemblée de la Polynésie française. Le président de la Polynésie française peut transmettre un nouveau projet à l'assemblée de la Polynésie française, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, sur le fondement du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements présentés lors de la discussion. »
III. - Non modifié....................................................................
IV. - La même loi organique est ainsi modifiée :
1° Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 71, les mots : « ou par suite du vote d'une motion de censure » et les mots : « ou le vote de la motion de censure » sont supprimés ;
2° Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 122, les mots : « motion de censure » sont remplacés par les mots : « motion de défiance ou de renvoi » ;
3° Dans l'avant-dernier alinéa du II de l'article 127, les mots : « motion de censure » sont remplacés par les mots : « motion de défiance ou de renvoi » ;
4° Dans l'avant-dernier alinéa du V de l'article 159, les mots : « motion de censure » sont remplacés par les mots : « motion de défiance ou de renvoi ».
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.
M. Bernard Frimat. Par cet article 5, le Gouvernement, soi-disant soucieux de remédier à une instabilité présumée et s'inspirant du système qui a existé un court moment dans les conseils régionaux, réalise une sorte de meccano institutionnel, en inventant la motion de défiance « constructive ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous ne pouvez pas être contre puisque c'est la gauche qui l'a inventée !
M. Bernard Frimat. Je vous l'accorde, monsieur le secrétaire d'État, c'est parce que le scrutin est instable que vous n'avez pas confiance, et c'est parce que vous n'avez pas confiance que vous préconisez une telle mécanique. Chacun a effectivement pu constater que le renversement successif des alliances provoquait l'instabilité puisque, avec les mêmes élus, l'assemblée de la Polynésie a constitué des majorités différentes.
Si l'on attache quelque importance à l'avis exprimé sur ce texte par l'assemblée de la Polynésie, on constate que, selon celle-ci, les dispositions de cet article « ne contribuent absolument pas à renforcer la stabilité du Gouvernement, mais au contraire tendent à maintenir au pouvoir un gouvernement sans aucune majorité ».
Si vous maintenez au pouvoir un gouvernement sans aucune majorité, comment pourra-t-il gouverner ? Comment les institutions pourront-elles fonctionner ? Avec un tel dispositif, vous introduisez nécessairement un élément de blocage !
La motion de censure est un dispositif plus logique dans la mesure où elle permet de constater - ce que je dis n'a rien de très novateur - que le gouvernement en place n'a pas la majorité et qu'il n'a donc plus la capacité de gouverner.
En cas de blocage des institutions, la solution est de revenir devant le peuple et de lui donner la parole, car lui seul détient la légitimité fondamentale et peut donc l'octroyer aux personnes qu'il élit. C'est ce que nous avons réclamé quand pareille situation s'est produite à la fin de 2004 et au début de 2005. Or, à l'époque, cela avait été refusé par votre majorité.
Monsieur le secrétaire d'État, le système que vous avez inventé n'est donc pas de nature à simplifier le problème.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Frimat. Non, nous avons simplement des avis différents !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Vous êtes dans l'erreur, et je vais vous en faire la démonstration.
En raison du blocage de ses institutions, la Polynésie est en panne depuis 2004.
M. Bernard Frimat. C'est vous qui l'avez mise en panne !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Monsieur Frimat, en somme, si je vous comprends bien, nos concitoyens de métropole ont, tous, droit à avoir accès à l'internet haut-débit, mais pas les Polynésiens ! Nos concitoyens de métropole ont, tous, droit à avoir accès à la télévision numérique terrestre, mais pas les Polynésiens ! Nos concitoyens de métropole ont, tous, droit à avoir accès un système de santé de qualité et performant,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes heureux de vous l'entendre dire !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. ...mais pas les Polynésiens ! Et je pourrais multiplier les exemples !
J'en citerai un dernier : dans l'enseignement supérieur, les étudiants polynésiens ne sont que 12 % à poursuivre leur cursus à l'issue des premières années, soit un taux bien inférieur à celui qui est constaté en métropole.
Si vous considérez que, depuis 2004, les choses vont plutôt bien en Polynésie française, je vous laisse la responsabilité de cette analyse !
Pour ma part, je souhaite accorder toute mon attention à mes compatriotes polynésiens et à leurs familles, car, depuis 2004, ils n'ont vraiment pas bénéficié d'une politique suffisamment dynamique pour leur permettre d'être au même niveau que tous nos compatriotes de métropole en matière d'équité et d'égalité des chances.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les maux de la Polynésie sont bien plus anciens que cela !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Si vous considérez que la situation en Polynésie française est stable depuis trois ans et que la motion de censure à répétition - cinq depuis 2004 ! - est un bon système, alors même qu'il a contribué à placer la Polynésie dans l'état où elle se trouve aujourd'hui, alors, oui, nous sommes assurément en désaccord total !
M. Bernard Frimat. Ça, c'est sûr !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Vous voulez faire perdurer ce système ? Moi, non !
Moi, je veux assurer la prospérité à mes compatriotes de Polynésie française, en leur ouvrant la voie du développement économique et social. C'est pourquoi je veux effectivement leur garantir une majorité stable !
À partir du moment où l'on instaure la motion de défiance « constructive », en lieu et place de la motion de défiance « destructive », une majorité se dégagera nécessairement : personne ne peut en douter puisqu'il aura préalablement fallu que des hommes et des femmes se mettent d'accord pour désigner un éventuel président. Ainsi, en cas d'adoption de la motion, le nouveau président, soutenu par une majorité, pourra, avec son exécutif, administrer la Polynésie française. À cet égard, la motion de défiance constructive constituera non seulement un bouclier efficace, mais également un outil permettant d'aller de l'avant.
Encore une fois, peu m'importe de quelle majorité sera issu cet exécutif pourvu que le président ait enfin à ses côtés un exécutif stable, avec lequel il pourra travailler, dans l'intérêt des Polynésiennes et des Polynésiens.
MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et Christian Cointat, rapporteur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6 bis
L'article 166 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin d'assurer la sécurité de la population, le fonctionnement normal des services publics ou de mettre fin à une violation grave et manifeste des dispositions de la présente loi organique relatives au fonctionnement des institutions et lorsque ces autorités n'ont pas pris les décisions qui leur incombent de par la loi, le haut-commissaire de la République peut prendre, en cas d'urgence et après mise en demeure restée sans résultat, les mesures qui s'imposent. Il en informe sans délai le président de la Polynésie française. » - (Adopté.)
TITRE II -
DISPOSITIONS RELATIVES À LA TRANSPARENCE DE LA VIE POLITIQUE
Article 7 A
L'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi modifié :
1° À la fin du 1°, les mots : « et du Défenseur des enfants » sont remplacés par les mots : «, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté » ;
2° Après le 5°, sont insérés un 6°, un 6° bis et un 7° ainsi rédigés :
« 6° À la procédure administrative contentieuse ;
« 6° bis Aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de l'État et de ses établissements publics ou avec celles des communes et de leurs établissements publics ;
« 7° À la lutte contre la circulation illicite et au blanchiment des capitaux, à la lutte contre le financement du terrorisme, aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions et aux procédures contentieuses en matière douanière, au régime des investissements étrangers dans une activité qui participe à l'exercice de l'autorité publique ou relevant d'activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique, aux intérêts de la défense nationale ou relevant d'activités de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres ou de substances explosives. » ;
3° Le dernier alinéa est complété par les mots : « ainsi que toute autre disposition législative ou réglementaire qui, en raison de son objet, est nécessairement destinée à régir l'ensemble du territoire de la République ». - (Adopté.)
Article 7
Les trois derniers alinéas de l'article 9 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Sauf lorsqu'est en cause la définition du statut de la Polynésie française prévue par l'article 74 de la Constitution, l'avis peut être émis par la commission permanente si elle y a été habilitée par l'assemblée de la Polynésie française.
« Les consultations mentionnées aux alinéas précédents doivent intervenir, au plus tard, avant l'adoption du projet de loi ou de la proposition de loi en première lecture par la première assemblée saisie. Les avis portant sur les projets de loi qui, dès l'origine, comportent des dispositions relatives à l'organisation particulière de la Polynésie française sont rendus de façon implicite ou expresse avant l'avis du Conseil d'État.
« Les avis émis au titre du présent article sont publiés au Journal officiel de la Polynésie française.
« Lorsque l'assemblée de la Polynésie française fait usage de la faculté qui lui est ouverte par l'article 133, les résolutions par lesquelles elle présente des propositions de modification des dispositions législatives et réglementaires applicables en Polynésie française ont valeur d'avis au sens du présent article lorsque le Parlement ou le Gouvernement décident de suivre, en tout ou partie, ces propositions.
« À la demande du Président de l'Assemblée nationale ou du Président du Sénat, le haut-commissaire est tenu de consulter l'assemblée de la Polynésie française sur les propositions de loi mentionnées au présent article. » - (Adopté.)