M. Michel Charasse. Si l'on vous met dehors, une bousculade aura lieu à la sortie de l'hémicycle ! (Sourires.)

M. Alain Lambert. Pour le moment, nous disposons d'un instrument juridique de droit civil qui n'est pas utilisable, parce que sa fiscalité est totalement inapplicable.

J'en appelle encore une fois à votre bon sens. Monsieur le ministre, vos prédécesseurs - j'en connais certains - n'ont pas su résoudre ce problème ; j'espère que vous parviendrez à le faire.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Un amendement identique a été déposé par le même auteur dans le cadre du collectif pour 2006. Un travail devait s'ensuivre avec les services de l'exécutif. Je ne sais pas ce qu'il en est, mais nous allons le savoir dans un instant, en entendant l'avis du Gouvernement.

Pour ma part, j'ai retenu que ce dispositif vise une nouvelle fois à tirer les conséquences des modifications des règles civiles en matière de succession.

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Donc, c'est un simple amendement de cohérence, voire de coordination.

M. Michel Charasse. Exactement !

M. Philippe Marini, rapporteur général. À ce titre, la commission des finances y est tout à fait favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Lambert, si votre amendement vise bien à différer le paiement du droit de 1,1 % au moment du partage et non au moment de la signature du testament, je suis prêt à vous donner mon accord. Mais il faudrait peut-être revoir la rédaction de cette disposition, dans la mesure où elle n'est pas tout à fait claire. Nous pourrions trouver un accord préalable avant de l'adopter lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative.

Mme la présidente. Monsieur Lambert, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre ?

M. Alain Lambert. Je suis prêt à retirer cet amendement pour en modifier la rédaction, puisque celle-ci, je le reconnais volontiers, peut prêter à confusion et laisser à penser qu'il s'agit de rechercher l'exonération des droits de partage. En réalité, il convient simplement de faire en sorte que ces droits soient payés au moment du partage, après que la succession a été ouverte.

Monsieur le ministre, on ne peut pas retenir la première formulation qui a été suggérée, c'est-à-dire l'exigibilité des droits au décès, puisque, par définition, on ne voit pas comment les héritiers pourraient se précipiter au bureau d'enregistrement et payer les droits le jour du décès.

Je pense que nous pourrions trouver une rédaction qui convient d'ici...

M. Philippe Marini, rapporteur général. D'ici à la commission mixte paritaire !

M. Alain Lambert. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai eu le sentiment - je ne suis pas sûr de percer vraiment tous les aspects de ce domaine technique et complexe - qu'un large accord d'intention était intervenu entre l'auteur de l'amendement et M. le ministre.

Donc, il me semble que, si un gentlemen agreement existait entre eux pour rectifier l'amendement de manière qu'il puisse être rédigé de façon totalement satisfaisante dans le texte de la CMP, nous aurions bien avancé. Sachant que le collectif budgétaire est toujours examiné dans des délais très contraints, cela ferait un amendement de moins à ce moment-là !

M. Michel Charasse. M. le rapporteur général a le sens de l'économie ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Je suis favorable à l'allégement du collectif budgétaire, que vous appelez de vos voeux. Cet amendement pourrait être adopté aujourd'hui, puis réexaminé en CMP.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur le ministre !

M. Éric Woerth, ministre. Pour l'heure, je lève le gage.

Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° I-166 rectifié bis.

La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Je voudrais simplement dire, madame la présidente, pour que M. le ministre se sente totalement sécurisé - je suis sûr qu'il a une entière confiance -, que nous veillerons avec M. le rapporteur général, lors de la CMP, à respecter totalement l'esprit que nous venons d'indiquer. Il ne s'agit pas de chercher à échapper à l'impôt.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-166 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 9.

L'amendement n° I-163 rectifié, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Après la première phrase de l'article 748 du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il en est de même des partages portant sur des biens dépendant d'une indivision ordinaire existant entre des époux, des parents ou alliés jusqu'au 4ème degré inclus, et entre des partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité. »

II. Le premier alinéa du II de l'article 750 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il en est de même des licitations portant sur des biens dépendant d'une indivision ordinaire existant entre des époux, des parents ou alliés jusqu'au 4ème degré inclus, et entre des partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité. »

 

II. Les pertes de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et suivants du code général des impôts.

La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Cet amendement rédactionnel a pour objet de traiter les partages qui interviennent dans le cadre familial, qu'il s'agisse des familles classiques ou des familles recomposées, au regard des successions, divorces ou donations-partages comme des opérations intercalaires qui sont exclusives de toute taxation au titre des plus-values.

J'insiste beaucoup sur ce sujet. C'est un acte déclaratif. Le partage n'est pas translatif. C'est un principe qu'il faut absolument poser fiscalement pour qu'il n'y ait aucun doute.

Monsieur le ministre, la rédaction de mon amendement comporte peut-être une évocation à un degré successoral un peu lointain. J'admets volontiers qu'il puisse être amélioré.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de même philosophie que les précédents, qui appelle le même avis favorable de la commission.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que sur l'amendement précédent et lève le gage.

Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° I-163 rectifié bis.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 9.

L'amendement n° I-164 rectifié, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le premier alinéa de l'article 751 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La preuve contraire peut notamment résulter d'une donation des deniers constatée par un acte ayant date certaine, quel qu'en soit l'auteur, en vue de financer tout ou partie de la nue-propriété d'un bien, sous réserve de justifier de l'origine des deniers dans l'acte en constatant l'emploi. »

II. - Les pertes de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et suivants du code général des impôts.

La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Ce sujet, que nous avons aussi évoqué l'année dernière, traite de la présomption qui frappe un acquéreur en nue-propriété. Lorsque le titulaire de l'usufruit est son auteur, il est réputé avoir réalisé une sorte de donation dissimulée.

La situation s'est aggravée depuis notre dernière discussion, puisqu'une décision de la Cour de cassation a rendu irréfragable la présomption de droit fiscal, qui était « simple » jusqu'à présent. Irréfragable veut dire - nombreux sont ceux d'entre vous qui en connaissent la définition - : impossibilité d'apporter la preuve contraire.

Cette situation aboutit à des injustices graves, car certains acquéreurs procèdent au réemploi de biens qu'ils possèdent ou qu'ils achètent en remplacement du bien qu'ils vendent, avec une déclaration d'origine des deniers de manière à prouver la traçabilité et le fait que ce bien a déjà connu un traitement fiscal absolument clair et non ambigu.

Là encore, monsieur le ministre, mon but n'est évidemment pas de favoriser la moindre optimisation fiscale ou de permettre de se soustraire à l'impôt. Il est que l'acquéreur de bonne foi apportant la démonstration que la vente de sa propriété a été portée à la connaissance de l'administration et que son acquisition n'est que le produit de cette vente ne puisse pas être soupçonné, par cette présomption irréfragable, d'une donation dissimulée.

Tel est l'objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à revenir à l'esprit de l'article 751 du code général des impôts, qui prévoit que l'héritier peut toujours apporter la preuve de la réalité du démembrement de propriété.

Donc, la commission est sensible aux arguments qui viennent d'être exposés et souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement, en espérant que celui-ci soit positif.

Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui permettra aux redevables d'apporter plus facilement la preuve, par principe, que le démembrement de propriété qu'ils réalisent est bien réel et ne vise pas à éluder l'impôt.

Cela étant, sans préjudice d'un complément d'examen éventuel qui pourrait être effectué d'ici à la commission mixte paritaire, compte tenu des délais très courts que nous avons eus pour examiner cet amendement, votre proposition pourrait être aménagée, notamment afin de limiter sa portée à l'hypothèse où l'acquisition de l'usufruit par le défunt et de la nue-propriété par l'héritier présomptif est réalisée plus de trois mois avant son décès. Cette solution permettrait d'éviter un certain nombre d'abus.

Par conséquent, je suis favorable à votre amendement, sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement visant à instituer une clause de trois mois.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° I-270, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

Dans le second alinéa du I de l'amendement n° 164 rectifié après le mot : « financer », insérer les mots : « plus de trois mois avant le décès, l'acquisition de »

Monsieur Alain Lambert, que pensez-vous de cette suggestion ?

M. Alain Lambert. Je comprends très bien la proposition de M. le ministre. Nous avons, en la personne de M. Éric Woerth, un ministre à l'écoute de nos préoccupations et désireux que des solutions soient trouvées.

À titre personnel, j'ai besoin de bien comprendre le motif de ces trois mois, mais à ce stade, puisque M. le ministre nous a fait confiance tout à l'heure, nous devons lui faire confiance à présent.

Je suis tout à fait d'accord - si cela vous convient, monsieur le rapporteur général - pour que ce sous-amendement soit adopté. S'il n'était pas totalement indispensable, M. le ministre lui-même nous le dirait d'ici à la commission mixte paritaire. En tout cas, j'estime pour ma part que, si nous voulons travailler en confiance, nous devons aussi prendre en compte les observations du Gouvernement.

Donc, sur ce sous-amendement, je donne un avis personnel favorable, même si je reconnais avoir besoin de plus amples explications.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no I-270 ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je m'en remets aux appréciations qui ont été portées. Il convient d'éviter que les dispositions de l'amendement de M. Lambert puissent, dans certaines situations exceptionnelles, prêter le flanc à des critiques.

Le sous-amendement du Gouvernement, fort utile, va dans le sens des intentions de l'auteur de l'amendement. C'est pourquoi j'y souscris.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je n'ai pas la science formidable de M. Alain Lambert sur ces sujets. (Sourires.)

Alors qu'il rappelle, dans l'objet de son amendement, que la Cour de Cassation a décidé de rendre irréfragable la présomption de l'article 751 du code général des impôts, il commence la rédaction de son amendement par les mots : « La preuve contraire peut notamment résulter »

Il soutient donc que l'on peut toujours apporter la preuve contraire, « notamment » par une donation, etc. M. le ministre précise que le mot « notamment » signifie trois mois avant le décès.

Dans un tel système, la preuve contraire par tout autre moyen n'est soumise à aucun délai, mais celle-ci est soumise à un délai de trois mois avant le décès de l'usufruitier.

J'observe donc que, par rapport à l'arrêt de la Cour de Cassation, M. Lambert nous propose de revenir sur le caractère irréfragable de la présomption de l'article 751 du code général des impôts. Je considère qu'il a raison, car, comme l'a souligné M. le rapporteur général, cela remet en cause une disposition ancienne selon laquelle on pouvait toujours apporter la preuve.

On peut, sans être soumis à un délai, apporter la preuve par tout moyen. Dans le système particulier introduit par le mot « notamment », on instaure un délai spécial de trois mois avant le décès.

Sans doute conviendra-t-il de revenir sur ce point en CMP de façon à éviter toute incohérence dans un amendement qui, à l'origine, n'en comportait pas, pour qu'il soit clair qu'il n'y a aucun délai pour que la preuve soit valable, sauf dans le cas particulier visé par M. Lambert.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Je n'ai pas tous les éléments de ce sujet très technique présents à l'esprit. En tout état de cause, il convient de poursuivre la discussion.

Compte tenu de l'avantage fiscal qui est apporté, ce dispositif pourrait provoquer des abus très importants. Il me paraît donc nécessaire d'expérimenter le dispositif pendant trois mois.

M. Michel Charasse. Pas pour les autres preuves ?

M. Éric Woerth, ministre. Non !

M. Michel Charasse. Nous sommes d'accord !

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-270.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Monsieur le ministre, levez-vous le gage sur l'amendement no I-164 rectifié.

M. Éric Woerth, ministre. Le sous-amendement du Gouvernement ayant été adopté, je lève le gage.

Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° I-164 rectifié bis.

Je le mets aux voix, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 9.

L'amendement n° I-167 rectifié, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le 3° du I de l'article 764 du code général des impôts, les mots : « l'ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières de la succession » sont remplacés par les mots : « la valeur cadastrale locative brute des immeubles occupés par le défunt ».

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. 

La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Je prie mes collègues de bien vouloir m'excuser de soulever des interrogations qui semblent parfois relever du détail, ...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous vous en remercions, au contraire !

M. Alain Lambert. ... mais le droit fiscal est, hélas ! ponctué de telles questions. Le Parlement s'honore en simplifiant la vie de nos concitoyens, qui ne parviennent pas toujours à comprendre ces textes compliqués.

M. Michel Charasse. C'est ce que nous n'avons pas fait l'année dernière !

M. Alain Lambert. C'est, effectivement, le travail que nous n'avons pas achevé l'année dernière.

Nous avons déjà évoqué les dispositions qui figurent dans l'amendement no I-167 rectifié lors de la discussion du précédent projet de loi de finances. Bien que je n'aie pas encore trouvé une rédaction satisfaisante, je tiens à insister sur l'esprit qui le motive.

A l'heure actuelle, en matière successorale, les meubles meublants et les objets mobiliers sont évalués à 5 % de la succession. Dans de nombreux cas, ce montant est très supérieur à la valeur réelle du mobilier. Les familles peuvent alors choisir de dresser un inventaire.

Le droit fiscal prévoit que celui-ci doit être réalisé dans les formes prescrites par l'article 789 du code civil et qu'il doit être clôturé.

Un inventaire, je le rappelle, comporte deux parties : la prisée, qui est en général réalisée par une personne qualifiée -un commissaire priseur, par exemple - et la clôture d'inventaire, qui donne lieu à un travail très long et qui n'est jamais effectuée dans les délais prévus pour le dépôt de la déclaration de succession.

Pour remédier à cette situation, deux voies s'offrent à nous. Soit celle que je propose dans cet amendement, dont je reconnais par ailleurs l'insuffisance, car nous sommes les premiers à admettre que la valeur cadastrale locative n'a pas grand-chose à voir avec la valeur réelle ; soit - ce serait la meilleure solution - aller vers une définition fiscale de l'inventaire qui permette de s'en tenir à la prisée, y compris lorsque celui-ci n'est pas clôturé.

Une telle disposition nous permettrait de progresser. C'est dans cet esprit que je vous soumets l'amendement no I-168 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Alain Lambert rapporte la valeur du mobilier à la valeur de l'immeuble occupé. Cette démarche paraît cohérente puisque, en bonne logique, il doit exister un rapport entre la valeur de l'immeuble occupé et la valeur des meubles qui s'y trouvent.

Toutefois, la commission souhaite entendre le Gouvernement avant de se prononcer.

Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Mon avis est mitigé. L'application de cet amendement aurait un coût élevé, la valeur cadastrale étant en général assez inférieure à celle des immeubles.

Sans doute convient-il de réfléchir à une nouvelle définition du forfait fiscal, mais fonder ce dernier sur la valeur cadastrale reviendrait, dans la plupart des cas, à sous-évaluer la valeur réelle des biens. Le débat est ouvert et M. le Président de la République a appelé de ses voeux une révision « au fil de l'eau » des valeurs des différentes transactions.

M. Alain Lambert. On pourrait retenir la valeur vénale.

M. Éric Woerth, ministre. Par ailleurs, je le rappelle, on peut apporter la preuve contraire - non irréfragable - que la valeur des meubles de la succession d'un immeuble vide - ils ont pu être dispersés - est inférieure à la valeur forfaitaire de 5 %. Cette démarche peut parfois se révéler difficile, mais si la preuve est faite, elle permet aux héritiers de payer des droits sur la valeur réelle des meubles moins élevée que le forfait.

En tout état de cause, je ne suis pas favorable à l'amendement, car il retient la valeur cadastrale.

Mme la présidente. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'avis du Gouvernement changerait-il, serait-il plus positif, si l'on substituait la « valeur vénale » des immeubles à la « valeur cadastrale locative brute » des immeubles occupés par le défunt ?

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° I-167 rectifié.

M. Michel Charasse. Si j'ai bien compris, M. Lambert souhaite remplacer deux valeurs par une seule, c'est-à-dire l'ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières par la valeur de l'immeuble.

Il se fonde sur la valeur cadastrale locative brute, mais on pourrait se référer à la valeur brute, c'est-à-dire au prix du marché au jour du décès. Ce serait tellement plus simple !

La valeur vénale est sujette à des chicaillas complexes. M. Lambert, qui est notaire, le sait très bien. Il me semble préférable, si M. le ministre en est d'accord, de remplacer les mots : « valeur cadastrale locative » par les mots : « valeur brute » des immeubles occupés par le défunt. C'est clair : c'est la valeur du marché.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La seule chose que je connaisse, c'est la valeur vénale, c'est-à-dire le prix que l'on peut tirer d'un bien !

M. Michel Charasse. La valeur du marché, c'est la même chose !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Mieux vaut ne pas se précipiter. Si vous souhaitez que l'on se penche sur le forfait immobilier, ouvrons le débat et, dans quelques semaines, nous pourrons prendre des dispositions correctes.

J'ai pris notes des différentes propositions qui ont été présentées, mais on ne peut pas trancher une question aussi importante en quelques minutes.

Mme la présidente. Monsieur Lambert, l'amendement no I-167 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Lambert. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement no I-167 rectifié est retiré.

L'amendement n° I-168 rectifié, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 768 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La rémunération du mandataire à titre posthume est déductible de l'actif de la succession. Lorsqu'elle revêt la forme d'un revenu, elle est soumise, du chef du mandataire, aux dispositions de l'article 156 du présent code. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Lambert.

M. Alain Lambert. Mon commentaire sera bref, car je crains que mes collègues ne finissent par m'en vouloir vraiment ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais non !

M. Alain Lambert. Nous avons un désaccord qui persiste. L'année dernière, nous avons adopté la loi portant réforme des successions et des libéralités, qui créé un mandataire posthume afin de régler les successions qui durent.

D'un point de vue fiscal, le mandat posthume constitue une charge déductible de l'actif d'une succession. Or, ce n'est pas l'interprétation du droit fiscal actuel. J'avais donc déposé, l'année dernière, un amendement visant à transcrire cette mesure dans notre droit fiscal. On m'avait alors donne rendez-vous l'année suivante, mais aucune solution n'a été trouvée. Soucieux d'honorer le rendez-vous qui m'avait été fixé, je présente donc les mêmes dispositions cette année.

Néanmoins, des positions de principe doctrinales peuvent, je le conçois, justifier que le ministre ait besoin de temps supplémentaire pour aboutir.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les différentes initiatives d'Alain Lambert montrent bien que nous gardons une mémoire très précise des réponses qui nous sont faites. (Sourires.) Lorsque les questions que nous posons ne cheminent pas, ne trouvent pas une solution correcte dans l'année, nous revenons à la charge en pointant les mêmes difficultés.

Monsieur le ministre, le mandataire à titre posthume a été créé par une loi civile. Il exerce son activité au profit de l'ensemble des bénéficiaires d'une succession, d'une collectivité d'héritiers. Il est donc surprenant de ne pas considérer sa rémunération comme une charge de la succession.

Les dispositions prévues dans l'amendement no I-168 rectifié sont conformes au bon sens et tirent les conséquences de la création récente du mandataire posthume. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes confrontés à une situation contraire aux principes du droit fiscal. En effet, à l'heure actuelle, seules les dettes à la charge personnelle du défunt au jour de l'ouverture de la succession sont admises au passif de la succession.

Cela étant, il me paraît légitime de considérer que des frais liés à la succession peuvent être engagés postérieurement au décès. Néanmoins, il faut, là encore, éviter les abus : il ne s'agit pas de vider la succession au travers de frais totalement inconsidérés.

Peut-être pourrait-on réfléchir à la question posée dans cet amendement et dans l'amendement no I-169 rectifié, qui répond à des motivations analogues, et placer des cliquets, des barrières, des verrous afin que des héritiers ne puissent pas vider totalement une succession de son objet.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je souscris aux observations de M. le ministre. Toutes les charges posthumes voulues par le défunt sont en général déductibles de la succession : celle-ci ayant été voulue elle aussi, elle est évidemment déductible.

Néanmoins, et je pense que M. Alain Lambert en conviendra, on ne peut pas le faire sans limite. Je voudrais donc sous-amender l'amendement no I-168 rectifié en complétant la phrase : « La rémunération du mandataire à titre posthume est déductible de l'actif de la succession » par les mots : « dans les limites d'un tarif fixé par décret. » Il y aurait ainsi un tarif proportionnel, comme c'est le cas pour les notaires. Cela évite les risques que M. le ministre soulignait à juste titre voilà un instant.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Je souscris à l'avancée que propose Michel Charasse.

Néanmoins, à l'instar de l'amendement précédent, il me semble préférable de revenir sur cette question lors de l'examen du collectif budgétaire.

M. Michel Charasse. C'est plus simple !

M. Éric Woerth, ministre. Une rédaction plus précise permettra de bien cadrer ces dispositions, notamment du point de vue juridique.

M. Michel Charasse. Il existe un tarif des notaires, pourquoi pas un tarif des mandataires ?

M. Éric Woerth, ministre. L'examen du collectif budgétaire aura lieu dans quinze jours, je ne remets pas ce débat aux calendes grecques !

Mme la présidente. Monsieur Lambert, l'amendement n° I-168 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Lambert. J'ai indiqué que je ne souhaitais pas retarder nos travaux. Il n'en reste pas moins, monsieur le ministre, qu'il faut régler cette question. Elle a été tranchée en matière civile, elle doit l'être maintenant en matière fiscale. En effet, le législateur aura du mal à proposer plus longtemps une interprétation civile et une interprétation fiscale. C'est pourquoi il faut traiter ce problème dans le projet de loi de finances rectificative.

En attendant, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° I-168 rectifié est retiré.

L'amendement n° I-169 rectifié, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 775 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les frais légitimement engagés par un héritier avant sa renonciation sont déduits de l'actif de la succession. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Le code civil, c'est-à-dire le législateur, a introduit une disposition particulière prévoyant que les frais légitimement engagés par un héritier avant sa renonciation sont à la charge de la succession. Puisque cela figure dans la loi civile, pourquoi ne pas l'inscrire dans la loi fiscale ? Une telle situation ne perdurera pas : dans trois ans, quatre ans, cinq ans, elle disparaîtra !

Monsieur le ministre, soyez plus courageux que vos prédécesseurs !

Mme Nicole Bricq. C'est une injonction à bien faire !

M. Alain Lambert. Cela étant, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° I-169 rectifié est retiré.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite saluer cet échange et souligner que ces points d'harmonisation figureront dans le collectif budgétaire, en tenant compte des limites indiquées par Michel Charasse. Je remercie M. le ministre de faire preuve d'ouverture sur ce sujet.

Sans doute faudra-t-il renvoyer à une instruction administrative ou à un texte réglementaire, en prenant soin que cela n'exige pas un délai aussi long que celui qui aura été nécessaire pour mettre en cohérence la loi civile et la loi fiscale.

Il n'en reste pas moins que nous avons bien avancé dans cette discussion.

M. Michel Charasse. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° I-221, présenté par MM. Delfau, Mouly, Laffitte et Fortassin, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le V de l'article 779 du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué, en cas de succession ou de donation, un abattement de 7 500 euros au bénéfice du conjoint d'un enfant décédé (gendre ou bru) avec lequel ont subsisté des liens affectifs.

« Cet abattement ne peut s'appliquer que si communauté de vie affective et matérielle avec l'enfant décédé a duré au moins deux ans.

« Lorsque la communauté de vie affective et matérielle a duré dix ans ou plus, cet abattement est porté à hauteur de celui dont aurait bénéficié l'enfant décédé.

« Dans l'un ou l'autre cas, l'héritier, le légataire ou le donataire doit en outre avoir été expressément désigné par acte authentique.

« Cet abattement est porté à 150 000 € lorsque la communauté de vie affective et matérielle a atteint une durée de dix ans.

« Le premier alinéa ne s'applique pas en cas de dissolution du mariage par divorce. »

II. - En conséquence, le VI du même article devient le VII.

III. - Les pertes de recettes pour l'État résultant du I. ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. L'article 8 de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a profondément réformé le régime des droits de succession en supprimant ou en allégeant la plus grande partie d'entre eux. Cette réforme a oublié certains membres de la famille, qui peuvent être extrêmement proches, notamment le gendre ou la bru ayant survécu à l'enfant décédé du donateur.

Dans cette hypothèse, certes peu fréquente, il est tout à fait légitime que le donateur puisse inclure le conjoint survivant dans sa succession ou le faire profiter d'une donation. Or ce type d'acte juridique entre dans la catégorie la plus élevée.

Cet amendement vise donc à introduire un abattement de 7 500 euros au bénéfice du conjoint de l'enfant décédé. Lorsque les liens affectifs ont atteint une durée de dix ans, le montant de cet abattement est augmenté.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a le grand mérite de se pencher sur le sort des héritiers potentiels qui n'ont pas bénéficié de la réforme introduite par la loi TEPA, c'est-à-dire les collatéraux et les non-parents.

Or, dans certains cas, les liens affectifs entre les beaux-parents et leur gendre ou leur belle-fille méritent d'être pris en considération, dès lors que l'enfant est décédé. C'est un élément de la vie que chacun peut comprendre.

Établi à 7 500 euros, l'abattement serait identique à celui qui existe pour les neveux et nièces. La commission des finances y est favorable. En revanche, elle s'interroge sur la pertinence d'un abattement de 150 000 euros, applicable après dix ans de vie commune. Ce montant semble un peu élevé ; il serait identique à celui qui est prévu pour les enfants. Dès lors, cette mesure ne serait pas en phase avec les principes du code civil.

C'est pourquoi, monsieur Laffitte, la commission serait favorable à cet amendement si vous acceptiez de supprimer les deux alinéas suivants : « Lorsque la communauté de vie affective et matérielle a duré dix ans ou plus, cet abattement est porté à hauteur de celui dont aurait bénéficié l'enfant décédé. » 

« Cet abattement est porté à 150 000 euros lorsque la communauté de vie affective et matérielle a atteint une durée de dix ans. »

Cela permettrait de progresser dans le sens que Gérard Delfau et vous-même préconisez.

Mme la présidente. Monsieur Laffitte, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?

M. Pierre Laffitte. Tout à fait, madame la présidente.