M. le président. L'amendement n° I-121, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 885 I quater du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Tout d'abord, monsieur le rapporteur général, personne ne remet en cause l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République.
M. Éric Doligé. C'est heureux !
M. Marc Massion. Toutefois, je ne suis pas certain que les Français aient voté pour une diminution de l'impôt de solidarité sur la fortune. Il ne faut pas faire dire tout et son contraire à un résultat électoral.
Par ailleurs, on nous reproche de recommencer le débat relatif à la loi voté en juillet dernier,...
Mme Marie-France Beaufils. Et heureusement !
M. Marc Massion. ...ce qui est tout à fait exact : comme il s'agit pour nous d'une mauvaise loi, il est tout à fait normal que nous tentions de revenir sur son adoption.
S'agissant de l'amendement n° I-121, nous souhaitons remettre en cause les transferts fiscaux organisés, par la majorité, entre l'ensemble des ménages et une petite fraction de contribuables redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, qui représentent moins de 2 % des assujettis français.
En effet, l'article du code général des impôts que nous proposons d'abroger permet à un contribuable de bénéficier d'un abattement des trois quarts de la valeur réelle de ses placements dans une ou plusieurs entreprises, à la condition qu'il y exerce, ou y ait exercé, des fonctions de salarié ou de mandataire social.
Plus grave encore, cette exonération est accordée pour les titres détenus depuis plus de trois ans par un mandataire ou un salarié quittant une entreprise pour partir à la retraite.
Ce dispositif vise très directement les salariés, et surtout les mandataires, ayant acquis des titres à travers des mécanismes tels que les stock-options.
Non seulement le Gouvernement a refusé, malgré la multiplication des scandales depuis 2002, de moraliser réellement ces dispositifs, mais encore il offre à leurs bénéficiaires de nouveaux avantages, tout à fait exagérés !
Nous proposons donc de supprimer ce dispositif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, vous comprendrez que la commission ne puisse souscrire à l'intention exprimée par M. Massion.
En effet, cet amendement tend à supprimer, s'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune, une exonération partielle qui bénéficie aux salariés actionnaires de leur entreprise. Or, vous le savez, nous sommes attachés à l'actionnariat salarié, qui constitue un élément de stabilité pour les sociétés concernées, fidélise les dirigeants et participe de la recherche d'un équilibre économique et social durable pour les entreprises.
Il semble véritablement utile et opportun de mettre en place des incitations en faveur de la détention d'une quote-part du capital par les salariés. Mes chers collègues, vous l'aurez compris : la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission.
Toutefois, je souhaite clarifier un point et revenir sur l'idée reçue, souvent véhiculée, selon laquelle le bouclier fiscal ne profiterait qu'aux riches et ne favoriserait que les gros patrimoines. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Avant l'application de la loi TEPA, je le rappelle, le bouclier fiscal bénéficiait à hauteur de 70 % à des contribuables non redevables de l'ISF. Or, sous l'empire des nouvelles dispositions législatives, qui plafonnent l'imposition des particuliers à 50 % de leurs revenus, le cas s'est encore aggravé, si j'ose dire (Sourires sur les travées de l'UMP), car les bénéficiaires du bouclier fiscal sont désormais, pour 82 % d'entre eux, des contribuables non redevables de l'ISF.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous soutenons cet amendement : comme Marc Massion l'a justement souligné, la progressivité de l'impôt doit tout de même constituer la base de notre réflexion en matière fiscale.
On nous affirme que les mesures proposées contribueront à inciter les salariés à s'investir dans le devenir de leur entreprise, mais force est de constater qu'elles passent toujours par des systèmes ciblés sur une partie seulement d'entre eux. En outre, lorsque nous réclamons une meilleure participation des salariés aux choix de leurs entreprises, nous ne sommes jamais entendus.
Ce qui est visée ici, ce n'est donc pas l'amélioration de la vie de l'entreprise, mais l'allégement fiscal, en particulier celui de l'ISF. C'est pourquoi nous approuvons pleinement cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-121.
(L'amendement n'est pas adopté.)
B. - Mesures fiscales
Article 2
I. - Le I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 5 687 € le taux de :
« - 5,50 % pour la fraction supérieure à 5 687 € et inférieure ou égale à 11 344 € ;
« - 14 % pour la fraction supérieure à 11 344 € et inférieure ou égale à 25 195 € ;
« - 30 % pour la fraction supérieure à 25 195 € et inférieure ou égale à 67 546 € ;
« - 40 % pour la fraction supérieure à 67 546 €. » ;
2° Dans le 2, les montants : « 2 198 € », « 3 803 € », « 844 € » et « 622 € » sont remplacés respectivement par les montants : « 2 227 € », « 3 852 € », « 855 € » et « 630 € » ;
3° Dans le 4, le montant : « 414 € » est remplacé par le montant : « 419 € ».
II. - Dans le deuxième alinéa de l'article 196 B du même code, le montant : « 5 495 € » est remplacé par le montant : « 5 568 € ».
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. L'article 2 concerne la question essentielle de l'impôt sur le revenu.
Je le rappelle, la réforme de cet impôt s'articulait autour de deux axes fondamentaux.
Le premier est la disparition de l'abattement de 20 % sur les revenus salariaux et assimilés, dont les principaux bénéficiaires ne seront d'ailleurs ni les salariés les plus modestes ni même les travailleurs indépendants les plus respectueux du droit fiscal, mais avant tout les détenteurs d'autres formes de revenus et les salariés particulièrement bien rémunérés : ce sont les ex-P-DG salariés, les P-DG salariés, les cadres dirigeants des compagnies transnationales, les concepteurs de plans sociaux à répétition et les accumulateurs de plans d'options d'achat d'actions qui seront les principaux gagnants de cette pseudo-réforme !
Le second axe de cette réforme est la réduction globale des tranches du barème, qui poursuit un mouvement engagé de longue date.
Je formulerai deux remarques à ce propos.
D'une part, dans notre pays, l'impôt sur le revenu n'est pas trop élevé et, dans le volume global des recettes fiscales de l'État, son poids est bien moindre que celui des impôts indirects. A fortiori, il représente une faible part de l'ensemble des prélèvements. Il s'apparente même de plus en plus à la défunte surtaxe progressive d'un impôt général sur le revenu que constitue le bloc CSG-CRDS, qui tire pleinement parti d'une assiette plus large pour rapporter plus.
Les chiffres sont connus : le produit de l'impôt sur le revenu devrait atteindre environ 60,5 milliards d'euros, tandis que les deux contributions sociales - la CSG et la CRDS - rapporteront près de 90 milliards d'euros.
D'autre part, qu'en est-il de l'égalité de traitement des revenus catégoriels ?
Nous avons maintes fois formulé cette interrogation, fort légitime, me semble-t-il, sur l'inégalité de traitement entre les revenus catégoriels qui consistent à faire des salaires d'abord et des revenus de remplacement ensuite les deux principaux éléments de l'assiette de l'impôt sur le revenu.
Cette situation se trouve d'ailleurs accentuée, puisque la suppression de l'abattement de 20 % rapproche l'assiette « salaires » de l'impôt sur le revenu de l'assiette « salaires » de la CSG et de la CRDS.
Au cours de la discussion générale, nous avons rappelé notre position sur la dépense fiscale, qui corrige la portée de l'impôt sur le revenu et qui agit essentiellement sur les revenus du capital et du patrimoine.
Comment ne pas souligner qu'une véritable réforme de l'impôt sur le revenu appelle une réflexion sur le traitement des revenus catégoriels et un renforcement de la progressivité de l'impôt ? La discussion qui vient d'avoir lieu sur les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 2 en témoigne.
Enfin, pour conclure provisoirement sur cette question, comment ne pas souligner le fait que l'article 2 du projet de loi de finances se contente de réévaluer les tranches d'imposition figurant au barème issu de la réforme de 2006 ?
Cela a comme conséquence que l'évolution spontanée des recettes de l'impôt dégage un surplus de recettes de plus de 5,1 milliards d'euros. Eu égard à la ventilation actuelle des revenus catégoriels, il est probable que plus de 60 % de cette évolution spontanée soit centrée sur les revenus d'activité salariée.
En d'autres termes, à côté des 400 millions d'euros de défiscalisation qui découleraient de l'application du contestable dispositif des heures supplémentaires voté cet été, les salariés devraient supporter une charge fiscale accrue de plus de 3 milliards d'euros. Ce serait donc travailler plus pour payer plus d'impôt, et ce dès 2008.
Tels sont les points que nous ne pouvions manquer de souligner à l'occasion de l'examen de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons, avec cet article, le barème de l'impôt sur le revenu pour 2008, il est important de remettre en perspective cet impôt et d'appréhender son évolution d'un point de vue historique.
Force est de constater que l'on peut dire aujourd'hui : « Pauvre impôt sur le revenu ! » En effet, alors qu'il constitue la composante la plus progressive de notre fiscalité, il ne cesse de se réduire sous les coups de boutoir - je pense notamment au bouclier fiscal - que vous lui portez avec une certaine opiniâtreté, depuis plusieurs années. Les gouvernements se succèdent, mais la politique reste la même.
Il faut également mettre cette évolution en perspective avec les mesures en faveur des plus-values que vous ne cessez de prendre, depuis 2002, au cours des projets de loi de finances successifs, et encore aujourd'hui avec ce texte. Tout à l'heure, nous parlerons des dividendes.
L'impôt progressif pèsera désormais presque exclusivement sur les revenus du travail. Au moment où vous célébrez la valeur travail, cela devrait vous interpeller ! Il est vrai que ce mouvement n'est pas né d'hier : tous les gouvernements y ont contribué depuis nombre d'années, je le reconnais par honnêteté intellectuelle.
Aujourd'hui, 80 % des revenus du patrimoine échappent à l'impôt sur le revenu.
Votre conception de la modernité fiscale au XXIe siècle consiste peut-être à faire reposer la fiscalité sur les revenus du travail. Je suis très sceptique face à votre défense de la TVA sociale au nom de l'allègement des charges qui pèsent sur le travail.
Quant à l'impôt minimal sur le revenu, il est mort avant d'être né ! En réponse à la demande de notre collègue député M. Méhaignerie sur ce sujet, madame la ministre, vous avez remis au Parlement un rapport qui conclut à son infaisabilité. J'ai lu ce document attentivement : outre les formules académiques qui relèvent classiquement de l'exercice, aucune des quatre options proposées n'est retenue. Aussitôt ouvert, le dossier est refermé.
Pourtant, l'imposition minimale a été mise en place dans d'autres pays. Les exemples canadiens et nord-américains repris dans le rapport ont ainsi particulièrement retenu mon attention. Tant au Canada qu'aux États-Unis, l'imposition minimale a très nettement été introduite à destination des ménages les plus riches : « le nombre de contribuables assujettis à l'AMT [l'imposition minimale] a crû progressivement, si bien qu'il concerne aujourd'hui une fraction de la population bien supérieure à l'objectif initial ».
C'est bien la preuve que si l'on veut que les ménages les plus aisés contribuent à hauteur de leurs facultés, l'impôt minimal est efficace. Mais cela n'entre certainement pas dans votre schéma : pour vous, il convient d'abaisser le plus possible l'impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés et, parallèlement - j'insiste sur cette évolution fiscale -, de fixer un taux unique, le plus bas possible, pour l'imposition du capital. Vous y parvenez d'ailleurs grâce au prélèvement libératoire sur les dividendes : c'était la seule pièce qui manquait à l'édifice !
Telle est donc votre philosophie fiscale ; la nôtre lui est rigoureusement opposée. Vous avez instauré le bouclier fiscal ; il nous semble juste et nécessaire pour nos finances publiques de mettre en place un plancher fiscal. Car il nous semble impératif, vital même, de redonner à l'impôt sur le revenu son rôle redistributif.
C'est peut-être du rabâchage à vos yeux, mais il est temps de prendre conscience de la situation à laquelle nous sommes parvenus au fil du temps : l'impôt sur le revenu, qui focalise le plus l'attention de nos concitoyens, s'est réduit comme peau de chagrin.
C'est dommage ! C'est dommage pour les finances publiques. C'est dommage pour le lien citoyen. C'est surtout dommage pour ceux qui en sont écartés, précisément parce qu'ils sont les plus aisés. Au regard de l'évolution de nos finances publiques, c'est un drame !
M. le président. L'amendement n° I-180, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le 3° de l'article 83 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales.
« La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, après défalcation des cotisations, contributions et intérêts mentionnés aux 1° et 2° quinquies et à l'article 83 bis ; elle est fixée à 15 % du montant de ce revenu. Elle est limitée à 18 000 euros pour l'imposition des rémunérations perçues en 2007 ; chaque année, le plafond retenu pour l'imposition des revenus de l'année précédente est relevé dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
« Le montant de la déduction forfaitaire pour frais professionnels ne peut être inférieur à 500 euros ou à 1000 euros pour les personnes inscrites en tant que demandeurs d'emploi depuis plus d'un an, sans pouvoir excéder le montant brut des traitements et salaires. Cette disposition s'applique séparément aux rémunérations perçues par chaque membre du foyer fiscal désigné aux 1 et 3 de l'article 6. »
II. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... La perte de recettes pour l'État résultant de la nouvelle rédaction du 3° de l'article 83 du code général des impôts est compensée par le relèvement, à due concurrence, des taux prévus à l'article 125 O-A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. La question du pouvoir d'achat est directement posée dans ce projet de loi de finances.
Si nous devions nous interroger sur la manière de favoriser le pouvoir d'achat, il nous faudrait tout d'abord nous pencher sur les outils fiscaux qui existent.
Toutefois, une revalorisation significative du niveau des salaires et traitements reste la meilleure source de progression du pouvoir d'achat des salariés, du secteur privé comme du secteur public.
Ce qui peut faire croître le pouvoir d'achat, c'est une réussite de la négociation salariale annuelle dans les entreprises privées et dans les branches, permettant une véritable prise en compte des qualifications et des conditions d'emploi. C'est aussi la revalorisation du SMIC, ou encore la disparition des minima de branche inférieurs au salaire minimum, comme il en existe encore trop.
Ce ne serait que la juste reconnaissance du travail salarié, d'autant que, pour l'heure, les gains de productivité continus qu'on enregistre dans maints domaines d'activité ne se traduisent pas réellement en termes d'emploi ou de salaire.
S'agissant de la fonction publique, là encore, la situation impose une véritable revalorisation des traitements indiciaires.
Bien évidemment, une telle orientation pose la question de la progression des dépenses publiques et, singulièrement, des dépenses de personnel. Comment oublier dans ce débat que les fonctionnaires ont dégagé, eux aussi, depuis plusieurs années, des gains de productivité sans contrepartie et que leur pouvoir d'achat connaît un recul accentué ?
D'ailleurs, la manière dont on va régler le problème des heures supplémentaires non payées dans les hôpitaux ou les commissariats de police illustre assez combien nous sommes loin du compte.
Cet amendement vise à rééquilibrer la répartition des allégements fiscaux prévus par ce projet de loi de finances.
Force est de constater que, pour l'heure, les mesures les plus coûteuses sont, une fois encore, destinées aux revenus du capital et du patrimoine, sans que le moindre droit nouveau soit accordé aux salariés ou aux retraités, qui constituent pourtant l'essentiel des contribuables.
Nous proposons donc de relever la déduction forfaitaire de 10 % existant sur les revenus salariaux, en la portant à 15 %. Cela permettrait de prendre en compte un certain nombre de réalités. Je pense notamment au fait que les salariés sont aujourd'hui bien souvent confrontés à des dépenses de transport individuel ou collectif plus importantes que par le passé, en raison de la grande distance qui sépare leur lieu de travail de leur lieu de résidence. Cette remarque vaut d'ailleurs pour les dépenses liées à la prise des repas hors du domicile familial, qui sont également incluses dans la déduction forfaitaire.
La mesure que nous préconisons permettra donc de mieux tenir compte de ce qui constitue aujourd'hui l'un des postes clés des dépenses des ménages.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission émet un avis très défavorable sur cet amendement, au moins pour deux raisons.
Tout d'abord, cet amendement vise à réduire le produit de l'impôt sur le revenu, en accordant une déduction plus élevée pour les frais professionnels. Or j'ai cru comprendre, monsieur Vera, que vous estimiez que l'impôt progressif sur le revenu n'occupait pas la place qu'il méritait dans notre système fiscal. Une telle démarche me semble donc quelque peu contradictoire !
Ensuite - et c'est plus fondamental -, l'objet de cet amendement se situe totalement à rebours de la logique de la réforme d'abaissement des taux et de simplification que la majorité a votée dans la loi de finances pour 2006.
Nous n'allons donc pas, peu de temps après, faire le contraire et entrer dans un nouveau cycle d'augmentation des déductions et de tout ce qui limite le bon fonctionnement de cet impôt.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je partage tout à fait le point de vue du rapporteur général.
Vous parlez de pouvoir d'achat, monsieur Vera, mais la déduction forfaitaire de 10 % n'a pas pour but premier d'améliorer le pouvoir d'achat : elle prend en compte de façon forfaitaire les frais professionnels. Si un salarié considère que ses frais sont supérieurs au montant de cette déduction, il peut opter pour le régime réel. Cette disposition répond à cet objectif.
M. Michel Charasse. Voilà !
M. Éric Woerth, ministre. Augmenter la déduction forfaitaire n'a pas forcément de signification fiscale.
Monsieur Vera, je vous ferai remarquer que les heures supplémentaires ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu. C'est une autre façon d'améliorer le pouvoir d'achat !
Par conséquent, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.
M. Alain Lambert. Je voterai contre cet amendement.
Je souhaite revenir sur les propos de Mme Bricq, qui, si j'ai bien compris, trouve que l'impôt sur le revenu est trop faible en France.
Dans quelques mois, les Français seront à nouveau consultés à l'occasion des élections locales. Dans la ville dont je suis l'un des élus, je pourrai donc indiquer que le groupe socialiste du Sénat estime qu'il faut augmenter l'impôt sur le revenu.
Mme Nicole Bricq. C'est la contrepartie des avantages consentis par ailleurs !
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Sur ce point précis, qui mérite le débat qui s'engage, il s'agit de savoir comment a évolué la progressivité de l'impôt en France.
Au cours des années passées, cette progressivité s'est atténuée.
M. Alain Lambert. C'était sous la gauche, avec Laurent Fabius !
M. François Marc. Aujourd'hui, progressivement, ce grand principe démocratique posé par la Révolution française selon lequel chacun doit contribuer en fonction de ses possibilités est, d'une certaine manière, grignoté en faveur de mécanismes qui, eux, n'ont absolument rien de progressif.
Il est légitime que ce débat ait lieu, car c'est un débat de fond dans lequel, effectivement, se dégagent deux lignes politiques : l'une fait écho à ce grand principe de notre démocratie républicaine ; l'autre tend à laisser les choses suivre leur cours, à fixer les assiettes les plus larges possibles et à faire payer le plus grand nombre de contribuables.
Pour compléter mon propos, je souhaite revenir sur un point qu'évoquait il y a un instant Mme Lagarde. Évoquant la loi TEPA, elle indiquait, si j'ai bien compris, que 18 % des avantages consentis étaient accordés à des gens acquittant l'ISF.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas ça !
M. François Marc. Ce taux de 18 % me semble en lui-même révélateur, madame la ministre ! Combien de contribuables sont aujourd'hui soumis à l'ISF ? Peut-être 1 % ! Le fait que 18 % des avantages accordés profitent à 1 % des contribuables démontre, si besoin était, qu'une part importante, très importante même, de l'effort consenti dans ce projet de loi concerne effectivement nos concitoyens aisés. À lui seul, me semble-t-il, ce chiffre apporte la preuve de ce que nous affirmons depuis déjà quelques mois sur le sujet.
En tout état de cause, je crois que nous sommes légitimes à revendiquer aujourd'hui que l'on tienne ferme sur ce grand principe de la progressivité de l'impôt. Nous refusons la nouvelle régression que marquent, une fois de plus, les différents mécanismes qui sont mis en place aujourd'hui, qui renforcent encore certaines niches et rendent ainsi l'impôt un peu plus indolore pour ceux qui, pourtant, ont les moyens de l'assumer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous faites le contraire dans l'amendement !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Lorsque, en matière de progressivité de l'impôt sur le revenu, M. Lambert veut citer mes propos dans son journal électoral, qu'il les reprenne intégralement !
Si nous défendons l'impôt sur le revenu, si nous y sommes attachés, c'est parce qu'il est le seul dispositif de notre fiscalité qui soit progressif. Or, depuis des années, il diminue par le haut, pour les catégories les plus aisées, ce qui prive les finances publiques de la contribution que celles-ci pourraient apporter en raison de leurs moyens.
Parallèlement, mes chers collègues de la majorité, vous n'avez cessé de réduire les impôts sur le capital, et nous y reviendrons tout à l'heure, quand il sera question des dividendes. En soumettant tous les revenus du capital au prélèvement libératoire de 18 %, vous parvenez à une flat tax, ce qui fait de ce prélèvement une manière d'évasion de l'impôt sur le revenu.
Mme Nicole Bricq. Donc, mon cher collègue, si vous me citez, citez-moi intégralement !
M. le président. L'amendement n° I-181, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer les troisième à dernier alinéas du 1° du I de cet article par huit alinéas ainsi rédigés :
« - 5,5 % pour la fraction supérieure à 5 687 euros et inférieure ou égale à 11 344 euros ;
« - 14 % pour la fraction supérieure à 11 344 euros et inférieure ou égale à 15 600 euros ;
« - 25,8 % pour la fraction supérieure à 15 600 euros et inférieure ou égale à 25 195 euros ;
« - 34,5 % pour la fraction supérieure à 25 195 euros et inférieure ou égale à 34 500 euros ;
« - 39,5 % pour la fraction supérieure à 34 501 euros et inférieure ou égale à 43 000 euros ;
« - 44,5 % pour la fraction supérieure à 43 001 euros et inférieure ou égale à 51 500 euros ;
« - 49,7 % pour la fraction supérieure à 51 501 euros et inférieure ou égale à 67 546 euros ;
« - 54,8 % pour la fraction supérieure à 67 546 euros. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Dans le droit-fil du débat qui vient de s'engager, cet amendement a pour objet de poser encore une fois la question de la progressivité de l'impôt sur le revenu.
La réforme de l'impôt sur le revenu a conduit à un allégement de la contribution des plus importants contribuables, comme l'attestent d'ailleurs quelques situations fiscales observables.
À nos yeux, la question de la progressivité des taux est donc loin d'être secondaire. Ce n'est pas pour nous une sorte de dogme immuable de notre système fiscal, un signe fort qu'il conviendrait de préserver coûte que coûte : c'est tout simplement une nécessité. Depuis de longues années, en effet, nous nous attachons à défendre et à illustrer le principe constitutionnel en vertu duquel chacun contribue à la charge publique à proportion de ses facultés.
La « défense et illustration » de ce principe passe à notre sens par un double mouvement : le renforcement de la progressivité de l'impôt par le biais du barème et le rééquilibrage du traitement de la « matière » fiscale pour chacune des catégories de revenus.
Cet amendement vise à favoriser le premier terme de ce mouvement en permettant que la progressivité du barème soit plus clairement affirmée.
Nous sommes parfaitement conscients que cette proposition ne recueille pas l'assentiment de M. le rapporteur général, qui est attaché depuis de longues années à une baisse sensible du taux marginal comme du taux moyen d'imposition des revenus.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci de le rappeler !
M. Bernard Vera. Son attention, parfaitement compréhensible, ne concerne pourtant qu'un nombre extrêmement réduit de contribuables, 1 % environ si l'on en croit les données fournies par le ministère des finances lui-même et notamment par la direction générale des impôts.
Au demeurant, le débat sur le taux marginal est quelque peu biaisé par la confusion entretenue entre taux marginal et taux marginal moyen. En effet, le nombre de contribuables qui voient l'essentiel de leur revenu frappé par le taux marginal est encore plus marginal que le pourcentage cité plus haut. Et je n'évoquerai pas les effets de l'optimisation fiscale, largement pratiquée par les détenteurs des plus hauts revenus et qu'atteste de manière éclairante le nombre parfois réduit des bénéficiaires de telle ou telle disposition dérogatoire.
Pour notre part, nous estimons donc nécessaire de renforcer nettement la progressivité de l'impôt et, par là même, de dégager les ressources fiscales nouvelles permettant la réduction du déficit et le financement des priorités sociales que nous aimerions voir figurer dans ce projet de loi de finances.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais rappeler que l'amendement proposé nous conduirait tout simplement à faire un bond en arrière de plusieurs années. Nous reviendrions avant 2002 !
M. Michel Charasse. C'était le bon temps !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Or que s'est-il passé dans l'intervalle ? Deux élections générales ont eu lieu, que vous avez perdues. La politique qui s'applique et qui se traduit dans la fiscalité n'est donc pas la politique que vous inspirez !
Pendant la précédente législature, en 2002 puis à la fin de 2005, nous avons en effet voté des baisses importantes du barème de l'impôt sur le revenu. C'est à notre sens une question d'attractivité, de bonne visibilité de notre territoire, en particulier pour tous ceux qui, autour de nous, nous jugent, nous apprécient, dans un environnement international ouvert.
Naturellement, la majorité, qui a voté ces baisses du barème de l'impôt sur le revenu, y est très attachée, d'où un avis particulièrement défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, d'autant que l'impôt sur le revenu a conservé toute sa progressivité.
Vos arguments sont faux, monsieur le sénateur ! La réforme de l'impôt sur le revenu, qui a notamment visé à le simplifier, à réduire le nombre de tranches - et qui est une bonne réforme -, en a également diminué le poids. En outre, les 10 % de contribuables des catégories les plus aisées qui acquittent la part la plus importante de l'impôt sur le revenu en acquittent exactement la même proportion avant et après la réforme. Il est donc erroné de considérer qu'il y a une perte de progressivité.
J'ajoute que ces mêmes 10 % touchent 36 % des revenus et acquittent 70 % de l'impôt.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Le débat sur la progressivité de l'impôt me semble très intéressant.
Aujourd'hui, on fait souvent valoir que nous n'avons pas les moyens de répondre à bon nombre des besoins qui s'expriment ; c'est en tout cas l'objection que s'entend régulièrement opposer la population, qui est très attachée à ses services publics.
Les choses s'éclairent quand on examine les recettes de l'État : aujourd'hui, elles ne proviennent de l'impôt sur le revenu que pour 17 %, tandis que la TVA représente 51 % du total. En réalité, au lieu de faire en sorte que nos concitoyens participent à la solidarité nationale en s'acquittant d'un impôt véritablement proportionnel à leur revenu, selon le principe que vient de rappeler Bernard Vera, on leur demande, au travers de la TVA, une contribution qui varie en fonction de leurs dépenses, qui sont des dépenses plus quotidiennes : la TVA, on le sait, pèse plus lourdement sur les foyers les plus modestes ! Nous sommes donc bien dans une autre démarche de société.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !
Mme Marie-France Beaufils. Je crois, monsieur le rapporteur général, qu'en effet nous n'avons pas tout à fait la même conception de la progressivité de l'impôt sur le revenu. Nos débats avec la population - mais sans doute ne nous intéressons-nous pas tout à fait aux mêmes électeurs, j'en conviens -...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est bien possible ! Mais Mme Buffet n'a pas eu un grand succès.
Mme Marie-France Beaufils. ... nous montrent qu'aujourd'hui nombre de salariés préféreraient acquitter un impôt sur le revenu plutôt que de se trouver, en matière de salaire, dans une situation aussi fragile.
M. le président. L'amendement n° I-182, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - A. - Le 5 a de l'article 158 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 5 a. Les revenus provenant de traitements publics et privés, indemnités, émoluments, salaires et pensions ainsi que de rentes viagères autres que celles mentionnées au 6 sont déterminés conformément aux dispositions des articles 79 à 90.
« Les pensions et retraites font l'objet d'un abattement de 15 % qui ne peut excéder 6 000 euros. Ce plafond s'applique au montant total des pensions et retraites perçues par l'ensemble des membres du foyer fiscal. Chaque année, il est révisé selon les mêmes modalités que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
« L'abattement indiqué au deuxième alinéa ne peut être inférieur à 500 euros, sans pouvoir excéder le montant brut des pensions et retraites. Cette disposition s'applique au montant des pensions ou retraites perçu par chaque retraité ou pensionné membre du foyer fiscal. La somme de 500 euros est révisée chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. »
B. - La perte de recettes résultant pour l'État du A ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement à due concurrence des taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.