M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du texte proposé par le II de cet article pour le I de l'article 107 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, remplacer les mots :
membres élus à l'issue de cette élection
par les mots :
nouveaux membres
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du III de cet article, remplacer les mots :
par les dispositions du code électoral relatives au financement des campagnes électorales
par les mots :
au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 57.
M. Christian Cointat, rapporteur. L'amendement n° 7 est un amendement de précision, qui tend à aligner le dispositif électoral de la Polynésie française sur celui qui est en vigueur à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'amendement de suppression n° 57 étant incompatible avec les amendements nos 5, 6 et 7 de la commission des lois, je demande à son auteur de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Il est défavorable sur l'amendement n° 57.
Je ne suis pas convaincu, monsieur Frimat, et je le dis avec modestie et humilité devant la Haute Assemblée, que le mode de scrutin que nous proposons constitue la panacée, selon l'expression de M. le rapporteur, et le moyen ultime d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé. Mais, pour votre part, vous ne proposez aucune solution de rechange. Vous vous êtes contenté d'évoquer une autre possibilité, sans pour autant déposer d'amendement.
Nous avons réfléchi à toutes ces questions. J'ai voulu trouver le meilleur équilibre entre stabilité et représentativité politique, sachant que les modèles politiques de la Polynésie française ne sont pas calqués sur ceux de la métropole et que la représentativité de l'ensemble des formations politiques est chère au coeur des Polynésiens.
Vous avez dit, monsieur le sénateur, que nos préoccupations étaient éloignées de celles des Polynésiens. Je suis, au contraire, très proche de leurs préoccupations. C'est précisément parce que la Polynésie française représente un modèle exceptionnel, possédant une histoire, une culture et une identité propres, que je veux la respecter. Je considère la représentativité politique, dans ce contexte, comme fondamentale.
J'en viens à la question de la représentation des territoires. J'entends parfois parler de départementalisation ; cela me chagrine, car je ne partage pas cette conception, bien que je la respecte.
Vous, monsieur le sénateur, vous évoquez, comme M. Temaru, que vous soutenez, une régionalisation. En effet, le mode de scrutin que vous évoquez correspond à un système de circonscription unique.
Or la Polynésie française n'est, selon moi, ni un département ni une région ; c'est un pays intégré à la République, un modèle exceptionnel en raison de sa beauté, de sa diversité et de la pluralité des histoires de ses habitants, selon les archipels où ils vivent.
Si vous expliquez aux citoyens des îles Marquises, des îles Tuamotu, des îles Gambiers, des îles Australes et des îles Sous-le-Vent qu'ils doivent être regroupés dans un ensemble unique, sur le modèle d'un département ou d'une région de métropole, ils se sentiront incompris.
Étant bien plus au fait de la réalité de cette terre de Polynésie française que vous ne l'imaginez, monsieur Frimat, j'ai considéré que le dispositif proposé était, pour le moment, la solution la plus juste et la plus équitable possible par rapport au ressenti et au vécu des Polynésiens, même s'il ne nous garantit pas une solution définitive à ce problème. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ; M. le rapporteur applaudit également.)
Le Gouvernement est, en revanche, favorable aux amendements nos 5, 6 et 7 de la commission.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote sur l'amendement n° 57.
M. Hugues Portelli. Je ne suis pas un spécialiste de la Polynésie française. Il m'arrive toutefois de lire les pages qui y sont consacrées dans les revues juridiques, telles que l'Actualité juridique de droit administratif ou la Revue Dalloz.
Nous savons tous que les problèmes électoraux qui se posent en Polynésie française relèvent non pas du droit électoral, mais de la jurisprudence des tribunaux administratifs et judiciaires.
Je soutiens, bien entendu, le projet de système électoral qui nous est proposé, car il me semble plus honnête que le précédent. Mais ne soyons pas hypocrites ! Nous savons bien que, en Polynésie française, les majorités se font ou se défont pour des raisons qui n'ont strictement rien à voir avec le droit, et notamment le droit électoral.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.
M. Bernard Frimat. Le problème des seuils que vous évoquez, monsieur le rapporteur, ne se pose qu'en un seul endroit. En effet, dans cinq circonscriptions sur six, le seuil de 3 % ou 5 % des suffrages exprimés ne permet pas d'aboutir à une répartition des sièges. Lorsque trois sièges seulement sont en jeu, la question de la représentation des formations politiques à partir de 5 % de suffrages exprimés n'a qu'un intérêt limité !
Je vous ai bien entendu. Il faut effectivement tenir compte de la dimension géographique de la Polynésie française, qui la place à un niveau équivalent à celui de l'Europe. Or votre base de référence étant Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le décalage est important !
Qu'il faille mettre en place une représentation des îles Marquises, des îles Australes, des îles Tuamotu, des îles Gambiers, des îles du Vent et des îles Sous-le-Vent, personne ne le nie ! Mais il faut trouver une solution qui permette de concilier, à la fois, la représentativité et la nécessité, pour l'ensemble des Polynésiens, de se prononcer sur les mêmes problèmes au sein de leur assemblée.
L'un des éléments de solution, que le Sénat n'aura pas l'occasion d'examiner en raison de la navette parlementaire mais qui pourra peut-être prospérer à l'Assemblée nationale, consisterait à obliger les formations politiques à présenter des candidats dans toutes les circonscriptions, ce qui ne signifie pas que l'on n'appliquera pas le système de la prime majoritaire.
Si des candidats sont présents partout, les chances d'entendre un discours unifié sont plus grandes. Il est évident, en revanche, que le fait de présenter des candidats seulement dans telle ou telle circonscription renforce les particularismes. Comme le montre l'actualité récente, le jeu des déplacements d'élus, dont vous connaissez comme moi l'origine, oblige à tenir compte de cette réalité.
Nous voterons contre ce dispositif, car il nous semble avoir été fabriqué à la demande. Les récentes visites de MM. Tong Sang et Schyle à M. Poncelet, qui s'en est réjoui et les a accompagnés de ses voeux, semblent confirmer cette impression. Il serait plus simple de dire les choses telles qu'elles sont. Quoi qu'il en soit, nous en aurons la confirmation le moment venu.
Vous avez choisi un système vous permettant d'occuper une position d'arbitre entre ceux qui ont été, ceux qui sont et ceux qui seront vos amis de la majorité. Je comprends que vous ayez choisi cette solution !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
L'article 121 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 121. - L'assemblée de la Polynésie française élit son président pour la durée de son mandat. Elle élit également, pour la même durée, les autres membres de son bureau à la représentation proportionnelle des groupes politiques et dans les conditions fixées par son règlement intérieur.
« En cas de vacance des fonctions de président, il est procédé au renouvellement intégral du bureau.
« L'assemblée de la Polynésie française peut décider, à la majorité absolue de ses membres, de procéder au renouvellement intégral du bureau. »
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 121 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est ainsi rédigé :
« Art. 121. - L'assemblée de la Polynésie française élit son président pour la durée de son mandat. Elle élit chaque année les autres membres de son bureau à la représentation proportionnelle des groupes politiques et dans les conditions fixées par son règlement intérieur.
« En cas de vacance des fonctions de président, il est procédé au renouvellement intégral du bureau.
« Lors du renouvellement annuel des membres du bureau, l'assemblée de la Polynésie française peut décider, à la majorité absolue de ses membres, de procéder au renouvellement intégral du bureau. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement concerne l'élection du bureau de l'assemblée de Polynésie française.
J'ai pris en compte, là encore - et la commission a bien voulu accepter cette approche -, l'avis défavorable exprimé par l'assemblée de la Polynésie française sur le texte du Gouvernement qui prévoyait une élection, pour cinq ans, du bureau et la possibilité de démettre celui-ci, à la majorité absolue des membres, en cours de mandat.
Après avoir consulté les uns et les autres, nous avons essayé de trouver une voie moyenne consistant à élire le président pour cinq ans et les autres membres du bureau tous les ans, comme cela se fait à l'Assemblée nationale. En revanche, à l'occasion de l'élection des membres du bureau, si une majorité absolue des membres composant l'assemblée le souhaite, celle-ci peut demander qu'il soit procédé à l'élection complète du bureau, y compris le président. Cette solution, applicable seulement lors de l'élection du bureau, permet d'éviter qu'un président ne puisse bloquer le mécanisme, dans la mesure où il devra rendre des comptes, le cas échéant, à l'assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5
I. - L'article 156 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 156. - L'assemblée de la Polynésie française peut mettre en cause la responsabilité du président de la Polynésie française et du gouvernement par le vote d'une motion de défiance. Celle-ci n'est recevable que si elle est signée par au moins le cinquième des représentants à l'assemblée de la Polynésie française.
« La motion de défiance mentionne, d'une part, les motifs pour lesquels elle est présentée et, d'autre part, le nom du candidat appelé à exercer les fonctions de président de la Polynésie française en cas d'adoption de la motion de défiance.
« Si elle est en session, l'assemblée de la Polynésie française se réunit de plein droit trois jours francs après le dépôt de la motion de défiance. Si la motion de défiance est déposée en dehors de la période prévue pour les sessions ordinaires, une session est ouverte de droit cinq jours francs après ce dépôt. Le vote intervient au cours des deux jours suivants ; faute de quorum, il est renvoyé au lendemain. Les délais mentionnés au présent alinéa s'entendent dimanche et jours fériés non compris.
« Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de défiance, qui ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Chaque représentant à l'assemblée de la Polynésie française ne peut signer, par année civile, plus de quatre motions de défiance.
« Le président de l'assemblée de la Polynésie française proclame les résultats du scrutin et les transmet immédiatement au haut-commissaire. Les résultats du scrutin peuvent être contestés par tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire, devant le Conseil d'État statuant au contentieux, dans le délai de cinq jours à compter de cette proclamation.
« Lorsque la motion de défiance est adoptée, les fonctions des membres du gouvernement cessent de plein droit. Le candidat au mandat de président de la Polynésie française est déclaré élu et entre immédiatement en fonction. Il est procédé à la désignation des autres membres du gouvernement dans les conditions prévues à l'article 73. »
II. - Il est inséré, après l'article 156 de la même loi organique, un article 156-1 ainsi rédigé :
« Art. 156-1. - I. - Si, au 31 mars de l'exercice auquel il s'applique, l'assemblée de la Polynésie française a rejeté le budget annuel, le président de la Polynésie française lui transmet, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, un nouveau projet de budget élaboré sur la base du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements soutenus lors de la discussion devant l'assemblée. Ce projet est accompagné, le cas échéant, des projets d'actes dénommés « lois du pays » relatifs aux taux des impôts et taxes destinés à assurer son vote en équilibre réel.
« Ce projet de budget et, le cas échéant, les projets d'actes dénommés « lois du pays » qui l'accompagnent sont considérés comme adoptés à moins qu'une motion de renvoi, présentée par au moins le cinquième des membres de l'assemblée de la Polynésie française, ne soit adoptée à la majorité absolue des membres de l'assemblée. La liste des signataires figure sur la motion de renvoi.
« La motion de renvoi est déposée dans un délai de cinq jours à compter de la communication du nouveau projet de budget à l'assemblée de la Polynésie française et comporte un projet de budget et, le cas échéant, des propositions d'actes dénommés « lois du pays » relatives aux taux des impôts et taxes, qui lui sont annexés. Elle mentionne le nom du candidat aux fonctions de président.
« Le jour du dépôt de la motion de renvoi, le président de l'assemblée de la Polynésie française convoque l'assemblée pour le neuvième jour qui suit ou le premier jour ouvrable suivant. La convocation adressée aux représentants est assortie de la motion de renvoi déposée et du projet de budget ainsi que, le cas échéant, des propositions de lois du pays relatives aux taux des impôts et taxes qui lui sont annexés.
« Le vote sur la motion a lieu au cours de la réunion prévue au quatrième alinéa du présent I.
« Le président de l'assemblée de la Polynésie française proclame les résultats du scrutin et les transmet immédiatement au haut-commissaire. Les résultats du scrutin peuvent être contestés par tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire, devant le Conseil d'État statuant au contentieux, dans le délai de cinq jours à compter de cette proclamation.
« Si la motion est adoptée, le projet de budget et les propositions d'actes dénommés « lois du pays » relatives aux taux des impôts et taxes sont considérés comme adoptés. Les fonctions des membres du gouvernement cessent de plein droit. Le candidat au mandat de président de la Polynésie française est déclaré élu et entre immédiatement en fonction. Il est procédé à la désignation des autres membres du gouvernement dans les conditions prévues à l'article 73.
« Le budget est transmis au haut-commissaire de la République au plus tard cinq jours après la date à partir de laquelle il peut être considéré comme adopté conformément au deuxième alinéa du présent I ou de la date de l'adoption ou du rejet de la motion de renvoi. Les actes dénommés « lois du pays » sont promulgués sans délai.
« II. - Les dispositions du présent article sont également applicables aux autres délibérations budgétaires relatives au même exercice, hormis le compte administratif, qui font l'objet d'un vote de rejet par l'assemblée de la Polynésie française. Le président de la Polynésie française peut transmettre un nouveau projet à l'assemblée de la Polynésie française, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, sur le fondement du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements présentés lors de la discussion. »
III. - À l'article 72 de la même loi organique, les mots : « et 156 » sont remplacés par les mots : «, 156 et 156-1 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 46, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 156 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 :
« Art. 156. - L'assemblée de la Polynésie française peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement de la Polynésie française par le vote d'une motion de censure. Celle-ci n'est recevable que si elle est signée par au moins le cinquième des représentants à l'assemblée de la Polynésie française.
« Si elle est en session, l'assemblée de la Polynésie française se réunit de plein droit trois jours francs après le dépôt de la motion de censure. Si la motion de censure est déposée en dehors de la période prévue pour les sessions ordinaires ou extraordinaires, une session est ouverte de droit cinq jours francs après ce dépôt. Le vote intervient au cours des deux jours suivants ; faute de quorum, il est renvoyé au lendemain. Les délais mentionnés au présent alinéa s'entendent dimanche et jours fériés non compris.
« Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure, qui ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Chaque représentant à l'assemblée de la Polynésie française ne peut signer, par année civile, plus de quatre motions de censure.
« L'adoption de la motion de censure met fin aux fonctions du gouvernement de la Polynésie française. Celui-ci assure toutefois l'expédition des affaires courantes jusqu'à l'élection du nouveau président de la Polynésie française. »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Cet amendement tend à revenir au texte de 2004 et à maintenir le dispositif actuel de motion de censure, nécessaire pour renverser le gouvernement, la motion de défiance étant un système trop compliqué.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I.- Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 156 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, remplacer les mots :
par au moins le cinquième
par les mots :
par au moins le tiers
II.- A la fin de la seconde phrase de l'antépénultième alinéa du même texte, remplacer les mots :
plus de quatre motions de défiance
par les mots :
plus de deux motions de défiance
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 46.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement a pour but de rendre le dépôt d'une motion de défiance plus difficile que ne le prévoit l'article 5. J'emploie à dessein les termes « motion de défiance », car la commission approuve résolument le choix du Gouvernement de supprimer ceux de « motion de censure ».
Un cinquième des représentants à l'assemblée de la Polynésie française, seuil minimum pour le dépôt de la motion de défiance, cela ne représente guère que douze membres. C'est très peu ! Nous proposons de passer cette proportion à un tiers des représentants, par analogie avec le dispositif statutaire que nous avons adopté, l'année dernière, pour les collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, c'est-à-dire Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.
De même, la possibilité, pour chaque représentant, de signer jusqu'à quatre motions de défiance par année civile paraît quelque peu exagérée. Nous proposons de nous en tenir, comme dans le statut de la Nouvelle-Calédonie, à deux motions de défiance par représentant, c'est-à-dire une par session.
J'en viens à l'amendement n° 46, auquel la commission est défavorable, car il ne s'harmonise pas avec le dispositif qu'elle a retenu.
La motion de défiance constructive, ou de « censure constructive », pour utiliser le langage courant, est indispensable, car le système électoral ne peut garantir une majorité, c'est-à-dire une prime majoritaire ou la présence de deux listes au deuxième tour.
Si le dispositif électoral ne garantit pas l'existence d'une majorité, il faut faire en sorte que le gouvernement élu puisse gouverner et n'être renversé que dans le cas où une véritable majorité de rechange se constitue. C'est le gage de la pérennité. On ne peut pas avoir l'un sans l'autre, à moins de trouver un autre système électoral. Or nous n'en avons pas trouvé, et nos collègues de gauche non plus ! Le dispositif électoral doit permettre aux institutions de fonctionner.
Puisque ce système de « censure constructive » est tiré de l'exemple allemand, je tiens à vous dire qu'en Allemagne, contrairement à ce que l'on prétend en France, le mode d'élection n'est pas à moitié majoritaire et à moitié proportionnel : la moitié des sièges est pourvue au scrutin majoritaire et l'autre moitié est calculée afin de permettre une représentation proportionnelle sur l'ensemble du pays. Cela explique pourquoi on n'a pas forcément une majorité qui sort des urnes, mais le système permet de gouverner.
Je ne peux donc, monsieur Flosse, que renouveler l'avis défavorable que j'avais émis précédemment.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Il est défavorable sur l'amendement n° 46, mais favorable sur l'amendement n° 9.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement no 46.
M. Bernard Frimat. Mon explication de vote vaudra à la fois pour les deux amendements et pour l'article.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez tellement confiance dans le mode de scrutin que vous mettez en place -afin, nous dit votre texte, d'assurer « la stabilité des institutions » - que vous êtes immédiatement obligé d'imaginer une « rustine ».
En effet, comme ce mode de scrutin est instable, il faut bien trouver un moyen de le conforter, et c'est là qu'intervient ce que vous appelez la « motion de défiance ». Les mots parlent d'eux-mêmes : cette motion prouve que vous n'avez aucune confiance dans le mode de scrutin proposé !
Certes, je suis bien d'accord avec Hugues Portelli - que je sais attentif à ces questions - pour dire que ce sont les comportements plus que les modes de scrutin qui provoquent telle ou telle situation. Cependant, encore une fois, l'assemblée de la Polynésie française nous dit que cette procédure ne renforcera pas la stabilité du gouvernement, mais qu'au contraire elle permettra à un gouvernement ne disposant pas de majorité de se maintenir au pouvoir.
Cela va donc très logiquement déboucher sur un blocage des institutions. Et, à ce moment-là, on n'aura plus d'autre choix que de recourir à une procédure de dissolution de l'assemblée ou d'abréviation de son mandat.
Par conséquent, votre « motion de défiance constructive » ne construit rien du tout ! En revanche, elle constitue l'aveu le plus clair qui soit que ce qui est proposé ne correspond pas, en réalité, à ce que vous prétendez.
Quant à l'Allemagne, laissons-la de côté : là n'est pas le débat.
Nous voterons contre cet article. Toutefois, parce qu'il nous semble que la motion de censure est une procédure plus simple dans la mesure où elle ne fait que constater qu'un gouvernement n'a plus de majorité, nous voterons l'amendement de M. Flosse, qui rejoint d'ailleurs la position exprimée par l'assemblée de la Polynésie française.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Rédiger comme suit les deuxième et troisième alinéas du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article 156-1 de la loi organique du 27 février 2004 :
« Si l'assemblée de la Polynésie française n'a pas adopté ce projet de budget et, le cas échéant, les projets d'actes dénommés « lois du pays » qui l'accompagnent dans un délai de cinq jours suivant leur dépôt, le président de la Polynésie française peut engager sa responsabilité devant l'assemblée. Dans ce cas, le projet de budget et, le cas échéant, les projets d'actes dénommés « lois du pays » qui l'accompagnent sont considérés comme adoptés à moins qu'une motion de renvoi, présentée par au moins le cinquième des membres de l'assemblée de la Polynésie française, ne soit adoptée à la majorité absolue des membres de l'assemblée. La liste des signataires figure sur la motion de renvoi.
« La motion de renvoi est déposée dans un délai de cinq jours à compter de l'engagement de la responsabilité du président de la Polynésie française devant l'assemblée et comporte un projet de budget ainsi que, le cas échéant, des propositions d'actes dénommés « lois du pays » relatives aux taux des impôts et taxes, qui lui sont annexés. Elle mentionne le nom du candidat aux fonctions de président.
II. Compléter le I du même texte par un alinéa ainsi rédigé:
« Par dérogation au premier alinéa du I et au premier alinéa du II de l'article 176, ces actes peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État à compter de la publication de leur acte de promulgation.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. L'amendement n° 10 a été rectifié. En effet, dans un premier temps, à la lumière des consultations menées sur place, il m'était apparu que s'exprimait un souhait plutôt général de supprimer la technique dite du « 49-3 budgétaire », c'est-à-dire une censure constructive au cas où il n'y aurait pas de majorité pour adopter le budget.
Toutefois, en y réfléchissant bien et en discutant de ce point avec le Gouvernement, j'ai estimé que cela pourrait ouvrir une brèche dans le dispositif et que l'on pourrait créer, de ce fait, une nouvelle forme d'instabilité par le biais des discussions budgétaires, ce qui n'est pas le but recherché.
Le dispositif proposé par le Gouvernement n'en est pas moins potentiellement lourd de conséquences : on en arrive tout de suite à un blocage de la part du président, qui dit en quelque sorte : « C'est comme ça et pas autrement. Le budget doit passer tel que je l'ai décidé et il n'y aura pas de discussion approfondie. »
L'amendement n° 10 rectifié a donc pour objet de prévoir, avant l'utilisation de ce « 49-3 budgétaire », une seconde discussion sur la base d'un projet de budget modifié, de façon, justement, à donner toute sa place et toute sa force au débat au sein de l'assemblée de la Polynésie, c'est-à-dire au processus démocratique.
Ce n'est qu'en cas de blocage effectif qu'on pourra recourir aux armes les plus lourdes, en l'occurrence à la mise en jeu de la responsabilité du président. Celui-ci fera alors adopter son budget, sauf s'il est renversé par une « motion de défiance constructive ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. À travers cet article, nous avons souhaité permettre que toutes les démarches engagées visent à construire, non à détruire.
Il n'est pas souhaitable que, dès lors qu'un nombre important d'élus veut s'engager dans une procédure de renversement d'une majorité en place et en proposer une autre, tout soit joué d'avance.
Nous avons connu de telles situations en métropole voilà quelques années de cela. La majorité gouvernementale était alors d'une couleur politique différente. Elle avait suggéré, pour préserver les exécutifs régionaux, de mettre en place la procédure dite du « 49-3 budgétaire ». Cela a permis, pendant six ans, à un certain nombre d'exécutifs régionaux, qui n'étaient pas forcément issus de notre propre sensibilité, de pouvoir administrer les collectivités régionales.
M. Christian Cambon. C'est vrai !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Il est donc exact que cette procédure budgétaire, qui était constructive et non destructrice, nous a servi de référence, et que nous proposons de l'appliquer à la Polynésie française.
À ceux qui nous accuseraient de « départementaliser » la Polynésie, je répondrai que nous sommes bien loin d'une telle idée et que cette procédure semble parfaitement convenir à la situation de la Polynésie.
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez en assouplir les modalités. J'y suis tout à fait prêt et j'émets donc un avis favorable sur l'amendement n° 10 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, vous venez à l'instant d'évoquer ce que l'on avait aussi appelé le « 49-3 régional ». Je voudrais vous rappeler - mais cela ne vous avait sûrement pas échappé - que cette disposition était transitoire et qu'elle avait été adoptée dans l'attente de l'instauration d'un mode de scrutin qui assurerait la stabilité des exécutifs.
Le caractère baroque de la proposition d'aujourd'hui réside dans le fait qu'elle consiste, d'abord, à créer un mode de scrutin dont on sait qu'il n'assure pas la stabilité et, ensuite, à installer de façon pérenne un système de « motion de défiance constructive », présenté ici dans une version budgétaire.
La commission des lois, lors d'un premier examen, avait supprimé cette disposition en considérant qu'il s'agissait d'une véritable « usine à gaz » et que rien, localement, n'en justifiait la nécessité.
M. le rapporteur est arrivé ce matin en commission avec un amendement rectifié, qui résulte sans doute d'une discussion fructueuse avec vous, monsieur le secrétaire d'État... Nous en prenons acte.
Mais, ce qui nous semble le plus important, c'est de bien montrer que vous faites référence à un dispositif qui était temporaire et qui était destiné - ce qui s'est d'ailleurs produit - à être remplacé par un autre assurant la stabilité. Or, vous nous proposez aujourd'hui un mode de scrutin dont vous êtes tellement certain de l'inefficacité que, d'emblée, vous prévoyez des méthodes contraignantes pour permettre à un gouvernement n'ayant plus de majorité de se maintenir. Dont acte !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Je voudrais apporter une petite précision. J'étais parfaitement conscient que le système mis en place pour les régions était transitoire. Il a, d'ailleurs, été supprimé lorsque nous avons modifié la loi électorale.
Mais là, il ne s'agit pas du même dispositif. C'est la raison pour laquelle, au départ, j'étais favorable à sa suppression. En effet, il ne me semblait pas que l'on puisse à la fois modifier les dispositions électorales et introduire un système qui ne peut être que transitoire.
Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, de modifier substantiellement le dispositif initial. La deuxième délibération - mais le terme n'est peut-être pas adéquat, puisque la discussion se fera sur la base d'un nouveau projet -, intervenant à l'issue d'un débat budgétaire qui se serait traduit par un vote négatif, est extrêmement importante, parce qu'elle incitera les différents acteurs à trouver un accord, et c'est seulement s'ils n'y parviennent pas que sera utilisé le dispositif. Celui-ci, en réalité, a donc vocation à ne servir quasiment jamais, car on sait bien que, si l'on ne se met pas d'accord en deuxième lecture, le président emportera la décision en mettant en jeu sa responsabilité.
Ce dispositif est, par conséquent, totalement différent de celui que vous évoquiez et il est parfaitement adapté au mode de fonctionnement de l'assemblée de Polynésie. Il ne fera qu'enrichir le débat en son sein.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. La « motion de défiance constructive » à l'allemande est un système que l'on peut utiliser de deux façons.
La plus limitée, qui est aussi la plus négative, est celle que vient de décrire notre collègue M. Frimat : elle a pour but de permettre à une minorité de passer en force en essayant d'empêcher qu'une majorité se constitue contre elle par addition des contraires.
Dans ce cas, je suis d'accord avec M. Frimat pour dire que cela ne marche jamais, et ce pour une raison très simple : vous pourrez peut-être réussir ainsi à faire voter votre budget, mais vous ne trouverez jamais le moyen de le faire appliquer, parce que la majorité que vous aurez empêché de se constituer y parviendra à ce moment-là ou à l'occasion de l'examen de lois suivantes.
Il existe, cependant, une autre façon d'appliquer la « motion de défiance constructive » : il s'agit de celle qui est pratiquée dans d'autres pays, que ce soit au niveau national ou au niveau local. Je pense, par exemple, à l'Italie, mais aussi à la France puisqu'elle existe pour la Corse !
M. Christian Cointat, rapporteur. Eh oui !
M. Hugues Portelli. N'oublions pas en effet que, dans cette seconde hypothèse, le raisonnement est tout autre que dans la précédente. On part du principe qu'il n'existe pas de majorité stable et, par conséquent, on introduit des systèmes de contrainte pour obliger des adversaires potentiels à travailler ensemble.