M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14, présenté par M. Billout, Mme Didier et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi rédigé :
« Art. 66-2. - Les articles 66 et 66-1 sont également applicables aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution ou de transport. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Avec cet amendement, les sénateurs du groupe CRC souhaitent que les sites de consommation raccordés au gaz après le 1er juillet 2007 puissent bénéficier des tarifs réglementés et donc se voir appliquer le dispositif prévu pour l'électricité dans la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.
Lors des débats qui ont eu lieu cet été dans cet hémicycle sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, nous avions demandé que les sites de consommation créés après le 1er juillet 2007 puissent bénéficier des tarifs réglementés du gaz. Nous considérons en effet que la facture énergétique des ménages n'est pas une question étrangère à leur pouvoir d'achat.
Au moment de l'examen du texte sur le droit au logement opposable en mars 2007, la majorité parlementaire avait déjà compris les contradictions et les incohérences des positions qu'elle avait défendues quelques mois plus tôt. Ainsi, des députés UMP avaient déposé un amendement afin que les logements neufs construits après le 1er juillet 2007 puissent bénéficier des tarifs réglementés de l'électricité, et ce jusqu'en 2010.
Même si les deux articles de la proposition de loi avaient un jour force de loi, il nous semble que cette disposition sur les logements neufs garderait tout son intérêt. En effet, ces articles s'intéressent à la réversibilité du choix du consommateur qui arrive dans un nouveau site, sans apporter de précisions sur le cas des sites créés après l'ouverture à la concurrence. Or il est essentiel que le bénéfice des tarifs réglementés soit garanti à ces logements afin de ne pas les discriminer par rapport aux logements existant antérieurement à cette date, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, comme nous l'expliquait un député de la majorité à l'époque, les logements raccordés après le 1er juillet 2007, notamment les logements sociaux, seraient obligatoirement fournis au prix du marché, ce qui renchérirait le coût de leur fourniture énergétique.
Ensuite, cette discrimination selon la date de raccordement du logement serait de nature à remettre en cause l'effort de construction.
Enfin, cette situation conduirait les consommateurs à supporter un coût de l'électricité plus élevé au seul motif de la date de raccordement, indépendamment de leur propre décision.
La décision concernant les contrats d'électricité avait été accueillie favorablement par la gauche, quelque peu surprise de constater la prise de conscience, timide mais réelle, de la majorité sur ces questions.
Cependant, nous ne comprenons pas pourquoi ce qui vaut pour l'électricité ne vaudrait pas pour le gaz. Animés par le même souci de cohérence avec l'article 24 de la loi instituant le droit au logement opposable du 5 mars 2007, nous souhaitons que les sites de consommation raccordés au gaz postérieurement au 1er juillet 2007 puissent bénéficier des tarifs réglementés.
Enfin, j'aimerais que la notion de « nouveaux sites de consommation » soit clairement définie. En effet, il ne faudrait pas oublier que certains logements, même anciens, peuvent être de nouveaux sites de consommation. À ce titre, les dispositions susmentionnées devraient leur être applicables.
Pour les mêmes raisons que celles qui ont poussé très justement le législateur à préciser le droit applicable dans la loi sur le logement opposable, nous vous demandons d'adopter notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. ... - L'article 66-1 est également applicable, pour les consommateurs domestiques, aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Nous souhaitons que le dispositif de préservation des tarifs réglementés de vente prévu pour les nouveaux sites de consommation par l'article 66-2 de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique ne se limite pas exclusivement à l'électricité mais puisse également être étendu au gaz, et ce pour le bénéfice des particuliers.
Nous rappelons qu'aujourd'hui l'essentiel du gaz vendu l'est sous forme de contrat à long terme. Les marchés de court terme, particulièrement pour l'Europe, demeurent marginaux, et leur volatilité est telle que l'on ne peut s'appuyer sur eux pour fixer les prix de vente de gaz naturel à la consommation.
Pour les ménages, notamment, il revient à l'État de s'assurer que les tarifs réglementés de vente de gaz naturel sont bien « calés » sur les prix obtenus dans le cadre des contrats à long terme signés par Gaz de France.
Nous considérons que les tensions actuelles sur le prix du baril de pétrole, la privatisation en cours de Gaz de France, les recompositions à l'échelle européenne et internationale du secteur énergétique sont, entre autres, autant de facteurs créant les conditions de fortes pressions sur les prix du gaz.
Il n'y a donc aucune raison a priori de ne pas étendre aux consommateurs domestiques de gaz le dispositif prévu par l'article 66-2 susmentionné, qui avait été rendu possible grâce à l'adoption d'un amendement dans le cadre de la loi instituant le droit au logement opposable. Il faut ouvrir la possibilité pour les ménages d'un raccordement au gaz aux tarifs réglementés dans tous les logements neufs postérieurs au 1er juillet 2007.
M. le président. Le sous-amendement n° 23, présenté par M. Poniatowski, est ainsi libellé :
A - Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 9, après le mot :
consommateurs
insérer le mot :
finals
B - Compléter ce même alinéa par les mots :
avant le 1er juillet 2010
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. La commission a considéré qu'il était logique d'étendre au gaz la mesure qui a été adoptée en matière d'électricité pour les ménages, donc d'adopter l'amendement du groupe socialiste qui va en ce sens.
Toutefois cet amendement ne prévoit pas de date butoir. Le sous-amendement que je présente consiste à ajouter la date de 2010 dans un souci de logique du mécanisme de l'ensemble du texte.
Si ce sous-amendement est adopté, la commission émettra un avis favorable sur l'amendement n° 9.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. ... - L'article 66-1 est également applicable, pour les consommateurs non domestiques, aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution ou de transport de gaz naturel. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Après avoir entendu les propos de M. le rapporteur, j'ai l'intime conviction que l'amendement n° 9, éventuellement rectifié, a une chance d'être adopté.
Si nous offrons la possibilité aux ménages de pouvoir bénéficier, pour les logements neufs, des tarifs réglementés du gaz, il me semble que nous devrions rendre applicable cette disposition aux consommateurs non domestiques. Tel est l'objet de l'amendement n° 11.
Que se passera-t-il, par exemple, lorsqu'une construction neuve prendra la forme d'une SCI ?
Que se passera-t-il lorsque les logements d'un immeuble neuf seront occupés non seulement par des ménages, mais également par des professions libérales : des médecins, des avocats... ?
Que se passera-t-il lorsque l'abonné sera une société d'économie mixte et que l'immeuble comprendra des logements et une activité commerciale ?
Que se passera-t-il pour le raccordement de tous ces logements et de la société civile immobilière ? Que se passera-t-il pour le chauffage au gaz, mais aussi pour l'eau chaude sanitaire ?
Vous me direz que la solution, c'est le compteur individuel, mais il n'y en a pas toujours.
Je propose donc, comme pour l'amendement n° 9, que la Haute Assemblée laisse ouverte la possibilité que nous proposons dans l'amendement n° 11, ce qui permettra de trouver une solution au cours de la navette si l'amendement n'est pas parfait.
Si nous ne prenons pas en compte le fait qu'un nouvel immeuble puisse compter à la fois des abonnés domestiques et des abonnés non domestiques, je crains que le flou de la situation ne se traduise par l'impossibilité pour les consommateurs domestiques de bénéficier du tarif réglementé.
Nous avons trouvé un accord concernant l'amendement n° 19 rectifié, signé par des noms prestigieux - M. Poniatowski, M. Emorine, M. Pintat -, pour les consommateurs non domestiques ayant de faibles consommations d'électricité. Notre argumentation concernant l'électricité me paraît valoir également pour le gaz.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 14 et 11 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Si je suis d'accord avec le volet concernant les ménages de l'amendement n° 14, mesure qui est prise en compte dans l'amendement n° 9, je suis en revanche défavorable à l'extension du dispositif aux professionnels. En outre, cet amendement ne prévoit pas de date butoir.
L'amendement n° 11 ne prévoit pas, lui non plus, de date butoir. La commission y est donc également défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Les amendements nos 11 et 14 ont tous les deux pour objet d'étendre à l'ensemble des consommateurs professionnels, pour les nouveaux sites de consommation, le bénéfice des tarifs réglementés de vente de gaz. Le Gouvernement n'y est pas favorable, car il pense que cette proposition vient rompre l'équilibre qu'a évoqué à plusieurs reprises M. le rapporteur : cette proposition de loi ne vise à répondre qu'au problème bien spécifique des consommateurs particuliers.
En revanche, le Gouvernement comprend la préoccupation que traduit l'amendement n° 9, modifié par le sous-amendement n° 23 de la commission. Il s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 11.
M. Thierry Repentin. J'ai bien entendu l'avis défavorable de M. le rapporteur, qui a visiblement suivi celui du Gouvernement, mais je n'ai pas vraiment obtenu de réponse à mes questions.
Que se passera-t-il, par exemple, lorsqu'un ménage décidera de construire son logement sous forme de SCI ou lorsqu'une profession libérale installera son cabinet dans son logement ? Seront-t-ils considérés comme des abonnés domestiques ? Ce point est important, car il conditionne l'éligibilité au tarif réglementé. Cette question va se poser dès demain matin.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Repentin, nous connaissons cette situation dans nos départements respectifs. J'ai été président d'un office HLM pendant six ans ; j'ai fait supprimer les compteurs collectifs et installer des compteurs individuels. Même les sociétés d'économie mixte - elles ont, c'est vrai, deux ou trois immeubles, comprenant dix ou quinze locataires - ont intérêt à mettre en place des compteurs individuels. Le compteur collectif n'est pas une bonne solution, car, comme vous le savez, il crée des situations d'injustice.
On ne va pas faire une loi pour quelques cas de figure ! Il faut que ces quelques cas de figure s'adaptent à la loi.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Tout consommateur final domestique de gaz naturel bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie pour la consommation du ou des sites raccordés aux réseaux de distribution de gaz naturel entre le 1er juillet 2007 et la date de publication de la présente loi pour lesquels il en fait la demande.
Les tarifs mentionnés à l'alinéa précédent sont applicables de plein droit et sans pénalité aux contrats en cours à compter de la date à laquelle la demande est formulée.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Nous estimons que le dispositif de préservation des tarifs réglementés de vente prévu par l'article 66-2 ne doit pas être limité à l'électricité ; il doit être étendu au gaz naturel.
Nous proposons donc un dispositif de rattrapage permettant de prendre en compte les sites qui ont été raccordés aux réseaux entre le 1er juillet 2007 et la date de publication de la présente loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Un problème similaire s'était posé, vous vous en souvenez, lorsque la loi de 2006 avait été adoptée. Les cas que vous évoquez sont en nombre très limité. Ils concernent une période elle-même très limitée, qui va du 1er juillet 2007 à la date de publication de la présente loi.
J'ajoute que le problème du gaz n'est pas dramatique. Comme en 2006, Gaz de France s'engage à traiter les quelques cas critiques individuels et à renégocier le contrat. Cela nous évitera d'avoir à légiférer pour quelques cas particuliers.
Mes chers collègues, je vous demande, comme vous l'aviez fait en 2006, de bien vouloir retirer cet amendement, sachant que Gaz de France avait résolu les problèmes que vous évoquiez.
M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?
M. Daniel Raoul. Compte tenu des explications que vient de donner M. le rapporteur et de sa grande mémoire, nous adopterons la même attitude qu'en 2006.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous remercie !
M. Daniel Raoul. J'espère qu'il y aura un match retour et que vous aurez l'occasion de nous remercier d'une façon plus efficace. (Sourires.)
Nous retirons donc l'amendement n° 10, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 10 est retiré.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Tout consommateur final non domestique de gaz naturel bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie pour la consommation du ou des sites raccordés aux réseaux de distribution et de transport de gaz naturel entre le 1er juillet 2007 et la date de publication de la présente loi pour lesquels il en fait la demande.
Les tarifs mentionnés à l'alinéa précédent sont applicables de plein droit et sans pénalité aux contrats en cours à compter de la date à laquelle la demande est formulée.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
L'amendement n° 13, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatorzième alinéa de l'article 1er de la loi n° 2004-803 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« De tels contrats comportant des obligations de service public sont également conclus entre l'Etat et tout producteur d'électricité exploitant des installations d'une puissance installée de plus de 2 000 mégawatts. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, je pense que vous n'avez pas compris mon intervention tout à l'heure : je mettais en cause non pas votre rôle, mais le fonctionnement de notre assemblée.
Cela dit, l'objet de l'amendement n° 13 est de soumettre les grands opérateurs du secteur énergétique à des obligations de service public, notamment en matière de tarification. Il vise à ce que, à l'instar des contrats de service public signés entre l'État et les opérateurs historiques, les nouveaux opérateurs du secteur mettent en place un véritable contrat de service public, comportant des obligations tarifaires contraignantes, permettant de maintenir des tarifs abordables et faisant l'objet d'une péréquation sur l'ensemble du territoire, conformément à l'article 1er de la loi n° 2004-803 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Il serait bon que vous relisiez la loi que vous avez adoptée, mes chers collègues !
L'article 1er de cette loi prévoit en effet de soumettre les opérateurs historiques comme Gaz de France et EDF à des obligations de service public. Les contrats portent notamment sur « les exigences de service public en matière de sécurité d'approvisionnement, de régularité et de qualité du service rendu aux consommateurs », « les moyens permettant d'assurer l'accès au service public, la politique de recherche et développement des entreprises », « la politique de protection de l'environnement, incluant l'utilisation rationnelle des énergies et la lutte contre l'effet de serre », « l'évolution pluriannuelle des tarifs de vente de l'électricité et du gaz ».
In fine, cet article prévoit : « Electricité de France et Gaz de France contribuent à la cohésion sociale, notamment au travers de la péréquation nationale des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs domestiques, de l'harmonisation de ces tarifs pour le gaz et de la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution. »
Dans le cadre de la restructuration actuelle du secteur énergétique, que vous souhaitez, avec l'émergence de grands groupes multi-énergies - gaz et électricité -, à l'instar de la fusion entre GDF et Suez, il nous semble important de soumettre les nouveaux gros opérateurs potentiels entrant dans le secteur à des obligations de service public.
Le contrat de service public de Gaz de France arrive à son terme à la fin de 2007. Comme le prévoit la loi, il doit être renouvelé. Qu'en sera-t-il dans le cadre de la fusion Gaz de France-Suez ? Quels engagements tarifaires seront pris dans ce cadre ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cher collègue, vous avez légèrement évolué par rapport au dernier article de votre proposition de loi. Celui-ci prévoyait en effet un contrat de service public avec tous les opérateurs électriques et gaziers, ce qui, à mon avis, était excessif, comme je vous l'avais expliqué en commission.
L'amendement n° 13 vise à limiter cette disposition aux seuls producteurs d'électricité disposant d'une capacité supérieure à 2 000 mégawatts.
M. Daniel Raoul. Ce n'est pas un hasard !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous signale que les obligations législatives et réglementaires en matière de service public s'appliquent pleinement à ces entreprises, notamment à celles qui figurent dans les lois de 2000, de 2004 et de 2005, même si elles n'ont pas signé de contrat. Je tenais à vous le rappeler.
Dans la pratique, qu'est-ce que cela signifie ? Si votre amendement était adopté, il contraindrait l'État à signer un contrat de service public avec Suez et avec Endesa France, l'ex-Société Nationale d'Électricité et de Thermique, la SNET. Votre amendement ne concerne en effet que ces deux entreprises, car, à ma connaissance, ce sont les seules du secteur électrique à disposer d'une telle capacité.
M. Daniel Raoul. Et EDF !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Bien entendu ! Pour EDF, le contrat de service public est déjà une obligation, prévue à l'article 1er de la loi de 2004. Pour Suez, cela va le devenir, du fait de sa fusion avec Gaz de France. L'actuel contrat de service public liant l'État à Gaz de France couvre la période allant de 2005 à 2007. À l'issue de cette période, l'entreprise Gaz de France-Suez sera naturellement tenue de discuter et de signer un contrat de service public.
Par ailleurs, je ne suis pas sûr qu'il soit opportun de prévoir la signature d'un contrat de service public entre l'État et Endesa France. Peut-être le Gouvernement va-t-il nous donner quelques explications sur ce point.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Ce sujet dépasse sans doute la question qui avait été circonscrite par la commission et par son rapporteur lors de sa présentation de la proposition de loi au cours de la discussion générale.
Par ailleurs, cet amendement concernerait en France deux grands groupes, EDF et Gaz de France-Suez, qui ont déjà l'obligation de signer un contrat de service public. Le contrat de Gaz de France-Suez sera signé prochainement.
Pour cette raison, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Ôtez-moi un doute : l'État va-t-il signer un nouveau contrat de service public avec Gaz de France- Suez ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le contrat arrive à échéance à la fin de 2007 !
M. Daniel Raoul. Nous sommes en octobre 2007, le nouveau contrat est-il en préparation, oui ou non ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Un nouveau contrat est obligatoire !
M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 13 est-il maintenu ?
M. Daniel Raoul. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. J'indique au Sénat que la commission propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions modifiées de la commission des affaires économiques sur les propositions de loi n°s 369,427 et 462, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe de l'UMP soutient l'initiative législative de notre collègue Ladislas Poniatowski, car elle offre la solution juridique la plus raisonnable face à une difficulté que le Conseil constitutionnel a créée pour nos concitoyens consommateurs en censurant, en 2006, les dispositions portant sur les tarifs réglementés contenues dans le projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
La décision du Conseil constitutionnel a pour conséquence de rendre irréversible le choix de la concurrence par un ménage et pour un logement donné, ce qui a des répercussions tant sur les locataires que sur les propriétaires. Ainsi, les occupants suivants du logement concerné ne pourraient plus bénéficier des tarifs réglementés et le changement de régime pourrait se faire sans que le propriétaire en soit informé.
Or nous pouvons dès aujourd'hui établir un premier bilan de la sortie du tarif réglementé, choix qui a été effectué par certains consommateurs professionnels au cours des années deux mille et qui s'est, le plus souvent, traduit par une hausse des prix de l'électricité sur le court terme.
Mes chers collègues, comme le souligne M. le rapporteur, si nous pouvons craindre, par symétrie, un schéma similaire pour les consommateurs particuliers, les tarifs réglementés peuvent constituer une protection.
Aussi, M. le rapporteur propose d'instituer un dispositif permettant aux particuliers - une telle possibilité existe déjà pour les très gros consommateurs industriels - de revenir au tarif réglementé en cas de changement de site de consommation pour l'électricité et le gaz.
La présente proposition de loi répond donc avec prudence et réalisme à une situation qui est complexe. D'une part, la France a différents contentieux en cours au niveau européen. D'autre part, la question des tarifs ne représente qu'une partie du débat qui s'engage aujourd'hui à l'échelon communautaire sur la meilleure manière de garantir, à terme, notre approvisionnement et notre sécurité énergétiques.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, au-delà du texte législatif que nous voterons dans quelques instants, le groupe de l'UMP restera vigilant quant à l'avenir du secteur énergétique dans son ensemble. En effet, il s'agit là d'un sujet politique, dont les entrées sont multiples et qui devra être traité avec nos partenaires européens.
Dans cette perspective, le Sénat entend tenir toute sa place. Ainsi, sur l'initiative de notre collègue Bruno Sido, qui a récemment présidé une mission d'information sur le sujet, la Haute Assemblée organisera un débat sur l'approvisionnement électrique de la France le 30 octobre prochain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. À nos yeux, la récente fusion de Gaz de France et de Suez fait peser de sérieux risques sur le système tarifaire réglementé de vente du gaz naturel. Les sénateurs du groupe socialiste tiennent à réaffirmer leur opposition à cette fusion décidée par le Président de la République, qui s'était lui-même engagé, en 2004, à ne pas privatiser Gaz de France.
Les contraintes tarifaires de service public doivent peser sur les groupes énergétiques au moment où les actionnaires vont avoir les mains libres pour obtenir des augmentations substantielles des prix.
Alors que Gaz de France dispose de tarifs de gaz préférentiels dans le cadre des contrats de long terme conclus avec les pays producteurs, l'alignement des tarifs réglementés sur les prix des marchés pourrait, là encore, être à l'origine d'une rente gazière au bénéfice des seuls actionnaires et marchés financiers.
En effet, force est de le constater, les prix du gaz ont augmenté de près de 40 % au cours des trois dernières années. C'était d'ailleurs une contrainte imposée à Gaz de France par M. Thierry Breton, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en vue d'obtenir une convergence vers les prix de marché.
Je vous invite à consulter l'évolution - elle est édifiante - du cours de l'action Suez durant le mois de septembre. Les actionnaires ont largement salué la fusion de Suez et Gaz de France. Or, à ma connaissance, ce ne sont pas des philanthropes. En un mois, le cours de l'action a augmenté de 8,62 %. Je me doute bien que les acteurs concernés y voient un intérêt, mais je ne suis pas certain qu'il s'agisse forcément de celui du consommateur.
Dans ce contexte, les sénateurs socialistes tiennent à réaffirmer que la création d'un pôle public autour de Gaz de France et EDF était l'un des moyens de préserver la maîtrise tarifaire publique et la sécurité de nos approvisionnements en gaz, c'est-à-dire notre indépendance énergétique.
Toutefois, je souhaite exprimer ma satisfaction. Je le constate, les propositions que nous avons formulées avec beaucoup de persévérance lors du débat sur l'énergie en 2006 et lors de nos travaux en commission ont permis d'améliorer quelque peu le présent texte. Peut-être avons-nous joué les bons Samaritains en vous permettant de rattraper vos fautes...
Nous sommes très contents de constater que M. Poniatowski reprend dans la proposition de loi l'extension des dispositions sur le retour des tarifs réglementés sur l'électricité au profit du gaz. Je tenais à vous en donner acte, monsieur le rapporteur.
Toutefois, je ne peux que regretter que nous n'ayons pas pu aller plus loin, notamment en garantissant le bénéfice des tarifs réglementés pour l'électricité et le gaz sans limitation de date. Sur ce sujet, nous n'arriverons pas à nous convaincre. Selon vous, le dispositif proposé constitue un atout dans la négociation, alors que, pour nous, il s'agit d'une arme pour se faire hara-kiri avant le début du match ! (Sourires.)
L'année 2010 étant une date bien proche, les mesures qui sont adoptées aujourd'hui n'auront qu'un effet limité. Au moment où le Président de la République s'engage sur l'augmentation du pouvoir d'achat des Français, la suppression du délai limite de cette mesure aurait, me semble-t-il, constitué un acte concret.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quelle sera demain la pérennité des tarifs réglementés ? Peut-on espérer que l'adoption de cette loi constitue une garantie suffisante pour leur maintien ? À l'issue de nos débats, je suis pessimiste.
En effet, et vous semblez en avoir conscience, toute disposition permettant le maintien de tels tarifs ne peut être qu'une dérogation au droit communautaire tel qu'il est actuellement élaboré par les États membres. En ce sens, cette loi est conçue comme une simple dérogation temporaire à la fin annoncée des tarifs fixés par les pouvoirs publics.
Car la question est bien là ; il y a une antinomie totale entre l'existence de tarifs régulés et les impératifs de concurrence libre et non faussée.
C'est pourquoi, si les objectifs d'une telle loi ne méritent pas que l'on s'y oppose, les droits communautaire et national dans le secteur de l'énergie nécessitent plus que de simples dérogations.
Pour notre part, nous souhaitons une véritable réorientation de la construction européenne et une remise en cause du dogme libéral de la concurrence libre et non faussée comme pierre angulaire de toute politique publique. Ainsi avons-nous notamment demandé la réalisation d'un bilan sur les politiques de libéralisation du secteur de l'énergie.
En effet, nous avons suffisamment d'exemples pour savoir que l'ouverture à la concurrence n'a pas atteint les objectifs escomptés s'agissant de la baisse des tarifs par l'émulation de la concurrence. Bien au contraire, la sécurité d'approvisionnement est menacée et les tarifs se sont envolés.
Depuis l'ouverture de leur capital, les opérateurs historiques ont modifié le cap de leur politique d'entreprise. Ainsi, l'objectif d'augmenter la rentabilité pour les actionnaires est désormais mentionné dans les contrats de service public et un alignement des tarifs réglementés sur le tarif libre est prévu dans le contrat de service public de GDF.
Nous le voyons donc bien, la simple question des tarifs dits « réglementés » et de leur maintien est loin d'être exhaustive des problématiques liées au secteur de l'énergie.
Au final, nous le constatons, les anciens monopoles qui auraient dû être modernisés et démocratisés seront de facto remplacés par des oligopoles privés.
Pourtant, les enjeux sont fondamentaux et multiples. Ils font de l'énergie une denrée exceptionnelle qui ne peut être considérée comme une simple marchandise.
Ce simple constat, qui semble partagé par la plupart des collègues au sein de notre hémicycle, tous groupes politiques confondus, qui ont adopté le rapport de la mission d'information sur l'électricité, ne peut aboutir qu'à une seule conclusion : l'énergie n'étant pas une marchandise comme les autres, les questions relatives à sa maîtrise ne peuvent être laissées à la main invisible du marché.
Le secteur nécessite donc une forte maîtrise publique, comme le recommande le rapport de la mission d'information que je viens d'évoquer. Pour les sénateurs de mon groupe, cela passe par une condition stricte : il est nécessaire de garantir des capitaux uniquement publics au sein des opérateurs énergétiques, car toute prise de capitaux privés pervertit irrémédiablement la politique d'entreprise. De cette conception découle ou non l'existence de tarifs régulés.
Dans ce sens, nous avions déposé un amendement où nous proposions une nouvelle fois la fusion entre EDF et GDF. Cette idée est régulièrement réfutée par les tenants du libéralisme, et ce au nom des contreparties qui seraient imposées par Bruxelles. Pourtant, la création du géant Suez-GDF impose également des contreparties, et non des moindres ; je pense notamment à la cession de contrats à long terme pour GDF, à la séparation du pôle environnement pour Suez, ainsi qu'à la fin du monopole de production nucléaire pour EDF avec la création de son principal concurrent. Il s'agit de contreparties très importantes, sans les bénéfices d'une véritable maîtrise publique.
Nous le voyons donc, il s'agit là avant tout de choix politiques. Pourtant, nous n'avons pas pu avoir cette discussion, car notre amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances. Cette irrecevabilité nous interpelle. Est-ce là le pouvoir du Parlement ? Nous pouvons voter des lois, à l'unique condition qu'elles n'engagent pas les dépenses publiques. Nous nous retrouvons donc avec un Parlement impuissant, qui ne peut ni orienter la politique nationale ni formuler des choix politiques. L'apparente initiative parlementaire se révèle alors n'être qu'une vaste plaisanterie, puisque les lieux de décision sont ailleurs. Voilà peut-être une explication à la forte défection des parlementaires ce soir.
Au final, nous voterions cette proposition de loi alors même que notre gouvernement prône à Bruxelles l'ouverture totale et que le Président de la République annonce déjà la privatisation du nucléaire civil.
Selon nous, tant que la France ne s'engagera pas dans une réflexion plus globale sur les questions de maîtrise publique, une telle loi ne pourra pas avoir de portée suffisante. Dans le cadre actuel de libéralisation, les tarifs réglementés, qui sont incompatibles avec les objectifs de marché, seront évidemment sacrifiés, ou bien vidés de leur spécificité par un alignement sur les tarifs dits « libres ».
Les sénateurs communistes ne font pas le choix de la marchandisation de l'ensemble des activités humaines. Ils estiment que la puissance publique doit se doter des instruments industriels nécessaires pour répondre aux enjeux énergétiques du xxie siècle. C'est pourquoi ils s'abstiendront sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)