Article 8
Un décret en Conseil d'État définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice de transport peut imposer à l'entreprise de transport ou mettre à sa charge un remboursement total ou partiel des titres de transport aux usagers en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers prévus à l'article 4.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 8 prévoit le remboursement du titre de transport en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport appliqué en cas de grève ou d'incidents prévisibles.
Mais, là encore, pourquoi une telle limitation ? Une interruption majeure de service suite à une grève sur une courte période est-elle en effet de nature à causer un préjudice plus important que des dysfonctionnements répétés entraînant des retards extrêmement préjudiciables tout au long de l'année aux salariés comme aux étudiants ?
Dans mon département, sur la ligne Paris-Provins - je précise aimablement à mon collègue René Beaumont qu'il s'agit du secteur rural de la région d'Ile-de-France -, l'analyse que fait la SNCF du trafic montre qu'un tiers des trains - un train sur trois ! - sont arrivés en retard, ou ont été simplement supprimés, en novembre et en décembre dernier.
Pour autant, aucun remboursement, même partiel, réclamé par les usagers à cette époque n'a été accepté par la SNCF. La situation ne s'est pas améliorée depuis. Bien que ces retards soient « prévisibles » du fait de la vétusté du matériel -les motrices ont quarante-cinq ans d'âge et les belles voitures sont en inox ! - ils n'entrent pas dans cette catégorie au titre de ce projet de loi, dont les effets resteront ainsi limités à de l'affichage politique en plus de la véritable remise en cause du droit de grève des salariés de ces entreprises.
Ce texte n'améliorera aucunement les conditions de transports quotidiennes des voyageurs, ce qui n'était pas, je vous le concède, le souci du Gouvernement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 42, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet amendement a pour objet de supprimer cet article, lequel vise à s'immiscer - rien de moins ! - dans la politique commerciale des exploitants.
Est-il normal de réserver au décret le soin de définir les termes de ce qui fait l'objet d'une négociation et d'un accord contractuel ? Non !
II faut restituer leur pleine valeur aux rapports contractuels qui existent entre l'autorité organisatrice des transports et les entreprises. Les modalités d'un éventuel « droit à remboursement » ne peuvent être envisagées que dans le cadre de la convention d'exploitation qui lie l'autorité organisatrice à son exploitant.
En effet, la diversité des contrats et des politiques commerciales ne permet pas de définir de manière uniforme les modalités de remboursement des usagers. N'oublions pas non plus que, dans certains cas, il incombe directement à la collectivité locale de prendre ces sommes en charge ! À y regarder de près, il faut aussi s'interroger sur les critères qui devront présider aux remboursements.
S'il est relativement simple d'évaluer le droit à remboursement d'un abonné qui a subi trois jours d'arrêt de travail, il est beaucoup plus difficile de rembourser le voyageur occasionnel ou celui qui invoque un dommage dû à un retard à un rendez-vous ou à un examen. Qui prendra la responsabilité d'évaluer ce type de préjudice a priori ? Personne !
Est-il normal aussi que soient indemnisés les jours où les perturbations relèvent de cas de force majeure ? Non ! Car cela serait faire peser sur les entreprises, et indirectement sur la collectivité, les conséquences d'aléas sur lesquels elles n'ont aucune prise. À ma connaissance, tant la doctrine que la jurisprudence considèrent que l'aléa exclut la lésion.
L'adoption de cet article nous mettrait sur la voie d'une judiciarisation à l'américaine, c'est-à-dire que tout serait sujet à conflit et presque tout donnerait lieu à dédommagement !
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
En cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté ou du plan d'information des usagers prévus à l'article 4, l'autorité organisatrice de transport impose à l'entreprise de transport, sauf cas de force majeure, un remboursement total des titres de transport aux usagers en fonction de la durée d'inexécution de ces plans.
L'autorité organisatrice de transport détermine, par convention avec l'entreprise de transport, les modalités pratiques de ce remboursement selon les catégories d'usagers.
Lorsque des pénalités pour non-réalisation du plan de transport adapté sont par ailleurs prévues, l'autorité organisatrice de transport peut décider de les affecter au financement du remboursement des usagers.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Dans la rédaction originale, l'indemnisation des usagers était prévue par décret. Or je partage totalement la position du Gouvernement, qui met l'usager au centre de ses préoccupations. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, c'est effectivement ce souci qui, dans ce texte, est à l'origine d'un certain nombre de dispositions et d'organisations.
Réécrivant cette disposition pour supprimer le renvoi à un décret en Conseil d'État, la commission vous propose un amendement comportant plusieurs points.
En premier lieu, il conditionne le remboursement à l'usager de ses titres de transport au défaut d'exécution d'un seul des plans mentionnés à l'article 4 et non pas à l'inexécution des deux cumulativement, comme cela est prévu.
En deuxième lieu, il rend obligatoire, et non pas facultatif, le remboursement des usagers, afin d'éviter les disparités d'une région ou d'un département à l'autre.
En troisième lieu, il donne la possibilité à l'entreprise de s'exonérer du remboursement des usagers en cas de force majeure. Cela faisait partie des préoccupations qui ont été exprimées.
En quatrième lieu, il permet de résoudre les difficultés pratiques touchant aux modalités concrètes du remboursement et à l'identification des usagers éligibles, puisque ces deux éléments seront déterminés contractuellement par l'autorité organisatrice et l'entreprise de transport.
Enfin, en cinquième lieu, il prévoit une participation non obligatoire des autorités organisatrices de transport au financement du remboursement des usagers grâce, effectivement, à l'affectation à cet effet des pénalités éventuellement versées par l'entreprise en cas de non-réalisation du plan de transport adapté. Ces pénalités sont, souvent, déjà prévues dans les conventions ou le seront à l'occasion de la renégociation de ces dernières.
M. le président. Le sous-amendement n° 87, présenté par MM. Hérisson, Gournac et Esneu, Mme Gousseau, MM. Fournier, Duvernois, Cornu, del Picchia et Pierre, Mme Henneron, MM. Trucy, Cambon et Béteille et Mme Debré est ainsi libellé :
Au deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 13 pour cet article, remplacer les mots :
sauf cas de force majeure
par les mots :
quand celle-ci est directement responsable du défaut d'exécution
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 54 rectifié, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa de cet amendement, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
L'usager qui n'a pas pu utiliser le moyen de transport pour lequel il a contracté un abonnement ou acheté un billet a droit à la prolongation de validité de cet abonnement d'une durée équivalente à la période d'utilisation dont il a été privé, ou à l'échange ou au remboursement du billet non utilisé.
Le remboursement est effectué par l'autorité ou l'entreprise qui lui a délivré l'abonnement ou le billet dont il est le possesseur.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Ce sous-amendement précise les modalités de remboursement aux usagers de leurs titres de transport.
Il oblige l'entreprise à la prolongation, à l'échange ou au remboursement du titre de transport non utilisé par l'usager correspondant strictement à la période d'utilisation dont il a été privé.
Je pense, par exemple, à la suppression d'un TGV. Quelle que soit la cause de la suppression, l'usager, qui est au centre de nos préoccupations, s'il a payé un titre de transport qu'il ne peut utiliser, doit être remboursé, mais seulement du montant qu'il aura versé, bien sûr.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Nogrix, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le même décret définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice de transport peut imposer à l'entreprise de transport un dédommagement des prestataires de service ayant subi un préjudice en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers prévus à l'article 4.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Cet amendement vise à faire prendre conscience aux entreprises de transport que, dès lors qu'elles n'ont pas pu empêcher le déclenchement d'une grève en raison d'un manque de négociation ou d'une mésentente, elles pourront être tenues de rembourser les prestataires de services pour le préjudice qu'ils auront subi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'amendement n° 42 touche à la philosophie même du texte. Le principe de l'indemnisation des usagers est au coeur de ce texte, et l'autorité organisatrice de transport sera en droit de l'imposer. C'est, d'ailleurs, ce que j'ai souligné en présentant voilà quelques instants l'amendement n° 13 de la commission.
En outre, un certain nombre d'entreprises de transport n'ont absolument aucun pouvoir en matière tarifaire. En Île-de-France, par exemple, ce n'est pas la RATP qui fixe les tarifs. Cette situation se retrouve dans bien des départements, qui passent des conventions. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
En revanche, à titre personnel puisque la commission ne l'a pas examiné, j'émets un avis favorable sur le sous-amendement n° 87.
Le sous-amendement n° 54 rectifié apporte quant à lui des précisions importantes et intéressantes à la fois pour l'autorité organisatrice de transport et pour l'entreprise de transport. L'avis de la commission est donc favorable.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 25 de M. Nogrix, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement. En commission a été évoqué le cas des transports scolaires. Pour ma part, j'ai été durant dix ans adjointe au maire chargée de l'enseignement scolaire. Je puis témoigner que les jours de grève ou de perturbation dans les transports, il était commandé moins de repas. Quant aux surveillants des cantines, ils sont maintenant presque tous mensualisés. Outre que je ne vois pas bien comment il pourrait être rendu opérationnel, le dispositif que votre amendement vise à mettre en place, mon cher collègue, serait très lourd. Cela dit, j'ai conscience que la pratique qui était la mienne dans le cadre de mes responsabilités n'a pas nécessairement cours dans l'ensemble de la France.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 38, présenté par le groupe socialiste.
Lors de l'examen du projet de loi en commission, j'avais cru comprendre que nous étions d'accord les uns et les autres pour consacrer l'émergence du droit à l'information de l'usager et ce qui en est la conséquence, à savoir le droit à son indemnisation. Or la suppression de l'article 8 irait à l'encontre de ce principe.
En revanche, le Gouvernement émet un avis très favorable sur l'amendement n° 13 de la commission et sur les deux sous-amendements n°s 87 et 54 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 25 de M. Nogrix, la version proposée par le Gouvernement, qui a d'ailleurs été examinée en commission, va plus loin et est plus favorable à l'usager. D'une part, l'article 8 fait mention d'un remboursement et non d'un dédommagement ; d'autre part, c'est le client plutôt que le prestataire de services qui est concerné.
Aussi, monsieur Nogrix, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable, bien que votre objectif soit identique à celui du Gouvernement, ainsi que je crois le comprendre.
M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Non, je le retire, monsieur le président. J'aurais d'ailleurs fait de même en l'absence d'explications de la part du ministre. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 25 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 42.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 54 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance afin de permettre à la commission spéciale d'examiner un nouvel amendement, présenté par Mme le rapporteur.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le président de la commission spéciale.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures vingt.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je souhaite intervenir pour un rappel au règlement, car nous venons de vivre un épisode tout à fait inacceptable.
Mme le rapporteur vient de proposer en commission un amendement rectifié, qui se substitue à un autre. Nous vous dirons tout à l'heure ce que nous en pensons sur le fond. Mais les conditions dans lesquelles la commission a été amenée à se prononcer nous semblent...
M. Jean Desessard. Spéciales ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est le terme qui convient !
En effet, nous avons constaté que cet amendement n'aurait pas eu l'agrément de la commission si l'on avait pris en compte uniquement le vote des présents. Or nous avons découvert que certains de nos collègues, ignorant cette suspension de séance et cette réunion, avaient pourtant, par anticipation, donné leur pouvoir nominativement à des membres présents. Cette procédure est entachée, nous semble-t-il, d'un vice de forme : comment des personnes, dont on nous a dit qu'elles s'étaient rendues à un mariage, pouvaient-elles être au courant de la suspension de ce matin et avoir donné leur pouvoir à des membres de la commission alors qu'elles ignoraient s'ils seraient ou non présents ?
Mme Gisèle Printz. Elles avaient un préavis !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les membres de la commission ont donc été réunis pour aggraver un texte. L'amendement qu'a présenté Mme le rapporteur n'aurait pas été adopté, je le répète, si seuls les présents avaient voté.
Monsieur le président, je souhaiterais que le bureau du Sénat examine la légalité de cette procédure. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Je comprends que M. Godefroy puisse réagir de cette façon, mais la commission spéciale s'est réunie tout à fait normalement. Certains de nos collègues, qui ne pouvaient être présents ce matin, s'étaient enquis de savoir qui le serait, et avaient donné pouvoir. C'est là une pratique courante. (M. Jean-Pierre Godefroy s'exclame.)
En réalité, monsieur Godefroy, vous me reprochez juste de ne pas avoir demandé qui était contre l'amendement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Eh oui !
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Mais il a bien été enregistré - Mme le rapporteur le dira tout à l'heure - que le groupe socialiste et le groupe CRC ont voté contre et que les membres de la majorité sénatoriale ont voté pour, à l'exception de M. Nogrix, qui s'est abstenu. Seules quatre personnes ont donné pouvoir à ceux de leurs collègues qui leur avaient dit qu'ils seraient présents toute la matinée. À partir du moment où ils sont dans l'hémicycle, il est normal qu'ils soient présents à la commission spéciale si on les y invite.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ces quatre collègues étaient informés qu'il y aurait une suspension de séance alors que nous ne l'étions pas !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Visiblement, certains ont bénéficié d'un préavis et ont été informés avant les autres ! On peut parler d'une sorte de délit d'initié. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le président, pouvez-vous nous rappeler les règles qui président aux délégations de pouvoir au sein de la commission ? Les mandats doivent-ils être donnés le jour même ? La procédure n'exige-t-elle pas un passage devant le bureau ? Devons-nous être prévenus seulement cinq minutes avant la réunion que nous avons la possibilité de recevoir des pouvoirs ?
M. le président. En premier lieu, j'ai été saisi à midi d'une demande de réunion de la commission. Il n'y a pas lieu de s'en émouvoir ; il arrive assez régulièrement, reconnaissons-le, qu'une commission se réunisse pour examiner un amendement, qu'il soit issu de ses rangs, du Gouvernement ou des groupes composant le Sénat. La commission s'est donc réunie de façon tout à fait régulière, comme cela se produit fréquemment.
Je répondrai, en second lieu, à la question ayant trait aux pouvoirs. Le président de séance n'a pas à vérifier, vous le comprenez bien, la façon dont sont déposés, enregistrés et vérifiés les pouvoirs, et notamment leur validité.
Cependant, il me semble, selon les informations dont je dispose, que ces pouvoirs ont été déposés de façon régulière. Ils sont donc valables dans la forme qui a été retenue par la commission. Je ne peux, en cet instant, vous dire sous quelle forme précise ils ont été déposés ; je peux simplement vous indiquer que c'est une forme habituelle. Il n'y a là rien d'exceptionnel.
M. Jean Desessard. C'est la première fois que cela arrive en trois ans !
M. le président. Le fait, mes chers collègues, que certains sénateurs aient donné des pouvoirs à des membres de la commission présents ce matin est également habituel. Nous ne pouvons évidemment pas savoir à l'avance quels seront les membres de la commission qui seront présents en séance et ceux qui seront absents, sauf à considérer ceux qui ont donné des pouvoirs et dont, a priori, on peut supposer qu'ils ne seront pas présents. À partir du moment où ils ont donné un mandat,...
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Ils se sont assurés que leurs collègues seraient présents.
M. le président. ...la régularité de ces pouvoirs ne me semble pas pouvoir être remise en cause.
Tels sont les éléments d'information que je peux aujourd'hui vous apporter. Le reste relève du fonctionnement de la commission, s'agissant notamment de la façon dont celle-ci avertit au préalable ses membres des réunions qu'elle peut tenir. Mais il est vrai aussi que, en la matière - et vous en êtes autant juge que moi-même -, il n'y a rien d'exceptionnel, puisqu'il arrive très fréquemment qu'une commission réunisse ses membres pour examiner un amendement.
La parole est à M. Michel Teston, pour un rappel au règlement.
M. Michel Teston. Monsieur le président, ce que nous contestons, c'est la manière qu'a retenue la commission spéciale pour informer ses membres. L'égalité de traitement entre les sénateurs n'a pas été respectée. Ceux qui savaient qu'ils ne pourraient pas être présents en fin de matinée ont été avertis qu'ils pouvaient donner un pouvoir à d'autres membres.
Nous constatons simplement que cette possibilité - je ne la qualifierai pas autrement - a été offerte seulement aux membres de la commission spéciale qui appartiennent à la majorité sénatoriale ; en aucun cas, les sénateurs de l'opposition n'ont pu en profiter. Nous avons découvert, en arrivant en commission, que nous pouvions donner des pouvoirs à celles et ceux qui seraient présents.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Cette possibilité a toujours existé !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.
Mme Annie David. Monsieur le président, à notre tour, nous contestons la méthode employée. En effet, vous l'avez dit, s'il n'y a pas lieu de s'émouvoir de la tenue d'une réunion de la commission spéciale durant les travaux de la Haute Assemblée, elle témoigne tout de même, me semble-t-il, d'une certaine fébrilité, due sans aucun doute à la précipitation dans laquelle nous sommes obligés de travailler.
Alors que la commission spéciale s'était réunie voilà quelques jours pour valider ses amendements, puis qu'elle avait tenu une nouvelle réunion pour examiner les amendements déposés par l'ensemble des groupes, le fait de la réunir à nouveau aujourd'hui pour lui soumettre la rectification d'un amendement contribue à intensifier ce sentiment de fébrilité et de précipitation.
Partageant l'avis de mes collègues, je conteste également le caractère partiel et partial de la communication au sein de la Haute Assemblée. En effet, si nous n'avons pas été informés du dépôt de ce nouvel amendement de la commission, cela n'a pas été apparemment le cas de tous les groupes. Cela nous paraît fortement regrettable quant à l'évolution des travaux du Parlement.
Par ailleurs, nous avons appris par la presse qu'une surprise nous serait éventuellement réservée sur l'article 9, sans plus de détail. Il s'agit apparemment de cet amendement de la commission spéciale.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Il n'y a pas de surprise !
Mme Annie David. Il est tout de même dommage que les médias soient informés avant les parlementaires ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Madame David, je vous donne acte de votre déclaration.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je suis vraiment étonné du débat que nous avons en cet instant ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Comme vous l'avez rappelé, il est d'usage de demander une réunion de la commission pour examiner un amendement modifié par le rapporteur, et c'est tout à l'honneur de Mme le rapporteur d'avoir souhaité soumettre son amendement rectifié à la commission spéciale.
En outre, n'importe quel membre d'une commission, a fortiori d'une commission spéciale, sachant qu'il ne pourra être présent, donne délégation à un collègue, après s'être assuré de la présence de ce dernier.
Les choses se sont donc passées de cette façon, tout à fait normalement.
Je le répète, c'est tout à l'honneur de Mme le rapporteur d'avoir souhaité réunir la commission spéciale quelques instants pour examiner cet amendement, avant que le Sénat en délibère en séance publique.
Monsieur le président, ne voulant pas prolonger ce débat, je propose que nous poursuivions nos travaux.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mme le rapporteur savait qu'elle allait déposer l'amendement rectifié ce matin et qu'elle demanderait une réunion de la commission ! La majorité en a été informée, par nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Article 9
La rémunération d'un salarié participant à une grève est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, je commencerai par dire que nous sommes un certain nombre de parlementaires à respecter scrupuleusement les règles du Parlement et que nous aimerions bien être traités de la même façon ! (Voilà ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Ce n'est pas acceptable, monsieur Godefroy !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n'est peut-être pas acceptable, mais je le dis tout de même ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous reviendrons d'ailleurs, au cours de la discussion des amendements déposés à l'article 9, à celui de Mme le rapporteur et vous constaterez combien le débat qu'il a suscité était nécessaire.
Pourtant relégué en fin de texte, cet article 9 ne peut passer inaperçu, tant il est inutile et provocateur.
En effet, sur le plan juridique, il est totalement superfétatoire, puisque le non-paiement des jours de grève est un principe déjà fixé par l'article 3 de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982 et par l'article L. 521-6 du code du travail.
Sur le plan de la morale, cet article est scandaleux, dans la mesure où il tend à faire croire aux usagers que les salariés qui font grève sont payés normalement. D'ailleurs, l'amendement de Mme le rapporteur va dans ce sens.
Les directions de la RATP et de la SNCF ont bien été obligées de le démentir, rappelant que le contrat de travail est suspendu pendant la grève et que, par conséquent, les salariés grévistes ne peuvent prétendre au paiement de leur salaire pour les périodes de grève. Il en a, d'ailleurs, été ainsi lors des grands mouvements sociaux de 1995 et de 2003.
Je ne nie pas que, dans le cadre de certains accords de fin de conflit, il peut arriver que les jours de grève soient partiellement pris en charge par l'entreprise : par exemple, en décembre 1995, à la SNCF, un certain nombre de jours de grève furent convertis en jours de congé, le reste faisant l'objet de retenues sur salaire étalées dans le temps. Le cas échéant, ce point relève de la négociation entre les partenaires sociaux.
À cet égard, il paraît bien étonnant qu'un projet de loi destiné à encourager la négociation au sein des entreprises de transport veuille l'empêcher, au même titre que l'amendement de Mme le rapporteur, qui va beaucoup plus loin dans ce sens.
Comme je ne crois pas que le Président de la République et le ministre du travail méconnaissent les règles en vigueur, j'en déduis qu'il s'agit là d'une posture provocatrice, visant à dresser les usagers contre les salariés, et que je qualifierai, de ce fait, de démagogique.
En réalité, le seul objectif visé par cet article consiste à stigmatiser et à jeter le discrédit sur les personnels des entreprises de transport. C'est pourquoi cette provocation est perçue comme une insulte et un mépris du droit de grève de tous les salariés qui se voient prélever des retenues sur leur salaire pour fait de grève, alors qu'ils se pénalisent parfois lourdement eux-mêmes pour faire valoir leurs revendications légitimes.
Une fois de plus, on voit bien derrière cette disposition l'état d'esprit qui a inspiré sa rédaction. Finalement, la recette est simple, toujours la même : on focalise sur les rancoeurs de l'opinion publique « prise en otage » dans les transports ; on laisse sous-entendre très ouvertement que la grève ne coûte rien aux grévistes, puisqu'ils sont payés ; on dresse les uns - les usagers - contre les autres - les salariés -, alors que, bien souvent, ils se confondent et appartiennent à une même famille.
Où est la modernisation du dialogue social, monsieur le ministre ? Nous avons plutôt le sentiment d'en revenir à des temps que l'on croyait révolus grâce au combat mené par les organisations syndicales.
Ne pouvant cautionner une telle provocation, l'ensemble des organisations syndicales de salariés, tout comme le MEDEF d'ailleurs, demandent le retrait de l'article 9.
Monsieur le ministre, c'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Godefroy, pour clore le chapitre concernant la réunion de la commission spéciale, permettez-moi de vous redire que la procédure qui a été suivie est strictement identique à celle qui a cours habituellement dans ce cas et qu'il n'y a donc pas lieu de s'en émouvoir davantage.
En outre, comme l'a rappelé M. le président de la commission spéciale, les membres prévoyant d'être absents avaient la possibilité de déléguer leur pouvoir à des collègues, comme pour toute réunion de commission convoquée pendant nos travaux.
Je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir en prendre acte.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 38 est présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 73 est présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour défendre l'amendement n° 38.
Mme Gisèle Printz. J'interviens à la fois contre l'article 9 et contre l'amendement n° 14 rectifié, ce dernier présentant l'intérêt de dire clairement les intentions cachées du texte initial.
L'article 9 ne fait que rappeler une évidence juridique et pratique : le droit fixant des obligations réciproques, l'employeur est dispensé de payer le salaire, ainsi que ses compléments et accessoires, aux salariés ayant cessé le travail. L'employeur ne peut toutefois réduire ou supprimer les primes. L'intéressement et la participation, selon un arrêt du 5 février 2003 de la Cour de cassation, restent dus sans abattement.
Cet article n'avait donc jusqu'à présent qu'une fonction perverse et démagogique, qui visait à faire croire à nos concitoyens que le Gouvernement allait mettre fin à une pratique scandaleuse : les salariés des entreprises de transports publics, notamment sans doute ceux de la SNCF et de la RATP, auraient été payés les jours de grève ! À cela près que cette allégation est totalement fausse et mensongère. L'exploitation qui en est faite lui confère même un aspect diffamatoire.
Sur le plan juridique, l'article 9 était donc sans aucun intérêt et pouvait être retiré d'un commun accord. Mais il ne s'agissait, en réalité, que d'une accroche pour permettre à notre rapporteur de parvenir à l'objectif réellement visé.
En effet, la récupération des heures de travail perdues, l'échelonnement des retenues sur salaire et le paiement partiel des jours de grève peuvent être mentionnés dans un accord de fin de grève. C'est souvent le cas dans les grandes entreprises, et ces éléments figurent en annexe de la négociation. Ainsi après la grève de 1995 à la SNCF, au sujet des retraites, les retenues sur salaires ont été échelonnées sur plusieurs mois.
L'amendement n° 14 rectifié de notre rapporteur a pour objet de limiter les termes de la négociation en interdisant dorénavant le paiement total ou partiel des jours non travaillés.
C'est une ingérence manifeste dans l'autonomie des partenaires sociaux, qui décident eux-mêmes de l'objet de la négociation, tant qu'il n'est pas contraire à l'ordre public.
Encore une fois, il s'agit d'un retour sur la jurisprudence de la Cour de cassation, qui autorise la négociation sur ce point.
C'est aussi, en fin de texte, la cerise sur le gâteau. Après les pressions, les chantages, la division entre grévistes et non-grévistes, ceux qui auront fait preuve de suffisamment de courage, de persévérance et de détermination seront assurés de la sanction financière pleine et entière.
L'amendement n° 14 rectifié démontre une nouvelle fois que ce texte mérite décidemment fort mal son nom, puisque, à de nombreuses reprises, il obère le dialogue social et entrave l'autonomie des partenaires sociaux.
Il s'agit, en fait, d'un texte de contrainte, visant par toutes les manipulations possibles à empêcher l'exercice du droit de grève, sans jamais prononcer les mots d'interdiction ou de réquisition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 73.
Mme Annie David. L'article 9, qui sera aggravé dans un instant par l'amendement de la commission, est en lui-même particulièrement pernicieux et démagogique en posant le principe du non-paiement des jours de grève. J'ajouterai même qu'il est particulièrement provocateur à l'égard des salariés.
Il se nourrit de l'idée, malheureusement largement répandue et sciemment entretenue, selon laquelle les fonctionnaires et agents des services publics ne perdent pas un centime quand ils font grève.
À cet égard, je rappellerai les propos du Président de la République, cités par le journal Les Échos les 22 et 23 juin dernier, selon lesquels il reconnaissait respecter le droit de grève, mais précisait que si les jours de grève étaient payés, cela signifiait que l'on ne respectait pas celui qui travaille.
Si l'on peut excuser cette méconnaissance du plus grand nombre, elle reste difficilement compréhensible et acceptable de la part du Président de la République et de son gouvernement !
En effet, le principe de non-paiement des jours de grève existe, et vous le savez très bien. Il est même codifié au sein du code du travail, à l'article L. 521-6., qui, je vous le rappelle, est issu de la loi du 19 octobre 1982, présentée alors par M. Anicet Le Pors, ministre communiste de la fonction publique, et qui avait permis de codifier l'exercice du droit de grève pour les agents du service public. Comme quoi, monsieur le ministre, les communistes ne sont pas opposés par principe à un encadrement du droit de grève pour permettre la continuité du service public !
De plus, cet article est appliqué systématiquement, et les agents grévistes des transports en ont témoigné, tant auprès de vous que de nous-mêmes.
Cet article procède donc d'une mauvaise foi évidente. Laisser sous-entendre que les agents grévistes n'ont rien à perdre lorsqu'ils décident d'user de leur droit constitutionnel est une atteinte à leur honneur et à leur probité.
Ainsi, les pertes financières sont souvent lourdes et ont des conséquences importantes, surtout lorsque les salaires sont peu élevés.
Pourtant, si les agents décident d'exercer ce droit constitutionnel, c'est souvent non pas pour sauvegarder leur intérêt personnel, mais pour défendre le service public - que vous prétendez également soutenir par ce texte -, qui ne peut être mis en oeuvre de manière satisfaisante si de bonnes conditions de travail des personnels ne sont pas garanties.
J'ajoute que les revendications satisfaites lors de mouvements sociaux ne profitent pas aux seuls grévistes, car elles entraînent des progrès de société pour tous.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article, qui nous paraît redondant avec la législation actuelle et dont les relents populistes nous sont particulièrement désagréables. Bien évidemment, nous ne voterons pas l'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 521-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
"Les versements effectués par les entreprises aux salariés, visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement ou du salaire prévue au premier alinéa, sont réputés sans cause."
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je ne m'étendrai pas longuement sur cet amendement, puisque la commission vient d'en discuter. J'aurais pu le rectifier en séance, comme je l'ai fait pour un amendement précédent, mais j'ai pris soin de dire que je souhaitais réunir la commission pour le lui communiquer et lui expliquer les raisons pour lesquelles je le modifiais, dans la forme uniquement, puisqu'il demeure identique quant au fond.
Je continue à estimer qu'il s'agit d'un amendement de communication.
Vous criez partout haut et fort que les jours de grève ne sont jamais payés. Nous, nous le précisons clairement.
En outre, si je vous comprends bien, il faudrait forcément un accord financier pour sortir d'une grève.
Mme Annie David et M. Jean-Pierre Godefroy. Personne n'a dit ça !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je suis désolée, mais il y a aussi des grèves qui portent sur les conditions de travail ou sur bien d'autres revendications ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Nogrix, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cependant, la retenue appliquée à la rémunération en question doit être étalée dans le temps selon des modalités déterminées par accord ou convention collective.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Il serait vraiment dommage que notre débat finisse ainsi.
Mme Gisèle Printz. À qui la faute !
M. Philippe Nogrix. En fait, les gens ne comprennent pas que des conflits qui ont entraîné des perturbations se terminent par le paiement des jours de grève.
Mme Annie David. Ce n'est pas ce que nous avons demandé !
M. Philippe Nogrix. Il suffit de s'adresser aux usagers, aux clients, aux salariés. Tous seront d'accord pour estimer qu'il ne faut pas le faire ; au reste, le code du travail est très clair sur ce point.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous voyez bien !
M. Philippe Nogrix. Pourtant, il faut bien constater que, dans une majorité de cas, le paiement des jours de grève fait partie de la sortie du conflit. Ce n'est pas acceptable, car ce n'est pas correct. Mme le rapporteur a donc souhaité que l'esprit de l'article L. 521-6 ne soit pas détourné.
Mon amendement vise simplement à ce que la retenue ne soit pas brutale et qu'elle soit étalée dans le temps. Peut-être n'ai-je pas assez poussé mes recherches, mais je n'ai pas trouvé de règle imposant cet étalement. C'est pourquoi cette mesure me paraît nécessaire.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous dire qu'il n'est pas possible, sur une simple question de forme, sur une nouvelle rédaction d'un amendement de la commission, qui, paraît-il, est mieux adaptée à ce qui peut être appliqué, s'enflammer tout à coup et déclarer que la loi est mauvaise.
Cela dit, je regrette que la commission des lois n'ait pas été saisie. Nous aurions dû prendre le temps de la consulter, car son avis aurait pu nous éclairer. Néanmoins, ayant annoncé au cours de mon intervention dans la discussion générale que mon groupe était satisfait de l'urgence, je ne vais pas maintenant retarder l'application du texte.
Monsieur le ministre, j'aimerais simplement que, dans votre action de communication, vous précisiez les raisons pour lesquelles l'article 9 a été modifié. Après les discussions passionnées et bien légitimes que nous avons eues, il serait dommage que l'opposition se serve de la nouvelle rédaction de l'article 9, qui n'est pas l'article le plus important du projet de loi (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) - l'article 6, assorti des amendements déposés par la commission, est bien plus important - pour dévaloriser le travail que nous avons accompli très sérieusement, tant en commission qu'en séance publique.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il ne s'agit pas de se servir de cette rédaction, mais de la contester !
M. Philippe Nogrix. Dans un premier temps, j'avais pensé retirer mon amendement. Finalement, j'ai trouvé que cette décision serait néfaste au regard des avancées que nous avons effectuées et qu'il nous fallait plutôt saisir l'occasion de faire comprendre au public, aux clients, aux salariés, aux responsables des entreprises que nous avons travaillé sérieusement et que nous sommes allés au bout de nos discussions.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La rémunération des cadres dirigeants d'une entreprise de transport est réduite en fonction du nombre de jours de grève dans cette entreprise. Les modalités d'application de cette disposition seront précisées par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement devrait plaire à M. le ministre, qui nous a souvent parlé de la culture du résultat. Il vise en effet à prévoir le non-paiement des jours de grève aux dirigeants de l'entreprise. (Mme le rapporteur s'exclame.)
M. Jean Desessard. Je vais vous expliquer, puisque je vois que cette question vous intéresse.
Les cadres dirigeants de l'entreprise doivent être rémunérés, pour partie, au résultat. Or le déclenchement d'une grève est le signe d'un échec de la négociation, dont les dirigeants de l'entreprise sont coresponsables. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. C'est une bonne plaisanterie !
M. Jean Desessard. Le recours à la grève n'est pas un caprice de syndicaliste - tout le monde l'a dit ici ! -, mais c'est souvent le dernier recours pour les salariés en cas de carence du dialogue social.
M. Josselin de Rohan. Nous savions que vous étiez un bon vivant, mais alors là !
M. Jean Desessard. Attendez ! Je cite le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy : « Une grève du service public, c'est comme dans le privé, un conflit entre employeurs et salariés. Mais ce ne sont ni les salariés ni l'employeur qui paient le plus, ce sont les usagers ».
En effet, c'est injuste, car si les usagers paient, en ayant des difficultés dans les transports, si les grévistes paient, en perdant des journées de salaires, en revanche, les employeurs, eux, ne perdent rien. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Gisèle Printz. Ce ne serait que justice !
M. Jean Desessard. Il est donc temps de rétablir cette justice et de combattre cette inégalité, et je remercie le Président de la République de m'avoir inspiré cet amendement de bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC - Protestations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Sur les amendements nos 38 et 73 visant à supprimer l'article, la commission a émis un avis défavorable. J'en ai expliqué les raisons tout à l'heure en présentant l'amendement n° 14 rectifié.
La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 26. Vous avez soulevé cette question en commission, monsieur Nogrix. Il nous avait semblé que les choses allaient sans dire, mais elles iront sans doute mieux en le disant. Je vous remercie donc d'avoir présenté cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 57, la commission a émis un avis défavorable. Monsieur Desessard, en cas de grève interprofessionnelle ou nationale, les dirigeants devront-ils être sanctionnés pour des grèves dans une entreprise qui n'est pas la leur ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Juppé a payé en 1995 ! Villepin aussi d'ailleurs !
M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 14 rectifié visant à réécrire l'article 9, il conviendrait de modifier l'amendement n° 26 afin de rendre les deux rédactions compatibles. Vous pourriez peut-être transformer votre amendement en sous-amendement.
Avant que vous ne vous prononciez, je vais demander l'avis du Gouvernement.
M. Jean Desessard. Prévenez-nous si vous avez besoin de procurations en cas de suspension de séance !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Les amendements nos 38 et 73 visent à supprimer l'article 9. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous souhaitez clarifier la situation et mettre fin aux rumeurs et aux fantasmes, vous devez adopter cet article. Comme je l'ai déjà dit dans la discussion générale, les jours de grève ne sont pas travaillés et les jours non travaillés ne sont pas rémunérés. C'est aussi simple que cela ! Puisque vous nous dites que c'est déjà la pratique, vous ne pouvez y voir de difficulté.
L'amendement n° 14 rectifié ne vise pas seulement à réaffirmer un principe, il ajoute au droit. Voilà pourquoi la nouvelle rédaction proposée par Catherine Procaccia est très pertinente. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 57, même en ayant été attentif à sa présentation, je n'ai pas compris s'il s'agissait de permettre aux dirigeants de faire grève, ce qui est bien sûr un droit constitutionnel qui leur est ouvert, ou d'étendre le non-paiement des jours de grève aux dirigeants qui ne feraient pas grève. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour cette raison, entre autres, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Monsieur Nogrix, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 26. La question s'est déjà posée de la distinction entre « peut » et « doit ». Le principe est le non-paiement des jours de grève. Le fait d'écrire « doit être étalée » affaiblit la force de la réaffirmation du principe.
En l'occurrence, même s'il s'agit d'une loi-cadre, nous ne sommes pas dans le domaine de la loi, mais dans celui d'un accord d'entreprise. Pour en finir avec les rumeurs qui courent depuis trop longtemps, nous devons nous en tenir à des principes clairs.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 et 73.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 123 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean Desessard. Nous avons gagné une voix depuis hier !
M. le président. M. Nogrix ayant décidé de transformer son amendement en sous-amendement n° 26 rectifié, je donne lecture de ce dernier :
Compléter l'amendement n° 14 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
"La retenue appliquée à la rémunération peut être étalée dans le temps selon des modalités déterminées par accord ou convention collective."
Je rappelle que la commission est favorable à ce sous-amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?....
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le désaccord entre la commission et le Gouvernement prouve bien que nous allons trop vite. Nous aurions dû avoir ce débat en commission tout à l'heure.
Pour une fois, M. le ministre a raison,...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. À la place du ministre, je m'inquiéterais !
Mme Nicole Bricq.... l'amendement n° 14 rectifié de la commission est en contradiction totale avec le sous-amendement n° 26 rectifié, à savoir l'ex-amendement n° 26 de M. Nogrix.
L'argumentation de M. le ministre est imparable : le sous-amendement fait référence à une convention collective alors que l'amendement vise à modifier le droit. C'est du reste pour cette raison que nous voterons contre l'amendement n° 14 rectifié.
De fait, il s'agit non pas d'une modification de forme, mais d'une modification de fond qui aggrave encore les effets qu'aura l'article 9 sur les salariés, voire sur les chefs d'entreprise qui pourront faire l'objet de poursuites.
Je ne comprends pas que l'on maintienne un tel oxymore juridique en nous faisant voter ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Le principe de non-paiement des jours de grève est réaffirmé dans le projet de loi, et il est important de le faire. Si l'on y inscrit également, comme vous le proposez, monsieur Nogrix, que les modalités d'étalement sont déterminées par un accord d'entreprise, on se trouve face à un problème juridique. Il faut le reconnaître !
Il y a en effet une réelle difficulté juridique, je suis désolé de vous le dire, monsieur le sénateur, à mettre sur le même plan l'affirmation du principe de non-paiement des jours de grève et la question de l'étalement de la retenue appliquée à la rémunération. Qu'un accord d'entreprise puisse permettre un tel étalement est une chose, mais ériger cet étalement en principe juridique ayant valeur législative en est une autre !
Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable, même si je comprends votre préoccupation.
En tout état de cause, cet article 9 constitue une avancée importante et l'adoption de ce sous-amendement en affaiblirait la portée.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Ce qui me rassure, c'est qu'il s'agit du premier examen du texte.
Plusieurs sénateurs. L'urgence est déclarée !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Oui, mais il y aura une commission mixte paritaire !
M. Philippe Nogrix. Et nos collègues députés prendront connaissance de nos débats. On peut donc leur faire confiance !
Étant donné que persiste tout de même un certain trouble entre les travaux de la commission spéciale et les arguments avancés par M. le ministre, je maintiens mon sous-amendement.
Si véritablement il y a une incompatibilité, l'Assemblée nationale le dira et nous en discuterons lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je comprends fort bien la position de M. Nogrix.
En effet, s'il est clair que les jours de grève ne doivent pas être rémunérés, rien n'empêche que l'on puisse, dans l'application de cette disposition, prévoir un étalement de la retenue dans le temps. Une telle disposition incite au dialogue, à la concertation. Il s'agit donc d'un élément favorable au dialogue social.
Si un principe fort est affirmé, à savoir que l'on ne rémunère pas les journées de grève, on peut tout de même très bien s'organiser pour que les choses se passent dans les meilleures conditions possibles.
Je voterai donc en faveur du sous-amendement n° 26 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur Nogrix, tout à l'heure, en commission, vous vous êtes abstenu sur l'amendement n° 14 rectifié.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Et alors ?
Mme Nicole Bricq. Si vous maintenez votre sous-amendement, vous donnez droit à cet amendement n° 14 rectifié, dont la nouvelle version va à l'encontre de la convention et de l'accord d'entreprise. Cette version ne modifie pas la loi à la marge, elle l'aggrave, notamment à l'égard des salariés, mais aussi des chefs d'entreprise qui seraient concernés.
Mon objectif n'est pas de vous faire changer d'avis ; en ai-je seulement le pouvoir ? Je tiens simplement à souligner qu'il ne s'agit pas seulement d'un point de droit, mais véritablement du fond de l'article 9.
La proposition de Mme le rapporteur est extrêmement grave. Du reste, c'est pour cette raison que M. le ministre l'approuve ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 26 rectifié.
M. Alain Gournac. Je m'abstiens !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Nous aussi !
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 14 rectifié.
Mme Nicole Bricq. Je souhaite faire quelques remarques sur la version initiale de l'amendement déposé par Mme Procaccia et sur sa version rectifiée.
Nous étions contre la version initiale, et Mme Procaccia nous a bien expliqué, même si ce fut un peu rapidement, que la nouvelle rédaction restait dans l'esprit de l'amendement initial et de l'article 9. Nous n'en doutons pas une seconde et, comme nous l'avons déjà dit, il s'agit d'une véritable provocation à l'encontre des salariés des entreprises de transport terrestre.
J'admets tout à fait qu'au cours des débats - je suis une parlementaire aguerrie, siégeant déjà depuis un certain nombre d'années dans cette assemblée ou à l'Assemblée nationale - j'admets, disais-je, qu'entre le rapporteur, la majorité et le Gouvernement s'instaurent des discussions, discussions auxquelles l'opposition peut également prendre part, et j'admets tout à fait qu'en cas de différend la commission compétente soit réunie. Mais, en l'occurrence, ce n'est pas du tout ce qui a eu lieu.
Entre minuit et demi et midi, il s'est passé quelque chose et le Gouvernement n'y est sûrement pas pour rien. Cette version rectifiée de l'amendement ressemble fort à ce que l'on appelle habituellement un « amendement puisé à bonne source » !
En effet, la nouvelle rédaction, non seulement borde juridiquement l'amendement initial de Mme le rapporteur, mais, de surcroît, aggrave très substantiellement le sort qui sera fait aux salariés si d'aventure des versements interviennent.
Relisons les termes de l'amendement qui nous est désormais proposé : « Les versements effectués [...] visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement [...] » - je souhaite d'ailleurs que M. le ministre m'explique ce que signifie « indirectement » - « sont réputés sans cause ». Cette disposition entraînerait non seulement la nullité de tels accords s'ils avaient lieu, mais la poursuite de ceux qui les auraient conclus. N'importe quel requérant pourrait demander non seulement la nullité, mais également des condamnations. La modification qui nous est proposée, mes chers collègues, est donc substantielle.
Comme Mme Procaccia a dû profiter du repos de cette nuit et qu'elle n'a sûrement pas trouvé dans son sommeil l'inspiration de cette version rectifiée de l'amendement, je pense que celle-ci est plutôt d'inspiration gouvernementale. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David. C'est évident !
Mme Nicole Bricq. On a bien compris quel était votre positionnement sur ce texte, monsieur le ministre : c'est un os à ronger pour la majorité, qui a quelques difficultés à avaler tout ce que lui impose le Président de la République !
M. Alain Gournac. Pas du tout !
Mme Nicole Bricq. À cette fin, le Gouvernement a fait preuve d'une certaine complaisance à l'égard des amendements déposés par la majorité. Il vous fallait un texte emblématique, un texte d'affichage ; vous affichez donc votre volonté de répression à l'encontre du salariat ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Mais oui, allez-y, selon vous, nous serions toujours contre les ouvriers !
Mme Nicole Bricq. Non seulement vous sacrifiez aux promesses présidentielles, mais vous déclarez la guerre !
M. Alain Gournac. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, vous faites la guerre au dialogue social !
Mme Nicole Bricq. Libre à vous ! Pour ma part, je souhaite obtenir des éclaircissements sur le sens de « directement ou indirectement » et de « sans cause », puisque nous n'avons pas reçu ces explications en commission ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Madame Bricq, je ne sais pas si vous étiez là quand j'ai présenté mon rapport en commission.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr que j'étais là !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. À cette occasion, j'ai dit clairement que cet amendement ne m'avait jamais été demandé par le Gouvernement. C'est un amendement de clarification que j'ai proposé en commission, et j'ai bien dit en le présentant qu'il visait à mettre un terme à la fois aux accords de fin de conflit et à toutes ces primes qui reviennent à des paiements différés dont j'ai personnellement découvert l'existence au cours d'auditions.
Quant à ce que j'ai fait cette nuit, Mme Bricq, cela relève de ma vie privée ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Permettez-moi tout d'abord d'établir quelques parallèles entre l'incident que nous avons connu lors de la réunion de la commission spéciale et certains des éléments contenus dans ce projet de loi.
Nous avons été confrontés tout à l'heure à ce que l'on peut appeler un incident prévisible, dans la mesure où Mme Procaccia n'a sûrement pas décidé de rectifier son amendement dans la demi-heure qui précédait midi. Dans ces circonstances, tous les sénateurs auraient dû être informés.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Michel Billout. Or il n'en a rien été, une partie d'entre nous seulement ayant été informés, les autres non. Il y a là matière à réflexion sur la façon dont le droit d'information s'exerce ici, mais aussi, en extrapolant, en direction de tous les usagers.
Un second parallèle peut être fait à propos de la consultation. Nous nous sommes montrés un peu sceptiques sur la forme d'organisation de la consultation des salariés par la seule direction de l'entreprise. Or, lorsqu'il s'est agi d'organiser une consultation des parlementaires et que cette organisation a été confiée à la seule majorité, nous avons pu noter que des manipulations étaient possibles. Le même phénomène pourra se produire lorsqu'il s'agira de la consultation des salariés. Le fait que les organisations syndicales soient privées de la possibilité d'organiser cette consultation entraînera les mêmes dérives.
J'en reviens à l'amendement n° 14 rectifié.
Il prévoit d'exclure expressément la pratique consistant à permettre que la résolution du conflit puisse donner lieu au paiement de tout ou partie des jours de grève.
Cette proposition porte atteinte, selon nous, à la liberté conventionnelle et de négociation des parties concernées, c'est-à-dire la direction d'entreprise et ses salariés. Il est vrai que le législateur a pu légalement définir les éléments susceptibles de faire l'objet d'un contrat. Cependant, qu'est-ce qui justifie une telle ingérence dans le cas précis ? Peut-être s'agit-il tout simplement de faire une nouvelle fois pression sur les salariés qui souhaiteraient faire grève. C'est bien, de toute façon, l'objet même de ce texte.
En tout état de cause, en enlevant aux parties un élément important de la négociation, élément qui, de fait, permet parfois une sortie du conflit, l'amendement de la commission vise à durcir un peu plus les relations sociales et met un peu plus en danger le bon déroulement du dialogue social.
Enfin, notons que, dans certains cas, il était admis par la jurisprudence que les salariés aient droit au paiement de leurs jours de grève.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Et voilà, le problème est là !
M. Michel Billout. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 18 mai 2005 que, la grève ayant pour effet de suspendre l'exécution du contrat de travail, l'employeur n'est pas tenu de payer le salaire pendant la période de cessation du travail, sauf si la grève est la conséquence d'un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Michel Billout. Eh bien, même cela, vous le leur retirez.
Nous avions bien noté que Mme Procaccia proposait des amendements qui lui étaient demandés par des directions d'entreprise,...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Absolument pas !
Mme Annie David. Mais si !
M. Michel Billout.... mais, là, c'est aller très loin dans le recul du dialogue social.
M. Alain Gournac. Non !
M. Michel Billout. En supprimant la dérogation par voie conventionnelle au principe légal de non-paiement des jours de grève, l'amendement de la commission vient inutilement compliquer l'état du droit. C'est porter gravement atteinte à l'exercice du dialogue social.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l'amendement n°14 rectifié. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Mme le rapporteur a dit qu'elle avait durci son amendement après les auditions, un certain nombre de dirigeants d'entreprise ayant déclaré que les jours de grève n'étaient pas payés mais qu'il y avait parfois des compensations. Dans le texte de l'amendement, c'est l'adverbe « indirectement » qui empêcherait ces compensations.
Je ferai tout d'abord une remarque d'ordre technique.
Les dirigeants d'entreprises de transport eux-mêmes admettent qu'il faut des compensations. En effet, après une grève longue, les salariés grévistes ont des difficultés pour assurer leur fin de mois, voire les deux ou trois mois suivants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ont des difficultés systématiques ; l'entreprise, elle, reçoit des primes !
M. Jean Desessard. Or, avoir des salariés qui ne peuvent plus payer leurs déplacements ni assumer leur loyer n'est pas souhaitable, ainsi que le soulignent eux-mêmes les dirigeants d'entreprise. Donc, il est parfois utile, en termes humains mais également pour la bonne marche de l'entreprise, qu'il y ait des compensations financières.
Alors même qu'est mise en avant la volonté d'avoir un bon service public, on s'aperçoit que la non-compensation financière des jours de grève, de l'avis même des dirigeants d'entreprise de transport, risque d'entraîner une diminution de la qualité du service.
Je ferai ensuite une remarque d'ordre politique.
Il faut arrêter de toujours présenter les grèves sous un aspect négatif. La grève est un rapport de force entre des salariés et un patronat, qui peut parfois être impitoyable et ne penser qu'à son seul profit. Comment va-t-on résoudre, dans certains pays, les problèmes d'exploitation, le fait que certains travaillent soixante heures, qu'ils sont sous-payés, et le travail des enfants ? Cela peut se faire par le vote, l'élection mais aussi par le mouvement social et, dans ces cas-là, la grève est justifiée, comme elle l'a été en France et dans d'autres pays européens.
La grève ne doit pas toujours être présentée comme un fait négatif qu'il faut obligatoirement punir.
M. Alain Gournac. Non, il ne faut pas punir !
M. Jean Desessard. Elle peut parfois être juste...
M. Alain Gournac. La grève, c'est l'ultime recours !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment pouvez-vous le savoir, vous n'avez jamais fait grève !
M. Alain Gournac. On ne démarre pas un mouvement par une grève !
M. Jean Desessard.... et l'on peut estimer que des personnes qui ont fait grève l'ont fait pour un bon motif et qu'il n'y a aucune raison qu'elles en soient punies.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mes collègues ont dit l'essentiel sur l'amendement n°14 rectifié, mais je tiens tout de même à y revenir parce qu'il aggrave considérablement la situation.
Monsieur le ministre, nous étions déjà en désaccord sur l'article 9 parce que nous le considérions comme une provocation. Toutefois, nous ne pensions pas que vous iriez jusqu'où nous entraîne l'amendement de la commission.
La continuité du service public de transport ne justifie pas cela ! En fait, vous avez la volonté de vous attaquer au droit de grève, car l'amendement que vous soutenez signifie qu'après un conflit avec les salariés il n'y aura aucune négociation possible sur les compensations...
M. Jean-Pierre Godefroy.... ou sur l'étalement des pertes.
Monsieur le ministre, des sorties de grève, j'en ai connu quelques-unes. Peut-être, selon vous, n'étais-je pas du bon côté !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne vous permets pas de tenir de tels propos ! Faites preuve envers moi du respect que j'ai pour vous !
M. Jean-Pierre Godefroy. Par respect, je veux bien retirer ce propos, mais sachez, monsieur le ministre, que j'étais du côté des travailleurs. Je ne vous demande pas où vous étiez alors ! Bref, l'incident est clos.
Il s'agit d'un sujet extrêmement grave. Dans les conflits durs, il y a négociation, et l'entreprise a parfois intérêt à négocier la sortie de grève quand un protocole d'accord est intervenu. En outre, la sortie de grève peut être négociée de différentes façons : il ne s'agit pas forcément du paiement des jours de grève ; il peut y avoir paiement partiel, récupération de jours travaillés... Jusqu'à présent, tout cela était possible. Désormais, l'adverbe « indirectement » contenu dans l'amendement de Mme Procaccia empêchera toute négociation de cette nature.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. C'est faux !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous verrons ce qu'en dira le Conseil constitutionnel, que nous saisirons, sachez-le !
C'est véritablement un retour...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au XIXe siècle !
M. Michel Billout. Au Moyen-Âge !
M. Jean-Pierre Godefroy.... au temps des maîtres de forge.
Non seulement on n'aura plus le droit de faire grève mais, par ailleurs, si les patrons veulent négocier avec les syndicats, la sortie de grève leur sera interdite, car, en vertu du texte qui va être voté aujourd'hui, n'importe qui pourra saisir les tribunaux et déposer une plainte pour obtenir des dédommagements.
Je ne pensais pas que, à l'occasion de ce texte, il serait porté atteinte, avec une telle gravité, au droit de grève et même à la conception du dialogue social et des rapports entre entreprises et salariés. Je crois qu'on ne mesure pas la gravité des conséquences qu'entraînerait l'adoption de cet amendement. Il est important que tous les salariés et les responsables patronaux soient informés de votre décision de leur interdire toute procédure contractuelle, décision qui est contraire d'ailleurs à ce que souhaitait M. Nogrix. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Le texte dont nous discutons est dans la droite ligne d'une loi de 1982 sur les retenues pour fait de grève, veuillez m'excuser de le rappeler. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. La gauche était alors au pouvoir !
Mme Annie David. Vous ne m'avez pas écoutée, monsieur le ministre, j'ai cité cette loi tout à l'heure !
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Nous avons beaucoup travaillé au sein de la commission spéciale et nous étions tombés d'accord sur l'amendement n° 14, proposé par notre rapporteur, dont la rédaction était simple et claire. Les gens qui l'auraient lu auraient compris ce que l'on souhaitait. Il est remplacé par un amendement n° 14 rectifié auquel les gens ne comprendront rien du tout.
Mme Nicole Bricq. On ne le comprend que trop bien !
M. Philippe Nogrix. Je ne parle pas des gens avertis. Je parle de ceux qui vont discuter au café du Commerce.
Mme Bariza Khiari. Mais nous aussi !
M. Philippe Nogrix. Ce n'est pas à vous que je m'adresse pour l'instant.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'a pas encore été question du contrat du travail, alors que c'est lui qui règle, dès le départ, les rapports entre le salarié, qui met à disposition ses compétences, son énergie, son savoir-faire, et l'employeur, qui doit assurer un service, qui doit dégager un chiffre d'affaires. Or, pour les entreprises qui assurent un service public, dans le contrat de travail, il est fait mention du service public.
Parallèlement, il y a le droit du travail, qui autorise la grève. Pour ma part, je n'ai vu dans ce texte aucune atteinte au droit de grève.
M. Alain Gournac. Aucune !
M. Philippe Nogrix. Il s'agit seulement de faire comprendre que la grève est l'aboutissement d'un échec. Les négociations ont échoué, donc on fait la grève. Mais on la fait en toute responsabilité, en sachant les conséquences qu'elle entraîne, c'est-à-dire, comme cela est inscrit dans le code du travail, qu'il n'y a rémunération que s'il y a travail. Sans travail, pas de rémunération ! C'est clair, net, précis et il n'est pas besoin d'en discuter longtemps. C'est ce que nous voulions affirmer par l'amendement n° 14.
En commission, je me suis abstenu sur l'amendement n° 14 rectifié. Après avoir écouté les différents intervenants - bien que breton, il m'arrive de revenir sur ma position lorsque j'ai véritablement compris les choses - et avoir mieux saisi la différence entre l'amendement n° 14 et sa version rectifiée, je me rends compte qu'il sera peut-être plus facile de faire passer l'amendement n° 14 rectifié à l'Assemblée nationale, et je compte sur vous, monsieur le ministre, pour bien expliquer les raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés là.
C'est pourquoi, après réflexion, je voterai l'amendement n° 14 rectifié. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cette terrible aggravation du contenu du projet de loi nous conduit à nous y opposer avec beaucoup de force.
Qu'après une victoire électorale qui est pour nous une défaite cruelle, vous preniez des mesures qui confortent l'idée que vous vous faites des relations sociales, et qui n'est pas une idée bien nouvelle, celle d'un pur rapport de force où les puissants sont toujours plus puissants, passe encore ! Il y a un débat, et nous échangeons des arguments. Mais ce qui, à cette heure, rend peut-être plus pénible cette discussion et, par certains aspects, la rend odieuse, c'est que vous cherchez à en cacher la signification.
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous avez le droit de lutter contre la grève, mais ne dites pas, comme je l'ai entendu, qu'à aucun moment vous ne touchez au droit de grève !
M. Alain Gournac. À aucun moment !
M. Jean-Luc Mélenchon. Au regard de la réalité humaine des relations au sein l'entreprise, c'est le droit de grève qui, en l'espèce, est remis en cause.
M. Alain Gournac. Mais non !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je m'explique.
La grève n'intervient qu'après l'échec de la négociation. On est donc bien dans la situation ultime. La négociation a échoué. À cet instant, nous pouvons feindre d'ignorer à qui incombe la responsabilité de cet échec. Mais la loi préjuge que c'est la faute de l'ouvrier, et il lui est dit : « Si tu fais grève, tu ne seras pas payé ! » Cela signifie que son action ne participera pas du rapport de force ni de la négociation, qu'il ne peut pas espérer que son bon droit, ce qu'il se représente comme son bon droit, qui a été engagé dans la discussion, la négociation, à la fin, sera reconnu. Il ne pourra pas corriger la situation qui lui est faite par son action, cette action extrême qu'est la grève.
Par conséquent, un tel durcissement préjuge de qui sera tenu en toutes circonstances pour responsable d'une situation de conflit : ce sera l'ouvrier ! Voilà ce que vous venez de faire ! Assumez-le donc ! Et ne poussez pas l'hypocrisie jusqu'à prétendre qu'un tel dispositif résulte d'une loi adoptée en 1982 !
M. Jean-Luc Mélenchon. Non, monsieur le ministre ! Non, mesdames, messieurs les sénateurs de droite ! La gauche n'a jamais travaillé contre l'ouvrier ni contre ses droits. Jamais ! (M. le président de la commission spéciale manifeste son scepticisme.) Ces droits, nous vous les avons toujours arrachés par la lutte et par la loi.
Monsieur le ministre, si vous voulez revenir à l'esprit de 1982, proposez-nous à nouveau des lois Auroux ! Proposez-nous des nationalisations ! Proposez-nous l'extension des droits syndicaux ! Proposez-nous le retour à la loi de modernisation sociale ! Peut-être pourrons-nous alors accepter de vous entendre. En 1982, nous avons simplement rappelé une évidence : celui qui fait grève n'est pas payé, sauf si des décisions contraires sont prises pendant la négociation. La gauche n'a pas dit que l'ouvrier gréviste ne serait pas payé ; elle a simplement prévu que la grève n'était pas rémunérée et qu'il y aurait une négociation à la fin. C'est exactement le contraire de ce que vous venez d'affirmer.
Le présent projet de loi s'adresse - cela a été souligné - aux ouvriers, mais c'est également un texte de maintien de l'ordre pour votre classe !
Mme Annie David. Ça, c'est sûr !
M. Christian Cointat. De tels propos ne sont vraiment pas acceptables !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous annoncez à tous ceux qui seraient tentés de négocier qu'ils seront punis ! Alors, je le maintiens : c'est bien votre classe que vous défendez !
M. Alain Gournac. Oh là là ! Arrêtez, monsieur Mélenchon !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous défendez ceux dont vous êtes les représentants de classe, que ce soit dans cet hémicycle ou dans la vie politique en général ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le Comité des forges !
M. Alain Gournac. Les ouvriers ont voté pour nous !
M. Christian Cointat. Quel archaïsme !
M. Jean-Luc Mélenchon. En effet, dans notre pays, il subsiste bien un archaïsme extraordinaire !
Il y a 6 millions d'ouvriers et 7 millions d'employés. Ils représentent 54 % de la population active de ce pays et la part de richesses qu'ils produisent leur est toujours davantage disputée ! Voilà l'archaïsme ! Il y a misère chez 7 millions de personnes, dont 2 millions de travailleurs ! Voilà l'archaïsme !
Et tant que cet archaïsme-là durera, nous serons sur nos travées pour défendre le droit à la lutte, sur lequel est fondée la liberté dans ce pays, liberté à laquelle vous attentez à cet instant, nonobstant les mines de chattemite que vous prenez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mes chers collègues, permettez-moi d'évoquer la philosophie du présent projet de loi.
Selon le Gouvernement, qui en est le promoteur, une telle loi-cadre était censée déterminer les conditions dans lesquelles le dialogue social allait s'instaurer avec les organisations syndicales.
Pour notre part, nous considérons, et nous n'avons de cesse de le dénoncer, que ce texte législatif constitue en réalité une atteinte au droit de grève. À présent, je constate qu'il est même destiné à nier complètement le dialogue social.
Certes, la négociation fait partie du dialogue social. Mais ce projet de loi, dont nous avons d'ailleurs appris hier qu'il avait vocation à s'appliquer à tous les services publics et à toutes les délégations de service public - au demeurant, je vous fais observer que les grèves y sont rares -, ne fera qu'aggraver la situation dans les grandes entreprises publiques.
En effet, comme le soulignent à juste titre les salariés, la persistance des grèves, que vous déplorez, est avant tout liée à l'absence de dialogue social dans ces entreprises.
C'est la raison pour laquelle les salariés ont commencé à oeuvrer pour instaurer un dialogue social. Encore faut-il que tous les termes de la négociation demeurent possibles avec les directions d'entreprise, ce qu'interdit précisément le projet de loi.
Par conséquent, même si vous vous offusquez lorsque l'on évoque la lutte des classes, vous en revenez toujours à votre conception traditionnelle, celle du XIXe siècle, où, quand une grève prenait fin, c'était parce que les ouvriers étaient obligés de reprendre le travail pour nourrir leur famille affamée ! Votre conception, c'est celle du Comité des forges ; vous en êtes toujours les porteurs aujourd'hui ! (M. Godefroy applaudit.)
C'est très grave ! Par un tour de prestidigitation, vous donnez l'illusion qu'il y aura désormais du dialogue social dans les grandes entreprises, ainsi que le réclament les salariés ! Chapeau, l'illusionniste !
La réalité, c'est que vous voulez interdire les négociations permettant aux salariés de déterminer les conditions dans lesquelles une grève prend fin.
M. Alain Gournac. Mais non ! C'est exactement le contraire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est absolument inadmissible !
Vous vous attaquez fondamentalement au droit de grève. Bien entendu, les entreprises de transport public ne sont pas les seules visées.
Mme Annie David. Évidemment !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La situation est d'autant plus grave que vous avez choisi le service public pour engager une telle politique.
Pourtant, le service public est, de longue date, un haut lieu de conquêtes sociales, salariales, ouvrières et démocratiques, conquêtes qui pourraient d'ailleurs servir d'exemple pour le patronat.
Aujourd'hui, le patron qui liquide son entreprise et qui met à la rue des centaines de salariés touche des grosses primes. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) En revanche, les salariés qui oeuvrent pour le dialogue social ne peuvent même pas négocier pour avoir de quoi manger à la fin du mois. C'est proprement scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 118 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 198 |
Contre | 123 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 9 est ainsi rédigé et l'amendement n° 57 n'a plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.