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Modification de l'ordre du jour
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement complète l'ordre du jour de la séance du jeudi 22 février par la deuxième lecture de la proposition de loi relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.
Acte est donné de cette communication et l'ordre du jour de cette séance est ainsi modifié.
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Commission nationale consultative des droits de l'homme
Adoption définitive d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Commission nationale consultative des droits de l'homme (nos 221 et 236).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le second conflit mondial a été le théâtre de barbaries sans précédent.
A sa suite, les États, réunis au sein de la nouvelle Organisation des Nations unies, ont voulu proclamer leur idéal de paix. Ils ont adopté, à cet effet, la Charte dans laquelle les Nations unies réaffirment « les droits fondamentaux de l'homme, la dignité et la valeur de la personne humaine ».
Pour faire vivre cet idéal, la France a alors pris plusieurs initiatives.
En premier lieu, dès 1947, René Cassin, juriste du général de Gaulle à Londres, Compagnon de la Libération, a mis à l'étude un projet de déclaration universelle des droits de l'homme. Celle-ci fut finalement adoptée le 10 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations unies réunie au Palais de Chaillot, à Paris.
Dans le même temps, la France a créé, par un arrêté du ministre des affaires étrangères du 27 mars 1947, « la Commission consultative pour la codification du droit international et la définition des droits et devoirs des États et des droits de l'homme ». Cette commission fut placée sous la présidence de René Cassin. Elle fut vite appelée « Commission consultative des droits de l'homme ».
Cette commission et son président s'engagèrent alors pour que soit créée, au sein des Nations unies, une Commission des droits de l'homme. Tel fut le cas et la commission française en devint immédiatement l'un des premiers relais nationaux.
René Cassin, devenu vice-président du Conseil d'État et prix Nobel de la paix, continua à animer, jusqu'à sa mort en 1976, la Commission consultative des droits de l'homme.
En 1984, elle fut réorganisée afin d'assister le ministère des relations extérieures quant à l'action de la France en faveur des droits de l'homme dans le monde, et particulièrement au sein des organisations internationales.
Un décret du 30 janvier 1984 se substitua aux anciens arrêtés et fixa les compétences ainsi que l'organisation de la commission. Ses compétences au plan national furent étendues en 1986. Enfin, depuis 1989, elle est directement rattachée au Premier ministre.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme, ou CNCDH, est aujourd'hui une institution unique dans notre République. C'est un lieu privilégié d'échanges entre des hommes et des femmes d'expériences diverses. Tous ont, comme le souligne le président de la Commission, Joël Thoraval, « l'ambition de faire partager un idéal universel, où chaque citoyen du monde a sa place ». La Commission peut éclairer le droit par les exigences du terrain.
Il est aujourd'hui proposé de consacrer par la loi cette institution et son rôle. Cette place législative fait suite à une évolution du système institutionnel des Nations unies dans son volet consacré à la protection des droits de l'homme, le Conseil des droits de l'homme s'étant en effet substitué à l'ancienne Commission des droits de l'homme.
Dans le même temps, cette organisation internationale souhaite réévaluer les institutions nationales de protection des droits de l'homme, en vue de leur délivrer une accréditation attestant de leur qualité et leur permettant, notamment, de participer aux travaux que conduira le nouveau Conseil des droits de l'homme.
Ce réexamen se fera au regard des principes dits de Paris, affirmés dans la résolution 48/134 adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies, le 20 décembre 1993.
Aux termes desdits principes, l'existence des instances nationales de protection des droits de l'homme et les principales garanties dont elles jouissent doivent être consacrées par un texte de valeur constitutionnelle ou, à tout le moins, de valeur législative.
Le présent projet de loi vise à répondre à ces attentes et à permettre ainsi à la Commission nationale consultative des droits de l'homme de bénéficier, à l'issue du réexamen de sa situation, de l'accréditation déjà évoquée. Pour ce faire, il consacre les garanties de fonctionnement de la Commission, afin d'assurer sa totale indépendance.
La définition de ses missions, l'instauration des principes qui régissent sa composition, ainsi que les garanties essentielles dont bénéficient ses membres dans l'accomplissement de leur tâche s'inspirent de l'économie du décret du 30 janvier 1984.
Le rôle de conseil et de proposition de la Commission est solennellement réaffirmé. À la suite d'un amendement voté à l'Assemblée nationale, il est précisé que ce rôle s'exerce dans le domaine des droits de l'homme, du droit international humanitaire et de l'action humanitaire.
Il est ajouté que le champ de compétences de la Commission s'étend désormais au plan tant national qu'international.
Enfin, il est nouvellement affirmé que la Commission peut se saisir elle-même d'une question ressortissant de ses compétences.
S'agissant de la composition de la Commission, le projet de loi énumère les principales catégories de membres qui assurent sa complète indépendance. Outre un député et un sénateur, il s'agit de représentants des organisations non gouvernementales, d'experts siégeant dans les organisations internationales, de personnalités qualifiées ainsi que de représentants des principales confédérations syndicales.
Pour respecter l'indépendance de la Commission, le projet de loi dispose que les représentants du Premier ministre, ou des ministres intéressés, lorsqu'ils participent aux travaux de la Commission, n'y disposent pas d'une voix délibérative.
Par ailleurs, la loi sera mise en oeuvre grâce à un décret en Conseil d'État. Cette procédure constitue une garantie supplémentaire par rapport à l'actuel décret du 30 janvier 1984, dont le Conseil d'État n'avait pas eu à connaître. Ce nouveau décret précisera la composition et définira les conditions d'organisation et de fonctionnement de la Commission.
Enfin, le projet de loi règle la question des effets de l'entrée en vigueur des dispositions législatives nouvelles sur les mandats des membres en cours. Cette entrée en vigueur n'affectera pas ces mandats, qui se poursuivront jusqu'à leur terme, selon les dispositions réglementaires applicables au moment de la désignation des intéressés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi répond aux engagements de la France auprès des Nations unies. Il nous permettra de conserver le rôle moteur qui nous est incontestablement reconnu en matière de défense et de protection des droits de l'homme.
Plus de deux siècles après la Déclaration des droits de l'homme de 1789, près de soixante ans après la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, la France est ainsi fidèle à son idéal et à ses valeurs. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Gélard accueillant en ce moment même le président de la Mongolie, c'est bien volontiers que je le supplée.
« Il n'y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l'homme seront violés en quelque partie du monde ». Ces mots, prononcés par René Cassin en 1948, sont érigés en devise par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, créée en 1947 par le célèbre juriste du général de Gaulle.
La première vocation de cette commission est la promotion des droits de l'homme par-delà nos frontières. Elle est ainsi de nature à asseoir les positions françaises concernant les droits de l'homme dans les instances internationales, particulièrement lors de l'élaboration des pactes et conventions.
En 1986, la compétence de la Commission nationale consultative des droits de l'homme est étendue au plan national et la loi du 13 juillet 1990 prévoit qu'elle remet chaque année au Gouvernement un rapport sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme dans notre pays ; curieusement, la loi renvoie ici au pouvoir réglementaire le soin de créer une commission chargée de déposer un rapport !...
Le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à notre assemblée confère, comme vous l'avez indiqué, madame la ministre, une valeur législative au statut fondateur de la Commission, jusqu'à présent régie par un décret de 1984.
Cette consécration législative est devenue nécessaire pour permettre à cette instance de participer aux travaux du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. En effet, le Haut Commissariat aux droits de l'homme de Genève souhaite réévaluer les institutions nationales de protection des droits de l'homme en vue de leur délivrer une accréditation. Ce réexamen se fera à partir de l'automne 2007 au regard des « principes de Paris », inscrits dans une résolution des Nations unies de 1993, principes aux termes desquels l'existence des institutions nationales de protection des droits de l'homme doit être garantie par un statut législatif ou constitutionnel.
Je tiens à souligner que le projet de loi dont nous débattons tient compte des observations faites par le rapporteur M. Patrice Gélard, avant son examen en séance publique, à Mme Liliane Vaginey, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, tendant à préciser que la compétence de la CNCDH recouvre trois domaines distincts : droits de l'homme, droit international humanitaire et action humanitaire.
Le droit international humanitaire, fondé par les quatre conventions de Genève de 1949, ne se confond pas avec les droits de l'homme. En effet, ces derniers s'appliquent en temps de paix et nombre des dispositions qui les régissent peuvent être suspendues lors d'un conflit armé, tandis que le droit international humanitaire couvre la protection des personnes qui ne participent pas ou ne participent plus aux combats, ainsi que les restrictions aux moyens et méthodes de guerre.
Quant à l'action humanitaire, elle se définit comme une assistance portée à des populations placées en situation de grande précarité sur un plan social, sanitaire ou alimentaire, en temps de paix comme en période de conflit armé.
Mes chers collègues, compte tenu de ces opportunes clarifications, la commission des lois, à l'unanimité, vous propose d'adopter le présent projet de loi, sans modification. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisque nous sommes conduits aujourd'hui à évoquer les droits de l'homme, toutes mes pensées vont vers Ingrid Betancourt, dont la fille Mélanie, qui réunit cet après-midi des parlementaires, appelle les autorités françaises à mettre tout en oeuvre afin que sa mère puisse, enfin, quitter le lieu où elle se trouve retenue.
Le projet de loi qui est nous soumis aujourd'hui a pour objet de conférer un statut législatif à la Commission nationale consultative des droits de l'homme.
Cette évolution statutaire est le fruit d'un mouvement, tant national qu'international, de promotion et de protection des droits de l'homme qui naquit, comme chacun le sait, après la Seconde Guerre mondiale.
Madame la ministre, vous avez rappelé - je partage votre point de vue -, le rôle joué par la France, et notamment par René Cassin, dans la création de la Commission consultative pour la codification du droit international et la définition des droits et devoirs de l'État et des droits de l'homme, dans l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée en 1948, et dans la constitution de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, dont la commission consultative française deviendra l'un des premiers relais nationaux.
Le décret du 30 janvier 1984 a réactivé et consacré l'existence de la Commission consultative des droits de l'homme.
En 1986, la compétence de cette commission portant sur les questions internationales relatives aux droits de l'homme se voyait étendue au plan national. En 1989, elle était directement rattachée au Premier ministre et se voyait attribuer une faculté d'autosaisine.
Selon nous, l'existence d'une telle commission illustre la tradition française de promotion et de protection des droits de l'homme, tant au coeur même de notre société qu'au-delà de nos frontières.
Comme vous l'avez également souligné, madame la ministre, la lutte pour le respect des droits de l'homme est loin d'être achevée, hélas ! De multiples violations du droit international et des droits de l'homme sont encore commises tous les jours contre des individus et des populations entières.
Il est nécessaire de porter une attention permanente au respect des droits de l'homme dans le monde, et l'évolution statutaire de la Commission nationale consultative s'inscrit dans cette logique.
Le système institutionnel des Nations unies a récemment changé en ce domaine, puisque le Conseil des droits de l'homme s'est substitué à l'ancienne Commission des droits de l'homme.
Cette transformation était urgente. En effet, la Commission des droits de l'homme a déçu par ses compromissions et par ses outrances ; il n'est pas abusif d'affirmer qu'elle avait perdu une grande partie de sa crédibilité.
Dans ce contexte, le Haut Commissariat aux droits de l'homme de Genève souhaite réévaluer les institutions nationales de protection des droits de l'homme, afin de leur délivrer une accréditation qui attestera de leur qualité et leur permettra, notamment, de participer aux travaux que conduira le nouveau Conseil des droits de l'homme.
Or, je le répète, son statut actuel ne permet pas à notre commission nationale de se voir attribuer une telle accréditation. En effet, aux termes de la résolution du 20 décembre 1993, qui établit les « principes de Paris » - vous les avez rappelés, madame la ministre -, l'existence des instances nationales de protection des droits de l'homme ainsi que les principales garanties dont elles jouissent afin d'accomplir leur mission doivent être consacrées par un texte de valeur constitutionnelle ou, à tout le moins, législative.
Mes chers collègues, le Congrès a été réuni lundi dernier, mais nous n'avons pas constitutionnalisé la Commission nationale consultative des droits de l'homme.
Le présent projet de loi répond aux « principes de Paris » relatifs au statut et au fonctionnement des institutions nationales pour la défense et la promotion des droits de l'homme. En ce sens, nous ne pouvons qu'approuver l'évolution - que nous voterons, bien entendu -, du statut de la commission nationale.
Néanmoins, il serait illusoire de croire qu'une telle consécration empêchera toute dérive de la part des pouvoirs exécutif et législatif. La garantie et le respect des droits de l'homme ne sont pas définitivement acquis, et il convient de toujours s'interroger sur les limites qu'une loi ou un gouvernement peut y apporter.
Comme son nom l'indique, la Commission nationale consultative des droits de l'homme donne des avis consultatifs au gouvernement français. Agissant sur saisine du Premier ministre et des membres du Gouvernement, elle peut également s'autosaisir, ce qui est heureux.
Compte tenu des enjeux liés au respect des droits de l'homme, la responsabilité des gouvernements est de favoriser cette saisine chaque fois que cela se révèle nécessaire.
En 1999, Lionel Jospin indiquait par voie de circulaire qu'il s'assurerait que « la commission serait bien saisie de tous les textes d'envergure dont le contenu entre dans son champ de compétence ». En 2002, Jean-Pierre Raffarin indiquait à son tour que « la commission pourra jouer pleinement son rôle de conseil et qu'elle sera saisie de tous les projets du Gouvernement, dès lors qu'ils auront une incidence directe sur les droits fondamentaux que les citoyens se sont vus reconnaître par les lois et par les traités internationaux ratifiés par la France. »
Or, force est de constater que cette recommandation des deux anciens Premiers ministres n'a pas été suivie à la lettre, bien au contraire. Ainsi, le président actuel de la commission indiquait à notre rapporteur que la CNCDH n'était pas systématiquement saisie des textes européens, des conventions internationales ainsi que des projets de loi dont le contenu entre pourtant dans son champ de compétence. Elle n'est pas saisie non plus des propositions de loi.
En outre, pour s'autosaisir, la CNCDH doit attendre le dépôt d'un texte sur le bureau d'une des deux assemblées, et elle ne peut donc intervenir suffisamment en amont de la procédure.
Mes chers collègues, il est intéressant de pointer les textes sur lesquels la CNCDH n'a pas été saisie alors qu'ils portaient atteinte aux droits fondamentaux de nos concitoyens, nous semble-t-il.
Ainsi, la commission a dû s'autosaisir s'agissant du projet de loi pour la sécurité intérieure, du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France, du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, enfin du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Est-ce un hasard si le ministre de l'intérieur a systématiquement choisi de ne pas saisir la CNCDH des projets de loi qu'il présentait et si aucune des observations émises par la commission sur ces textes n'a été prise en compte, alors qu'elles étaient entièrement justifiées, selon nous ?
Le renforcement et la consécration du statut de la Commission nationale consultative des droits de l'homme sont évidemment positifs. Toutefois, faut-il rappeler que les droits de l'homme peuvent aussi être remis en cause dans un État démocratique ?
Dans ce contexte, il convient de réaffirmer l'indépendance de la CNCDH - comme vous l'avez fait, monsieur le rapporteur -, dont le rôle doit être de maintenir intacte la vigilance face aux attaques portées contre les droits de l'homme, à l'échelle tant internationale que nationale.
Ce projet de loi ne confère peut-être pas l'autorité nécessaire aux avis de la Commission nationale consultative. Néanmoins, nous espérons que sa consécration législative pèsera de tout son poids dans le travail qui doit être mené en amont avec les instances internationales et nationales.
C'est en ce sens que nous voterons en faveur de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous annoncer que le groupe socialiste votera en faveur du présent projet de loi. En effet, celui-ci consacre le rôle majeur de la Commission nationale consultative des droits de l'homme qui, en France, est l'autorité chargée d'éclairer le Gouvernement en matière de défense et de promotion des droits de l'homme, des libertés fondamentales et du droit international humanitaire.
Le projet de loi que nous examinons à présent consacre le caractère législatif de cette commission, qui en avait bien besoin. Il célèbre également la mémoire de René Cassin, dont le courage et l'engagement au service des droits de l'homme, durant la Seconde Guerre mondiale, et après celle-ci, doivent nous inspirer et nous guider dans ce combat perpétuel qu'est la défense de ces valeurs universelles.
La CNCDH constitue assurément une arme essentielle pour mener cette bataille. En accordant une valeur législative à l'existence de cette commission, nous permettrons à la France de respecter ses engagements auprès des Nations unies. La CNCDH continuera ainsi d'être le relais du nouveau Conseil des droits de l'homme de Genève.
De même, nous ancrerons plus solidement cette commission dans notre État de droit. En garantissant son indépendance et en confirmant ses pouvoirs et le pluralisme de sa composition, nous la conforterons dans son double rôle de vigie et de force de proposition.
Contrairement à certaines autorités administratives indépendantes - on les multiplie ces derniers temps, comme vous le savez, mes chers collègues -, qui s'apparentent souvent à des coquilles vides, et parfois à des usines à gaz, la CNCDH se trouve investie d'une réelle mission d'intérêt général, et nous devons donc la soutenir.
Notre débat d'aujourd'hui, qui n'a guère attiré nos collègues en séance, ce qui est dommage, compte tenu de l'importance de ce sujet, est consensuel. Je me contenterai donc de formuler deux remarques.
Premièrement, le Gouvernement n'a pas toujours consulté ou saisi la CNCDH lorsque c'était nécessaire. Or il faudrait à tout le moins, me semble-t-il, que cette commission soit systématiquement consultée avant le dépôt au Parlement d'un projet de loi touchant « d'une manière essentielle », selon la formule consacrée, aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.
Ces dernières années, la CNCDH a souvent dû procéder par autosaisine, en vertu d'une procédure instaurée en 1989. Ce fut le cas, notamment, lors de l'élaboration des projets de loi sur la sécurité intérieure, sur la lutte contre le terrorisme, sur l'immigration, enfin sur la prévention de la délinquance, ce qui est dommage, car je considère, parmi d'autres, qu'il eût été de bonne politique de solliciter l'avis de la commission avant de commencer à débattre de ces textes.
Deuxièmement, la France se glorifie souvent d'être la patrie des droits de l'homme, ce qui n'est pas faux, même si les États-Unis l'ont en partie précédée. Toutefois, cela ne signifie pas que la situation des droits de l'homme soit optimale dans notre pays !
Je le rappelle, le rapport d'Amnesty International pour l'année 2005 évoque un certain nombre de cas de mauvais traitements - peu nombreux, certes, mais cela suffit - et parfois même d'homicides, imputables à telle ou telle personne investie de la force publique. Ce document rappelle également que le système judiciaire français ne parvient pas toujours à faire respecter l'obligation pour les auteurs présumés de tels agissements de rendre compte de leurs actes, ni le droit des victimes à obtenir réparation. En outre, ces observations sont confortées par le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Par ailleurs, le commissaire européen aux droits de l'homme, M. Alvaro Gil-Robles, dressait lui aussi un bilan quelque peu négatif, mais dans lequel entre une part de vérité, il faut le reconnaître, de la situation de notre pays. Il soulignait ainsi la surpopulation des prisons, dont nous sommes tous conscients, le faible respect des droits des détenus, l'incarcération de mineurs, l'existence de procédures dissuasives pour la régularisation des étrangers, entre autres. Pour ma part, j'y ajouterai une utilisation abusive de la détention provisoire, qui est souvent condamnée, d'ailleurs, mais qui s'est malheureusement généralisée.
Nous devons donc assumer nos responsabilités et balayer devant notre porte.
Madame la ministre, le monde nous regarde. Nous sommes la patrie des droits de l'homme, c'est vrai, ainsi que les inspirateurs des « principes de Paris ». Ce texte, qui accorde une assise législative à la CNCDH, doit s'inscrire dans un mouvement plus large, me semble-t-il, et conduire la France à se conformer au droit international en ratifiant l'ensemble des instruments juridiques condamnant la violation des droits de l'homme. C'est ce que nous ferons en votant ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
La Commission nationale consultative des droits de l'homme assure, auprès du Gouvernement, un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l'homme, du droit international humanitaire et de l'action humanitaire. Elle assiste le Premier ministre et les ministres intéressés par ses avis sur toutes les questions de portée générale relevant de son champ de compétence tant sur le plan national qu'international. Elle peut, de sa propre initiative, appeler publiquement l'attention du Parlement et du Gouvernement sur les mesures qui lui paraissent de nature à favoriser la protection et la promotion des droits de l'homme.
La commission exerce sa mission en toute indépendance.
Elle est composée de représentants des organisations non gouvernementales spécialisées dans le domaine des droits de l'homme, du droit international humanitaire ou de l'action humanitaire, d'experts siégeant dans les organisations internationales compétentes dans ce même domaine, de personnalités qualifiées, de représentants des principales confédérations syndicales, du Médiateur de la République, ainsi que d'un député, d'un sénateur et d'un membre du Conseil économique et social désignés par leurs assemblées respectives.
Le mandat de membre de la commission n'est pas révocable pour autant que son titulaire conserve la qualité en vertu de laquelle il a été désigné et qu'il se conforme à l'obligation d'assiduité qui lui incombe.
Des représentants du Premier ministre et des ministres intéressés peuvent participer sans voix délibérative aux travaux de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté à l'unanimité.)
Article 2
Un décret en Conseil d'État précise la composition et fixe les modalités d'organisation et de fonctionnement de la commission instituée à l'article 1er.
Les membres de la Commission nationale consultative des droits de l'homme en exercice au moment de la publication de la présente loi demeurent en fonction jusqu'au terme de leur mandat.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté à l'unanimité.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jacques Pelletier, pour explication de vote.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il faut que ce projet de loi soit définitivement adopté avant que nous ne suspendions nos travaux, afin de permettre à la France de se conformer à ses engagements internationaux.
En l'état actuel du droit, l'existence de la Commission nationale consultative des droits de l'homme repose sur un décret datant de 1984 et ayant fait l'objet de plusieurs modifications, qui fixe les règles relatives à ses missions, à sa composition et à son fonctionnement.
Or, dans la droite-ligne des réformes des institutions onusiennes de protection des droits de l'homme, le Haut Commissariat aux droits de l'homme de Genève a modifié les règles d'accréditation des institutions nationales de protection des droits de l'homme. Il exige, désormais, que le texte fondateur de chacune de ces institutions soit de nature constitutionnelle ou législative. Cela explique la nécessité formelle, mais bien réelle, d'adopter au plus vite ce projet permettant à la Commission nationale consultative des droits de l'homme de conserver son accréditation dans les prochaines semaines.
En effet, cet agrément sera désormais nécessaire pour participer aux travaux du Conseil des droits de l'homme. Il ne sera délivré qu'après évaluation des institutions nationales attestant de leur qualité et du respect des « principes de Paris », qui datent de 1991 et qui ont été approuvés en 1993 par une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies. L'un de ces principes exige que les instances nationales de protection des droits de l'homme jouissent d'une garantie constitutionnelle ou législative.
Il n'est pas envisageable que la première institution nationale de protection des droits de l'homme, née en 1947 et dont le premier président fut l'illustre René Cassin, se voie refuser, soixante ans après sa naissance, son accréditation par le Haut Commissariat aux droits de l'homme.
Ce projet de loi, à l'élaboration et à la rédaction duquel le Médiateur de la République a été associé, consacre donc l'existence législative de la Commission nationale consultative des droits de l'homme en même temps qu'il précise les garanties essentielles dont bénéficient ses membres dans l'exercice de leur mission. Ses deux articles, modifiés par l'Assemblée nationale, fixent également un certain nombre de grands principes relatifs au champ de compétences de la Commission et à sa composition. Il permet ainsi de répondre à nos engagements internationaux.
Par ailleurs, ce texte renvoie à un décret pris en Conseil d'État pour la fixation des modalités précises du fonctionnement de la Commission. Il nous faudra donc veiller à ce que la publication de ce décret ne tarde pas trop, afin de permettre à la Commission de fonctionner dans les meilleures conditions.
Je fais miens les propos de M. Jean-Jacques Hyest à ce sujet. Avec l'ensemble de mes collègues du RDSE, je voterai ce projet de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, certes ce projet de loi n'est pas parfait, mais qu'est-ce qui est parfait dans ce monde ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) En tout cas, personne ne peut refuser le texte qui nous est aujourd'hui soumis. C'est pourquoi le groupe UMP le votera d'une seule voix et se réjouit de son adoption.
Je profite de cette occasion pour vous rappeler que l'Union interparlementaire réunit tous les parlements du monde ; j'ai d'ailleurs l'honneur d'être le président exécutif du groupe français de cette instance. Des débats importants y sont régulièrement organisés sur la situation des droits de l'homme dans différents pays, notamment celle des parlementaires.
Vous le savez, mes chers collègues, le groupe français rédige un rapport et des textes sont envoyés aux présidents des groupes d'amitié du Sénat, auxquels il convient généralement de donner suite.
Au sein de l'Union interparlementaire, la France - patrie des droits de l'homme ! - est citée en exemple. Je serai donc très heureux et très fier d'annoncer, lors de la prochaine réunion de cette organisation, que notre assemblée a adopté ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est définitivement adopté à l'unanimité.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !