M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 199, présenté par MM. Repentin, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Bockel, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente - Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 302-6 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.... - Pour l'inventaire mentionné à l'article L. 302-6, chaque logement locatif social au sens de l'article L. 302-5 est affecté d'un coefficient égal à 1 pour les prêts locatifs à usage social, d'un coefficient égal à 1,5 pour les prêts locatifs aidés d'intégration et d'un coefficient égal à 0,5 pour les prêts locatifs sociaux. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. L'expression « logement social » recouvre, chacun le sait, diverses catégories de logements sociaux. Or, dans l'inventaire qui est prévu à l'article L. 302-6 du code de la construction et de l'habitation, chaque logement social est compté pour un seul, quel que soit son type.
Cet amendement tend à mettre en place un système de pondération, afin qu'un logement PLAI compte plus qu'un logement PLS.
Ainsi, malgré l'importance croissante des besoins en logement très social, nonobstant les conditions privilégiées de financement dont celui-ci bénéficie de la part de l'État et des collectivités publiques, la production de logements très sociaux n'a cessé de décroître pour le seul parc public. En effet, cette production est passée de plus de 15 000 logements en 1995 à 8 000 en 2006.
Ce que nous proposons, c'est de tenir compte des réalités que recouvrent ces différents types de logements sociaux : cet amendement vise donc à introduire dans la comptabilisation des logements sociaux une pondération selon la catégorie. Par conséquent, un logement PLAI devrait compter pour 1,5 logement, tandis qu'un logement PLS compterait simplement pour 0,5. Rien ne changerait pour le logement PLUS, c'est-à-dire la strate du milieu, celle qui concerne le logement traditionnel classique, qui conserverait un coefficient de 1.
Selon notre système, avec deux logements construits, on en comptabiliserait trois. Cela permettrait donc aux communes en infraction avec l'article 55 de la loi SRU de rattraper finalement plus facilement leur retard.
Chacun le comprendra, cette disposition va inciter à la réalisation de logements sociaux et très sociaux davantage qu'à la réalisation de logements intermédiaires. Elle permettra également de mieux accompagner les collectivités locales qui accueillent, sur leur territoire, l'ensemble de la gamme des logements sociaux et qui promeuvent ainsi une meilleure mixité sociale, que chacun d'entre nous appelle de ses voeux, mais avec des solutions différentes.
M. le président. L'amendement n° 226 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 302-6 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.... - Pour l'inventaire mentionné à l'article L. 302-6, chaque logement locatif social au sens de l'article L. 302-5 est affecté d'un coefficient égal à 1, à l'exception des logements financés à l'aide d'un prêt locatif aidé d'intégration ou d'une subvention de l'Agence nationale de l'habitat dans le cadre des programmes sociaux thématiques, pour lesquels le coefficient est porté à 2. Cette disposition s'applique aux logements financés entre le 1er juillet 2006 et le 1er juillet 2012. »
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Cet amendement vise à inciter les communes entrant dans le champ du dispositif des 20 % de logements locatifs sociaux à construire du logement très social, dont les besoins ne cessent de croître. En effet, seul ce type de logements permettra d'atteindre concrètement l'objectif de droit opposable fixé par la loi.
C'est pourquoi il est proposé de modifier la rédaction du code de la construction et de l'habitation, en prévoyant qu'un logement financé en PLAI ou en PST compte pour deux logements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Il est problématique, en effet, de minorer ou de modifier de manière, somme toute, assez arbitraire, ces coefficients. Les PLS, qui répondent à une demande de ménages disposant de ressources intermédiaires, doivent être maintenus.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 2 ou après l'article 5 ou avant l'article 6 (précédemment réservé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 133, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les communes situées en dessous du seuil de 20 % défini à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, aucun permis de construire de plus de 10 logements ne peut être accordé s'il ne comporte pas au moins 20 % de logements locatifs sociaux.
La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. J'ai bien compris, monsieur le ministre, que, soucieux de maintenir l'équilibre de votre projet de loi, vous ne souhaitiez pas rouvrir le débat sur l'article 55 de la loi SRU, lequel sera sans doute repris à un autre moment. Aujourd'hui, nous devons nous concentrer sur l'acte fondateur que constitue le droit au logement opposable.
Mon amendement vise surtout à faire passer un message : il ressort de ce projet de loi que l'essentiel de la charge du droit au logement opposable reposera sur les seules communes disposant d'un patrimoine social, ce qui signifie que les précarités vont être concentrées sur les territoires où elles le sont déjà. Or il faudra bien, à un moment donné, desserrer l'étau.
Il s'agit d'imposer aux communes qui n'ont pas atteint le fameux seuil de 20 % de logements sociaux la construction de deux logements sociaux, au minimum, dans chaque programme de construction de dix logements.
Mais j'ai bien compris, monsieur le ministre, au fil de la discussion, que vous n'avez pas l'intention d'aborder, à l'occasion de ce projet de loi, l'ensemble des dispositifs de répartition optimale de la construction sociale sur notre territoire.
M. le président. L'amendement n° 202, présenté par MM. Repentin, Bockel, Godefroy, Caffet, Sueur, Dauge, Desessard, Collombat, Madec, Ries, Lagauche et Guérini, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Khiari, Printz, Le Texier et Demontès, M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les communes mentionnées dans la première phrase de l'article L. 302-5, les projets portant sur la construction ou la réhabilitation d'un nombre de logements supérieur à vingt ne sont autorisés que s'ils comportent une proportion minimale de 30 % de logement sociaux au sens du même article. »
La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Ce débat, nous l'avons déjà eu au sein de l'Association des maires de grandes villes de France à laquelle nous appartenons, Jean-Paul Alduy et moi. Nous nous sommes d'ailleurs récemment exprimés sur cette question.
Si je comprends les raisons pour lesquelles Jean-Paul Alduy a fait allusion à un report du débat sur l'article 55 de la loi SRU, j'entends, pour ma part, défendre mon amendement et le soumettre au vote du Sénat.
Mon argumentation vaut également pour les amendements nos 209 et 210, ce qui me permettra d'être très concis lorsqu'ils viendront en discussion.
Assurer, de manière durable, le droit à l'hébergement et le droit au logement suppose une relance de l'offre locative sociale, dans le respect de la mixité sociale et de l'équilibre urbain.
Les objectifs territorialisés du plan de cohésion sociale, ainsi que les objectifs de construction fixés dans l'article 55 de la loi SRU, ne sauraient être atteints si nous laissons diminuer, dans nos agglomérations urbaines, même de façon insidieuse, le parc locatif social disponible.
Cette réduction du parc locatif social est une réalité et s'opère, notamment, au travers des ventes de logements HLM ou de logements conventionnés, de la sortie de certains programmes du conventionnement APL, ou du non-renouvellement de conventions arrivant à échéance.
Dans les situations locales caractérisées par un manque de logement social disponible, ces pratiques peuvent être justifiées. Mais encore faut-il veiller à ne pas aggraver ce déficit et à assortir ces pratiques de contreparties visant à assurer un renouvellement de l'offre, au logement près, à l'instar des démolitions décidées par l'ANRU. Comme tous ceux qui accueillent ces programmes sur leur territoire communal, je sais l'équipe de l'ANRU très attentive au respect de ce critère.
Tel est l'objet de ces trois amendements, notamment de celui-ci, qui tendent à poser une règle contraignante, mais non insurmontable. Dans la pratique, il arrive d'ailleurs que, conscients de l'importance de l'enjeu, on tente d'agir de la sorte.
Nous maintiendrons donc cet amendement aujourd'hui, quelles que puissent être les propositions de discussion ultérieure.
M. le président. L'amendement n° 227 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans les communes mentionnées dans la première phrase de l'article L. 302-5, les projets portant sur la construction ou la réhabilitation d'un nombre de logements supérieur à dix-neuf ne sont autorisés, dans des conditions fixées par décret, que s'ils comportent une proportion minimale de 20 % de logements sociaux au sens du même article L. 302-5. »
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Cet amendement prévoit que l'octroi de tout permis de construire est subordonné à la réalisation d'un ou de plusieurs projets de construction ou de réhabilitation comportant obligatoirement 20 % de logements sociaux.
Une telle mesure permettra d'introduire de la mixité sociale dans tous les nouveaux programmes de construction de logements. Surtout, en ne prévoyant pas une pénalité unique, donc sans venir complexifier encore la règle des 20 % de logements sociaux pour les communes qui rencontrent des difficultés, cette disposition imposera à celles qui auront la capacité de construire vingt logements d'en réserver quatre au logement social.
C'est une mesure équitable, parfaitement réalisable, et qui va dans le sens d'un effort partagé en vue de produire les logements sociaux dont nous aurons besoin pour rendre le droit au logement effectif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je ne demande qu'à être convaincu !
Ce sujet a été abordé lors de l'examen de la loi portant engagement national pour le logement. Je crois me souvenir que votre assemblée avait voté, à une assez large majorité, un amendement de Valérie Létard : il tendait à imposer aux communes n'ayant pas atteint 20 % de logements sociaux de réaliser, pendant la période triennale, 30 % de logements sociaux sur l'ensemble du territoire communal pour les constructions neuves.
Un accord était intervenu afin de ne pas rigidifier tel ou tel programme, en imposant, par exemple, un taux de 42 % ou de 7 %.
Le Gouvernement avait émis un avis favorable sur ce dispositif, qui lui avait semblé efficace, car il était souple. Il était proposé que, dans les communes n'ayant pas atteint le taux de 20 % de logements sociaux - je ne parle pas de celles qui font l'objet d'un constat de carence -, y compris celles qui sont concernées par le rattrapage, soit appliqué au stock global de constructions nouvelles un taux de 30 % de logements sociaux.
Or ces trois amendements tendent à modifier cette règle, pour imposer un taux de 20 % par programme de construction de dix ou vingt logements. En mon âme et conscience, je ne sais pas quelle solution est la plus efficace, mais je ne souhaite pas que des programmes soient bloqués en raison de cette nouvelle obligation.
Pour en revenir à la nécessité d'accélérer la construction de logements sociaux dans les communes n'ayant pas atteint le taux de 20 %, la question qui se pose est la suivante : faut-il prendre en considération le taux de logements sociaux par commune ou par programme ?
Il s'agit là d'une décision d'ordre opérationnel. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je souhaite connaître l'avis de M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. On a beaucoup discuté du rattrapage des logements sociaux dans les communes qui en sont dépourvues. Je me souviens qu'un certain nombre de cas très concrets avaient été évoqués, notamment celui de Boulogne-Billancourt, rapporté par Jean-Pierre Fourcade. Notre collègue, qui convenait de la nécessité du rattrapage, ne voulait surtout pas que soit imposée aux communes de règle contraignante.
La politique de logement social doit en effet tenir compte du stock. C'est une question d'équilibre dans la répartition des logements sociaux sur un territoire donné. Ainsi, dans certaines communes relevant de la loi SRU, ces logements sont peu disséminés. Il est donc préférable, dans le cadre d'un nouveau programme de construction de logements sociaux, de choisir un terrain qui ne se trouve pas à proximité d'un quartier où sont d'ores et déjà concentrés des logements sociaux.
Jean-Pierre Fourcade avait également évoqué les opérations de préemption du bâti. Selon lui, il existe des endroits privilégiés pour la reprise des opérations de construction, et d'autres beaucoup moins favorables.
Je rappelle en outre à Jean-Marie Bockel que les communes qui souhaitent mettre en place ces programmes peuvent désormais le faire dans le cadre des plans locaux d'urbanisme, créés par la loi portant engagement national pour le logement. Il suffit de déterminer des territoires et de préciser le pourcentage de logements sociaux souhaité.
Les maires peuvent donc mener, sur le territoire de leur commune, la politique qu'ils souhaitent. Il suffit de tenir compte de ce qui existe déjà. Il est donc inutile de poser une règle qui risque de rigidifier encore les choses, la grande diversité des situations locales n'étant pas prise en compte.
Tel est l'état du droit auquel nous sommes parvenus après un débat beaucoup plus long que celui qui nous occupe ce soir, un débat auquel vous avez été nombreux à participer et au cours duquel vous avez fait part de vos soucis particuliers.
Les communes relevant de la loi SRU doivent réaliser dans l'année, sur tous leurs programmes de construction de logements, 30 % de logements sociaux. Mais nous ne devons pas leur imposer d'implanter ces logements à tel ou tel endroit, car les situations locales sont multiples.
M. le président. Quel est finalement l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission propose de s'en tenir à la position qui vient d'être rappelée par M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Elle demande donc aux auteurs de ces trois amendements de bien vouloir les retirer.
M. le président. Monsieur Alduy, l'amendement n° 133 est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Alduy. J'entends bien l'argument selon lequel le maire doit faire preuve de souplesse dans le choix de l'emplacement des logements sociaux, afin d'éviter les concentrations de ceux-ci.
Ne peut-on également entendre l'autre argument, et s'interroger sur le risque d'accélérer la ségrégation sociale dans nos cités ? Ne faut-il pas qu'à un moment donné le législateur mette fin à la concentration, dans certains quartiers, d'un certain type de logements ? N'est-il pas normal d'imposer la mixité sur l'ensemble de la cité ?
En ce qui me concerne, j'ai imposé, dans le plan local d'urbanisme, sur l'ensemble du territoire de ma commune, 20 % de logements sociaux à tous les programmes de construction de dix logements.
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. Jean Desessard. Et voilà !
M. Jean-Paul Alduy. Peut-être le seuil de dix logements est-il trop élevé et faut-il passer à vingt ! Mais je crois profondément que l'on doit donner un message clair.
Assumer notre diversité, c'est accepter la mixité sociale sur l'ensemble de la cité et ne pas se contenter de créer dans la ville quelques ghettos, petits ou grands. Personnellement, je suis pour la diffusion d'un message simple à l'adresse de tous les promoteurs qui, d'ailleurs, s'y adapteront facilement tant une règle donnée est admise quand elle s'applique à tout le monde et pas simplement à quelques-uns.
Mme Michelle Demessine. Tout à fait !
M. Jean-Paul Alduy. Je préconise donc une méthode qui consiste à imposer dorénavant, sur tout programme, disons de vingt logements - s'il faut passer à trente, on le fera, là n'est pas l'enjeu - un quota de 20 % de logements sociaux. C'est très facile à organiser sur le terrain : le promoteur donne en vente en état futur d'achèvement à l'OPAC ou à l'office HLM de la cité un certain nombre de logements variable suivant la taille du programme.
Á titre personnel, je maintiens donc ma position. Le pacte républicain, qui consiste à assumer la diversité, doit être développé sur l'ensemble de la cité.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 133.
M. Thierry Repentin. Nous touchons là, effectivement, à un point central de la politique du logement : il est vrai que les maires ont toujours la possibilité de mener une politique volontariste en matière de logement. Le bilan le montre, cette liberté n'a pas conduit à une répartition équitable et équilibrée de tous les logements sur l'ensemble du territoire national. D'ailleurs, si nous légiférons ce soir sur ces sujets, c'est parce que nous sommes contraints de dresser un constat d'échec par rapport à un équilibre du logement sur notre territoire.
Je me souviens très bien que nous avions voté un amendement de Mme Létard prévoyant un bilan triennal sur le respect du quota des 30 % de logements sociaux.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Thierry Repentin. Sauf que l'on n'a jamais dit quand il fallait faire le bilan : est-ce année après année ? Et l'on n'a pas précisé sur quel programme portait l'interdiction de permis de construire. Dresse-t--on, au mois de janvier, le bilan de l'année précédente, opposant un refus à tous ceux qui présentent un projet de construction sur la commune au motif que, pendant un an, il n'y a pas eu de logements sociaux ? Mais alors, pourquoi ne pas avoir instillé pendant les douze mois de l'année précédente un peu de logement social ?
Par ailleurs, une disposition de cette nature, c'est un signe très clair : j'y vois un appui pour les maires qui ont pu, face à une population réticente, opposer l'article 55 et la force de la loi pour justifier leur politique de logement social sur le territoire.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Quelle honte ! Vous avez une vision catastrophique du logement social. Dites que vous avez honte de faire du logement social !
M. Thierry Repentin. C'est aussi un signe à l'égard des acteurs économiques qui construisent des logements sur la commune : ils sauront qu'ils devront intégrer d'emblée une mixité sociale sur leur territoire.
En adoptant cette mesure, nous offrirons aux maires un outil au service d'une programmation équilibrée pour lutter in fine contre un effet de ghetto que l'on condamne tous.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je tiens à remercier M. le ministre de sa position d'ouverture. Il a tout à fait raison de défendre des idées toutes simples.
Il est vrai qu'à l'occasion de la loi ENL nous avons voté un amendement présenté par Valérie Létard, qui mettait en place une règle très peu contraignante.
Aujourd'hui, le Gouvernement nous présente un nouveau texte qui crée un droit au logement opposable. Mes chers collègues, un droit opposable suppose des mesures contraignantes. Voter ce droit opposable et ne pas créer de logements sociaux, c'est se moquer des gens !
Que tout ne se fasse pas le même jour, c'est évident, tant beaucoup reste à faire. Il n'en demeure pas moins que prétendre vouloir instaurer un droit au logement opposable sans aller plus loin dans l'obligation de créer du logement social, et même du logement très social, revient à dire que la loi, « c'est du pipeau », et que nous sommes en train de perdre notre temps ! Et, comme il est déjà tard, autant aller nous coucher !
Si, au contraire, on croit à la volonté loyale du Gouvernement de faire progresser le droit au logement, eh bien ! on doit voter ces amendements sur lesquels le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat.
Si l'on veut du logement social, il faudra bien s'obliger, les uns et les autres, à en créer. Sinon, ce n'est pas la peine de parler de droit opposable au logement !
Pour cette raison toute simple, je comprends parfaitement que notre collègue Valérie Létard, qui avait déposé un premier amendement, nous en soumette aujourd'hui un autre. Ces trois amendements, qui vont dans le même sens, sont essentiellement justifiés par la volonté du Gouvernement de créer un droit au logement opposable.
Monsieur le président, nous retirons l'amendement n° 227 rectifié au profit de l'amendement n°133.
M. le président. L'amendement n° 227 rectifié est retiré.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Décidément, il sera dit ce soir qu'ici tout est blanc ou tout est noir ! En effet, soit on fait partie du camp des vertueux - et alors, on fait la leçon à tous les autres - soit on ne fait pas partie de ce camp-là et, alors, on voit très bien comment on vous distingue : vous êtes les vilains petits canards, ceux qui ne veulent rien faire ! Pour ma part, j'en ai assez d'entendre ce discours !
On vote depuis quelques heures, à la sauvette, un certain nombre d'amendements dont on ne mesure pas la portée.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Philippe Dallier. En effet, sur l'hébergement d'urgence, on a adopté une disposition qui fixe la pénalité à un montant dix fois supérieur à celui qui figurait dans la loi SRU. Je viens de me livrer à un petit calcul : les 40 places d'hébergement d'urgence vont me coûter l'équivalent de 400 logements sociaux !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Il a raison !
M. Philippe Dallier. M. Caffet a repris l'amendement qu'il avait présenté sur la loi ENL en proposant de multiplier par dix les pénalités. Cela rendrait négatif l'autofinancement net de ma commune, laquelle serait contrainte d'emprunter pour rembourser les dettes. Mais, de tout cela, vous vous moquez !
M. Jack Ralite. Mais non !
M. Robert Bret. Il y a des gens dans la rue !
M. Philippe Dallier. Mais si, vous vous moquez de tout cela parce que, pour vous, tout est blanc ou tout est noir !
Pour en revenir à l'amendement, je suis d'autant plus à l'aise que, lors du vote de la loi ENL, j'avais dit - je vous renvoie au compte rendu intégral des débats publié au Journal officiel - que j'étais favorable à un raisonnement par flux et qu'il suffisait de fixer la barre à 30 %.
Allons au bout de la logique : on ne peut pas vouloir à la fois les stocks, les flux, et multiplier les pénalités !
Est-ce trop demander que prendre le temps de mesurer les conséquences de nos votes ?
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Très juste !
M. Philippe Dallier. On est en train de tout bouleverser, détricotant puis retricotant l'article 55 de la loi SRU !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. C est tout à fait cela !
M. Roland Muzeau. D'après vous, à quoi sert le Parlement ?
M. Philippe Dallier. Et nous ne mesurons rien ! Je suis désolé, mes chers collègues, de vous dire que ce n'est pas, à mon sens, une manière de faire. Prenons un tout petit peu de temps !
Je demande, monsieur le président, une brève suspension de séance pour nous permettre de nous concerter, car cette méthode de travail me pose un vrai problème.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures dix, est reprise à vingt-deux heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Je souhaiterais en cet instant prendre un exemple concret.
En ma qualité de maire, je suis bien entendu concerné par l'article 55 de la loi SRU. Ma commune compte 17 % de logements sociaux et je viens de passer un accord avec le groupe Immobilière des chemins de fer en vue de la construction d'un programme comprenant soixante logements sociaux et trente logements à loyer libre, soit une proportion de logements sociaux de 66,6 %. Voilà qui devrait faire plaisir à tout le monde ! Ce seront des logements PLUS.
Le problème, c'est que cette opération nécessite deux permis de construire différents, même s'il s'agit de deux parcelles voisines appartenant à Réseau ferré de France.
Par conséquent, une difficulté technique se pose et il conviendrait, pour la lever, de privilégier la notion de programme plutôt que celle de permis de construire.
C'est la raison pour laquelle il me paraît souhaitable que l'amendement sur lequel nous allons devoir nous prononcer dans un instant soit modifié en ce sens.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je partage les propos de notre collègue Laurent Béteille. En effet, la notion de programme est bien plus adaptée. Je suis d'ailleurs très heureux de cette prise de position, que j'ai fait mienne depuis déjà un certain temps. Il s'agit là d'un mécanisme important pour faire bouger un peu les taquets.
Je me félicite du dépôt des amendements de nos collègues Jean-Paul Alduy et Valérie Létard. Je me souviens d'avoir eu pendant des années pour supérieur hiérarchique, si j'ose dire, le directeur général de l'établissement public de Saint-Quentin-en-Yvelines, M. Jean-Paul Alduy, alors que j'étais maire de la commune centre de cette ville nouvelle. La règle en vigueur à l'époque était la construction de 30 % de logements sociaux dans le cadre de programmes.
Cela a permis l'émergence d'une ville nouvelle où la mixité est reine, où il fait bon vivre, et je souhaite à chacun de connaître le même art de vivre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Bockel. Après avoir écouté les différents intervenants, il est évident que la notion de programme mérite attention, même si nous devons nous garder de toute démarche dilatoire, car cela ne répondrait pas au souci que nous avons de poser un certain nombre de règles.
Il se trouve que l'amendement n° 203 du groupe socialiste dont nous discuterons dans un instant répond à cette question, car nous raisonnons en termes de programme.
Bien sûr, le Gouvernement pourrait faire une autre proposition et si cela pouvait donner lieu à un vote consensuel, convenez avec moi, monsieur Alduy, que ce serait une bonne chose.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. C'est avec une grande attention que j'ai écouté les arguments avancés par les uns et les autres. Il est vrai que la notion de permis de construire ne permet pas de gérer un foncier diversifié, alors que celle de programme répond à la question posée.
C'est la raison pour laquelle je rectifie l'amendement n° 133 en remplaçant les mots : « permis de construire » par le mot : « programme », et le chiffre : « 10 » par le chiffre : « 20 », afin de donner plus de souplesse au dispositif. Certes, il nous sera toujours loisible de définir plus précisément la notion de programme, mais il me semble que cette modification peut d'ores et déjà constituer une solution commune aux amendements n°s 133, 202 et 227 rectifié.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 133 rectifié, présenté par M. Alduy, et ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les communes situées en dessous du seuil de 20 % défini à l'article L. 302- 5 du code de la construction et de l'habitation, aucun programme de plus de vingt logements ne peut être autorisé s'il ne comporte pas au moins 20 % de logements locatifs sociaux.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement n'ayant pas été examiné par la commission, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Le débat qui nous occupe en ce moment est extrêmement important et je considère que le Sénat ferait un pas considérable dans la voie de l'effectivité du droit opposable au logement en adoptant cet amendement. Tout en se situant dans le droit fil de la loi ENL, cette mesure représenterait une avancée par rapport à l'une des dispositions de cette loi selon laquelle le PLU peut définir les emplacements réservés aux logements.
À l'époque, nous nous étions battus pour obtenir un pourcentage de logement social, mais l'amendement que nous avions proposé à cet effet n'avait pas été retenu.
Dès lors, si l'amendement qui nous est actuellement soumis était adopté, cela constituerait un progrès considérable s'agissant du droit opposable au logement. C'est pourquoi nous le voterons.
Cela étant, j'ai un regret, à savoir que le seuil de vingt logements puisse devenir une sorte de handicap quant à l'efficacité du dispositif. En effet, il suffirait qu'un promoteur joue sur les surfaces réservées aux logements pour n'en construire que dix-neuf au lieu de vingt de manière à échapper au dispositif.
J'aurais préféré, comme dans le PLU qui a été adopté à Paris, que le seuil de déclenchement concerne non pas le nombre de logements, mais la surface hors oeuvre nette, ou SHON, de 800 ou 1 000 mètres carrés, par exemple.
Sans doute est-il un peu tard ce soir pour approfondir cette question, étant donné que nous travaillons dans la précipitation, pour ne pas dire dans l'improvisation (M. Philippe Dallier proteste.).
M. Claude Domeizel. À qui la faute, sinon au Gouvernement !
M. Jean-Pierre Caffet. Je ne comprends pas votre véhémence, monsieur Dallier ! N'avez-vous pas échappé aux amendements tendant à multiplier les pénalités par cinq ?
La Haute Assemblée peut faire, ce soir, un pas tout à fait considérable en faveur du droit au logement opposable.
Toujours est-il que si nous ne pouvons obtenir que le seuil de déclenchement du dispositif soit calculé en fonction de la SHON et non du nombre de logements, nous voterons l'amendement n° 133 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Nous considérons que la remarque de M. Béteille est tout à fait fondée et nous nous rallions donc à l'amendement n° 133 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Mes chers collègues, les scrutateurs m'informent qu'il y a lieu à pointage.
Je vais donc différer la communication des résultats du scrutin.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, si l'amendement n° 133 rectifié était adopté, il est fort probable que nous retirerions dans la foulée un certain nombre de nos amendements dont l'objet se rapproche sensiblement du débat que nous avons ouvert. Si nous ne connaissons pas le résultat du vote, nous demanderons des scrutins publics sur tous ces amendements.
Peut-être faudrait-il suspendre la séance et attendre le résultat du scrutin ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il me semble que nous pourrions plutôt passer à un autre sujet et aborder les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 5, ce qui nous permettrait de changer de thématique.
M. le président. Bien volontiers, mon cher collègue ! Je suis partisan de l'efficacité dans la conduite de nos travaux.