Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après les mots : « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité », la fin de l'avant-dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigée : « ainsi qu'aux personnes faisant l'objet de l'une des procédures prévues aux articles L. 222-1 à L. 222-6, L. 312-2, L. 511-1, L. 512-1 à L. 512-4, L. 522-1, L. 522-2 et L. 552-1 à L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou lorsqu'il est fait appel des décisions mentionnées aux articles L. 512-1 à L. 512-4 du même code. »
II. Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. »
III. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de ces dispositions.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet amendement vise à permettre aux personnes qui contestent un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, d'être assistées par un avocat au titre de l'aide juridictionnelle.
Actuellement, l'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique impose aux personnes de nationalité étrangère, non ressortissantes de l'Union européenne, une condition de résidence habituelle et régulière pour bénéficier de l'aide juridictionnelle, sauf dans certaines procédures, comme le recours contre un arrêté de reconduite à la frontière.
Or le refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire a vocation à se substituer à l'arrêté de reconduite à la frontière.
Il était donc nécessaire de prévoir, comme en cas de recours contre un tel arrêté, la possibilité d'obtenir l'aide juridictionnelle sans condition de résidence à l'occasion d'un recours dirigé contre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français.
Par ailleurs, les recours dirigés contre des refus de titre de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français doivent être jugés dans un délai de trois mois, en vertu de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il était donc nécessaire de déroger aux dispositions de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991, qui permettent de demander l'aide juridictionnelle pendant l'instance, en prévoyant de déposer une telle demande au plus tard lors de l'introduction du recours.
Cette dérogation étant propre au recours dirigé contre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, il est apparu préférable de l'introduire dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
L'amendement tire enfin les conséquences de la codification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, en faisant référence, à l'article 3 de la même loi, aux dispositions de même nature qui iront dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, dont l'adoption permettra aux justiciables qui contestent un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français d'être assistés par un avocat rémunéré au titre de l'aide juridictionnelle, ce qui est une bonne chose.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 23 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifié :
I. - Les premier et deuxième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions du bureau d'aide juridictionnelle, de la section du bureau ou de leur président peuvent être déférées, selon le cas, au président de la cour d'appel ou de la Cour de cassation, au président de la cour administrative d'appel, au président de la section du contentieux du Conseil d'État, au vice-président du tribunal des conflits, au président de la commission de recours des réfugiés ou au membre de la juridiction qu'ils ont délégué. Ces autorités statuent sans recours. »
II. - Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré. »
III. - Le dernier alinéa est supprimé.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet amendement uniformise le régime juridique des voies de recours contre les décisions rendues par les bureaux d'aide juridictionnelle.
En effet, en l'état actuel du droit, le demandeur ne dispose d'aucun recours pour contester la décision de refus ou d'admission partielle qui lui a été opposée pour un motif lié au montant de ses ressources. En revanche, un recours est ouvert quand l'aide juridictionnelle est refusée pour un motif juridique.
Cette dualité des voies de contestation est régulièrement dénoncée par les justiciables et les avocats, car elle ne reposerait sur aucun impératif légitime.
En vue d'harmoniser également les décisions rendues par les bureaux d'aide juridictionnelle au sein d'un même ressort, il est apparu nécessaire de porter l'examen des recours au niveau des juridictions du second degré des ordres judiciaire et administratif.
En revanche, les recours contre les décisions rendues par les bureaux d'aide juridictionnelle établis près la Cour de cassation, le Conseil d'État et la Commission de recours des réfugiés demeurent de la compétence de ces juridictions.
Un décret en Conseil d'État fixera les conditions d'application des dispositions prévues par le présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement tend à simplifier les règles applicables aux voies de recours, en les unifiant, quel que soit le motif de la décision rendue par le bureau d'aide juridictionnelle, ce qui va dans le sens d'un meilleur accès à la justice et rend plus lisibles les règles de procédure applicables à l'aide juridictionnelle. Une telle proposition est conforme à la philosophie du texte que nous examinons aujourd'hui.
La commission a donc émis un avis favorable sur l'amendement n° 1.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 64-3 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigé :
« Art. 64-3 - L'avocat assistant une personne détenue faisant l'objet d'une procédure disciplinaire en relation avec la détention a droit à une rétribution.
« Il en va de même de l'avocat assistant une personne détenue faisant l'objet d'une mesure d'isolement d'office ou de prolongation de cette mesure, ou de l'avocat assistant une personne détenue placée à l'isolement à sa demande et faisant l'objet d'une levée, sans son accord, de ce placement.
« L'État affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions ainsi assurées par les avocats. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet amendement vise à tirer les conséquences, en matière d'aide juridique, de la réforme de la procédure d'isolement des détenus introduite par deux décrets du 21 mars 2006.
Cette réforme a permis aux détenus de bénéficier de l'assistance d'un avocat lors de l'audience préalable à la décision d'une mesure de placement d'office à l'isolement et de prolongation de cette mesure ou à l'occasion d'une demande de levée d'un placement en isolement.
Les dispositions actuelles de la loi du 10 juillet 1991 ne permettent pas de rétribuer l'avocat prêtant son concours au détenu dans ce type de procédure. Il était donc nécessaire de compléter les dispositions de l'article 64-3 de cette loi, afin de poser le principe du droit à rétribution de cette mission qui n'est aujourd'hui pas indemnisée.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. À plusieurs reprises, la commission des lois a regretté, notamment dans le cadre de ses avis budgétaires, que certaines missions ne soient pas rémunérées au titre de l'aide juridictionnelle. Elle ne peut donc que se réjouir de l'amendement proposé par le Gouvernement, lequel vise à permettre la rétribution de l'avocat qui prête son concours à un détenu faisant l'objet d'une mesure d'isolement d'office lors de l'audience préalable à la décision.
La commission a donc émis un avis favorable sur l'amendement n° 6.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 2005-1526 du 8 décembre 2005 modifiant la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ratifiée.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. En toute modestie, je pense que, avec cet amendement, je finis en beauté ! (Sourires.) Le présent amendement a en effet pour objet de ratifier, conformément à l'article 38 de la Constitution, l'ordonnance n° 2005-1526 du 8 décembre 2005 prise sur le fondement du I de l'article 6 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Nous ne pouvons que nous féliciter que la commission des lois soit saisie pour examiner la ratification d'une ordonnance relative à un texte qui, précisément, la concerne.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Bien évidemment, la commission a donc émis un avis favorable sur l'amendement n° 2.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet, cela n'arrive pas souvent, et c'est pour cette raison que nous vous félicitons, monsieur le garde des sceaux. Cette configuration a permis à la commission des lois de vérifier que votre ordonnance était parfaitement conforme à ce que nous souhaitions. Je rappelle en effet que le texte ne se transforme en texte de loi que le jour de sa ratification.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, il faut une ratification, implicite ou explicite.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En revanche, monsieur le garde des sceaux, je ne vous adresse pas mes félicitations au sujet de la ratification de l'ordonnance relative aux sûretés qui, parce qu'elle figure au sein d'un texte intéressant la Banque de France, ne sera même pas présentée à la commission des lois !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des lois sur les propositions de loi nos 85 et 86.
Mme Annie David. Le groupe CRC s'abstient.
Mme Catherine Procaccia. Je m'abstiens.
11
PRévention et répression des violences
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 25 de Mme Gisèle Gautier à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité relative au bilan d'application de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre des mineurs.
Cette question est ainsi libellée :
Mme Gisèle Gautier demande à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité de dresser un bilan de l'application de la loi d'initiative sénatoriale n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre des mineurs. Elle l'interroge également sur les suites données aux recommandations adoptées par la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur l'initiative de M. Jean-Guy Branger, dans son rapport d'information établi dans le cadre des travaux préparatoires à cette loi (n° 229, 2004-2005).
La parole est à Mme Gisèle Gautier, auteur de la question.
Mme Gisèle Gautier. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, voilà maintenant bientôt un an, le Parlement adoptait définitivement, à l'unanimité des deux assemblées et à l'issue de travaux très consensuels, une proposition de loi d'initiative sénatoriale renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
Ce texte, dont notre collègue Henri de Richemont était le rapporteur, était issu des conclusions de la commission des lois sur deux propositions de loi sénatoriales déposées respectivement par M. Roland Courteau et plusieurs de nos collègues du groupe socialiste et par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et nos collègues du groupe CRC, tendant toutes deux à lutter contre les violences à l'égard des femmes, notamment au sein du couple.
L'adoption par le Sénat de ce texte s'inscrivait également dans le prolongement des travaux de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui avait déjà choisi, très en amont du dépôt des deux propositions de loi, ce sujet comme thème d'étude.
La délégation a publié, en mars 2005, après avoir mené un large programme d'auditions, un rapport d'information présenté par notre collègue Jean-Guy Branger, dont je salue l'assiduité au sein de la délégation et qui s'est beaucoup investi - il continue, d'ailleurs - dans l'action contre la violence envers les femmes, notamment dans le cadre du Conseil de l'Europe.
Je me félicite que le Sénat ait ainsi été à l'initiative de cette loi, car il était nécessaire que le législateur marque clairement sa volonté de lutter contre ce véritable fléau - le mot est revenu souvent dans la bouche des uns et des autres -, resté trop longtemps tabou, que constituent les violences au sein du couple.
Permettez-moi, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, de m'interroger sur les raisons pour lesquelles Mme Ségolène Royal, en tant que candidate à la prochaine élection présidentielle, a déclaré dernièrement dans la presse : « Si je suis élue, ...
M. Éric Doligé. Par malheur !
Mme Gisèle Gautier. ... ma première loi sera consacrée aux violences faites aux femmes. » Elle a même ajouté : « Je veux que la loi du silence soit levée et que l'État reconnaisse cette criminalité comme une criminalité à part entière. »
M. Paul Girod. Quel silence ?
Mme Gisèle Gautier. Est-ce de l'ignorance de sa part ? Est-ce un manque d'intérêt, jusqu'à présent, à l'égard de ce grave problème ? J'avoue que je suis contrainte de me poser ces questions.
Mme Annie David. La loi actuelle ne va pas assez loin !
Mme Gisèle Gautier. En tout état de cause, j'avoue avoir été atterrée - le terme n'est pas trop fort - par cette déclaration, qui témoigne d'une méconnaissance de dossiers aussi sensibles et des réponses législatives qui ont été apportées par deux gouvernements successifs, ceux de MM. Raffarin et de Villepin.
J'ai été atterrée, disais-je, d'autant plus que les propositions de loi adoptées à l'unanimité - faut-il le rappeler ? - ont été initiées par sa propre famille politique, voilà à peine neuf mois !
Mme Gisèle Gautier. Sans vouloir polémiquer davantage, j'estime que cette déclaration devrait nous inquiéter, en tant que citoyen, et, comme on le dit souvent, nous interpeller !
J'ajoute que la Haute Assemblée a largement débattu de cette problématique et n'a jamais accepté, contrairement aux affirmations de Mme Royal, la loi du silence, bien au contraire ! Lors de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, M. le président du Sénat, M. Poncelet, avait signé solennellement, le 25 avril 2004, à ma demande, la charte « Zéro violence ». D'ailleurs, à cette occasion, chacun d'entre nous, dans cette assemblée, avait porté symboliquement un petit ruban blanc à la boutonnière.
J'abandonne là mes interrogations et mes inquiétudes.
La proposition de loi fut votée le 4 avril 2006 et accompagnée, quinze jours plus tard, d'une circulaire adressée aux magistrats du parquet.
Il m'apparaît autrement plus utile de contrôler l'application des lois existantes que de faire des déclarations précipitées.
Tel est l'objet de la question orale avec débat que j'ai souhaité vous poser, madame la ministre déléguée, et dont la conférence des présidents a bien voulu proposer l'inscription à l'ordre du jour réservé de la Haute Assemblée.
La loi du 4 avril 2006 a tout d'abord renforcé la répression pénale à l'encontre des auteurs de violences commises au sein du couple, en complétant les dispositions qui figuraient déjà dans le code pénal ou qui sont prévues dans d'autres textes, comme la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales ou le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Désormais, le fait que les violences aient été commises au sein d'un couple constitue toujours une circonstance aggravante, que l'auteur de ces violences soit le conjoint, le concubin ou le partenaire de PACS de la victime ; il en est d'ailleurs de même pour un meurtre.
Conformément à l'une des recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, cette circonstance aggravante a été étendue aux violences commises par l'ancien conjoint, concubin ou pacsé de la victime, ce qui est particulièrement judicieux, car les violences les plus graves sont souvent commises par des « ex », après une rupture. En effet, ces personnes sont encore plus virulentes après une séparation.
Par ailleurs, le viol et les agressions sexuelles commis au sein d'un couple, marié ou non, sont désormais reconnus explicitement dans le code pénal ; ils sont également passibles de sanctions aggravées.
En outre, le vol entre époux est dorénavant sanctionné lorsqu'il porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, notamment des documents d'identité ou des moyens de paiement dont la disparition interdit à la victime de s'échapper et de quitter le territoire.
Cependant, il ne suffit pas de prévoir un alourdissement des sanctions pénales si des condamnations ne sont pas prononcées.
À cet égard, il serait intéressant, madame la ministre déléguée, de disposer d'un bilan statistique des condamnations pour violences au sein d'un couple. Dans le cadre de la politique pénale mise en oeuvre par le parquet, il convient aussi de veiller à ce que des suites soient effectivement données aux dépôts de plaintes et qu'une réponse pénale appropriée soit systématiquement et rapidement apportée.
À ce sujet, je souhaite rappeler que la médiation pénale n'apparaît pas toujours adaptée aux affaires de violences au sein du couple, car elle peut être perçue comme mettant sur un pied d'égalité l'auteur des violences et la victime, c'est-à-dire l'agresseur et l'agressé.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
Mme Gisèle Gautier. Nous en avons longuement parlé dans cet hémicycle, car il s'agit d'un point assez controversé.
La loi du 4 avril 2006 a aussi complété les mesures susceptibles d'être prises pour la protection des victimes. Elle a en particulier élargi aux procédures pénales la possibilité d'une éviction du conjoint violent du domicile familial, qui était déjà prévue en matière civile. Le conjoint, concubin ou partenaire pacsé violent, peut ainsi être contraint de quitter le domicile familial, de s'abstenir de paraître à ce domicile ou à ses abords, et, le cas échéant, de faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. Là encore, il importe que ces mesures soient effectivement appliquées.
Madame la ministre déléguée, je souhaiterais que vous nous indiquiez combien de mesures d'éviction du domicile familial ont déjà été décidées en matière pénale.
Ainsi que le demandent, à juste titre d'ailleurs, certaines associations, il serait également intéressant de réfléchir à une meilleure coordination entre les décisions prises respectivement par les juridictions pénales et par les juridictions civiles concernant, par exemple, le règlement d'un divorce ou la garde des enfants, ce qui arrive fréquemment, lorsqu'on se trouve dans un contexte de violences au sein du couple.
La loi du 4 avril 2006 comporte également des dispositions n'ayant pas de caractère pénal.
Sur l'initiative du Sénat, en particulier de notre collègue M. Robert Badinter, le respect a été inscrit parmi les devoirs réciproques des époux énumérés par le code civil, ce qui revêt une forte valeur symbolique.
Dans le souci de lutter contre les mariages forcés, et conformément à une recommandation de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, le Sénat a également pris l'initiative de relever de quinze ans à dix-huit ans l'âge légal minimum du mariage pour les filles. L'Assemblée nationale a ensuite complété cette mesure par une série de dispositions tendant à mieux lutter contre les mariages forcés, notamment en renforçant la protection de la liberté du consentement, dont l'application devra faire l'objet d'un suivi attentif.
Toutefois, les mesures nécessaires à une lutte efficace contre les violences au sein des couples ne relèvent pas toutes de la loi ; elles relèvent également de dispositions réglementaires ou d'actions concrètes des pouvoirs publics, voire d'une évolution des mentalités.
C'est pourquoi, madame la ministre déléguée, j'ai également souhaité vous interroger sur les suites données à l'ensemble des recommandations formulées en ce sens par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le rapport d'information qu'a présenté notre collègue Jean-Guy Branger.
Mme Gisèle Gautier. La délégation, qui souhaite systématiser le suivi de ses recommandations - après tout, à quoi servirait-elle si ses recommandations n'étaient pas prises en compte ? -, vous a déjà interrogée sur ce sujet au printemps dernier. Vous avez bien voulu nous répondre par écrit et nous avons reproduit ces informations dans notre dernier rapport d'activité.
La délégation avait tout d'abord souhaité que des études statistiques puissent être menées à bien pour parvenir à une meilleure connaissance quantitative du phénomène des violences conjugales, encore largement méconnu alors, ainsi que pour évaluer leur coût budgétaire et social. Madame la ministre déléguée, avez-vous de nouveaux éléments d'information à nous fournir sur ce point ?
Afin d'améliorer les conditions de prise en charge des victimes, la délégation avait appelé de ses voeux la mise en place d'une formation adaptée pour les différents professionnels concernés : magistrats, policiers, gendarmes ou encore membres des professions de santé. Le développement de la formation initiale comme de la formation continue, est en effet d'autant plus nécessaire que l'accueil des femmes victimes de violences au sein de leur couple nécessite une grande maturité professionnelle et humaine.
Il semble bien, d'après ce que j'ai entendu dire sur le terrain, que nous connaissions une amélioration significative.
Mme Gisèle Gautier. Sur ce point encore, j'aimerais avoir une réponse précise afin que nous soyons complètement éclairés.
La délégation avait également souhaité que les conditions d'accueil des femmes victimes de violences dans les commissariats puissent être améliorées,...
Mme Gisèle Gautier. ... notamment par la mise en place de permanences tenues par les associations d'aide aux victimes.
En outre, elle avait souligné la nécessité de développer des structures d'hébergement adaptées pour les femmes contraintes de quitter leur domicile afin de fuir leur conjoint violent, qu'il s'agisse d'un hébergement d'urgence ou d'un hébergement de plus longue durée. Celui-ci peut être envisagé dans un établissement spécialisé ; il est aussi expérimenté dans des familles d'accueil - peu nombreuses -, par exemple à la Réunion.
Enfin, la délégation avait relevé l'intérêt de la mise en place, en liaison avec les associations et sous la forme de groupes de parole, d'une prise en charge des hommes violents permettant à ces derniers d'avoir une réflexion sur les causes de leur comportement.
Madame la ministre déléguée, je sais que vous menez une politique volontariste dans ce domaine, notamment dans le cadre d'un plan global de lutte contre les violences faites aux femmes, et que vous avez déjà engagé un certain nombre d'actions concrètes. Sans doute nous apporterez-vous de nouvelles précisions sur ces actions ?
L'enjeu de cette lutte est d'importance pour notre société dans son ensemble. On ne peut continuer à tolérer l'intolérable, d'autant que les enfants témoins de violences conjugales en souffrent aussi et reproduisent le même schéma une fois arrivés à l'âge adulte.
Pour combattre efficacement ce fléau, il n'est pas de bonne méthode d'empiler les réformes législatives...
Mme Gisèle Gautier. ... sans se soucier, ou sans paraître se soucier, de l'application concrète des lois qui existent déjà.
Mme Gisèle Gautier. C'est la raison pour laquelle je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien m'apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Madame la ministre déléguée, je me réjouis que la question de notre collègue Mme Gisèle Gautier nous donne l'occasion de vous interroger sur l'application de la loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre des mineurs, texte promulgué voilà plus de huit mois.
Cette loi a aggravé les sanctions et élargi leur champ d'application aux concubins, aux pacsés et aux ex-compagnons. Elle a pris en compte le viol et le vol entre époux ainsi que les mutilations sexuelles, et a prévu des dispositions pour mieux protéger les jeunes filles contre un mariage forcé. On ne peut qu'être d'accord avec cette amélioration de la prise en compte des violences commises, la plupart du temps, contre les femmes, mais il en existe aussi contre les hommes.
Dans mon intervention du 29 mars 2005, lors de la première lecture du texte au Sénat, j'avais souhaité que cette loi soit appliquée rapidement. Près de deux années plus tard, où en sommes-nous ?
Les chiffres de 2006 ne sont pas rassurants : 113 homicides, soit un tous les trois jours, ont concerné très majoritairement des femmes et quelques-uns des hommes violents tués par leur compagne. À la suite de ces drames, 26 personnes se sont suicidées, 11 ont tenté de le faire, 10 enfants ont été tués. Cela porte à 160 en un an le nombre des victimes de ce fléau !
Par ailleurs, un million trois cent mille femmes auraient été, dans leur vie de couple, confrontées à des violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles.
Le coût global de ces situations s'élève à 1 milliard d'euros, qui inclut entre autres 383 millions d'euros pour des frais d'hospitalisation, de consultation et de médicament, 232 millions d'euros pour des frais de police, de justice et d'incarcération, 89 millions d'euros pour des frais de relogement et de prestations sociales. Ce bilan 2006 n'est pas encourageant !
Nous savons, madame la ministre déléguée, qu'un certain nombre de mesures se sont mises en place au début de cette année et que vous travaillez à améliorer la prise en compte de cette grave question. Mais on voit aussi que cette loi, dont le titre évoque prévention et répression, s'attache plus, pour l'instant, à la répression. Je ne nie pas son importance, mais, pour les victimes, quand la sanction à l'encontre de leur conjoint intervient, le chemin parcouru a été bien long et beaucoup d'entre elles ne trouvent pas ou n'ont pas encore trouvé l'écoute attentive, l'encouragement à réagir, la certitude rassurante qu'elles seront soutenues et aidées.
Par conséquent, j'aimerais savoir ce qui est prévu ou ce qui a déjà été fait dans le domaine de la prévention. En particulier, l'accueil dans les gendarmeries et les commissariats est-il fait par des femmes ? par des personnes spécifiquement formées ? par des personnes ayant déjà une bonne expérience de la vie d'adulte ?
S'agissant de la sensibilisation des magistrats, où en est la formation spécifique ? Envisage-t-on la création d'une juridiction de genre, comme en Espagne ? Je rappelle que, dans ce pays, où 150 000 plaintes ont été enregistrées en un an, des tribunaux spécialisés dans les violences à l'encontre des femmes ont été créés.
En France aussi, il s'agit d'un contentieux massif qui nécessite des juges spécifiquement formés. Ces tribunaux permettraient de mieux articuler les décisions pénales, comme la sanction des violences, et les décisions civiles, comme la garde des enfants. Aujourd'hui, ces décisions sont prises par des magistrats différents et on sait qu'elles sont parfois contradictoires.
J'aimerais aussi savoir ce qui est concrètement prévu ou réalisé pour la formation du milieu médical, pour l'implication des associations et des intervenants sociaux auprès des services de police et de gendarmerie, pour l'édition d'un code du droit des femmes et pour l'instauration d'un numéro d'appel unique.
D'autres questions déjà posées lors de mes deux interventions précédentes sont restées sans réponse. Elles concernent d'abord la sensibilisation, dès le tout jeune âge, au respect de l'autre, en particulier le respect des garçons à l'égard des plus faibles, dont les filles. Elles concernent ensuite la diffusion des spots de sensibilisation. Sont-ils diffusés dans les lycées ? Si ce n'est pas le cas, peut-on envisager de le faire ? Elles concernent enfin la violence inadmissible exercée par les grands frères sur les petites soeurs. A-t-on des chiffres ?
Le phénomène des violences au sein des couples n'est pas en régression. La répression seule ne dissuadera pas un homme violent, car, au moment de lever la main sur sa compagne, il ne se dira pas : « Attention ! Je vais être passible d'une circonstance aggravante. ».
L'éducation au respect de l'autre et de sa dignité, la prise de conscience par les femmes de leur valeur et de leurs droits, sont des voies qui doivent être beaucoup plus exploitées. Il y va de l'équilibre de notre société. Madame le ministre déléguée, nous comptons sur vous pour nous éclairer sur ce qui a déjà été fait et pour continuer à avancer rapidement et efficacement dans ce qui reste à faire. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Guy Branger.
M. Jean-Guy Branger. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier Mme Gisèle Gautier d'avoir posé cette importante question.
Membre de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, j'ai été élu par ailleurs représentant du Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Au sein de cette assemblée, je suis membre de la Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes et je voudrais faire connaître l'activité de cette importante commission.
À l'occasion de la campagne du Conseil de l'Europe pour combattre la violence contre les femmes, j'ai été désigné par le président du Sénat, M. Christian Poncelet, comme « parlementaire de référence » pour la mise en oeuvre de la résolution sur « les Parlements unis pour combattre la violence domestique contre les femmes ».
J'ai été élu par mes collègues coordonnateur régional du groupe des parlementaires de référence représentant neuf États : outre la France, la Belgique, le Liechtenstein, Monaco, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suisse, l'Irlande et le Royaume-Uni.
Investi de ces responsabilités, qui sont relativement importantes si l'on veut bien accomplir sa mission, j'ai donc participé, le 27 novembre dernier, au lancement de la campagne du Conseil de l'Europe à Madrid, où je vous ai vue, madame la ministre déléguée. J'ai en particulier été amené à récapituler toutes les initiatives prises par notre gouvernement dans ce domaine. Il est bon, je crois, de les rappeler, compte tenu de ce que j'entends ici et là.
Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, vous avez fait une importante communication au conseil des ministres du 22 novembre 2006 en vue de la campagne du Conseil de l'Europe. L'urgence de la lutte contre les violences domestiques ne peut pas être masquée puisque, en 2005, on a encore constaté 113 meurtres. Devant cette urgence, les lois du 12 décembre 2005 et du 4 avril 2006 ont consacré cette lutte comme étant une priorité du gouvernement français.
Le renversement, au profit de la victime, du droit au maintien dans les lieux, et donc de l'éviction de l'auteur de violences, à l'instar de la plupart des législations européennes récentes, est l'un des progrès obtenus.
Je citerai encore l'extension de la qualification de circonstances aggravantes au conjoint pacsé ainsi qu'à l'ex-conjoint.
Ces mesures légales s'accompagnent d'une formation des personnels de gendarmerie comme de police, ainsi que des médecins généralistes, à l'accueil et à l'écoute des victimes.
Des précisions sur ces différents points vous ont été demandées, madame la ministre déléguée. Je sais que vous ne manquerez pas de nous les donner.
Le soutien financier aux associations est également accru. Des dispositions relatives au droit à l'assurance chômage et au bail commun visent également à protéger la victime qui choisit de changer de travail et de domicile. Un numéro d'appel unique permet de mettre en oeuvre toutes les mesures médico-sociales nécessaires.
Enfin, à l'instar de l'approche luxembourgeoise, une place est désormais faite, à côté de la répression, à la prévention de la récidive, en favorisant une modification du comportement de l'agresseur.
Vous me permettrez d'ajouter quelques observations personnelles à cette récapitulation, fondées sur le constat, qui est à mes yeux plus qu'une coïncidence, qu'il existe un parallélisme entre démocratie et lutte contre la violence domestique.
La violence intrafamiliale doit être vigoureusement combattue en vue de son éradication. Il ne s'agit nullement d'un phénomène de mode s'inscrivant dans une victimisation généralisée, alléguée par certains tenants des gender studies. Il s'agit encore moins de souligner le coût financier de cette forme de violence, comme on le ferait pour n'importe quel fléau social, pour les cancers ou les accidents de la route. Il s'agit de combattre une violence qui s'exprime par la brutalité de la force physique aux dépens des mères, des compagnes, des jeunes filles et même des fillettes.
La violence domestique ne reste jamais confinée dans le cercle familial : elle est une école de la violence sociale. Un jeune qui aura été le témoin au sein de sa propre famille de violences exercées contre sa mère et/ou ses soeurs intégrera que la subordination des femmes et la brutalité des hommes sont naturelles et qu'elles sont, par conséquent, une affaire privée. Certaines traditions n'en font-elles pas d'ailleurs un comportement légitime ?
Il faut bien entendu que les autorités publiques protègent les victimes individuelles et que la justice réprime les comportements inadmissibles. Mais la famille, qui forme les hommes et les femmes de demain, doit aussi être le premier foyer du respect de chacun avant que l'école ne prenne le relais.
La civilisation, quelle que soit la forme qu'elle présente, c'est d'abord et toujours le dépassement de la loi du plus fort. La civilisation, c'est la substitution du débat à la force physique ; la civilisation, c'est la renonciation aux rapports de force interindividuels pour leur substituer le respect de la personne humaine et de ses droits inaliénables, égaux et universels.
Il est primordial que ces principes fondamentaux soient inculqués dès l'enfance aux futurs citoyens européens, ainsi qu'à ceux qui se sont installés chez nous.
La vie en société comporte inévitablement le renoncement à ce que les psychanalystes appellent la toute-puissance infantile. La famille patriarcale archaïque reposait sur un certain équilibre : aux hommes les travaux extérieurs exigeant de la force physique, aux femmes les soins des enfants et les travaux domestiques, dont dépendaient tout autant la survie du groupe : cuisine, fabrication des vêtements, des conserves, notamment. La mécanisation de toutes ces tâches, des plus dures aux plus coutumières, ne justifie plus la répartition traditionnelle qui a longtemps fondé une asymétrie juridique.
La perpétuation d'un statut d'infériorité, devenu complètement obsolète, est désormais insupportable, car il est en contradiction avec l'évolution de nos sociétés et avec les valeurs consacrées par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En effet, les sociétés européennes rassemblent des hommes et des femmes qui ont vocation à exercer les mêmes métiers, en étant titulaires des mêmes diplômes.
La survivance du schéma patriarcal au sein des familles ne peut que générer des tensions. Lorsque les hommes de la famille sont tentés d'exprimer leurs frustrations sociales par des gestes violents contre les femmes, ils lèsent évidemment des personnes à qui ils dénient le respect de leurs droits. En outre, comme je le disais, cette violence ne restera pas confinée au seul cadre familial. Les garçons qui auront été témoins des violences contre les femmes de leur famille risquent, par réflexe, de recourir à la brutalité pour régler tout différend, sur fond de refus de ces compromis dont est pourtant tissée toute vie collective et du principe d'égalité entre toutes les personnes humaines.
Voici pourquoi je me félicite que le Conseil de l'Europe se soit donné comme mission primordiale, avec l'appui des parlements nationaux, la lutte contre la violence domestique. Il y va non seulement de la protection des femmes, mais également de tout l'équilibre de nos sociétés.
Par ailleurs, je rappelle que la violence domestique ne doit pas être combattue seulement lorsqu'elle se marque par des traumatismes physiques. Le plein respect du principe d'égalité nous impose de lutter tout autant contre des formes de violences plus insidieuses.
Je pense ici aux mutilations sexuelles, que l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, relayée par Amnesty international, a plusieurs fois condamnées comme des violences inadmissibles. À cet égard, les tribunaux français sont exemplaires.
Je pense également aux mariages forcés imposés à de toutes jeunes filles, qui, pour elles, ne sont rien d'autre que des viols. Le Gouvernement et le Parlement français viennent judicieusement de relever à dix-huit ans l'âge du mariage, pour les filles comme pour les garçons, et de renforcer la législation pour empêcher les mariages précoces, souvent imposés.
J'appelle encore notre gouvernement à lutter avec détermination contre la polygamie, qui est toujours une violence contre les femmes. L'INSEE évalue à 10 000, peut-être à 20 000, le nombre de foyers polygames. Au total, de 100 000 à 200 000 personnes seraient concernées.
On nous invite à prendre en considération le devenir sombre des enfants de ces foyers, qui forment le gros des bataillons de l'échec scolaire et de l'exclusion professionnelle. La « décohabitation », qui requiert autant de logements sociaux que d'épouses, ne peut être une réponse de fond à ce problème.
J'ai le souvenir d'un imam autoproclamé de la région lyonnaise qui justifiait la violence physique des maris contre leurs femmes et qui, en même temps - mais est-ce un hasard ? -, avait deux épouses qu'il condamnait à la réclusion, alors qu'il vivait chez une troisième femme. Il avait seize enfants, dont la charge était laissée à la collectivité.
Violences physiques et violences psychologiques sont également destructrices pour toutes les victimes, femmes et enfants.
Je suis déjà intervenu avec force sur les violences psychologiques faites aux femmes au cours de nos débats. Il nous faudra revenir ensemble sur ce sujet.
Enfin, je conclurai en invitant nos gouvernements à lutter contre une forme muette de violence, mais qui a d'importantes conséquences : l'inégalité dans l'accès au savoir.
Priver une jeune fille de l'instruction et de la formation professionnelle, donc de toute autonomie, c'est la condamner à la soumission et donc la désigner comme la victime des excès potentiels d'un compagnon auquel elle ne pourra échapper.
J'ai encore le souvenir d'un père de famille qui refusait d'envoyer ses filles à l'école, non sans prendre soin de réclamer les allocations de rentrée scolaire ! Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre déléguée, que l'obligation scolaire est désormais correctement contrôlée ?
Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, telle est l'approche que j'ai proposée, au nom du groupe des neuf pays qui m'ont élu, pour le lancement de la campagne du Conseil de l'Europe. Telles sont également les observations que je souhaitais vous soumettre, que je veux utiles pour toutes les femmes européennes et qui seront la source d'un message de respect, universel comme le principe d'égalité.
Madame la ministre déléguée, je vous ai écoutée à Madrid, lors du lancement de cette campagne et je sais pouvoir compter sur votre engagement. Vous nous l'avez dit, votre intervention a été grandement appréciée par l'ensemble des participantes et des participants. Vous pouvez également compter sur nous pour faire de 2007 une année importante en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, particulièrement les violences domestiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour établir un état des lieux de l'application de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
Gisèle Gautier l'a rappelé, cette loi est issue de propositions de loi que nous avons déposées, mon groupe et moi-même, ainsi que nos collègues socialistes, dès l'automne 2004. À l'Assemblée nationale, nos collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains avaient déposé cette même proposition de loi dès le mois d'octobre 2003. Nous attendions donc avec impatience que le Gouvernement se saisisse du problème des violences conjugales.
Aujourd'hui, la loi adoptée en avril 2006 est en vigueur. Mais deux questions se posent : correspond-elle à nos attentes et surtout à celles des victimes ? Est-elle réellement appliquée ?
À la première question, je réponds par la négative. C'est pour cette raison que, avec d'autres, notamment avec des associations qui ne sont pas satisfaites de cette loi, je travaille à l'élaboration d'une autre proposition de loi qui irait beaucoup plus loin.
La philosophie de la loi du 4 avril 2006 repose essentiellement sur une aggravation des sanctions à l'encontre des auteurs de violences conjugales. Le Gouvernement nous a expliqué, lors de l'examen du texte en mars 2005, que la réponse à la violence passait par le droit et le renforcement des sanctions. Notre postulat de départ est quelque peu différent. C'est d'ailleurs ce qui nous a conduits à ne pas proposer d'aggravations des sanctions.
En effet, les violences conjugales ne peuvent être comparées aux autres cas de violences contre des personnes. Elles sont fondées sur un processus psychologique différent et sur un rapport inégalitaire entre l'homme et la femme au sein du couple. Le rapport Henrion de février 2001 décrit parfaitement le processus des violences conjugales : ces violences « se distinguent des simples conflits entre époux ou concubins ou même des conflits de couples en difficulté ou "conjugopathie" par le caractère inégalitaire de la violence exercée par l'homme qui veut dominer, asservir, humilier son épouse ou partenaire ».
Ce n'est donc pas un hasard si la femme qui subit ces violences n'a parfois pas le sentiment d'être une victime. Il arrive même qu'on la tienne pour responsable de ces violences et que l'on considère qu'elle a provoqué la situation. Ensuite, elle ne ressent ni le besoin de se défendre ni celui de se plaindre des sévices qu'elle subit. Au contraire, elle éprouve de la honte et de la culpabilité.
Ce sentiment de honte et de culpabilité a longtemps été entretenu par la tolérance dont la société a fait preuve envers les agresseurs et les violences conjugales. « C'est un problème de couple », « Cela ne nous regarde pas », « C'est une simple scène de ménage », telles furent longtemps les phrases employées pour caractériser ces violences et servir d'excuse à la société pour ne pas considérer les violences conjugales comme un trouble à l'ordre public.
De ce point de vue, nous assistons à un retournement de situation inespéré. On ne porte plus aujourd'hui un regard tolérant sur ces violences. De même, on ne méprise plus les femmes qui en sont victimes.
Néanmoins, il ne faut jamais oublier que les violences au sein du couple se produisent toujours dans le cadre d'un schéma psychologique d'emprise, de domination, d'humiliation entretenu par l'agresseur.
De ce fait, l'accompagnement des victimes et la formation des professionnels susceptibles d'être confrontés à ces femmes victimes sont essentiels. Telle est la position que nous n'avons cessé de défendre, que ce soit dans notre proposition de loi ou lors des débats en mars 2005 et en janvier 2006, tout en encourageant le recours aux dispositions législatives existantes.
Il est d'autant plus difficile pour une femme victime de violences au sein de son couple de réagir qu'elle est économiquement dépendante de son conjoint : envisager de le quitter est alors presque impossible. C'est pour cette raison que nous avions déposé des amendements tendant à permettre aux victimes, notamment celles dont les revenus sont inférieurs à 75 % du SMIC, d'être financièrement autonomes, grâce à la solidarité nationale.
Nous insistions également, et nous continuons de le faire, sur le renforcement de la formation des professionnels de santé, des magistrats, des policiers et des gendarmes, de toutes celles et de tous ceux qui sont amenés à rencontrer des femmes victimes de violences conjugales.
En effet, le sentiment de honte influe énormément sur les démarches et les recours entrepris par les femmes auprès des institutions.
D'une part, il n'est pas aisé pour elles de se livrer. Les résultats de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France de 2000 ont souligné l'occultation des violences conjugales et le silence dont celles-ci sont entourées de la part des victimes elles-mêmes.
Je citerai l'un des constats de cette enquête : « Les femmes ont beaucoup plus faiblement parlé avec d'autres personnes des violences subies au sein de leur couple. Le constat d'un faible recours aux institutions en découle logiquement. Il y a plus de réticences à signaler les brutalités d'un conjoint que celles de toute autre personne : 13 % des cas de violences conjugales, contre 43 % dans les espaces publics et 32 % au travail ».
Les campagnes d'information, telles que les campagnes télévisuelles et d'affichage que nous avons pu voir, sont donc essentielles sur ce plan, afin que les femmes victimes de violence sachent qu'elles peuvent briser le silence auquel elles se condamnent.
D'autre part, nous voyons bien comment, du côté des professionnels de santé ou de justice, il n'est pas aisé non plus d'interpréter des paroles ou des attitudes qui pourraient traduire une situation de violences conjugales. Il est donc essentiel, là aussi, une fois que les femmes ont trouvé le courage de briser le silence, qu'elles puissent parler en toute confiance à une personne attentive, qui sache trouver les mots justes et ensuite engager les actions adéquates.
Cette attitude de la part des professionnels n'est pas forcément spontanée. La formation est donc essentielle, mais, à chaque fois que nous avons formulé une telle proposition, elle a été rejetée. C'est d'autant plus regrettable que c'était également l'une des recommandations formulées par la Délégation aux droits des femmes.
Pourtant, nous l'avons souligné dans les travaux de la Délégation, la seule approche répressive ne peut être satisfaisante pour limiter le phénomène des violences conjugales. Seule une approche globale permettra de lutter efficacement contre ces violences.
Au-delà des professionnels, prévoir dès l'école maternelle une initiation au respect de l'égalité entre les hommes et les femmes s'avère nécessaire afin de réduire, à l'avenir, l'influence de certains phénomènes sociaux sur la violence masculine à l'égard des femmes. Une fois encore, une telle proposition a été rejetée, et nous le regrettons vivement.
Par conséquent, les différents intervenants, que ce soient les professionnels de santé, l'éducation nationale, les services de police et de gendarmerie, les collectivités territoriales ou les associations, doivent impérativement mutualiser leurs actions pour les rendre plus efficaces.
Je considère que ce n'est pas l'esprit qui a guidé la majorité et le Gouvernement lors de l'examen du texte qui allait devenir la loi du 4 avril 2006. Néanmoins, parce qu'il marquait une étape essentielle dans la reconnaissance des violences faites aux femmes, notre groupe a voté ce texte, en émettant quelques réserves et en insistant sur le fait que nous serions particulièrement attentifs à sa mise en oeuvre effective.
Nous demandons donc au Gouvernement, madame la ministre, de faire le bilan de l'application ou non de certaines dispositions de la loi. Ces éclaircissements sont d'autant plus nécessaires que les chiffres concernant les femmes victimes de violences au sein de leur couple sont toujours élevés : une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon.
Une étude sur les coûts budgétaire et social de ces violences, notamment leurs conséquences en matière d'arrêt de travail, d'assurance, de protection policière, de soins, de traitement judiciaire, de logement, de prise en charge des enfants, etc., a été confiée au Centre de recherches économiques, sociologiques et de gestion, avec, comme première étape, un rapport qui devait être rendu fin 2006. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Alors que la justice commence à prendre la mesure de ces violences, nous aimerions savoir dans quelle proportion est utilisée la possibilité pour le procureur de la République, dans le cadre de la composition pénale, et pour le juge d'instruction, dans le cadre du contrôle judiciaire, d'éloigner le conjoint violent du domicile conjugal.
Est-il prévu que l'initiative du parquet de Douai soit davantage généralisée ? L'expérience qui y est menée n'est pas dénuée d'intérêt. Dans cette juridiction, les hommes violents sont systématiquement mis en garde à vue et nombre d'entre eux sont placés pendant quinze jours dans un foyer où ils sont tenus de participer à des groupes de paroles.
M. Roland Courteau. Nous avions déposé un amendement en ce sens qui n'a pas été adopté !
Mme Annie David. Plusieurs parquets se sont inspirés de cette expérience, tels que ceux de Senlis ou de Bordeaux. D'autres parquets sont-ils intéressés ?
S'agissant des statistiques éditées par le ministère de l'intérieur, nous demandions que celles-ci soient sexuées afin de pouvoir dénombrer le nombre de femmes victimes de violences commises au sein de leur couple.
Le 1er février 2005, la Délégation aux droits des femmes auditionnait Michel Gaudin, directeur général de la police nationale au ministère de l'intérieur. Celui-ci nous avait alors indiqué que l'outil statistique ne permettait pas d'isoler les violences conjugales incluses dans la rubrique des coups et blessures volontaires. Il avait toutefois précisé qu'un nouvel outil informatique, appelé système de traitement des infractions constatées, ou STIC-Ardoise, offrirait des statistiques intégrant ce paramètre et devrait être opérationnel en 2007. Pouvez-vous nous dire où en est la mise en oeuvre de ce projet ?
Cette demande d'établir des statistiques sexuées était d'ailleurs formulée par la Délégation aux droits des femmes. Cette dernière recommandait également que soient actualisés les résultats de l'ENVEFF de 2000. Nous saluons le fait qu'une enquête ait été réalisée sur deux ans - en 2003 et en 2004 - à la demande du ministère en charge de la parité par l'ENSAE Junior Études, recensant les morts violentes survenues au sein du couple. Nous encourageons de telles études et souhaitons qu'un travail aussi sérieux que celui qui a été réalisé par l'ENVEFF soit régulièrement effectué.
M. Michel Gaudin nous avait parlé de la mise en place de stages de formation professionnelle pour les policiers amenés à recevoir des femmes victimes de violences conjugales. Qu'en est-il aujourd'hui ? Ont-ils été mis en place ? Si oui, combien de policiers ont-ils pu en bénéficier ?
Pour ce qui est de l'accueil des femmes victimes de violences conjugales, la Délégation recommandait de coordonner le réseau d'accueil et de prise en charge des victimes en y intégrant les collectivités territoriales, en particulier les communes.
Une circulaire du 24 mars 2005 a demandé aux préfets, en collaboration avec les collectivités territoriales et le secteur associatif, un diagnostic partagé des réponses offertes et des besoins à satisfaire en matière d'accueil, d'hébergement et de logement des femmes victimes de violences. Cette circulaire a-t-elle été suivie d'effets ?
Enfin, la loi du 4 avril 2006 prévoit que le Gouvernement déposera tous les deux ans un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples.
M. Roland Courteau. C'était l'un de nos amendements !
Mme Annie David. Nous espérons que cet engagement sera tenu, quel que soit le Gouvernement en place l'année prochaine.
Nous attendons de la part du Gouvernement des réponses précises à toutes ces questions et observations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parce que vous savions que les violences envers les femmes au sein du couple constituent un phénomène massif qui touche un nombre important de femmes de tous âges, de tous milieux et de toutes origines, nous avions déposé, le groupe socialiste et les Verts, en novembre 2004, une proposition de loi visant à lutter contre ce fléau et contre certaines discriminations dont les femmes font l'objet.
Nous avions d'ailleurs rappelé qu'il s'agissait d'un préalable à tout approfondissement de l'égalité entre les sexes. Nous étions quelques-uns à penser qu'il était temps, en effet, que la France, pays des droits de l'homme, pays où l'égalité figure dans la devise et parmi les principes fondamentaux, ait le courage de dénoncer cette situation, comme avaient su le faire avant nous d'autres pays, comme l'Espagne.
Je remercie le Sénat d'avoir bien voulu inscrire les propositions de loi n° 62 du groupe socialiste et n° 95 du groupe CRC à l'ordre du jour de ses travaux. Je remercie également la commission des lois, son président et son rapporteur. Je n'oublie pas non plus de saluer le rôle ô combien ! important qui fut celui de Michèle André, vice-présidente du Sénat, sur ce dossier.
Enfin, relevons une fois encore, pour mieux souligner l'importance du moment, que c'était la première fois de son histoire que le Parlement se saisissait de ce problème majeur de société.
Certes, la loi du 4 avril 2006, qui est issue de nos différentes propositions de loi et amendements, ne changera pas en quelques semaines, voire en quelques mois, les mentalités.
M. Roland Courteau. Raison de plus, avais-je souligné alors, pour agir sans plus attendre.
Cela dit, même s'il reste encore du chemin à parcourir, la loi du 4 avril 2006 constitue un grand pas et une avancée sans précédent, de l'avis même d'un très grand nombre d'associations et de professionnels concernés par le fléau des violences domestiques. Les uns et les autres ne manquent pas de souligner que, grâce à cette loi, les choses ont commencé à bouger.
Bien évidemment, je regrette qu'une grande partie du volet préventif et du volet concernant l'aide aux victimes de notre proposition de loi ait été occultée soit au nom de la séparation de la loi et du règlement, soit en raison du manque de volonté du Gouvernement de débloquer les fonds nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions préventives et d'aide aux victimes.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Roland Courteau. Je reviendrai ultérieurement sur les nécessaires compléments qu'il conviendra d'apporter au traitement de ce problème gravissime.
Pour le reste, c'est-à-dire pour les dix-huit articles de cette loi, je n'ai jamais entendu la moindre critique de la part des associations de terrain - je parle de celles qui sont impliquées totalement sur ce dossier, nuit et jour, 365 jours sur 365 -, qu'il s'agisse des modifications apportées au code civil sur l'âge légal du mariage des femmes fixé à dix-huit ans ou de l'introduction de la notion de respect à l'article 212 ; qu'il s'agisse des mesures visant à lutter contre les mariages forcés ou relatives à l'introduction du principe de l'aggravation de la peine pour des faits commis au sein du couple, tant par le conjoint, le concubin ou le partenaire pacsé, que par l'ex-conjoint, l'ex-concubin ou l'ex-partenaire ; ou qu'il s'agisse enfin du renforcement des mesures d'éloignement du domicile de l'auteur des violences, qui est considéré comme une mesure phare, ou encore de l'incrimination du viol au sein du couple.
Pour résumer mon propos, dès lors que le Parlement, à l'unanimité et dans un consensus général, a adopté les dix-huit articles qui sont d'ores et déjà applicables depuis le 4 avril 2006, la première urgence qui s'impose concernant ce texte est non pas, dans l'immédiat, d'ordre législatif, mais plutôt d'ordre financier : il s'agit de faire en sorte que soient donnés les moyens financiers nécessaires pour une bonne application du dispositif législatif adopté.
Cela n'exclut pas que nous devrons apporter un certain nombre de compléments en matière de prévention, d'aide aux victimes et aux enfants témoins de violences, ou encore en matière de soins aux auteurs de violences.
Je n'insisterai donc pas davantage sur l'ensemble des mesures figurant dans la loi du 4 avril 2006 et qui ont été adoptées à l'unanimité par le Parlement.
En revanche, il me paraît important de m'attarder sur les problèmes rencontrés en matière d'hébergement des victimes, faute de places en nombre suffisant, surtout en accueil d'urgence de nuit. Il s'agit là d'une question récurrente, qui a été soulevée dans bon nombre de départements où j'ai pu me déplacer.
M. Roland Courteau. Plusieurs responsables de la gendarmerie ou de la police ont attiré mon attention sur les énormes difficultés qu'ils rencontrent, notamment la nuit, pour héberger, entre autres, les femmes en détresse.
Il reste également à résoudre, en différents endroits, la question des centres de soins pour les auteurs de violences. Cet autre point est important, si l'on veut véritablement réduire le taux de récidive.
Voilà, me semble-t-il, l'une des toutes premières urgences à satisfaire, madame la ministre : assurer les financements nécessaires à la création de places d'hébergement ou de places en accueil d'urgence.
Je faisais remarquer, il y a quelques instants, que la loi du 4 avril 2006 constituait une réelle avancée. Cela m'est confirmé dans nombre de communes ou de départements où je suis invité à commenter cette loi, tant auprès des associations que des élus ou des populations.
Cependant, nous ne devrons pas faire l'économie de nouvelles mesures législatives ou réglementaires dans les délais les plus brefs.
Concernant les propos relatifs à Mme Royal, propos agressifs s'il en est, voire violents (Protestations sur les travées de l'UMP.),...
M. Henri de Raincourt. Des propos bien polis !
M. Roland Courteau.... je répondrai calmement : je crois savoir que Ségolène Royal a surtout voulu dire...
M. Éric Doligé. Il faut une traduction !
M. Roland Courteau... que la loi du 4 avril 2006 était une bonne chose, mais qu'elle n'allait pas assez loin,...
M. Jean-Pierre Bel. Bien sûr !
M. Roland Courteau... puisque certaines dispositions que nous avions proposées dans cet hémicycle n'ont été retenues ni par la majorité du Sénat ni par celle de l'Assemblée nationale.
Mme Janine Rozier. Ce n'est pas ce qu'elle a dit !
M. Roland Courteau. Je rappelle également que Mme Royal s'est toujours intéressée aux violences conjugales. (Mme la ministre déléguée s'exclame.)
Mme Gisèle Gautier. Nous ne l'avons jamais entendue !
M. Roland Courteau. Je vous le dis en confidence, je lui ai même emprunté une disposition qui figurait dans une proposition de loi sur ce sujet dont elle était la première signataire. Il fallait rétablir la vérité sur ce sujet : voilà qui est fait !
M. Jean-Pierre Bel. Très bien !
M. Roland Courteau. Ainsi avons-nous besoin d'une action vigoureuse à tous les niveaux, allant de la prévention jusqu'au suivi des victimes et des auteurs de violences. Il nous faut donc agir non seulement en amont afin de prévenir la violence, mais également en aval pour éviter la récidive des autres violences et accompagner véritablement les victimes.
Sur ces deux points, je le répète, ni le Gouvernement, ni le Sénat, ni l'Assemblée nationale d'ailleurs, n'ont, hélas ! suivi les mesures que nous suggérions soit dans le cadre de notre proposition de loi, soit par voie d'amendements.
J'en viens maintenant à quelques remarques.
S'agissant de la prévention, j'ai évoqué à plusieurs reprises l'urgente nécessité de faire évoluer les mentalités. Nos propositions visaient à agir le plus en amont possible - et donc d'abord à l'école -, car, dès le plus jeune âge, les garçons et les filles sont enfermés dans des représentations très stéréotypées de leur rôle et de leur place dans la société.
C'est par l'enseignement du respect des autres et de l'égalité entre les sexes que nous ferons évoluer les mentalités, faute de quoi les mêmes schémas se reproduiront indéfiniment. Le respect et l'égalité des hommes et des femmes sont des domaines tout aussi importants à l'école, au collège ou au lycée que d'autres enseignements.
Au-delà de l'élimination des stéréotypes sexistes des manuels scolaires, je persiste à dire que c'est par un enseignement obligatoire et hebdomadaire que les enfants devraient être formés aux valeurs de respect mutuel et d'égalité entre les sexes selon des programmes très précis.
Madame la ministre, vous ne nous aviez pas suivis sur ce chemin, et c'est bien dommage. Vous nous aviez répondu que toutes les dispositions permettant d'aller dans ce sens étaient déjà contenues dans le code de l'éducation. Je crois d'ailleurs me souvenir qu'en deuxième lecture vous nous aviez indiqué que, en liaison avec le ministre de l'éducation nationale, vous comptiez donner à cette loi la publicité la plus large, notamment auprès des établissements scolaires comme les lycées.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Roland Courteau. Pouvez-vous me dire ce qui a été fait sur ce point ? En effet, jusqu'à présent, je n'ai rien vu venir.
De la même manière, vous aviez précisé que, lors du renouvellement de la convention pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, la question des violences, des mutilations et des mariages forcés serait également traitée en liaison avec le ministre de l'éducation nationale, puisque vous disposiez, selon vous, de tous les outils nécessaires dans le code de l'éducation. Pouvez-vous nous faire savoir ce qui a été fait à ce sujet ? Vous aviez en effet, ici même, pris des engagements précis.
M. Roland Courteau. D'une façon plus générale, je reste persuadé qu'il convient de mettre en place une politique de prévention massive, et les associations que j'ai pu rencontrer me l'ont confirmé.
Il faut - cela est réclamé très souvent - un plan d'urgence, d'information, de sensibilisation et de formation de l'ensemble des professionnels concernés. Des initiatives autrement plus importantes et plus nombreuses que celles qui sont engagées actuellement doivent être prises au travers de campagnes générales de sensibilisation par voie de presse, de radio, de télévision, contre toutes les formes de violence au sein des couples et, en général, à l'égard des femmes, notamment sur les lieux de travail.
Par ailleurs, il est impératif de veiller à ce que les émissions publicitaires ne contiennent aucune incitation à la violence et aucune image dégradante de la femme. Dans ce domaine, il importe que soit appliquée la loi de 1986. Je rappelle que cette loi relative à la liberté de communication dispose notamment : « L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise [...] par le respect de la dignité de la personne humaine ». Pour le respect de la personne humaine et contre certaines images dégradantes de la femme, faisons donc appliquer la loi !
Cela étant, je me dois de relever que des mesures intéressantes sont mises en oeuvre depuis ces derniers mois dans le cadre des commissions départementales, sous l'autorité de la déléguée départementale aux droits des femmes. Je reconnais qu'un excellent travail est accompli, et je veux féliciter celles et ceux qui s'y emploient.
J'ai pu apprécier ce qui a été fait dans plusieurs départements depuis l'adoption de la loi. J'ai pu relever que travailleurs sociaux, magistrats, avocats, associations, psychologues, police, gendarmerie travaillent ensemble depuis maintenant un an, ce qui n'était pas évident au départ.
M. Roland Courteau. Toujours en ce qui concerne le volet sur la prévention, je veux revenir sur les problèmes de formation des intervenants.
Remarquons que, dans 24 % des cas, la victime se confie en premier lieu au médecin ou aux associations bien avant de s'adresser à la police, à la gendarmerie ou à la justice. Or certaines études démontrent que les médecins considèrent légitimement que ces situations sont difficiles à gérer, les praticiens étant pris entre leur devoir de protection de la santé de leurs patientes et les impératifs du secret professionnel.
Selon le rapport Henrion, qui a été cité à de nombreuses reprises, la priorité est de convaincre les médecins qu'ils occupent une position clé pour dépister les violences intrafamiliales, conseiller les femmes, prévenir l'escalade et éviter les drames.
J'y insiste encore une fois, madame la ministre, le principe de la formation de tous les acteurs sociaux, médicaux et judicaires doit être posé afin d'améliorer l'accueil, la protection et le suivi des victimes.
M. Roland Courteau. J'ai pu vérifier que, depuis peu, un effort a été réalisé en matière de formation des policiers et des gendarmes ; je le reconnais volontiers, et c'est très bien ainsi. Vous le voyez, je suis objectif !
M. Roland Courteau. Je sais également que des contrôles sont effectués afin de vérifier que l'accueil des victimes correspond bien à la charte d'accueil élaborée au niveau des services de police et de gendarmerie.
Néanmoins, il est important qu'en matière de formation initiale et continue de l'ensemble des intervenants des mesures concrètes soient prises sans tarder. C'était aussi l'un des points clé de notre proposition de loi.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Roland Courteau. Faudra-t-il légiférer encore une fois pour avancer ?
L'autre sujet concernant le corps médical porte sur l'incapacité totale de travail, l'ITT. J'ai pu rencontrer plusieurs médecins légistes qui m'ont confirmé l'urgence et la nécessité d'une réelle harmonisation dans ce domaine. Songez que, pour un nez cassé, selon les informations qui m'ont été données, l'ITT est de trois jours dans le sud de la France et de douze jours dans le Nord ou dans la région parisienne. Or chacun ici connaît l'importance qui est accordée à l'ITT, car le certificat médical est le premier élément objectif sur lequel l'autorité judiciaire s'appuie.
Certaines associations, comme le Centre d'information des droits de la femme et de la famille, suggèrent d'ailleurs de créer une nomenclature et insistent sur une nécessaire harmonisation au niveau national.
Après l'amont, que constitue le volet prévention, il faut aborder l'aval, donc l'aide aux victimes.
Là également, je persiste à dire que nous devons améliorer l'aide juridique accordée aux victimes en leur ouvrant le bénéfice de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources.
De même, l'article 706-3 du code de procédure pénale, qui prévoit un recours en indemnité ouvert à certaines victimes de dommages, doit être modifié et élargi à d'autres infractions qui surviennent très souvent au sein du couple. Je vous renvoie sur ce point à notre proposition de loi initiale, qui a d'ailleurs été reprise par le collectif national pour les droits des femmes.
Enfin, la question du recours à la médiation pénale dans le cas des violences intrafamiliales est une nouvelle fois soulevée par les associations. Comme je l'ai déjà dit en première et en deuxième lecture, une telle disposition est totalement inadaptée au problème qui nous préoccupe aujourd'hui.
Avant de conclure, je souhaite m'attarder sur un point capital : les incidences des violences intrafamiliales sur les enfants qui en sont les spectateurs et les victimes collatérales.
Un rapport de l'UNICEF a analysé l'impact de la violence domestique sur les enfants. Les chiffres de cette étude sont alarmants : des millions d'enfants dans le monde sont exposés à la violence domestique. En France, certaines associations évaluent leur nombre à 800 000, et d'autres vont même bien au-delà.
Ce rapport montre que les enfants qui vivent dans un climat de violence ont davantage de risques de devenir eux-mêmes victimes de violences.
Il semble par ailleurs que le développement physique, émotionnel et social de ces enfants soit en danger. En effet, une autre étude réalisée en Australie a révélé que 40 % des adolescents qui sont extrêmement violents ont été exposés, lorsqu'ils étaient enfants, à des violences intrafamiliales.
Enfin, il y a de fortes probabilités que ce type de violence se répète. Les enfants qui grandissent entourés de violence apprennent très tôt que celle-ci peut être utilisée dans le cadre des relations interpersonnelles afin de dominer les autres.
Le taux d'agression est plus important envers les femmes dont le mari a été maltraité lorsqu'il était enfant ou a grandi dans un climat de violence domestique.
Voilà un sujet extrêmement important, que nous n'avons pas traité dans le cadre de la loi du 4 avril 2006.
Mme Annie David. C'est pourquoi il faut une autre loi !
M. Roland Courteau. Nous avons d'ailleurs des propositions à faire, qu'il s'agisse de la sensibilisation de l'opinion publique sur ce sujet ou des sanctions à prendre à l'encontre des personnes qui commettent des violences en présence d'enfants.
Par ailleurs, pour tenir compte d'un autre problème tout aussi préoccupant, nous proposons la création de « lieux neutres » auprès des tribunaux où le parent auteur de violences et exclu du domicile conjugal ou non pourra rencontrer ses enfants.
Notre collègue Raymonde Le Texier a souligné ce problème lors d'une réunion de travail du groupe socialiste. Elle nous a rappelé qu'il avait été récemment reproché à une femme battue par son mari, mais également à l'association qui l'hébergeait, d'avoir dissimulé au père l'adresse réelle de la mère et des enfants. L'affaire devait être jugée en décembre dernier.
Or, toutes les statistiques l'indiquent, c'est au moment de la séparation ou quelque temps après que les femmes victimes de violences courent le plus grand danger. Notre collègue précisait donc que, s'il est légitime de veiller aux droits du père, il importe aussi d'assurer la protection de la mère et de ses enfants.
Ce point soulève le problème du cloisonnement entre le pénal et le civil, mais rend encore plus nécessaire la création de « lieux neutres ». Quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard, madame la ministre ? Le groupe socialiste est prêt, si nécessaire, à déposer une proposition de loi. (M. Jean-Pierre Bel opine.)
Le dernier point que je souhaite aborder et sur lequel j'aimerais connaître votre sentiment - mais il s'agit là d'une démarche personnelle - concerne l'article 226-10 du code pénal, qui dispose : « La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée ».
Je m'interroge sur les conséquences de cet article. En France, une femme peut être victime de violences sexuelles, avoir le courage de les dénoncer, mais, si elle est déboutée, elle peut se voir condamnée pour dénonciation calomnieuse. C'est déjà arrivé ! (M. Gisèle Gautier le confirme.)
Voilà, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire, au nom du groupe socialiste, sur le problème des violences intrafamiliales.
La loi du 4 avril 2006, qui fut adoptée à l'unanimité tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, et j'ajouterais sous les applaudissements, constitue bien une avancée. Mais, pour être clair et concis à la fois, je dirai que le chantier reste ouvert et qu'il ne faut point tarder à y travailler de nouveau.
Quant au groupe socialiste, il est prêt à engager une deuxième étape au travers d'une nouvelle proposition de loi, si nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Vous avez eu raison, madame Gautier, de rappeler que la Haute Assemblée est à l'origine de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Ce texte a permis de réaliser des avancées très importantes en matière de prévention et de sanction de ces violences.
Chacun connaît la détermination du Gouvernement à combattre le fléau des violences contre les femmes. Comme vous, monsieur Courteau, je veux rendre hommage à toutes les associations qui s'occupent au quotidien des femmes victimes de violence.
Il est essentiel que nous puissions maintenir notre mobilisation et poursuivre ensemble le travail engagé. C'est dans cet esprit que je tiens à remercier le Sénat d'avoir inscrit à son ordre du jour cette question orale avec débat. Celle-ci représente une excellente opportunité de faire un point précis de l'état d'avancement des mesures qui ont été prises et de tracer les pistes d'action à venir.
Je tiens à saluer le travail accompli depuis plusieurs années par la Délégation aux droits des femmes. J'ai eu à coeur, pendant les dix-huit derniers mois, de faire en sorte que l'ensemble de ses recommandations puissent être reprises.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord rappeler que les mesures adoptées depuis un an et demi sont désormais appliquées. C'est notamment le cas des dispositions de la loi du 4 avril 2006. La plupart de ces mesures étaient d'application immédiate.
Je pense au passage de l'âge nubile des filles de quinze à dix-huit ans ; vous l'aviez demandé, c'est aujourd'hui réalisé.
Je pense également à la reconnaissance de la notion de viol entre époux ; vous l'aviez suggéré, c'est aujourd'hui chose faite.
Je pense ensuite à l'élargissement du champ d'application de la circonstance aggravante à de nouveaux auteurs - pacsés et ex-conjoints - et à de nouvelles infractions - meurtres, viols, agressions sexuelles ; vous l'aviez demandé, vous avez été exaucés. C'est d'ailleurs cet élargissement de la circonstance aggravante qui permettra un relevé statistique automatique complet dès la fin de l'année 2007.
Je pense enfin au renforcement de la possibilité de l'éloignement du conjoint auteur de violences, possibilité qui a en outre été étendue aux pacsés ainsi qu'aux anciens conjoints et aux anciens concubins.
En ce qui concerne l'introduction dans le code pénal de la notion de « violences habituelles » pour les faits de violences au sein du couple, elle est actuellement débattue dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Pour ce qui est de la notion de respect entre les époux, nous l'avons ajoutée au devoir mutuel de fidélité, de secours et d'assistance déjà imposé par le code civil. J'ai demandé à l'Association des maires de France d'en informer l'ensemble des maires afin qu'ils mettent l'accent sur cette notion lors de la célébration des mariages. Cette référence explicite au respect renforcera la liberté de consentement des époux et contribuera à prévenir toute violence ultérieure.
Outre les dispositions de cette loi, le Gouvernement s'est aussi appliqué à mettre en oeuvre les mesures que nous avons annoncées concernant le renforcement de l'accueil et de l'écoute des personnes victimes de violences.
Le 25 mai 2005, Nicolas Sarkozy a signé une convention avec l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation, l'INAVEM. Cette convention a pour objet la mise en place dans les commissariats et les brigades de points d'accueil assurés par des associations d'aide aux victimes. Elle a d'ores et déjà permis la création de permanences d'associations dans 130 commissariats et groupements de gendarmerie. Trente travailleurs sociaux sont à pied d'oeuvre au sein des services de police et de gendarmerie. Je suis la première à reconnaître que trente travailleurs sociaux ne suffisent pas, et qu'il faut continuer, mais le processus est enclenché.
Dans le prolongement de cette démarche, le ministère de l'intérieur a signé le 7 mars 2006, avec la Fédération nationale solidarité femmes, la FNSF, et le Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles, le CNIDFF, une convention destinée à améliorer l'accueil, l'accompagnement et la prise en charge des femmes victimes de violences au sein du couple.
Cette convention a pour objet de créer entre les associations d'aide aux victimes et les forces de sécurité un réel partenariat, allant de la formation des policiers et des gendarmes jusqu'à la présence de ces associations dans les locaux des forces de sécurité.
Par ailleurs, la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat a souhaité que le traitement de ces violences soit mieux intégré dans les programmes de formation continue de l'ensemble des professionnels concernés.
La Délégation aux victimes, inaugurée le 11 octobre 2005 par le ministre de l'intérieur, peut désormais être consultée sur les programmes de formation continue dispensée aux policiers et aux gendarmes.
Mesdames Gautier et Dini, dès décembre 2005, une centaine d'officiers de la gendarmerie ont bénéficié d'une formation nationale comprenant des séances de sensibilisation à l'intervention dans le cadre de violences conjugales.
J'ajoute que mon ministère a publié, en novembre dernier, une brochure à destination de tous les professionnels qui assistent les victimes lors de leurs démarches initiales. Par l'établissement de ce document, j'ai cherché à coordonner l'ensemble des différents acteurs et à leur donner des informations. Cette brochure doit conduire au renforcement des partenariats de terrain.
Je rappelle que les partenaires sociaux, et je leur rends hommage, ont introduit une disposition fondamentale dans la nouvelle convention d'assurance chômage pour les femmes victimes de violences. Désormais, une femme qui quitte son domicile à la suite de violences et qui doit démissionner de son emploi pourra bénéficier de l'assurance chômage. Elle ne sera donc plus dans une situation aussi précaire qu'avant. Il s'agit là, madame David, d'une avancée incontestable.
Parallèlement à ces actions nationales, je saluerai les très nombreuses initiatives locales, notamment l'action de sensibilisation des médecins généralistes menée par le service des droits des femmes dans le Lot-et-Garonne : accompagnement, informations sur les adresses à donner à ces femmes ou indications sur la façon de rédiger un certificat médical.
J'ai demandé au service des droits de femmes d'étendre cette initiative à l'ensemble des départements. Un CD-Rom a été réalisé, des conférences ont été organisées et des premiers contacts sont envisagés avec l'Ordre national des médecins.
Le traitement judiciaire des violences a également fait l'objet de nombreuses améliorations et recommandations.
Le ministère de la justice a diffusé en septembre 2004, à 10 000 exemplaires, un guide de l'action publique relatif à la lutte contre les violences conjugales. Ce guide est bien sûr consultable sur le site Internet de la Chancellerie. Il s'agit d'un outil de sensibilisation des professionnels, qui met l'accent sur la nécessité de renforcer le partenariat entre les magistrats du parquet et ceux du siège.
La loi du 26 mai 2004 relative au divorce oblige le juge aux affaires familiales à prévenir, en amont et en aval, de la procédure d'éviction du partenaire violent.
Vous m'avez demandé, madame la présidente de la délégation, de vous fournir quelques chiffres. L'action du ministère de la justice a porté ses fruits puisque le nombre de condamnations pour violences conjugales est passé de 7 537 en 2002 à 9 767 en 2005. Par ailleurs, 385 mesures d'éloignement du conjoint violent ont été prises pour l'ensemble de l'exercice 2005.
Je ne dirai pas que l'on ne peut pas progresser davantage. Néanmoins, il me semble que la mécanique est enclenchée et que nous devons maintenant faire preuve de vigilance pour aller encore plus loin.
À la suite de la loi du 4 avril, le garde de sceaux a publié une circulaire en date du 19 avril 2006, qui présente aux magistrats les dispositions nouvelles de la loi et rappelle les principales orientations de politique pénale exposées dans le guide de l'action publique.
Cette circulaire établit un protocole de recueil de la plainte et précise la chronologie du processus judiciaire afin d'accroître l'efficacité des circuits d'information et d'améliorer la qualité des enquêtes, des procédures et des décisions de justice. Elle recommande également aux parquets un traitement des procédures en temps réel et indique, pour ce faire, les modes de poursuites qu'il convient de privilégier au regard des particularités de ce contentieux.
Je rappelle que l'éviction du conjoint violent au stade pré-sentenciel est recommandée dans le cadre d'une alternative aux poursuites et surtout d'un contrôle judiciaire requis par le procureur de la République. Dans cet esprit, il est tout à fait possible d'étendre des initiatives aussi remarquables que celles que nous connaissons à Douai.
La circulaire réaffirme également la nécessité de développer les partenariats afin d'améliorer la prise en charge, tant des victimes que des auteurs de violence. Elle prévoit ainsi que « le parquet pourra [...] requérir systématiquement l'association d'aide aux victimes compétente ». Elle demande également au parquet d'être attentif au sort réservé aux enfants des couples confrontés à cette violence.
Par ailleurs, la même circulaire préconise que la médiation pénale soit seulement utilisée dans des cas très précis, car cette procédure met à égalité les conjoints. Or il ne faut pas oublier que l'un est agresseur et l'autre victime.
Enfin, en 2005, l'École nationale de la magistrature a intégré dans sa formation initiale un module destiné à sensibiliser les futurs magistrats à la situation particulière de la victime dans le processus pénal. Ce module vise également à informer ceux-ci des dispositifs associatifs et institutionnels existants.
Dans le guide des professionnels diffusé au mois de novembre dernier figure également un certificat type accompagné de directives précises.
Certes, il convient d'aller vers plus d'harmonisation, tout en respectant le principe de la prescription médicale.
Enfin, il ne faut jamais oublier qu'il revient au juge d'apprécier les faits de manière définitive et de les qualifier. J'ai bien entendu vos remarques, monsieur Courteau, au sujet des ITT, qui sont déterminées différemment d'une région à l'autre, et je mesure l'ampleur des démarches à conduire.
Par ailleurs, vous avez appelé mon attention sur la dénonciation calomnieuse. Nous savons tous ici combien ce sujet est délicat. Pour autant, le délit n'est constitué que si la mauvaise foi est prouvée, et cela relève, bien sûr, de la compétence du juge. Je suis certaine que, dans les mois et les années à venir, la jurisprudence et les textes devront évoluer.
Comme vous pouvez le constater, les progrès accomplis sont importants. Cependant, l'ampleur des violences doit nous conduire à poursuivre notre effort. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité donner une impulsion nouvelle à notre action en annonçant, à l'occasion de la journée du 25 novembre, différentes mesures spécifiques répondant à des besoins concrets, voire vitaux, des victimes de violences.
Je voudrais dire un mot de la façon dont il est possible d'améliorer l'écoute des femmes et l'attention portée aux enfants témoins, et victimes, de ces violences.
Nous mettrons en place, dès le mois de février, un numéro d'appel unique à quatre chiffres, donc facile à retenir, et de faible coût, celui d'une communication locale.
Surtout, ce nouveau dispositif devra être accessible partout en France et chacun devra bénéficier de la même qualité d'écoute. Nous veillerons, bien sûr, à ce que ce nouveau dispositif puisse faire face à l'augmentation du nombre d'appels que suscitera un numéro plus identifiable et plus aisé à mémoriser.
Les frais supplémentaires engagés pour la mise en place de ce dispositif seront supportés par mon ministère dans l'enveloppe 2007 dédiée aux violences conjugales.
J'ai été attentive à ce que la question des enfants témoins de violences conjugales soit intégrée dans les travaux de la réforme de la protection de l'enfance, car les enfants sont trop souvent les victimes indirectes de ce type de violence. Au moins dix enfants sont morts l'année dernière à la suite de violences conjugales. Ils sont, en quelque sorte, les victimes collatérales de ces drames intrafamiliaux. J'ai demandé qu'une collaboration soit développée sur cet aspect avec l'Observatoire national de l'enfance en danger.
Par ailleurs, plusieurs mesures visant à faciliter l'hébergement et le relogement des femmes victimes de violences seront prises dans le courant de l'année 2007.
Dans une circulaire du 24 mars 2005, il a été demandé aux préfets d'élaborer, en collaboration avec les collectivités territoriales et le secteur associatif, un diagnostic partagé des réponses offertes et des besoins à satisfaire en matière d'accueil, d'hébergement et de logement des femmes victimes de violences. Des conventions seront ensuite passées entre l'État, les conseils généraux et les associations afin d'améliorer les réponses apportées.
D'ores et déjà, plusieurs mesures ont été prises pour faciliter l'hébergement et le relogement des femmes victimes de violences.
Je partage l'analyse des différents orateurs sur ce problème. J'ai cherché, durant ces dix-huit derniers mois, à élargir la palette des solutions, car derrière chaque cas de violence se trouve une histoire personnelle. Nous ne pouvons donc pas, dans ce domaine comme dans d'autres, proposer une seule solution. Chaque femme a des besoins spécifiques et nous devons essayer d'apporter les réponses les plus appropriées.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité expérimenter l'hébergement en famille d'accueil. Nous avons contacté les DDASS, les départements. Très concrètement, nous avons démarré cette expérimentation au mois de septembre 2006 dans la Drôme, l'Ardèche et à la Réunion.
C'est une formule qui, dans certains cas, semble répondre à des besoins. Je n'ai pas suffisamment de recul aujourd'hui pour savoir si cette voie doit être amplifiée. Je peux simplement dire que, lorsque les femmes ont besoin d'être très entourées, il s'agit probablement de l'une des réponses possibles.
Les femmes victimes de violences sont aujourd'hui prioritaires pour l'attribution de logements financés par l'allocation logement temporaire - près de 20 000 de ces logements sont budgétés en 2007 - et pour les 600 places nouvelles de CHRS prévues en 2007.
Il ne vous a pas échappé que, ces dernières semaines, j'ai été conduite à travailler de façon très approfondie sur l'ensemble du dossier de l'urgence dans notre pays.
Nous allons mettre en place de nombreuses mesures en matière d'urgence. Nous étudions de très près certaines offres alternatives de logement, afin de proposer des places particulièrement dédiées aux femmes avec enfants ; je pense notamment aux actions menées avec les nombreuses maisons relais.
Par ailleurs, je souligne que j'ai pratiquement achevé les négociations avec l'Union sociale pour l'habitat, l'USH, et l'Union nationale de la propriété immobilière, l'UNPI, en ce qui concerne les bailleurs sociaux et privés pour qu'ils acceptent de lever la clause de solidarité contenue dans le bail, dans le cas où la personne victime de violences quitte son domicile et souhaite donner congé à son bailleur.
De la même manière, la réglementation devrait être prochainement modifiée pour que, en cas de demande de divorce, seuls les revenus du conjoint faisant effectivement acte de candidature soient pris en compte pour l'attribution d'un logement social.
Je poursuis également le travail concernant le traitement des hommes violents.
Votre délégation, madame la présidente, a souhaité que soient mises en place, en relation avec les associations, des formations destinées aux hommes violents. Quelques associations ont d'ores et déjà reçu des financements tant au niveau national qu'à l'échelon local.
Dans la continuité des travaux conduits par le docteur Roland Coutanceau, un groupe de travail a été mis en place à ma demande, en juillet 2006. Il est composé de représentants des ministères de l'intérieur, de la justice, de la santé, de la cohésion sociale, ainsi que de personnalités qualifiées.
Sa première mission est d'évaluer les progrès réalisés et l'efficience des dispositifs existants en matière de prise en charge et de suivi des hommes auteurs de violences.
Ce groupe de travail a déjà recensé une soixantaine de structures de soins et d'hébergement pour les auteurs de violences. Il va désormais s'attacher à définir un dispositif global d'intervention auprès des auteurs de violence.
En 2007, un protocole de bonnes pratiques va être réalisé pour susciter la création de nouvelles structures prenant en charge les auteurs de violences et pour les fédérer autour d'une pratique professionnelle commune, car, là encore, je crois que les échanges de bonnes expériences sont un élément extrêmement important.
Nous finalisons une plaquette d'information et de sensibilisation à destination des auteurs de violences pour leur rappeler la gravité de leurs actes et les sanctions qu'ils encourent.
Enfin, je voudrais aborder la question générale de l'information sur les violences et répondre aux différentes demandes qui ont été formulées.
Concernant, tout d'abord, le chiffrage des infractions liées aux violences au sein du couple, plusieurs initiatives ont été prises.
Une enquête du ministère de l'intérieur a recensé pour les neuf premiers mois de l'année 2006 les morts violentes survenues au sein du couple. Vous connaissez tous ce chiffre ; nombre d'entre vous l'ont cité.
L'INSEE et l'Institut national des hautes études de sécurité préparent le lancement, en 2007, d'une véritable enquête de victimation, au sens des enquêtes nationales anglo-saxonnes. Les résultats sont attendus pour 2007.
L'enquête « violences et santé » lancée par la direction des études de mon ministère va intégrer, comme vous nous l'aviez demandé, la dimension sexuée.
Lors de mon déplacement à la Martinique - car le phénomène des violences est tout aussi dramatique dans les départements d'outre-mer qu'en métropole -, je me suis engagée à soutenir une étude sur les violences entre les sexes. L'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France n'a en effet pas été conduite dans ce département. Elle le sera grâce aux crédits que j'ai délégués à cette fin pour l'exercice 2007.
Vous souhaitiez qu'une étude soit menée sur le coût budgétaire et le coût social des violences au sein du couple. J'ai demandé à une équipe du CNRS d'effectuer cette étude. Les premiers résultats provisoires rendus publics au mois de novembre 2006 ont identifié de nombreux domaines d'impact de ces violences et ont permis d'évaluer a minima à plus d'un milliard d'euros le coût lié aux violences conjugales. Cette enquête sera poursuivie au cours de l'année 2007.
Pour mieux prévenir ces violences, changer le regard que la société porte sur elles, il est indispensable de mieux informer nos concitoyens.
Une campagne sur les violences au sein du couple, constituée d'une dizaine de courts métrages d'auteurs et de cinéastes reconnus, a débuté le 25 octobre dernier. Ces courts métrages traitent notamment des conséquences des violences sur les femmes enceintes et les enfants, ou encore de leurs répercussions sur le travail. Ils sont diffusés à la télévision, dans les salles de cinéma, dans les festivals français et étrangers, et distribués sous la forme d'un DVD.
En ce qui concerne la sensibilisation des jeunes garçons, j'ai signé avec mon collègue Gilles de Robien une convention pour la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, les filles et les garçons, dans le système éducatif. Elle place le respect, la lutte contre les stéréotypes sexistes et l'égalité parmi les valeurs qui doivent être mises en avant à l'école.
Le comité de suivi sera installé le 13 février prochain et nous pourrons, à ce moment-là, mesurer effectivement la portée des actions menées dans les établissements scolaires.
Vous m'avez interrogée sur le respect de l'image de la femme.
Mon ministère a signé, voilà plusieurs années, une convention avec le Bureau de vérification de la publicité et, chaque année, au printemps, nous examinons avec ses représentants ce qu'ils appellent leur « pige » annuelle, c'est-à-dire l'ensemble des publicités qui ont été interdites parce qu'elles donnaient une image dégradante de la femme.
Vous avez, madame David, fait allusion au rejet d'amendements sur l'information. Ce rejet, j'y insiste, n'était absolument pas lié à un désaccord de fond ; il se fondait exclusivement sur le caractère réglementaire de ces amendements.
Par ailleurs, une campagne du Conseil de l'Europe pour combattre la violence à l'égard des femmes, y compris les violences domestiques, a été lancée à Madrid le 27 novembre dernier. J'ai tenu à participer au lancement de cette campagne, qui, comme l'a souligné tout à l'heure M. Branger, durera jusqu'en 2008.
Je partage d'ailleurs l'analyse de M. Branger. Il est important que nous puissions échanger nos expériences avec tous nos partenaires européens afin de lutter contre ce fléau. Nous devons regarder avec beaucoup de gravité les chiffres, qui, malheureusement, dans de nombreux pays, notamment ceux du nord de l'Europe, l'Espagne ou la France, restent, encore aujourd'hui, dramatiquement élevés.
En conclusion, j'aimerais répondre aux voix qui se sont élevées récemment pour demander l'adoption d'une loi-cadre qui traiterait de l'ensemble des violences commises contre les femmes.
La France dispose à l'heure actuelle d'une législation abondante qui couvre très largement le champ des mesures nécessaires à la protection des femmes contre les violences qui leur sont faites. Cette législation est-elle suffisante ? Nos codes sont-ils suffisamment précis en matière de prévention et d'information ? Sont-ils pertinents pour traiter toutes les formes de violence ? Ce n'est pas certain !
C'est pourquoi je n'écarte pas a priori l'idée selon laquelle la France doit encore élargir la panoplie des mesures dont elle dispose. La lutte contre les violences faites aux femmes, au sein du couple ou non, est en effet à mes yeux une priorité absolue.
Il est indispensable que nous puissions réunir dans un code la totalité des textes concernant les droits des femmes.
M. Roland Courteau. Ce serait bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. La connaissance de ces dispositions est essentielle pour renforcer la prévention des violences et la protection des femmes. Pour mieux les connaître, il nous faut, me semble-t-il, engager sans attendre la parution d'un code des droits des femmes, comme il existe un code des droits contre l'exclusion, ne serait-ce que pour avoir une vision exhaustive des droits des femmes, que celles-ci ont parfois conquis de haute lutte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le tabou des violences a mis du temps à disparaître dans notre pays. La dynamique qu'ensemble nous avons enclenchée est forte. Rien n'est jamais acquis. Nous avons le devoir de maintenir notre vigilance, de poursuivre sans relâche notre action.
Je sais que la Délégation aux droits des femmes de votre assemblée agira au quotidien, telle la vigie qui ne manquera pas de rappeler à chacun ses responsabilités. Nous sommes tous conscients que la loi peut beaucoup, mais nous devons avoir l'honnêteté de reconnaître que, au-delà de la loi, c'est la mobilisation de chacun, une mobilisation citoyenne de tous les instants, qui nous permettra de changer définitivement les mentalités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.