Article 1er
Après l'article L. 127-2 du code des assurances, sont insérés trois articles L. 127-2-1 à L. 127-2-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 127-2-1. -- Est considéré comme sinistre, au sens du présent chapitre, le refus qui est opposé à une réclamation dont l'assuré est l'auteur ou le destinataire.
« Art. L. 127-2-2. -- Les consultations ou les actes de procédure réalisés avant la déclaration du sinistre ne peuvent justifier la déchéance de la garantie. Toute clause contraire est réputée non écrite.
« Cependant, ces consultations et ces actes ne sont pas pris en charge par l'assureur, sauf si l'assuré peut justifier d'une urgence à les avoir demandés.
« Art. L. 127-2-3. -- L'assuré doit être assisté ou représenté par un avocat lorsque son assureur ou lui-même est informé de ce que la partie adverse est défendue dans les mêmes conditions. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 rectifié est présenté par MM. Othily et Mouly.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Cambon, Mmes Gousseau et Procaccia.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 127-2-1 du code des assurances :
« Art. L. 127-2-1 - Au sens du présent chapitre, le sinistre est constitué lorsque l'assuré a connaissance d'un différend ou d'un litige ou d'une situation pouvant les générer et la garantie de l'assureur ne pourra être acquise que pour un événement dont le fait générateur est postérieur à la souscription du contrat.
La parole est à M. Georges Othily, pour présenter l'amendement n° 3 rectifié.
M. Georges Othily. Cet amendement vise, d'une part, à maintenir dans la définition du sinistre le principe d'ordre public d'aléa sans lequel le contrat d'assurance de protection juridique ne serait plus un contrat aléatoire au sens de l'article 1964 du code civil. Le mot « refus » est supprimé, car il permet à l'assuré de dater lui-même le sinistre et, de ce fait, l'intervention de l'assureur ne dépend plus d'un événement incertain.
Il vise, d'autre part, à permettre à l'assuré de bénéficier le plus en amont possible des prestations offertes par son assureur de protection juridique. En effet, une simple situation contraire aux intérêts de l'assuré peut constituer à elle seule un motif de déclaration de sinistre et donc une intervention de l'assureur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° 9.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le garde des sceaux, je voudrais profiter de la présentation de cet amendement pour attirer l'attention du Gouvernement sur les inquiétudes que suscitent les dispositions qui nous sont proposées chez tous ceux qui font de l'assurance juridique et proposent ce type de contrat, et pas seulement les assureurs, représentés au sein de la Fédération française des sociétés d'assurances, la FFSA, ou du Groupement des entreprises mutuelles d'assurances, le GMA, mais aussi les banquiers - nous avons entendu hier le Crédit mutuel, qui fait lui aussi de l'assurance juridique.
Il est certain que la proposition de loi qui résultera de nos travaux va perturber la vie d'un produit dont je ne dirai pas comme les assureurs qu'il fonctionne très bien, mais qui donne relativement satisfaction.
Il est normal que les avocats veuillent intervenir davantage dans la mesure où il s'agit de problèmes juridiques, mais j'attire votre attention sur les 3 000 salariés qui travaillent sur les plates-formes juridiques et qui, eux aussi, sont inquiets des modifications que ce nouveau texte pourrait entraîner sur l'emploi.
Je souhaite que vous puissiez les rassurer et trouver les modalités nécessaires de telle sorte que chacun puisse continuer à travailler.
J'ai lu avec beaucoup d'attention cet article 1er et j'approuve quasiment toutes les dispositions qui y sont prévues, car il apporte des précisions utiles pour l'assuré, en particulier sur les consultations qui sont réalisées avant la déclaration du sinistre et qui seraient désormais prises en charge, et sur la possibilité de l'assistance d'un avocat quand la partie adverse a elle-même un avocat. Ce sont des éléments importants pour l'assuré.
En revanche - c'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement - l'article 1er méconnaît un principe de base du mécanisme de l'assurance, puisqu'il occulte complètement la notion d'aléa. Or, vous le savez tous, l'assurance ne fonctionne que sur ce principe.
Je souhaite que l'on revienne sur cette notion d'aléa et que l'on puisse trouver une définition qui corresponde à l'esprit de la loi, mais dans le respect des principes de base de l'assurance.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Ces amendements visent à revenir sur la définition claire du sinistre que l'on veut donner ici. Or cette notion est très importante, parce que c'est avec la connaissance précise de la date du sinistre que l'on peut déterminer le point de départ du délai dans lequel l'assuré va faire sa déclaration.
Les amendements proposés, qui, certes, redonnent une part d'aléa à la définition du sinistre, réintroduisent l'insécurité juridique et le flou dont cette proposition de loi vise précisément à sortir. En effet, on consacrerait un véritable déséquilibre dans les moyens respectifs dont disposent l'assuré et l'assureur pour la définition précise du sinistre.
Par conséquent, compte tenu du fait que l'on revient d'une certaine manière à la case départ, que l'on réintroduit le flou et que l'on rouvre la possibilité pour l'assureur d'opposer très facilement, trop facilement, la déchéance de garantie à l'assuré, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je répondrai aux préoccupations exprimées par les auteurs de ces amendements, mais je précise d'emblée que le Gouvernement émet le même avis défavorable que la commission. Je voudrais m'en expliquer très clairement, car un certain nombre d'assureurs ont émis des craintes qui ne me semblent pas fondées.
La Commission des clauses abusives a dénoncé en 2002 les contrats d'assurance de protection juridique qui imposaient à l'assuré de déclarer le sinistre « dès son origine » à peine de déchéance. En effet, il faut penser aux cas où la lente genèse d'un sinistre peut rendre difficile la détermination de sa date de naissance. De nombreux procès en matière de voisinage, de construction ou de droit du travail, ont une origine ancienne et quelquefois nébuleuse. En imposant à son client de déclarer le sinistre dès son origine, l'assureur se réserve en pratique la possibilité de prononcer la déchéance de garantie à sa guise.
Ce qu'interdit la Commission des clauses abusives, le présent amendement aboutit à le rétablir. En imposant à l'assuré de déclarer à l'assureur le litige « dès qu'il a connaissance d'une situation pouvant le générer », il autorise ce que la jurisprudence était parvenue à proscrire et revient ainsi sur un acquis fondamental en faveur des droits de l'assuré.
Indépendamment même de la régression du droit des consommateurs, cette rédaction serait contestable juridiquement. En effet, dès lors que l'assureur pourrait en pratique décider souverainement de sa propre garantie, c'est à son égard que le contrat serait dépourvu d'aléa, sans lequel, comme vous le souligniez, il n'est pas de contrat d'assurance. L'aléa est pour tout le monde : pour l'assuré et pour l'assureur.
Le texte de la commission des lois est, pour sa part, parfaitement fondé juridiquement et conforme aux recommandations de la Commission des clauses abusives. Il vise à définir le sinistre au premier instant où le litige est cristallisé.
C'est une solution équilibrée pour les parties et c'est la seule qui prenne en compte un événement que l'on puisse précisément dater. Elle préserve, par ailleurs, les intérêts légitimes des assureurs en leur permettant de soulever la fraude - c'était votre objection, madame le sénateur - dès lors qu'un assuré aurait souscrit un contrat de protection juridique après la survenance d'un litige.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié et 9.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Othily et Mouly, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 127-2-3 du code des assurances :
« Art. L. 127-2-3 - L'assureur se doit d'accepter la demande d'un assuré d'être assisté ou représenté par un avocat lorsque la partie adverse l'est elle-même. »
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Cet amendement vise, d'une part, à replacer l'assuré au coeur du dispositif de l'assurance de protection juridique. En supprimant le caractère systématique de la mesure, l'assuré conserve en effet la liberté de choix d'être assisté ou non d'un avocat.
Il permet, d'autre part, de ne pas faire peser de contraintes financières sur l'assuré, ce qui serait le cas si ce dernier avait l'obligation d'être représenté par un avocat, car les honoraires pourraient être supérieurs au montant de la garantie prévu au contrat de protection juridique.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur la disposition que la proposition de loi a introduite à l'article L. 127-2-3 du code des assurances en prévoyant que l'assuré doit être « assisté ou représenté par un avocat lorsque son assureur ou lui-même est informé de ce que la partie adverse est défendue dans les mêmes conditions. »
L'amendement prévoit un dispositif alternatif qui est moins protecteur des intérêts de l'assuré que le dispositif proposé par la commission et par les auteurs des deux propositions de loi. C'est une formule qui apparaît en retrait et qui « romprait l'égalité des armes », pour reprendre l'expression employée lors de la discussion générale, que nous souhaitons mettre en oeuvre au travers de cette disposition.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'objet de cet amendement est de rendre facultative l'intervention d'un avocat aux côtés de l'assuré quand bien même un avocat assisterait la partie adverse. L'assureur ne serait tenu en pareille hypothèse que d'informer son client de la possibilité de prendre un avocat.
Une telle rédaction ne changerait pas l'état du droit applicable puisque le décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles déontologiques des avocats oblige déjà ces derniers à recommander à l'adversaire de leur client de prendre un avocat. Il est inutile d'amener l'assureur à dire à son client ce que ce dernier s'est déjà vu proposer par l'avocat de son adversaire.
Plus fondamentalement, je ne souscris pas à l'amoindrissement de la protection de l'assuré qu'implique cet amendement.
La rédaction qui est proposée par la commission des lois s'appuie sur la règle salutaire selon laquelle un avocat ne doit transiger en principe qu'avec un de ses confrères.
Laisser l'assureur assister son client et prendre attache directement avec l'avocat adverse est dangereux, et ce pour deux raisons.
Si qualifiés que soient les rédacteurs des sociétés d'assurances, ils ne sont jamais aussi rompus à la négociation que les avocats, ne serait-ce que parce qu'ils n'interviennent qu'en phase précontentieuse.
Surtout, leur assistance à la transaction est affectée d'une faiblesse irrémédiable : entre un assureur et un avocat, il n'est pas de confidentialité qui tienne. Cela signifie que l'avocat adverse a tout intérêt à laisser l'assureur faire des concessions et amoindrir ses demandes, sans jamais conclure de transaction. Ces propositions transactionnelles, l'avocat les produira par la suite devant le juge pour démontrer combien l'adversaire était prêt de lui-même à réduire ses demandes. C'est la règle, et un avocat qui n'utiliserait pas les meilleures stratégies, dont celle-ci, pour défendre les intérêts de son client, encourrait la mise en jeu de sa responsabilité professionnelle.
Pour l'ensemble de ces raisons, il est indispensable qu'un assureur ne puisse pas se charger seul du dossier de son client pour le défendre face à un avocat.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L'article L. 127-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'assureur ne peut proposer le nom d'un avocat à l'assuré sans demande écrite de sa part. » - (Adopté.)
Article 3
Après l'article L. 127-5 du même code, il est inséré un article L. 127-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 127-5-1. -- Les honoraires de l'avocat sont déterminés entre ce dernier et son client, sans pouvoir faire l'objet d'un accord avec l'assureur de protection juridique. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Othily et Mouly.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Cambon, Mmes Gousseau et Procaccia.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 127-5-1 :
« Art. L. 127-5-1 - Quel que soit l'avocat choisi, l'assuré signe préalablement à l'engagement de toute action amiable ou contentieuse une convention d'honoraires précise. Le règlement des sommes dues, dont les honoraires d'avocat, incombant à l'assureur de protection juridique intervient dans des conditions et limites contractuelles identiques quel que soit l'avocat choisi sur présentation des justificatifs et de la convention d'honoraires. »
La parole est à M. Georges Othily, pour présenter l'amendement n° 5 rectifié.
M. Georges Othily. La possibilité de négociation est un acte normal de gestion optimisée d'une mutualité dans l'intérêt même des consommateurs. C'est en tenant compte de la mutualité de ses assurés que l'assureur peut maîtriser le rapport « montant des primes/montant des sinistres ». Si cette possibilité disparaît, l'absence de maîtrise des coûts du produit d'assurance se traduira par un renchérissement de la cotisation, dont le surcoût sera bien évidemment supporté par les consommateurs.
L'interdiction de négociation constituerait une entorse au principe de la liberté d'entreprendre. L'interdiction faite à deux professionnels de négocier le coût des prestations ne semble pas compatible avec le principe de la liberté contractuelle.
En revanche, les assureurs partagent les préoccupations des pouvoirs publics, à savoir que le libre choix de l'avocat par l'assuré s'exerce dans des conditions d'information complètes et qu'il ne puisse exister aucune discrimination dans l'application du contrat selon l'avocat choisi.
L'assuré ne peut s'engager sans connaître le coût de la prestation. L'information complète de l'assuré pour exercer son libre choix de l'avocat nécessite qu'il connaisse le complément d'honoraires qu'il supportera personnellement au-delà du montant de la garantie prévue dans le contrat d'assurance.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° 10.
Mme Catherine Procaccia. Je souscris sans réserve à l'argumentaire de M. Othily. Pour ma part, j'ai déposé cet amendement afin de défendre les intérêts des assurés, et non pas ceux des assureurs ou des avocats.
En effet, interrogeons-nous un instant sur les conséquences du principe de non-négociation. Nombreuses sont les personnes qui ne fréquentent pas des avocats tous les jours et qui n'ont pas l'habitude d'aller en justice. Elles pourraient être tentées de choisir un avocat connu et célèbre, sans avoir la moindre idée des honoraires qui leur seront demandés. Bon nombre d'entre nous ignorent le montant des honoraires que prennent les avocats pour assurer la défense d'un client lors d'un procès, encore que nombreux avocats siègent dans cette enceinte. Les assurés risquent ainsi d'accepter les honoraires d'un avocat sans savoir que l'assureur ne les prendra en charge que dans la limite du plafond et qu'ils devront supporter le solde. Un assureur ne peut en effet accepter, pour des affaires similaires, des honoraires de 5 000 euros dans un cas et de 15 000 euros dans l'autre. Les assurés seront donc perdants.
Les associations de consommateurs s'inquiètent de cette pratique qui ne protégera pas les assurés. Dans quelques jours, elles tiendront d'ailleurs une conférence de presse conjointe avec les assureurs.
Je crains, si cet article était adopté dans la rédaction actuelle, que nous n'allions au-devant de vraies difficultés. Des assurés risqueraient en effet de supporter des charges financières importantes liées au règlement d'un sinistre alors que, si la négociation était possible, ou s'ils pouvaient bénéficier d'un conseil sur le montant des honoraires, cela ne se produirait pas.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Les amendements nos 5 rectifié et 10 visent à revenir sur l'interdiction de tout accord sur le montant des honoraires entre l'assureur et l'avocat. Or cet article, comme l'ensemble de la proposition de loi, tend à moraliser et à clarifier cette pratique.
Comme je l'ai déjà indiqué lors de la discussion générale, la plupart de nos concitoyens n'ont pas, et heureusement ! d'avocat attitré. L'assureur ne pourra plus imposer son avocat. Toutefois, lorsque la partie adverse sera représentée par un avocat, il y a fort à parier que la plupart des assurés demanderont à leur assureur - par écrit, comme le prévoit la proposition de loi - de les aider à trouver un avocat. Le risque de dérive me paraît donc très limité.
Nous assisterons sans doute à un élargissement de la gamme des contrats d'assurance de protection juridique. Les primes de certains contrats seront probablement plus élevées qu'elles ne le sont aujourd'hui. En tout état de cause, l'assuré choisira lui-même son avocat et connaîtra le montant de la prime qu'il devra acquitter au titre de son contrat de protection juridique. Les réformes, les modifications, les clarifications et les rappels qui sont faits dans cette proposition de loi ne feront pas exploser le système : l'assuré aura toujours accès aux contrats de protection juridique.
Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, la commission est défavorable à ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. La commission des lois propose à juste titre d'interdire aux assureurs de plafonner les honoraires des avocats qu'ils recommandent.
Les deux amendements tendent à y substituer une obligation faite aux avocats de proposer une convention d'honoraires.
Il ne faut pas résoudre un problème en déplaçant le projecteur sur un autre. Le code des assurances est fait pour régir les contrats d'assurance et non pas la pratique professionnelle des avocats.
J'ajoute que les modalités de fixation des honoraires sont déjà détaillées dans le décret du 12 juillet 2005 sur les règles déontologiques de la profession d'avocat. Ce décret préconise la signature d'une convention d'honoraires et fixe les règles permettant en tout état de cause à ceux-ci d'être prévisibles, et ce sous le contrôle du bâtonnier et du juge.
S'agissant des contrats de protection juridique, le problème est identifié. Pour être l'avocat recommandé par l'assureur, ce qui garantit un apport d'affaires régulier et important, il faut respecter deux conditions qui sont incompatibles avec le mode libéral de l'exercice de la profession d'avocat : ne pas fixer d'honoraires au-delà du montant de la garantie et, d'une manière générale, veiller à ne pas coûter trop cher à l'assureur. Bref, mieux vaut plaire à l'assureur qu'à son client !
L'avocat de réseau est ainsi amené à plafonner ses honoraires à des montants que ses confrères ne peuvent concurrencer, car eux ne bénéficient pas en contrepartie du flux d'affaires apporté par l'assureur. Cette rémunération, artificiellement basse, permet certes à l'assuré de ne pas payer d'honoraires complémentaires, mais elle pervertit fondamentalement le principe essentiel du libre choix, puisque aucun avocat ne peut être en mesure de proposer des honoraires aussi bas que celui de l'avocat de réseau.
En outre, l'avocat de réseau est placé en situation de conflit d'intérêts. Il est amené à veiller aux intérêts de l'assureur quand il ne devrait se préoccuper que de ceux de son client. Or, l'intérêt de l'assureur ne se confond pas avec celui de son client, au contraire, puisque le premier doit limiter les coûts de procédure, alors que le second veut employer tous les moyens légaux pour faire prévaloir ses droits.
Le système ne peut ainsi fonctionner qu'en sollicitant en permanence les qualités déontologiques de l'avocat. Il est indispensable de clarifier les relations entre les acteurs de l'assurance et d'empêcher que l'avocat n'entre dans une relation de salariat de fait avec l'assureur.
Les deux amendements aboutiraient à maintenir une telle relation et c'est pourquoi je demande au Sénat de ne pas les adopter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je ne connais pas d'avocat de réseau ni d'avocat privé. Vous nous avez brossé un portrait pour le moins négatif de l'avocat qui traite avec une compagnie d'assurance et qui n'aurait d'autre objectif que de plaire à la compagnie au lieu d'essayer de défendre l'assuré.
Je pense que les avocats, comme les médecins, doivent respecter une déontologie : les médecins soignent leurs patients et les avocats défendent leurs clients, quel que soit le mandat qu'on leur a accordé.
En outre, les réponses de M. le garde des sceaux et de M. le rapporteur portent sur la relation entre l'assureur et l'avocat. M. Détraigne explique dans son rapport qu'ils ne peuvent pas s'entendre puisqu'il s'agit de deux métiers distincts qui fonctionnent selon deux modes très différents. C'est sans doute la raison pour laquelle aucune négociation n'a abouti depuis maintenant trois ans.
J'ai été, la semaine dernière, rapporteur de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de modernisation du dialogue social. Je regrette que des partenaires ne parviennent pas à dialoguer et qu'il faille légiférer.
Ce qui m'importe, c'est l'intérêt de l'assuré. Si cette proposition de loi est adoptée, l'assuré verra le montant de sa prime augmenter. La compagnie d'assurance aura toujours des contrats qu'il ne pourra pas vraiment négocier. M. Détraigne a reconnu que les primes des contrats seraient plus élevées. Or, l'objectif de la proposition de loi est non pas de majorer les contrats, mais de rendre l'assurance plus accessible. Je regrette donc que l'assuré soit en partie oublié.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, il n'y a pas lieu de se jeter à la figure la moralité de telle ou telle profession.
Le libre choix de l'avocat est un principe intangible. Or, dans la pratique, ce principe n'était pas respecté. Bien souvent, en effet, les avocats étaient imposés.
L'assuré pourra continuer de choisir l'avocat que lui proposera sa compagnie d'assurance. Il est vrai, madame Procaccia, que beaucoup de gens ne fréquentent pas des avocats tous les jours. La proposition de loi comporte des dispositions afin qu'ils puissent prendre l'avocat que leur proposera leur assureur.
En revanche, le client doit aussi pouvoir librement choisir son avocat. Il connaîtra ses honoraires et saura dans quelle limite il sera remboursé. À en croire de nombreux rapports, le système sera plus sain. Ce sera profitable à l'assurance de protection juridique. Si l'on améliore le système, je suis convaincu que des assurés accepteront de payer un peu plus. Aujourd'hui, ces contrats ne sont pas très onéreux, mais comme la protection est de toute façon extrêmement faible, on ne peut même pas s'en servir. Il faut donc équilibrer le système actuel.
Comme vous l'avez rappelé, madame Procaccia, certaines négociations n'ont pas abouti. Je puis vous dire, après avoir lu plusieurs rapports sur ce sujet, que, si ces négociations n'ont pas abouti, c'est que certaines parties avaient la ferme volonté de ne pas progresser. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes obligés de légiférer.
Alors, de grâce, toutes les causes ne sont pas défendables ! D'ailleurs, certains articles sont parus dans la presse que j'ai trouvés très désagréables. Nul ne doit préjuger des décisions du Parlement, à qui il revient de faire la loi. En l'occurrence, il lui appartient de rétablir un équilibre qui n'aurait jamais dû disparaître. Je suis convaincu que cela servira à la fois aux assurés, aux assureurs et aux avocats.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 10.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 1384 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si les compagnies d'assurances ou les mutuelles prétendent partager les responsabilités alors qu'aucune faute n'a été retenue, cet accord est nul. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 4
Après l'article L. 127-7 du même code, il est ajouté un article L. 127-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 127-8. -- Le contrat d'assurance de protection juridique stipule que toute somme obtenue en remboursement des frais et des honoraires exposés pour le règlement du litige bénéficie par priorité à l'assuré pour les dépenses restées à sa charge et, subsidiairement, à l'assureur dans la limite des sommes qu'il a engagées. » - (Adopté.)
Article 5
La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifiée :
1° L'article 2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un système de protection. » ;
2° Le dernier alinéa de l'article 3-1 est supprimé. - (Adopté.)
Article 6
Le code de la mutualité est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 224-2, sont insérés trois articles L. 224-2-1 à L. 224-2-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 224-2-1. -- Est considéré comme sinistre, au sens du présent chapitre, le refus qui est opposé à une réclamation dont le membre participant est l'auteur ou le destinataire.
« Art. L. 224-2-2. -- Les consultations ou les actes de procédure réalisés avant la déclaration du sinistre ne peuvent justifier la déchéance de la garantie. Toute clause contraire est réputée non écrite.
« Cependant, ces consultations et ces actes ne sont pas pris en charge par la mutuelle ou l'union, sauf si le membre participant peut justifier d'une urgence à les avoir demandés.
« Art. L. 224-2-3. -- Le membre participant doit être assisté ou représenté par un avocat lorsque la mutuelle, l'union ou lui-même est informé de ce que la partie adverse est défendue dans les mêmes conditions. » ;
2° L'article L. 224-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La mutuelle ou l'union ne peut proposer le nom d'un avocat au membre participant sans demande écrite de sa part. » ;
3° Après l'article L. 224-5, il est inséré un article L. 224-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-5-1. -- Les honoraires de l'avocat sont déterminés entre ce dernier et son client, sans pouvoir faire l'objet d'un accord avec la mutuelle ou l'union. » ;
4° Après l'article L. 224-7, il est ajouté un article L. 224-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-7-1. -- Le contrat d'assurance de protection juridique stipule que toute somme obtenue en remboursement des frais et des honoraires exposés pour le règlement du litige bénéficie par priorité au membre participant pour les dépenses restées à sa charge et, subsidiairement, à la mutuelle ou à l'union dans la limite des sommes qu'elle a engagées. ». - (Adopté.)