M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9, présenté par Mmes Le Texier, Printz et Jarraud - Vergnolle, MM. Madec et Desessard, Mmes Demontès, Schillinger et San Vicente - Baudrin, MM. Godefroy, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 41, 42 et 43 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social sont abrogés.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement vise à rétablir la hiérarchie des normes en droit du travail, autrement appelée principe de faveur, telle qu'elle existait avant la loi de 2004.
En faisant disparaître ce principe, en vigueur depuis 1936, du droit du travail, le Gouvernement a mis fin à toute l'architecture des accords collectifs. Il s'est contenté de prévoir quelques exceptions, fort limitées, concernant par exemple les salaires minimums. Il est vrai qu'il vous est difficile, monsieur le ministre, de faire autrement, puisque le SMIC est en principe obligatoire. Vous avez même fait grand bruit autour de l'augmentation indispensable des minima conventionnels inférieurs au SMIC, mais sans que des résultats soient réellement obtenus.
De plus, selon le système que vous avez mis en place, les accords de niveau supérieur peuvent résulter d'une simple absence d'opposition.
Il est intéressant de comparer les demandes du MEDEF et de la CGPME concernant le besoin des entreprises d'avoir une sécurité juridique et la fin de la hiérarchie des normes en droit du travail.
La sécurité juridique, cela veut manifestement dire que l'on souhaite limiter au minimum les recours des salariés contre les décisions des employeurs.
M. Guy Fischer. C'est évident !
Mme Raymonde Le Texier. Et vous êtes allé dans ce sens en libéralisant le droit du licenciement sous couvert de gestion prévisionnelle des emplois.
En revanche, pour les salariés, collectivement et individuellement, la sécurité juridique est devenue une notion abstraite.
Ces dispositions participent de votre volonté d' « atomiser » le droit du travail et de donner progressivement la même valeur au contrat qu'à la loi. Vous avez commencé avec la fin du principe de faveur grâce auquel un accord de branche était une sorte de loi butoir pour toute une branche.
Quelle est la valeur du dialogue social dans une telle situation ? Elle est véritablement fictive tant que la hiérarchie des normes n'aura pas été rétablie.
Les partenaires sociaux, selon le système actuel de représentativité - ou un autre, d'ailleurs -, peuvent toujours signer des accords interprofessionnels ou de branche. Ceux-ci n'ont qu'une portée toute relative dans la mesure où les règles issues de la négociation collective ne s'imposent plus dans les entreprises.
C'est un double jeu que vous menez. Vous prétendez vouloir moderniser et revitaliser le dialogue social, mais vous oubliez de dire que vous avez tout fait d'abord pour que ce dialogue social soit sans conséquence pour les salariés.
Je ne doute pas qu'afin de vous mettre en conformité avec votre actuelle volonté de dialogue vous voterez tous en faveur de cet amendement relatif à l'abrogation d'articles qui ont été élaborés à une époque maintenant révolue.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 132-13 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après les mots : « plus large », la fin du premier alinéa est supprimée ;
2° Après les mots : « moins favorables aux salariés », la fin du second alinéa est supprimée.
II. - Les deux derniers alinéas de l'article L. 132-23 du même code sont supprimés.
L'amendement n° 23, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 43 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social est abrogé.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Ces amendements portent sur le même sujet : les accords d'entreprises dérogatoires aux accords de branche, voire à la loi, dont l'existence et le développement, en modifiant en profondeur les règles de la négociation collective, viennent heurter l'objectif de qualité du dialogue social visé au travers du présent texte.
Nous assistons à un « détricotage » du code du travail et à une volonté de déréglementer. La principale conséquence, bien entendu, sera un amenuisement des droits des salariés dans tous les domaines.
Des règles de validité des accords, mais aussi de l'ordonnancement des normes sociales produites par la négociation, dépend largement le renforcement de la négociation collective.
C'est pourquoi, par ces deux amendements, nous entendons réaffirmer avec force l'importance des principes intangibles de hiérarchie des normes et de faveur.
Nous voulons rappeler à chacun, et en particulier au Gouvernement, sa part de responsabilité dans le « détricotage » du code du travail qui conduit à banaliser ce dernier ainsi que le non-respect de l'ordre public social.
C'est une attitude pyromane qui rend extrêmement difficile sur le terrain l'action des inspecteurs et des contrôleurs du travail. C'est une attitude qui enferme les syndicats dans une culture de conflit et renforce la défiance des salariés à l'égard de la négociation d'entreprise, laquelle n'est plus obligatoirement synonyme de progrès.
Ainsi, depuis la loi Fillon de 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, a été offerte aux employeurs la possibilité de négocier au plus près du terrain pour adapter le droit du travail ainsi que les garanties individuelles et collectives aux besoins de leur entreprise.
L'apparition de dérogations au détriment des salariés ne s'est pas fait attendre.
Des sujets jusque-là réservés à la négociation de branche, laquelle ne pouvait déroger à la loi que dans un sens plus favorable au salarié, ont été ouverts aux accords d'entreprises désormais pleinement autonomes.
C'est une vérité, notamment pour la fixation du taux de majoration des heures supplémentaires - nous pourrions en parler longuement -, pour la réduction du délai de prévenance, mais aussi pour la détermination des conditions de formation des membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT.
Vous nous dites vouloir simplifier le droit du travail, mais vous participez à sa complexification et à son « atomisation » en acceptant que perdurent ces accords dérogatoires.
Nous tenions à vous rappeler cette réalité qui nuit à l'engagement du dialogue social et à sa formalisation par des accords collectifs, facteurs de progrès social.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Les amendements nos 9 et 18 visent à supprimer des articles de la loi du 4 mai 2004 qui autorisent les accords d'entreprises à déroger à des accords de branche et les accords de branche aux accords interprofessionnels.
La commission ne souhaite pas revenir sur cet élément essentiel d'une loi récente qui dynamise la négociation collective dans le pays. Les accords doivent être négociés au plus près du terrain.
C'est la raison pour laquelle la commission, très attachée à la décentralisation de la négociation collective, est également défavorable à l'amendement n° 23.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Je veux néanmoins revenir sur le principe de faveur.
Tout d'abord, contrairement à ce qu'indique l'exposé des motifs de l'amendement n° 9, l'article 41 de la loi du 4 mai 2004 ne remet pas en cause, je le redis solennellement, le principe de faveur. L'accord ou le contrat de travail peut toujours déroger dans un sens favorable au salarié à la norme supérieure.
Par ailleurs, aucune disposition n'est prévue dans les rapports entre la loi et l'accord collectif. En aucun cas, l'accord ne peut déroger à la loi.
Ensuite, l'article 42 de la loi du 4 mai 2004 permet d'aménager des rapports d'autonomie entre les différents niveaux de négociations, et plus particulièrement dans les rapports entre accord de branche et accord d'entreprise.
Ce rapport d'autonomie est encadré, car la loi définit les cas où il ne s'applique pas : les salaires, les classifications et la prévoyance.
En outre, c'est à l'accord de branche lui-même de préciser si ce rapport d'autonomie s'applique ou non. Voilà l'équilibre !
Enfin, l'article 43 de la loi du 4 mai 2004 vise à ouvrir le champ de la négociation collective, avec les garanties nouvelles que constitue l'accord majoritaire.
En ce qui concerne l'ordre public social, c'est ce gouvernement qui a décidé du plan santé au travail, et qui le met en oeuvre ! Ce plan santé au travail, qui a des traductions concrètes sur le terrain, fait d'ailleurs l'objet d'une mobilisation, y compris de la presse spécialisée dans le domaine de la santé au travail. En effet, dans le cadre de la prévoyance, la revue Santé et travail passera d'une diffusion de 2 500 exemplaires à une diffusion de 30 000 exemplaires, avec notamment une mobilisation des réseaux de la mutualité. Car la santé au travail sera effective d'abord grâce aux partenaires sociaux dans les entreprises.
Ce gouvernement a également engagé le plan de modernisation de l'inspection du travail. Jamais aucun gouvernement depuis trente ans n'avait engagé, en politique du travail, un plan aussi important de réorganisation.
Quant au code du travail, je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte par M. Fischer pour dire à la Haute Assemblée où nous en sommes au sujet de sa recodification.
Le projet d'ordonnance et le projet de code sont prêts ; la qualité du travail a fait l'objet, d'ailleurs, d'une mention explicite dans le rapport de la Commission supérieure de la codification et elle a été jugée exemplaire.
Je tiens à saluer le travail que le directeur général du travail a conduit avec l'ensemble des partenaires sociaux, grâce au soutien de la chambre sociale de la Cour de cassation, des membres du Conseil d'État et des fonctionnaires.
Les textes sont actuellement examinés par la section sociale du Conseil d'État et ils seront ensuite étudiés par l'assemblée générale. Je rappelle qu'il s'agit d'une recodification à droit constant.
Le projet d'ordonnance pourra être examiné lors d'un conseil des ministres au cours du mois de mars.
Nous aurons donc respecté le calendrier, que le Parlement a bien voulu prolonger eu égard aux procédures et à la nécessité de procéder à une concertation approfondie.
Le code du travail ne doit pas être réservé à quelques spécialistes ! La recodification, je tiens à le rappeler en cet instant, a pour objet de rendre plus lisible, plus compréhensible, plus abordable ce code qui régit les rapports entre salariés et employeurs, en allant dans le sens de l'équilibre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Le Texier, Printz et Jarraud - Vergnolle, MM. Madec et Desessard, Mmes Demontès, Schillinger et San Vicente - Baudrin, MM. Godefroy, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du dernier alinéa de l'article L. 132-30 du code du travail est ainsi rédigée :
« Ces salariés bénéficient de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à contribuer modestement à la modernisation du dialogue social, ou plutôt à sa préservation.
La loi de 2004, sur laquelle il faudra décidément revenir, a modifié les modalités du dialogue territorial avec les commissions paritaires locales, départementales ou régionales, qui peuvent être professionnelles ou interprofessionnelles.
Des salariés sont donc membres de ces commissions et ont pour mission, confiée par la loi, de négocier et de conclure des accords d'intérêt local. Ils ont au sein de ces commissions une mission de délégués des salariés des entreprises qu'ils représentent. Dès lors, pourquoi ne pas leur appliquer la même protection que celle qui est prévue pour les délégués syndicaux à l'article L. 412-18 du code du travail ?
Là aussi, la loi de 2004, par le biais de ces commissions paritaires territoriales, ouvre une brèche discrète. Ainsi, à l'instar de la digue, l'eau s'écoulera silencieusement avant de tout envahir.
Nous savons parfaitement que le MEDEF et la CGPME ont la ferme intention de remettre en cause les heures de délégation et la protection des représentants du personnel.
Dire, comme le font les auteurs de la loi de 2004, que ces points doivent être fixés par l'accord lui-même est pour nous inacceptable. Ce nouvel éclatement des règles législatives est comme une épée de Damoclès pour les représentants salariaux qui ne seraient pas assez conciliants.
Les règles de protection des délégués sont d'ordre public social, et il ne peut y être dérogé. Elles ne peuvent être adaptées en fonction des pressions des représentants patronaux et devenir différentes suivant les bassins d'emploi. Le droit du travail n'est pas régionalisable.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Le Texier, Printz et Jarraud - Vergnolle, MM. Madec et Desessard, Mmes Demontès, Schillinger et San Vicente - Baudrin, MM. Godefroy, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 432-4-3 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Nous passons maintenant aux dispositions que vous avez glissées dans une autre loi, la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, que nous avons récemment examinée.
Il faut décidément, avec ce gouvernement, se méfier des grands projets de loi annoncés au clairon et reposant sur de grands principes. Des articles viennent y faire leur nid, comme le coucou, mais ils n'ont rien de chants d'oiseau.
L'article L. 432-4-3 du code du travail remet en cause des règles importantes relatives à l'information et au dialogue social dans les entreprises de plus de trois cents salariés. Il prévoit qu'un accord de branche, d'entreprise ou de groupe pourra substituer aux informations et documents à caractère social, économique et financier actuellement prévus par le code du travail un rapport annuel synthétisant l'ensemble de ces données. La synthèse est parfois ennemie de la précision.
Par exemple, s'agissant de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, il y a une différence notable entre la mention de la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes, qui peut être une simple photographie, et le rapport précis, sur la base d'indicateurs pertinents, recensant les mesures prises et les objectifs annuels, aujourd'hui exigé par l'article L. 432-3-1 du code du travail.
Si je choisis cet exemple, ce n'est pas, vous vous en doutez, tout à fait au hasard. Le Parlement a examiné récemment la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, seul texte social sur lequel l'urgence n'a pas été déclarée au cours de cette législature. Nous y avons donc consacré tout notre temps. C'était d'ailleurs un sujet prioritaire, selon le Président de la République.
Ce texte n'apporte pas d'amélioration sensible en la matière. Il prévoit en effet des délais considérables et n'est assorti d'aucune sanction pour les employeurs qui ne se mettront pas en conformité avec la loi. Et nous avons le sentiment que même cela n'a servi à rien, puisque le Gouvernement a fait adopter dans la loi sur la participation cette disposition qui remet en cause les lois Roudy et Génisson.
De plus, cet article 29 a été introduit dans la loi par voie d'amendement, c'est-à-dire sans aucune concertation préalable.
Voilà, monsieur le ministre, plusieurs contradictions internes à votre démarche, contradictions qui ne sont qu'apparentes. Nous avons l'habitude des effets d'annonce, immédiatement contredits par les faits. En effet, les véritables mesures, celles qui restreignent la portée de la négociation collective et les droits des salariés, sont prises en toute discrétion, alors que les effets d'annonce sans lendemain sont largement médiatisés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'amendement n° 10 remet en cause certaines dispositions de la loi du 4 mai 2004. Je me suis déjà exprimée sur cette loi et sur le rendez-vous qui est prévu à la fin de l'année. L'avis de la commission est donc défavorable.
Quant à l'amendement n° 11, j'ai calculé que la loi du 30 décembre 2006 avait été adoptée voilà exactement vingt et un jours. On battrait donc tous les records de mise en cause d'une loi en votant aujourd'hui des dispositions contraires à ce texte. La commission est donc également défavorable à cet amendement.
M. Guy Fischer. Notre objectif est précisément de remettre en cause les lois que nous n'approuvons pas !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'article de la loi du 4 mai 2004 auquel vous faites allusion, madame Printz, a eu pour objet, en développant la vocation à la négociation collective des commissions paritaires locales, de favoriser l'émergence d'une couverture conventionnelle adaptée aux réalités locales. Compte tenu de la spécificité du mandat, le statut des membres de ces commissions ne peut être assimilé à celui de délégués syndicaux d'entreprise.
Faire vivre le dialogue social, ce n'est pas inventer de nouvelles extensions. Le statut des délégués syndicaux d'entreprise existe, il faut en assurer le respect. C'est l'une des préoccupations du ministère du travail puisque je rends maintenant publique la situation de ces délégués syndicaux.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 10.
Quant à l'amendement n° 11, qui tend à remettre en cause un texte dont les décrets d'application ne sont pas encore parus, je ne puis évidemment qu'y être défavorable.
M. Jean Desessard. Il vaut mieux le faire maintenant qu'après !
Mme Gisèle Printz. On l'a bien fait pour le CPE !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par Mmes Le Texier, Printz et Jarraud - Vergnolle, MM. Madec et Desessard, Mmes Demontès, Schillinger et San Vicente - Baudrin, MM. Godefroy, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 3 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise est abrogé.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L'article 3 de la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise vise à introduire dans le droit du travail l'accord individuel entre le salarié et l'employeur au sujet des heures dites choisies, c'est-à-dire des heures supplémentaires supérieures au contingent que le salarié effectuerait.
La rédaction de l'article est évidemment ambiguë, puisqu'il est dit que ces heures sont réalisées par accord entre le salarié et l'employeur. On ne sait qui souhaite l'accord.
Ce que l'on sait, en revanche, c'est que des heures supplémentaires ne sont jamais effectuées sur simple demande du salarié et qu'il faut à cela un cahier des charges. On sait par ailleurs que la loi précise que les heures supplémentaires sont réalisées selon la volonté de l'employeur, et qu'il est périlleux pour qui veut conserver son emploi de les refuser. On sait enfin que les heures complémentaires des salariés à temps partiel contraint ne sont pas majorées, alors que ce sont eux qui ont le plus besoin de travailler davantage pour gagner plus.
Il est dommage que le Gouvernement n'ait pas fait sien le slogan du candidat de l'UMP aux présidentielles. Il y a, encore une fois, loin de l'effet d'annonce à la réalité.
Ce qui pose problème au regard du dialogue social, c'est que l'on fait entrer dans le droit du travail, toujours par la petite porte et sans avoir l'air d'y toucher, la notion d'accord individuel entre le salarié et l'employeur. Il y a une différence majeure entre la notion de contrat de travail, par définition individuel, et la notion d'accord, jusqu'à présent toujours collectif. Cette différence ne peut avoir échappé aux juristes du MEDEF.
C'est bien une démolition de la collectivité de travail qui est à l'oeuvre et une individualisation à marche forcée de la relation de travail.
Les salariés sont progressivement invités à créer leur propre entreprise, c'est-à-dire à se transformer en prestataires de services individuels. Les contrats précaires deviennent la règle, et la gestion prévisionnelle des emplois est transformée pour débarrasser l'employeur de toute responsabilité à l'égard du salarié qu'il veut licencier.
Bientôt, ce sera à l'intérieur de l'exécution de chaque contrat de travail que devra se tenir une négociation individuelle entre deux partenaires fictivement égaux.
Nous revenons progressivement à la préhistoire des relations sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 3 de la loi n°2005-296 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise est abrogé.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Le présent amendement prévoit de revenir sur la possibilité ouverte au chef d'entreprise, par la loi de 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, de déroger aux règles du code du travail et aux pratiques de la négociation collective, afin de permettre aux salariés d'effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel.
Tout en sachant que nous n'avons aucune chance d'être entendus et satisfaits sur ce point - pas plus que sur les autres, d'ailleurs -, nous avons néanmoins tenu à déposer cet amendement. Cela nous permet de dénoncer une fois encore l'hypocrisie et la perversité de votre mesure de « temps choisi ».
M. René Garrec. Le mot est dur !
M. Jean Desessard. Plus que de la perversité, c'est de la « perversitude » ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Vous êtes les seuls à croire qu'un salarié seul face à son employeur est en mesure de consentir librement à effectuer des heures supplémentaires. C'est sous la contrainte d'un pouvoir d'achat sans cesse en baisse et sous le poids des pressions sur l'emploi et les salaires que le salarié effectuera les heures supplémentaires et dépassera ainsi la durée maximale hebdomadaire de travail fixée par la loi et relevant de l'ordre public social. Il le fera sans forcement être rémunéré en proportion de ses efforts puisque les heures supplémentaires peuvent être payées au rabais et en prenant des risques pour sa santé. D'ailleurs, dans le cadre du contrat nouvelles embauches, nous avons des exemples très précis de personnes licenciées parce qu'elles ont refusé de faire des heures supplémentaires, et cela sans tambour ni trompette.
Cet amendement a également le mérite d'illustrer, si besoin en était encore, l'attitude passée du Gouvernement qui, pour des raisons étroitement idéologiques, a tenu à s'attaquer à la loi sur la réduction du temps de travail, accusée par le MEDEF, notamment, de tous les maux, sans en assumer ouvertement la responsabilité. Le texte en question était d'initiative parlementaire et a donc pu ainsi être déposé sans que les organisations syndicales soient consultées. Voilà comment le Gouvernement utilise certains stratagèmes.
Dans la mesure où le texte que nous examinons n'affecte pas la procédure de dépôt des propositions de loi et ne porte pas atteinte au droit d'amendement, il est à craindre que, demain, ce gouvernement, ou le suivant, soit encore tenté par de telles dérives préjudiciables à l'esprit de la réforme présentement initiée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Madame Jarraud-Vergnolle, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que les heures choisies sont une innovation. C'est effectivement une innovation qui nous paraît intéressante et sur laquelle nous ne souhaitons pas revenir.
Selon M. Fischer, nous serions les seuls à croire qu'un salarié peut effectuer sans contrainte des heures supplémentaires. Non, nous ne sommes pas les seuls !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vu le niveau des rémunérations, les salariés sont de plus en plus nombreux à le faire !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Permettez-moi de citer Mme Ségolène Royal s'exprimant sur les trente-cinq heures : « Des assouplissements ont déjà été apportés. Peut-être faut-il aller au-delà pour que ceux qui veulent travailler plus puissent le faire. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas notre candidate !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Effectivement, mais cela montre que nous ne sommes pas les seuls à penser que l'on peut travailler plus pour gagner plus.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 12 et 22.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plus les salaires sont bas, plus les salariés font des heures supplémentaires !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je ne sais pas s'il y a une transmission de pensée entre le parti socialiste et le parti travailliste britannique, mais nous serions effectivement revenus à la préhistoire si nous avions suivi la proposition de M. Blair à M. Gordon Brown, qui voulait, au mois de décembre dernier, par le système dérogatoire de l'opting out, que puissent être portées à soixante-cinq heures les possibilités de déroger à la loi par un accord individuel.
En s'en tenant, à l'instar du Luxembourg, de la Belgique, de l'Italie, de l'Espagne et de la Grèce à une position de refus de l'opting out, la France n'est pas retournée à la préhistoire. Elle a au contraire permis l'instauration de règles du travail qui, en Europe, ne permettent pas que s'exerce une forme de dumping social.
Je n'aurai pas la cruauté de rappeler qu'un certain nombre de gouvernements appartenant à l'Internationale socialiste étaient tout à fait sur la même ligne que les Britanniques. Alors, que ceux qui s'en défendent prennent garde de ne pas être précisément les instigateurs d'un retour à la préhistoire !
Par ailleurs, s'agissant du temps choisi, je rappelle qu'un double accord est nécessaire : l'accord collectif et l'accord individuel. C'est d'ailleurs ce qui distingue ce système de celui de l'opting out. La notion d'accord collectif est importante, car c'est autour de l'accord collectif que s'articule le dialogue social.
Je souhaite que l'on ne caricature pas l'action du Gouvernement, qui a la volonté de permettre aux salariés qui le souhaiteront de travailler plus dans le cadre d'accords collectifs.
Un certain nombre de réalités s'imposent - souvenez-vous de l'époque où l'on parlait d'entreprises qui passaient de trente-cinq heures à trente-six heures trente - qu'il faut avoir le courage de regarder en face, mais il faut agir dans le cadre du dialogue social. Nous serons appelés, les uns et les autres, à un certain nombre de rendez-vous, mais c'est en tenant un langage de vérité que nous pourrons à la fois mener une politique sociale forte et faire preuve de dynamisme économique.
Je suis donc défavorable aux amendements nos 12 et 22.