sommaire
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
3. Souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur
4. Désignation d'un sénateur en mission
5. Décision du Conseil constitutionnel
6. Prévention de la délinquance. - Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
Discussion générale : MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités ; Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Jean-Patrick Courtois, Aymeri de Montesquiou, Mme Raymonde Le Texier, MM. Philippe Goujon, Charles Gautier, Serge Dassault.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre délégué.
Motion no 45 de Mme Éliane Assassi. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Motion no 35 de M. Jean-Pierre Sueur. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Suspension et reprise de la séance
présidence de Mme Michèle André
Demande de renvoi à la commission
Motion no 34 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le ministre délégué. - Rejet.
Article additionnel avant l'article 1er
Amendement no 138 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements identiques nos 49 de Mme Eliane Assassi et 139 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendements nos 1 rectifié de la commission, 122 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 2 de la commission et sous- amendement no 192 rectifié de M. Jean-Patrick Courtois ; amendement no 3 de la commission. - Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-Patrick Courtois, le ministre délégué, le président de la commission. - Rejet des amendements nos 49, 139 et 122 ; adoption de l'amendement no 1 rectifié, du sous-amendement no 192 rectifié et des amendements nos 2 modifié et 3.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 118 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Claude Peyronnet. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 50 de Mme Eliane Assassi et 140 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendement no 194 rectifié de M. Jean-Patrick Courtois. - Mme Éliane Assassi, MM. Charles Gautier, Jean-Patrick Courtois, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des amendements nos 50 et 140 ; adoption de l'amendement no 194 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 51 de Mme Eliane Assassi et 141 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendements nos 4 et 5 de la commission. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des amendements nos 51 et 141 ; adoption des amendements nos 4 et 5.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 142 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre délégué, Pierre-Yves Collombat, Jean-Claude Peyronnet. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements nos 52 de Mme Eliane Assassi, 195 rectifié, 196 rectifié de M. Roger Karoutchi et 6 de la commission. - Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Patrick Courtois, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet de l'amendement no 52 ; adoption des amendements nos 195 rectifié, 196 rectifié et 6.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 7 de la commission, 53 de Mme Eliane Assassi et 143 de M. Jean-Claude Peyronnet. - M. le rapporteur, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Mme Patricia Schillinger.
Amendements identiques nos 54 de Mme Eliane Assassi et 144 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendements nos 8, 9 de la commission et sous-amendement no 222 du Gouvernement. - Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des amendements nos 54 et 144 ; adoption de l'amendement no 8, du sous-amendement no 222 et de l'amendement no 9 modifié.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 6
Amendement no 55 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Mme Raymonde Le Texier.
Amendements identiques nos 56 de Mme Eliane Assassi et 145 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendements nos 10, 11 de la commission et 197 rectifié de Mme Isabelle Debré et 11 de la commission. - Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, Yannick Texier, le ministre délégué. - Rejet des amendements nos 56 et 145 ; adoption des amendements nos 10, 197 rectifié et 11.
Adoption de l'article modifié.
Mme Raymonde Le Texier.
Amendements identiques nos 57 de Mme Eliane Assassi et 146 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 47 rectifié de M. Yves Détraigne, 116 de Mme Eliane Assassi et 147 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendement no 12 (priorité) de la commission. - M. Jean Boyer, Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué, le président de la commission, Jean-Pierre Sueur. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement no 12, les autres amendements devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 58 de Mme Eliane Assassi et 148 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 13 et 14 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 décembre 2006
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 21 décembre 2006 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
DÉCÈS D'ANCIENS SÉNATEURS
M. le président. J'ai le regret de vous rappeler le décès de nos anciens collègues Hubert Peyrou, qui fut sénateur des Hautes-Pyrénées de 1974 à 1992, et Albert Denvers, qui fut sénateur du Nord de 1946 à 1956.
3
souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur
M. le président. Mes chers collègues, je salue la présence de notre nouveau collègue Jean-Claude Danglot, devenu sénateur du Pas-de-Calais à la suite de la démission de M. Yves Coquelle, dont nous regretterons beaucoup les qualités, la courtoisie et la gentillesse.
En votre nom à tous, je lui souhaite une cordiale bienvenue parmi nous. (Applaudissements.)
4
Désignation d'un sénateur en mission
M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 23 décembre 2006 par laquelle il a fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre de l'outre-mer M. Denis Detcheverry, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Cette mission sera de définir les priorités d'une coopération pérenne entre l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon et les Provinces maritimes du Canada.
Acte est donné de cette communication.
5
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 28 décembre 2006, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
6
Prévention de la délinquance
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention de la délinquance (nos 102 et 132).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
Mme Hélène Luc. M. Sarkozy n'est pas là, c'est dommage !
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voici à nouveau devant votre Haute Assemblée le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, après son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale, le 5 décembre dernier.
Vous le savez, c'est à dessein que le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, n'a pas souhaité que soit déclarée l'urgence sur ce projet de loi. C'est en effet la première fois que la prévention de la délinquance fait l'objet d'un débat devant le Parlement. C'est la première fois qu'un Gouvernement a pris le risque de présenter un projet de loi proposant une approche d'ensemble de cette politique, qui n'est pas seulement une politique pénale, ni seulement une politique sociale. Il était donc nécessaire que le débat au sein de chacune des assemblées, et entre les deux assemblées, puisse se dérouler avec pour seules exigences la qualité et la sincérité.
M. Jacques Valade. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Notre attente commune n'a pas été déçue.
Des débats en première lecture, le projet de loi ressort d'abord largement conforté.
Il en est ainsi du rôle du maire. Les apports successifs de votre Haute Assemblée et de l'Assemblée nationale ont permis de conforter le choix de faire du maire le pivot de la prévention de la délinquance.
Ils ont élargi la capacité d'appréciation des maires dans la mise en oeuvre de la loi. C'est dès lors en confiance et en responsabilité que les maires pourront poursuivre leur action quotidienne pour prévenir la délinquance, et s'approprier progressivement les outils que la loi mettra à leur disposition.
Ils ont clarifié le rôle du maire par rapport aux autres autorités et institutions. Ils ont notamment précisé les responsabilités respectives du maire et du président du conseil général. L'équilibre trouvé par le Sénat au cours de la première lecture n'a pas été remis en cause par l'Assemblée nationale et je crois qu'avec les propositions formulées par votre rapporteur, notamment sur les articles 5 et 6 du projet de loi, il devrait se trouver stabilisé.
Ils ont enfin renforcé l'information du maire, notamment de la part des autorités judiciaires. Si l'on veut vraiment que le maire s'implique dans la sécurité et dans la prévention, il ne suffit pas qu'il connaisse les infractions commises dans sa commune. Il faut qu'il puisse demander au procureur de la République quelles sont les suites qui leur ont été apportées par la justice. La moindre des choses est que le maire puisse savoir pourquoi un délinquant notoire, auteur présumé d'une infraction qui lui a été signalée, arpente, en apparente impunité, les rues de sa commune !
M. Jean-Patrick Courtois. C'est vrai !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans ce domaine, le Sénat et l'Assemblée nationale ont chacun fait franchir une étape à un mouvement engagé dès l'été 2002 par Nicolas Sarkozy,...
M. Jean-Pierre Sueur. Nicolas Sarkozy ne vient jamais ! Où est-il ?
Mme Hélène Luc. Il n'est pas là !
M. Jean-Pierre Sueur. Nicolas Sarkozy déserte le Parlement, il ne vient plus !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...et que la seconde lecture dans chacune des chambres doit permettre de stabiliser.
Le projet de loi est également conforté s'agissant des moyens qui seront mis à disposition des collectivités territoriales. Ces moyens ne sont pas nécessairement la condition première pour mettre en oeuvre une efficace prévention de la délinquance : bien souvent les moyens existent et la question est surtout celle de la méthode et de la coordination.
Mais votre assemblée, par la voix de votre rapporteur, a posé au Gouvernement une question concrète, et le Gouvernement a voulu, à son tour, apporter des réponses concrètes aux collectivités qui s'engageront dans les actions de prévention de la délinquance. C'est l'objet des nouvelles dispositions adoptées par l'Assemblée nationale pour le fonds interministériel de prévention de la délinquance.
La loi de finances rectificative a abondé ce fonds à hauteur de 50 millions d'euros ; les crédits qui seront ainsi consacrés à la prévention de la délinquance via l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances atteindront 75 millions d'euros en 2007. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vois dans le fait que votre commission propose d'adopter l'article 2 bis du projet de loi sans modification la reconnaissance de ce que le Gouvernement a tenu les engagements qu'il avait pris devant vous en première lecture.
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui est également clarifié sur un point qui avait très largement fait débat : celui de la présence, dans ce texte relatif à la prévention de la délinquance, des dispositions relatives aux hospitalisations d'office.
L'attente légitime des professionnels et des familles pour une réforme complète des hospitalisations sous contrainte se trouvera prochainement satisfaite, grâce à l'habilitation à légiférer par ordonnance qui a été adoptée dans le cadre du projet de loi relatif aux professions de santé.
Xavier Bertrand est venu spécialement pour faire part à votre Haute Assemblée de l'état de ses discussions avec les professionnels de santé. Il vous en dira donc plus dans un instant.
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi maintenir ces dispositions dans le projet de loi ? On ne comprend pas !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Soyez attentif, monsieur le sénateur, sans cela vous donnerez le sentiment, lorsque vous interviendrez, de ne pas avoir écouté la voix du Gouvernement !
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai très bien écouté !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le projet de loi a été largement complété en première lecture. Les dispositions qui concernent la prévention dite « situationnelle » et la prévention des troubles de voisinage ont été substantiellement enrichies par l'apport de chacune des deux chambres et par leur dialogue, notamment pour ce qui concerne la prévention des troubles anormaux de voisinage et la lutte contre l'incurie de certains propriétaires bailleurs.
Le travail parlementaire a également permis des avancées substantielles concernant la lutte contre le stationnement illicite des gens du voyage, la lutte contre les violences routières, le contrôle des chiens dangereux, la lutte contre le développement des jeux d'argent.
Nous avons voulu également répondre, sans attendre, aux violences dont sont victimes les forces de l'ordre, et dont l'actualité récente a fourni des illustrations proprement intolérables. Les pompiers, les agents des transports publics, ceux de l'administration pénitentiaire, sont également menacés. Désormais, ceux qui s'en prendront à eux savent qu'ils seront passibles de la cour d'assises.
L'amendement que propose votre rapporteur pour lutter contre le happy slapping, cette pratique odieuse qui consiste à enregistrer et à diffuser, dans une sorte de glorification de la barbarie, des images des agressions les plus violentes, viendra renforcer l'effort que nous menons pour apporter des réponses toujours plus rapides aux nouveaux seuils que franchissent, sous nos yeux, la barbarie et la violence.
Enfin, un dialogue constructif avec l'Assemblée nationale nous a permis d'avancer sur deux sujets majeurs, sur lesquels il vous est à présent proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous prononcer à votre tour.
Le premier de ces sujets, c'est bien entendu l'excuse de minorité. Personne ne conteste ce constat : des actes de plus en plus graves sont commis par des mineurs de plus en plus jeunes. Aujourd'hui, sous prétexte que des jeunes sont mineurs, nous attendons leur majorité pour réagir. C'est pour cela que Nicolas Sarkozy a voulu ouvrir ce débat,...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est pourquoi il n'est pas là !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...non pour supprimer l'excuse de minorité, mais pour l'adapter à ce qu'est aujourd'hui la délinquance des mineurs.
Si vous adoptez le texte retenu par l'Assemblée nationale, mesdames, messieurs les sénateurs, les magistrats pourront écarter plus facilement l'excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans ; lorsqu'il s'agira de récidivistes, ils n'auront pas à motiver cette décision.
Le second sujet, c'est celui de l'écart entre les peines qui sont prévues par le code et celles qui sont réellement prononcées. Nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi, alors que le législateur détermine pour chaque infraction une peine encourue, certains délinquants peuvent commettre des infractions à répétition sans que cette peine, que la récidive fait d'ailleurs doubler, soit jamais appliquée.
Désormais, en cas de récidive ou de réitération, la juridiction devra motiver le choix de la peine qu'elle prononce au regard des peines encourues. Quand la justice est rendue au nom du peuple français, la moindre des choses c'est que ce dernier puisse la comprendre !
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les observations dont je voulais vous faire part, au nom du Gouvernement. Je veux vous rappeler que le fait d'opposer systématiquement prévention et répression, comme le font certains, c'est une caricature.
Qui contestera que la certitude de la sanction soit le premier élément de la prévention ? Qui contestera la nécessité, pour éviter que des jeunes, qui n'ont plus de repères, ne dérivent vers la délinquance, non seulement de les aider, d'aider leurs familles à assumer leurs responsabilités, mais aussi d'apporter des réponses pénales rapides, diversifiées et adaptées à chaque âge, plutôt que d'entretenir le sentiment d'impunité ?
Ce texte, les Français l'attendent, car ils attendent de nous que nous cessions d'opposer systématiquement prévention et répression.
Ce texte, les Français l'attendent, car ils attendent du Gouvernement comme du législateur qu'ils sachent apporter à des questions qui empoisonnent la vie quotidienne de nos concitoyens, notamment les plus défavorisés, des réponses simples, pragmatiques, efficaces.
Ce texte, les Français l'attendent, car ils ne veulent plus entendre ni ceux qui se complaisent dans des postures idéologiques, ni ceux qui, faute de pouvoir inventer des solutions, prétendent qu'il n'y a pas de problèmes.
L'ambition de ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est d'apporter des réponses à nos concitoyens, de fournir des outils à ceux qui, jour après jour, sont confrontés aux réalités du terrain et qui, malgré toutes les difficultés, tous les découragements parfois, ont décidé de ne pas renoncer.
Pour notre part, avec M. le ministre d'État,...
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'est toujours pas là !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...nous serons toujours du côté de ceux qui ne renoncent pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est le ministre de la santé et des solidarités qui est présent, et non pas le ministre de l'intérieur, alors qu'il s'agit de parler de la sécurité !
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi relatif à la prévention de la délinquance tend à apporter une réponse globale et cohérente au problème de l'insécurité. Pour la première fois, les déterminants de la délinquance sont abordés, à la fois dans leur globalité et, disons-le clairement, dans leur complexité. C'est ce qu'ont voulu le ministre d'État, Nicolas Sarkozy,...
M. Charles Gautier. Il n'est pas là !
M. Xavier Bertrand, ministre. ...et l'ensemble des ministres concernés par ce texte.
Le projet de loi, qui vous est soumis aujourd'hui, adopté en première lecture au Sénat le 21 septembre dernier, et à l'Assemblée nationale le 5 décembre, met en place des procédures renouvelées qui permettent aux différents acteurs de partager l'information grâce à des procédures plus efficaces, garantissant un juste équilibre entre la sécurité de nos concitoyens et le respect du droit des malades.
En effet, aujourd'hui, on observe bien trop souvent un système cloisonné, dans lequel les différents acteurs de la prévention de la délinquance peuvent éprouver des difficultés à dialoguer ensemble. À l'évidence, personne ne souhaite que s'établisse une confusion entre délinquance et santé mentale. Le rapport Garraud relatif à la prise en charge des patients dangereux, qui a été remis au Premier ministre, établit une distinction claire entre la dangerosité psychiatrique et la dangerosité criminologique.
Cependant, nous devons reconnaître que certains troubles psychiatriques ne sont pas étrangers à certains comportements violents.
Même si aujourd'hui les dispositifs de prise en charge médicale des malades atteints de troubles mentaux produisent indéniablement des effets, il est manifeste que nous devons aussi concentrer nos efforts sur l'amélioration de la coordination entre l'autorité judiciaire et le système de soins, pour aboutir à un traitement efficace de la délinquance associée à des troubles psychiques. Il faut tout simplement que les acteurs concernés se parlent pour éviter toute rupture dans la continuité des soins.
Le Gouvernement s'était engagé à élaborer une réforme de la loi de 1990 sur les hospitalisations sous contrainte, à la fois globale et équilibrée. Cette réforme était demandée et attendue par l'ensemble des professionnels de santé et par les associations de patients. Elle est l'aboutissement d'une réflexion et d'une concertation menées depuis près de deux ans. Il était nécessaire de trouver un support législatif susceptible d'accueillir cette réforme. Le calendrier parlementaire très restreint a obligé le Gouvernement à recourir à la voie de l'ordonnance.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, afin de garantir la tenue d'un débat parlementaire, le Gouvernement a souhaité maintenir les articles 18 à 24 concernant l'hospitalisation d'office dans le projet de loi qui vous est présenté. Il ne peut que s'en féliciter, car le débat fut riche.
La nécessité d'élaborer une réforme globale a été soulignée par tous les intervenants, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. En effet, ces questions dépassent largement, et nous le savons, le clivage droite-gauche, ce qui est suffisamment rare pour être dit.
Un groupe de travail s'est réuni à trois reprises, afin d'élaborer les axes de réforme de la partie sanitaire de l'hospitalisation sans consentement. Les trois réunions de concertation, qui ont eu lieu les 15 et 28 novembre ainsi que le 13 décembre, ont permis de dégager un consensus. Tous les experts se sont accordés sur la nécessité de mettre en place un dispositif de soins sans consentement qui prenne en compte non seulement le volet hospitalier, mais aussi ses modalités ambulatoires. C'est tout l'esprit de cette réforme qui, je le répète, se veut globale et qui a pour objectif d'être adaptée au parcours de soins du patient, à quelque moment que ce soit. C'est pourquoi il ne s'agit plus simplement de la mise en place de modalités d'hospitalisation. Nous voulons désormais parler de modalités de soins psychiatriques, et l'enjeu n'est pas seulement sémantique.
Les différentes modalités des soins sans consentement, qu'il s'agisse de l'hospitalisation d'office, de l'hospitalisation à la demande d'un tiers ou de l'obligation de soins ambulatoires, doivent être adaptées à l'état du patient.
Cette réforme inclut, par ailleurs, celle de la notion de tiers en cas d'absence de tiers, en particulier pour les personnes se trouvant dans un grand isolement.
Enfin, le présent projet de loi prévoit de perfectionner le fonctionnement des commissions départementales des soins psychiatriques, dans un souci d'amélioration du droit des malades et du respect de la réglementation. L'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce dossier a été adoptée par l'Assemblée nationale le 23 novembre dernier et par le Sénat le 21 décembre. Elle sera soumise, en deuxième lecture, à l'Assemblée nationale le 11 janvier prochain, ce qui nous permettra de répondre à la demande qui a été exprimée sur les différentes travées et à celle des acteurs du secteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement, attaché à la mise en place d'une réforme globale et équilibrée, a tenu ses engagements. La concertation a permis la rédaction d'un texte équilibré, qui pourra être publié sous forme d'ordonnance au début du mois de février et qui sera également présenté aux parlementaires particulièrement intéressés par ce sujet, comme je m'y étais engagé devant la Haute Assemblée.
Le Gouvernement a pris en considération les messages qui lui ont été adressés. C'est dans cet esprit, en dehors de tout climat passionnel, que nous pourrons résolument avancer dans l'intérêt de tous, de la sécurité de nos concitoyens et du respect du droit des malades. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en abordant l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, je souhaite souligner à quel point le travail du Sénat et de l'Assemblée nationale a contribué, en étroit partenariat avec le Gouvernement, à enrichir ce texte et à le compléter.
Les innombrables auditions auxquelles il a été procédé, comme les multiples amendements qui ont été adoptés, ont permis, sur bien des points, d'infléchir les principales orientations de la réforme. Il en va ainsi, notamment, des modalités qui permettront demain au maire de s'affirmer comme le pilote de la prévention de la délinquance, dans le respect des responsabilités et des prérogatives tant des conseils généraux et de leur président que des travailleurs sociaux ou de la justice.
L'écoute attentive des associations d'élus locaux, dans leur diversité républicaine, a permis de dissiper les craintes d'un maire shérif ou d'un maire fouettard pour ne retenir désormais que l'image du chef d'orchestre, garant de l'harmonie de l'ensemble, sans prendre la place d'aucun des musiciens.
Les deux assemblées se sont efforcées de veiller à la cohérence de la législation, en coordonnant, par exemple, le texte que nous examinons aujourd'hui avec le projet de loi réformant la protection de l'enfance. D'ailleurs, à l'heure actuelle, nul ne peut plus mettre en doute l'attachement de chacun à une adoption rapide de ce dernier par le Parlement.
Des dispositifs fort sensibles, comme les conditions de partage de l'information ou l'éventuelle levée du secret médical dans le cadre de la lutte contre les violences conjugales, ont fait l'objet de débats approfondis et d'un travail minutieux de mise au point permettant d'aboutir à des solutions équilibrées, que la seconde lecture pourra finaliser.
Je ne saurais trop exprimer ma satisfaction que, en dépit des circonstances et d'un encombrement - que d'aucuns jugent, légitimement, excessif - de l'ordre du jour du Parlement dans les semaines à venir, l'urgence n'ait pas été déclarée sur ce projet de loi. Face à l'ambition de cette réforme et aux bouleversements qu'elle va introduire dans la vie quotidienne de nos collectivités et dans celle de la société tout entière, l'urgence eût été une frustration pour les parlementaires et une forme de camouflet pour la démocratie.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En outre, elle aurait ruiné tout espoir de voir se dégager - certes, au lendemain de la période électorale - un consensus très large sur les principaux axes de cette réforme, qui constituera la meilleure garantie de sa réussite.
Venons-en aux principales évolutions que ce projet de loi a connues.
Parmi les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, on peut relever, notamment, le souci d'une meilleure information du maire par le procureur de la République quant aux suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune.
Les députés ont également souhaité élargir les marges de manoeuvre des élus locaux. C'est ainsi que la désignation d'un coordonnateur par le maire devient facultative, comme la création, par le conseil municipal, d'un conseil pour les droits et devoirs des familles.
En outre, dans le respect des compétences de chacun et eu égard à la volonté de ne pas voir remis en cause le rôle de médiateur du maire, l'Assemblée nationale a supprimé la possibilité pour le conseil pour les droits et devoirs des familles de proposer au maire de demander à la caisse d'allocations familiales, ou CAF, la mise en place, en faveur de la famille, d'un dispositif d'aide à la gestion des prestations familiales.
Dans le même esprit, la saisine par le maire du juge des enfants afin de demander la mise sous tutelle des prestations familiales ne pourra se faire que conjointement avec la CAF. Si le juge pourra toujours désigner, le cas échéant, le coordonnateur pour exercer la fonction de délégué aux prestations familiales, ce choix ne pourra plus lui être proposé formellement par le maire.
Ce projet de loi a été également élargi, grâce à l'adoption de très nombreux articles additionnels.
Notre Haute Assemblée en a introduit douze en première lecture, afin d'instituer un fonds interministériel de prévention de la délinquance, de durcir la législation relative aux chiens dangereux, de déterminer les conditions de résiliation du bail en cas de troubles de voisinage, ou encore de favoriser l'évacuation forcée en cas de violation des règles relatives au stationnement des gens du voyage.
L'Assemblée nationale a très largement approuvé les nouvelles mesures adoptées par le Sénat et a apaisé certaines craintes qui avaient été exprimées dans cet hémicycle. Ainsi, le fonds interministériel ne sera pas « un fonds sans fonds », pour reprendre l'expression de certains collègues. Outre la part des crédits délégués par l'État à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, à laquelle il sera adossé, il recevra une partie du produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation.
À son tour, l'Assemblée nationale a inséré dans le projet de loi trente articles additionnels. Elle a ainsi étendu la portée de la disposition, actuellement prévue par l'ordonnance du 2 février 1945, permettant au juge de déroger au principe de l'atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs de plus de 16 ans.
Devant la multiplication des faits de violence commis à l'encontre des forces de l'ordre ou des agents du service public de transport, elle a réintroduit dans le code pénal la circonstance aggravante de guet-apens, créé le délit d'embuscade ainsi que l'infraction de violence volontaire avec arme sur dépositaire de l'autorité publique et aggravé les peines en matière de rébellion.
En outre, ont été introduites un certain nombre de dispositions relatives aux activités de sécurité privée, à la réforme du permis à points, à la possibilité pour le procureur de la République de délivrer un mandat d'arrêt en cas de manquement à une obligation liée au placement sous surveillance électronique mobile ou à la lutte contre le développement des jeux d'argent sur Internet.
La commission des lois vous proposera, mes chers collègues, d'approuver largement ces mesures nouvelles qui, dans leurs grandes lignes, renforcent et prolongent les orientations retenues par le Sénat en première lecture.
Elle vous soumettra, cependant, plusieurs amendements tendant, pour l'essentiel, à améliorer ou à compléter, sur certains aspects, le texte issu de l'Assemblée nationale.
Enfin, elle vous proposera de poursuivre la réflexion autour de deux mesures : la première vise à étendre à la diffamation les cas dans lesquels les associations départementales de maires peuvent se constituer partie civile, et la seconde à incriminer le fait d'enregistrer et de diffuser les images concernant la commission d'infractions de violence. Sur ce dernier point, nous craignons que la pratique récente, connue sous le nom bien mal choisi de happy slapping, ne prenne des proportions inquiétantes, avec la banalisation des téléphones mobiles équipés de caméra et la disponibilité des caméras vidéo.
Dans un livre très récent, intitulé La France d'en dessous, le maire de Sarcelles, qui ne manifeste pas - c'est le moins que l'on puisse dire - une admiration débordante pour le gouvernement auquel vous appartenez, messieurs les ministres, témoigne de son action au quotidien.
Je vous en propose quelques extraits.
« Il n'est pas du rôle de la municipalité d'apprécier la décision d'un juge, mais, dans certains cas, elle doit en être avertie pour prendre les mesures nécessaires de surveillance afin d'éviter un nouveau drame. »
Je cite encore : « Pour un mineur en situation de rupture sociale, d'échec scolaire et qui n'a pas bénéficié d'une prise en charge éducative suffisante depuis sa plus jeune enfance, il faut des règles. Or le système judiciaire français ne lui en donne pas suffisamment. Le cas le plus classique, c'est le vol de portable. La première fois, le voleur aura un simple rappel à la loi : ?Ce n'est pas bien.? La deuxième fois se déroule à l'identique. La troisième fois, celle de trop, il sera enfin convoqué au tribunal, mais six mois après. Dès la première infraction, il lui faudrait une sanction signifiante, expliquée et compréhensible,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Exactement !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ...sinon pourquoi devrait-il s'arrêter ? Le fait de repartir libre, et tout de suite, lui donne le sentiment de n'avoir rien fait de mal. Nous avons des cas d'adolescents qui ont commis cinquante vols de portable avec agression avant de se retrouver devant un juge et d'être incarcérés. »
Mme Raymonde Le Texier. Il faut donner des moyens à la justice !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J'en suis convaincu, mes chers collègues, ce projet de loi mérite mieux que des oppositions aussi systématiques que convenues et la promotion d'une véritable politique de prévention doit s'appuyer sur l'expérience de chacun et se garder de tout manichéisme. Les élus locaux l'ont bien compris. Il n'est pas interdit d'espérer que les parlementaires leur emboîtent le pas.
Sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, la commission des lois vous propose d'adopter ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, aujourd'hui nous revient en deuxième lecture le projet de loi censé, selon vous, « prévenir » la délinquance mais dans lequel, selon nous, transparaît seulement une volonté de répression.
Ce caractère répressif a été renforcé en première lecture tant par les sénateurs que par les députés.
S'agissant de la délinquance des mineurs, je me permettrai de citer ici les mesures préconisées, qui ne font que stigmatiser les jeunes, lesquels sont perçus par vous uniquement comme des délinquants : extension aux mineurs de treize ans à dix-huit ans de la composition pénale et de la comparution immédiate actuellement réservées aux majeurs, abaissement à treize ans de la possibilité de placer un mineur sous contrôle judiciaire, nouvelles sanctions éducatives pour les enfants dès dix ans, etc.
L'Assemblée nationale a cru bon d'en rajouter, en portant de six mois à un an la durée maximale des mesures de composition pénale, en modulant, pour les mineurs de plus de treize ans, la durée du placement prévu à l'article 39, en permettant de déroger au principe de l'atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs récidivistes âgés de plus de seize ans.
Vous n'avez pas réussi à aller au bout de votre logique, à savoir la suppression pure et simple de l'excuse de minorité qui vous gêne tant.
Quant aux peines plancher pour les multirécidivistes, la tentative de les insérer dans ce texte a fort heureusement échoué mais elles figurent toutefois toujours dans le projet législatif de l'UMP pour 2007-2012.
Mme Éliane Assassi. Vous le constatez, j'ai de bonnes lectures !
La remise en cause des principes fondateurs de l'ordonnance de 1945 est votre cheval de bataille, avec l'objectif d'aligner le droit pénal des mineurs sur celui qui est applicable aux majeurs.
Pour ce faire, vous êtes prêts à tous les mensonges. Ainsi, et contrairement à ce que vous avancez, la justice des mineurs n'est pas laxiste et n'organise pas l'impunité des mineurs : entre 1994 et 2004, le nombre de jeunes de moins de dix-huit ans mis en cause a augmenté de 68,9 % ; dans la même période, le nombre de mineurs poursuivis a crû de 63,7 %.
C'est dire si l'on assiste à un durcissement continu du traitement judiciaire de la délinquance juvénile, et non à la démission des magistrats. Le taux de réponse pénale aux affaires mettant en cause des mineurs est supérieur à celui qui concerne les affaires impliquant des majeurs.
Votre texte comprend désormais une multitude de nouveaux délits, quand il n'aggrave pas les peines de délits existants, et s'inspire pour l'essentiel de faits divers : délit d'embuscade, réintroduction de la notion de guet-apens dans le code pénal, délit de détention ou de transport de substances incendiaires, incrimination spécifique des violences volontaires commises contre les forces de l'ordre, les pompiers ou les agents de transport public, sanction plus sévère en cas de circulation sur la voie publique avec un quad ou une mini-moto, aggravation de la répression de la rébellion, durcissement de la législation relative aux chiens dangereux, évacuation forcée des gens du voyage et aujourd'hui le happy slapping.
Ce texte comprend également de nouvelles sanctions, comme la sanction-réparation...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas mal, cela !
Mme Éliane Assassi. ...et la sanction-restauration, ainsi que de nouvelles peines complémentaires, comme la généralisation de la mesure de confiscation, et multiplie les circonstances aggravantes, notamment en matière d'usage de stupéfiants ou encore de délit d'attroupement dans les halls d'immeubles.
Où est la prévention, mes chers collègues de la majorité ? Vous ne faites que courir après les faits divers et les traduire en article du code pénal !
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Voilà votre politique de prévention, qui n'est rien d'autre qu'une politique de lutte contre l'insécurité, de surcroît inefficace et inutile, car elle n'a d'impact ni sur la prévention du passage à l'acte délictuel, ni sur celle de la récidive.
Dans ce texte, rien n'est prévu concernant les domaines d'intervention pourtant prioritaires, au nombre desquels l'éducation, la santé, la culture, la formation, l'emploi, le logement, le suivi éducatif et psychologique. Et quand y sont évoquées l'action sociale, l'action éducative et la psychiatrie publique, c'est uniquement pour en transformer les objectifs et les mettre au service de la lutte contre l'insécurité.
L'État pénal continue ainsi de se renforcer alors que l'État social régresse de plus en plus. Les conséquences en sont désastreuses : extension au domaine social et sanitaire des mesures imposées depuis 2002 dans le domaine strictement pénal - fichage, pénalisation des problèmes sociaux au lieu de les soulager, etc. -, stigmatisation accrue des jeunes et des personnes fragilisées psychologiquement, socialement, économiquement, considérés comme des délinquants potentiels.
Vous continuez, dans le prolongement de la loi de 2003 pour la sécurité intérieure aux termes de laquelle ont été créées pour la première fois des infractions de la pauvreté, de désigner des boucs émissaires : prostituées, mendiants, SDF, immigrés, gens du voyage, jeunes, familles considérées comme défaillantes et laxistes.
En revanche, on aura noté l'absence totale de mesures visant à lutter contre la délinquance économique et financière, ou encore en matière de droit du travail. Si ce type de délinquance est moins visible, il n'en demeure pas moins qu'elle coûte très cher à la collectivité. Nous y reviendrons à l'occasion de la présentation de nos amendements, regroupés dans un chapitre II bis consacré à la prévention de la délinquance économique et financière.
Par ailleurs, votre projet de loi place le maire au centre de la politique de prévention de la délinquance : demain, il sera à la fois père fouettard, shérif, Big Brother puisqu'il aura accès à de nombreux fichiers, délégué du procureur avec le rappel à la loi, alors que seul l'État - et non pas le maire - est le garant du bon fonctionnement de la chaîne pénale.
M. Charles Gautier. C'est vrai !
Mme Éliane Assassi. Le pouvoir de police du maire remplacera définitivement l'action sociale, avec pour seule obsession la lutte contre l'insécurité.
En réalité, c'est un véritable cadeau empoisonné qui est fait aux maires. Il s'agit également d'un double mensonge : d'une part, vous mentez aux maires en leur faisant croire qu'ils auront les moyens de prévenir la délinquance (Hélas ! sur les travées du groupe socialiste) ; d'autre part, vous mentez à leurs administrés en leur laissant croire que le maire a tous les pouvoirs et qu'il pourra résoudre l'ensemble de leurs problèmes, en matière de troubles du voisinage, par exemple.
M. Charles Gautier. Tous coupables !
Mme Éliane Assassi. Quoi qu'en dise M. le rapporteur, les élus, dans une grande diversité, sont opposés à ces nouvelles mesures les concernant.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas l'AMF !
Mme Éliane Assassi. Ce projet de loi va avoir pour conséquence la municipalisation de la lutte contre l'insécurité et de la justice en violation flagrante de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire.
Ce texte organise des transferts importants de compétences de l'État vers les collectivités locales sans aucune contrepartie.
Ce désengagement de l'État en matière de sécurité, laquelle relève pourtant de ses missions régaliennes, va engendrer de profondes inégalités entre les territoires, entre les communes ou entre les EPCI, entre ceux qui auront les moyens de se payer une police municipale et/ou d'avoir recours à des sociétés privées de gardiennage, sans oublier la vidéosurveillance, et les autres qui n'en auront pas les moyens, sauf à augmenter la fiscalité locale.
Le développement des polices municipales a pour objet de remplacer la police de proximité que vous avez supprimée, ce qui permet à l'État de réaliser de substantielles économies en la matière.
Au contraire, il faut réactiver la police de proximité, comme le préconisent les auteurs d'un récent rapport du Sénat sur les quartiers en difficulté, plutôt que de développer les polices municipales, ou encore d'envoyer les CRS, les brigades anti-criminalité, ou BAC, et les groupes d'intervention régionale, ou GIR, dans les quartiers dits sensibles.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Ce texte vise, en outre, à multiplier les fichiers et à faciliter leur croisement. C'est une véritable politique de surveillance, de contrôle social qui se met en place. Nous assistons à la mise en oeuvre d'une société telle que vous la souhaitez : une société autoritaire de fichage et de délation avec le fameux « secret partagé ». Avec ce texte, vous détournez et inversez les finalités : la sanction remplace l'éducation, le « flicage » remplace le travail social.
La responsabilité des parents est, quant à elle, mise en question avec la création de conseils des droits et devoirs des familles, qui ne vont faire que stigmatiser et culpabiliser un peu plus encore les parents jugés défaillants plutôt que de les aider.
Pourtant, la défaillance ne se trouve-t-elle pas davantage du côté du système libéral, imposant toujours plus de flexibilité dans le travail et dans tous les domaines de la vie, que du côté des parents eux-mêmes ?
Ainsi donc, vous poursuivez dans la même voie : celle de la répression, celle qui ne donne aucun résultat, celle qui crispe tout le monde, celle qui oppose les gens entre eux - les jeunes, les policiers, les familles -, celle qui est aux antipodes de l'apaisement social. Vous en êtes arrivés aujourd'hui, à la fin de la présente législature, à faire modifier des lois que, soutenu par une majorité parlementaire aux ordres, vous avez fait voter en 2002, en 2003, en 2004, en 2005 et en 2006 ! Avec vous, le travail législatif n'est jamais fini en matière pénale !
Aucun des textes sécuritaires que vous avez fait adopter depuis 2002 n'a donné de résultat. (M. Jean-Patrick Courtois s'exclame.) Vous faites voter des lois sans les faire appliquer. Où sont, par exemple, les décrets d'application de ces lois ? Où sont les bilans d'application de ces lois, dont le législateur devrait disposer avant de voter de nouvelles mesures législatives ?
Quant aux dispositions relatives à l'hospitalisation d'office, vous avez enfin compris qu'elles faisaient un amalgame douteux entre délinquants et malades mentaux et vous avez décidé de faire passer votre réforme par ordonnance. Dont acte.
Cependant, le problème de fond demeure, puisqu'on va assister à un désengagement de l'État en matière de santé, sans parler de la forme, puisque les articles 18 à 24, annoncés par ordonnance, restent tout de même dans le présent projet de loi. Malgré l'intervention de M. le ministre de la santé et des solidarités, je persiste à ne pas comprendre ce que font encore ces articles dans ce texte. Nous reviendrons sur ce point lors de l'examen desdits articles.
Votre surenchère législative n'est-elle pas un aveu d'impuissance, un aveu d'échec sur toute la ligne de votre politique de sécurité face à une situation qui vous dépasse ? Allez-vous continuer à augmenter les peines d'emprisonnement et les amendes ? Non seulement ce n'est pas dissuasif - vous le savez pertinemment, messieurs les ministres - mais, de plus, quand les peines encourues sont aussi disproportionnées par rapport aux faits commis, la sanction n'est pas comprise.
Vous êtes-vous seulement interrogés sur les conséquences de l'augmentation des peines d'emprisonnement, de la création de nouveaux délits, sur l'état de nos prisons, qui souffrent déjà de surpopulation, de vétusté et d'insalubrité ?
Votre politique aussi libérale que répressive a conduit en moins de cinq ans le pays dans une impasse. Les chiffres de l'Observatoire national de la délinquance, qui a rendu publique, le mois dernier, sa deuxième enquête de victimisation, le prouvent. (M. Philippe Goujon fait un signe de dénégation.) Les chiffres recueillis sont trois fois supérieurs aux vôtres : en 2005, plus de 9 millions d'atteintes aux biens auraient été commises et près de 4 millions de personnes auraient été victimes d'au moins une agression, soit au total plus de 12 millions de crimes et délits.
M. Philippe Goujon. Vous ne savez pas lire les chiffres !
Mme Éliane Assassi. On est bien loin des 3,7 millions de crimes et délits constatés par la place Beauvau.
Quant aux violences scolaires, elles sont, elles aussi, en hausse. Dans un document émanant de ses services, le ministère de l'éducation nationale note en effet une dégradation de la situation depuis les années 2002-2003, avec une hausse de 7 % des actes violents envers les professeurs sur la période 2005-2006 par rapport à 2004-2005.
Pour laisser croire qu'elle s'occupe de cette question, la droite n'a rien trouvé de mieux que de créer une nouvelle sanction - une de plus ! -, je veux parler de la répression de la pratique du happy slapping, sur laquelle nous reviendrons tout à l'heure.
Je regrette quant à moi la suppression par l'Assemblée nationale de l'article 8 bis et le maintien de cette suppression par la commission des lois du Sénat. Pour mémoire, cet article, introduit dans le texte sur l'initiative de mon groupe, visait à faire du service public de l'éducation un véritable acteur de la lutte contre toutes les formes de violences. Nous nous inscrivions avec cette disposition dans le domaine de la prévention ; la droite lui a préféré le domaine de la répression !
Quant au climat dans les quartiers ayant subi les émeutes de l'automne 2005, force est d'admettre qu'il reste très tendu depuis cette époque, notamment entre la population et les policiers. Mais comment pourrait-il en être autrement, puisque ce gouvernement reste sourd aux souffrances qui s'y expriment, souffrances qui trouvent toutes leurs racines dans vos politiques libérales : casse des retraites ; système de santé à deux vitesses ; chômeurs radiés et, donc, privés d'indemnisation ; délocalisations et leur corollaire en termes de suppression d'emplois ; privatisations de pans entiers de notre économie.
Par conséquent, nous voterons contre ce texte, qui, loin d'avoir vocation à être efficace, est avant tout un pur produit idéologique fondé sur une conception libérale de la société selon laquelle la sécurité prime sur l'accompagnement des familles.
Nous voterons contre ce texte, qui ne sert à rien ni à personne : ni à la population, ni aux professionnels, ni aux élus. Il tend plutôt à les opposer les uns aux autres.
Et parce que ce texte constitue selon nous une vraie menace pour la prévention en tant que telle, l'éducation, l'accès aux soins et les libertés individuelles, nous avons déposé une motion tendant à opposer l'irrecevabilité, que défendra tout à l'heure mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce projet de loi, faussement intitulé « prévention de la délinquance », nous arrive donc en deuxième lecture. C'est peu de dire qu'il ne nous donne pas satisfaction.
Aucune des inquiétudes dont nous avons fait état n'a été dissipée et celles-ci peuvent même se trouver renforcées après l'examen du texte par l'Assemblée nationale. Mes collègues socialistes entreront tout à l'heure dans le détail. Pour ma part, je me bornerai à un simple « balayage », qui justifie à lui seul notre position.
Comme vient de le souligner Mme Assassi en terminant son propos, nous considérons toujours qu'il s'agit d'un texte inutile. Présenté dans une précipitation suspecte, après des années d'atermoiements, sans évaluation aucune des résultats des six lois répressives déjà votées par la majorité depuis 2002, il est à l'évidence un texte d'affichage, destiné à nourrir le bilan formel d'un candidat à la Présidence de la République, lequel, ministre de l'intérieur, est cependant toujours aussi absent des débats sur un sujet qu'il a pourtant porté et présenté comme majeur.(M. le ministre délégué s'entretient avec ses collaborateurs.)
Mme Raymonde Le Texier et M. Charles Gautier. Lancez un avis de recherche, monsieur le ministre délégué !
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, je me demande d'ailleurs si M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire est bien présent aujourd'hui, car il n'écoute rien !
M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre ne vient pas et M. le ministre délégué n'écoute pas !
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre délégué, vous avez un art consommé de la répartie, car, sans rien écouter, vous répondrez tout de même tout à l'heure à nos interventions : vous êtes vraiment très fort !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous ai déjà répondu lors de la première lecture !
M. le président. Monsieur Peyronnet, vous ne pouvez pas à la fois demander à M. le ministre de l'intérieur d'être présent aujourd'hui et exiger tous les jours qu'il démissionne de sa charge ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, votre remarque est déplacée !
Mme Raymonde Le Texier. Il n'a pas encore démissionné !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez des regrets, monsieur le président ? (Sourires.)
Mme Raymonde Le Texier. M. Sarkozy a honte !
M. Jean-Patrick Courtois. Non ! Pourquoi aurait-il honte ?
M. Jean-Pierre Sueur. S'il est ministre, il faut qu'il vienne !
M. Charles Gautier. Lancez un avis de recherche !
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, vous êtes quelque peu sorti de votre rôle. Pour ma part, je n'ai rien demandé à M. le ministre de l'intérieur : il fait ce qu'il veut. Tout ce que je souhaite, c'est qu'il vienne défendre devant nous les textes qu'il a proposés et qu'il a présentés comme importants.
Pour en revenir au présent projet de loi, il est inutile parce qu'il n'existe aucune chance qu'il bénéficie d'un début d'application avant les prochaines élections nationales, surtout quand on sait que nombre de décrets d'application des textes antérieurs sur le même objet ne sont toujours pas parus.
Il est également inutile sur le fond, du point de vue répressif qui le caractérise. À quoi sert, par exemple, d'aggraver les peines si l'on ne peut confondre les coupables ? Ainsi en va-t-il du délit d'« embuscade ». (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.) S'il ne peut qu'entraîner une adhésion de principe, on sait la difficulté à le caractériser et, par voie de conséquence, le risque d'amalgame qu'il favorise : en effet, comment la police fera-t-elle le tri, dans l'excitation d'une manifestation nocturne, entre les casseurs, les manifestants pacifiques et les simples badauds ? C'est une porte ouverte aux bavures et un pas de plus vers l'accusation de laxisme portée contre les juges.
En tout état de cause, monsieur le ministre, votre échec est évident, comme l'a déjà montré Mme Assassi en citant plusieurs chiffres. Pour ma part, je rappellerai simplement la hausse de 27 % en quatre ans des « violences non crapuleuses ». Votre échec, vous essayez toujours de le dissimuler derrière la responsabilité des autres. Au risque d'enflammer les banlieues, le ministre de l'intérieur a dénoncé la « racaille », comme si le mal des banlieues pouvait se résumer au comportement de quelques individus ! Au risque de déstabiliser un peu plus une institution déjà en difficulté, vous accusez l'école. Au risque de nourrir les idées les plus extrêmes, vous cédez à l'amalgame en associant troubles et immigration. Au risque d'introduire de façon inconséquente un dysfonctionnement majeur dans l'appareil institutionnel de l'État de droit, vous accusez les magistrats de démission.
Eh non, monsieur le ministre, la justice n'est pas laxiste ! Elle peut être lente, car elle manque de moyens d'instruction, mais elle n'est pas laxiste. Nous vous l'avions d'ailleurs déjà dit au mois de septembre dernier. Dans une étude récente parue dans la revue Claris du mois dernier, un sociologue, M. Mucchielli, démontre en effet opportunément le contraire et précise que les juges sont de plus en plus répressifs malgré l'absence très fréquente d'une caractérisation formelle des délits. Les classements sans suite sont de moins en moins nombreux. Les condamnations sont de plus en plus fréquentes, mais elles sont adaptées aux caractéristiques de la délinquance des mineurs. Élément plus intéressant encore, selon l'auteur, qui cite ses propres statistiques, lesquelles sont sûrement solides, la violence de ce type de délinquance n'a pas progressé depuis dix ans, malgré des faits très médiatisés : ce qui s'accroît de façon exponentielle, c'est la « petite délinquance faite de vols, de bagarres, de vandalisme, de consommation de drogues et d'insultes ou de coups échangés avec les policiers lors des contrôles ». Or, je le rappelle, le Premier ministre, était convenu à l'automne dernier que ces contrôles, par leur répétition, pouvaient être insupportables dans certains quartiers.
Que fait donc la justice ? Eh bien, elle agit ! Les mises en cause des jeunes de moins de dix-huit ans ont augmenté de 68 % en dix ans, passant de 109 000 en 1994 à 184 000 en 2004. Les alternatives aux poursuites telles que les rappels à la loi, les médiations, les réparations et les peines adaptées aux délits ont connu une progression colossale et ont été multipliées par quatorze en dix ans, passant de 4 000 à 59 000 sur cette même période. Dès lors, loin de dénoncer le « laxisme » des juges, M. Mucchielli évoque plutôt la « tolérance zéro ».
Monsieur le ministre, tout cela démontre à l'évidence que, sur ce point particulier de la délinquance des jeunes, les prémisses qui fondent la rédaction de votre texte sont fausses. Or c'est le moment que vous choisissez pour achever votre combat contre l'ordonnance de 1945, car, cette fois, nous y sommes ! Il ne s'agit plus d'adaptations, dont on sait qu'elles ont été nombreuses.
M. Henri de Raincourt. Vingt-trois !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'agit de s'attaquer à l'esprit de cette ordonnance : qu'en restera-t-il, lorsque l'article 35 du projet de loi aura été définitivement voté et que, avec la comparution immédiate comme avec la composition pénale, la justice des mineurs sera définitivement calquée sur celle des majeurs ? Certes, vous avez dû finalement renoncer à l'établissement des peines plancher. Mais vous faites tout pour permettre la disparition de l'excuse de minorité pour les mineurs de moins de seize ans.
En réalité, vous faites tout pour limiter la liberté des juges, par le biais des articles 35 et 45 bis. C'est grave, car cette liberté est en réalité une composante majeure de notre droit. Mal dénommée, elle constitue plutôt une contrainte déontologique, une obligation, un devoir : la peine ne doit être prononcée qu'après la prise en compte des circonstances et de la personnalité du prévenu. Selon nous, l'âge est une composante essentielle de cette personnalité, surtout lorsque l'on sait combien, à cette période de la vie, elle peut évoluer en quelques années, sinon en quelques mois.
Vous n'êtes pourtant pas gênés d'aller ainsi contre l'avis des juges, des psychologues et des travailleurs sociaux. C'est une faute lourde, que rien ne justifie, pas même vos statistiques, comme je l'ai démontré tout à l'heure. Une fois de plus, vous légiférez en fonction de l'émotion, que ce soit à propos de la malheureuse affaire de la jeune femme brûlée à Marseille et de celle qui s'est fait dévorer par ses chiens, ou encore à propos des derniers débordements racistes, effectivement inadmissibles, des supporters du PSG. Tous ces faits sont graves. Faut-il pour autant s'en remettre à une « législation de faits divers », comme il existe une « littérature de gare » ?
Ce qui transparaît plus encore dans ce texte après le passage à l'Assemblée nationale, c'est la méfiance de la majorité à l'égard de certaines populations, qui, additionnées, constituent des pans entiers de la société française.
La méfiance à l'égard de la jeunesse est évidente, y compris dans la lecture partiale que vous faites des chiffres de la délinquance. Or, je le rappelle, les meurtres et séquestrations, même si c'est sans doute déjà beaucoup, ne constituent que 0,3 % de la délinquance des mineurs, 1 % si on inclut les viols.
M. Jean-Claude Peyronnet. Loin d'approuver ces chiffres, bien sûr, je constate simplement que, par rapport à la masse globale, la proportion n'est pas supérieure à celle qui est observée pour la délinquance des majeurs.
Monsieur le ministre, vos réponses sont inadaptées et inefficaces. Pour ne citer qu'un exemple, croyez-vous qu'il suffit de durcir le délit d'occupation abusive des halls d'immeubles pour que ceux-ci cessent ? Si la police n'a pas pu faire cesser ces abus regrettables, n'est-ce pas d'abord parce qu'elle ne peut pas, de fait, intervenir dans certaines zones ou parce qu'il est très difficile de caractériser le délit ? Et cela ne renvoie-t-il pas à bien d'autres choses ? Au chômage ? À l'urbanisme ? Aux équipements collectifs ? Quant à étendre ce délit, comme l'a fait l'Assemblée nationale, aux toits des immeubles collectifs, on ne voit pas bien comment, étant incapable d'entrer par les rez-de-chaussée, la police pourra facilement courir sur les toits !
La méfiance de la majorité s'exerce également à l'égard des familles ou, plutôt, de certaines familles, dont on sent bien qu'elles n'habitent pas les beaux quartiers. Dans cette perspective, il n'est pas sans intérêt de constater que les amendements présentés à l'Assemblée nationale par la gauche, repris d'ailleurs au Sénat par nos amis du groupe CRC, et qui visent à réprimer la délinquance en col blanc ont tous été repoussés au motif, a dit M. le rapporteur, qu'il n'est pas certain qu'ils aient « leur place dans le texte ».
C'est une mauvaise plaisanterie ! Alors qu'on y traite de tout,...
Mme Raymonde Le Texier. Même de la psychiatrie !
M. Jean-Claude Peyronnet. ...alors qu'il constitue un inventaire à la Prévert, dans lequel seule la répression du raton laveur est épargnée (Sourires) - encore que, si on cherchait bien, on la trouverait peut-être ! -,
M. Jean-Patrick Courtois. On n'y a pas pensé !
M. Charles Gautier. Sarko laveur !
M. Jean-Claude Peyronnet. ...voilà que, tout à coup, vous vous avisez de considérer que les délits économiques et financiers ne peuvent pas y être évoqués. Quel aveu de partialité !
Pourtant, vous avez trouvé un peu de place pour faire cadeau aux automobilistes de points sur leur permis écorné. On voit bien par là que, lorsque vous le voulez, c'est-à-dire lorsque c'est électoralement rentable, vous pouvez transférer Noël en avril !
M. Henri de Raincourt. C'est cela qui vous fait peur !
M. Jean-Claude Peyronnet. La méfiance de la majorité s'exerce à l'égard des populations réputées a priori à risques, à l'instar des gens du voyage ou des consommateurs de drogue.
M. Jean-Patrick Courtois. Prenez-les chez vous !
M. Jean-Claude Peyronnet. Pourquoi, puisque vous voulez finalement légiférer par ordonnance, n'avez-vous pas « sorti » les articles 18 à 24 du présent texte, qui traitent de la santé mentale ?
M. Jean-Pierre Sueur. Bonne question ! C'est, à l'évidence, ce qui aurait dû s'imposer !
M. Jean-Claude Peyronnet. M. le ministre de la santé s'est justifié tout à l'heure, en nous expliquant qu'il souhaitait permettre au Parlement de s'exprimer. Personnellement, je me méfie toujours de ceux qui prônent la défense des droits du Parlement et qui choisissent ensuite de légiférer par ordonnance.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui ! C'est contradictoire !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je m'inquiète de la précipitation avec laquelle vous agissez pour régler un problème qui aurait dû l'être il y a très longtemps. Pourquoi ne pas prendre la voie normale plutôt que l'ordonnance ? En effet, sauf erreur de ma part, il était prévu que la loi de 1990 soit revue cinq ans après sa promulgation, c'est-à-dire avant 1996, voilà plus de dix ans. Alors que, pendant toute cette période, la voie normale n'a pas été utilisée, voilà que, subitement, vous nous dites qu'il y a urgence à traiter ce problème et à légiférer par ordonnance !
La méfiance de la majorité s'exerce également à l'égard des institutions. Vous voulez tout contrôler. On l'a vu pour les juges. On le voit aussi, à une plus petite échelle, pour des institutions jusqu'à présent indépendantes, comme la Commission nationale de déontologie de la sécurité. On ne vous reprochera pas d'avoir nommé à sa tête un président fortement marqué à droite, car c'est de bonne guerre.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. On ne peut pas nommer Schweitzer partout !
M. Jean-Claude Peyronnet. Mais quel est le sens d'introduire par la loi dans les statuts de la Commission un commissaire du gouvernement et de préciser qu'il pourra être accompagné d'adjoints ? M. Courtois a d'ailleurs déposé un amendement pour préciser les choses. Quoi qu'il en soit, monsieur le rapporteur, une telle précision est-elle bien du ressort de la loi ? Certainement pas ! Ce n'est même pas une disposition réglementaire au sens où on l'emploie habituellement dans cette enceinte. Elle relève plutôt du règlement intérieur tel qu'on peut l'observer dans le fonctionnement d'une association de joueurs de boules ! (Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Tout cela serait risible s'il ne s'agissait, en fait, d'introduire l'oeil du ministre dans une institution qui vous gêne !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est la même chose à la CNIL !
M. Jean-Patrick Courtois. Il n'y a pas besoin de l'oeil du ministre puisque j'y suis déjà !
M. Jean-Claude Peyronnet. Pour le reste, rien n'est changé, ou à peine, du point de vue des pouvoirs du maire, et pas plus au point de vue des relations entre collectivités.
Monsieur le rapporteur, à la fin de votre intervention, vous avez cité le maire d'une grande ville de banlieue. Personnellement, je terminerai en citant certains députés-maires UMP, qui ont donné leur avis sur ce texte pour la partie concernant les pouvoirs du maire. Ceux-ci ne s'y sont pas trompés. Pour Pierre Cardo, député UMP des Yvelines, il n'est pas facile d'être maire, mais cela risque d'être bien pire avec cet article 8. En outre, Jacques Pélissard, qui n'est pourtant pas n'importe qui puisqu'il préside l'AMF, l'Association des maires de France, craint que ce texte ne crée la confusion entre prévention et répression.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je l'ai auditionné longuement !
M. Jean-Claude Peyronnet. Certes, mais il s'est également exprimé à l'extérieur de cette enceinte !
M. Jean-Claude Peyronnet. Finalement, je résumerai la position partagée par beaucoup sur ce texte en citant un député UMP, qui a préféré garder l'anonymat, peut-être parce que les termes employés ne sont pas d'une valeur juridique absolue. Voici en effet comment il a qualifié le présent projet de loi dans Le Monde du 28 novembre 2006 : « Un nid d'emmerdes ! »
M. Jean-Claude Peyronnet. Telles sont quelques-unes des raisons qui justifient, monsieur le ministre, notre opposition formelle au texte que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, lors de la discussion de ce texte en première lecture, j'ai déjà eu l'occasion de souligner son caractère audacieux, notamment parce qu'il est transversal.
Il me semble donc assez contradictoire de reprocher à un texte à la fois de toucher à tout - au social, au logement, à l'urbanisme, à la procédure pénale et à la santé - et de ne s'attacher qu'à l'aspect répressif de la délinquance.
Je pense, pour ma part, que ce texte méritait d'être enrichi, ce qu'a d'ailleurs fait le Sénat, et avec force, en première lecture. Il faut également remercier l'Assemblée nationale d'avoir conservé une bonne partie des dispositions introduites par le Sénat.
Toutefois, sans reprendre les débats depuis le début, au risque de les prolonger indéfiniment, ce que, de toute façon, la procédure législative nous interdit, il me semble que certaines améliorations, peu nombreuses, peuvent encore être apportées. Ainsi, les établissements publics de coopération intercommunale qui se sont dotés de la compétence en matière de prévention de la délinquance doivent avoir un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance.
L'information des maires avait également retenu notre attention. Loin de souhaiter obtenir systématiquement des pouvoirs supplémentaires en matière de police, les maires veulent, au contraire, être informés et écoutés sur toutes les questions qui concernent la prévention de la délinquance sur le territoire de leur commune. Il est donc nécessaire, à ce stade de notre discussion, d'imposer au procureur de la République d'informer les élus locaux des suites judiciaires données à des faits signalés par des maires.
La pratique du rappel à l'ordre par les maires existe déjà, je le rappelle, notamment dans les petites et moyennes communes. C'est dire que le texte ne fait donc que formaliser une pratique en vigueur dans de nombreux cas.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous sommes contre !
M. François Zocchetto. Il est donc inutile de s'inquiéter.
L'Assemblée nationale a cru bon d'introduire un mécanisme de convocation écrite préalable à ce rappel à l'ordre. Il s'agit d'une mauvaise idée, car cette procédure supplémentaire risque de renforcer la confusion entre le rôle du maire, acteur de la prévention, et celui des juges, chargés, quant à eux, de la répression.
J'espère, pour ma part, que le Sénat décidera de revenir à la rédaction qu'il avait adoptée en première lecture et de supprimer cette procédure de convocation écrite, dont le seul effet est de judiciariser le rôle du maire, ce qui n'est ni souhaitable ni, d'ailleurs, souhaité.
Je me réjouis, par ailleurs, de constater que le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, que le Sénat avait appelé de ses voeux, ait été financièrement conforté par la dernière loi de finances.
En matière d'action sociale, un équilibre a été trouvé entre l'intervention du maire et celle du président du conseil général s'agissant tant de la nomination du coordonnateur que de la création du conseil pour les droits et devoirs des familles.
J'attire toutefois l'attention du Sénat, en espérant que cet appel sera entendu par nos collègues députés, sur l'indispensable cohérence à trouver entre le présent texte et le projet de loi réformant la protection de l'enfance, dont la discussion au Palais-Bourbon débute aujourd'hui. Il faut souhaiter que l'examen concomitant de ces deux textes ne crée pas de confusion et que la concertation la plus grande s'établisse entre les deux assemblées.
En ce qui concerne l'habitat et l'urbanisme, je remarque que la disposition adoptée au Sénat a été profondément remaniée par l'Assemblée nationale. En effet, les députés ont décidé que tout propriétaire qui néglige d'utiliser les droits dont il dispose pour faire cesser les troubles suscités par son locataire sera responsable des dommages causés.
Je crains que cette disposition ne soit source de nombreuses difficultés.
M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !
M. François Zocchetto. En effet, si les bailleurs devaient être reconnus systématiquement responsables des troubles causés non seulement par un locataire mais également par un simple occupant, il est à craindre qu'ils ne renoncent à louer leurs biens ou qu'ils ne sélectionnent leurs locataires avec plus de rigueur encore que ce qui est le cas actuellement.
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
M. François Zocchetto. Il serait donc opportun de supprimer cette responsabilité systématique du bailleur pour les troubles causés par l'occupant, comme nous l'avons décidé à la quasi-unanimité, ce matin, en commission des lois. Si nous ne le faisons pas, nous risquons de voir à l'avenir se multiplier les contentieux, et d'interdire à un certain nombre de nos concitoyens tout accès à un logement.
M. Jean-Patrick Courtois. C'est vrai !
M. François Zocchetto. En matière de délinquance des mineurs, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait retenu le principe de la nouvelle procédure de présentation immédiate des mineurs devant la juridiction pénale, ainsi que celui de la composition pénale, dont le Sénat avait salué les effets positifs lors des travaux de la mission d'information relative aux procédures accélérées de jugement en matière pénale.
S'agissant de la composition pénale, je regrette, à titre personnel, qu'aucune distinction n'ait pu être établie entre les mineurs âgés de moins de seize ans, pour lesquels cette procédure ne me semble pas adaptée, et ceux de plus de seize ans, qui peuvent y être soumis sans problème.
Pour ce qui est de l'excuse de minorité et tout ce qui pourrait la remettre en cause, nous devons également demeurer vigilants, sauf, en effet, à considérer que le jeune en question est, d'une certaine façon, devenu adulte. Si cette remise en cause est acceptable dans certains cas, notamment lorsqu'un mineur est dans sa dix-huitième année, en revanche, pour les mineurs moins âgés, faire l'impasse sur l'excuse de minorité les ferait définitivement basculer dans le monde des adultes, option dont les conséquences sont non seulement importantes, mais dangereuses : nous connaissons tous les dégâts causés par la détention sur les mineurs.
Il faut, enfin, signaler les apports du texte en matière de renforcement de la lutte contre la pédopornographie sur Internet, la traite des êtres humains et le proxénétisme. Toutes les dispositions prises en ce sens sont positives.
Je le dis en toute sincérité : si nous voulons bien faire fi des polémiques politiciennes, dont les motivations sont souvent très éloignées du coeur du débat, nous ne pouvons en toute raison que saluer les apports du texte sur ces points d'ordre technique.
Nous demandons enfin à la commission des lois de fusionner les dispositifs de sanction-réparation et de sanction-restauration. Ce point, loin d'être anecdotique, oblige les auteurs d'une infraction à indemniser les victimes des préjudices, sous la forme d'une réparation matérielle, y compris en nature, du dommage causé. Cette mesure positive, qui s'apparente au travail d'intérêt général, ne peut produire que de bons effets, et j'espère que le Sénat la retiendra.
En conclusion, je formule le souhait que l'intégralité des propositions de la commission des lois ainsi que l'amendement relatif à la responsabilité des bailleurs sociaux soient acceptés par le Gouvernement. J'espère également que l'Assemblée nationale voudra bien se rendre à nos arguments et que nous parviendrons à un texte plus équilibré et, donc, utile à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous reprenons nos travaux, en ce dernier trimestre de la législature, avec l'examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Ce n'est pas anodin, et ce pour deux raisons au moins.
La première raison, emblématique, est que ce texte apporte une nouvelle preuve, s'il en était besoin, que le Gouvernement n'a eu de cesse de maintenir l'enjeu de la sécurité pour nos concitoyens au centre de son action, comme nous nous y étions engagés lors de la dernière élection présidentielle et des élections législatives qui suivirent.
Cette cohérence tout au long du mandat, cet engagement inoxydable, a pu se vérifier, loi de finances après loi de finances.
En tant que rapporteur de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, dès la session extraordinaire de l'été 2002, je peux témoigner au premier chef que le plan quinquennal d'orientation et de programmation a été respecté à l'euro près, année après année. C'est un précédent ! De mémoire de parlementaire, je n'ai pas d'autres exemples à vous communiquer.
La seconde raison tient au calendrier électoral.
Monsieur le ministre délégué, nous connaissons la force de travail de M. le ministre d'État et nous apprécions plus qu'il ne peut s'en douter sa capacité à jongler avec les emplois du temps.
Je sais aussi que la voie étroite dans laquelle il s'engage, celle de la rencontre solitaire d'un homme avec son pays, nécessite plus que de l'attention.
Mais, puisque nous sommes à l'aube de cette échéance et que le texte qui nous réunit aujourd'hui est probablement le dernier qu'il défend en tant que ministre de l'intérieur, ...
M. Jean-Pierre Sueur. Qu'il pourrait défendre s'il était là !
M. Jean-Patrick Courtois. ... je vous demande, monsieur le ministre délégué, de lui dire, au nom de tous les collègues de mon groupe, combien nous avons admiré, projet de loi après projet de loi, sa détermination, son pragmatisme et surtout sa volonté de faire bouger les curseurs.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est une candidature pour le prochain gouvernement ?
M. Jean-Patrick Courtois. Ce dernier texte est à l'image de l'ensemble de l'action politique qu'il a menée depuis 2002, et il faut le porter à son crédit.
J'ai eu l'occasion de suivre un grand nombre de ces textes en première ligne, en tant que rapporteur de la LOPSI, de la loi relative à la sécurité intérieure et de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Cela m'a permis d'acquérir la conviction que la méthode de travail du ministre de l'intérieur est la bonne.
Cette méthode consiste, tout d'abord, à ne jamais se voiler la face ni à se croire plus écouté qu'on ne l'est. Les Français, depuis des années, attendaient que les problèmes soient réellement traités.
Fini le temps des réponses toutes prêtes, qui dispensaient d'agir.
M. Charles Gautier. Quel éloge !
M. Jean-Patrick Courtois. Finie également l'époque où les politiques passaient plus de temps à expliquer pourquoi ce qui devait être fait ne pouvait l'être qu'à rechercher des solutions.
M. Jean-Pierre Sueur. On dirait un éloge funèbre !
M. Jean-Claude Peyronnet. M. Sarkozy n'est pourtant pas mort !
M. Charles Gautier. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas là qu'il est mort !
M. Jean-Patrick Courtois. Parfois, nous avons dû avancer à tâtons. Jamais une solution ne s'est imposée d'elle-même comme la seule viable. Il a fallu faire des choix, trancher, ne jamais oublier d'agir et, surtout, avoir la modestie de remettre sans cesse l'ouvrage sur le métier.
Tel est le programme que nous avons appliqué sans désemparer. Avec pragmatisme, nous avons jeté aux orties nos vieilles théories pour apprendre à conjuguer toutes les facettes de l'action publique.
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut proposer la canonisation du ministre de l'intérieur !
M. Jean-Patrick Courtois. Ce projet de loi résume à lui seul l'esprit de cette action : traiter les problèmes concrets qui se posent avec pragmatisme, sans laxisme ni excès de répression ; appréhender les problèmes nouveaux ; améliorer ce qui existe déjà.
Ce texte tend à résoudre les problèmes concrets qui se posent tant aux pouvoirs publics qu'à nos concitoyens.
S'agissant des pouvoirs publics, il était temps de clarifier la situation. En tant qu'élus locaux, nous savons bien que c'est vers le maire que se tournent immédiatement nos concitoyens lorsqu'ils sont confrontés à des problèmes d'insécurité.
Il était plus que temps de placer le maire au centre du dispositif de pilotage de prévention de la délinquance. Il est en effet l'homme idoine, celui qui se trouve au bon échelon afin de garantir la proximité qu'un autre chef d'exécutif ne saurait avoir et qui est en position de pivot pour coordonner toutes les politiques locales de prévention des comportements délictueux lorsqu'il est encore temps de le faire.
Il est aussi l'homme idoine, car il est officier de police judiciaire, sans pour autant revêtir, aux yeux de nos concitoyens, l'uniforme du gendarme. C'est également lui qui connaît le mieux son territoire communal.
Afin que tous les outils mis au service de la prévention soient parfaitement utilisés, ce projet de loi ne se limite pas au cas des maires. Il tend également à clarifier les compétences des divers échelons concernés et des autres acteurs associés, tels que l'éducation nationale, les autorités organisatrices des transports, notamment le syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF.
Puisque j'aborde ce point, je souhaite faire une digression sur la question spécifique des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CISPD.
Les députés ont adopté un amendement tendant à rendre facultative la création d'un CISPD au sein des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI. Or le Sénat avait prévu que, lorsqu'un tel établissement exerçait la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention, son président présiderait ce conseil.
Notre excellent rapporteur, Jean-René Lecerf, a fait valoir en commission que cette inversion rendant facultative la création de ce conseil n'était pas souhaitable. Je me rallie sans hésitation à son analyse.
Cependant, dans les faits, la création de ce CISPD ne doit pas être contre-productive, notamment lorsque les réalités sociales sont aussi disparates que dans certains EPCI. Je pense principalement à l'opposition démographique entre la ville-centre et certaines communes rurales de l'agglomération.
Ces communes ne sont donc pas égales devant l'insécurité et la délinquance, phénomènes auxquels les villes les plus peuplées se trouvent davantage confrontées. La situation dans ce cas exige des méthodes et des moyens plus importants, qui doivent être maîtrisés par le maire.
Si essentiel que puisse devenir le CISPD dans certaines banlieues, il ne peut constituer un instrument de blocage institutionnel dans certains EPCI semi-ruraux.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé des sous-amendements, notamment afin qu'un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance ne puisse être créé sans l'accord de la commune-centre. À ce sujet, je remercie M. le rapporteur de son appui.
Dans une approche pragmatique, ce projet de loi se refuse, une nouvelle fois - c'est une autre de ses vertus - à entrer dans les sentiers balisés du « tout répressif » ou du « tout éducatif ». Article après article, il conjugue ces deux facettes d'une même action publique.
À côté des nombreuses mesures relatives à la prévention en amont des actes délictueux - fonds interministériel de prévention de la délinquance, renforcement de l'information du maire, partage des informations à caractère confidentiel entre professionnels de l'action sociale, création du conseil des droits et devoirs des familles, amélioration du cadre de vie - se trouvent autant de dispositions offrant un large éventail de réponses graduées aux actes de délinquance.
Et ce signal est adressé à titre principal aux mineurs.
L'éducation et la prévention sont, naturellement, le fondement de toute politique pénale des mineurs. Mais le cadre de l'ordonnance de 1945 repose sur des constats qui relèvent d'une autre époque et d'une délinquance d'une autre nature. Il était essentiel de revoir le cadre législatif pour apporter des réponses graduées en maintenant la sanction éducative au centre du dispositif.
Sans revenir sur l'ensemble des mesures proposées que j'avais déjà développées en première lecture, je souhaiterais insister sur le signal fort adressé, par l'Assemblée nationale, à destination des mineurs de seize ans qui pensaient bénéficier éternellement d'une totale impunité.
Ce texte s'emploie à appréhender les problèmes nouveaux.
S'il y a un temps pour l'action politique, il doit aussi y avoir un temps pour la réflexion. Il est vrai que le rythme parlementaire s'y prête de moins en moins et qu'il est aujourd'hui nécessaire de mener ces deux aspects de concert.
C'est l'objet de ce projet de loi. En effet, il ne se contente pas de traiter la délinquance sous ces facettes les plus connues, il balise également en amont ce qui peut être amélioré, soit pour appréhender le développement inquiétant de certaines formes de délinquance - je pense, par exemple, aux dispositions relatives à la lutte contre la toxicomanie -, soit pour saisir à la racine l'apparition de nouvelles formes de délinquance, comme en matière de paris en ligne ou de happy splapping, sur l'initiative de M. le rapporteur.
C'est en scrutant la société et en comprenant le terreau dans lequel germent ces nouvelles formes de délinquance que l'on peut lutter efficacement contre elles. C'est, là encore, l'une des vertus de ce projet de loi.
Enfin, la dernière qualité de ce projet est, à l'image de l'action gouvernementale, de ne pas se reposer sur des lauriers, si chèrement acquis furent-ils, et d'améliorer ce qui existe déjà.
Cent fois il faut remettre l'ouvrage sur le métier. Là encore, ce texte s'y emploie. Je constate que ce projet de loi vise à légiférer de nouveau sur nombre de matières que nous avons traitées récemment.
Pour avoir été rapporteur de certaines de ces lois, je pense notamment aux nouvelles dispositions relatives à l'évacuation forcée des gens du voyage ou à celles qui viennent réglementer les activités de sécurité privée.
Les niches de légalité, comme les nouvelles pratiques délictueuses, sont autant de raisons qui encouragent le législateur à demeurer vigilant.
Pour conclure, j'irai plus loin et ferai une ouverture sur le futur. Ce projet de loi est, me semble-t-il, emblématique du moment politique où nous nous trouvons. Il est la parfaite synthèse de l'action que nous avons menée depuis quatre ans et demi, certes, mais il est également porteur de projets d'avenir.
Ce projet de loi est, avant tout, un texte programme, résolument tourné vers le futur et annonciateur de l'ambition que compte poursuivre Nicolas Sarkozy au service de nos concitoyens. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
De grands chantiers demeurent ouverts, et il nous importe de poursuivre, au service de nos concitoyens, sur la voie tracée. Je pense à la lutte contre les violences au sein du couple ou à la poursuite de la responsabilisation des mineurs délinquants.
Avec pragmatisme, c'est ce que ce projet de loi ambitionne, et nous partageons ses orientations.
Au bénéfice de toutes ces observations, notre groupe adoptera ce projet de loi tel qu'il sera issu de nos travaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut transmettre immédiatement le texte de cette intervention à M. le ministre d'État, s'il le faut par motard ! (Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois. C'est déjà fait ! J'ai dédicacé le texte au ministre d'État et il lui a été remis en main propre !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! C'est gratifiant !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, comme le souligne l'état 4001, depuis 2002, la délinquance a objectivement reculé, ...
M. Charles Gautier. C'est faux !
M. Aymeri de Montesquiou. ... et ce conformément à la volonté des Français.
Aujourd'hui, chacun convient que la lutte contre la délinquance a constitué, et constitue toujours, une préoccupation majeure des Français, du Parlement et de notre gouvernement.
En conséquence, depuis bientôt cinq ans, des textes s'ajoutent aux textes constituant un arsenal législatif, certes lourd, mais qui permet aux forces de police et de gendarmerie comme à l'institution judiciaire d'agir le plus efficacement possible contre une délinquance qui recule.
Si la délinquance « zéro » n'existe pas, il nous faut y tendre et, donc, sans cesse adapter nos outils aux évolutions d'un phénomène que notre société ne tolère plus. Face aux nouvelles formes de l'insécurité, la réponse de nos politiques publiques se doit de comporter aussi une forte dimension sociale et éducative, autrement dit préventive, en agissant en amont.
Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui nous est aujourd'hui proposé en deuxième lecture vise cet objectif essentiel en appréhendant la notion de prévention dans une dimension large : d'une part, il aborde des domaines aussi divers que la famille, la santé publique, l'éducation, l'action sociale, les collectivités territoriales ou encore l'urbanisme ; d'autre part, il fait intervenir une multiplicité d'intervenants et d'acteurs.
Il s'agit ainsi d'apaiser ce sentiment d'insécurité qui se nourrit de la délinquance, bien sûr, mais peut-être et surtout de la confrontation quotidienne aux incivilités. Celles-ci ne constituent pas nécessairement des infractions pénales et des troubles à l'ordre public : il en est ainsi, même si cela peut paraître désuet, des manquements aux règles ordinaires de la courtoisie et du respect. Comme de nombreuses sociétés qualifiées de modernes, la France est malade de l'incivilité.
Car ce sont bien ces comportements incivils, parfois dépourvus de toute codification juridique, qui se trouvent au coeur du sentiment d'insécurité. Si la lutte contre la délinquance passe en grande partie par l'interdiction, la répression et le code pénal, la lutte contre les incivilités passe, d'abord et avant tout, par l'éducation, la responsabilisation et la prévention.
Prévenir la délinquance et les incivilités, c'est poursuivre la lutte contre l'insécurité. Ce projet de loi donne des outils pratiques pour permettre d'instituer un dispositif d'anticipation, de détection et d'endiguement des comportements délinquants. Ces dispositifs sont réactifs dès les premiers signes de délinquance de la part de mineurs à la dérive.
En simplifiant les procédures et en rassemblant tous les acteurs - administrations, travailleurs sociaux, magistrats, élus, éducation nationale, associations - ce texte doit permettre de responsabiliser des mineurs prédélinquants de plus en plus jeunes. Les chiffres le montrent, on assiste à un rajeunissement alarmant de la délinquance des mineurs, particulièrement pour les actes de moyenne gravité.
Comme le soulignait en son temps Lionel Jospin : « On ne peut nier que des comportements soient délinquants sous prétexte que leurs auteurs sont très jeunes ». S'il n'est pas question de faire l'amalgame entre « jeunes » et « délinquants », pas plus d'ailleurs qu'entre « délinquants » et « jeunes des quartiers difficiles », il s'agit de traiter un jeune délinquant comme un délinquant qui doit être sanctionné de façon sévère et graduée en fonction de la gravité de son acte, et pas uniquement en fonction de son âge.
Il faut bien admettre qu'une réforme d'ensemble de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquance s'impose. D'ailleurs, n'a-t-elle pas commencé puisque cette ordonnance a déjà connu, à ce jour, pas moins de trente-huit modifications ?
Nombreuses sont les notions sur lesquelles repose l'ordonnance de 1945 qui paraissent obsolètes, alors même que les grands principes modernes des textes internationaux auxquels la France a souscrit en sont absents, comme la proportionnalité de la sanction, l'égalité des chances, la non-discrimination ou l'intérêt supérieur de l'enfant.
Selon le président de l'Observatoire national de la délinquance, les délinquants mineurs n'ont jamais été aussi jeunes, aussi réitérants, aussi violents et aussi féminisés.
Quand on parle de la délinquance des mineurs, il ne faut pas oublier le rôle indispensable des parents. C'est pourquoi il faut saluer comme une avancée le stage de responsabilité parentale prévu par le projet de loi.
Dans sa décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel a dégagé un « principe fondamental reconnu par les lois de République en matière de justice des mineurs » qui rappelle, d'une part, l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en raison de leur âge, et d'autre part, « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ».
C'est bien dans ce cadre constitutionnel que s'inscrivent les dispositions de ce projet de loi relatives à la délinquance des mineurs, parmi lesquelles une mesure éducative d'activité de jour pour les mineurs déscolarisés ou encore de nouvelles sanctions éducatives applicables aux mineurs de dix ans et plus.
On ne peut nier le bien-fondé de ces mesures, mais elles ne doivent pas nous empêcher de poser la question de l'enfance délinquante de façon plus globale. Nous ne pouvons plus faire l'économie d'une nouvelle législation de fond adaptée aux réalités de notre époque en matière de délinquance des mineurs.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Ce texte, monsieur le ministre délégué, ne repose pas sur des principes simplistes et réducteurs de déterminismes sociaux qui sous-entendraient que les délinquants et les plus démunis produisent des délinquants. Il n'est pas question de stigmatiser ou d'accuser par anticipation telle ou telle catégorie sociale ou bien tel ou tel quartier sensible.
Ce projet de loi tient compte d'une réalité plus complexe, puisqu'il repose sur des actes concrets et signifiants, ou, plus exactement, sur un premier acte de violence et de délinquance. Ainsi, le rappel à l'ordre auquel pourra procéder le maire, acteur pivot du nouveau dispositif, suppose un acte illégal préalable et bien réel.
C'est bien là l'un des points majeurs du projet de loi. Il a été confirmé par l'Assemblée nationale : le maire devient le pilote de la prévention de la délinquance puisque l'article 1er prévoit que « le maire anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre. ».
Au-delà de cette reconnaissance de la forte montée en puissance, depuis une vingtaine d'années, du rôle des communes en matière de sécurité, ce texte reconnaît clairement le rôle privilégié du maire en matière de cohésion sociale. Au-delà de 10 000 habitants, les conseils locaux de sécurité et de prévention seront obligatoires afin de favoriser le travail en réseau, véritable clef de voûte de la prévention comme le souligne M. le rapporteur. Les députés ont fort justement étendu cette disposition à celles des communes de moins de 10 000 habitants qui comprennent une zone urbaine sensible.
De même, afin de mieux prévenir les attitudes de violence, notamment de violence scolaire, le maire aura la charge de l'aide et de l'orientation des familles en difficulté à travers un conseil pour les droits et les devoirs des familles.
Ce partage des informations entre les professionnels soumis au secret sera rendu possible par l'instauration d'un coordonnateur choisi par le maire parmi les travailleurs sociaux du département et après consultation du président du conseil général. Les travaux parlementaires ont permis de préciser le rôle et la fonction de ce coordonnateur.
Face à la multiplication des acteurs, il faut bien en convenir, l'enjeu de la prévention consiste en grande partie à assurer une meilleure coordination, car le temps passé à s'informer ne doit pas être supérieur à celui qui est réellement consacré à des actions de prévention de la délinquance, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui.
Dans cette perspective, on comprend donc la logique de conférer au maire, acteur de terrain, ce rôle essentiel d'animation et de coordination de la prévention de la délinquance, rôle qui lui fait actuellement défaut.
Toutefois, il ne faut pas que ces nouvelles compétences confiées aux maires entraînent une confusion entre les missions de chacun des acteurs de la sécurité. Il ne doit pas s'agir d'un transfert de responsabilités de la part des services de police, de justice ou encore de l'éducation nationale vers les seuls maires, qu'il s'agisse, par exemple, de tutelle aux prestations familiales ou de rappel à la loi. Chacun doit rester à sa place, remplir sa mission d'origine et assumer sa seule responsabilité. Il s'agit non de transformer le maire en pseudo-shérif, mais d'en faire le coordonnateur de la prévention.
Puisque la sécurité constitue une préoccupation majeure de la population, il est normal que le maire, premier magistrat de la commune, soit un acteur essentiel de la prévention.
Les travaux parlementaires, tout particulièrement ceux de M. le rapporteur, ont permis de clarifier les domaines d'intervention respectifs des maires et des présidents de conseil général en matière d'aide sociale à l'enfance et d'aide à la parentalité. Ils ont permis de conforter la complémentarité des différents dispositifs et de coordonner le présent projet de loi avec celui qui réforme la protection de l'enfance.
Une vision globale et préventive de la délinquance ne peut pas faire l'impasse sur le sujet difficile de la toxicomanie et de la drogue qui facilitent le passage à l'acte violent et agressif, a fortiori chez les jeunes.
Ceux-ci sont, de loin, les principaux consommateurs de produits stupéfiants : parmi les usagers de cannabis interpellés, les deux tiers ont entre dix-huit et vingt-cinq ans, et 13 % sont des mineurs. Autrement dit, près de 80 % des interpellés ont moins de vingt-cinq ans !
Les consommateurs sont donc de plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes.
L'objectif du présent projet de loi est de rendre enfin applicable, et réellement dissuasive, la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses.
Parallèlement à la réponse répressive, monsieur le ministre délégué, vous proposez d'élargir le dispositif législatif actuel en matière d'orientation sociale, sanitaire et thérapeutique, en rendant possible le prononcé d'une injonction thérapeutique dans le cadre d'une composition pénale ou encore en instaurant à titre de peine complémentaire l'obligation d'accomplir un « stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de stupéfiants ». Ce sont de bonnes initiatives.
Sur toutes ces mesures, et sur bien d'autres que je n'ai pas abordées, j'approuve votre démarche comme j'approuve les modifications proposées par le rapporteur, dont je tiens à nouveau à saluer l'excellent travail d'analyse et d'expertise.
C'est pourquoi les membres du groupe du RDSE dans leur majorité et moi-même nous soutiendrons ce texte en participant à son adoption. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en cinq ans, c'est la dixième loi sur la sécurité que nous examinons.
De loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure en loi relative à la maîtrise de l'immigration, de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales en loi relative à la prévention de la délinquance, vous n'avez cessé, monsieur le ministre délégué, de renforcer l'arsenal répressif.
Pour quel résultat ? La délinquance générale reste à un niveau élevé et les violences aux personnes se sont multipliées. À cela, rien d'étonnant, car, en la matière, la prolifération des lois sert surtout à masquer l'échec de votre politique. Avec vous, la loi n'est plus le cadre de l'action, mais son substitut.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. La preuve en est que vous ne prenez même pas la peine de rendre effectives les lois que votre candidat aux élections présidentielles fait voter en tant que ministre. C'est ainsi qu'aucune des vingt-six mesures prévues dans la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration n'a été prise, que la loi du 5 juillet 2006 relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives est toujours inapplicable et que 22 % des décrets d'application concernant la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure n'ont toujours pas été publiés !
M. Claude Domeizel. Il est bon de le rappeler !
M. Bernard Frimat. Et ce n'est pas brillant !
Mme Raymonde Le Texier. Vous payez de mots la légitime inquiétude des Français face à la violence et, plutôt que de traiter les causes, vous préférez stigmatiser des catégories sociales : les mineurs, les pauvres, les étrangers, les malades mentaux...
C'est encore le cas de ce texte qui fait du maire le « pivot » de la politique de prévention sur le terrain et dont le noyau dur concerne les mineurs.
En procédant à la quatrième réforme de l'ordonnance de 1945 pour poursuivre l'alignement du droit applicable aux mineurs sur celui des majeurs, c'est à un changement de philosophie en la matière que vous nous obligez, allant jusqu'à nier l'état d'enfance à l'enfant qui transgresse la loi.
Avec ce texte, le mineur n'est plus « en danger », mais source de danger ; la justice des mineurs perd, elle, toute ambition éducative et la sanction devient une fin en soi et non le point de départ du travail éducatif.
Votre propre famille politique déplore de telles méthodes. Sur la question des peines « plancher » et la suppression de l'excuse de minorité, le ministre de l'intérieur s'est heurté à l'opposition du garde des sceaux et du Premier ministre.
Mme Alliot-Marie a, quant à elle, publiquement regretté que le ministre de l'intérieur ait « trop souvent insinué l'idée pernicieuse qu'un jeune était un délinquant en devenir ».
Par ailleurs, dans un article du monde, François Chérèque déplore que l'image du mineur présentée dans ce projet de loi soit « celle du prédateur non sanctionné par la justice et, de ce fait, installé dans une ?culture de l'impunité? ».
Or, outre le fait que la délinquance des mineurs concerne une petite minorité de jeunes, comme l'a dit très justement Jean-Claude Peyronnet, les études montrent que le taux de réponse judiciaire en matière de délinquance juvénile est de 84 %, que le nombre de mineurs en détention a doublé depuis 1996 et que les formes de placement contraignantes se sont développées. Est-ce là l'impunité que vous ne cessez d'invoquer pour justifier le « tout répressif » ?
Vous parlez, monsieur le ministre délégué, de ce qui n'est pas, mais, en revanche, rien sur le manque de moyens de la justice, rien sur la pénurie de travailleurs sociaux sur le terrain !
A également disparu de ce texte le concept même de prévention. Certes, pour le ministre de l'intérieur, la sanction est « la première étape de la prévention » : pour M. Sarkozy la prévention consiste à sanctionner avant qu'il y ait faute !
En réalité, à travers ce texte de loi, vous avez pour dessein non de prévenir la délinquance mais de communiquer sur la récidive. Vous voulez non pas faire porter la réflexion sur les causes de la violence et les moyens de la prévenir, mais faire triompher une vision déterministe de la société où le lien entre pauvreté et délinquance est affirmé, où l'insécurité est instrumentalisée et où la stigmatisation des familles en difficulté tient lieu de politique de prévention.
Votre projet de loi, monsieur le ministre délégué, en transformant les élus en shérifs, les acteurs sociaux en auxiliaires de justice et l'aide sociale en contrôle social, ne résout rien et complique l'action de tous les acteurs sociaux sur le terrain.
Entre la notion de secret professionnel partagé qui existe dans le texte sur la protection de l'enfance et la trahison même du secret professionnel que porte le présent texte, il n'y a que quelques mois d'écart, mais on n'est déjà plus dans le même monde ! D'un côté, la vie privée est respectée ; de l'autre, elle est sacrifiée à un intérêt de sécurité publique. D'un côté, le partage est nécessaire à l'efficacité du travail entrepris ; de l'autre, la confusion est totale entre les enjeux sociaux d'une politique de la famille et les questions liées à la délinquance.
Or, le secret professionnel, ce n'est pas le secret pour le secret, c'est la condition du travail social. Celui-ci n'est efficace que s'il s'appuie sur une confiance réciproque. En obligeant tout professionnel à signaler au maire les personnes ou les familles connaissant des difficultés telles qu'elles nécessitent l'intervention de plusieurs acteurs sociaux, c'est le respect des personnes et la crédibilité des professionnels que l'on détruit.
Et pour quel résultat ? Que fera le maire de ce secret révélé ? Quel rôle d'intermédiaire pourra-t-il jouer vis-à-vis de sa population s'il en devient à la fois le représentant et le censeur ? Transformer le travailleur social en délateur et le maire en « super-gendarme » est inefficace et dangereux. À travers cela, c'est à la fois la légitimité du politique et du travailleur social que l'on met à mal.
En réalité, rares sont les maires qui se réjouissent des nouveaux pouvoirs que le Gouvernement veut leur confier tant ils sentent que c'est une façon pour l'État de se laver les mains d'un certain nombre de responsabilités. Hormis ceux qui, dans la toute-puissance, s'imaginent qu'il suffit d'effleurer une situation pour y remédier, les maires savent à quel point le travail social réclame du temps, de la compétence et de la confidentialité.
Pour ceux qui n'en ont pas conscience, le réveil sera terrible quand, englués dans des querelles de compétences et de préséance avec le conseil général, ils ne pourront qu'affronter finalement leur incapacité à changer les choses au fond et qu'ils devront, néanmoins, rendre des comptes à leur population.
C'est d'autant plus à craindre qu'aucun moyen n'est dégagé pour permettre aux acteurs concernés de faire face à leurs nouvelles obligations. Pourtant, si aujourd'hui les actions locales s'essoufflent, ce n'est pas faute d'investissement des acteurs, mais parce qu'il n'y a plus les moyens suffisants pour agir dans la durée
Or vous proposez dans ce texte de faire mieux avec moins ! Vaste programme, lorsque chacun s'accorde à dire que l'on faisait déjà ce que l'on pouvait avec pas assez...
Ce texte, censé avoir été pensé à la suite des émeutes de 2005, privilégie une logique exclusivement punitive au lieu d'une approche sociale. Il répond par la seule pénalisation au malaise croissant d'une partie de notre population, assignée à résidence dans des « quartiers ghettos », frappée par le chômage et victime de discriminations. Il ne porte que la stigmatisation là où l'on attendrait l'espoir.
Oui, il y a fort à faire en matière de prévention de la délinquance, oui, il y a urgence à agir sérieusement, mais le texte que vous nous proposez n'a pour seule visée que la promotion de son auteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Auteur qui n'est même pas là pour le défendre !
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, il est toujours tout à fait étonnant, sinon extraordinaire, d'entendre les orateurs de gauche se plaindre, comme ils viennent de le faire, de l'insuffisance des progrès accomplis en matière de sécurité, alors qu'ils ont été de véritables fossoyeurs (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours les grands mots !
M. Philippe Goujon. ...de la sécurité chaque fois qu'ils ont été au pouvoir dans notre pays !
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. Bernard Dussaut. Voilà !
M. Philippe Goujon. Pourtant, ils devraient se souvenir qu'en 2002 nos concitoyens ont clairement signifié qu'ils voulaient que soit mise en oeuvre une politique résolue de lutte contre l'insécurité.
Quatre ans et demi plus tard, on peut dire que le ministre de l'intérieur a pleinement répondu à cette attente, puisque les réformes annoncées ont été appliquées, les moyens nécessaires débloqués et les forces de sécurité remobilisées. Les résultats sont d'ailleurs à la hauteur de la tâche accomplie. (Protestations sur les mêmes travées.)
Je rappelle les chiffres, qui eux sont objectifs.
M. Pierre-Yves Collombat. Ils sont trafiqués !
M. Philippe Goujon. La délinquance a reculé de 9 % depuis 2002 alors, il faut le rappeler,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On a compris !
M. Philippe Goujon. ...qu'elle avait augmenté de 14 % entre 1997 et 2002, et le taux d'élucidation, qui mesure l'efficacité des services, est quant à lui passé de 25 % à 33 %.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est indiscutable.
M. Philippe Goujon. Cependant, il faut encore, c'est vrai, amplifier ces résultats et les inscrire dans la durée. C'est tout le sens de ce projet de loi, qui s'inscrit pleinement dans une démarche...
M. Charles Gautier. Dépêchez-vous, car vous ne pourrez pas la poursuivre longtemps !
M. Philippe Goujon. ...visant à prendre toute la mesure de la transformation de la délinquance, aujourd'hui plus précoce, plus violente, et à appréhender la notion de prévention dans toutes ses dimensions.
C'est la conclusion d'un long cheminement commencé dès 2002, quand le ministre de l'intérieur a dénoncé la « posture » du sentiment d'insécurité pour s'attaquer véritablement à la délinquance.
Ce dernier apport privilégie une nouvelle approche de la prévention, la distinguant nettement des politiques « fourre-tout » menées depuis le début des années quatre-vingt, politiques qui tenait plus de l'animation sociale et de la philosophie de l'excuse, le tout étant rendu encore plus inefficace par le cloisonnement et l'émiettement des actions.
La responsabilisation accrue et la mobilisation élargie des acteurs constituent les deux piliers de cette nouvelle politique. Faisant appel à la responsabilité de chacun, des auteurs de délits comme des tiers, parents ou magistrats, c'est une politique de la main tendue qui refuse la fatalité.
Car la vraie générosité ne consiste pas à laisser un adolescent dériver pour s'enfoncer dans la délinquance d'habitude. La réalité du terrain l'atteste, la première prévention, c'est bien évidemment la certitude de la sanction, une sanction adaptée à la personnalité du délinquant et à la gravité des faits. L'impunité n'a que trop duré, et le sentiment qui en découle alimente la spirale de la délinquance.
Aussi, on ne peut tolérer l'augmentation continue - le taux a été supérieur à 100 % depuis 1996 ! - des violences contre les personnes dépositaires de l'autorité publique. Sapeurs-pompiers, chauffeurs de bus, agents de la SNCF ou de la RATP doivent être juridiquement mieux protégés, et la création d'une infraction spécifique de violences volontaires avec arme sur toute personne dépositaire de l'autorité publique est une reconnaissance des difficultés qu'ils rencontrent.
L'initiative de nos collègues de l'Assemblée nationale visant à la création d'un délit de détention ou de transport sans motif légitime de substances incendiaires ou explosives destinées à commettre des destructions complète le dispositif.
Les violences volontaires, de plus en plus nombreuses, commises contre les forces de l'ordre, attirées parfois dans de véritables guets-apens, doivent pouvoir être spécifiquement et lourdement sanctionnées, en englobant d'ailleurs tous ceux qui sont trouvés sur les lieux (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), ce que permettront désormais l'incrimination du délit d'embuscade et le renforcement du délit de rébellion.
Il est en effet indispensable d'adapter notre arsenal pénal aux nouvelles formes de délinquance, car l'existence et l'application de la sanction sont le premier rempart contre la commission de l'infraction.
C'est dans cet esprit que notre excellent rapporteur, Jean-René Lecerf, nous propose fort opportunément d'incriminer la pratique récente, apparue sous le nom, bien insatisfaisant d'ailleurs, d'« happy slapping ». Celui qui se borne à filmer la scène et qui ne peut pas être considéré comme l'instigateur de l'agression à laquelle il ne participe pas directement pourra ainsi être poursuivi et condamné.
M. Charles Gautier. Les metteurs en scène !
M. Philippe Goujon. Seule en effet la certitude de la sanction permet de lutter contre le sentiment d'impunité et de produire un réel effet dissuasif. Or, bien que nous soyons dotés de l'arsenal répressif peut-être le plus sévère d'Europe contre l'usage de stupéfiants, l'impunité est aujourd'hui la règle et la sanction l'exception, avec pour résultat une banalisation de la consommation de cannabis, qui touche désormais 3,5 millions de Français.
Si la loi de 1970 n'est pas appliquée, c'est tout simplement parce qu'elle n'est pas applicable. En effet, menacer le fumeur de cannabis d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende n'est pas réaliste.
C'est la raison pour laquelle, malgré les mesures concrètes contenues dans ce projet de loi, telles que le stage de sensibilisation aux dangers de la drogue ou le recours à l'ordonnance et à la composition pénales, il nous faudra réfléchir plus avant, tel est en tout cas mon sentiment, à la voie de la contraventionnalisation, dont l'intérêt est indéniable.
Il faut évidemment que la sanction, certaine et rapide, soit adaptée. C'est tout l'enjeu de la réforme de l'ordonnance de 1945, à laquelle, n'en doutons pas, il nous faudra nous atteler à l'avenir, tant il est démontré que celle-ci, pas plus qu'elle n'impressionne le mineur délinquant d'aujourd'hui, ne dissuade ceux qui hésiteraient à basculer dans la délinquance par peur de la sanction.
Les sanctions prévues dans cette ordonnance sont en effet inadaptées, calibrées pour des incivilités sans commune mesure avec la plupart des faits commis, ce qui conduit à discréditer l'autorité - la police comme la justice - et à conforter un sentiment d'impunité qui pousse les plus jeunes à s'enfoncer dans une délinquance dont souvent on ne revient pas.
Un crime ou un délit sur cinq est commis par un mineur. La délinquance des mineurs a augmenté de 80 % en dix ans et les individus en cause sont de plus en plus en jeunes, gâchant ainsi leurs vies comme celles de leurs victimes. De plus, il n'est pas rare qu'un mineur de quinze ans soit déjà un « hyper-récidiviste ».
Or chacun sait parfaitement que cette délinquance est avant tout constituée par un noyau dur de multirécidivistes pour lesquels les réponses pénales actuelles sont totalement inefficaces. C'est donc tout notre système qui est à revoir, afin que l'on trouve les réponses adaptées à des jeunes en perte de repères, souvent manipulés, et capables de commettre, en général en bande, des actes d'une violence inouïe, ainsi que l'actualité, hélas, nous en donne de nombreux témoignages.
C'est d'ailleurs ce qu'ont bien compris nos voisins européens, notamment anglais et espagnols, qui ont mis en place de nouvelles sanctions - moins simplistes, je tiens à le dire à nos collègues, que celles qui sont proposées par Mme Royal -, et ont tenu à responsabiliser particulièrement les parents.
Aussi, la possibilité donnée aux juges de déroger au principe de l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs récidivistes de seize à dix-huit ans constitue sans aucun doute un premier pas dans la bonne direction.
Toutefois, il conviendra sans doute d'aller plus loin et de traiter le mineur récidiviste qui commet plusieurs agressions successives contre des personnes comme un majeur, ce qui suppose, notamment, la suppression de l'excuse de minorité.
Le cas des autres multirécidivistes doit également faire l'objet d'un traitement adapté.
En effet, si l'on doit affirmer avec force qu'il faut donner sa chance à chacun, que dire d'un individu qui comparaît pour la vingt-cinquième fois - le fait n'est pas si rare - devant le tribunal correctionnel ? Que la sanction doit être éducative ? Qu'il finira bien par retenir la leçon ? Oui, sans doute, mais à condition qu'il soit condamné à une peine lourde !
Dans ces cas, l'instauration de peines plancher est une ardente nécessité, tant il est vrai que l'appel à la responsabilité de chacun ne doit pas avoir de limite. Il en va ainsi des acteurs naturels de la prévention que sont les parents et les magistrats.
Ainsi, le conseil pour les droits et devoirs des familles, à la création duquel les maires seront incités s'ils veulent pouvoir proposer un accompagnement parental, permettra d'informer les familles de leurs droits et devoirs envers l'enfant et d'engager des mesures d'aide à l'exercice de la fonction parentale.
Le maire pourra, le cas échéant, saisir le juge des enfants pour demander, conjointement avec la caisse des allocations familiales, la mise sous tutelle des allocations familiales en cas de difficultés graves et persistantes dans la gestion de ces dernières par certaines familles.
De la sorte, les parents défaillants seront plus régulièrement rappelés à leurs responsabilités. Ne pas signaler l'absentéisme de son enfant, par exemple, c'est se rendre complice des difficultés futures que connaîtra celui-ci. Je rappelle à cet égard que, dans un établissement sur dix, 10 % à 16 % des élèves sont absents.
Les magistrats sont tout autant impliqués dans la prévention de la délinquance, en particulier au regard de la protection des victimes potentielles, auxquelles le Gouvernement porte enfin, à travers ce texte, une attention nouvelle.
Dans cet esprit, il est juste que les magistrats soient désormais astreints, en matière correctionnelle, à une motivation spéciale du choix de la peine, de sa durée et de son mode d'exécution, lorsque l'infraction est commise en état de récidive légale ou de réitération.
Ce projet de loi - c'est là une qualité majeure - fait preuve d'une confiance en la raison de tout un chacun qui, par les moyens qui lui sont donnés ou proposés, est mis face à ses responsabilités.
Tel est le cas en particulier en matière d'hospitalisation d'office, domaine dans lequel les dispositions retenues, améliorées depuis la première lecture en accord avec le Gouvernement et dans le cadre de la révision par ordonnance de la loi de 1990, permettront de prévenir plus efficacement la récidive.
À cet égard, monsieur le ministre délégué, je ne puis que rappeler le souhait de notre commission des lois d'une meilleure prise en charge des délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques. Nous demandons qu'un certain nombre de places leur soit réservées au sein des unités hospitalières spécialement aménagées, qui verront prochainement le jour. Ces délinquants y purgeraient leur peine en milieu médical, ce qui permettrait peut-être d'éviter les atrocités du type de celles qui ont été commises à la prison de Rouen, et pourraient continuer à y être soignés à l'issue de leur peine.
Cette implication de l'administration pénitentiaire dans la prévention de la délinquance est bien la preuve que la politique de prévention est, par essence, une politique transversale.
Le caractère pluridisciplinaire de cette politique a, certes, été maintes fois souligné. Cependant, je ne crois pas inutile d'y revenir, tant il est la marque de fabrique de la politique de sécurité du Gouvernement.
Nous partageons la conviction du ministre de l'intérieur selon laquelle la réponse, loin d'être uniquement policière, doit être protéiforme, c'est-à-dire non seulement pénale, mais aussi sociale et éducative.
C'est la raison pour laquelle toute la politique de prévention ne se limite pas à ce seul projet de loi. Ce sera l'objet, par exemple, du projet de loi réformant la protection de l'enfance, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, qui prévoit le dépistage précoce des troubles du comportement chez l'enfant, souvent irréversibles s'ils ne sont pas traités à temps, mesure dont on ne dira jamais assez l'importance pour briser le carcan de la souffrance, entretenu par la loi du silence, de quelque 5 000 à 8 000 enfants, et parfois réclamée par les parents eux-mêmes.
Les pouvoirs publics se trouvent ainsi largement mobilisés en vue de la réalisation de l'objectif de prévention de la délinquance.
Au coeur du dispositif se trouve le maire, nouveau pivot de la politique de prévention et autour duquel se mobiliseront les acteurs de terrain.
Les maires qui veulent être des médiateurs et des fédérateurs, sans pour autant, bien entendu, participer au dispositif répressif, trouveront dans ce texte les moyens de parvenir à ce difficile équilibre. Ils jouent d'ailleurs déjà bien souvent ce rôle, mais ils bénéficieront désormais de la légitimité qu'ils souhaitaient.
Le département et la région ont aussi un rôle à jouer et il est heureux que celui-ci soit reconnu ; de ce point de vue, l'action du Sénat a été prépondérante.
Ce projet de loi est novateur en ce qu'il permet de revoir la répartition des compétences entre les collectivités locales en fonction des besoins locaux, grâce à des délégations de compétences permettant de rapprocher les services publics de l'usager.
En la matière, le travail en réseau est particulièrement important, favorisé par l'institution de conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, dans les communes de plus de 10 000 habitants.
De la même manière, l'exercice des facultés désormais offertes aux communes ou à leurs groupements de contribuer à la prévention de la délinquance, en participant aux dépenses de gardiennage ou de surveillance d'immeubles sociaux, ne pourra qu'être bénéfique. À ce propos, je forme le voeu, de circonstance, que la Ville de Paris recoure à cette possibilité afin d'assurer une meilleure sécurité dans les grands ensembles de la capitale.
Alors que les EPCI seront autorisés à financer la vidéosurveillance, je réitère par ailleurs mon désir de voir enfin la Ville de Paris s'engager dans la « vidéotranquillité » en contribuant au plan d'équipement présenté par la préfecture de police.
L'utilité de ces dispositifs, très étroitement encadrés par la loi, est démontrée et fait même aujourd'hui l'objet d'un large consensus, et ce pas seulement dans les stades ou à leurs abords. Ainsi la région d'Île-de-France finance-t-elle la vidéosurveillance dans les transports en commun et dans les lycées ; quant au conseil général de Seine-Saint-Denis, il applique le même dispositif à l'entrée des collèges.
Prenant en compte les disparités dans les délais d'instruction par certaines commissions départementales, qui peuvent aller jusqu'à six mois, il serait bon, selon moi, que le ministre de l'intérieur donne des instructions pour que les procédures soient harmonisées sur l'ensemble du territoire.
Si l'État doit demeurer un acteur prépondérant de la prévention, il faut qu'il privilégie une approche horizontale et décloisonnée.
Dans cet esprit, l'extension, après son expérimentation dans trente départements, de la présence de travailleurs sociaux dans les commissariats et les groupements de gendarmerie sera très précieuse non seulement pour les victimes, mais aussi pour les mineurs et les cas sociaux que les policiers ne savent pas accompagner.
Il revient également à l'État d'adapter régulièrement les instruments juridiques permettant de prévenir la délinquance, en particulier pour éradiquer le hooliganisme, le racisme et la violence dans le sport.
À ce titre, la loi du 5 juillet 2006 relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives est aujourd'hui opérationnelle, contrairement à ce que je viens d'entendre.
M. Jean-Pierre Sueur. Les décrets ne sont pas parus !
M. Philippe Goujon. Ils sont prêts, mon cher collègue, et M. le ministre délégué pourra vous le confirmer !
M. Jean-Pierre Sueur. Alors ils sont parus ce matin même au Journal officiel ! (Sourires.)
M. Philippe Goujon. Il n'en demeure pas moins que le tragique incident intervenu au Parc des Princes, le 23 novembre dernier, a mis en lumière les insuffisances de la mesure d'interdiction administrative de stade tant dans ses conditions de mise en oeuvre que dans sa durée.
C'est la raison pour laquelle je défendrai un amendement, à la philosophie préventive, tendant à faciliter la mise en oeuvre de la mesure administrative et d'en étendre la durée.
Il appartient aujourd'hui clairement à tous les acteurs qui en ont les moyens de contribuer à la prévention de la délinquance.
Tel est le cas des sociétés de sécurité privée, par exemple, qui, dans le strict respect de leurs prérogatives légales, participent largement à la politique nationale de sécurité. J'ai déposé un autre amendement visant à pérenniser leur forte implication dans la prévention du terrorisme dans les aéroports, disposition qu'il faudra sans doute étendre aux ports.
Il est effectivement primordial de limiter les charges financières auxquelles les risques terroristes exposent ces sociétés de sécurité privée, faute de quoi les montants des polices d'assurances qui leur sont réclamés risquent de les contraindre à ne plus pouvoir assumer leurs missions ; nous en reparlerons lors de la discussion des articles.
Enfin, au-delà du service volontaire citoyen de la police nationale, nous sommes évidemment tous - simples citoyens, parents, enseignants, élus, policiers, magistrats, éducateurs - des acteurs de la prévention de la délinquance.
Avec ce projet de loi ambitieux, qui parachève l'action du ministre de l'intérieur pour une sécurité retrouvée,...
M. Charles Gautier. Pour parachever, il parachève !
M. Philippe Goujon. ... la politique a un sens.
Tournant résolument le dos à l'idéologie (Sourires sur les travées socialistes) et ne contenant que des mesures pragmatiques élaborées sur la base d'un diagnostic établi par les acteurs de terrain à partir des problèmes qui se posent au quotidien pour que ces derniers soient traités en dehors de tout esprit de système, il permet de mettre en oeuvre la politique volontariste que réclament nos concitoyens, exaspérés par le déchaînement des violences et des actes répréhensibles.
Nul doute aussi, comme l'ont dit certains de ceux qui m'ont précédé à cette tribune, qu'il faudra encore franchir d'autres paliers et que cela constituera sans aucun doute la priorité du ministre de l'intérieur dans ses fonctions à venir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture le texte relatif à la prévention de la délinquance.
Or nous entamons cette deuxième lecture à quelques mois des élections présidentielle et législatives, alors que ce projet de loi, ai-je besoin de vous le rappeler, mes chers collègues, était annoncé depuis 2003. Cela fait donc quatre ans que l'on nous annonce ce texte, et nous étions en droit d'attendre une préparation exemplaire.
Ce n'est pourtant pas le cas, puisque, une fois de plus, nous travaillons dans l'urgence (M. le ministre délégué fait un signe de dénégation.) ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Non !
M. Charles Gautier. ...sans que celle-ci ait été déclarée. Les calendriers sont annoncés au dernier moment, bousculés, précipités, ce qui empêche le Parlement, et en particulier le Sénat, d'anticiper ses travaux.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il me semble que, depuis 2003, vous avez eu le temps d'y réfléchir, tout de même !
M. Charles Gautier. De plus, le texte que nous étudions a été constamment modifié, tronqué, remodelé, complété, l'actualité imposant une rédaction quasiment au jour le jour, en temps réel, sous la dictée des événements.
Conclusion : on ne sait plus trop de quoi l'on parle, ce qui est d'ailleurs vrai pour la plupart des textes !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je suis d'accord sur ce point : vous ne savez plus trop de quoi vous parlez !
M. Charles Gautier. Monsieur le ministre délégué, vous nous avez longtemps promis, après les nombreux textes répressifs que vous nous avez concoctés pendant cette législature, un projet de loi qui, cette fois, traiterait véritablement de la prévention de la délinquance.
Or, malheureusement, nous l'attendons toujours, car, malgré l'intitulé du texte dont nous sommes saisis, ainsi que nous l'avons déjà dit maintes fois en première lecture, le Gouvernement ne recherche qu'à la marge des solutions à la délinquance !
En effet, c'est non par la création de nouvelles infractions que l'on trouvera des solutions à la délinquance, mais bien par l'éducation.
Ce n'est pas en durcissant les peines applicables aux mineurs délinquants que l'on évitera qu'ils sombrent dans la violence, mais c'est en instaurant des peines alternatives susceptibles de provoquer prise de conscience et maturité chez les jeunes.
Ce n'est pas en accélérant les procédures d'évacuation forcée des gens du voyage qu'on luttera contre la délinquance ; c'est en permettant à ces personnes de s'installer sur des terrains aménagés, et en incitant précisément les communes à prévoir de tels espaces.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Charles Gautier. Si la prévention de la délinquance, qui, comme chacun le sait, est nécessaire, est efficace quand elle relève des collectivités territoriales, et surtout de la commune, il reste que cette efficacité - je pense, notamment, aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance - doit être améliorée. C'est pourquoi la généralisation de ces conseils doit être encouragée.
Or, même dans ce domaine, vous choisissez de privilégier le rôle répressif du maire, en en faisant un shérif doté de l'obligation de réprimander les voyous dans les quartiers, sans d'ailleurs lui octroyer de nouveaux moyens. Ces mesures seront inefficaces : un cautère sur une jambe de bois !
Aujourd'hui, le partage des compétences entre le maire, le président du conseil général et l'État, entre autres acteurs, est si peu clair que les citoyens ont bien du mal à s'y retrouver ! Or, le texte que nous examinons le rend plus complexe et confus encore, comme notre collègue Aymeri de Montesquiou l'a souligné tout à l'heure.
Ainsi, monsieur le ministre délégué, vous accordez au maire un pouvoir de rappel à l'ordre. Mais cette mission ne relève-t-elle pas de tous les acteurs concernés, et surtout de la justice ? En outre, vous faites du maire le responsable du conseil pour les droits et devoirs des familles, une tâche qui paraît relever des compétences du président du conseil général, en tant que coordinateur de l'action sociale, même s'il la délègue parfois aux services sociaux.
En fait, chacun de ces acteurs doit continuer à jouer le rôle qui est le sien, même s'il est parfois nécessaire que le législateur clarifie celui-ci, et nous devons nous garder à tout prix de compliquer encore le dispositif.
Je prendrai un autre exemple : dans le cadre des CLSPD, vous étendez tellement les compétences du maire, monsieur le ministre délégué, que celui-ci sera susceptible de se trouver en possession d'informations confidentielles concernant certaines familles. Or le maire a-t-il réellement besoin de ces renseignements pour exercer son mandat ? Rien n'oblige à en faire systématiquement le détenteur d'informations relevant du secret professionnel entre les acteurs sociaux !
Le maire doit continuer à être un acteur central de la prévention de la délinquance et de l'action sociale, mais il doit rester à sa place et exercer sa mission de coordination des politiques publiques sans s'immiscer dans la vie privée de ses concitoyens.
Certes, la frontière est ténue en pratique, mais il est important de préserver les rôles de chacun. Sinon, mes chers collègues, comme Raymonde Le Texier l'a brillamment rappelé, gare aux dérives possibles et aux tentatives d'abus !
En réalité, je le répète, ce texte constitue une énième loi d'affichage. À l'Assemblée nationale, la première lecture a d'ailleurs permis au Gouvernement de continuer à modifier le présent projet de loi, afin de répondre à l'actualité, sans cesse renouvelée, en ajoutant des dispositions supplémentaires. Ces dernières constituent d'ailleurs, elles aussi, des mesures d'affichage, qui resteront lettre morte et ne feront que compliquer le travail des magistrats et des policiers !
Monsieur le ministre délégué, j'en fais le pari devant vous : demain et après demain, vous continuerez à nous présenter sans cesse de nouveaux textes, simplement mis au goût du jour !
Les paradoxes de ce projet de loi se trouvent résumés dans les mesures qui concernent la consommation de cannabis. Quel est l'intérêt de renforcer des sanctions qui sont obsolètes depuis trente ans et qui, de ce fait, ne sont pas appliquées, tout simplement parce que, comme cela a été souligné tout à l'heure, elles ne sont pas applicables ?
Monsieur le ministre délégué, nous avons vraiment l'impression que vous travaillez dans le virtuel ! Or vous vous exprimez comme si vos propos correspondaient à une réalité.
Au lieu de prévoir une réforme en profondeur des dispositifs qui ne fonctionnent pas, vous apportez des modifications à la marge, avec la certitude qu'elles ne changeront rien. Voilà quatre ans que vous agissez toujours de cette façon et, dans ce domaine comme dans celui de la sécurité en général, d'ailleurs, la dégradation est permanente, quoi que vous affirmiez.
Enfin, monsieur le ministre délégué, vous annoncez déjà les mesures par lesquelles vous réformerez de nouveau ce texte, à peine entré en vigueur, si vous passez le cap des cinq prochains mois. C'est tout de même assez inattendu !
Votre méthode, qui consiste à toujours promettre que les problèmes seront résolus dans l'avenir, et à toujours reporter les torts sur vos opposants, revient à enchaîner les effets de tribune.
Aujourd'hui, chacun se rend compte qu'en quittant le ministère de l'intérieur vous laisserez bientôt un bilan déplorable. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Goujon. Ils n'ont décidément peur de rien !
M. Charles Gautier. Parmi les mesures adoptées, il n'en est guère qui aient porté leurs fruits. Seule, semble-t-il, la politique de sécurité routière a donné quelques résultats.
M. Philippe Goujon. C'est sûr !
M. Charles Gautier. Or vous revenez aujourd'hui sur les mesures que vous avez adoptées dans ce domaine, parce qu'à l'approche des élections vous en craignez l'impopularité.
M. Philippe Goujon. Ce n'est pas vrai !
M. Charles Gautier. Monsieur le ministre délégué, votre bilan n'est donc pas satisfaisant - c'est le moins que l'on puisse dire ! -, et vous le savez. Avec ce texte de loi - le douzième ou le treizième, je ne sais plus ! -, vous tentez une nouvelle surenchère démagogique, uniquement pour parfaire votre image médiatique.
Vous finissez la législature en présentant un projet de loi prétendument relatif à la prévention de la délinquance, mais cela ne trompe personne, car le contenu de ce texte ne correspond aucunement à son objet affiché. Personne ne croit aujourd'hui à la présentation que vous en avez faite, et nous avons déjà montré maintes fois que, dans ce texte, seul le titre évoquait la prévention ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce projet de loi marque un grand progrès en matière de prévention et de traitement de la délinquance, et je l'approuve totalement.
Toutefois, il reste encore beaucoup à faire, et je souhaiterais formuler quelques propositions complémentaires. Elles porteront sur un aspect du problème qui est très différent et qui n'a encore été évoqué ni dans le présent projet de loi ni dans les interventions précédentes, mais qui me semble essentiel pour lutter contre la délinquance, à savoir la prévention par le travail.
Monsieur Gautier, vous avez affirmé que les sanctions ne suffisaient pas et qu'il fallait développer la prévention. C'est exactement ce que je vous propose de faire ! Les lois ont vieilli, et ce qui était valable en 1950 ne l'est plus aujourd'hui. Il faut revoir certaines de nos habitudes, vous avez raison de le souligner, monsieur le ministre délégué.
Toutefois, quelle est la cause principale de la délinquance ? Pourquoi y a-t-il aujourd'hui tant de délinquants ? Le renforcement du rôle du maire et des parents, l'intervention de la police et de la justice, la définition de nouvelles sanctions constituent des mesures qui sont importantes, certes, mais pas suffisantes.
En effet, la cause principale de la délinquance réside, me semble-t-il, dans l'inactivité des jeunes qui quittent le collège à l'âge de seize ans, ne continuent pas leurs études, ne s'inscrivent dans aucune école, ne disposent d'aucune compétence ni formation professionnelle, ne trouvent pas de travail, ne font rien et ne sont soumis à aucune obligation !
Une fois que ces jeunes sont sortis du système scolaire, à l'âge de seize ans, plus personne ne s'occupe d'eux. En outre, leur minorité leur garantit l'impunité jusqu'à l'âge de dix-huit ans, ce dont, évidemment, leurs aînés profitent.
Ce résultat est dû essentiellement au collège unique, qui oblige tous les jeunes à suivre la même formation, alors qu'un certain nombre d'entre eux n'en ont ni le goût ni les moyens. Aussi les jeunes sortent-ils du collège à seize ans sans aucune compétence professionnelle, après avoir perdu leur temps et fait perdre leur temps aux autres ! Ils n'ont rien à faire et deviennent la proie de ceux qui leur proposent beaucoup d'argent pour, entre autres, voler des voitures, en brûler, vendre de la drogue, agresser la police - bref, pour devenir des délinquants. Ils se font les acteurs de cette insécurité que le projet de loi que vous présentez, monsieur le ministre délégué, doit réduire.
Or, si ces jeunes travaillaient, ou étudiaient, ils ne traîneraient pas dans les rues, et la sécurité régnerait ! (Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bernard Frimat. CQFD!
M. Serge Dassault. Mes chers collègues, l'équation est simple : inactivité égale délinquance et activité égale sécurité ! Il faut supprimer ou réduire l'inactivité des jeunes afin d'éliminer la délinquance.
C'est pourquoi, monsieur le ministre délégué, je proposerai à l'article 9 du présent projet de loi un amendement visant à rendre obligatoire la formation professionnelle pour les mineurs âgés de seize ans à dix-huit ans qui n'ont ni diplôme, ni qualification, ni emploi.
Il s'agit non pas de concurrencer l'éducation nationale, qui n'impose d'obligation scolaire que jusqu'à l'âge de seize ans, mais de prendre son relais, afin de favoriser le développement de l'apprentissage et d'enseigner à ces jeunes un métier qui les écartera de la délinquance et leur offrira un travail.
L'obligation de formation professionnelle jusqu'à dix-huit ans ne poserait aucun problème à tous ceux qui poursuivent leurs études dans les lycées et universités ou qui suivent déjà une formation professionnelle puisqu'ils travaillent. En revanche, cette nouvelle limite d'âge contraindrait, ou du moins inciterait à trouver une formation et à s'orienter vers l'apprentissage ou, en tout cas, à ne pas rester inactifs, tous ceux qui, après le collège, ne trouvent aucune école, aucun lycée susceptible de les accueillir et qui n'ont aucune motivation pour travailler. Et cela ferait autant de délinquants en moins dans les rues !
Ainsi, tant que l'apprentissage à partir de l'âge de quatorze ans n'est pas généralisé, la meilleure méthode pour réduire l'insécurité est d'obliger ces jeunes à poursuivre une formation après la sortie du collège, de seize à dix-huit ans. Il ne faut pas non plus oublier, mes chers collègues, que nombre des chefs d'entreprise, qui détiennent la clef du système de l'apprentissage, montrent certaines réticences à prendre des apprentis qui leur coûtent cher et leur prennent du temps. Il faudrait donc les y obliger, me semble-t-il.
Aujourd'hui, plus de 60 000 jeunes sortent chaque année sans qualification du système scolaire, soit près du dixième d'une classe d'âge, ce qui représente chaque année autant de délinquants potentiels en plus dans les rues ! Je pense qu'il vaut la peine de s'occuper d'eux.
Une fois que ces jeunes sont devenus majeurs, et alors qu'ils sont peut-être toujours inactifs, seule une petite minorité d'entre eux accède à une formation, puisque 350 000 jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans sont dépourvus de toute qualification. Ces derniers sont pour la plupart au chômage et, malheureusement, une partie d'entre eux tombent dans la délinquance.
Il faut s'occuper de ces jeunes, en instituant - j'ai déjà formulé cette proposition, sans grand succès jusqu'à présent - un service civil, qui serait obligatoire pour tous ceux qui sont inactifs à dix-huit ans, ce qui réduirait encore d'autant le nombre de délinquants dans les rues !
Au passage, monsieur le ministre délégué, je souhaiterais saluer, notamment, votre choix de placer les maires au centre du dispositif de prévention de la délinquance. Toutefois, encore faudrait-il offrir à ceux-ci les moyens d'appliquer les sanctions, ce qui n'est pas encore le cas.
Je voudrais insister sur l'initiative de Pierre Hérisson, qui souhaite permettre aux préfets de procéder d'office à l'évacuation forcée de terrains situés sur le territoire d'une commune, à la demande du maire ou du propriétaire de ces terrains, sans avoir à obtenir l'autorisation préalable du juge. Cette procédure de police administrative se substituerait à la procédure judiciaire en vigueur.
Aux termes du présent projet de loi, en effet, la mise en demeure par le préfet ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la tranquillité publiques, mais cette condition est en général satisfaite. Je considère cependant qu'aucun recours devant le juge ne doit être possible, comme le prévoit ce texte.
Monsieur le ministre délégué, il faut saluer les améliorations apportées par ce projet de loi en ce qui concerne la saisine du juge des enfants par le maire et la tutelle aux prestations familiales. Nous devons également nous féliciter de l'incrimination des attroupements dans les rues et les entrées d'immeubles. Seront punies désormais de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende les voies de fait, les menaces de commettre des violences contre une personne ou l'entrave apportée à l'accès à la libre circulation des personnes.
Je suis heureux également de constater que la responsabilité du propriétaire sera engagée en cas de trouble de voisinage du fait de son locataire. En effet, le maire est toujours tenu pour responsable de tout ce qui ne va pas dans sa commune, alors qu'il n'a pas les moyens d'agir contre les locataires ! D'ailleurs, j'aurais souhaité que le maire puisse également verbaliser les fauteurs de trouble et leur infliger des amendes, ce que le projet de loi ne prévoit pas encore.
Enfin, concernant la responsabilité pénale, j'aurais préféré qu'elle soit reconnue dès l'âge de seize ans, ce qui aurait permis de supprimer la protection dont bénéficient les mineurs délinquants.
En effet, si vous acceptiez, monsieur le ministre délégué, de porter l'obligation de formation professionnelle de seize à dix-huit ans, vous réduiriez de façon notable la délinquance, ce qui correspond bien, me semble-t-il, à l'objet de votre projet de loi. Au surplus, cette mesure ne vous coûterait rien. Tout au plus devriez-vous, peut-être, augmenter le nombre de centres de formation d'apprentis, actuellement insuffisant. Mais, par rapport aux coûts engendrés par l'éducation nationale, ce serait négligeable.
Cet amendement sort, peut-être, du cadre du présent projet de loi. Il constituerait pourtant une mesure très efficace de prévention de la délinquance, et rejoindrait ainsi la finalité d'un texte qui ne se limite pas à la répression.
Cette mesure réduirait la présence de mineurs inactifs dans les rues, présence qu'à l'instar des autres maires je constate dans ma commune de Corbeil-Essonnes. Or, lorsque ces jeunes trouvent du travail ou une solution de formation - ce que nous, maires, les incitons constamment à faire -, la sécurité s'améliore, car ils ne sont plus dans les rues.
Les termes de l'équation sont simples : l'insécurité dépend directement du travail des jeunes. Mettez les jeunes au travail, et la délinquance diminuera ! C'est précisément, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce que je vous propose de faire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier votre rapporteur, M. Lecerf.
Le Gouvernement a souhaité que le débat soit ouvert. C'est pourquoi l'urgence n'a pas été déclarée. Le texte proposé par le Gouvernement a ainsi été soumis à une première lecture dans chacune des deux assemblées. Il fait maintenant l'objet d'une deuxième lecture au Sénat avant, la semaine prochaine, d'être examiné par l'Assemblée nationale.
Le débat parlementaire a considérablement enrichi et infléchi les dispositions originales de ce texte, et permis notamment de dissiper un certain nombre d'inquiétudes. Je pense en particulier à celles qui ont été exprimées, ici ou là, par les maires. Vous avez veillé, mesdames, messieurs les sénateurs, à relayer ces inquiétudes, et je ne peux que m'en réjouir. L'Association des maires de France, derrière son président, M. Jacques Pélissard, a ainsi contribué de manière importante au débat.
Non, madame Assassi, nous n'avons pas préparé la municipalisation de la sécurité et de la justice ! Au contraire, nous entendons clarifier les responsabilités de chacun, en donnant aux maires la possibilité de se faire entendre et de dialoguer avec toutes les institutions qui interviennent dans la prévention de la délinquance.
Monsieur Peyronnet, vous avez été le porte-parole des appréhensions rapportées par le président Pélissard. Je constate que celles-ci ont été levées par les amendements adoptés sur l'initiative, non pas du Gouvernement mais, là encore, des maires de France, qui ont ainsi démontré qu'ils approuvaient totalement ce texte sur la prévention de la délinquance.
Madame Assassi, vous prétendez que nous préparons le désengagement de l'État de la sécurité, vous qui n'avez voté ni la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure en 2002, ni la loi pour la sécurité intérieure en 2003, deux lois qui n'ont cessé de renforcer les capacités d'intervention, les compétences et les moyens des forces de sécurité intérieure dans notre pays, dans le but justement d'affirmer le rôle régalien de l'État en matière de sécurité publique. Vous ne pouvez pas nous accuser, aujourd'hui, de désengagement alors que vous vous êtes opposée, hier, au renforcement des moyens des forces de sécurité intérieure dépendant de l'État ! Votre attitude est, sur un plan politique, totalement contradictoire ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
En ce qui concerne l'efficacité de notre politique, que vous contestez, je me permets, comme l'a déjà fait M. Goujon, de vous renvoyer aux statistiques qui, depuis 2002, attestent au contraire son succès. M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, présentera d'ailleurs le bilan de cette politique après-demain, dont il ressort très nettement que la délinquance a baissé depuis 2002.
Je ne peux donc laisser sans réponse la double affirmation de M. Peyronnet selon laquelle la délinquance des jeunes n'aurait pas augmenté et qu'en conséquence le texte porterait atteinte sans raison aux principes fondamentaux de la justice des mineurs. Non seulement, monsieur Peyronnet, ces principes ne sont pas mis en cause, mais toutes les nouvelles réponses pénales qu'apporte ce projet visent à élargir la palette des mesures éducatives afin que les magistrats puissent apporter une réponse adaptée tout à la fois à l'acte commis et à l'âge du délinquant.
S'agissant, en particulier, de l'excuse de minorité, les juridictions apprécieront elles-mêmes s'il y a lieu ou non de la retenir. À cet égard, je suis sensible aux propos plein de mesure de M. François Zocchetto, et je pense que l'examen du texte le rassurera totalement.
Je ne peux, non plus, laisser sans réponse le reproche que vous nous adressez, mesdames Assassi et Le Texier. D'après vous, nous reviendrions sur des dispositions adoptées à notre initiative, alors même que leurs décrets d'application ne seraient pas encore publiés. En réalité, ce que vous refusez de comprendre, c'est notre méthode, le pragmatisme. Cette méthode nous conduit, lorsque cela est nécessaire, à compléter, plus rarement à corriger, un dispositif législatif qui doit s'adapter sans cesse à l'évolution de la délinquance.
Bien que je sois contraint, étant assis au banc des ministres, de vous tourner le dos, ne croyez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que les interpellations émanant de la partie gauche de l'hémicycle ne sont pas parvenues jusqu'à moi. Il est tellement facile de multiplier les effets de tribune un moment et, l'instant d'après, d'invectiver les orateurs suivants, avec comme seul espoir que de tels propos, pleins de sous-entendus, seront transcrits dans leur intégralité au Journal officiel !
Ainsi, j'ai entendu certains s'écrier, quand M. Goujon était à la tribune, que les textes que nous avons proposés depuis 2002, dont le but a été, en permanence, de renforcer les dispositions de lutte contre la délinquance, n'auraient pas été suivis des décrets nécessaires à leur application, en particulier s'agissant des dispositions contre la délinquance dans le sport.
Mais je ne vois pas à quels décrets il est fait référence. Encore une fois, c'est si facile... Je vais donc être très clair, d'autant que j'ai sous les yeux le détail précis de l'ensemble des dispositions réglementaires qui ont été prises. Je tiens d'ailleurs à votre disposition le bilan de l'application des lois votées sur l'initiative de M. Nicolas Sarkozy.
S'agissant notamment de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, 34 décrets ont été publiés. Il n'en reste qu'un seul, qui est actuellement soumis au Conseil d'État.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais nous sommes en 2007. Quatre ans se sont écoulés depuis le vote de la loi !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Quant à la loi du 24 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, tous les décrets restant à prendre sont en cours d'examen par la CNIL ou le Conseil d'État.
Enfin, monsieur Sueur, puisque vous faisiez référence à la prévention des violences lors des manifestations sportives, sachez que deux décrets devaient découler du vote de la loi, et qu'ils ont été publiés le 9 décembre 2006. Vous ne suivez pas, monsieur Sueur, et je vous invite à lire plus attentivement le Journal officiel !
Démonstration est ainsi faite de la parfaite inutilité de vos interventions relatives au prétendu retard que nous aurions pris dans la mise en oeuvre des lois relatives à la sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mais que faites-vous des quatre autres lois ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je ne veux pas m'étendre davantage, nous avons déjà eu ce débat.
Je souhaite en revanche remercier les orateurs qui ont su saluer les résultats du Gouvernement en matière de lutte contre la délinquance, comme M. de Montesquiou, et souligner le courage de la majorité sénatoriale, pour la manière dont elle a abordé une question aussi difficile que celle de la prévention. Je veux, en particulier, remercier MM. Courtois et Goujon qui, comme pour chacun des textes que M. le ministre d'État a présentés au Parlement, ont grandement contribué à la richesse des débats, prouvant ainsi qu'ils sont fidèles à leurs convictions et à ceux qui s'efforcent de les mettre en oeuvre.
Je voudrais également rendre hommage à M. Dassault. Vous avez rappelé, monsieur le sénateur, toute l'importance pour notre pays de la formation et de l'éducation des jeunes.
Quand, sur ces travées (M. le ministre délégué désigne la gauche de l'hémicycle), on prétend que la délinquance des mineurs n'a pas augmenté au cours des années écoulées, chacun sait que cela est faux ! Mais nous savons aussi qu'au cours des vingt dernières années une sorte de lâcheté a prévalu dans notre pays, qui a laissé une fracture importante se constituer entre un certain nombre de familles et de jeunes. Or nous n'acceptons pas que les jeunes puissent être ainsi stigmatisés.
Mme Éliane Assassi. Changez de loi, alors !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Une immense majorité d'entre eux souhaitent en effet prendre l'ascenseur social, et pouvoir bénéficier de toutes les chances et de tous les atouts nécessaires pour réussir leur parcours de vie. Les responsables de l'État comme ceux des collectivités locales doivent mettre à disposition des jeunes les outils et les moyens nécessaires. Nous devons les accompagner !
Lorsque je vous entends affirmer, mesdames, messieurs les sénateurs siégeant à gauche de cet hémicycle, que nous stigmatisons la jeunesse par le simple fait que nous présentons un projet de loi sur la prévention de la délinquance, je sais qui en réalité stigmatise cette jeunesse ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Nous entendons au contraire reconnaître le talent, l'intelligence et la motivation exceptionnels des jeunes de France. Eux-mêmes nous enjoignent aujourd'hui de les protéger, car, nous disent-ils, ils en ont assez d'être rackettés ou menacés dans leurs établissements scolaires, les rues de leurs cités, leurs immeubles ou leurs cages d'escalier. Ce sont ces jeunes qui demandent à l'État, aux collectivités et aux maires de mieux les protéger, les encadrer et les accompagner.
Ce projet de loi leur apporte, précisément, des réponses !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les jeunes apprécieront !
Mme Éliane Assassi. Nous verrons bien dans quel sens les jeunes voteront !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis est un texte de générosité ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N'en faites pas trop !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous avons voulu, et c'était une première, démontrer que les ministères de l'intérieur, de la santé, de la justice et de l'éducation nationale étaient capables, ensemble, de se mettre au travail de manière transversale, afin d'apporter des réponses à toutes les inquiétudes.
Nous ne réglerons, nous le savons, le problème de la délinquance que par une vraie politique de prévention. Mais, en même temps que nous engageons une vraie politique de prévention, source d'une véritable égalité des chances pour tous les jeunes, ce que personne auparavant n'avait proposé, il nous faut également donner aux jeunes des repères. Ceux-ci doivent comprendre que, si jamais ils dépassent la ligne blanche, il y aura sanction à la clé.
Comment expliquer que notre pays tolère ces multirécidivistes qui, systématiquement, rentrent en héros dans leurs cités parce que, jamais, ils ne sont sanctionnés ? Comment expliquer que l'on n'ait jamais osé aborder le problème de l'ordonnance de 1945, notamment s'agissant de l'excuse de minorité, alors que nous savons qu'un mineur de 2007 n'a rien à voir avec un mineur de 1945 ?
M. Jean-Pierre Sueur. L'ordonnance a été révisée dans sa totalité !
M. Charles Gautier. On n'en est plus là !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est simplement faire preuve de réalisme, de pragmatisme ; c'est regarder la société française telle qu'elle est, telle qu'elle a évolué, pour lui redonner un certain nombre de repères ; c'est en même temps rassurer la jeunesse de France, et grand nombre de familles qui attendaient enfin du courage de la part de leurs gouvernants, ainsi qu'une prise de responsabilité de la part des représentants de la nation et des élus locaux.
Il est bien dommage que, de ce côté-ci de l'hémicycle, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne répondiez pas à l'attente de tant d'hommes et de femmes de notre pays qui vivent au quotidien des situations de détresse dans leurs cités et qui espèrent, pour une grande majorité d'entre eux, être mieux protégés. Vous préférez les laisser livrés à eux-mêmes ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Nous pensons au contraire que la première des libertés, c'est la sécurité, singulièrement pour toutes ces personnes. Avec ce texte, nous leur apportons aujourd'hui une réponse ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 45, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention de la délinquance (n° 102, 2006-2007).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette encore une fois que l'examen des motions intervienne après la clôture de la discussion générale et votre réponse aux orateurs, monsieur le ministre. Vous avez tenté le style « meeting » dans l'hémicycle, mais ce n'est pas un exercice évident. Vous avez tout de même été applaudi, au moins par votre majorité.
M. Charles Gautier. Les applaudissements n'étaient pas très fournis !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or nous ne sommes pas à un meeting !
Le projet de loi, tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, confirme s'il en était besoin que nous avons à nous prononcer, en guise de prévention de la délinquance, sur des dispositions de sécurité intérieure tous azimuts. Il s'agit ni plus ni moins d'un texte dans lequel vous vous employez à élargir les sanctions et le contrôle social dans de nombreux domaines, affichant votre philosophie selon laquelle plus la sanction est forte, plus elle est dissuasive, donc préventive.
Il me faut donc réaffirmer très clairement que, pour nous, contrevenir à la loi doit être sanctionné ; encore faut-il que la sanction ait du sens et s'inscrive dans un processus de réinsertion. Mais une politique de prévention, monsieur le ministre, vise l'avant-contravention, l'avant-délit ou l'avant-crime. Or il est impossible de percevoir concrètement l'aspect « prévention » du projet de loi, terme qui figure pourtant dans son intitulé, tant les nouvelles mesures modifiant le code pénal, le code de procédure pénale, le code de la santé publique, sont de nature répressive.
J'avais déjà défendu une motion d'irrecevabilité en première lecture. Avec la majorité sénatoriale, monsieur le ministre, vous aviez ironisé à l'époque sur ce que j'avais appelé le « mépris du Parlement ».
Je persiste : les sept lois répressives, dont je vous épargnerai les intitulés, qui ont précédé celle dont nous débattons aujourd'hui ont multiplié le nombre des délits et des sanctions y afférentes. Les sénateurs et députés de la majorité ont ajouté guet-apens et embuscades, happy slapping, ils ont augmenté les délits « hall d'immeuble », mais ils ont atténué les contraventions routières : la période électorale oblige à être plus répressif pour certains et moins pour d'autres, et je n'évoquerai même pas la criminalité financière, dont, évidemment, nous n'avons pas à nous occuper dans le cadre de ce texte.
Qui plus est, le projet de loi interfère avec la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance et avec la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, ainsi qu'avec les dispositions du projet de loi réformant la protection de l'enfance dont l'Assemblée nationale commence aujourd'hui l'examen.
Monsieur le ministre, je persiste, parce que trop de lois nuit à la loi, et tout spécialement quand les textes que je viens de mentionner, quoi qu'il en soit par ailleurs des décrets que vous avez bien voulu citer, n'ont pas fait l'objet - et pour cause, compte tenu de leur jeune âge ! - d'une évaluation sérieuse, indispensable au bon travail du Parlement.
L'inflation législative est telle que le Conseil d'État a fait part de son inquiétude dans son rapport du 15 mars 2006, que vous connaissez certainement : il y souligne le fait que celle-ci est porteuse d'insécurité juridique pour les acteurs économiques et pour les citoyens.
Mais l'inflation législative, par l'empilement des textes qu'elle induit, a également des conséquences en termes d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, caractéristiques dont la valeur constitutionnelle a été consacrée par le Conseil constitutionnel le 16 décembre 1999 et reconnue par le Conseil d'État le 24 mars 2006.
Le Conseil constitutionnel considère « qu'en effet l'égalité devant la loi énoncée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et ?la garantie des droits? requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ; qu'une telle connaissance est en outre nécessaire à l'exercice des droits et libertés garantis tant par l'article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n'a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel ?tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas? ».
Source de contradictions, l'empilement des normes juridiques rend celles-ci bien souvent incompréhensibles. Nous en avons un exemple avec le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance et le projet de loi réformant la protection de l'enfance.
Les codes et les lois sont excessivement complexes et privent nos concitoyens d'une connaissance suffisante de la législation qui leur est applicable. Bien souvent, certains articles d'une loi viennent contredire des dispositions en vigueur ou compléter une législation déjà abondante et qui, de surcroît, n'est pas toujours appliquée. Aussi, en réponse, ce texte ajoute-t-il, en matière de peines complémentaires, une sanction « restauration ». C'est en ce sens que nous considérons ce projet de loi comme allant à l'encontre du principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, d'autant que sont en cause des droits et libertés fondamentaux.
Je persiste aussi à affirmer, parce qu'aucune correction n'a été apportée, que ce texte porte également atteinte au principe de la séparation des pouvoirs en conférant aux maires des pouvoirs quasi judiciaires.
Quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, le projet de loi fait du maire un acteur central en matière de « contrôle » de la délinquance : tout reposera désormais sur ses épaules. Ses pouvoirs sont multipliés : il pourra mettre en place, s'il le souhaite, un conseil pour les droits et devoirs des familles, procéder à des rappels à l'ordre, y compris pour les mineurs, proposer un accompagnement parental ou encore une mise sous tutelle des allocations familiales.
Mais il y a pire : le maire recevra des informations, jusqu'ici protégées par le secret professionnel, sur les administrés qui bénéficient de l'aide d'un éducateur ou d'une assistante sociale. Il pourra également constituer un fichier nominatif des élèves ayant fait l'objet d'un avertissement pour absentéisme scolaire.
Les maires, assimilés à de véritables délégués du procureur, sont dotés de prérogatives qui, malgré les dires du Gouvernement, empiètent sur le pouvoir judiciaire. Le rappel à l'ordre prévu à l'article 8, que le maire pourra adresser à l'encontre aussi bien des majeurs que des mineurs, en est l'exemple le plus frappant. Il est d'ailleurs significatif que, les uns et les autres, vous vous employiez à répéter que le maire ne sera pas un shérif : n'est-ce pas parce que votre texte appelle une telle critique ?
Les maires seront même informés sans délai, par la police ou par la gendarmerie, des infractions causant un trouble à l'ordre public et, par le procureur de la République, des suites judiciaires qui leur sont données.
Toutes ces dispositions tendent à donner au maire des prérogatives qui empiètent largement sur les missions actuelles d'autres institutions : la confusion institutionnelle est ici totale, au détriment des familles en difficulté. Elles traduisent enfin - et vous ne vous privez pas, monsieur le ministre, de même que le ministre de l'intérieur, de le réaffirmer en toute occasion - une véritable défiance à l'encontre des travailleurs sociaux et de la justice, qui - est-ce un hasard ? - manquent cruellement de moyens humains et financiers.
Le maire deviendrait ainsi le garant de la sécurité : malgré vos dénégations, monsieur le ministre, nous risquons à terme d'assister à la dilution de la politique nationale et, en parallèle, à la multiplication des spécificités locales. C'est l'égalité de traitement entre les citoyens qui est ici remise en cause.
Je persiste aussi à dire que le texte recèle un nombre inquiétant d'atteintes aux libertés fondamentales, que nous relevions déjà en première lecture et qui, pour certaines, ont été aggravées par l'Assemblée nationale.
Les atteintes à la vie privée sont multiples et la diffusion d'informations à caractère confidentiel est facilitée. L'Assemblée nationale a prévu à l'article 1er que, au sein des groupes de travail des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, des faits et informations à caractère confidentiel pourront être échangées, sous réserve de ne pas être communiquées à des tiers. La commission des lois propose même d'étendre cette faculté au conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance.
Le secret professionnel est remis en cause par l'article 5, qui autorise le partage d'informations jusqu'ici protégées par le secret professionnel : dès lors qu'une famille suivie par des professionnels de l'action sociale connaîtra une aggravation de ses difficultés, les travailleurs sociaux devront en informer le maire et le président du conseil général. Ces informations pourront même servir de base à la décision de réunir le conseil pour les droits et devoirs des familles.
Toutes ces dispositions conduisent à soumettre la vie privée et familiale de personnes connaissant des difficultés sociales, éducatives, financières à un contrôle social et administratif pesant et particulièrement intrusif, au motif qu'à vos yeux la probabilité est forte qu'elles soient à l'origine de futurs délinquants.
De même, comme le soulignait en 2002 la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH, sont inquiétantes pour une société démocratique la multiplication des fichiers et l'augmentation du nombre des personnes habilitées à les consulter. Mais peut-être est-ce là ce que la commission des lois appelle un « continuum de prise en charge » ?
Le maire serait ainsi autorisé à mettre en oeuvre un fichier afin d'améliorer le suivi de l'obligation d'assiduité scolaire. Ce fichier contiendra des informations à caractère personnel transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales, mais aussi par l'inspecteur d'académie ou par le directeur de l'établissement en cas d'exclusion temporaire ou lorsque l'élève quitte l'établissement en cours ou en fin d'année.
Outre le fait que cet article organise un formidable croisement de fichiers, sous la coordination du maire, son champ d'application est très vaste et le nombre d'écoliers concernés par ce fichage risque d'être très élevé. Il n'est plus besoin d'attendre d'être un adulte pour être fiché : les enfants pourront l'être dès leur plus jeune âge ! Par ailleurs, est-ce un premier pas vers le dépistage des enfants de moins de trois ans ? C'est en tout cas l'impression qui en ressort.
L'extension du fichage concerne aussi les personnes souffrant de troubles mentaux : depuis cinq ans, chaque loi pénale a créé ou étendu un fichier ; ce projet de loi ne fait donc pas exception. L'objectif est de cibler des populations « criminogènes ». Le problème, en l'espèce, c'est que ces personnes sont insidieusement assimilées à des délinquants. La tenue d'un tel fichier, compte tenu du caractère sensible des informations enregistrées, pose un réel problème en matière d'atteinte à la vie privée.
Je ne sais si les séries policières américaines, où en quelques secondes les super-flics new-yorkais savent tout, de A à Z, d'un John Smith né au fin fond de l'Ohio, fascinent nos gouvernants, mais je ne me priverai pas de rappeler que cela n'a aucune influence, aux États-Unis, sur la prévention de la délinquance ni sur la violence en général.
J'avais considéré comme irrecevable en première lecture l'inclusion dans ce projet de loi des dispositions relatives à la santé mentale. Depuis, la vive protestation des professionnels vous a conduit, monsieur le ministre, à vous poser quelques questions, mais vous avez alors ajouté un motif d'irrecevabilité au texte.
En effet, le tour de passe-passe qui consiste à vouloir procéder par ordonnances à la nécessaire réforme de la loi du 27 juin 1990 tandis que les articles relatifs à la santé mentale continuent d'être traités dans le présent projet de loi est pour le moins inacceptable pour les parlementaires, qui doivent savoir ce que le Gouvernement décidera par ordonnances dans le même domaine, qui plus est élargi.
J'ajoute qu'en l'occurrence, comme pour les familles souffrant de difficultés sociales, le Gouvernement, quoi qu'il en dise, entretient les amalgames, sous-entend que les personnes malades mentales présentent un risque particulier en matière de délinquance et propose comme solution de les ficher.
Nous ne pouvons tolérer de telles atteintes à la vie privée, d'autant que, encore une fois, elles n'auront aucun effet en matière de prévention de la délinquance. Elles ne font que traduire le phénomène de pénalisation des problèmes sociaux auquel nous habitue ce gouvernement depuis cinq années, avec les résultats que l'on connaît.
S'agissant de la justice des mineurs, les dispositions ont même été aggravées par l'Assemblée nationale. La spécificité de la justice des mineurs, pourtant reconnue constitutionnellement, devient virtuelle tant le Gouvernement cherche à la rapprocher de la justice des majeurs. Éliane Assassi l'a développé, je n'y reviens pas : présentation immédiate et extension de la composition pénale sont des atteintes graves à la justice des mineurs.
Je reste très dubitative sur la réalité du consentement d'un mineur âgé de treize à seize ans, auquel la loi ne reconnaît par ailleurs aucune capacité à contracter. De même, cela suppose que le mineur reconnaisse sa culpabilité, ce qui est contraire à l'article 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Celui-ci dispose en effet que les États parties doivent veiller en particulier « à ce que tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale ait au moins le droit aux garanties suivantes : [...] ne pas être contraint de témoigner ou de s'avouer coupable ».
Par ailleurs, cette mesure ouvre une énième brèche dans les principes fondamentaux de l'ordonnance de 1945, quoi que vous en disiez. En effet, celle-ci conférait au juge des enfants une compétence exclusive pour connaître des délits commis par les mineurs et déterminer la réponse pénale la plus adaptée à leur égard. Désormais, cette compétence sera partagée avec le procureur de la République, même si le juge des enfants conserve le pouvoir d'homologuer ou non la proposition acceptée par le mineur et ses représentants.
De manière générale, la procédure de présentation immédiate devant le juge des enfants et l'extension de la composition pénale, en ce qu'elles ne permettent pas à l'enfant de préparer sa défense ou d'être jugé de façon équitable, remettent en cause les droits de la défense. S'agissant de mineurs, cette remise en cause me semble particulièrement grave et contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant.
L'Assemblée nationale a jugé ces atteintes aux principes de l'ordonnance de 1945 insuffisantes. Il faut admettre que la vigueur avec laquelle le ministre de l'intérieur souhaite la vider de son sens ne pouvait guère atténuer les ardeurs de certains députés.
Ainsi, nous avons échappé à l'abaissement de l'âge de la responsabilité pénale à seize ans et à la suppression pure et simple de l'atténuation de responsabilité pénale. Néanmoins, les députés ont décidé d'étendre la portée de la disposition actuellement prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance de 1945 permettant au juge de déroger au principe de l'atténuation de responsabilité pénale.
Tout d'abord, l'article 39 bis ne fait plus mention du caractère exceptionnel de cette dérogation. Ensuite, son champ d'application est étendu aux auteurs d'infractions violentes en situation de récidive. Enfin, cet article prévoit, à l'égard de cette catégorie de délinquants, de supprimer l'obligation pour le juge de motiver spécialement sa décision de ne pas atténuer la responsabilité pénale. Nous ne sommes finalement plus très loin de la remise en cause totale de l'atténuation de responsabilité.
Il n'en reste pas moins qu'en retirant le caractère exceptionnel de la procédure, l'article 39 bis contrevient aux principes de l'ordonnance de 1945, qui ont valeur constitutionnelle, ainsi qu'à l'article 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant qui dispose : « Les États parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, [...] et qui tienne compte de son âge ».
Monsieur le ministre, vous répétez que les mineurs d'aujourd'hui ne sont plus les mêmes que les mineurs de 1945. Pour ma part, je vous dirai encore une fois que la justice des mineurs concerne l'âge...
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.... et qu'un mineur est toujours un mineur.
La solution proposée par le ministre de l'intérieur, qui se substitue d'ailleurs étrangement au garde des sceaux en la matière, est de prévoir une remise en cause de l'atténuation de la responsabilité, un alourdissement des peines encourues et une possibilité accrue d'enfermer les mineurs.
Ce texte ne fait que traduire une mise sous tutelle du ministère de l'intérieur de l'action sociale, de l'éducation nationale, de la justice des mineurs et des majeurs, ou encore des transports. Avec les députés de l'Assemblée nationale, c'est un véritable fourre-tout de mesures prises pour répondre à l'actualité et aux faits divers.
Loin d'apporter des réponses en matière de prévention, ce projet de loi met en péril le fondement de notre État de droit et hypothèque l'avenir de nos libertés fondamentales. Telle est la raison pour laquelle nous vous demandons de voter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les griefs qui sont formulés par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen sont d'ordre politique ou polémique, parfois à la limite de la mauvaise foi.
Dire qu'il n'est pas question de prévention dans ce texte, c'est comme affirmer que les fauteuils de cet hémicycle sont verts. (Sourires.) De toute façon, nous conviendrons, les uns et les autres, qu'il ne s'agit pas d'inconstitutionnalité.
On nous dit ensuite que ce texte aggrave l'inflation législative. N'est-ce pas le propre de tout projet de loi ? Il faudrait donc purement et simplement arrêter de légiférer ! Il ne s'agit toujours pas d'inconstitutionnalité.
On nous dit encore qu'il y a remise en cause du secret professionnel. Sur ce point, mes chers collègues, je tiens tout de même à préciser que le texte va beaucoup moins loin que ne le souhaitait l'Association des maires de France dans sa globalité et dans sa diversité républicaine : elle désirait que le secret professionnel puisse être partagé au niveau des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Nous avons estimé que cette extension était trop vaste et qu'il convenait de limiter ce partage du secret professionnel au maire ou, comme l'a ajouté l'Assemblée nationale, aux cellules de veille.
On nous dit enfin - je crois rêver ! - qu'il y aurait violation de la séparation des pouvoirs en raison des prérogatives conférées au maire. J'ai essayé d'expliquer, lors de la discussion générale, que le maire jouera un rôle de chef d'orchestre en réunissant autour de la table les acteurs. Certes, il obtiendra des informations complémentaires, mais il ne disposera pas de l'ombre d'un pouvoir de sanction ; il n'empiétera pas sur les prérogatives de l'autorité judiciaire.
Reste un argument qui me paraît essentiel et qui pourrait être retenu, s'il était fondé : il y aurait remise en cause du principe de l'atténuation de responsabilité pénale pour les mineurs de plus de seize ans. Il s'agit effectivement d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République et par le Conseil constitutionnel. J'apporterai deux réponses sur ce point.
Premièrement, ce principe n'est nullement remis en cause : il y a extension de la portée de la dérogation actuelle qui existe déjà dans l'ordonnance de 1945.
Deuxièmement, le Conseil constitutionnel déclare que ce principe fondamental reconnu par les lois de la République doit se concilier « avec la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions et de prévenir les atteintes à l'ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens ».
Ne trouvant pas l'ombre d'un grief d'inconstitutionnalité dans ce projet de loi, je demande au Sénat de bien vouloir rejeter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je n'ai pas entendu d'arguments nouveaux par rapport à ceux qui ont déjà été développés en première lecture lors de la présentation de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Vous ne cessez de dénoncer l'inflation législative ! M. Gautier a fait allusion à une énième loi sur la sécurité, etc. Quelle est la réalité ? Depuis 2002, chaque fois que nous avons présenté un texte permettant de faire un pas important pour répondre aux inquiétudes des Français et, surtout, de mettre fin au laxisme dont avait fait preuve le gouvernement socialiste entre 1997 et 2002 (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),...
M. Jean-Claude Peyronnet. Voilà !
M. Christian Estrosi, ministre délégué.... ce qui avait entraîné une augmentation de la violence et de la délinquance de près de 14,6 % - les résultats enregistrés par le même observatoire traduisent une baisse de 9 % depuis 2002 ; cela représente deux millions de faits de délinquance en moins, donc une diminution de la détresse et des séquelles dans la population de notre pays -, systématiquement, le groupe CRC et le groupe socialiste ont déposé des motions tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité et déposé des recours devant le Conseil constitutionnel.
Il s'agit, par exemple, de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, de la loi pour la sécurité intérieure, notamment du fichier des empreintes génétiques, de la loi relative à la lutte contre le terrorisme, pour répondre au problème que vous aviez soulevé sur la conservation des données électroniques, ou encore de la loi relative à l'immigration et à l'intégration : systématiquement, le Conseil constitutionnel vous a désavoués !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut réformer le Conseil constitutionnel !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Une fois de plus, c'est ce que fera le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, comme l'a indiqué M. le rapporteur, aucun des arguments développés ne justifie l'inconstitutionnalité du projet de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a un problème avec le Conseil constitutionnel !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est pourquoi je demande à la Haute Assemblée de bien vouloir rejeter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 45, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Sueur, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 35, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, relatif à la prévention de la délinquance (n° 102, 2006-2007).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.
M. Jean-Pierre Sueur. L'ordre du jour est chargé, voire surchargé, mais ce n'est pas de notre fait. Dans ces conditions, est-il vraiment nécessaire de délibérer du présent texte ?
Monsieur le ministre, vos propos relèvent de la réitération d'affirmations. Nous pourrions aussi reprendre ce qu'a très bien dit tout à l'heure M. Jean-Claude Peyronnet.
Nous ne nous réjouissons pas de l'augmentation en cinq ans de 27,5 % des actes de violence gratuite, mais c'est un fait qui est constaté par l'observatoire dont vous avez parlé. À des chiffres, on peut répondre par d'autres chiffres, mais je ne suis pas sûr que cela fasse avancer le débat.
M. Jean-Pierre Sueur. Précisément, pour ce qui est des décrets d'application, monsieur le ministre,...
M. Jean-Pierre Sueur.... vous avez répondu avec éloquence en vous félicitant que, s'agissant du texte de 2003, tous les décrets d'application aient été publiés, sauf un, en 2007. Je vous en donne acte, monsieur le ministre. Mais vous me donnerez également acte que, subtilement, sur les huit lois relatives à la sécurité - on pourrait d'ailleurs aller jusqu'à dix, comme l'a indiqué Mme Le Texier - vous n'avez parlé des décrets d'application que pour trois d'entre elles.
Qu'en est-il de la publication des décrets d'application des textes adoptés au cours des deux dernières années ? C'est une question précise à laquelle, je n'en doute pas, vous apporterez une réponse précise.
Voici donc la huitième loi sur le sujet, présentée par M. le ministre de l'intérieur ou par M. le garde des sceaux. Chaque fois, nous nous sommes posé la question : s'il y a une deuxième loi, c'est peut-être parce que la première était insuffisante ; puis la question est revenue à propos de la troisième, de la quatrième... Et aujourd'hui, monsieur le ministre, si vous présentez une huitième loi, cela signifie-t-il que les sept précédentes étaient incomplètes, imparfaites, inefficaces, mauvaises ? Si, à la fin de cette législature, vous en êtes à nous soumettre tous ces articles, n'est-ce pas une manière de mettre en cause le bien-fondé de toutes ces lois ? Je crois, mes chers collègues, qu'il s'agit là d'un détournement du rôle du Parlement.
Vous voulez faire croire aux Françaises et aux Français qu'en élaborant une huitième loi vous agissez. En réalité, tout le monde sait que c'est une loi d'affichage. Vous n'aurez pas le temps de prendre les décrets d'application dans les prochaines semaines et tout devra être remis sur le métier. Nul n'ignore le contexte dans lequel intervient la discussion de ce projet de loi : des élections se profilent et, monsieur le ministre, vous y pensez autant que nous !
En présentant ce projet de loi sur la prévention de la délinquance, vous pensez que les Français se diront : « au moins, eux, ils travaillent ». N'aurait-il pas été plus pertinent de donner davantage de moyens à la justice, à tous les professionnels qui travaillent dans le domaine de la prévention et de l'éducation ?
Monsieur le ministre, je suis l'actualité, j'écoute les propos que vous tenez sur les médias. N'est-il pas surprenant que le programme du principal parti de la majorité actuelle comporte des dispositions qui sont contraires non seulement à la législation en vigueur, mais également au projet de loi que vous nous proposez d'adopter ? Je pense notamment aux peines planchers ou à certaines mesures concernant les mineurs.
Mes chers collègues, je vous invite à voter la motion tendant à opposer la question préalable afin de libérer le Gouvernement de la schizophrénie dont il semble atteint. En effet, monsieur le ministre, comment pouvez-vous dire au Parlement, en défendant un projet de loi, que vous refusez les peines planchers et, à l'extérieur, en soutenant le programme de votre parti, que les peines planchers sont absolument nécessaires ?
Eu égard au contexte actuel, la discussion du présent projet de loi nous conduit à des exercices intellectuels peu productifs. Nous pourrions donc parfaitement alléger l'ordre du jour du Parlement et, ainsi, promouvoir un confort intellectuel que vous pourriez apprécier autant que nous.
S'agissant du rôle du maire, le présent texte comporte de nombreuses ambiguïtés.
Le maire n'a pas à assumer les compétences dévolues à la police nationale. Confondre leurs compétences, c'est risquer - on le constate d'ores et déjà ici ou là - des tentatives de mainmises municipales dans des domaines qui, en vertu de la loi et de la Constitution, relèvent de la responsabilité de l'État. Cette responsabilité doit être exercée - c'est une garantie républicaine forte - par la police nationale, donc par l'État, un État républicain, dans le cadre de ses pouvoirs régaliens.
De la même manière, confondre les compétences du maire et celles des magistrats, c'est risquer des évolutions inacceptables et préjudiciables à la séparation des pouvoirs.
Il ne faut pas vouloir que le maire fasse tout ! Comme nombre de maires l'ont eux-mêmes souligné, une telle situation deviendrait très vite intenable.
Que le maire soit un partenaire - au sens fort du terme - des services de l'État, de la justice, de la police nationale, nous sommes d'accord ! En revanche, qu'il devienne un auxiliaire de justice ou un substitut, nous ne pouvons l'accepter.
Selon le rapporteur Jean-René Lecerf, ce projet de loi, s'il est adopté, ne conférera au maire aucune prérogative substantielle effective en matière judiciaire pour ce qui relève de la répression et de la sanction. Si tel est le cas, une question vient immédiatement à l'esprit : pourquoi faut-il changer la loi ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Pour faire du maire un chef d'orchestre !
M. Jean-Pierre Sueur. Le maire a déjà l'autorité suffisante pour être le partenaire de l'ensemble des services de l'État. Il n'est pas nécessaire d'élaborer une loi à cet effet !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il ne détient pas les informations !
M. Jean-Pierre Sueur. Si on veut lui donner d'autres missions, d'autres fonctions, un autre rôle, une efficacité accrue dans certains domaines, il s'agit alors d'un véritable changement.
Monsieur le ministre, je m'étonne du caractère fourre-tout de ce texte. Certes, c'est une critique que l'on a souvent adressée à de nombreux projets de lois, notamment à ceux qui portent diverses dispositions d'ordre social ou autres. Toutefois, avec le présent projet de loi, nous nous heurtons à une autre difficulté : cette collection surabondante d'articles en tout genre, ce conglomérat informe de mesures disparates est aussi un catalogue de peurs, petites et grandes, qui traduit l'idée fixe, l'obsession de l'enfermement, de l'exclusion, de la négation de ceux qui sont censés être dangereux.
Je serai très clair : la sanction est nécessaire, indispensable, et nous n'avons jamais prôné le laxisme ; c'est un slogan trop facile.
Monsieur le ministre, vous avez raison lorsque vous dites que la peur de la sanction contribue à la prévention. Mais d'autres éléments contribuent à la prévention.
Nous n'acceptons pas le fantasme perpétuel de l'enfermement et de l'exclusion qui est induit par l'énumération à laquelle vous procédez. En effet, ce texte évoque successivement les gens du voyage, les chiens dangereux, les malades mentaux, les toxicomanes. Comment ne pas voir ce qu'il y a non seulement de gênant, mais aussi de pernicieux dans une telle énumération ?
Il faut bien évidemment protéger la population contre les chiens dangereux : qui pourrait y être opposé ? Mais comme nous le disions ce matin en commission des lois, des dispositions allant dans ce sens, qui relèvent du code rural, auraient pu être prises par la voie réglementaire.
Cependant, évoquer le danger, la peur, en mentionnant les chiens dangereux, les gens du voyage - toujours faciles à stigmatiser -, les malades mentaux, dont la population doit être protégée, les toxicomanes, c'est procéder à une énumération qui induit des amalgames. Monsieur le ministre, il n'est pas neutre de présenter les choses de cette manière. Ce n'est pas seulement le texte en lui-même qui entraîne un certain nombre d'effets ; c'est aussi sa constitution en forme de répertoire de diverses peurs.
Chaque cas appelle des réponses de la société, des traitements, des cures et, dans certains cas, des sanctions. Mais l'amalgame qui est pratiqué est intrinsèquement pervers.
J'en viens à un point particulièrement choquant : les dispositions relatives à la psychiatrie.
Tout d'abord, ce fut une lourde erreur d'inscrire ces mesures dans un texte sur la délinquance. Sans jamais que cela fut dit - mais il y a le posé et le présupposé - ce procédé induit l'image en vertu de laquelle les malades mentaux seraient assimilés à des délinquants. Votre première erreur fut donc de créer une confusion en introduisant les dispositions concernant la psychiatrie dans un texte relatif à la prévention de la délinquance.
Votre seconde erreur fut de refuser d'élaborer une loi spécifique traitant ce sujet d'une manière globale. Tous les professionnels que nous avons reçus, qu'il s'agisse des psychiatres ou de leurs représentants, nous ont affirmé qu'il fallait rénover la loi de 1990 en prenant en compte l'ensemble de la question : l'hospitalisation, les secteurs, les cures, la psychiatrie en prison - la carence est importante en la matière -, sans oublier les rapports avec les familles. C'est un sujet très difficile ; une grande loi est nécessaire, élaborée dans la plus large concertation.
Mais, dites-vous, qu'à cela ne tienne, nous allons réparer l'erreur ! Et M. Sarkozy, ici absent, a cette formule magnifique, reprise dans la presse : « Qu'importe le véhicule, pourvu que le contenu reste le même ! » ; ce sera non plus une loi, mais une ordonnance. J'ai bien entendu les propos de M. Bertrand, mais comment accepter qu'une telle méthode puisse être considérée comme une bonne façon de traiter un problème aussi lourd ?
On a souvent parlé de la loi de 1838 et des débats très riches, mais aussi très complexes, auxquels elle a donné lieu au Parlement. Comment peut-on imaginer que l'on va aujourd'hui traiter cette question par une ordonnance, en fin de législature, afin de tenter de réparer une erreur ? Et, comble de l'aberration, monsieur le ministre, le Parlement va continuer à débattre des articles qui sont censés faire partie de l'ordonnance et qui sont visés par la loi d'habilitation.
En conclusion, permettez-moi de vous donner lecture d'un extrait - qui doit être gravé dans le marbre - du rapport présenté en décembre dernier, au nom de la commission des affaires sociales, par M. Alain Milon, sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé.
M. Milon écrit ceci : « L'introduction d'un article d'habilitation dans le projet de loi ne pose pas en soi de problème de respect des règles constitutionnelles. Néanmoins - ce mot est déjà tout un programme - la démarche suivie par le Gouvernement n'est pas banale - le discours, à lui seul, n'est pas banal, monsieur le président de la commission des lois - puisque le vote de cet article d'habilitation par l'Assemblée nationale n'a pas entraîné la suppression symétrique des articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance »
M. Milon poursuit, et c'est vraiment remarquable : « Selon les informations recueillies, il serait envisagé de ne procéder à cette suppression qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance en commission mixte paritaire. »
Ainsi, lors de la commission mixte paritaire au sein de laquelle, jusqu'à preuve du contraire, ne siègent que des parlementaires, députés ou sénateurs, le retrait des dispositions dont nous allons maintenant débattre est déjà prévu, puisque celles-ci figurent toujours dans le projet de loi bien que le Parlement ait autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce sujet. Si, dans cet hémicycle, quelqu'un considère que cette démarche n'est pas absurde,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Honteuse !
M. Jean-Pierre Sueur.... qu'il m'explique comment il justifie ce véritable pataquès !
Mes chers collègues, il s'agit là d'un argument extrêmement fort pour voter la motion tendant à opposer la question préalable et que j'ai eu l'honneur de vous présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je formulerai quelques remarques avant d'émettre l'avis de la commission sur cette motion.
Tout d'abord, notre collègue Jean-Pierre Sueur a posé la question de savoir s'il fallait délibérer du présent texte eu égard au prétendu échec de la politique menée en matière de sécurité depuis cinq ans. Mais les chiffres sont têtus ! En effet, après une augmentation de la délinquance des mineurs et des violences non crapuleuses, c'est-à-dire des violences gratuites, entre 1997 et 2002, nous observons, depuis 2002, une baisse spectaculaire de cette délinquance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Personne ne vous croit !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, connaissant votre honnêteté intellectuelle, je me demande comment vous pouvez affirmer que personne ne nous croit ! L'appareil statistique qui permet de mesurer cette délinquance est intrinsèquement le même depuis des décennies.
Des progrès considérables ont été accomplis, mais il nous faut maintenant progresser en matière de délinquance des mineurs et de violence non crapuleuse.
Vous dénoncez une ambiguïté fondamentale concernant le rôle du maire : l'État se déchargerait sur le maire de ses compétences régaliennes. Or il arrive que les maires, notamment en matière de police administrative, soient également des agents de l'État. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il leur arrive aussi d'être officier de police judiciaire. (Et alors ? sur les travées du groupe socialiste.) Et je ne pense pas qu'à ce titre ils soient les représentants de la commune.
Une interrogation fondamentale, qui devrait vous préoccuper, subsiste : comment se fait-il qu'une association aussi oecuménique que l'Association des maires de France, après avoir discuté, point par point, des mesures qui l'inquiétaient, en particulier de la possibilité, pour le maire, d'empiéter sur le pouvoir judiciaire, constate qu'il a été fait droit, pour l'essentiel, à l'ensemble de ses revendications et admette que le texte fait désormais l'objet d'un large consensus ? Les échéances électorales se rapprochent et je comprends qu'il soit parfois difficile de reconnaître un certain nombre de vérités.
Il aurait été préférable d'augmenter le budget de la justice, a-t-on dit. Or celui-ci s'est accru de 38 % en cinq ans. Excusez du peu ! Sur ce point, la majorité et le Gouvernement font ce qu'ils peuvent. Que n'en a-t-il été de même à d'autres époques ! Nous espérons simplement que cette évolution se poursuivra sur la même lancée.
Notre collègue Jean-Pierre Sueur a évoqué le caractère composite de ce texte, qui regroupe notamment des dispositions concernant aussi bien les violences conjugales que les chiens dangereux ou les gens du voyage. Je comprends son point de vue, que je partage d'ailleurs partiellement. Je n'aurai cependant pas la cruauté de lui rappeler que les mesures concernant les gens du voyage ont été adoptées à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Je crois donc que nous nous posons des problèmes qui n'intéressent guère que le « microcosme », pour reprendre l'expression d'un ancien Premier ministre. En effet, ce qui préoccupe fondamentalement nos concitoyens, c'est de savoir si nous nous attaquons effectivement aux sources d'insécurité, en nous efforçant d'apporter des solutions. Peut-être aurait-il été plus opportun d'élaborer non pas un, mais quatre, cinq ou six textes. Mais qu'aurait-on dit alors de l'inflation législative ?
Je suis toujours très surpris de la béatification, pour ne pas dire la canonisation, dont fait l'objet la loi sur les aliénés du 30 juin 1838, car celle-ci est très certainement un exemple des atteintes portées aux libertés individuelles. Pour ma part, j'ai la faiblesse de préférer une ordonnance respectueuse des libertés à une loi liberticide !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Quant à la schizophrénie, mes chers collègues, n'abusons pas d'une accusation que nous pourrons nous lancer très souvent au cours de la période à venir !
Monsieur Sueur, je ne sais pas s'il vous sera facile, pendant la campagne présidentielle, de défendre, par exemple, l'encadrement militaire des adolescents en difficulté, qui semble pourtant faire partie du programme de la candidate que vous défendez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Bien entendu, la commission n'est pas favorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, en défendant cette motion, vous avez simplement fait une intervention politique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au Parlement, on fait encore de la politique !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous avez cherché, une fois de plus, la caricature. C'est dommage ! En effet, sur un sujet aussi grave et aussi sérieux, le Gouvernement a tenu, en ne déclarant par l'urgence sur ce texte, à ce que le Parlement puisse apporter la contribution la plus large possible. Tel a d'ailleurs été le cas, puisque des amendements émanant de votre groupe ont été adoptés.
Vous avez tenté d'énumérer une liste de griefs, qui relèvent de la caricature. Quant au fantasme permanent de l'enfermement, si nous avons accordé une place aussi importante aux collectivités locales, notamment en ce qui concerne leurs compétences dans le domaine social, c'est bien parce que nous voulons que la prévention joue un rôle majeur. Ce texte, loin de renforcer l'enfermement des mineurs, accroît les capacités d'intervention des collectivités locales, qu'il s'agisse des municipalités ou des départements, en particulier en matière sociale.
Vous souhaitez, monsieur Sueur, m'apporter un confort intellectuel.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas négligeable !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous remercie de vous en soucier ! À quoi bon, dites-vous, faire adopter ce texte, puisque nous sommes à quelques mois d'une échéance électorale ? Dans l'intérêt de mon confort intellectuel et du vôtre, dont je me préoccupe également, je vous rappelle que c'est sur l'initiative d'un gouvernement que vous souteniez qu'a été proposée la mise en place du quinquennat. Le mandat législatif est aussi de cinq ans. Par conséquent, le mandat du Président de la République et celui des députés ont désormais exactement la même durée. Devrions-nous débattre de ces sujets si importants pour les Français pendant quatre ans seulement ? Ou bien chacun doit-il assumer ses responsabilités jusqu'au terme de son mandat, en s'inscrivant dans la durée ?
Au cours de la législature précédente, vous avez proposé, en matière de sécurité, un certain nombre de mesures ; je pense notamment à la loi relative à la sécurité quotidienne.
M. Jean-Pierre Sueur. De M. Vaillant !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Effectivement !
Elle a été adoptée à l'automne 2001, puisqu'elle succédait aux attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Vous aviez notamment prévu des dispositions...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Provisoires !
M. Christian Estrosi, ministre délégué.... concernant la fouille des coffres des véhicules. À l'époque, l'opposition les avait considérées comme parfaitement responsables. En tant que député, je me souviens avoir moi-même soutenu un certain nombre de ces mesures
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Provisoires !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je ne vous avais alors pas accusé, monsieur Sueur, bien que nous étions à quelques mois seulement des échéances présidentielle et législative, de favoriser, quelques mois avant le terme de ces mandats, l'inflation législative.
M. Jean-Pierre Sueur. La situation était particulière !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pour ma part, j'avais considéré qu'il s'agissait de propositions pragmatiques. Par la suite, la plupart des dispositions de ce texte ont été appliquées par les gouvernements suivants, qui les considéraient comme tout à fait adaptées.
Monsieur Sueur, malgré votre intervention, je sais que vous avez suffisamment le sens de la continuité de l'État pour ne pas dire, à cette tribune, que le Gouvernement et le Parlement ne jouent pas leur rôle en poursuivant leur travail jusqu'au bout, en fonction de leurs convictions et de ce qui leur paraît essentiel et prioritaire pour répondre aux aspirations de nos concitoyens. Je souhaitais insister à cet égard, ce point de votre intervention m'ayant paru « décalé ».
Vous avez parlé d'un texte fourre-tout qui regrouperait la psychiatrie infantile, les chiens dangereux, etc. Or je vous rappelle que les amendements relatifs aux chiens dangereux ont été adoptés à l'unanimité par le Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai dit que cette mesure était juste !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'ai même le souvenir que, lors de la première lecture de ce projet de loi par la Haute Assemblée, un certain nombre de membres de votre groupe avaient regretté que ce texte n'intègre pas, notamment, une politique du logement ou de l'éducation nationale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Vous dénoncez aujourd'hui le caractère fourre-tout de ce texte après avoir déploré, en première lecture, l'insuffisance de dispositions transversales émanant d'autres ministères !
M. Charles Gautier. Nous parlions de prévention !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est bien la démonstration que vous êtes en décalage, monsieur Sueur !
Enfin, je veux, une fois pour toutes, éclairer la Haute Assemblée sur les décrets.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sur l'ordonnance !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Au sujet de l'ordonnance, M. Xavier Bertrand a déjà répondu. Je sais bien que vous caricaturez également cet aspect des choses. Pour ma part, je ne crois qu'aux vertus du dialogue, de la concertation et du compromis.
En première lecture, le Sénat a délibéré et approuvé les articles 18 à 24 du projet de loi, qui visent à réformer la loi du 27 juin 1990 dans ses dispositions relatives aux hospitalisations d'office, en s'inscrivant dans une perspective globale et équilibrée. Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette réforme était attendue par l'ensemble des professionnels de santé.
À l'Assemblée nationale, les députés ont estimé que, pour donner satisfaction aux professionnels de santé, il serait sans doute plus efficace de procéder à une refonte d'ensemble de l'hospitalisation sous contrainte par ordonnance. Ceux-ci pourraient ainsi disposer plus rapidement des mesures arrêtées.
En même temps, le Gouvernement a considéré que, tout en procédant par ordonnance, le fait que le Parlement ait pu en débattre n'était pas une mauvaise chose. Ce support qu'est le texte législatif a permis aux parlementaires de s'exprimer sur ce sujet et l'ordonnance est un moyen d'apporter une réponse plus rapide et plus efficace aux professionnels de santé.
Monsieur Sueur, très sincèrement, j'accepte totalement votre remarque selon laquelle cette façon de procéder n'est pas traditionnelle. Mais, dans le monde où nous vivons, nous devons nous adapter en permanence aux réalités auxquelles nous sommes confrontés.
À partir du moment où il y a eu un vrai débat, que nous avons voulu ouvert, d'abord avec les professionnels de santé, ensuite au Sénat, enfin à l'Assemblée nationale, et qu'à l'occasion de l'examen de ce texte non déclaré d'urgence nous avons trouvé une solution qui donne parfaitement satisfaction à l'ensemble des professionnels de santé et qui est susceptible de faire l'unanimité au sein de ces derniers, pourquoi contester cette manière d'agir ? (M. Jean-Pierre Sueur proteste.) De manière apaisée, tenons-nous en là, monsieur Sueur !
J'ai entendu vos arguments ; je vous ai apporté les miens, qui ne sont d'ailleurs pas si opposés. Vous avez davantage insisté sur la forme. Personnellement, j'ai essayé de vous apporter une réponse sur le fond.
Enfin, monsieur Sueur, s'agissant des décrets, concernant le ministère de l'intérieur que je suis chargé de représenter aujourd'hui, je ne m'exprimerai que sur les textes qui ont été présentés par le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Jean-Pierre Sueur. Pas sur la justice ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous ai déjà répondu sur la loi du 26 novembre 2003.
S'agissant de la loi du 18 mars 2003, vingt-cinq décrets ont été pris sur trente et un, six décrets sont en attente, dont trois relèvent seulement du ministère.
Quant à la loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, publiée le 24 janvier 2006 - ce n'est pas vieux ! -, je vous confirme que tous les décrets sont soit pris, soit en cours d'examen.
Enfin, s'agissant de la loi du 5 juillet 2006 relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives, qui n'est pas ancienne non plus, monsieur Sueur, les deux décrets relatifs à cette loi ont été pris et sont parus au Journal officiel le 9 décembre dernier.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en donne acte !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous avez fait allusion à la loi de 2003 et à la publication de ses décrets d'application en 2007 ; je vous parle d'une loi que vous avez votée en juillet 2006 et dont les deux décrets d'application ont été publiés en décembre dernier !
Enfin, pour ce qui est de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, trois décrets sont pris : ils concernent le regroupement familial des étrangers, la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour et la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De plus, trois décrets transversaux, dont l'un concerne à lui seul quarante-cinq articles, sont devant le Conseil d'État, en attente de publication.
Voilà le bilan qui est le nôtre sur les projets de loi que nous vous avons présentés au cours des cinq dernières années.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n'avez pas parlé des textes qui relèvent du ministère de la justice !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je ne vous en parlerai pas, car il ne m'appartient pas de les suivre aux côtés du ministre de la justice !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais M. Sarkozy les signe en tant que président de l'UMP !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En revanche, je suis fier de suivre ceux qui sont conduits par le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et je vous ai d'ailleurs apporté des réponses sur ce point.
S'agissant du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, monsieur Sueur, je vous fais calmement et paisiblement la démonstration - ce sera mon dernier mot - que l'argument utilisé pour justifier la question préalable ne tient pas, car ce texte contient énormément de dispositions qui, lorsqu'elles seront votées, seront d'application directe, sans qu'il soit nécessaire de publier des décrets d'application.
Par ailleurs, pour l'ensemble du projet de loi, seule une trentaine de décrets d'application est prévue. Le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance a d'ores et déjà fait préparer l'avant-projet de ces décrets qui, vous le comprendrez, ne pourront naturellement être publiés qu'une fois la loi votée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Pour mon confort intellectuel, monsieur Sueur, je ne peux que vous appeler à voter le plus rapidement possible le projet de loi qui vous est présenté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 35, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention de la délinquance.
Demande de renvoi à la commission
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Boumediene - Thiery, MM. Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 34, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5 du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration, le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, relatif à la prévention de la délinquance (n° 102, 2006-2007).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la motion.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur de présenter, au nom du groupe socialiste et des Verts, la motion tendant au renvoi à la commission du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Quatre mois après son examen en première lecture par le Sénat, nous nous retrouvons face aux mêmes conditions de discussion. Le Gouvernement continue à se complaire dans un affichage politique et médiatique. M. Sarkozy nous propose une énième série de mesures supposées être la panacée pour des maux qu'il n'a pas été capable d'endiguer en près de cinq ans, mais il ne dit rien, ou si peu, sur ce qui a été fait. Il persiste à ne pas évaluer les structures et les dispositifs existants, tels les centres d'éducation fermés.
Lorsque les chiffres et leur manipulation vous avantagent, vous brandissez ces chiffres comme un étendard. Mais lorsque les données relatives à la délinquance révèlent l'échec de votre politique, vous devenez avare de faits et de nombres.
Les raisons qui motivent le dépôt de cette motion tendant au renvoi à la commission sont diverses.
Tout d'abord, le temps imparti n'a pas permis aux parlementaires de procéder à des auditions satisfaisantes, notamment pour cette deuxième lecture, au regard des modifications apportées par l'Assemblée nationale.
Même si nous avons pu rencontrer, lors de la première lecture, des syndicats de police et de travailleurs sociaux ainsi que les diverses associations des maires de France, lesquels ne sont d'ailleurs jamais parvenus à trouver un consensus, ce n'est pas suffisant.
Comme vous l'avez déclaré, monsieur le ministre, la prévention de la délinquance est une question extrêmement importante. Aussi, nous ne pouvons pas traiter ce projet de loi dans de telles conditions, simplement en raison des échéances électorales.
Ce texte va profondément modifier la vie de millions de personnes et dénaturer la nature des relations, d'une part, entre le maire et ses administrés, d'autre part, entre les travailleurs sociaux et les familles qu'ils suivent.
Entre les première et deuxième lectures, ce projet de loi a été sensiblement modifié. Le Gouvernement comme les députés de la majorité parlementaire ont largement profité des débats à l'Assemblée nationale pour proposer et faire adopter des mesures qui s'avèrent, au mieux, totalement superflues et simplement démagogiques, au pire, dangereuses pour les libertés individuelles et publiques.
Ce sujet est trop grave et les dispositions que vous proposez sont trop préoccupantes en termes de droits fondamentaux pour que la commission des lois se limite à un travail précipité.
Le simple fait que le chapitre III ait été complété par onze nouveaux articles traitant pêle-mêle de la résiliation du bail en cas de trouble de voisinage, de la transposition d'une décision-cadre européenne et de l'évacuation forcée en cas de violation des règles sur le stationnement des gens du voyage suffit à justifier le renvoi à la commission.
Les membres de la majorité parlementaire ont renforcé le caractère fourre-tout de ce projet de loi en y faisant cohabiter des mesures relatives à des domaines qui n'ont rien à voir avec la prévention de la délinquance.
Ces confusions et ces amalgames sont loin d'être anodins ; ils sont voulus et calculés. L'objectif n'est rien de moins que d'amalgamer prévention et répression, protection sociale et contrôle social, et de précariser ainsi les plus faibles.
D'ailleurs, le présent projet de loi présente des contradictions avec le texte réformant la protection de l'enfance, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale.
Une fois encore apparaît la volonté de préemption du ministère de l'intérieur sur les autres ministères. Ainsi, celui-ci impose sa vision dans les domaines des affaires étrangères, de la justice, de la santé et des affaires sociales.
Notre demande de renvoi à la commission s'impose, d'autant qu'il est impératif que la commission des affaires sociales puisse, elle aussi, apporter un supplément d'analyses et de réflexions. Or elle n'a pas été invitée à participer aux dernières auditions.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est faux !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce texte accentue la confusion entre protection de l'enfance et prévention de la délinquance à un point tel qu'il est essentiel de se demander si les travailleurs sociaux ont pour mission la défense des droits de l'enfance ou la défense de l'ordre public. Si les éléments qu'ils récoltent auprès des familles, très souvent après des mois d'un dur travail de mise en confiance, sont susceptibles d'être communiqués aux maires et à ses adjoints, voire d'être utilisés contre elles, ces familles, souvent les plus fragilisées et les plus démunies, se montreront de plus en plus réticentes à se confier aux assistants sociaux et resteront isolées dans leurs souffrances.
En rattachant la prévention spécialisée à la prévention de la délinquance, en même temps qu'il remet en cause la fonction essentielle des travailleurs sociaux, basée sur la confiance et la confidentialité, tout en octroyant aux conseils généraux des pouvoirs supplémentaires en termes de prévention de la délinquance, ce texte entraîne une dérive inacceptable.
Cette demande de renvoi à la commission se fonde également sur un élément essentiel : le présent projet de loi a pour but inavoué, et aura pour conséquence avérée, la fin de l'esprit de l'ordonnance de 1945. Cet esprit, directement issu des cendres de la Seconde Guerre mondiale, est fondé sur un consensus national rare dans l'histoire de notre pays.
Travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés, sociologues et magistrats, tout le monde reconnaît qu'il est indispensable de modifier l'ordonnance de 1945. Ce n'est pas un tabou, puisqu'elle l'a déjà été plus d'une vingtaine de fois.
Cependant, tous s'opposent avec la plus grande fermeté à ce que soit dénaturé l'esprit de l'ordonnance de 1945. La spécificité de la justice des mineurs doit être préservée et toute tentative de rapprochement avec le régime des majeurs doit être simplement et catégoriquement combattue.
Or ce texte vise bel et bien à ce basculement de régime. C'est notamment le cas lorsque vous permettez l'accroissement de la mainmise du parquet sur les tribunaux pour enfants, l'extension de la mesure de composition pénale aux mineurs, la présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement, mesure semblable à la comparution immédiate applicable aux majeurs, ou encore l'atténuation de l'excuse de minorité.
En 2007 comme en 1945, qu'il mesure 1,30 mètre ou 2 mètres, qu'il soit noir ou blanc, un mineur reste un mineur. Il ne peut et ne doit en aucun cas être réduit au statut de délinquant par nature ou d'adulte en miniature.
Comme je le disais lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi, une bonne justice des mineurs doit avant tout prendre en compte les différentes étapes de l'enfance et de l'adolescence, qui doivent être traitées différemment. On ne peut opter pour une justice expéditive qui méprise le temps de l'éducation nécessaire à tous les jeunes, en particulier à ceux qui sont en difficulté sociale ou psychologique.
Renvoyer ce texte à la commission permettrait notamment de réfléchir à la manière dont il convient de bâtir sans attendre une justice qui dispose de moyens humains et financiers suffisants pour prendre le temps nécessaire au traitement spécifique de la délinquance des mineurs et revoir l'ordonnance de 1945.
Cet impératif d'une meilleure justice contredit totalement les options que prend ce gouvernement, au premier rang desquelles celle qui consiste à dénaturer le rôle du maire.
Si, jusqu'à présent, la majorité des maires de France ont joué un rôle éminent dans la prévention de la délinquance, c'est d'abord parce qu'ils sont en dehors du système de répression, que ce dernier soit judiciaire ou policier ; ils sont des acteurs de conciliation et d'équilibre social. C'est cette pratique qui fonde le contrat de confiance informel entre le maire et ses administrés.
Mais le portrait-robot du maire que vous dessinez présente les traits d'un « maire fouettard », d'un « maire shérif », ou tout simplement du « premier agent de délation ». De plus, vous faites jouer au maire un rôle actif dans la politique de répression sociale et pénale de l'État, rôle qui n'est pas le sien. Pis encore, avec l'extension irresponsable des pouvoirs du maire, vous faites de lui le premier maillon de la chaîne pénale.
Ainsi, ce qui, en apparence seulement, renforce le maire, risque d'avoir un effet contraire en le décrédibilisant aux yeux de ses administrés, qui le considéreront alors comme inefficace.
En outre, on affaiblit concrètement le rôle du juge et son action de prévention. Le fait de conférer aux maires des pouvoirs quasi judiciaires est tout simplement contraire à l'esprit de la séparation des pouvoirs et, à mon sens, anticonstitutionnel. Mais c'est également contraire au simple bon sens.
La possibilité de prononcer des rappels à l'ordre en est un funeste exemple. Car cette compétence, qui jusque-là n'était dévolue qu'aux seuls juges, pose toute une série de questions. Le fait qu'il y ait convocation suppose que celle-ci sera conservée. Et s'il y a conservation, quels seront le régime juridique et la nature de ce que l'on pourra qualifier de « répertoire » ?
Le caractère écrit des convocations en vue d'un rappel à l'ordre suppose de facto que celles-ci pourraient être transmises au juge s'il devenait nécessaire de saisir la justice. Que se passera-t-il si le maire ne le fait pas ? Quelle sera la nature de sa responsabilité juridique et à quel niveau celle-ci sera-t-elle engagée ? Nous n'avons pas encore de réponse à cet égard ! C'est la raison pour laquelle un travail en commission aurait été nécessaire.
Nous assistons là à un glissement supplémentaire dangereux pour nos libertés et nos droits fondamentaux. Car non seulement ce projet de loi octroie des pouvoirs quasi judiciaires, mais il instaure également une « parajuridiction » qui ne dit pas son nom, une justice parallèle qui nous rappelle une certaine police parallèle. En effet, le Conseil pour les droits et devoirs des familles ressemble ni plus ni moins à une sorte de tribunal des pauvres et des exclus.
Nous sommes bien loin du rappel contenu dans l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, adopté le 14 novembre 2002, portant sur le projet de loi pour la sécurité intérieure, qui réaffirmait que si la sécurité des personnes et des biens correspond à un objectif de valeur constitutionnelle et constitue un droit fondamental, il n'en demeure pas moins qu'elle ne s'oppose pas aux libertés, notamment le respect de la dignité humaine, la liberté d'aller et venir, les droits de la défense, sans lesquelles il n'est pas de véritable sécurité.
S'agissant du Conseil pour les droits et devoirs des familles, aucune mesure ne garantit les droits de la défense des familles et des enfants qui seront convoqués.
Les dispositions qui permettront aux maires de mettre en place des fichiers informatisés où seront enregistrées les données à caractère personnel relatives aux enfants en difficulté scolaire domiciliés dans la commune constituent une preuve supplémentaire du basculement vers l'arbitraire mis en oeuvre par ce gouvernement.
Un nombre croissant de maires se plaignent déjà du poids de plus en plus lourd du fardeau que représente l'étendue de leurs responsabilités civile et pénale, qui se trouvent engagées pour tout type d'affaire, de la plus banale à la plus tragique.
En dépit du refus de nombreux maires, ce gouvernement ne trouve rien de mieux que d'alourdir plus encore la responsabilité potentielle des maires en l'étendant de manière non définie.
Ainsi, la responsabilité des maires sera alourdie dans un domaine où les conséquences sont beaucoup plus graves et potentiellement plus dangereuses, car il s'agit ici de violences, de vols, parfois de morts.
Par ailleurs, avec ce transfert de compétences sans moyens financiers supplémentaires, le Gouvernement entend faire jouer aux villes les plus pauvres, les plus endettées, les plus démunies, un rôle toujours plus grand en matière de prévention et de sécurité.
Il ne revient pourtant pas aux villes de prendre à leur compte les missions que l'État ne peut pas ou ne veut pas assumer. L'État doit exercer pleinement ses pouvoirs régaliens, et non déléguer ses responsabilités.
En plus d'étendre la responsabilité juridique des maires, vous mettez également en jeu leur responsabilité politique et morale, monsieur le ministre. Si demain une nouvelle révolte éclate dans nos banlieues et dans nos quartiers populaires, causée notamment par la politique postcoloniale d'apartheid social et de discriminations racistes que subissent les jeunes au quotidien, il sera facile, pour ce gouvernement, de se défausser sur les maires, en prétextant qu'ils n'ont pas utilisé tous les pouvoirs et moyens qui leur ont été octroyés !
La dernière série de raisons qui motive le dépôt de cette motion tendant au renvoi à la commission est liée à l'amoncellement de dispositions méritant de plus amples réflexions ou n'ayant absolument rien à faire dans un tel projet de loi.
Prenons par exemple la mesure qui vise à créer une police de proximité intercommunale dans les communes limitrophes de moins de 20 000 habitants et regroupant au total moins de 50 000 habitants.
Cette proposition n'est pas mauvaise en soi. Dans une logique de modification du déploiement des forces de l'ordre sur un territoire, elle peut même s'avérer pertinente. Cependant, une telle mesure ne saurait être envisagée sans réelle réflexion, sans un travail plus abouti des commissions.
D'autres dispositions mériteraient également une plus ample réflexion, et donc un renvoi du texte à la commission.
Il en est ainsi de la création d'un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Telle qu'elle est présentée, cette disposition nourrit, elle aussi, amalgames et confusions.
Ce fonds, qui se bornera à réunir des crédits existants et ne mobilisera pas de ressources nouvelles, se verra adossé à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances et aux contrats urbains de cohésion sociale : prévention de la délinquance et politique de la ville se trouvent dangereusement amalgamées et confondues au travers d'un flou budgétaire, ce qui entretient une stigmatisation scandaleuse.
D'autres mesures encore n'ont rien à faire dans ce texte, pour la simple et bonne raison que, sous prétexte de lutte contre l'insécurité et les violences, elles contreviennent à nos libertés et droits fondamentaux.
Il en est ainsi des dispositions concernant les gens du voyage. Cette catégorie de population est victime de discriminations institutionnelles, qui vont en s'aggravant.
Après avoir mis en place une taxe d'habitation inique frappant les caravanes des gens du voyage, voilà que ce gouvernement propose aujourd'hui d'instituer une procédure d'évacuation forcée en cas de violation des règles de stationnement. Ce passage d'un régime d'exécution par le juge judiciaire à un régime de police administrative est extrêmement grave, contrairement à ce que pense notre collègue Serge Dassault.
La constitutionnalité d'un tel dispositif est tout à fait problématique : en cette matière, le recours au juge judiciaire s'impose, car il garantit le respect des droits des personnes concernées ; de ce fait, une décision administrative serait anticonstitutionnelle. L'intervention préalable du juge judiciaire se justifie par la protection des libertés individuelles, dont le respect de l'inviolabilité du domicile, les caravanes étant considérées comme des domiciles à part entière.
En outre, cette nouvelle « déjudiciarisation », ce glissement de la force du droit vers le droit de la force révèle, une fois de plus, une volonté d'attribuer un pouvoir arbitraire à l'administration. C'est donc, pour les gens du voyage, une rupture de l'égalité des citoyens devant la justice.
De plus, ces mesures portent atteinte aux droits de la défense, pour laquelle les délais de recours peuvent varier selon les départements et les préfets, alors que l'on connaît déjà toutes les difficultés et les discriminations vécues par cette population. Mais je reviendrai sur ce point de manière plus détaillée lors de la discussion des articles.
Une fois encore, un projet de loi prévoit la création de nouveaux fichiers, ainsi que l'élargissement du régime de gestion et de consultation de fichiers existants, et ce sans aucune garantie de recours.
Ainsi, après la liste des enfants fichés pour absentéisme scolaire, il est maintenant proposé de créer un fichier recensant les cas d'hospitalisation d'office, qui s'apparente à un « nouveau casier judiciaire psychiatrique ».
La multiplication de tous ces fichiers et de toutes ces listes, pour lesquels l'accès, le croisement et l'orientation sont de plus en plus facilités, ne peut que renforcer l'arbitraire.
Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que tous ces fichiers font peur, eu égard à l'utilisation qui pourrait en être faite, car ils rappellent des pages noires de notre histoire.
Je terminerai en évoquant la psychiatrie, qui mérite de faire l'objet d'une grande loi spécifique, et non pas de dispositions visant à la réduire à des mesures de répression.
S'agissant de la question de l'hospitalisation d'office, le Sénat vient de se prononcer sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 août 2005 relative notamment à l'organisation de certaines professions de santé, qui inclut des mesures identiques à celles du présent texte dans le champ de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. Nous considérons qu'un nouvel examen en commission est nécessaire, afin que ces dispositions puissent être supprimées. En effet, leur maintien serait source de confusion et altérerait la lisibilité du travail législatif.
Pour toutes ces raisons, c'est avec force et vigueur que nous demandons le renvoi à la commission du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne reviendrai pas sur certains des propos de Mme Boumediene-Thiery, dont le discours s'apparente à une intervention de discussion générale, et je m'en tiendrai strictement aux arguments qu'elle a présentés pour motiver cette demande de renvoi à la commission.
On peut toujours estimer qu'un texte n'est pas satisfaisant et qu'il faut l'examiner attentivement en commission ; or, en l'occurrence, c'est précisément ce que nous avons fait, en préalable à deux lectures de ce projet de loi !
Je rappellerai, à cet égard, que M. le rapporteur a invité tous les membres de la commission des lois qui le souhaitaient à assister aux auditions, alors que rien ne l'obligeait à procéder ainsi : il s'agit simplement d'une tradition que l'on essaie, la plupart du temps, de respecter.
Les auditions ont donc été largement ouvertes, y compris d'ailleurs aux membres de la commission des affaires sociales. M. Godefroy a ainsi participé, avant cette deuxième lecture, à l'audition de la Haute Autorité de santé, qui portait sur les articles 18 à 24 du projet de loi, mais aussi, bien entendu, sur l'ordonnance concernant l'ensemble de la réforme de la loi de 1991.
Tout cela infirme les accusations de négligence portées contre le rapporteur et la commission des lois. Celle-ci a même pris la précaution de rapporter avant la période de Noël, afin de donner le temps à chacun d'élaborer de nouveaux amendements. Il me semble donc que la commission a fait son travail ! D'ailleurs, si de nombreux amendements de suppression de différents articles, qui sont certes intéressants dans la mesure où ils permettront à leurs auteurs de développer leurs arguments, ont été déposés, rien de nouveau ne nous est proposé.
Par ailleurs, vous dénoncez le caractère disparate des mesures présentées, madame Boumediene-Thiery. Or certains de vos collègues ont déposé toute une série d'amendements visant à lutter contre la délinquance économique, financière ou environnementale : il s'agit alors non plus de la prévention de la délinquance, mais de la répression de certaines formes de délinquance. (Mme Éliane Assassi s'exclame.) Il faut être cohérent ! Vous parlez d'amalgame, mais vous en rajoutez en ce sens...
J'estime donc sincèrement que la commission a pu travailler comme il est souhaitable qu'elle le fasse dans la mesure où on lui laisse le temps d'examiner de manière approfondie le texte qui lui est soumis, ce qui fut le cas en l'occurrence, monsieur le ministre.
En ce qui concerne le rôle du maire, M. le rapporteur l'a rappelé, nous avons trouvé un équilibre qui satisfait maintenant l'Association des maires de France. Il en est de même pour les autres sujets. Des améliorations et des précisions pourront encore être apportées au cours de cette deuxième lecture, mais le travail a été bien fait, me semble-t-il, et rien ne justifie le renvoi du projet de loi à la commission.
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 34, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
CHAPITRE IER
Dispositions générales
Article additionnel avant l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 138, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Il est créé un Conseil interministériel de prévention de la délinquance. Ce conseil est présidé par le Premier ministre. Un secrétaire général, nommé par décret et placé auprès du Premier ministre, assure le secrétariat du Conseil interministériel de prévention de la délinquance.
Le conseil détermine les orientations de la politique gouvernementale en matière de prévention de la délinquance et veille à leur mise en oeuvre. Celles-ci visent à l'amélioration durable de la sécurité dans tous les domaines de la vie au quotidien. Elle privilégie une approche globale et se décline à long terme.
Elle implique :
- la prévention primaire et continue des violences juvéniles, visant à prévenir le risque de -- rupture éducative par rapport à l'environnement familial, scolaire et social ;
- la prévention des incivilités qui ne sont pas de nature pénale ;
- la prévention situationnelle, de nature dissuasive et relative aux situations de risque de passage à l'acte ;
- la prévention des violences urbaines accompagnées d'une politique de la ville continue et renforcée ;
- la prévention de la récidive.
Elle intègre la lutte contre les discriminations, contre la ghettoïsation territoriale et sociale et contre les communautarismes. Les politiques publiques en faveur de l'emploi, de l'éducation et de la société contribuent à la prévention de la délinquance.
Le Conseil interministériel de prévention de la délinquance est chargé de coordonner l'action des ministères et l'utilisation des moyens budgétaires consacrés à la politique de prévention de la délinquance, notamment ceux provenant du fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Il adopte chaque année un rapport transmis au Parlement, rendu public, retraçant les résultats de la politique de prévention de la délinquance et exposant les orientations de l'État en ce domaine.
Le secrétaire général placé auprès du Premier ministre prépare les travaux et délibérations du conseil et veille à la cohérence de la mise en oeuvre des orientations définies par ce dernier. Il réunit en tant que de besoin les directeurs d'administration centrale concernés par la prévention de la délinquance ainsi que les dirigeants d'organismes publics intéressés. Il prépare le rapport au Parlement mentionné à l'alinéa précédent.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'agit de la reprise d'un amendement que nous avions présenté lors de la première lecture et d'un amendement des députés socialistes tendant à définir la prévention de la délinquance.
Il est en effet tout à fait surprenant de constater que, en réalité, la prévention de la délinquance n'est pas définie dans le texte. Cet amendement vise donc à énumérer les différents éléments d'une politique gouvernementale en cette matière : la prévention primaire et continue des violences juvéniles, la prévention des incivilités, la prévention situationnelle, la prévention des violences urbaines et la prévention de la récidive.
En outre, nous proposons, comme nous l'avions déjà fait en première lecture, de créer un conseil interministériel de prévention de la délinquance. Nous présenterons aujourd'hui de nouveaux arguments à l'appui de cette demande, car il nous avait été objecté qu'un tel organisme existe déjà, le décret du 17 janvier 2006 ayant institué auprès du Premier ministre le comité interministériel de prévention de la délinquance.
En apparence, cette partie de notre amendement est donc sans objet. Cependant, l'organe qui se trouve au coeur de ce comité, à savoir le secrétariat général, est, quant à lui, placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur. Or le rôle du secrétaire général n'est pas mineur, puisqu'il veille à la cohérence de la mise en oeuvre des orientations, prépare les travaux et les délibérations du comité, réunit, en tant que de besoin, les directeurs d'administration centrale concernés par la prévention de la délinquance et élabore le rapport au Parlement sur les résultats de la politique conduite dans ce domaine.
Il ne nous semble pas pertinent qu'un seul ministère, en l'occurrence celui de l'intérieur, joue un rôle aussi étendu dans la mise en oeuvre de la politique de prévention de la délinquance, qui est nécessairement transversale. Il convient donc, à notre sens, de créer un conseil interministériel de prévention de la délinquance qui soit entièrement placé sous l'autorité du Premier ministre. Ce serait la consécration législative de l'actuel comité interministériel de prévention de la délinquance.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que toute tentative de définir de façon exhaustive la prévention de la délinquance est vouée à l'échec, car il apparaîtra très rapidement souhaitable d'intégrer d'autres éléments.
En outre, le dispositif présenté tend dans une très large mesure à reprendre un amendement qui avait été rejeté lors de la première lecture. Le partage des rôles entre le Premier ministre, qui de toute façon dirige l'action du Gouvernement, et le ministre de l'intérieur nous paraît clair. Nous ne souhaitons pas y revenir.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cet amendement est particulièrement pertinent. Le seul problème, c'est que le comité interministériel de prévention de la délinquance, placé auprès du Premier ministre, a été créé par un décret du 17 janvier 2006.
Pour le reste, la définition de la prévention de la délinquance présentée est très conceptuelle et n'a rien de normatif. Par conséquent, il ne nous paraît pas opportun de retenir cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 138.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Dans l'article L. 2211-1, après les mots : « sécurité publique », sont insérés les mots : « et de prévention de la délinquance » ;
1° bis L'article L. 2211-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2211-3. - Les maires sont informés sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie nationales des infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune.
« Le procureur de la République informe les maires, à leur demande, des suites judiciaires qui ont été données aux infractions mentionnées au premier alinéa pour lesquelles il a été saisi.
« Les informations mentionnées aux deux alinéas précédents sont transmises dans le respect de l'article 11 du code de procédure pénale. » ;
2° Après l'article L. 2211-3, sont insérés deux articles L. 2211-4 et L. 2211-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 2211-4. - Sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et dans le respect des compétences du représentant de l'État, des compétences d'action sociale confiées au département et des compétences des collectivités publiques, des établissements et des organismes intéressés, le maire anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre.
« Dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans les communes de moins de 10 000 habitants comprenant une zone urbaine sensible telle que définie par le 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, le maire ou son représentant désigné dans les conditions prévues à l'article L. 2122-18 préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, mis en place dans des conditions fixées par décret. Lorsqu'en application de l'article L. 5211-59 il est créé un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, la mise en place par les communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance est facultative.
« Art. L. 2211-5. - Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance peut constituer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique.
« Les faits et informations à caractère confidentiel échangés dans le cadre de ces groupes de travail ne peuvent être communiqués à des tiers. » ;
3° Après l'article L. 2512-13, il est inséré un article L. 2512-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2512-13-1. - Sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et dans le cadre de leurs compétences respectives, le préfet de police et le maire de Paris animent la politique de prévention de la délinquance et en coordonnent la mise en oeuvre à Paris.
« Ils président le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance mis en place dans des conditions fixées par décret. » ;
4° L'article L. 2215-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2215-2. - Sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le représentant de l'État dans le département associe le maire à la définition des actions de lutte contre l'insécurité et l'informe régulièrement des résultats obtenus. Les modalités de l'association et de l'information du maire peuvent être définies par des conventions que le maire signe avec l'État.
« Les actions de prévention de la délinquance conduites par les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne doivent pas être incompatibles avec le plan de prévention de la délinquance arrêté par le représentant de l'État dans le département, dans des conditions fixées par décret. » ;
4° bis L'article L. 2512-15 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2512-15. - Sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le préfet de police associe le maire de Paris à la définition des actions de lutte contre l'insécurité et l'informe régulièrement des résultats obtenus.
« Les modalités de l'association et de l'information du maire mentionnées au premier alinéa peuvent être définies par des conventions que le maire signe avec l'État.
« Les actions de prévention de la délinquance conduites par le département de Paris, la commune de Paris et leurs établissements publics ne doivent pas être incompatibles avec le plan de prévention de la délinquance arrêté conjointement par le préfet de Paris et le préfet de police, dans des conditions fixées par décret. » ;
5° Le second alinéa de l'article L. 3214-1 est ainsi rédigé :
« Le conseil général concourt aux actions de prévention de la délinquance, dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale. Il statue sur l'organisation et le financement des services et des actions sanitaires et sociaux qui relèvent de sa compétence, notamment des actions qui concourent à la politique de prévention de la délinquance. Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance, dans les communes définies au deuxième alinéa de l'article L. 2211-4 ou les établissements publics de coopération intercommunale définis à l'article L. 5211-59, une convention entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale intéressé et le département détermine les territoires prioritaires, les moyens communaux et départementaux engagés et leur mode de coordination, l'organisation du suivi et de l'évaluation des actions mises en oeuvre. » ;
6° Après l'article L. 5211-58, sont insérés deux articles L. 5211-59 et L. 5211-60 ainsi rédigés :
« Art. L. 5211-59. - Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, son président anime et coordonne, sous réserve du pouvoir de police des maires des communes membres, les actions qui concourent à l'exercice de cette compétence. L'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut créer un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, mis en place dans des conditions fixées par décret.
« Art. L. 5211-60. - Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, il peut décider, sous réserve de l'accord de la commune d'implantation, autorité publique compétente au sens de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, d'acquérir, installer et entretenir des dispositifs de vidéosurveillance. Il peut mettre à disposition de la ou des communes intéressées du personnel pour visionner les images. »
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 49 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 139 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 49.
Mme Éliane Assassi. Nous voyons presque autant de raisons de supprimer cet article 1er qu'il comporte d'alinéas. Afin d'éviter une énumération qui serait longue et fastidieuse, je ne dresserai pas la liste de nos griefs et m'en tiendrai à une critique générale de la teneur du dispositif.
En premier lieu, nous rejetons l'amalgame entre délinquance et difficultés sociales qui sous-tend de façon insidieuse votre discours, monsieur le ministre.
En effet, vous demandez aux conseils généraux d'inscrire dorénavant leurs actions de prévention de la délinquance dans leur politique sociale et familiale. Vous donnez ainsi à entendre que c'est au sein des familles en difficulté que naît la délinquance. C'est inacceptable !
En deuxième lieu, par le biais de différents projets de loi et par touches successives, un nouveau paysage institutionnel se met en place dans notre pays. Au nom de la nécessaire proximité de l'action publique, le Gouvernement se défausse de ses responsabilités sur les collectivités locales.
Ainsi, vous avez d'ores et déjà fait voter une loi visant à associer le maire aux missions de sécurité. Vous proposez maintenant qu'il concoure aussi à l'exercice des missions de prévention de la délinquance, en devenant l'animateur et le coordonnateur, sur le territoire de sa commune, de l'ensemble des intervenants publics.
J'attire l'attention sur le fait qu'il s'agit là d'une mesure non pas de décentralisation, mais plutôt de déconcentration, puisqu'elle prévoit que le maire devra mettre en oeuvre les politiques de prévention définies par le préfet, dont il deviendra donc un simple auxiliaire.
Pourtant, les maires ont pris depuis longtemps leurs responsabilités dans ce domaine, en développant des politiques locales de prévention, sur le fondement de choix réfléchis, dans le cadre de leur compétence globale en matière de gestion des affaires communales. Pour mettre en place ces actions, ils se sont appuyés sur le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Or, si cet article est adopté, les maires ne seront plus libres de mettre en oeuvre leurs choix de gestion, puisqu'ils devront appliquer des politiques déterminées par les autorités de l'État. Les libertés communales et la liberté de gestion des maires seront ainsi mises à mal.
L'attribution de ces nouvelles missions constitue un double piège : non seulement elle porte atteinte à la libre administration des communes, mais elle crée des charges nouvelles, que les budgets communaux devront assumer. Nous ne pouvons accepter ce nouvel encadrement de la fonction de maire.
En troisième lieu, le ministre de l'intérieur nous explique depuis des années que la délinquance reculera grâce à un droit plus répressif, à une justice moins laxiste et à une police plus agressive. Devant l'échec de cette politique, il invoque aujourd'hui la nécessaire prévention. Or, chacun le sait, les mesures de prévention coûtent cher : elles nécessitent une présence sur le terrain et des actions diversifiées et continues.
Néanmoins, le projet de loi prévoit le désengagement financier de l'État dans ce domaine, en faisant supporter aux collectivités territoriales le coût des actions que le ministère de l'intérieur continuera de définir.
En contraignant ainsi les communes à dégager des moyens pour animer et coordonner les actions sur leur territoire, en obligeant les conseils généraux à assumer l'organisation et le financement des services et des actions qui concourent à la mise en oeuvre de la politique de prévention de la délinquance, en imposant aux conseils régionaux d'assumer la sécurité dans les transports et d'inscrire dans leur politique de formation professionnelle des actions favorisant la prévention de la délinquance, ce texte méconnaît le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : il y a transfert de compétences, sans transfert de moyens permettant de les assumer.
Telles sont les trois raisons de fond qui justifient à nos yeux la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 139.
M. Jean-Claude Peyronnet. Sans revenir sur les arguments qui viennent d'être développés, j'insisterai sur les points qui nous paraissent peu acceptables s'agissant de la définition des pouvoirs du maire, ainsi que sur certains dysfonctionnements qui nous semblent subsister.
En ce qui concerne tout d'abord les pouvoirs de police du maire, ce dernier, aux termes de l'article 1er, concourra non plus seulement à l'exercice des missions de sécurité publique, mais aussi à des actions de prévention de la délinquance.
Chacun a bien conscience, je crois, que cet ajout est avant tout symbolique, car l'étendue des pouvoirs de police du maire, qui peut déjà prendre des arrêtés de police aux fins de prévention, ne se trouve pas modifiée.
Par ailleurs - je souscris à l'analyse de Mme Assassi -, si cet article tend à confier au maire un rôle d'animateur et de coordonnateur de la politique de prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune, il ne prévoit en réalité aucun transfert de compétences au profit des communes. Ce rôle d'animation et de coordination du maire est d'ailleurs limité, puisqu'il ne peut être rempli que « sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et dans le respect des compétences du représentant de l'État ». Un cadre extrêmement précis est donc posé, de telle sorte que le pouvoir nouveau attribué au maire est essentiellement symbolique.
En outre, le projet de loi prévoit que les maires soient informés sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie nationales des infractions commises sur le territoire de leur commune.
Or il convient de rappeler que le principe de l'information des maires figurait déjà dans un décret de juillet 2002 et a été consacré par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, s'agissant d'infractions causant un trouble grave à l'ordre public. Au travers de l'article considéré, cette notion de gravité disparaît et les maires seront désormais informés de l'ensemble des infractions causant un trouble à l'ordre public. Je crains donc une « surinformation » des maires, conduisant à priver de sa portée une mesure en apparence intéressante.
L'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, un amendement de la commission tendant à permettre aux maires d'être informés par le procureur de la République, sur leur demande, des suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire de leur commune.
Cependant, l'article 40-2 du code de procédure pénale fait déjà obligation au procureur de la République d'aviser le maire des poursuites décidées à la suite de leur signalement en application de l'article 40 du même code. De plus, le garde des sceaux a publié une circulaire, le 14 octobre 2004, visant à mettre en place un code de bonne conduite en matière de circulation de l'information entre le maire et le ministère public. Dans ces conditions, l'ajout de l'Assemblée nationale ne me semble pas très pertinent.
En ce qui concerne maintenant les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, la rédaction du texte issue des débats au Sénat prévoyait de donner aux communes de plus de 10 000 habitants la faculté de créer un conseil de ce type. La généralisation des CLSPD par l'Assemblée nationale aux communes de moins de 10 000 habitants comprenant une zone urbaine sensible, au motif que, dans ce cas, la mise en place d'une politique coordonnée de prévention de la délinquance est nécessaire, peut se comprendre, toutefois son caractère obligatoire nous inquiète.
En effet, nous avons la conviction que les CLSPD ne peuvent avoir de véritable efficacité que lorsque leur création résulte d'une volonté exprimée par les maires et les acteurs de terrain. Autant que possible, ils doivent être animés par une équipe. Par conséquent, imposer la création de telles structures ne permettra pas d'obtenir des résultats satisfaisants.
Enfin, s'agissant des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, qui interviennent dans la prévention de la délinquance, nous nous interrogeons quant à la lisibilité du dispositif.
En effet, si le texte permet au président de l'intercommunalité de se substituer au maire dans ce domaine, puisqu'il présidera le conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, il prévoit en même temps que le maire conservera l'intégralité de ses pouvoirs de police. Nous aimerions recevoir quelques éclaircissements sur ce point, car il y a là une contradiction.
Telles sont quelques-unes des raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de cet article, dont j'aurais pu critiquer chacun des alinéas.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 1° bis de cet article pour l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales :
« Art. L. 2211-3.- Le maire est informé sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie nationales des infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune.
« Le maire est informé, à sa demande, par le procureur de la République, des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites ou des poursuites lorsque ces décisions concernent des infractions mentionnées au premier alinéa.
« Le maire est également informé, à sa demande, par le procureur de la République, des jugements devenus définitifs ou des appels interjetés lorsque ces décisions concernent des infractions mentionnées au premier alinéa ou signalées par lui en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale.
« Les informations mentionnées aux trois alinéas précédents sont transmises dans le respect de l'article 11 du code de procédure pénale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le 1° bis de cet article a été inséré par le Sénat, en première lecture, à la suite de l'adoption d'un amendement de notre collègue Catherine Troendle. Son objet est d'améliorer l'information du maire en cas de survenance d'infractions d'une certaine gravité sur le territoire de sa commune.
En effet, l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales dispose que « les maires sont informés sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie des infractions causant un trouble grave à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune, dans le respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale ».
Toutefois, cette obligation d'information semblant inégalement respectée, le Sénat a souhaité la consolider en l'élargissant à l'ensemble des troubles à l'ordre public, sans considération de leur gravité.
L'Assemblée nationale a approuvé cette modification. Elle a souhaité aller plus loin en renforçant, parallèlement, l'information des maires par les parquets. Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a réécrit l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales, afin de prévoir que le procureur de la République informera les maires, à leur demande, des suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune. Le maire saura ainsi si le procureur a décidé de classer sans suite, de demander un complément d'enquête, un renvoi au tribunal de police ou en correctionnelle, ou encore l'ouverture d'une instruction.
Ces dispositions viendraient compléter l'article 40-2 du code de procédure pénale, qui fait déjà obligation au procureur d'aviser toute autorité constituée, dont le maire, tout officier public ou tout fonctionnaire des suites judiciaires qui ont été données aux crimes et délits signalés par eux en application de l'article 40 de ce même code. Par « suites judiciaires », il faut uniquement entendre les classements sans suite, les poursuites et les mesures alternatives aux poursuites.
À cet égard, l'article 4 bis du présent projet de loi, introduit en première lecture par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement, tend à accroître encore l'information dont bénéficieront ces autorités de la part du procureur de la République. Ce dernier devrait les informer systématiquement de la teneur de la décision définitive rendue, ainsi que de l'existence éventuelle d'un appel, lorsque les faits dénoncés ont donné lieu à un jugement.
Cette nouvelle obligation risque d'alourdir excessivement la charge de travail des procureurs de la République. C'est la raison pour laquelle je présenterai tout à l'heure un amendement de suppression de l'article 4 bis.
Toutefois, considérant que le maire peut avoir un intérêt à connaître la teneur d'un jugement définitif rendu sur des faits qu'il a signalés, je propose, par cet amendement, de réécrire l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales, afin, d'une part, de préciser ce qu'il faut entendre par « suites judiciaires », et, d'autre part, de prévoir que le procureur de la République informe le maire, à sa demande, des jugements devenus définitifs ou des appels interjetés lorsque ces décisions concernent des infractions signalées par lui à ce magistrat.
Si cet amendement était adopté, le dispositif de l'article 4 bis du présent projet de loi serait donc partiellement conservé, son application étant restreinte à l'information du seul maire, sur sa demande.
Mme la présidente. L'amendement n° 122, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le 6° de cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cela a déjà été dit à de nombreuses reprises, la confusion institutionnelle est souvent entretenue dans ce projet de loi, ici en permettant le transfert des compétences exorbitantes du maire au président de l'établissement public de coopération intercommunale dont relève sa commune.
Les nouvelles compétences du maire seront en fait exercées en majeure partie par des personnes le représentant. Parmi ces dernières, outre des adjoints au maire et des conseillers municipaux, figureront de nombreux représentants de l'intercommunalité, dont la légitimité en la matière considérée sera plus que contestable. Or il est ici question de compétences touchant au sujet sensible de la mise en oeuvre de la politique de prévention de la délinquance.
Après le vote de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, qui assouplissait de façon inacceptable le régime de la mise en oeuvre de la vidéosurveillance, vous réduisez davantage encore les garanties résiduelles en permettant aux EPCI d'acquérir, d'installer et d'entretenir des dispositifs de vidéosurveillance.
C'est là un pas supplémentaire vers une situation dont l'ambiguïté ne fera que renforcer les risques de dérives et d'abus de droit, d'autant que le texte est muet quant à la qualité des personnes chargées d'exploiter le système de vidéosurveillance ou de visionner et d'utiliser les images enregistrées. De quelles garanties disposons-nous à cet égard ?
Toutes ces questions restant en suspens, nous demandons la suppression du 6° de cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par le 6° de cet article pour l'article L. 5211-59 du code général des collectivités territoriales :
Il préside un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, mis en place dans des conditions fixées par décret.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le projet de loi prévoit que lorsqu'un EPCI à fiscalité propre assume la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention, son président anime et coordonne les actions qui concourent à l'exercice de cette compétence.
Dans la rédaction initiale du projet de loi, il en était tiré la conséquence que le président de l'intercommunalité devait présider un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, un CISPD, la création de ce dernier étant obligatoire.
Le Sénat n'a pas modifié cette disposition. Par souci de cohérence, un amendement a même été adopté, sur l'initiative de notre collègue Jean-Marie Bockel, afin de rendre facultative la création d'un CLSPD dans les communes de plus de 10 000 habitants membres d'un tel EPCI.
En revanche, l'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis de sa commission des lois, un amendement tendant à rendre facultative la création d'un CISPD au sein des EPCI à fiscalité propre compétents en matière de prévention de la délinquance.
Cet amendement tend à revenir à la version initiale du texte et à la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 192, présenté par M. Courtois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du texte proposé par l'amendement n° 2 pour l'article L. 5211-59 du code général des collectivités territoriales :
Sous réserve de l'accord du conseil municipal de la commune dont la population est la plus importante, le président de l'établissement public ou un vice-président désigné dans les conditions prévues à l'article L. 5211-9 préside...
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Les députés ont adopté un amendement qui a rendu facultative la création d'un CISPD au sein des EPCI caractérisés à l'instant par M. le rapporteur, alors que le Sénat avait prévu, dès l'origine, que lorsqu'un tel établissement exerçait la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention, son président serait placé à la tête du CISPD.
En présentant l'amendement n° 2, M. le rapporteur a fait valoir que la modification du texte rendant facultative la création du CISPD dans les cas visés n'était pas souhaitable. Je me rallie sans hésitation à son analyse.
Cependant, dans les faits, la création du CISPD ne doit pas être contre-productive, notamment lorsque les réalités sociales sont aussi disparates qu'elles peuvent l'être sur le territoire de certains EPCI : je pense principalement à l'opposition démographique pouvant exister entre la ville-centre et certaines communes rurales de l'agglomération.
Les différentes communes d'un même EPCI ne sont donc pas égales devant l'insécurité et la délinquance, les villes les plus peuplées s'y trouvant davantage confrontées. La situation de ces dernières exige l'emploi de méthodes plus complexes et de moyens plus importants, qui doivent être maîtrisés par le maire. Aussi essentiel que puisse se révéler le rôle joué par le CISPD dans certaines banlieues, celui-ci ne doit pas devenir un instrument de blocage institutionnel dans certains EPCI semi-ruraux.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé ce sous-amendement, qui vise notamment à empêcher qu'un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance puisse être créé sans l'accord de la commune-centre.
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 6° de cet article pour l'article L. 5211-59 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance peut constituer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique. Les faits et informations à caractère confidentiel échangés dans le cadre de ces groupes de travail ne peuvent être communiqués à des tiers. »
La parole est à M. le rapporteur, pour le présenter et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 49, 139 et 122, ainsi que sur le sous-amendement n° 192.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En première lecture, le Sénat avait rejeté un amendement tendant à transposer aux CLSPD le dispositif du secret partagé, au motif que ces conseils locaux seront trop nombreux.
L'Assemblée nationale a prévu, quant à elle, la possibilité de constituer, au sein des CLSPD, des groupes de travail restreints, à l'intérieur desquels des informations à caractère confidentiel pourraient être échangées, sans pouvoir être communiquées à des tiers.
Par cohérence, l'amendement n° 3 tend à étendre ce dispositif au conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance.
En ce qui concerne les amendements de suppression nos 49 et 139, la commission émet bien sûr un avis défavorable. À cet instant, j'indiquerai que personne ici n'a jamais eu l'intention de stigmatiser quiconque ! Mme Assassi a souligné le caractère déconcentré de certaines missions exercées par le maire. Il est vrai que la fonction de ce dernier est double : il est à la fois agent de l'État et agent de la commune. Dans le cadre des compétences qu'il exercera en matière de prévention de la délinquance, il agira sous ces deux casquettes.
Par ailleurs, nous considérons, à l'instar de ce que prévoit le texte, que la prévention de la délinquance exige la participation de tous : l'État, le département, la région, la commune, mais aussi les citoyens, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles a été mis en place le service volontaire citoyen de la police nationale.
Quant à l'amendement n° 122, qui vise à supprimer la disposition permettant aux établissements publics de coopération intercommunale de financer les équipements de vidéosurveillance, il ne correspond nullement aux avis qu'ont exprimés sur ce point les représentants des élus locaux lors des nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé. La commission émet donc un avis défavorable.
J'ajouterai que nous ne partageons pas, bien évidemment, les appréciations portées par Mme Boumediene-Thiery sur les modalités d'application et les dispositions de la loi du 23 janvier 2006.
Enfin, le sous-amendement n° 192 tend à soumettre à l'accord de la commune la plus peuplée de l'EPCI la création d'un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. La commission y est favorable, car cette disposition permettra d'éviter toute situation de blocage où deux organes compétents sur un même territoire, le CLSPD de la ville-centre et le CISPD de l'intercommunalité, adopteraient des positions différentes.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements, ainsi que sur le sous-amendement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Sur les amendements identiques de suppression nos 49 et 139, le Gouvernement émet un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 1 rectifié, le Gouvernement y est favorable. Nous partageons le souci de la commission d'améliorer l'information du maire. De même, le Gouvernement est favorable à ce que le maire puisse être averti des suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune. Il paraît également normal qu'il puisse avoir connaissance des jugements devenus définitifs ou des appels interjetés.
Sur l'amendement n° 122, le Gouvernement émet un avis défavorable. En effet, l'attribution des compétences visées aux EPCI n'enlève rien à la responsabilité des maires en matière d'exploitation des données enregistrées par les dispositifs de vidéosurveillance.
S'agissant de l'amendement n° 2, qui vise à rendre obligatoire la création des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, le Gouvernement y est favorable. Dès lors que la compétence considérée est obligatoire, il est logique que la création de l'instance où elle est exercée le soit également. Les communes garderont cependant la faculté de créer un CLSPD.
Quant au sous-amendement n° 192, il n'est pas illogique que la commune la plus importante - qui est aussi, dans la plupart des cas, celle qui est la plus affectée par la délinquance - puisse conserver un rôle dans l'organisation locale de la prévention et de la lutte contre la délinquance.
Toutefois, monsieur Courtois, j'attire votre attention sur deux points.
D'une part, la procédure que vous proposez de mettre en place introduit une forme de complexité dans un dispositif jusque-là simple.
D'autre part, cette procédure constituerait un cas unique au regard du fonctionnement des intercommunalités.
Néanmoins, je comprends vos préoccupations, et je les partage même dans une large mesure. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis de sagesse très favorable sur ce sous-amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous en prie, monsieur le président de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation de M. le ministre délégué.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le sous-amendement de M. Courtois fait référence à « la commune dont la population est la plus importante ». Or, lors de sa présentation, notre collègue a spontanément évoqué « la commune la plus peuplée », de même que M. le rapporteur dans la formulation de son avis. Cette expression me semblant préférable, peut-être M. Courtois pourrait-il accepter de rectifier son sous-amendement en ce sens ?
Mme la présidente. Monsieur Courtois, acceptez-vous la suggestion de M. le président de la commission des lois ?
M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait, madame la présidente. Ma formulation initiale visait à tester la vigilance de la commission ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° 192 rectifié, présenté par M. Courtois et ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du texte proposé par l'amendement n° 2 pour l'article L. 5211-59 du code général des collectivités territoriales :
Sous réserve de l'accord du conseil municipal de la commune la plus peuplée, le président de l'établissement public ou un vice-président désigné dans les conditions prévues à l'article L. 5211-9 préside...
Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement, ainsi que sur l'amendement n° 3 ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je suis très favorable à la rectification suggérée par M. Hyest, et donc à la nouvelle version du sous-amendement.
Sur l'amendement n° 3, qui est un amendement de simple cohérence, le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 et 139.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 192 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 1er bis
Après l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 121-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-1-1. - Une convention entre l'État, le département et, le cas échéant, la commune peut prévoir les conditions dans lesquelles un ou plusieurs travailleurs sociaux participent, au sein des commissariats de la police nationale et des groupements de la gendarmerie nationale, à une mission de prévention à l'attention des publics en détresse. »
Mme la présidente. L'amendement n° 118, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 1er bis a été introduit au Sénat, en première lecture, par le biais de l'adoption d'un amendement de nos collègues socialistes, rectifié en séance publique à la demande du Gouvernement. Il tend à permettre la présence de travailleurs sociaux dans les commissariats et, depuis l'examen du dispositif par l'Assemblée nationale, dans les groupements de la gendarmerie.
Nous considérons pour notre part que prévoir la participation des travailleurs sociaux à une mission de prévention au sein des commissariats et des groupements de la gendarmerie accroîtra la défiance des publics concernés à l'égard des professionnels du secteur social.
Une telle mesure est à mettre en relation avec le dispositif de l'article 5, relatif au partage de l'information entre les professionnels de l'action sociale et le maire. Elle tendra elle aussi à dégrader, et souvent à réduire à néant, les relations de confiance qui ont pu se créer entre des personnes rencontrant des difficultés et les professionnels du secteur social, au prix d'un travail parfois très long.
J'ai bien noté que ce dispositif n'était pas nouveau et qu'il était même déjà en mis en pratique dans certains commissariats, lesquels vont sans doute bientôt manquer de place, puisque l'on y trouve également les services d'aide aux victimes ! Cela va faire beaucoup de monde !
Quoi qu'il en soit, le groupe CRC ne comprend pas vraiment pourquoi on introduit une telle disposition dans le texte, dans la mesure où elle sera sans aucun effet en matière de prévention de la délinquance.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est assez surprise du dépôt de cet amendement par le groupe CRC. Elle était d'ailleurs plutôt satisfaite que l'Assemblée nationale ait également visé les groupements de la gendarmerie,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est logique !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ... comme M. Hyest l'avait préconisé dès la première lecture.
La commission des lois est donc totalement défavorable à l'amendement présenté. Il ne paraît guère difficile de comprendre l'utilité du rôle que pourront jouer les travailleurs sociaux dans les commissariats et les groupements de la gendarmerie, en matière tant de prévention de la délinquance que d'action auprès des victimes.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est bien sûr défavorable à cet amendement. Il trouve excellente la mesure introduite par le biais de l'adoption d'un amendement du groupe socialiste.
Mme Éliane Assassi. Nous ne l'avions pas voté en première lecture. Nous sommes cohérents !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Certes, mais il s'agit à nos yeux, je le répète, d'une bonne disposition.
D'ailleurs, les expérimentations qui ont été menées sur l'initiative de quelques collectivités territoriales - certaines d'entre elles me sont assez proches - ont rencontré l'entière adhésion des travailleurs sociaux, lesquels se portent candidats en nombre pour assumer les missions visées, aussi bien dans les commissariats que dans les groupements de la gendarmerie.
En outre, les policiers et les gendarmes sont eux-mêmes très satisfaits de pouvoir accueillir des travailleurs sociaux des conseils généraux.
Enfin, les victimes dont le problème appelle plus particulièrement une réponse susceptible d'être apportée par un travailleur social apprécient de pouvoir en rencontrer un lorsqu'elles vont déposer plainte dans un commissariat ou dans une gendarmerie.
Il s'agit donc là d'une démarche « gagnant-gagnant ». Il est fort regrettable que le groupe communiste demande la suppression de ce dispositif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne voudrais pas que cet article soit supprimé, car il a été inséré grâce à l'adoption du seul de nos amendements que vous ayez bien voulu accepter, monsieur le ministre, même si le dispositif ne correspond pas exactement à ce que nous avions proposé !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce serait dommage, en effet !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne comprends pas très bien la position des membres du groupe CRC. L'action que mènent déjà les travailleurs sociaux au sein des commissariats ou des groupements de la gendarmerie est tout à fait importante : ils peuvent détenir des informations utiles, se faire l'écho de la détresse de certaines familles ou de la situation d'enfants en danger. Les expérimentations conduites sont intéressantes et donnent de très bons résultats, j'en suis témoin.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 2
I. - Non modifié
II. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1°A L'article L. 5214-16 est complété par un VII ainsi rédigé :
« VII. - Par convention passée avec le département, une communauté de communes, lorsqu'elle exerce la compétence d'action sociale d'intérêt communautaire, peut exercer directement tout ou partie des compétences qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles.
« La convention précise l'étendue et les conditions financières de la délégation de compétence, ainsi que les conditions dans lesquelles les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la communauté de communes. » ;
1° Le III de l'article L. 5215-20 est ainsi modifié :
a) Les mots : « d'aide sociale que celui-ci lui confie » sont remplacés par les mots : « qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La convention précise l'étendue et les conditions financières de la délégation ainsi que les conditions dans lesquelles les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la communauté urbaine. » ;
2° Le V de l'article L. 5216-5 est ainsi modifié :
a) Les mots : « d'aide sociale que celui-ci lui confie » sont remplacés par les mots : « qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La convention précise l'étendue et les conditions financières de la délégation ainsi que les conditions dans lesquelles les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la communauté d'agglomération. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 140 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 50.
Mme Éliane Assassi. L'article 2 confirme l'orientation choisie par le Gouvernement en ce qui concerne la définition et la mise en oeuvre d'une politique de prévention de la délinquance, à savoir déléguer ces missions aux maires et aux conseils généraux.
En l'espèce, il est prévu d'ajouter à la liste des compétences dévolues au conseil général les actions de prévention de la délinquance. Dans le même temps, l'article confirme également la municipalisation de l'action sociale, allant jusqu'à prévoir la mise à disposition des communes des services départementaux compétents.
Par le dépôt de cet amendement de suppression, nous voulons affirmer notre opposition à un tel démantèlement de l'action sociale et familiale des départements.
Faut-il rappeler ici que l'action sociale constitue le coeur des compétences des départements ? Or il nous est proposé, en quelque sorte, de le faire éclater et d'aller à l'encontre de partenariats mis en place qu'il faudrait plutôt, selon nous, consolider.
Telles sont les raisons qui ont motivé le dépôt de cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 140.
M. Charles Gautier. À l'issue d'une lecture dans chaque assemblée, l'article 2 n'a été modifié que très partiellement. Son champ d'application a été progressivement étendu en matière de conventionnement.
La critique principale qui avait été émise par les sénateurs socialistes en première lecture demeure donc pertinente : la mise en oeuvre de cette mesure entraînera un brouillage des finalités de l'action sociale des départements, en y intégrant une dimension de prévention de la délinquance, dans une approche purement sécuritaire et répressive. Le projet de loi vise à organiser un glissement du champ éducatif vers le champ sécuritaire, au risque de dénaturer la mission d'action sociale des conseils généraux. C'est la raison pour laquelle nous proposons à nouveau de supprimer l'article 2.
Mme la présidente. L'amendement n° 194 rectifié, présenté par M. Courtois et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le deuxième alinéa du 1° A du II de cet article pour compléter l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales par un VII, supprimer les mots :
, lorsqu'elle exerce la compétence d'action sociale d'intérêt communautaire,
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. L'Assemblée nationale a complété le dispositif de l'article 2 en étendant aux communautés de communes la faculté d'exercer tout ou partie des compétences du département en matière d'action sociale.
Les députés ont toutefois souhaité limiter l'application de ce dispositif aux seuls établissements publics ayant choisi d'exercer la compétence d'action sociale d'intérêt communautaire.
Dans la mesure où il est prévu qu'une convention devra être passée entre le département et la communauté de communes, il ne semble pas opportun de maintenir la condition d'exercice de la compétence d'action sociale d'intérêt communautaire.
En effet, non seulement cette compétence n'est pas toujours définie par les EPCI, mais on peut également estimer que la condition du conventionnement est une garantie suffisante pour permettre aux départements de définir les modalités de cette délégation.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 50 et 140. Là où nos collègues voient un démantèlement ou un brouillage de l'action sociale, nous voyons l'instauration d'une complémentarité.
Quant à l'amendement n° 194 rectifié, j'observerai qu'il est cohérent avec le reste du dispositif prévu à l'article 2, puisque ce dernier permet déjà de déléguer les compétences concernées aux communautés urbaines et aux communautés d'agglomération, y compris lorsque ces EPCI n'exercent pas la compétence d'action sociale d'intérêt communautaire.
Cette raison, ajoutée aux arguments développés par M. Courtois, conduit la commission à émettre un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 50 et 140.
En ce qui concerne l'amendement n° 194 rectifié, j'estime comme vous, monsieur Courtois, que conditionner la délégation en question à l'exercice préalable par la communauté de communes de la compétence d'action sociale d'intérêt communautaire est inutile.
En effet, une communauté de communes ne pourrait, en raison du principe de spécialité, recevoir de compétence du département sans s'être, au préalable, dotée d'une compétence en la matière faisant l'objet de la délégation. J'ajoute que cette condition n'est pas exigée des autres EPCI auxquels l'article 2 vise à permettre également de prétendre à une délégation du département.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 et 140.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis A
Après l'article L. 2212-9 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2212-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2212-9-1. - Les communes limitrophes de moins de 20 000 habitants et regroupant au total moins de 50 000 habitants peuvent avoir plusieurs agents de police municipale en commun, compétents sur le territoire de chacune de ces communes.
« Pendant l'exercice de leurs fonctions sur le territoire d'une commune, les agents sont placés sous l'autorité du maire de cette commune.
« Chaque agent de police municipale est de plein droit mis à disposition des autres communes par la commune qui l'emploie dans des conditions prévues par une convention transmise au représentant de l'État dans le département. Cette convention, conclue entre l'ensemble des communes intéressées, précise les modalités d'organisation et de financement pour la mise en commun des agents et de leurs équipements.
« Ces communes se dotent d'une convention de coordination des interventions de la police municipale avec les services de l'État dans les formes prévues par l'article L. 2212-6.
« Le cas échéant, la demande de port d'arme prévue par l'article L. 412-51 du code des communes est établie conjointement par l'ensemble des maires de ces communes. Ceux-ci désignent parmi eux l'autorité qui sera autorisée par le préfet à acquérir et détenir les armes.
« Les communes appartenant à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ne peuvent mettre en commun des agents de police municipale lorsque ce dernier met déjà des agents à disposition des communes dans les conditions prévues à l'article L. 2212-5 du présent code.
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 141 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 51.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Mes chers collègues, vous connaissez notre position de principe selon laquelle l'exercice des missions régaliennes doit relever de la puissance d'État. En particulier, la sécurité des personnes et des biens doit être garantie au même degré sur tout le territoire. C'est l'un des fondements de la République. Par conséquent, nous ne pouvons accepter l'extension de la mise en place de polices municipales.
Toutefois, cet article comporte une dimension beaucoup plus grave encore. En effet, nous pensons que la sécurité doit relever d'une unique autorité politique. Quand tel n'est pas le cas, le risque est réel de voir l'autorité administrative prendre le pas sur l'autorité politique, assumant, dans les faits, toutes les responsabilités. Les conséquences peuvent être très lourdes pour les libertés publiques.
Il faut préciser que, quand ils exerceront leurs fonctions sur le territoire d'une commune donnée, les agents de police municipale communs seront placés sous l'autorité du maire de celle-ci. Concrètement, cela signifie que ces policiers, au cours d'un même service, seront amenés à mettre en oeuvre des dispositions particulières relevant de l'autorité de chacun des maires au nom desquels ils doivent intervenir. Les orientations définies pourront être très différentes d'une commune à l'autre, ce qui risque d'entraîner des dysfonctionnements assez graves et sans doute très préjudiciables à l'exercice même des missions de ces policiers, donc à toutes les personnes qu'ils seront conduits à contrôler ou à verbaliser.
Au cours de l'examen, en première lecture, de ce projet de loi par l'Assemblée nationale, il a été relevé que cette nouvelle possibilité permettrait dorénavant aux petites communes ne disposant pas de moyens financiers suffisants pour mettre en place une police municipale de le faire grâce à la mutualisation des moyens prévue à l'article 2 bis A.
Cela rendra possible un nouveau désengagement financier de l'État. En effet, chacun sait que là où existe une police municipale, les effectifs de la police nationale sont souvent beaucoup moins nombreux.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 141.
M. Charles Gautier. Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale en première lecture. Il vise à permettre aux communes limitrophes de moins de 20 000 habitants et regroupant au total moins de 50 000 habitants d'avoir en commun plusieurs agents de police municipale, compétents sur le territoire de chacune des communes.
Il s'agit d'un article fonctionnel concernant l'organisation de la police municipale, qui vient s'ajouter aux dispositifs existants, afin de permettre à des municipalités, petites ou moyennes, de mutualiser leurs moyens et leur personnel.
En réalité, cette possibilité existe déjà mais ne peut être mise en oeuvre que de manière temporaire. En effet, sous certaines conditions, les forces de police municipale de communes différentes peuvent être utilisées en commun, lorsqu'il s'agit de communes limitrophes ou appartenant à une même agglomération et pour un délai déterminé, généralement quelques jours, afin de faire face soit à des manifestations exceptionnelles, notamment à caractère culturel, récréatif ou sportif, soit à un afflux important de population dû par exemple à des manifestations sportives, à des concerts, à des spectacles ou à une activité touristique à caractère saisonnier, soit à un état de catastrophe naturelle.
Le présent article tend à pérenniser ce dispositif en instituant un seuil de population pour son application, afin de viser les petites et moyennes communes. Une telle mesure nécessite une réflexion propre sur l'organisation des forces de sécurité dans notre pays et sur la répartition des pouvoirs de police entre l'État, les communes et les intercommunalités. Le seuil d'application de cette disposition soulève également des interrogations. Le code général des collectivités territoriales prévoit des mesures analogues pour les gardes champêtres, sans qu'aucune condition de seuil de population soit posée.
L'instauration d'une telle disposition vise à répondre à un problème particulier pour réaliser des économies d'échelle - ce qui est légitime -, mais, dans le même temps, un nouveau dispositif est superposé à des dispositifs existants et forts complexes en termes de gestion, de contrôle et de responsabilité. La preuve en est que M. le rapporteur a déposé un amendement ayant pour objet d'éviter que les différents régimes en vigueur et à venir ne se chevauchent !
Dans ces conditions, nous proposons de supprimer l'article 2 bis A.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer l'article L. 2212-9-1 du code général des collectivités territoriales :
« Les communes de moins de 20 000 habitants formant un ensemble de moins de 50 000 habitants d'un seul tenant peuvent avoir un ou plusieurs agents de police municipale en commun, compétents sur le territoire de chacune d'entre elles. »
L'amendement n° 5, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2212-9-1 du code général des collectivités territoriales :
« Une commune appartenant à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ne peut mettre en commun des agents lorsqu'il met des agents à disposition des communes dans les conditions prévues à l'article L. 2212-5 du présent code. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 51 et 141.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 4 tend à permettre à des communes, notamment de très petite taille, de ne recruter en commun qu'un seul agent de police municipale, et non au moins deux obligatoirement.
L'amendement n° 5 est un peu plus technique.
La procédure de mise en commun d'agents de police municipale entre plusieurs communes doit permettre à de petites communes de se doter de tels personnels. Toutefois, ce nouveau dispositif ne doit pas interférer avec la procédure existante, qui permet à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de recruter des policiers municipaux et de les mettre à la disposition des communes membres qui le souhaitent.
À cette fin, le projet de loi prévoit que des communes appartenant à un EPCI à fiscalité propre ne peuvent mettre en commun des agents lorsque cet établissement met déjà des agents à disposition des communes, dans les conditions prévues à l'article L. 2212-15 du code général des collectivités territoriales.
Toutefois, cette précaution a semblé insuffisante à la commission.
D'une part, elle n'interdit pas à une commune membre d'un tel EPCI de passer une convention dans les conditions du présent article avec une commune limitrophe qui ne serait pas membre de ce dernier.
D'autre part, si une ou plusieurs communes de l'EPCI ont conclu une convention de mise en commun d'agents de police municipale mais que l'EPCI décide de recruter des agents de police municipale après la conclusion de la convention, rien n'oblige ces communes à mettre un terme à leur convention.
Or il semble que la procédure normale ou principale devrait être celle qui permet à un EPCI de mettre à disposition de ses communes membres des agents de police municipale, le nouveau dispositif n'ayant qu'une vocation subsidiaire.
L'amendement n° 5 vise donc à rendre impossibles les deux cas de figure, certes hypothétiques mais plausibles, que je viens d'exposer.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 51 et 141. L'article 2 bis A vise simplement à faciliter la mise en place d'une police municipale à moindre coût pour de petites communes. L'ambition n'allait pas au-delà.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 51 et 141.
Il est, en revanche, favorable à la modification du dispositif présentée par la commission au travers de l'amendement n° 4, qui tend à préciser que le recrutement commun peut ne concerner qu'un seul agent. Par ailleurs, cet amendement définit mieux le territoire visé, en spécifiant qu'il doit s'agir d'un ensemble de communes d'un seul tenant.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 5, le recrutement d'agents de police municipale par un EPCI à fiscalité propre est possible. La disposition de mutualisation de la police municipale adoptée par ailleurs par l'Assemblée nationale n'a pas vocation à se substituer à ce dispositif. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 et 141.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 bis A, modifié.
(L'article 2 bis A est adopté.)
Article 2 bis
Il est créé au sein de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances créée par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, destiné à financer la réalisation d'actions dans le cadre des plans de prévention de la délinquance définis à l'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales et dans le cadre de la contractualisation mise en oeuvre entre l'État et les collectivités locales en matière de politique de la ville définie au dernier alinéa de l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles.
Ce fonds reçoit la part des crédits délégués par l'État à cette agence, destinée à financer des actions de prévention de la délinquance, ainsi qu'un montant prélevé sur le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation, prévu à l'article L. 2334-24 du code général des collectivités territoriales, déterminé en loi de finances.
Le comité interministériel de prévention de la délinquance fixe les orientations et coordonne l'utilisation des crédits de ce fonds. En application de ces orientations, le conseil d'administration de l'agence approuve les programmes d'intervention correspondants et répartit les crédits entre les départements. Ces crédits sont délégués au représentant de l'État dans le département.
Il est fait rapport une fois par an aux instances territoriales de prévention de la délinquance des actions financées par le fonds, en regard des moyens financiers engagés et des objectifs poursuivis. Une synthèse de ces rapports est présentée une fois par an au comité interministériel de prévention de la délinquance.
Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.
Mme la présidente. L'amendement n° 142, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le second alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Ce fonds est, en outre, alimenté par une taxe prélevée sur le secteur de la grande distribution, les compagnies d'assurance et les sociétés de gardiennage.
Il finance les plans d'action locaux définis par les contrats locaux de sécurité.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Les choses ont avancé, monsieur le ministre, puisque, lors de la première lecture de ce texte au Sénat, nous avions proposé la création d'un fonds et fait observer que, malgré les efforts de présentation qui avaient été fournis, ledit fonds restait désespérément sans fonds, ce qui est un très mauvais destin pour un fonds ! (Sourires.)
M. Charles Gautier. C'est un mauvais démarrage !
M. Jean-Pierre Sueur. À l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez consenti des avancées, que je tiens à saluer, mais au sujet desquelles je souhaite vous interroger.
Vous avez indiqué que le fonds serait doté de deux manières.
Il le serait, en premier lieu, grâce au versement de 25 millions d'euros par l'ANCSEC, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, qui elle-même est alimentée par deux sources : d'une part, par les fonds qui étaient affectés au FASILD, le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, et, d'autre part, par des fonds provenant de la DIV, la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain.
Ma question sera très précise, monsieur le ministre : les 25 millions d'euros que je viens d'évoquer seront-ils prélevés sur la dotation qui était et qui reste prévue pour l'ANCSEC, ou affecterez-vous 25 millions d'euros supplémentaires à cette agence pour assurer le financement du fonds ? Dans le premier cas, il ne s'agirait que d'un redéploiement de crédits de la politique de la ville. Je vous demande donc confirmation qu'il s'agit bien de crédits complémentaires.
Le fonds serait, en second lieu, alimenté par le biais du prélèvement d'une certaine somme sur le produit des amendes forfaitaires de police de la circulation. Vous avez indiqué, à l'Assemblée nationale, que cette somme serait de 50 millions d'euros. Je suppose que vous nous confirmerez ce soir ce montant.
Cela étant, je tiens, là aussi, à vous poser plusieurs questions.
Vous avez dit, à l'Assemblée nationale, que même avant la réintégration d'un solde de 100 millions d'euros dû à la grande efficacité des radars automatiques, la masse à répartir au titre des amendes forfaitaires de la circulation atteint 720 millions d'euros en 2006, contre 671 millions d'euros en 2005 et 377 millions d'euros en 2004.
Il est donc tout à fait possible de réaffecter une partie de ce solde sans aucunement remettre en cause le financement des actions de sécurité routière menées par les collectivités territoriales grâce au produit des amendes de police de la circulation. En effet, comme le disait M. Peyronnet, une partie des sommes provenant des amendes et du fonctionnement des radars va à l'État, une autre aux collectivités locales.
Cela m'incite, monsieur le ministre, à vous demander si les 50 millions d'euros en question seront bien prélevés, comme je le pense, sur la part revenant à l'État et non sur celle qui est affectée aux collectivités locales.
Dans ce cas, ne pensez-vous pas qu'il y a quelque chose de critiquable dans le fait d'alimenter le fonds à partir de recettes qui sont éminemment conjoncturelles ? En effet, peut-on savoir quel en sera le montant dans les années futures ? Autrement dit, êtes-vous sûr que l'on pourra garantir les nécessaires travaux de sécurité routière entrepris par les collectivités locales et toujours dégager cette somme de 50 millions d'euros ?
Je soulèverai une question subséquente : compte tenu de ce que je viens de dire, pouvez-vous nous indiquer si, avec ces recettes, les collectivités locales pourront embaucher du personnel, c'est-à-dire, très concrètement, financer des postes d'éducateur spécialisé, de correspondant de nuit, d'agent de médiation et de prévention ? Voilà une question que se posent bien des élus.
Par le présent amendement, nous proposons, pour notre part, que le fonds soit alimenté par une taxe prélevée sur le secteur de la grande distribution, les compagnies d'assurances et les sociétés de gardiennage. Cela nous semble vraiment justifié.
Pour aller dans votre sens, monsieur le ministre - je pense que vous y serez sensible ! -, nous suggérons donc que, outre les financements que vous avez prévus, la grande distribution, les sociétés de gardiennage et les compagnies d'assurances apportent leur contribution au financement de la politique de prévention de la délinquance. Je ne pense pas que vous y verrez d'inconvénient. Même si le taux de la taxe devait être très réduit, cela représenterait des sommes non négligeables.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est assez satisfaite de l'évolution de la discussion parlementaire.
Lors de la première lecture, nous avions mis en place un véhicule financier, si je puis dire, ce qui avait d'ailleurs suscité quelques réticences parmi certains de nos collègues, qui se sont interrogés sur le devenir de cet instrument. À cet égard, les perspectives se sont améliorées extrêmement rapidement, nous avons pu le constater, grâce, d'une part, à la première lecture à l'Assemblée nationale, et, d'autre part, au vote de la loi de finances rectificative pour 2006.
La commission, en l'état actuel des choses, s'estime satisfaite et émet donc un avis défavorable sur l'amendement présenté.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pour répondre à M. Sueur, je préciserai tout d'abord que le solde des recettes liées au fonctionnement des radars automatiques va aux collectivités locales avec la masse globale des amendes de police.
Par ailleurs, il a été décidé, aux termes de la loi de finances rectificative, de prélever 100 millions d'euros, dont 50 millions d'euros pour le fonds et 50 millions d'euros pour la dotation globale de fonctionnement. Ces 50 millions d'euros reviendront aux collectivités territoriales par le biais de financements contractuels, ce qui rend délicate, monsieur Sueur, leur utilisation pour financer des embauches.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie de le préciser. Il vaut mieux que ce soit clair !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Tout en comprenant votre souci, exprimé par le biais de cet amendement, que le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance ne mobilise pas seulement des crédits budgétaires déjà consacrés à cette politique, il ne me semble pas, dès lors qu'est garanti le financement de ce fonds, porté de 25 millions d'euros à 75 millions d'euros par la loi de finances rectificative, qu'il y ait lieu de créer une taxe nouvelle. Telle n'est pas notre philosophie.
Par conséquent, je vous suggère de retirer votre amendement. Si tel ne devait pas être le cas, j'émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, madame la présidente !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Pourquoi cet amendement ? Parce que, s'agissant des modifications apportées au dispositif par l'Assemblée nationale, je dirai : « en progrès, mais peut mieux faire ! ».
En reprenant la métaphore automobile de M. le rapporteur, je rappellerai que si le Sénat, en première lecture, avait bien créé un véhicule, il n'y avait pas d'essence pour le faire avancer. On en a finalement trouvé, en affectant au fonds une fraction du produit des amendes de police. Le problème, c'est que cette essence est prise dans le réservoir du voisin, c'est-à-dire des collectivités territoriales, ce qui est tout de même une forme de délinquance ! (Sourires.)
Quand on fait le bilan, on s'aperçoit donc que ce sont encore les collectivités territoriales qui financeront la supposée amélioration de la politique de prévention de la délinquance. Cela étant, monsieur le ministre, pensez-vous vraiment que 50 millions d'euros y suffiront ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas cela !
M. Pierre-Yves Collombat. C'est se moquer quelque peu du monde ! Cela ne correspond pas du tout à l'ampleur du problème auquel nous sommes confrontés.
Nos propositions sont amendables : si d'autres ont des idées, elles seront les bienvenues ! Quoi qu'il en soit, nous estimons qu'il faut vraiment, pour prendre le problème à bras-le-corps, trouver des financements qui soient à la hauteur de celui-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, vous dites qu'instituer une nouvelle taxe ne correspond pas à votre philosophie. Soit, mais, ce qui me préoccupe, c'est que vous ne nous avez fourni aucune évaluation du coût de l'application du dispositif.
La taxe que nous proposons d'instaurer, en particulier sur les sociétés de gardiennage et les compagnies d'assurances, présente l'intérêt d'être modulable ; le principe étant posé, des aménagements resteront possibles. En revanche, alimenter le fonds interministériel de prévention de la délinquance par un prélèvement sur le produit des amendes de police de la circulation reviendra, tôt ou tard, à solliciter les finances des collectivités territoriales.
En fait, nous n'avons aucune idée des modalités du financement du dispositif ni, surtout, des montants nécessaires. Il faut donc prévoir des recettes qui soient vraiment modulables.
À cet égard, d'après ce que nous pouvons savoir, les sociétés de gardiennage réalisent actuellement des profits considérables. Lorsque les pompiers sont en grève, comme cela a été le cas dernièrement, elles assurent la sécurité d'un certain nombre de bâtiments, y compris publics. Il y a là, pour elles, une source de revenus importante, qui est liée directement à la sécurité.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article 3
I. - La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs est ainsi modifiée :
1° Après l'article 13-2, il est inséré un article 13-3 ainsi rédigé :
« Art. 13-3. - Par convention avec l'État, les autorités organisatrices de transports collectifs de voyageurs concourent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des personnels et des usagers dans ces transports, notamment par l'intermédiaire d'un contrat local de sécurité à thématique «transport». » ;
2° Après la première phrase du quatrième alinéa de l'article 21-1, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Elle concourt aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des personnels et des usagers dans ces transports. »
II. - Après la deuxième phrase du premier alinéa du II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Par convention avec l'État, il concourt, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des personnels et des usagers. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 52, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'article 3 vise à transférer aux autorités organisatrices de transports collectifs de voyageurs les actions de prévention et de sécurisation dans ce secteur. Déjà responsables de la sécurité technique des moyens utilisés, elles devront désormais s'occuper de la sécurité des biens et des personnes transportés et de la prévention de la délinquance.
Cependant, les motivations et les objectifs du Gouvernement en la matière ne nous sont pas connus. Nous ne disposons d'aucune information sur les conditions de ce transfert et sur les obligations qui en découleront, puisqu'elles seront fixées par décret en Conseil d'État. Nous aimerions donc que le Gouvernement soit plus explicite et nous dise ce qu'il prévoit s'agissant des missions considérées, des actions et des moyens qui devront être mis en place.
Nous aimerions aussi savoir, monsieur le ministre, où en est le projet annoncé par M. Sarkozy s'agissant du renforcement de la police des transports. La lecture de ce projet de loi nous amène à penser qu'il ne doit plus en être question : la police nationale ne sera plus responsable de la sécurité dans les transports, cette compétence étant transférée de manière insidieuse aux autorités organisatrices des transports, puisqu'elles devront concourir à son exercice dans des conditions qui nous sont encore inconnues.
En fait, il s'agit, au travers de cet article, d'engager une procédure de transfert, qui ne dit pas son nom, d'un bloc complet de compétences de l'État aux collectivités locales. Aucun transfert financier ne l'accompagne, ce qui est manifestement contraire au quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.
Dans ces conditions, il nous est impossible, en l'état, d'approuver un tel transfert de responsabilités. Nous demandons donc la suppression de l'article 3, tout en attendant des réponses aux questions que nous vous avons posées, monsieur le ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 195 rectifié, présenté par M. Karoutchi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le 1° du I de cet article pour insérer un article 13-3 dans la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, supprimer les mots :
Par convention avec l'État,
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. L'Assemblée nationale a prévu que le concours des autorités organisatrices de transports collectifs, les AOT, aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation serait apporté par convention avec l'État.
Cette précision complexifie, sans justification suffisante, le dispositif initial, qui prévoyait de fixer les modalités du concours des AOT par un seul décret en Conseil d'État. Ce dernier étant maintenu, la convention viendra donc se surajouter au travail réglementaire préalable. La mise en oeuvre concrète du dispositif risque donc de s'en trouver retardée d'autant.
En conséquence, afin de garantir une application rapide du dispositif, cet amendement a pour objet de supprimer la référence à la convention avec l'État. Le souhait des députés de prévoir que les maires seront informés des dispositions prises par les AOT pourra être pris en compte au niveau du décret en Conseil d'État.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
sécurisation des personnels et des usagers dans ces transports
supprimer la fin du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article 13-3 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 196 rectifié, présenté par M. Karoutchi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le II de cet article pour modifier le premier alinéa du II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, supprimer les mots :
Par convention avec l'État,
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. L'Assemblée nationale a prévu que le concours du Syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation serait apporté par convention avec l'État.
Cette précision complexifie elle aussi, sans justification suffisante, le dispositif initial, qui prévoyait de fixer les modalités du concours du STIF par un seul décret en Conseil d'État. Ce dernier étant maintenu, la convention viendra donc se surajouter au travail réglementaire préalable. La mise en oeuvre concrète du dispositif risque donc de s'en trouver retardée d'autant.
En conséquence, afin de garantir une application rapide du dispositif, cet amendement a pour objet de supprimer la référence à la convention avec l'État.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 52. Il ne s'agit pas, par l'article 3, d'organiser un transfert de compétences de l'État vers les régions. Il s'agit de prendre acte du fait que la prévention de la délinquance est un problème intéressant des acteurs multiples et qu'il faudra donc s'habituer à avoir dans ce domaine des compétences partagées.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur les amendements nos 195 rectifié et 196 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je veux d'abord vous rassurer, madame Assassi, en vous confirmant que le renforcement des AOT ne signifie en aucun cas que l'État se désengage. Je vous le rappelle, 1 200 fonctionnaires sont aujourd'hui affectés à la police ferroviaire. La volonté du ministre de l'intérieur est de les maintenir, voire de les renforcer. J'émets donc un avis défavorable sur votre amendement de suppression.
Concernant l'amendement n° 195 rectifié, déposé par le groupe UMP et dont le premier signataire est M. Karoutchi, je précise que le Gouvernement a souhaité inscrire dans cet article 3 le principe du concours obligatoire des autorités organisatrices de transports collectifs de voyageurs aux actions de prévention. L'État ne sera pas absent du dispositif puisqu'il définira les modalités de ce concours. En revanche, le fait d'ajouter aux dispositions du décret une convention entre les AOT et l'État risque de complexifier le dispositif et, au final, de retarder sa mise en oeuvre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à cet amendement.
L'amendement n° 6, présenté par M. le rapporteur, au nom de la commission des lois, a pour objet de supprimer l'adjonction : «, notamment par l'intermédiaire d'un contrat local de sécurité à thématique "transport" ». Une telle précision, adoptée par l'Assemblée nationale, est certes inspirée de la pratique, et il existe d'ailleurs une trentaine d'initiatives de ce type, qu'il s'agisse de CLS comprenant un volet « transport » ou de CLS à thématique « transport ». Pour autant, une mention dans la loi ne me paraît pas nécessaire, et ce pour deux raisons.
Premièrement, les contrats locaux de sécurité relèvent du niveau de la circulaire. Le Gouvernement a d'ailleurs adressé il y a peu aux préfets une circulaire portant sur la préparation des CLS de nouvelle génération.
Deuxièmement, comme le prévoit l'article 3, un décret en Conseil d'État définira les modalités du concours des AOT.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis favorable sur l'amendement n° 6.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 196 rectifié, je répéterai ce que j'ai indiqué à propos de l'amendement n° 195 rectifié : l'État ne sera pas absent du dispositif prévu par l'article 3, puisqu'il définira par décret les modalités du concours du STIF à la prévention de la délinquance. Une convention n'est donc pas nécessaire. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4 bis
L'article 40-2 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits dénoncés ou signalés donnent lieu à un jugement, le procureur de la République informe les autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 40 de la teneur de la décision rendue lorsqu'elle est devenue définitive, ou de l'existence d'un appel. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Lecerf, au nom de la commission.
L'amendement n° 53 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 143 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement n° 1 rectifié, adopté à l'article 1er.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 53.
Mme Josiane Mathon-Poinat. En première lecture, le Sénat n'avait pas jugé utile d'alourdir les missions du procureur de la République définies dans le code de procédure pénale. Nous vous proposons donc de supprimer l'article 4 bis, car nous nous opposons au système qu'il tend à mettre en place.
Nous refusons ainsi l'obligation faite au procureur de la République d'informer le maire qui aurait signalé les faits délictueux au parquet, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, de la mise en oeuvre ou non des poursuites, mais également du délibéré rendu par la juridiction du jugement.
Il s'agit à notre avis d'une procédure lourde, inutile, voire dangereuse.
D'abord, il faut le rappeler, tout jugement est par définition public. Le maire peut donc se tenir informé des jugements rendus sur les affaires qui l'intéressent.
Par ailleurs, nous connaissons tous l'importance de la charge de travail qui pèse sur l'administration judiciaire pour préférer ne pas en rajouter.
Enfin, et c'est sans doute le plus important, n'oublions pas qu'une information n'est utile que si elle est traitée. Les députés ayant proposé l'introduction de cet article considèrent donc qu'un maire devra traiter cette nouvelle information qui lui sera transmise. Mais alors, quel traitement le maire réservera-t-il à une telle information ? S'il s'agit d'opérer un classement purement vertical, il n'est pas nécessaire que le procureur lui transmette ce document. S'il s'agit d'autre chose, ne faudrait-il pas prévoir un encadrement quant à l'utilisation éventuelle de cette décision de justice ?
Personnellement, j'en appelle à la prudence. Avec un tel article, nous ouvrons la voie à de possibles dévoiements, par une utilisation tout à fait médiatique, partiale, voire abusive d'une décision de justice.
En effet, ces jugements risquent d'être présentés en des circonstances qui pourraient d'ailleurs servir de faire-valoir à des édiles en mal de communication. On verra peut-être fleurir, ici et là, divers affichages, voire des courriers ou des encarts dans les magazines municipaux. Il nous faudra alors légiférer à nouveau sur de tels débordements.
Pour éviter pareille situation, mieux vaut donc supprimer dès à présent cet article 4 bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 143.
M. Charles Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 4 bis fait obligation au procureur de la République d'informer les autorités mentionnées par l'article 40 du code de procédure pénale, dont le maire, de la teneur de la décision de justice ou, le cas échéant, de l'existence d'un appel, lorsque les faits dénoncés ou signalés par ces autorités ont donné lieu à un jugement. Or, vous vous en souvenez sûrement, nous avons déjà exprimé notre opposition à cet article, qui nous paraît inutile et inopportun.
D'ores et déjà, en vertu de l'article 40-2 du code de procédure pénale, le procureur de la République avise le maire des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites décidées à la suite de sa plainte ou du signalement. À notre sens, il convient donc de laisser le garde des sceaux adresser aux procureurs de la République une nouvelle circulaire, pour leur rappeler leurs devoirs s'ils ne les accomplissent pas comme ils devraient le faire.
Comme cela a déjà été dit, une telle disposition entraînera, de fait, une surcharge de travail pour les procureurs. Elle fait franchir un pas supplémentaire dans l'information du maire, en y intégrant la teneur même de la décision de justice. Mais, puisque la sanction est publique, qu'apportera de plus cette nouvelle mesure ? Si un appel a été interjeté, le procureur se limitera à l'indiquer au maire qui a signalé ou dénoncé les faits. La prévention aura-t-elle gagné en efficacité si le maire est placé en capacité de suivre le cours de la procédure pénale, alors qu'il peut déjà le faire ?
Nous l'avons précédemment dénoncé, voilà le type de dispositions qui entretient la défiance entre les acteurs publics actifs sur le terrain. Alors que le maire doit conserver son rôle de médiateur, cette mesure aura pour conséquence de l'intégrer aux yeux de ses administrés dans la chaîne répressive et, partant, de faire apparaître le concept de shérif ou de juge d'application des peines.
D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cette mesure, dont les motivations méritent d'être répétées ici : « [...] les suites [judiciaires] données au dossier de tout citoyen résidant dans une commune [...] ne regardent pas [nécessairement] le maire. [...]
« Il faut veiller à préserver le respect dû à tout homme, même condamné. Faire connaître à tout prix la situation de ces personnes ne change, au fond, pas grand-chose. Le fait que tout Français responsable dépositaire d'une parcelle d'autorité publique soit, en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, tenu d'informer le Parquet d'un fait délictueux qui lui paraît justifier son intervention n'entraîne pas forcément le droit à réponse [qu'impose cet article]. »
Monsieur le ministre, mes chers collègues, tout est dit. Au nom de cet avis éclairé, nous vous proposons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 53 et 143 ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La situation est assez ambiguë.
Sur la forme, je serais tenté de dire, avec, peut-être, une certaine hypocrisie, que les amendements n° 53 et 143 seront satisfaits si l'amendement n° 7 était adopté, puisque ce sont tous trois des amendements de suppression.
Sur le fond, je ne partage pas les opinions qui ont été présentées par nos collègues du groupe CRC et du groupe socialiste. L'adoption de l'amendement de la commission entraînera effectivement la suppression de l'article 4 bis, mais nous avons fait « survivre » cet article, au moins partiellement, au sein de l'article 1er.
Nos collègues ont donc malgré tout en partie satisfaction, puisque nous avons limité les informations qui devront être données par le procureur à la seule personne du maire, alors que, auparavant, les différentes autorités prévues par l'article 40 du code de procédure pénale étaient concernées.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous sommes face à trois amendements identiques de suppression, mais qui n'ont pas été déposés pour les mêmes motivations.
S'agissant de l'amendement n° 7, l'adoption de l'amendement n° 1 rectifié a permis de reprendre la disposition souhaitée par l'Assemblée nationale, qui tendait à permettre aux maires, à leur demande, d'être informés des jugements définitifs ou des appels interjetés contre les décisions concernant des infractions commises sur le territoire de leurs communes. La demande des députés ayant été satisfaite, le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression, qui relève finalement, monsieur le rapporteur, de la simple coordination.
Par voie de conséquence, les amendements nos 53 et 143, déposés respectivement par le groupe socialiste et le groupe CRC, sont satisfaits, même si ce n'est pas pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7, 53 et 143.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 bis est supprimé.
CHAPITRE II
Dispositions de prévention fondées sur l'action sociale et éducative
Article 5
Après l'article L. 121-6-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 121-6-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-6-2. - Lorsqu'un professionnel de l'action sociale, définie à l'article L. 116-1, constate que l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels, il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil général. L'article 226-13 du code pénal n'est pas applicable aux personnes qui transmettent des informations confidentielles dans les conditions et aux fins prévues au présent alinéa.
« Lorsque l'efficacité et la continuité de l'action sociale le rendent nécessaire, le maire, saisi dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ou par le président du conseil général ou de sa propre initiative, désigne parmi les professionnels qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille un coordonnateur, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du président du conseil général.
« Lorsque les professionnels concernés relèvent tous de l'autorité du président du conseil général, le maire désigne le coordonnateur parmi eux, sur la proposition du président du conseil général.
« Le coordonnateur est soumis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les professionnels qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille sont autorisés à partager entre eux des informations à caractère secret, afin d'évaluer leur situation, de déterminer les mesures d'action sociale nécessaires et de les mettre en oeuvre. Le coordonnateur a connaissance des informations ainsi transmises. Le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l'accomplissement de la mission d'action sociale.
« Le professionnel intervenant seul dans les conditions prévues au premier alinéa ou le coordonnateur sont autorisés à révéler au maire et au président du conseil général, ou à leur représentant au sens des articles L. 2122-18 et L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales, les informations confidentielles qui sont strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences. Les informations ainsi transmises ne peuvent être communiquées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal.
« Les personnes concernées par le partage d'informations à caractère secret entre professionnels de l'action sociale ou par leur transmission par le coordonnateur conformément à l'alinéa précédent, en sont préalablement informées, sauf si cette information risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale ou à la sécurité des personnes.
« En outre, lorsqu'il apparaît qu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil, le coordonnateur en informe sans délai le président du conseil général ; le maire est informé de cette transmission. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 5 confie au maire un rôle de coordination de l'action sociale sur le territoire de sa commune et autorise, sous certaines conditions, le partage d'informations entre professionnels intervenant auprès d'une même famille, ainsi que la divulgation de ces informations au maire, dans la mesure où cela est nécessaire pour l'accomplissement de ses missions.
En première lecture, le Sénat a considérablement clarifié la rédaction de cet article. S'agissant du rôle du maire en tant que coordonnateur de l'action sociale, le Sénat a constaté, à juste raison, que la rédaction initiale du texte était contradictoire avec l'article L. 121-1 du code de l'action sociale, qui stipule que le président du conseil général coordonne les actions relatives à l'action sociale sur son département.
Ainsi, le Sénat a replacé la compétence du département au centre du dispositif, mais il n'a pas pour autant fait disparaître de ce dernier le maire, lequel a toujours un rôle de coordonnateur.
Comme nous l'avons mentionné en première lecture, s'il est légitime et indispensable pour les maires d'avoir les moyens d'exercer leurs responsabilités en matière de prévention de la délinquance, des troubles à l'ordre et à la sécurité publics, il est en revanche risqué, y compris pour eux-mêmes, de créer une confusion entre les missions de sécurité, de justice et d'action sociale.
La protection de l'enfance et l'action sociale font l'objet d'une législation et de procédures spécifiques, dont la responsabilité revient au conseil général et non pas au maire.
Je souhaite réaffirmer ici que seul le président du conseil général doit rester le coordonnateur de l'action sociale, tel que le définissent les lois de décentralisation. Il ne doit pas y avoir de confusion des rôles. Le maire n'est pas le coordonnateur de l'action sociale !
En ce qui concerne le partage de l'information, l'Assemblée nationale est revenue à l'esprit premier du texte, à savoir au partage de l'information entre professionnels, et non entre professionnels soumis au secret professionnel. Ainsi, le secret professionnel est sérieusement mis à mal par cette nouvelle rédaction.
Le secret professionnel doit être préservé et strictement limité aux seules personnes habilitées par la loi à le partager.
Il y a dans ce projet une tension permanente entre protection de l'enfance et prévention de la délinquance. La question se pose : les travailleurs sociaux sont-ils missionnés par la puissance publique au nom de la défense de l'enfance ou au nom de l'ordre public ?
Le projet de loi réformant la protection de l'enfance qui sera discuté en deuxième lecture au Sénat, à la mi-février, permet le partage du secret professionnel, dans l'intérêt de l'enfant, entre les intervenants liés par ce secret professionnel. Cela fait partie du travail de ces derniers et cela fonde leur déontologie : ce sont des travailleurs sociaux et non des travailleurs de l'ordre public.
Cet article contredit l'esprit du projet de loi réformant la protection de l'enfance. En effet, le partage de l'information risque d'hypothéquer le lien de confiance qui existe entre le travailleur social et l'usager, si bien que les familles les plus en difficulté deviendront de moins en moins accessibles aux travailleurs sociaux.
Dans l'esprit présent de la décentralisation, qui tend à ne pas élargir les pouvoirs du maire, ce dernier n'a pas à détenir d'informations qui relèvent du secret professionnel entre les travailleurs sociaux. Si le maire a vocation à connaître, de façon ponctuelle, des données concernant des personnes sollicitant des aides sociales, qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il n'a pas vocation à devenir systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l'action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté.
Le maire n'a pas à être destinataire d'informations recueillies dans le cadre des politiques sociales dans le but de mener des actions de prévention de la délinquance.
Par ailleurs, je relèverai une autre incohérence : le coordonnateur devra informer le président du conseil général du fait qu'un mineur est en danger. Or je rappelle que toute personne a l'obligation de signaler un tel cas. Cette formulation est donc complètement inutile !
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 144 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 54.
Mme Éliane Assassi. L'article 5, malgré les modifications apportées, laisse dans le flou la question de fond du secret professionnel.
La levée du secret professionnel se fait, « sans avoir l'air d'y toucher », à travers la création de la nouvelle fonction de coordonnateur : il s'agit en quelque sorte d'un « agent spécial » du maire et du président du conseil général, qui est autorisé à partager avec les professionnels de l'action sociale, selon la rédaction du projet de loi initial, « les informations et documents nécessaires à la continuité et à l'efficacité de leurs interventions ».
Ce vocabulaire policier de série B s'applique, en l'occurrence, au travail de l'action sociale, qui exige, autant que dans le cadre médical et scolaire, le respect de règles strictes de secret professionnel, liées à la déontologie propre à l'exercice des professions de ces secteurs. Mais ces règles sont entamées par les réformes successives que vous leur appliquez.
Le secret professionnel est un secret que la loi reconnaît comme un droit de la personne.
Pourtant, on ne peut plus dire que le secret en France corresponde à un fort respect de la vie privée, puisque l'administration possède un droit d'accès direct, sans contrôle judiciaire, aux informations détenues par les services sociaux, les services médicaux et les banques. Les arguments justifiant ces limitations sont la lutte contre la délinquance et, dorénavant, la prévention de celle-ci. Ces justifications « phagocytent » les professionnels dans un maillage subtil de sens civique, de culpabilité et de bonne conscience, face à une judiciarisation aveugle du système mis en place. C'est une remise en cause de la capacité d'analyse et d'initiative de tous ces professionnels.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression du présent article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 144.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement a été défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer l'avant dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du Gouvernement et de la commission des lois, un amendement déposé par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Jean-Michel Dubernard.
Cet amendement tend à prévoir l'information préalable des personnes concernées par le partage ou la transmission d'informations à caractère confidentiel, sauf si cela « risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale ou à la sécurité des personnes ».
Un amendement similaire avait été défendu au Sénat par la commission des affaires sociales afin de préserver la confiance entre les travailleurs sociaux et les personnes concernées, et de calquer le présent dispositif de secret partagé sur celui du projet de loi réformant la protection de l'enfance.
La commission des lois s'y était opposée avec succès, estimant que la problématique de la protection de l'enfance était différente et que rien n'empêchait de toute façon les travailleurs sociaux, malgré le silence de la loi, d'avertir préalablement les intéressés, si leur déontologie le leur intime.
Je vous propose donc de supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article l. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles.
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles :
« Lorsqu'il apparaît qu'un mineur est susceptible d'être en danger au sens de l'article 375 du code civil, le coordonnateur en informe sans délai le président du conseil général ; le maire est informé de cette transmission. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Une difficulté rédactionnelle nous semble résulter du dernier alinéa de l'article 5, adopté par l'Assemblée nationale. Il serait donc utile de remplacer les mots : « lorsqu'il apparaît qu'un mineur est en danger » par les mots : « lorsqu'il apparaît qu'un mineur est susceptible d'être en danger ».
En effet, au moment de l'intervention du coordonnateur, on ne peut que supposer qu'un mineur est susceptible d'être en danger, l'évaluation de la situation relevant du président du conseil général et la décision de l'autorité judiciaire, selon que le procureur de la République classera sans suite le signalement ou saisira le juge des enfants.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 9 pour le dernier alinéa de l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :
coordonnateur
insérer les mots :
ou le professionnel intervenant seul dans les conditions prévues au premier alinéa
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce sous-amendement vise à éviter que le professionnel de l'action sociale intervenant seul soit considéré comme exclu de l'obligation d'information prévue par le dernier alinéa de l'article 5.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable à l'amendement n° 9 sous réserve de l'adoption par le Sénat de ce sous-amendement
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les deux amendements de suppression nos 54 et 144.
On ne peut laisser dire que la nomination du coordonnateur est laissée à la seule discrétion du maire. Je rappelle que le Sénat avait prévu que le coordonnateur soit désigné par le maire, après accord de l'autorité dont il relève et après consultation du président du conseil général.
En outre, la situation particulière, mais sans doute fort fréquente, où l'ensemble des professionnels intervenant sur le cas d'une même personne relèveraient du département, avait été prévue : dans ce cas, le maire désignera le coordonnateur sur proposition du président du conseil général. Autant dire que cette compétence est largement partagée.
S'agissant de la rupture du secret professionnel, je ne peux suivre l'opinion émise par les auteurs de ces amendements. J'ai en effet vu trop de maires, de gauche comme de droite, venir me confier, lors des auditions que j'ai menées en tant que rapporteur sur ce texte, que, très souvent, une conception stricte du secret professionnel leur était apparue comme assimilable à une non-assistance à personne en danger.
Le sous-amendement n° 222 n'a pas été examiné par la commission. Il me paraît néanmoins parfaitement cohérent avec l'ensemble du dispositif. J'y suis donc favorable, à titre personnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression nos 54 et 144.
Il est en revanche favorable à l'amendement n° 8. En effet, je partage, sur cette question dont nous avons déjà longuement débattu au sein de cette assemblée, l'analyse de M. le rapporteur. Il n'est pas souhaitable de légiférer sur ce qui doit relever avant tout d'une pratique professionnelle. Il est préférable à mon sens de faire confiance aux travailleurs sociaux pour apprécier, dans le cadre de leur déontologie, l'utilité d'une telle information.
Le Gouvernement fait déjà confiance aux travailleurs sociaux pour transmettre aux élus locaux les informations confidentielles qui sont strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences. Faisons leur aussi confiance pour décider eux-mêmes des conditions de transmission de l'information aux familles en difficulté.
Enfin, comme je l'ai dit en présentant le sous-amendement n° 222, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 9.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54 et 144.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 48 et 49 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances sont abrogés.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le présent amendement vise à supprimer les articles 48 et 49 de la loi pour l'égalité des chances.
Le groupe CRC avait voté contre la création de ce contrat lors de la discussion de ce projet de loi. Nous avions ouvert à nouveau le débat à ce sujet lors de la première lecture du présent projet de loi. Il nous paraît toujours aussi nécessaire de supprimer ce contrat, qui fait basculer le travail social et l'accompagnement des familles en difficulté dans le sens de l'injonction et de la contrainte.
Au lieu de tendre à l'accompagnement des parents et au soutien des familles en difficulté, ce contrat les déresponsabilise en les rappelant à l'ordre, comme s'ils étaient eux-mêmes des « incapables », au sens juridique du terme. En outre, la notion même d'accompagnement parental n'est pas définie et les critères de la mise sous tutelle des prestations familiales sont discriminatoires.
Le contrat de responsabilité parentale est le point d'orgue d'une dérive absolument répressive à l'encontre des familles en difficulté, accusées par ce gouvernement d'être à l'origine du comportement délinquant de leurs enfants.
Nous avons eu l'occasion de dénoncer la dérive que représente la suspension du versement des allocations familiales, lesquelles deviennent alors des prix de bonne conduite pour les pauvres rentrés dans le rang. À notre sens, cette action n'est pas synonyme de pédagogie.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il est défavorable. Laissons à l'expérience mise en place le 31 mars 2006 le temps de faire ses preuves !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« Conseil pour les droits et devoirs des familles
« Art. L. 141-1. - Le conseil pour les droits et devoirs des familles est créé par délibération du conseil municipal. Il est présidé par le maire ou son représentant au sens de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales. Il peut comprendre des représentants de l'État dont la liste est fixée par décret, des représentants des collectivités territoriales et des personnes oeuvrant dans les domaines de l'action sociale, sanitaire et éducative, de l'insertion et de la prévention de la délinquance. Les informations communiquées, le cas échéant, à ses membres ne peuvent être divulguées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal.
« Le président du conseil pour les droits et devoirs des familles le réunit afin :
« - d'entendre une famille, de l'informer de ses droits et devoirs envers l'enfant et de lui adresser des recommandations destinées à prévenir des comportements susceptibles de mettre l'enfant en danger ou de causer des troubles pour autrui ;
« - d'examiner avec la famille les mesures d'aide à l'exercice de la fonction parentale susceptibles de lui être proposées et l'opportunité d'informer les professionnels de l'action sociale et les tiers intéressés des recommandations qui lui sont faites et, le cas échéant, des engagements qu'elle a pris dans le cadre d'un contrat de responsabilité parentale prévu à l'article L. 222-4-1.
« Le conseil pour les droits et devoirs des familles est informé de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale dans les conditions fixées par l'article L. 222-4-1 du présent code ou d'une mesure d'assistance éducative ordonnée dans les conditions fixées à l'article 375 du code civil.
« Il est consulté par le maire lorsque celui-ci envisage de proposer un accompagnement parental prévu à l'article L. 141-2 du présent code.
« Il peut, sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale, lorsque le suivi social ou les informations portées à sa connaissance font apparaître que la situation d'une famille ou d'un foyer est de nature à compromettre l'éducation des enfants, la stabilité familiale et qu'elle a des conséquences pour la tranquillité ou la sécurité publiques, proposer au maire de saisir le président du conseil général en vue de la mise en oeuvre d'une mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale.
« Art. L. 141-2. - Lorsqu'il ressort de ses constatations ou d'informations portées à sa connaissance que l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire d'un mineur, le maire peut proposer aux parents ou au représentant légal du mineur concerné un accompagnement parental. Il vérifie qu'il n'a pas été conclu avec eux un contrat de responsabilité parentale dans les conditions fixées à l'article L. 222-4-1 du présent code et qu'aucune mesure d'assistance éducative n'a été ordonnée dans les conditions fixées à l'article 375 du code civil.
« Cet accompagnement parental consiste en un suivi individualisé au travers d'actions de conseil et de soutien à la fonction éducative.
« L'accompagnement parental peut aussi être mis en place à l'initiative des parents ou du représentant légal du mineur.
« Lorsqu'un accompagnement parental est mis en place, le maire en informe le président du conseil général, l'inspecteur d'académie, le chef d'établissement d'enseignement, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales et le préfet.
« Au terme de l'accompagnement, il est délivré aux parents ou au représentant légal du mineur une attestation comportant leur engagement solennel à se conformer aux obligations liées à l'exercice de l'autorité parentale.
« Lorsque les parents ou le représentant légal du mineur refusent sans motif légitime l'accompagnement parental ou l'accomplissent de manière partielle, le maire saisit le président du conseil général en vue de la conclusion éventuelle du contrat de responsabilité parentale mentionné à l'article L. 222-4-1. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Lors de la première lecture, la commission des affaires sociales s'était opposée à la création d'un dispositif ouvrant la possibilité aux maires de proposer aux familles de mineurs un accompagnement parental. L'Association des maires de France avait alors réagi promptement, et le Gouvernement, pour une fois bien inspiré, avait rendu facultative l'instauration des conseils pour les droits et devoirs des familles dans les villes de plus de 10 000 habitants.
Malgré ce retour à des considérations plus réalistes, il n'en demeure pas moins que la confusion née de cet article est toujours de mise.
En effet, nous avons, d'un côté, « le contrat de responsabilité parentale », qui relève du président du conseil général et, de l'autre, « l'accompagnement parental », qui ressortit au maire. Comment ne pas s'interroger une nouvelle fois sur l'articulation qui régira le lien, si lien il y a, entre ces deux dispositifs ? Le maire devra-t-il prendre une mesure d'accompagnement avant de pouvoir saisir la présidence du conseil général afin d'obtenir la mise en place d'un contrat de responsabilité ?
Dans les faits, en cas d'absentéisme ou de toute autre difficulté liée à la carence de l'autorité parentale, le maire peut saisir le président du conseil général, qui pourra ensuite proposer notamment un contrat de responsabilité parentale aux parents.
Or, avec cet article 6, que devra faire le maire ? Saisir le président du conseil général ? Convoquer les parents devant le « Conseil des droits et des devoirs » ? Les deux en même temps ? Successivement, et dans quel ordre ? Telles sont les questions qui ne manqueront pas de se poser. Nous voyons bien que tout cela ne va pas, et que les risques de dysfonctionnements sont grands.
Enfin, comment ne pas être choqués par l'absence de prise en compte des difficultés économiques et sociales que rencontrent certains de nos concitoyens ? Au lieu de conduire une politique de soutien aux nombreux dispositifs d'accompagnement existants - je pense notamment au réseau d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents, le REAAP -, vous choisissez de culpabiliser les parents. Pourquoi établir sciemment un amalgame entre parents démissionnaires et parents qui ne peuvent plus faire face, alors que nous savons tous que ces situations, parfaitement dissemblables, nécessitent des réponses différentes mettant en jeu des logiques diverses ?
Enfin, nous savons que cet article vient en concurrence avec l'une des dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la protection de l'enfance.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 56 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 145 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 56.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à supprimer l'article 6, qui crée le Conseil des droits et devoirs des familles, instance consultative, de concertation, d'écoute, nous dit-on.
La réalité est que cet article confie au maire des pouvoirs d'intervention éducative dans la vie des familles. Il n'y a plus, souligne la commission des lois, « de réponse simple et unique à un problème social ou éducatif ». Certes ! C'est bien la raison pour laquelle il faut non par répondre par la seule répression, mais favoriser la prévention, ce que ne fait pas cet article.
Le dispositif proposé nous semble inutile. De nombreux maires ont souligné qu'ils pouvaient d'ores et déjà dialoguer avec les habitants, ce qu'ils font concrètement.
Ce dispositif sera d'autant plus inefficace qu'il entretiendra une dangereuse confusion des rôles. Il concerne, en réalité, des enfants en danger ; autrement dit, il ressort de la compétence du conseil général en matière de protection de l'enfance.
De plus, il se surajoute à d'autres dispositifs, y compris récents et non expérimentés, comme le contrat de responsabilité parentale.
Il est stigmatisant, car dirigé vers les familles les plus en difficulté. Or, comment élever des enfants dans des conditions normales quand on évolue dans une économie de survie, ce qui est le cas d'un nombre toujours plus grand de nos concitoyens ?
Quarante-sept pour cent de familles monoparentales, essentiellement des femmes avec enfants, ont des revenus, hors prestations familiales, inférieurs au seuil de pauvreté ! Comment ces femmes doivent-elles faire quand leurs horaires de travail ne leur permettent pas d'être présentes au domicile au même moment que leurs enfants ? Je pense à celles qui font des ménages, aux caissières des grands magasins. Va-t-on leur reprocher de ne pas s'être occupées suffisamment de leurs enfants durant les dimanches de décembre au cours desquels elles auront été obligées de travailler ?
Certes, certaines familles ont besoin d'être aidées. Il faut développer, par exemple, les structures d'aide à la parentalité, d'aide aux devoirs, de soutien scolaire. Ce serait, à notre sens, bien plus constructif que de leur suspendre les prestations familiales et d'aggraver encore leur situation. Des associations le font d'ailleurs très bien. Le problème, c'est qu'elles manquent de moyens ; c'est également le cas du service public, qui ne s'investit pas comme il le devrait.
Il n'est donc pas étonnant que de nombreux maires, dont ceux du bureau de l'Association des maires de France, l'AMF, aient souhaité que ce Conseil des droits et devoirs des familles reste facultatif et assorti des moyens nécessaires.
Ce dispositif est également dangereux. Le Conseil aura compétence pour proposer des « mesures d'aide à la fonction parentale » ou pour demander au maire de saisir le président du conseil général. Il le fera à partir d'informations portées à sa connaissance. Mais qui l'informera ? Comment ?
Les informations recueillies par les membres de ce Conseil seront, le cas échéant, répercutées auprès de professionnels ou d'autres instances. L'article 6 organisera donc une implication légale des travailleurs sociaux dans un climat qui fait de toutes les anicroches de la vie des situations stigmatisant celles et ceux qui sont en situation précaire. Il participera à un nouvel accroissement de la pénalisation des problèmes sociaux. Il est inacceptable que le travail social soit confondu avec l'exercice des pouvoirs de police du maire.
Je rappelle, enfin, que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, s'est inquiétée de la création d'un dispositif de signalement des mineurs et des familles à problèmes, sans garantie sur l'origine des informations utilisées, sur les critères déclenchant ce signalement, sur les modalités de transmission et de traitement des informations ou sur l'exigence de confidentialité.
Pour toutes ces raisons, ce dispositif, même facultatif, ne saurait recueillir notre agrément.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 145.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-1 du code de l'action sociale et des familles :
« Le conseil pour les droits et devoirs des familles est informé de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale dans les conditions fixées par l'article L. 222-4-1 du présent code et vérifie qu'aucune mesure d'assistance éducative n'a été ordonnée dans les conditions fixées à l'article 375 du code civil. Si une mesure d'assistance éducative a été ordonnée, il transmet les informations à l'autorité judiciaire compétente.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'accompagnement que peut proposer le CDDF à une famille s'apparente à de la prévention sociale. Par conséquent, il semble logique, dès lors qu'une mesure d'assistance éducative a été prononcée, que ce conseil transmette au juge les informations qu'il détient sur la situation d'une famille. Il s'agit de préserver une certaine cohérence dans l'intervention des pouvoirs publics.
Mme la présidente. L'amendement n° 197 rectifié, présenté par Mme Isabelle Debré et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
Au dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-1 du code de l'action sociale et des familles, remplacer la référence :
article L. 552-6 du code de la sécurité sociale
par la référence :
article 375-9-1 du code civil
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Le Conseil pour les droits et devoirs des familles, créé par cet article, aura notamment pour mission, et ce, sur l'initiative du Sénat, de proposer au maire de saisir le président du conseil général en vue de la mise en oeuvre d'une mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale.
Il s'agit d'une mesure de coordination avec le projet de loi réformant la protection de l'enfance adopté par le Sénat le 21 juin dernier en première lecture et en attente d'examen par l'Assemblée nationale.
L'article 12 de ce projet de loi crée une mesure administrative d'accompagnement en économie sociale et familiale pour permettre une prise en charge précoce des familles qui connaissent des difficultés dans la gestion de leur budget. Cette mesure interviendrait en amont de la mise sous tutelle des prestations familiales par le juge, qui serait elle-même rebaptisée « mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial ».
Or, cette dernière mesure étant codifiée dans l'article 12 du projet de loi en navette à l'article 375-9-1 du code civil, il convient de prendre d'ores et déjà en compte cette disposition dans la rédaction de l'article 6 du présent projet de loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-2 du code de l'action sociale et des familles :
« Lorsqu'un accompagnement parental est mis en place, le maire sollicite l'avis du président du conseil général. Il en informe l'inspecteur d'académie, le chef d'établissement d'enseignement, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales et le préfet.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 56, 145 et 197 rectifié.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 11 se situe entre la rédaction du Sénat et celle de l'Assemblée nationale, s'agissant de la mise en place d'un accompagnement parental : aux termes de la première, le maire recueille l'avis du président du conseil général ; aux termes de la seconde, il était prévu une simple information par le maire du président du conseil général. Ce nous proposons, c'est que le maire sollicite l'avis du président du conseil général.
La commission est défavorable aux amendements de suppression nos 56 et 145.
Je le répète, nous ne sommes pas dans la même logique : nous ne pensons pas que le maire se substitue au président du conseil général. Nous ne croyons pas davantage à une sorte de rivalité entre l'un et l'autre. Pour nous, il y a complémentarité des rôles. Si l'assistance familiale au niveau communal permet d'éviter le contrat de responsabilité parentale, c'est positif pour tout le monde, et surtout pour la famille.
Bien que favorable, au nom de la commission, à l'amendement n° 197 rectifié de Mme Debré, j'attire l'attention de la Haute Assemblée sur le caractère périlleux de la coordination qui se met en place : si le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance entrait en vigueur avant le texte réformant la protection de l'enfance - c'est d'ailleurs vraisemblable -, le présent article renverrait à un article n'existant pas encore. Peut-être faudra-t-il envisager, lors de la commission mixte paritaire, de retirer cette référence si le texte réformant la protection de l'enfance n'était pas adopté avant.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression nos 56 et 145.
S'agissant de l'amendement n° 10, je dirai que le CDDF est d'abord un lieu d'écoute des familles. Le texte adopté par l'Assemblée nationale a le mérite de permettre à cette instance de recevoir du président du conseil général et, le cas échéant, de l'autorité judiciaire les informations qui lui sont utiles.
Est-il nécessaire d'alourdir ses missions en lui demandant de vérifier les informations? La mission de vérification de l'absence de situations de double emploi que vous souhaitez à juste titre, monsieur le rapporteur, nous paraît déjà remplie : c'est le maire qui, avant de proposer un accompagnement parental, doit vérifier qu'un contrat de responsabilité n'a pas été conclu ou qu'une mesure d'assistance éducative n'a pas été ordonnée.
Au terme de ces remarques, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
S'agissant de l'amendement n° 197 rectifié, je partage l'avis de la commission, sous les réserves indiquées par M. le rapporteur.
J'en viens à l'amendement n° 11. Le Gouvernement estime que la formule que vous proposez, monsieur le rapporteur, est de nature à répondre aux préoccupations tant des deux assemblées que des maires et des présidents de conseils généraux.
Cet amendement garantit en effet que le maire devra solliciter l'avis du président du conseil général lorsqu'il envisagera de mettre en place un accompagnement parental. Mais il apporte aussi au maire la garantie que le président du conseil général ne disposera pas d'un droit de veto sur sa décision.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 145.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Après l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 552-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 552-7. - Le maire ou son représentant au sein du conseil pour les droits et devoirs des familles peut saisir le juge des enfants, conjointement avec l'organisme débiteur des prestations familiales, pour lui signaler, en application de l'article 375-9-1 du code civil, les difficultés d'une famille. Lorsque le maire a désigné un coordonnateur en application de l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, il l'indique, après accord de l'autorité dont relève ce professionnel, au juge des enfants. Ce dernier peut désigner le coordonnateur pour exercer la fonction de délégué aux prestations familiales.
« L'exercice de la fonction de délégué aux prestations familiales par le coordonnateur obéit aux règles posées par les articles L. 167-2 et L. 167-4, les 1° et 3° à 5° de l'article L. 167-5 ainsi que par l'article L. 552-6 du présent code. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article traitait initialement de la tutelle. Or, la mise sous tutelle n'est pas une mesure nouvelle puisque cette possibilité est offerte aux pouvoirs publics depuis quarante ans.
Reste que le ministre de l'intérieur entendait travestir cette mesure de soutien et d'aide pour en faire un instrument de contrainte, de stigmatisation et de pénalisation des familles considérées sans autre jugement comme défaillantes.
Fort heureusement, cet article 7 a été profondément modifié depuis son passage devant la Haute Assemblée. Ainsi, dans le cadre de la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial qui peut être prononcée, il n'est plus question de donner la possibilité au maire de faire du coordonnateur un délégué aux prestations familiales et, par là même, de faire du maire un nouveau collaborateur de la caisse d'allocations familiales, ajoutant ainsi à la confusion née de l'article 6 la complexification et le mélange des genres.
Tout cela signe un recul plutôt heureux pour les maires. Une grande majorité refusait de jouer ce rôle répressif qui les mettait dans une situation bien délicate au regard tant de leurs administrés que des travailleurs sociaux, alors que toute cette logique ne repose que sur l'illusion et l'effet d'annonce.
Enfin, nous saluons le retour au nécessaire respect du principe d'indépendance de la justice que la rédaction initiale de cet article foulait aux pieds.
Reste un problème de taille : si le juge des enfants peut désigner le coordonnateur pour exercer la fonction de délégué aux prestations familiales, il n'en demeure pas moins que ce sont les dispositions contenues dans l'article L. 167-5 du code de la sécurité sociale qui encadreront l'exercice de sa fonction par ce délégué aux prestations. Or, compte tenu du fait que cet article dispose qu'un décret pris en Conseil d'État précise les conditions d'agrément des tuteurs et les choix des délégués à la tutelle, nous ignorons si le juge des enfants devra effectuer son choix sur une liste préétablie ou pas. La question vaut d'être posée puisque, de la réponse, dépend le degré de liberté de choix pour le magistrat et donc la portée de cet article.
Quant au fond, chacun d'entre nous sait que l'instauration d'une nouvelle instance ne répondra pas aux besoins des familles. En outre, nous ne pensons pas qu'elle répondra aux besoins qu'expriment les maires quand ils s'appliquent à mettre en synergie l'ensemble des acteurs qui travaillent à l'accompagnement des familles, notamment des enfants.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 7.
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 57 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 146 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 57.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Une fois encore, un lien insupportable est établi entre prestations familiales et délinquance, comme cela fut fait dans le cadre de la loi pour l'égalité des chances et dans d'autres textes. On laisse entendre que ces prestations sont quasi intouchables par la loi, alors que les organismes débiteurs des prestations familiales peuvent depuis bien longtemps saisir le juge des enfants.
Vous donnez ainsi aux maires, au travers de ces prestations familiales, un pouvoir de sanction supplémentaire. C'est modifier le fondement même de ces prestations, qui représentent des droits pour les familles, et non des aides, et qui n'ont pas vocation à être accordées non plus que retirées en vertu d'un quelconque pouvoir de sanction.
Cet article ajoute à la confusion des rôles. La demande auprès du juge d'instance doit être formulée conjointement par la caisse d'allocations familiales et le maire, autrement dit par deux institutions à la vocation et aux responsabilités très différentes.
La loi prévoit d'ores et déjà de nombreux outils coercitifs, par exemple la tutelle du juge des enfants et des sanctions pénales et financières en cas de carence éducative ou d'abandon de la famille.
La commission des lois souligne que ce nouveau pouvoir du maire constituerait une simple faculté de proposition n'altérant en rien la souveraineté du choix du juge des enfants. C'est heureux, mais cela n'enlève rien à la gravité de cette disposition qui favorisera des politiques sécuritaires locales à des degrés divers et donc des incohérences.
De plus, c'est le maire et non le juge qui, en application de cet article, désignera le délégué à la tutelle, ce qui nous paraît tout à fait contraire au principe de séparation des pouvoirs.
Les maires de France ont rappelé à l'issue de leur dernier congrès qu'ils n'acceptaient pas que leur rôle de médiateur soit affaibli par la confusion avec des fonctions répressives ou judiciaires. Ils ont souligné qu'il ne leur appartenait pas de déclencher des procédures de mise sous tutelle et, plus généralement, de se substituer à la justice, à la police ou à l'éducation nationale.
Ils ont raison : ce ne sont pas des juges, et ils ne doivent en aucun cas jouer ce rôle, raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à adopter notre amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 146.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
D'une part, dans la version adoptée par l'Assemblée nationale, l'article 7 prévoit que le maire ne peut plus saisir le juge des enfants que conjointement avec la caisse d'allocations familiales, laquelle peut saisir le juge seule si elle le souhaite.
D'autre part, contrairement à ce qui vient d'être dit, le maire ne choisit nullement le délégué aux prestations familiales ; il ne fait qu'indiquer au juge des enfants la nomination d'un coordonnateur, sans même lui demander formellement de désigner ce coordonnateur comme délégué aux prestations familiales.
Il nous semble donc qu'il pourrait difficilement y avoir de disposition de caractère plus innocent.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 et 146.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Après l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2212-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2212-2-1. - Lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques, le maire ou son représentant désigné dans les conditions prévues à l'article L. 2122-18 peut convoquer l'auteur afin de procéder verbalement au rappel des dispositions qui s'imposent à celui-ci pour se conformer à l'ordre et à la tranquillité publics.
« Le rappel à l'ordre d'un mineur intervient, sauf impossibilité, en présence de ses parents, de ses représentants légaux ou, à défaut, d'une personne exerçant une responsabilité éducative à l'égard de ce mineur. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 47 rectifié est présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 116 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 147 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Boyer, pour présenter l'amendement n° 47 rectifié.
M. Jean Boyer. L'instauration du « rappel à l'ordre » que le maire adresserait au mineur en présence de ses parents lorsqu'il commet des faits susceptibles de porter atteinte à l'ordre public risque de porter préjudice à la légitimité de l'élu.
Tout responsable de collectivité locale pratique déjà, lorsqu'il l'estime nécessaire, ce genre de mise en garde et de rappel ciblé des règles du « vivre ensemble », mais il apprécie lui-même l'opportunité d'y procéder et choisit d'y associer ou non les parents.
Inscrire le rappel à l'ordre dans la loi risque non seulement de réduire la capacité d'appréciation dont dispose aujourd'hui le maire mais aussi de le pousser à en user de manière disproportionnée pour éviter de se voir reprocher, par la suite, de ne pas avoir agi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 116.
Mme Éliane Assassi. Avec le rappel à l'ordre, ce sont essentiellement les mineurs qui sont visés, et la confusion est de nouveau entretenue entre les pouvoirs inhérents à la gestion communale et les pouvoirs de justice et de police.
Le rappel à l'ordre ressemble de très près au rappel à la loi, qui relève, lui, de la compétence de l'autorité judiciaire, mais sans en avoir la solennité, le rappel à la loi étant prononcé par le procureur de République.
Nous avions dit dès la première lecture - nous étions d'accord en cela avec le président de la commission des lois, M. Hyest - que le maire ne devait pas devenir le premier maillon de la chaîne judiciaire.
Les divergences entre l'Assemblée nationale et la commission des lois du Sénat sur le formalisme à instituer ou, au contraire, à rejeter illustrent bien les contradictions des dispositions du type de celles qui nous sont proposées à l'article 8.
Il s'agit en effet de sanctionner des comportements qui, s'ils ne constituent pas des infractions pénales, sont des atteintes au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques, ce qui contrevient au principe de la légalité des délits et des peines.
Par ailleurs, la nature des faits concernés est particulièrement floue, ce qui risque d'entraîner des applications diverses, voire incohérentes.
Ce sera, nous semble-t-il, un piège pour ceux qui deviendront de fait responsables du comportement de leurs administrés. Leur éventuelle inaction - ou, en tout cas, ce qui pourra apparaître comme leur inaction - leur sera reprochée. Leur autorité morale et leur rôle de médiateur seront compromis. En revanche, le clientélisme pourra y gagner.
Que les maires rappellent quelques règles de vie quotidiennes qui font partie des règles du « vivre ensemble », quoi de plus normal ? Mais c'est un autre rôle qui leur est ici conféré.
Il serait utile d'entendre les associations des maires, qui, à juste titre, sont, là encore, plus que dubitatives. Pour notre part, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 147.
M. Jean-Claude Peyronnet. Bien au-delà de notre assemblée, et notamment dans les différentes associations de maires, l'article 8 du présent projet de loi a suscité de longues discussions.
L'Assemblée nationale a adopté, sur l'initiative de M. Jean-Christophe Lagarde, un amendement précisant que le rappel à l'ordre ne pouvait intervenir qu'à la suite d'une convocation écrite du maire, ce qui nous paraît une disposition aggravante par rapport au texte voté par notre assemblée.
Quoi qu'il en soit, nous sommes hostiles au rappel à l'ordre. Il nous semble donc nécessaire de repréciser les choses s'agissant de cette pratique courante de la part des maires, même si elle ne s'appelle pas forcément ainsi, qu'il nous paraît dangereux d'encadrer dans un formalisme aussi important que celui de l'article 8.
Comme nous l'avions dit en première lecture, le rappel à l'ordre par le maire tel que le prévoit cet article est discutable.
En premier lieu, il ne s'appuie pas sur des infractions prévues par le code pénal, mais vise, sans précision, tous faits « susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques », ce qui nous paraît battre en brèche le principe fondamental de légalité des délits et des peines.
En second lieu, quelle est la portée de cette admonestation verbale ? On nous indique que ce nouveau pouvoir du maire s'inscrit dans ses missions de police administrative, mais on nous dit dans le même temps qu'il peut indirectement concerner ses pouvoirs de police municipale.
Il existe déjà une procédure judiciaire, qui est encadrée et qui constitue une première réponse solennelle afin que ne perdure pas l'idée d'immunité dans l'esprit de l'auteur des faits, et il ne semble donc pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit à cet égard.
La question des délégations n'est par ailleurs pas tranchée. Dans les grandes villes, présenter le maire comme un acteur personnel qui agit auprès des familles est une mystification que nous avons dénoncée à plusieurs reprises lors de la première lecture. Or, la majorité de la population vit dans les grandes villes. Considérer que le maire connaît le mieux la population dans ces dernières et qu'il sera à même de recevoir tous les gamins qui font des sottises pour les admonester est un leurre et correspond à une vision complètement fausse de la réalité : le maire sera obligé de déléguer à des adjoints, à des conseillers municipaux et probablement même à ses services, ce qui dénature l'esprit du texte tel qu'il nous est présenté.
De petites améliorations ont été apportées au cours de la navette. Ainsi, la présence des parents n'est plus facultative mais s'impose, sauf impossibilité bien sûr, cas dans lequel la présence d'une personne exerçant une responsabilité éducative est prévue pour les suppléer.
Cependant, avec la convocation préalable instituée par l'Assemblée nationale, la crainte que nous avons émise en première lecture est fortement confirmée : la convocation écrite va permettre de conserver des traces du rappel à l'ordre, lesquelles pourraient être transmises à la justice s'il devenait nécessaire de saisir le juge.
En outre, si le maire n'agit pas, se pose la question de son éventuelle responsabilité pénale : le rappel à l'ordre étant facultatif, sa responsabilité pourra-t-elle être engagée en cas d'inaction de ce qu'il convient toujours, nous semble-t-il, de désigner comme le premier maillon de la chaîne pénale ?
L'instauration d'un rappel à l'ordre sous cette forme change la nature des relations d'un maire avec ses concitoyens. Il n'est plus le médiateur, mais devient le premier maillon de la chaîne judiciaire. Je n'insiste pas, car ce dernier argument est bien connu.
N'entretenons donc pas la confusion des compétences et, surtout, évitons que ne se généralise la « défausse » sur les mairies, d'autant que les maires sont déjà quelque peu submergés par toutes les responsabilités qui leur incombent.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
peut convoquer l'auteur afin de procéder verbalement au rappel
par les mots :
peut procéder verbalement à l'endroit de leur auteur au rappel
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 47 rectifié, 116 et 147.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je rejoins en partie les propos de M. Peyronnet.
Vous vous souviendrez en effet, mes chers collègues, que, lors de l'examen de cet article en première lecture, le Sénat et, tout particulièrement, sa commission des lois s'étaient attachés à ne pas formaliser excessivement la procédure du rappel à l'ordre et à ne pas lui donner l'apparence d'une sanction, ce qui les avait conduits à repousser, notamment, des amendements tendant à entourer le rappel à l'ordre de garanties juridictionnelles comme la présence d'un avocat ou l'information du procureur.
L'Assemblée nationale a précisé que le rappel à l'ordre devrait être précédé d'une convocation écrite. Or, une convocation écrite est déjà une marque de formalisme. Par ailleurs, cela signifie qu'une trace sera conservée.
Afin de rester cohérent avec la position du Sénat en première lecture, je vous propose donc de revenir à la rédaction adoptée précédemment par le Sénat.
S'agissant des trois amendements de suppression nos 47 rectifié, 116 et 147, la commission y est totalement défavorable dans la mesure où elle estime que le rappel à l'ordre est un dispositif particulièrement important de ce projet de loi.
En effet, si le rappel à l'ordre est effectivement d'ores et déjà largement mis en pratique par bon nombre de maires, ces derniers - cela m'est personnellement arrivé à de nombreuses reprises, mes chers collègues - se voient très souvent rappeler eux-mêmes à l'ordre par le procureur de la République, qui les prie de s'occuper de ce qui les regarde !
Or, désormais, si le mécanisme du rappel à l'ordre était adopté, le maire pourrait y recourir d'une manière tout à fait incontestable. Nous sommes en outre convaincus qu'il s'agit là d'une chance pour la personne qui en fera l'objet, en ce sens que ce sera la dernière opportunité pour elle de se trouver « entre quatre yeux », si je puis m'exprimer ainsi, face à une autorité de caractère quasi familial, sans aucun risque de conséquences judiciaires. Cette autorité pourra ainsi, dans des délais très courts, faire comprendre à ladite personne qu'elle s'est engagée dans un mauvais chemin.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que cette procédure doit absolument être maintenue et qu'elle contribuera à une certaine déjudiciarisation des problèmes de petite délinquance.
Bien sûr, nous sommes conscients que 100 % des cas ne pourront être réglés par le rappel à l'ordre. Cela étant dit, nous sommes convaincus que, dans la plupart des cas, le maire qui utilisera un tel mécanisme tiendra compte de la personnalité de la personne à qui il s'adressera, ce qui sera vraisemblablement fort efficace. C'est en tout cas ce qu'ont pu constater les maires qui ont appliqué cette procédure dans des conditions de légalité qui, il faut le dire, étaient jusqu'à présent douteuses.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En ce qui concerne l'amendement n° 47 rectifié, je voudrais préciser à M. Boyer que le mécanisme du rappel à l'ordre instauré à l'article 8 répond à la volonté d'attirer solennellement et pédagogiquement l'attention de ceux qui méconnaissent les règles de comportement devant prévaloir au sein de la collectivité.
Les maires procèdent déjà, comme vous l'avez indiqué vous-même, monsieur le sénateur, à des rappels à l'ordre, et il a paru opportun, pour donner à ceux-ci encore plus de solennité, de les consacrer dans le code général des collectivités territoriales.
Par ailleurs, le champ d'application de ce rappel à l'ordre n'interférant pas avec les compétences attribuées à l'autorité judiciaire, il n'y a donc aucune confusion des genres.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est conduit à émettre un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les amendements nos 116 et 147.
En revanche, l'objet de l'amendement n° 12 de la commission est conforme à l'intention du Gouvernement consistant à reconnaître au maire la capacité d'intervenir auprès de toute personne dont le comportement est incivil pour lui rappeler les dispositions qui s'imposent à elle afin qu'elle se conforme à l'ordre et à la tranquillité publics. Cette procédure doit rester souple tant dans son déclenchement que dans son déroulement.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En fait, cet article a pour objet de sécuriser les interventions des maires.
À cet égard, je rappellerai que l'article 40 du code de procédure pénale stipule que, en cas de délit, le maire, comme n'importe quelle autorité constituée, se doit de le signaler au parquet. Par conséquent, cela se situe forcément en dehors de ce champ.
Cela étant dit, tout maire doit faire face à certaines situations telles que des nuisances sonores ou autres bêtises. Or il n'est pas pensable qu'il saisisse les gendarmes ou le parquet pour si peu ! Pour cela, il existe le rappel à l'ordre. D'ailleurs, il est arrivé, comme le disait M. le rapporteur, que des procureurs reprochent à certains maires de se mêler de ce qui ne les regardait pas.
Par conséquent, le dispositif contenu dans l'article 8 du projet de loi est, à mes yeux, très intéressant en ce qu'il sécurise les interventions des maires. Il s'agit là d'une opportunité qui est offerte à ces derniers ; s'ils n'en veulent pas, libre à eux.
M. Jean-Claude Peyronnet. Le maire a déjà beaucoup à faire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le maire ou son représentant, bien entendu ; il a des adjoints !
Quoi qu'il en soit, je puis vous assurer que ce dispositif sera fort utile aux maires des petites communes.
Dès lors, je ne comprends pas, après tous les débats que nous avons eus en première lecture, que l'on s'y oppose ; j'ajoute que la garantie ajoutée par l'Assemblée nationale me paraît superflue.
Je maintiens donc que cet article est extrêmement bénéfique et, pour être parfaitement clair, la commission des lois demande la priorité du vote sur l'amendement n° 12.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité est donc ordonnée.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 12.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous voici à nouveau sur un terrain extrêmement sensible, et tous ceux qui ont été maires ou qui le sont savent que, quand on exerce cette fonction, c'est tous les jours que l'on parle à ses concitoyens.
Ainsi, le maire, quand il passe dans les rues ou dans les quartiers, est souvent amené à s'adresser, parfois en des termes fermes, à des jeunes, ou à des moins jeunes d'ailleurs. Il fait des observations, il joue son rôle.
Or ce qui ici pose problème, c'est précisément la formalisation de cette pratique.
En effet, s'il s'agit de prendre acte du fait que les maires doivent jouer un rôle naturel de médiateur, il n'est alors pas nécessaire de modifier la législation ; lorsque se produisent des situations très difficiles telles qu'un accident ou un meurtre, par exemple, on commence le plus souvent par alerter le maire. Ce n'est pas pour autant que celui-ci doit remplacer la police ou la justice !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d'accord !
M. Jean-Pierre Sueur. Or, à trop formaliser - et l'Assemblée nationale a encore accentué cette formalisation en prévoyant la convocation écrite, qui n'est pas une bonne mesure -, on entre inévitablement dans un processus où le maire devient le premier maillon de la chaîne pénale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Dès lors, comme vient de le dire M. Peyronnet, si le maire n'agit pas, il sera loisible à certains de mettre en cause sa responsabilité d'une façon ou d'une autre, tant il est vrai que, dans les situations dont j'ai parlé, le bon ordre, la sécurité, la sûreté sont en jeu. Or de telles situations relèvent le plus souvent du code pénal, ou tout ou moins de sanctions.
Par conséquent, le maire devient le premier maillon de la chaîne pénale, ce qui, à nos yeux, constitue une grave erreur.
Autant il est nécessaire que le maire puisse jouer son rôle, autant il nous paraît dangereux de lui assigner une mission d'auxiliaire de la justice ou de la police, ce qui revient en réalité à faire de lui le premier maillon de la chaîne pénale.
J'ajoute que j'ai été très frappé par la déclaration faite à l'Assemblée nationale par M. Pierre Cardeau, maire de Chanteloup-les-Vignes.
M. Cardeau déclare ceci : « Le maire doit conserver une autorité bienveillante, car c'est le seul moyen qu'il a de rétablir le dialogue lorsque plus personne ne parle dans la commune et que tout risque de craquer. C'est pourquoi, et c'est cela qui m'inquiète, si le législateur, de façon un peu maladroite, confie au maire le pouvoir de rappel à l'ordre, je suis certain que d'autres seront très heureux de s'en débarrasser sur lui. Je ne voterai pas l'article 8 tel qu'il est actuellement rédigé. »
Tels sont les propos de M. Pierre Cardeau qui, bien que n'étant pas membre du parti socialiste, comme chacun le sait, voit bien où se situe le problème.
Mes chers collègues, ce qui est en cause dans ce texte - nous le voyons pratiquement à chaque article -, c'est de savoir si nous sommes oui ou non d'accord avec ce qui s'appelle la séparation des pouvoirs, avec la France et la République de Montesquieu,...
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Montesquieu doit se retourner dans sa tombe !
M. Jean-Pierre Sueur. ... ou si nous voulons aller vers la confusion des pouvoirs, système dans lequel tout le monde fait tout et n'importe quoi. Ainsi le maire sera-t-il chargé, entre autres choses, de faire un peu de justice, un peu de police, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'officier de police judiciaire...
M. Jean-Pierre Sueur. ... le reste relevant bien entendu du conseil général et de l'action sociale, de telle sorte que l'on ne saura plus qui fait quoi !
Pour notre part, nous préférons la République citoyenne de la séparation et de la distinction des pouvoirs à ce qui serait une nouvelle République, à savoir celle de la confusion des pouvoirs.
C'est la raison pour laquelle, madame la présidente, nous avons demandé un scrutin public sur l'amendement n° 147.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 47 rectifié, 116 et 147 n'ont plus d'objet.
Mme la présidente. L'article 8 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 9
Le code de l'éducation est ainsi modifié :
1° Après la deuxième phrase de l'article L. 121-1, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ils concourent à l'éducation à la responsabilité civique et participent à la prévention de la délinquance. » ;
2° L'article L. 131-6 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Afin de procéder au recensement prévu au premier alinéa et d'améliorer le suivi de l'obligation d'assiduité scolaire, le maire peut mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel où sont enregistrées les données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune, qui lui sont transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales ainsi que par l'inspecteur d'académie en application de l'article L. 131-8 et par le directeur ou la directrice de l'établissement d'enseignement en application du même article ainsi qu'en cas d'exclusion temporaire ou définitive de l'établissement ou lorsqu'un élève inscrit dans un établissement le quitte en cours ou en fin d'année.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les conditions d'application du troisième alinéa. Il précise la liste des données à caractère personnel collectées, la durée de conservation de ces données, les modalités d'habilitation des destinataires ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. » ;
3° L'article L. 131-8 est ainsi modifié :
aa) Au début du troisième alinéa, les mots : « L'inspecteur d'académie » sont remplacés par les mots : « Le directeur ou la directrice de l'établissement d'enseignement saisit l'inspecteur d'académie afin qu'il » ;
a) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le directeur ou la directrice de l'établissement d'enseignement saisit l'inspecteur d'académie afin que celui-ci adresse un avertissement aux personnes responsables de l'enfant, dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, il en informe le maire de la commune dans laquelle l'élève est domicilié. » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Il communique au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié.
« Les informations communiquées au maire en application du présent article sont enregistrées dans le traitement prévu à l'article L. 131-6. » ;
4° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 131-10, après les mots : « l'instruction dans leur famille », sont insérés les mots : «, y compris dans le cadre d'une inscription dans un établissement d'enseignement à distance, » ;
5° Après le premier alinéa du I de l'article L. 214-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il comporte des actions de formation et d'information destinées à favoriser leur insertion sociale. » ;
6° L'article L. 214-14 est ainsi rétabli :
« Art. L. 214-14. - Les Écoles de la deuxième chance proposent une formation à des jeunes de dix-huit ans à vingt-cinq ans dépourvus de qualification professionnelle ou de diplôme. Chaque jeune bénéficie d'un parcours de formation personnalisé.
« Ces écoles délivrent aux jeunes une attestation de fin de formation indiquant le niveau de compétence acquis de manière à faciliter leurs accès à l'emploi ou à une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles.
« Un décret, pris après avis du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, fixe les modalités d'application du présent article.
« Il définit les conditions dans lesquelles les Écoles de la deuxième chance sont habilitées, après avis du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle, à percevoir les financements de la formation professionnelle ou les versements des entreprises pouvant donner lieu à exonération de la taxe d'apprentissage. L'État et les régions apportent leur concours aux formations dispensées dans les conditions déterminées par convention. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 58, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer les 1° à 5° de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Les actes de violence à l'école, relayés par les médias, commotionnent notre société, parce qu'ils sont commis par des enfants envers d'autres enfants et qu'ils ne visent pas seulement l'autorité des parents ou des représentants de l'État. Cette violence constitue un fait de notre société ; elle ne fait que mimer ce que notre monde donne à voir et elle traduit la violence qui s'attache à nos relations sociales.
L'éducation nationale, qui se trouve visée par l'article 9 du projet de loi, a pour mission d'enseigner, de transmettre les savoirs et les connaissances. Elle ne peut pallier les défaillances de la politique sociale de l'État ou des services d'ordre.
Cet article rassemble l'ensemble des dispositions qui modifient le code de l'éducation afin de le rapprocher de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Il fait du fichier ou traitement automatisé de données à caractère personnel des enfants soumis à l'obligation scolaire un outil complémentaire des services de la police et de la gendarmerie nationales. Il transforme les articles L. 121-1, L. 131-6 et L. 131-8 du code de l'éducation en « antichambres » de l'article 21 de la loi pour la sécurité intérieure.
Monsieur le ministre, vous nous affirmez que ces dispositions permettront au maire de proposer des mesures d'accompagnement aux parents d'élèves absentéistes et aux mineurs portant atteinte à la tranquillité publique.
Toutefois, vous le savez, le renforcement des pouvoirs de contrôle du maire à l'égard des familles constitue un cadeau empoisonné : vous demandez à ces élus, qui sont responsables devant leurs administrés, de jouer à la fois la carte de la médiation et de la transaction façon « égalité des chances » et celle de la répression façon « sécurité intérieure ».
Cette mesure, comme d'autres dispositions de ce projet de loi d'ailleurs, apporte une réponse à court terme et à courte vue, en traitant seulement les symptômes du problème. Elle ne sert pas la politique de l'éduction et de la jeunesse et constitue encore moins un programme de société démocratique et cohérent. Aussi, mes chers collègues, nous vous demandons d'adopter cet amendement de suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 48, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Après le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 131-1 du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi rédigé:
« Art. L. ... - La formation professionnelle est obligatoire pour les mineurs des deux sexes, de nationalité française et étrangère de seize à dix-huit ans qui n'ont ni diplôme, ni qualification reconnue par l'État. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 148, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'article 9 du projet de loi modifie plusieurs articles du code de l'éducation. Certaines de ces dispositions sont purement symboliques, notamment celles qui concernent l'extension des missions dévolues à l'éducation nationale. D'autres se révèlent utiles, parce qu'elles confèrent une base législative aux écoles de la deuxième chance ; elles sont d'ailleurs issues d'un amendement qui a été voté dans cette enceinte.
En revanche, certaines mesures, qui visent à lutter contre l'absentéisme scolaire, sont plus contestables, non pas en leur principe, bien entendu, mais parce qu'elles autorisent le maire à mettre en place un fichier et tendent à renforcer les contrôles exercés sur les enfants qui reçoivent leur instruction de leur famille.
Nous pouvons nous interroger sur l'objectif qui est visé ici. Monsieur le ministre, parviendrons-nous à réduire l'absentéisme grâce à des fichiers informatiques, ou plutôt grâce au soutien scolaire, aux activités organisées après la classe ou à la scolarisation précoce ? Ces instruments ne seraient-ils pas plus efficaces pour éviter le décrochage scolaire, qui constitue souvent le premier signe de la délinquance et de la violence qui s'ensuit ?
Au contraire, le présent projet de loi tend à créer un fichier municipal, qui s'est d'ailleurs considérablement enrichi au cours de la navette.
En effet, ce fichier intègre désormais différentes listes : la liste des enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune, qui est transmise par les organismes chargés du versement des prestations familiales ; la liste des saisines de l'inspecteur d'académie - destinées à permettre à celui-ci d'adresser des avertissements aux personnes responsables de l'enfant -, qui est communiquée au maire par les directeurs d'établissement d'enseignement ; la liste des élèves domiciliés dans la commune et qui ont fait l'objet d'un avertissement pour défaut d'assiduité scolaire, qui est adressée au maire par les inspecteurs d'académie ; la liste des décisions d'exclusion temporaire ou définitive de l'établissement scolaire, ainsi que des cas d'abandon de la scolarité, qui est remise au maire par les directeurs d'établissement d'enseignement. Mes chers collègues, c'est tout, mais c'est déjà beaucoup !
Sans m'attarder sur les difficultés d'application de ce dispositif, qui représentera un coût important pour les communes, la mise en place de ce fichier est-elle vraiment opportune ? Je ne le crois pas.
En l'occurrence, le maire n'est pas responsable des dysfonctionnements qui sont constatés. Il ne peut se substituer à l'éducation nationale, qui demeure le principal acteur dans ce domaine. Le maire vit avec sa population, il en est le confident, il ne peut donc apparaître comme celui qui sanctionne.
Mme la présidente. L'amendement n° 149, présenté par M. Bockel, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du 2° de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Afin de pouvoir mettre en oeuvre l'accompagnement social éventuellement nécessaire, le maire peut également inclure dans ce traitement automatisé de données à caractère personnel les données à caractère personnel relatives aux enfants de plus de seize ans qui quittent le système scolaire qui lui sont transmises par l'inspecteur d'académie.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 58 et 148 ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression partielle. Elle considère, en effet, que si l'éducation nationale est chargée de transmettre les savoirs et les connaissances, il ne s'agit pas de son unique mission, et heureusement ! L'éducation nationale a - ou devrait avoir - bien d'autres objectifs et préoccupations.
De même, nous ne voyons pas en quoi la possibilité accordée aux maires de connaître la situation d'absentéisme scolaire des enfants présenterait un caractère répressif. C'est tout le contraire !
Nous voulons simplement permettre au maire, qui sera informé beaucoup plus rapidement de la rupture d'assiduité scolaire, d'adopter les mesures nécessaires afin que celle-ci soit aussi courte que possible et que la réintégration de l'élève dans le cycle scolaire intervienne dans les meilleurs délais. En outre, grâce à ce dispositif, le maire pourra le cas échéant prendre conscience des autres difficultés, peut-être plus graves encore, que connaît la famille.
Toutes ces dispositions sont dans l'intérêt des familles et des enfants. La commission souhaite donc les maintenir.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le 6° de cet article pour l'article L. 214-14 du code de l'éducation :
« Les Écoles de la deuxième chance proposent une formation à des personnes de dix-huit à vingt-cinq ans dépourvues de qualification professionnelle ou de diplôme. Chacune d'entre elles bénéficie d'un parcours de formation personnalisé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 6° de cet article pour l'article L. 214-14 du code de l'éducation, supprimer les mots :
aux jeunes
II. En conséquence, dans le même alinéa, remplacer le mot :
leurs
par le mot :
l'
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 27 décembre 2006, l'informant de l'adoption définitive des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
9955/02 COPEN 35 2059 : Initiative du royaume du Danemark en vue de l'adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de confiscation.
Adoption définitive le 6 octobre 2006.
COM (2004) 246 final 2635 : Proposition de directive du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (refonte) [Refonte de la sixième directive TVA 77/388/CE du Conseil du 15 mai 1977.]
Adoption définitive le 28 novembre 2006.
COM (2004) 470 final 2651 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant sur la mise en oeuvre d'un programme de soutien au secteur audiovisuel européen (MEDIA 2007).
Adoption définitive le 15 novembre 2006.
COM (2004) 471 final 2652 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme - Jeunesse en action - pour la période 2007-2013.
Adoption définitive le 15 novembre 2006.
COM (2004) 474 final : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d'action 2653 intégré dans le domaine de l'éducation et de la formation tout au long de la vie. [incluant en un seul et même programme l'ensemble des programmes européens existant dans le domaine de l'éducation et de la formation.] [Les évaluations antérieures figurent au document SEC (2004) 474.]
Adoption définitive le 15 novembre 2006.
COM (2004) 478 final 2667 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le deuxième programme Marco Polo pour l'octroi d'un concours financier communautaire visant à améliorer les performances environnementales du système de transport de marchandises (Marco Polo II).
Adoption définitive le 24 octobre 2006.
COM (2004) 488 final 2675 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme communautaire pour l'emploi et la solidarité sociale - PROGRESS.
Adoption définitive le 24 octobre 2006.
COM (2004) 628 final 2725 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant dispositions générales concernant la création d'un instrument européen de voisinage et de partenariat.
Adoption définitive le 24 octobre 2006.
COM (2004) 630 final 2727 : Proposition de règlement du Conseil instituant un instrument de stabilité.
Adoption définitive le 15 novembre 2006.
COM (2005) 121 final 2881 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013).
Adoption définitive le 24 octobre 2006.
COM (2005) 362 2945 : Proposition de directive du Conseil relative aux conditions de police sanitaire applicables aux animaux et aux produits d'aquaculture, et relative à la prévention de certaines maladies chez les animaux aquatiques et aux mesures de lutte contre ces maladies ; Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 90/424/CEE relative à certaines dépenses dans le domaine vétérinaire
Adoption définitive le 24 octobre 2006.
COM (2005) 673 final 3062 : Proposition de directive du Conseil relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs et de combustible nucléaire usé.
Adoption définitive le 20 novembre 2006.
SEC (2006) 760 final 3103-4 : Avant-projet de budget rectificatif n° 4 au budget général 2006. État général des Recettes.
Adoption définitive le 27 septembre 2006.
COM (2006) 146 final 3121 : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la Malaisie.
Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en oeuvre de l'accord conclu par la CE à l'issue des négociations menées dans le cadre du paragraphe 6 de l'article XXIV du GATT de 1994, et complétant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun .
Adoption définitive le 22 mai 2006.
COM (2006) 116 final 3131 : Proposition de règlement du Conseil relatif au glucose et au lactose.
Adoption définitive le 7 novembre 2006.
COM (2006) 162 3133 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) 2667/2000 relatif à l'Agence européenne pour la reconstruction.
Adoption définitive le 28 novembre 2006.
COM (2006) 243 final 3161 : Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil concernant la mise en oeuvre et les résultats du programme Périclès pour la protection de l'euro contre le faux monnayage.
Proposition de décision du Conseil modifiant et prorogeant la décision 2001/923/CE établissant un programme d'action en matière d'échanges, d'assistance et de formation pour la protection de l'euro contre le faux monnayage (programme Périclès).
Proposition de décision du Conseil étendant aux États membres non participants l'application de la décision 2006/.../CE modifiant et prorogeant la décision 2001/923/CE établissant un programme d'action en matière d'échanges, d'assistance et de formation pour la protection de l'euro contre le faux monnayage (programme Périclès).
Adoption définitive le 20 novembre 2006.
COM (2006) 207 final 3163 : Proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide financière exceptionnelle de la Communauté au Kosovo.
Adoption définitive le 30 novembre 2006.
COM (2006) 271 final 3174 : Proposition de règlement du Conseil instituant, à l'occasion de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, des mesures particulières et temporaires concernant le recrutement de fonctionnaires des Communautés européennes.
Adoption définitive le 28 novembre 2006.
COM (2006) 233 final 3182 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 104/2000 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture.
Adoption définitive le 28 novembre 2006.
COM (2006) 320 final 3188 : Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne. Actes de droit dérivé concernant l'euro et la Slovénie. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 974/98 concernant l'introduction de l'euro. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2866/98 concernant les taux de conversion entre l'euro et les monnaies des États membres adoptant l'euro.
Adoption définitive le 7 novembre 2006.
COM (2006) 410 final 3209 : Proposition de décision du Conseil autorisant certains États membres à appliquer un taux réduit de TVA sur certains services à forte intensité de main d'oeuvre conformément à la procédure prévue à l'article 28, paragraphe 6, de la directive 77/388/CEE.
Adoption définitive le 7 novembre 2006.
COM (2006) 377 final 3215 : Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un protocole modifiant l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part, sur un contingent tarifaire à l'importation de sucre et de produits à base de sucre originaires de la Croatie ou de la Communauté.
Adoption définitive le 13 novembre 2006.
COM (2006) 420 final 3217 : Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Roumanie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels
Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Roumanie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels - PECA -.
Adoption définitive le 20 novembre 2006.
COM (2006) 453 3225 : Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord entre la Communauté européenne et la République Gabonaise concernant la pêche au large du Gabon pour la période allant du 3 décembre 2005 au 2 décembre 2011.
Adoption définitive le 7 novembre 2006.
COM (2006) 433 3237 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) 639/2004 du Conseil relatif à la gestion des flottes de pêche enregistrées dans les régions ultrapériphériques.
Adoption définitive le 7 novembre 2006.
COM (2006) 544 final 3275 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 379/2004 par l'augmentation du volume des contingents tarifaires applicables à certains produits de la pêche pour la période 2004-2006.
Adoption définitive le 20 novembre 2006.
COM (2006) 598 final 3281 : Proposition de règlement du Conseil concernant l'importation de certains produits sidérurgiques originaires d'Ukraine.
Adoption définitive le 23 novembre 2006.
COM (2006) 680 3327 : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 234/2004 du Conseil imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Libéria et abrogeant le règlement (CE) n° 1030/2003.
Adoption définitive le 11 décembre 2006.
8
DÉPÔTs rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 décembre 2006
dépôt d'un projet de loi
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu, le 22 décembre 2006, de M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée.
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 143, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
textes soumis au sénat en application de l'article 88-4 de la constitution
M. le président du Sénat a reçu, le 26 décembre 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil prorogeant la décision 2000/91/CE du Conseil autorisant le Royaume du Danemark et le Royaume de Suède à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3367 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 26 décembre 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil autorisant l'Estonie, la Slovénie, la Suède et le Royaume-Uni à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 17, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3368 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 26 décembre 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à un accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne, d'une part, et le gouvernement du Danemark et le gouvernement autonome du Groenland, d'autre part.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3369 et distribué.
M. le Président du Sénat a reçu, le 27 décembre 2006, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil autorisant la République de Slovénie à ratifier, dans l'intérêt de la Communauté européenne, le Protocole du 12 février 2004 portant modification de la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3370 et distribué.
9
ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 10 janvier 2007 à quinze heures et le soir :
1. Désignation des membres :
- de la mission d'information commune sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver ;
- de la mission d'information commune sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle ;
2. Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 102, 2006-2007), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention de la délinquance.
Rapport (n° 132, 2006-2007) de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant l'article 77 de la Constitution (n° 121, 2006-2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 janvier 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 15 janvier 2007, à seize heures.
Projet de loi de modernisation du dialogue social, adopté par l'assemblée nationale, après déclaration d'urgence (n° 117, 2006-2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 16 janvier 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 16 janvier 2007, à onze heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé (n° 108, 2006 2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 janvier 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 16 janvier 2007, à dix-sept heures.
Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi portant création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de « La Défense », présentée par M. Roger Karoutchi (n° 140, 2006 2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 janvier 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 15 janvier 2007, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 10 janvier 2007, à zéro heure trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD