M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Comme vient de le rappeler M. le rapporteur général, cet amendement a pour objet d'égaliser les niveaux de dotation forfaitaires des collectivités, à la fois pour les communes, les départements et les régions, et de façon assez rapide en réalité, puisque la réforme proposée s'étalerait sur une période de cinq ans.
Monsieur Marc, premièrement, l'objectif de votre amendement n'est pas en soi illégitime. Il reprend le principe de la réforme de 2005, qui avait été lancée, vous vous en souvenez, par le Comité des finances locales.
Deuxièmement, en revanche, les modalités que vous retenez afin d'atteindre cet objectif posent problème. Je ne les énumérerai pas toutes, mais je vous en donnerai un ou deux exemples.
Tout d'abord, votre proposition revient en réalité à supprimer tout critère objectif dans la répartition de la dotation forfaitaire, ce qui signifie, si nous poussons jusqu'au bout votre raisonnement, que la population, par exemple, ne sera plus directement prise en compte pour le calcul de cette dotation.
Ensuite, votre proposition n'est pas compatible avec l'architecture de la dotation forfaitaire, élaborée en 2005 grâce au travail approfondi du Comité des finances locales.
Troisièmement, l'adoption de cette proposition risquerait a priori d'entraîner des pertes importantes pour de nombreuses collectivités. Les communes et les départements qui, historiquement, bénéficiaient d'une dotation supérieure à la moyenne pourraient voir leur budget fortement déstabilisé.
Le principe de la réforme mérite donc de faire l'objet d'une simulation et d'être analysé avec une très grande prudence. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. S'il est possible de discuter de ses modalités ou de contester le calendrier de cette proposition, l'idée de tendre vers une plus forte péréquation des ressources entre collectivités territoriales - vous l'avez d'ailleurs vous-même fait observer, monsieur le ministre - devrait rassembler l'ensemble du Sénat. Il en est question depuis plusieurs années, mais, à ce jour, les efforts restent infimes.
M'exprimant souvent sur ce problème, j'ai déjà rappelé le constat qu'avait dressé voilà deux ans un universitaire, spécialiste reconnu des finances locales, à l'occasion d'un colloque que j'avais organisé : « les écarts de pouvoir d'achat, par habitant, entre la commune la moins riche et la commune la plus riche vont de 1 à 8 500, avant tout système de péréquation. »
Certes, il ne faut pas prendre trop et trop vite aux riches, mais cette situation développe un sentiment d'injustice et une frustration profonde, puisque la seule péréquation initiée par l'intercommunalité est de type horizontal. En outre, les communes les plus riches y échappent en se regroupant en fonction de leurs ressources propres. Cet amendement présente donc l'avantage de nous confronter à la réalité.
Par ailleurs, depuis que ce débat a commencé, je remarque que les départements sont admirablement défendus par des collègues fort compétents et que les établissements publics de coopération intercommunale trouvent également des protecteurs. En revanche, les régions sont totalement absentes et les communes, petites et moyennes, ont complètement disparu de la discussion ! Quelle extraordinaire mutation de la part du Sénat !
En d'autres termes, les très grandes villes - celles qui bénéficient des dotations des communautés urbaines - se font entendre, pendant que la « piétaille » - les communes dont nous parlons sans arrêt, celles qui se heurtent à la réalité des problèmes et dont les maires font l'objet d'une sollicitation permanente et légitime de leur population, à laquelle ils ne peuvent d'ailleurs répondre - est totalement ignorée de la plupart des intervenants. C'est pourquoi j'ai tenu, lors de mon intervention à la tribune, à m'exprimer au nom de l'ensemble des communes.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous seriez bien inspirés, non pas d'approuver cet amendement - je n'en demande pas tant ! -, mais d'engager une réflexion pour que, rapidement, un large consensus permette d'engager la deuxième phase de la péréquation.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Monsieur le ministre, nous le constatons tous, il y a une carence dans la mise en application du principe constitutionnel, et un manque cruel se fait sentir dans l'action conduite ces dernières années en la matière.
C'est pour formaliser les modalités de la péréquation que nous avons estimé que la dotation forfaitaire incluse dans la DGF pouvait constituer une base de lissage et d'équilibrage entre les collectivités. Ce mécanisme n'est sans doute pas le seul possible, mais il s'inspire d'exemples étrangers probants. C'est pourquoi cette proposition mérite d'être étudiée et approfondie.
Monsieur le ministre, alors que tout le monde répète que le budget 2007 est stable par rapport à 2006, vous avez annoncé que la péréquation passait de 8 % à 15 %. Cette information extraordinaire a fait sursauter nombre de nos collègues, qui se sont demandé comment vous parveniez à ces chiffres. Chacun sait, en effet, que la péréquation s'établira sur des bases tout à fait identiques à celles de l'année dernière. Pouvez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet ?
Cet amendement, qui vise à apporter des améliorations, était un amendement d'appel ; je le retire au nom du groupe socialiste. Lorsque nous aurons l'opportunité de faire des simulations, probablement à partir des mois de mai et de juin prochains, nous posséderons des précisions bien plus fines concernant la réforme de la DGF.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Attention à Perrette et le pot au lait !
M. le président. L'amendement n° I-174 est retiré.
L'amendement n° I-175, présenté par MM. Angels, Haut, Miquel, Massion, Masseret et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Marc, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, il est inséré une phrase rédigée comme suit :
« Il est majoré des compensations perçues par chaque commune en contrepartie des exonérations prévues aux articles 1383 B, 1390 et 1391 du code général des impôts, au I de l'article 1414 du même code, des compensations versées en application du II de l'article 13 et du II de l'article 18 de la loi de finances rectificative pour 1982 (n° 82-540 du 28 juin 1982), et de la compensation prévue au IV bis de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986) et des montants correspondant à la compensation prévue au 2° bis du II de l'article 1648 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003). »
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. La loi de finances pour 2005 a réformé le mode de calcul de l'éligibilité aux principales dotations de l'État, en remplaçant le potentiel fiscal par le potentiel financier, qui, en plus du potentiel fiscal, intègre la dotation forfaitaire de la DGF.
Cette réforme, censée être plus juste et assurer une meilleure répartition des dotations de péréquation, n'a pas fini de démontrer ses effets pervers.
Ainsi, l'incorporation de la dotation de compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle dans le potentiel financier, qui est consécutive à son insertion dans la dotation forfaitaire des communes depuis 2004, déstabilise fortement les communes qui reçoivent, à ce titre, des dotations importantes.
En effet, les communes qui, avant la réforme de 1999, disposaient d'importantes bases salaires au titre de leur taxe professionnelle se trouvent injustement pénalisées, puisque la compensation reçue à ce titre majore fortement leur potentiel financier et empêche leur éligibilité aux dotations de péréquation.
Il nous semble donc nécessaire de rétablir l'équité dans le mode de calcul du potentiel financier. Pourquoi la compensation de la perte des bases salaires serait-elle comptabilisée au titre du potentiel financier, alors que les autres compensations d'exonérations fiscales ne le sont pas ?
Afin de corriger cette anomalie, cet amendement vise à intégrer dans le potentiel financier les compensations fiscales dont bénéficient les collectivités qui répondent à la même logique que la dotation de compensation de la suppression de la part salaires et qui n'ont pas de vocation péréquatrice. Ce faisant, le potentiel financier répondra plus précisément à sa vocation d'intégration des recettes fiscales ou de leur compensation, ainsi que des dotations forfaitaires dont disposent les collectivités.
À l'Assemblée nationale, l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » a donné lieu à un débat nourri sur la prise en compte des compensations fiscales et de la dotation de garantie dans le potentiel financier. Mais cela n'a abouti qu'à l'adoption d'un amendement de principe, qui, pour ce qui concerne la prise en compte des compensations fiscales, ne nous satisfait guère.
Pour balayer les propositions formulées, la majorité a adopté un article 51 sexies ainsi rédigé : « Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 30 juin 2007, un rapport présentant l'impact sur la dotation globale de fonctionnement des communes de l'éventuelle intégration des compensations d'exonérations fiscales dans le calcul du potentiel financier. Le rapport mesurera en outre l'impact de la non-prise en compte de la garantie de la dotation de base dans le calcul du potentiel financier, et celui qu'aurait l'application simultanée des deux mesures. »
Pour notre part, nous considérons que la prise en compte des compensations fiscales dans la dotation forfaitaire et donc dans le calcul du potentiel financier ne pose pas de difficulté et mérite d'être réglée avant la fin de la législature.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement intéressant. En effet, dès lors que le potentiel financier a pour objet de mesurer la richesse de la commune avant péréquation, on pourrait envisager d'y inclure de nouveaux éléments, en particulier les compensations fiscales.
Cependant, cet amendement ne peut être adopté dans l'immédiat. D'une part, aucune simulation n'a été entreprise. Il serait d'ailleurs utile, monsieur le ministre, que vos services évaluent, pour de futurs débats, la pertinence d'une telle formule. D'autre part, cela introduirait une complexité importante, sinon excessive, par rapport aux avantages attendus. En l'absence de projections, il est très difficile d'en juger.
C'est pourquoi, monsieur Angels, je suis moins sévère que vous à l'égard de l'initiative de nos collègues députés. Si le rapport qui doit être remis au Parlement avant le 30 juin prochain et qui doit étudier les impacts de l'intégration des compensations d'exonérations fiscales et de la non-prise en compte de la garantie de la dotation de base, présente les simulations nécessaires, nous serons en mesure de délibérer.
Je vous invite donc à ne pas faire preuve de trop d'impatience : ce sont des questions qui avancent à leur rythme. Ainsi, M. le ministre délégué au budget a fait tout à l'heure une annonce tout à fait inattendue sur la question de la taxe professionnelle de France Télécoms. Cela faisait quatre ans que nous en parlions ; les choses ont fini par évoluer.
M. François Marc. C'est l'approche des élections !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le rapport qui est prévu sera certainement utile et permettra d'envisager le sujet sous un meilleur éclairage. En attendant, monsieur Angels, la commission vous suggère de retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cet amendement tend à modifier le calcul du potentiel financier en incluant un certain nombre de compensations fiscales.
Comme M. le rapporteur général, j'en reconnais la pertinence. En effet, dans son principe, il s'inscrit tout à fait dans la logique du potentiel financier tel que voulu par le Comité des finances locales.
Comme M. le rapporteur général, je suis d'avis d'étudier de plus près à la fois les montants qui sont en jeu et l'impact que la mesure pourrait avoir sur la répartition des dotations de péréquation.
Un arbitrage doit être fait entre l'efficacité et l'exhaustivité. La répartition des dotations exige, notamment, que les données soient aisément disponibles et fiables.
À ce sujet, je vous indique, monsieur le rapporteur général, monsieur Angels, que, lors de l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », l'Assemblée nationale a adopté un amendement aux termes duquel le Gouvernement vous présentera, avant le 30 juin 2007, un rapport sur l'impact de l'intégration des compensations d'exonérations fiscales dans le calcul du potentiel financier sur la dotation globale de fonctionnement des communes. Cette remarque devrait répondre à votre préoccupation, monsieur le sénateur.
Concernant l'évolution de la péréquation, monsieur Marc, la loi de programmation pour la cohésion sociale conduit à une augmentation mécanique de la DSU et de la DSR dans des proportions beaucoup plus élevées. Ainsi, la DSU augmentera au minimum de 114 millions d'euros. Cela signifie que les progrès de la péréquation sont nettement plus importants que par le passé. Et cette constatation est objective.
Le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Angels, l'amendement n° I-175 est-il maintenu ?
M. Bernard Angels. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je vous remercie de reconnaître la pertinence de cet amendement. Bien entendu, je ne vais pas le maintenir, mais vous comprenez très bien qu'il s'agit d'un sujet important et qu'il faudra trouver une solution, car la situation actuelle n'est pas juste.
M. le président. L'amendement n° I-175 est retiré.
L'amendement n° I-176, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le quatrième alinéa de l'article L. 2334-18-2 du code général des collectivités territoriales est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Pour les années 2007 à 2009, les communes éligibles au titre de l'article L. 2334-16 dont la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune est inférieure à 5 % perçoivent une dotation calculée en application du présent article égale à la dotation perçue l'année précédente.
« Pour les années 2007 à 2009, les communes éligibles au titre de l'article L. 2334-16 dont la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune est comprise entre 5 % et 15 % perçoivent une dotation calculée en application du présent article égale à la dotation perçue l'année précédente, augmentée du taux d'évolution de l'indice des prix hors tabac.
« Pour les années 2007 à 2009, les communes éligibles au titre de l'article L. 2334-16 dont la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune est comprise entre 15 % et 20 % perçoivent une dotation calculée en application du présent article égale à la dotation perçue l'année précédente, augmentée de 5 %.
« Pour les années 2007 à 2009, les communes éligibles au titre de l'article L. 2334-16 dont la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune est supérieur à 20 % perçoivent une dotation calculée en application du présent article au moins égale à la dotation perçue l'année précédente majorée de 5 %. »
La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Cinq ans après le vote de la loi SRU imposant aux communes de disposer de 20 % de logements sociaux sur leur territoire, force est de constater la persistance de carences et la nécessité d'efforts accrus en la matière.
Il est donc urgent de trouver de nouveaux mécanismes, notamment financiers, pour encourager les communes à respecter leurs engagements en matière de logement social et pour sanctionner celles qui refusent délibérément de les honorer, en complément, naturellement, des pénalités financières existantes, qui restent cependant largement insuffisantes.
Pour cela, le présent amendement tend à mettre en place un mécanisme de modulation de la dotation de solidarité urbaine en fonction du pourcentage de logements sociaux dont dispose la commune, ce qui permettrait de majorer sensiblement le montant de la dotation perçue par les communes qui ont réalisé des efforts substantiels en la matière.
En effet, si la loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu une augmentation annuelle de la DSU de l'ordre de 120 millions d'euros entre 2005 et 2009, le dispositif actuel ne permet pas de traiter différemment les communes qui s'acquittent de leurs obligations légales et celles qui s'en dispensent, puisqu'il prévoit une augmentation minimale de 5 % du montant de la DSU perçue par chaque commune bénéficiaire.
Le dispositif que nous proposons aurait le double avantage d'être strictement incitatif et autofinancé, puisque seule la répartition de l'enveloppe globale de la DSU entre les communes bénéficiaires changerait. C'est pourquoi je souhaite, mes chers collègues, que vous adoptiez cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Schématiquement, cet amendement, assez complexe comme la matière dont il traite, vise à ce que les communes ayant moins de 20 % de logements sociaux voient le taux de leur DSU augmenter proportionnellement au nombre desdits logements et à ce que les communes ayant plus de 20 % de logements sociaux se partagent le solde de DSU restant, après le versement de ladite dotation.
Plus précisément, l'amendement prévoit que, pour les communes ayant moins de 5 % de logements sociaux, la DSU n'augmenterait pas.
M. Michel Sergent. . C'est cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour celles ayant entre 5 % et 15 % de logements sociaux, elle serait simplement indexée sur l'inflation. Pour celles ayant entre 15 % et 20 % de logements susvisés, la DSU augmenterait de 5 % par an, et les communes ayant plus de 20 % de logements sociaux se partageraient le reste de l'augmentation de cette dotation.
Je dois rappeler que les règles de répartition ont été tout récemment réformées par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005.
Chacun peut se faire son opinion sur ce sujet. Personnellement, je ne suis pas très neutre en la matière parce que ma commune possède 38 % de logements sociaux, ce qui entache mon avis d'une certaine partialité,... au demeurant plutôt sympathique.
M. François Marc. Vous seriez gagnant !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais l'amendement aurait pour effet de gêner les communes ayant actuellement peu de logements sociaux et faisant des efforts pour atteindre l'objectif de 20 %, ce qui entraînerait une stagnation de leur DSU.
Il convient également de noter que la DSU va augmenter de 120 millions d'euros par an...
Mme Marie-France Beaufils. De 114 millions d'euros !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ma chère collègue, je salue votre sens de la prévision. Mais nous sommes dans les mêmes ordres de grandeur.
Il est vrai que, pour les communes ayant le plus de logements sociaux, cet amendement apporterait un avantage important, historique, qui ne se compenserait que très lentement au fil du temps.
Monsieur le ministre, cela étant dit, il est exact que ce sont les communes qui ont le plus de logements sociaux qui supportent le plus de charges en matière d'intégration, d'action sociale. On peut comprendre l'inspiration de nos collègues. En l'espèce, la commission m'a chargé de recueillir l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. L'objectif des auteurs de l'amendement n° I-176 est de moduler concrètement la progression de la DSU pour les communes dont la proportion de logements sociaux est inférieure à 20 %.
Cet objectif peut paraître légitime, comme l'a indiqué M. le rapporteur général. Inciter les communes et leurs groupements à promouvoir le logement social va, naturellement, dans le bon sens et ce n'est pas le Gouvernement, qui a décidé la construction, entre 1997 et 2002, de 500 000 logements sociaux, soit le double des constructions réalisées au cours de la période précédente, qui pourrait dire le contraire.
Mais, monsieur le sénateur, le vecteur que vous proposez, à savoir la DSU, ne paraît pas très adapté. Le Comité des finances locales, dont vous connaissez la composition pluripartite, a indiqué très clairement, notamment lors de sa réunion du mois d'octobre, que ni la DGF dans son ensemble, ni les dotations de péréquation, en particulier la DSU, n'ont vocation à répondre à des politiques particulières. Il faut s'en tenir là, selon moi.
Je rappelle d'ailleurs qu'une pénalité est déjà prévue, dans le cadre de la loi SRU, pour les communes ou les groupements de communes qui n'atteignent pas le seuil de 20 % de logements sociaux. Je ne suis pas convaincu que l'idée, généreuse dans son principe, mais qui aboutirait, en réalité, à une double peine, réponde parfaitement à l'objectif recherché. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Un sénateur du groupe socialiste Pourquoi faut-il favoriser les plus riches ?
M. le président. Monsieur Sergent, l'amendement n° I-176 est-il maintenu ?
M. Michel Sergent. M. le ministre a parlé de pénalités, mais nos propositions ne sont que des incitations. Il n'est pas question de double peine. Le mot n'est pas adapté, me semble-t-il, puisqu'il s'agit d'une incitation pour faire en sorte que les communes qui respectent le mieux l'obligation de construire 20 % de logements sociaux perçoivent une dotation plus élevée.
J'ai pris note du fait que la commission émettait presque un avis de sagesse, tout en souhaitant connaître l'avis du Gouvernement. Il me semble que cette sagesse pourrait être partagée par l'ensemble de notre assemblée.
Naturellement, je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur le sénateur, votre intervention me fait venir à l'esprit une idée complémentaire qui va vous démontrer que votre démarche, juste dans son objectif, serait terriblement injuste dans ses effets, puisqu'elle ne s'appliquerait, par définition, qu'aux communes qui bénéficient de la DSU. En réalité, votre proposition d'incitation laisse de côté un grand nombre de communes et, a fortiori, celles qui ne perçoivent pas la DSU.
M. Michel Sergent. C'est un plus !
M. Michel Moreigne. C'est une discrimination positive !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous souscrivons à cette volonté de créer une mesure d'incitation pour que la loi SRU soit mieux appliquée, en particulier que le seuil de 20 % de logements sociaux soit mieux respecté. Nous voterons donc en faveur de l'amendement n° I-176.
Je voudrais cependant profiter de cette occasion pour attirer l'attention sur la difficulté que nous avons à mesurer l'impact des propositions qui sont faites. Nous manquons d'outils, au sein de la commission des finances, ce qui ne nous permet pas de travailler efficacement, y compris lors de l'élaboration des amendements.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Je voterai cet amendement par principe. Les propos de notre collègue me paraissent vraiment pertinents. Si l'on veut que la péréquation soit l'un des axes majeurs du budget des collectivités territoriales - et il faudra y arriver, quel que soit le gouvernement en place dans les années à venir -, il faut alors avoir une vision d'ensemble et jouer sur tous les leviers, ne pas sectoriser, disposer d'une véritable panoplie de critères. Il faut jouer sur la population, sur le nombre de logements sociaux, sur les recettes résultant de la taxe professionnelle.
Ce soir, nous fournissons des indications, nous lançons des signaux au Gouvernement, nous donnons matière à réflexion à l'ensemble de nos collègues. Mais nous ne sommes qu'au début d'une réflexion. Espérons simplement qu'elle ne sera pas trop tardive. Comme je le disais lors de la discussion générale, ne nous y trompons pas : les incidents, les événements très graves qui se sont produits dans les banlieues ont été les manifestations de situations désespérées dans certains sites géographiques. Mais une frustration de fond existe dans une majorité de collectivités.
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 12
M. le président. L'amendement n° I-79, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - En 2007, le montant de la dotation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est majoré de 3,5 milliards d'euros.
Cette majoration n'est pas prise en compte dans le montant de la dotation globale de fonctionnement pour l'application du I et du II de l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998).
II. - Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Les transferts de responsabilités et de compétences ont été multipliés ces dernières années en direction des collectivités territoriales. Malheureusement, les compensations financières n'ont pas suivi. Les départements, avec le transfert du RMI, après l'APA, puis les routes, en savent quelque chose.
Les compensations financières attribuées ont été particulièrement insuffisantes.
S'agissant des routes, les départements devaient donner un avis sans qu'un état des lieux ait été effectué sérieusement au préalable.
Beaucoup de départements ont dû faire face à des surcoûts dans la mesure où de nombre de ces routes, faute d'avoir fait l'objet de travaux au cours des dernières années, étaient mal ou insuffisamment entretenues. Cet exemple montre que, si les élus veulent assurer la continuité du service public, il leur faudra inéluctablement augmenter leurs dépenses.
Force est donc de constater que les ressources des collectivités locales ne progressent pas à la hauteur des besoins.
Au moment du transfert des routes, vous avez même suggéré que certaines d'entre elles pourraient être transférées vers les intercommunalités pour alléger les charges.
Les lois que vous avez fait voter, particulièrement la loi de finances pour 2006, concourent à diminuer les ressources fiscales de ces collectivités, notamment en raison du plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée. Et les artifices comptables des entreprises risquent d'accentuer cette réduction des recettes de taxe professionnelle.
Notre proposition de majorer le montant de la dotation forfaitaire à hauteur de 3,5 milliards d'euros permettrait de dégager une recette venant en quelque sorte compenser la perte de « pouvoir d'achat » de la DGF, laquelle, depuis 1993, n'évolue pas en fonction des besoins.
Les différents rapports montrent que les collectivités, qui se retrouvent aujourd'hui seules pour répondre aux sollicitations de leurs administrés, sont dans l'incapacité de le faire. Cette situation risque de s'aggraver, particulièrement pour les plus petites communes.
En effet, ces dernières bénéficient bien souvent de politiques départementales tendant à fournir des aides pour la réalisation de leurs projets. Or les coûts des transferts pour de nombreux départements ont amené les conseils généraux à réduire leurs politiques spécifiques. Ils deviennent de plus en plus des prestataires de service en lieu et place de l'État et n'assurent plus une part du rééquilibrage entre les territoires à l'intérieur de leur aire d'action.
Quant aux communes, il ne leur est plus possible de recourir aux augmentations d'impôts locaux, nos concitoyens supportant déjà de lourdes charges.
Cet amendement ne constituerait qu'une mesure de justice fiscale et sociale. Une telle dotation, unique moyen de financement pour les plus petites communes, mérite donc d'être abondée comme nous le proposons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement me laisse presque sans voix ! (Rires sur les travées de l'UMP.) Son coût est de 3,5 milliards d'euros, et le gage, c'est l'impôt sur les sociétés ! De mon point de vue, on ne peut faire pire !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'avis de la commission semble plutôt défavorable. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Madame Beaufils, même si je ne suis pas aussi entier que le rapporteur général dans son expression, je le rejoins sur le fond.
J'ai eu l'occasion d'indiquer tout à l'heure que le Gouvernement avait déjà fait un effort substantiel avec la reconduction du contrat de croissance. Je vous rappelle que nous avons déjà ajouté 987 millions d'euros. Il paraît difficile d'aller plus loin. Pour ces raisons, le gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. On nous dit toujours que c'est impossible !
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, j'ai de bonnes lectures : le rapport de l'Assemblée nationale, notamment l'état récapitulatif des émissions, des compensations et des dégrèvements de taxe professionnelle, indique qu'il existe une cotisation minimale de taxe professionnelle.. En 2004, M. Mercier, dans son rapport, nous en avait fort judicieusement indiqué le montant global. Malheureusement, il ne l'a plus fait par la suite, et c'est dommage parce que c'est un chiffre très intéressant.
Pour 2007, la prévision de cotisation minimale représente une somme de 2,3 milliards d'euros. Or, contrairement à ce que croient les responsables de toutes les entreprises qui paient cette taxe professionnelle, cet argent n'ira pas dans les caisses des collectivités territoriales.
Quand on demande une augmentation des dotations en direction des collectivités territoriales, on ferait bien de s'intéresser aussi aux ressources que l'État perçoit de la part des entreprises via la taxe professionnelle, en plus de l'impôt sur les sociétés !
M. le président. L'amendement n° I-81, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les cinq premiers alinéas de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« L'indice synthétique de ressources et de charges mentionné à l'article L. 2334-16 pour les communes de 10.000 habitants et plus constitué est constitué :
« 1° Du rapport entre le potentiel fiscal par habitant des communes de 10.000 habitants et plus et le potentiel fiscal par habitant de la commune, tel que défini à l'article L. 2334-4 ;
« 2° Du rapport entre la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune et la proportion de logements sociaux dans le total des logements des communes de 10.000 habitants et plus ;
« 3° Du rapport entre la proportion de logements définis au sens des dispositions du chapitre 1 du titre 3 du Livre 3 du code de la santé publique et le nombre global de logements de la commune ;
« 4° Du rapport entre la proportion du total des bénéficiaires d'aides au logement, y compris leur conjoint et les personnes à charge vivant habituellement dans leur foyer, dans le nombre total de logements de la commune et cette même proportion constatée dans l'ensemble des communes de 10 000 habitants et plus ;
« 5° Du rapport entre le revenu moyen par habitant des communes de 10 000 habitants et plus et le revenu par habitant de la commune, calculé en prenant en compte la population définie au premier alinéa de l'article L. 2334-2 et, pour 2000 et 2001, aux troisième et quatrième alinéas du même article. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. De notre point de vue, la dotation de solidarité urbaine ne tient pas suffisamment compte de la réalité sociale de nos villes et, de ce fait, ne réduit pas les inégalités entre territoires comme il conviendrait selon nous de le faire.
Il suffit d'observer la manière dont nos villes sont structurées pour se rendre compte que les différences sont flagrantes. Si elles sont aussi vives, c'est bien parce que les moyens mis oeuvre ne sont pas les mêmes sur tous les points de notre territoire. Certains de nos quartiers ont accumulé de tels retards qu'ils exigent un effort de grande ampleur. Nous avons, à maintes reprises, fait allusion ici même aux trop grands déséquilibres existants entre individus et entre territoires.
L'amendement que nous présentons porte sur l'indice synthétique de détermination de la dotation de solidarité urbaine. Il tend à tenir compte de ces disparités pour déterminer de nouvelles règles quant à son calcul.
Les critères retenus aujourd'hui ne garantissent pas, à eux seuls, la pertinence du calcul. Certes, la densité de population a son intérêt, mais il faudrait également appréhender la proportion de logements sociaux, ainsi que la moyenne du niveau de vie de ses habitants ; cela pourrait nous permettrait d'apprécier les besoins réels de la population et donc les obligations des communes concernées.
Le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles indique dans son introduction que, « sur la période 2003-2005, la plupart de ces indicateurs n'attestent pas une réduction des inégalités entre les ZUS et leurs villes d'appartenance. [...] On constate même le creusement d'écarts entre les quartiers classés en ZUS et les autres quartiers des agglomérations auxquelles ils appartiennent. »
Cette analyse, alors même qu'elle est issue d'un organisme dépendant d'un ministère, montre une fois de plus que votre politique générale a des effets négatifs sur les plus pauvres puisque leur situation se trouve aggravée.
On voit bien que la dotation de solidarité urbaine n'est pas un outil de financement suffisant pour mener une action à la hauteur des besoins des quartiers sensibles de nos banlieues qui souffrent.
Par ailleurs, comment se fait-il que des communes qui ne respectent pas les dispositions de la loi SRU soient attributaires de la dotation de solidarité urbaine, ce qui va manifestement à l'encontre de son objectif initial ?
La révolte des banlieues ne vous a même pas incités à prendre les mesures des réalités ! Vous laissez les situations pourrir, comme si vous escomptiez tirer profit du mal-être des plus pauvres.
Nos quartiers ont besoin de considération, pas seulement dans les discours, mais surtout dans des actes. L'unique réponse que vous sachiez apporter, par l'intermédiaire de votre ministre de l'intérieur, c'est une répression accrue. La police est la seule présence de l'État que notre jeunesse connaît concrètement, avec l'école qui essaie encore de se maintenir. Toutefois, les baisses de moyens en postes d'enseignants dans les ZEP, où les effectifs par classe sont tout juste un peu plus faibles, témoignent de l'insuffisance de la prise en compte des situations.
L'action de prévention judiciaire de la jeunesse est toujours entravée par le manque de personnels sur le terrain. Les associations mobilisées dans la prévention et l'accompagnement des familles reçoivent de moins en moins d'aides.
Ce qu'attendent les habitants de ces quartiers, c'est une politique qui mette fin à la misère ; votre politique, malheureusement, ne fait que l'entretenir voire, pis encore, l'aggraver. Notre amendement vise donc à assurer une meilleure solidarité avec les communes concernées, par le biais de la DSU dont les critères devraient être améliorés.