compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Communication relative à une commission mixe paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
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DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le premier rapport présentant, pour chaque département, les dépenses relatives au revenu minimum d'insertion et au contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, ainsi que les effectifs des bénéficiaires de ces dispositifs, en application de l'article 50 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires sociales.
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candidature à un ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de la société Réseau France Outre-mer.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Adrien Giraud pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
5
Législation funéraire
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission
Ordre du jour réservé
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur relative à la législation funéraire et sur la proposition de loi M. Jean-Pierre Sueur, Mme Jacqueline Alquier, M. Bernard Angels, MM. Bertrand Auban, Jean-Pierre Bel, Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, M. Yannick Bodin, Mme Yolande Boyer, M. Didier Boulaud, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Nicole Bricq, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Roland Courteau, Yves Dauge, Jean-Pierre Demerliat, Claude Domeizel, Bernard Frimat, Jean-Pierre Godefroy, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Serge Lagauche, André Lejeune, Louis Le Pensec, Roger Madec, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Jean-Pierre Michel, Jean-Marc Pastor, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Mme Gisèle Printz, MM. Daniel Reiner, Jacques Siffre, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, M. Michel Teston, Mme Dominique Voynet et M. Richard Yung sur le statut et la destination des cendres des personnes dont le corps a fait l'objet d'une crémation (nos 386, 375, 464, 2004-2005).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner en première lecture les conclusions de sa commission des lois sur les propositions de loi n° 464 sur le statut et à la destination des cendres des personnes dont le corps a fait l'objet d'une crémation et n° 375 relative à la législation funéraire, présentées par M. Jean-Pierre Sueur et inscrites à l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée en application du troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution.
Ces deux propositions sont le fruit de l'engagement personnel et de la réflexion approfondie sur ces questions de notre collègue, qui fut le promoteur de la loi du 8 janvier 1993, laquelle a mis fin au monopole communal en matière d'organisation des obsèques et incontestablement permis la modernisation du service extérieur des pompes funèbres.
Ces dernières années, les pratiques funéraires connaissent de profondes mutations avec le développement important de la crémation et des contrats en prévision d'obsèques. La pratique de la crémation a en effet fortement progressé. Elle concernait moins de 1% des décès en 1980, 10 % en 1993 et 23,5 %, soit près d'un quart, en 2004.
La crémation figure aujourd'hui dans les intentions de près de la moitié des souscripteurs de contrats en prévision d'obsèques, plusieurs dizaines de milliers de nouveaux contrats étant signés chaque année.
Des réformes récentes, la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit et l'ordonnance du 28 juillet 2005 relative aux opérations funéraires prise sur son fondement, se sont efforcées de prendre en compte ces évolutions. La première a encadré les contrats en prévision d'obsèques en exigeant des devis détaillés et en permettant au souscripteur de changer aussi bien d'obsèques que d'opérateur funéraire, tandis que la seconde a prévu des mesures de simplification administrative et précisé la destination des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation.
Malgré ces différentes avancées, des aménagements importants demeurent nécessaires et peuvent s'ordonner autour de quatre préoccupations : garantir la qualité des opérateurs funéraires ; renforcer la protection des familles ; apporter une réponse adaptée au développement très rapide de la pratique de la crémation ; revoir la conception et la gestion des cimetières.
Les conditions d'habilitation, liées à des critères stricts de technicité, de moralité et de nationalité, s'avèrent largement impuissantes à garantir la qualité des opérateurs funéraires, dont il semble nécessaire d'exiger des assurances plus concrètes de professionnalisme en développant la formation et en créant des diplômes pour chacun des métiers relevant du domaine funéraire.
C'est d'autant plus important que, par l'allégement des contrôles et la limitation des autorisations administratives, nous donnons davantage de responsabilités aux opérateurs, ce qui exige de pouvoir leur faire totalement confiance.
La transparence des prix est également insuffisante. Les familles endeuillées, souvent vulnérables, ne sont pas en mesure de comparer les devis des différents opérateurs, et leurs démarches sont encore compliquées par des régimes d'autorisations préalables et de vacations funéraires dont la multiplicité n'a d'égale que l'inefficacité.
Le développement de la crémation invite à s'interroger sur le statut des cendres et à remettre en question le caractère simplement facultatif de la création d'équipements cinéraires par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale.
Enfin, la réaffirmation de la conception du cimetière communal laïc et public semble s'imposer afin d'éviter la coexistence de sites cinéraires pour tous et de sites délégués offrant des options peut-être plus nombreuses et mieux étudiées mais à un prix supérieur pour les familles. La rue qui mène à nos cimetières communaux ne porte-t-elle pas souvent le nom de « rue de l'égalité » et n'est-il pas à la fois opportun et chargé de symbole d'y préserver cette fraternité des défunts au-delà des clivages de toutes sortes qui ont pu opposer les vivants ? Comment ne pas penser en outre qu'il est urgent de promouvoir l'esthétique des cimetières et de préserver ces lieux de recueillement de l'affligeante laideur qui en caractérise malheureusement aujourd'hui le plus grand nombre ?
En octobre dernier, la commission des lois, sur l'initiative de son président Jean-Jacques Hyest, décidait de confier à deux de ses membres issus de l'opposition et de la majorité, Jean-Pierre Sueur et moi-même, une mission d'information sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire.
Au terme d'une quarantaine d'auditions, cette mission formulait vingt-sept recommandations destinées à assurer la sérénité des vivants et le respect des défunts, titre que nous avons donné à notre rapport et qui reflète la constante préoccupation de notre démarche. La commission des lois a adopté, le 31 mai dernier, l'ensemble de ces recommandations, dont vingt-deux relèvent, au moins en partie, de la compétence du législateur et sont intégralement reprises dans la proposition de loi n°375.
C'est bien évidemment une satisfaction supplémentaire que de voir une première lecture devant le Sénat intervenir aussi rapidement et un partenariat étroit et fructueux se nouer avec le Gouvernement, par votre intermédiaire, monsieur le ministre, laissant espérer un aboutissement législatif de nos travaux avant la Toussaint 2006.
Je sais bien qu'un certain nombre de points nous opposent encore, même si la commission des lois a donné un avis favorable, lors de sa réunion d'hier, à bon nombre d'amendements du Gouvernement, mais je suis convaincu que l'état d'esprit qui nous anime les uns et les autres permettra de mettre à profit la procédure législative pour faire converger nos positions.
Il est vrai qu'un certain nombre de réformes que nous proposons bouleversent l'état actuel du droit.
Je n'en veux pour preuve que le statut des cendres. À partir du moment où nous considérons que les cendres des personnes dont le corps a donné lieu à crémation ne sont pas de simples choses, mais doivent être traitées avec respect, dignité et décence, il devient incontournable de mettre fin aux nombreuses dérives auxquelles nous assistons aujourd'hui et d'interdire tant leur appropriation privative que leur partage.
Si le Parlement accepte de nous suivre, chacun - famille, proches, amis - pourra aisément se recueillir devant les restes d'une personne décédée ou en face du lieu où ses cendres auront été dispersées, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Par ailleurs, nous ne vous proposerons pas de légiférer sur deux questions importantes qui mériteraient cependant une vaste réflexion ainsi que des adaptations de notre droit, celles des carrés confessionnels et du statut des foetus et enfants mort-nés au regard de l'acte d'enfant sans vie.
Lors de son audition par la mission d'information sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire, le vice-président du Conseil français du culte musulman, Fouad Alaoui nous a appris que 80 % des corps des personnes de confession musulmane décédées dans notre pays, un nombre croissant d'entre elles ayant pourtant la nationalité française, étaient expatriés vers le pays d'origine de leurs familles, faute notamment de carrés confessionnels en nombre suffisant. C'est une évidence que de constater que cette expatriation ne favorise guère l'intégration des populations concernées.
Ce problème était évoqué en ces termes en avril 2003 par Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, lors du vingtième rassemblement de l'Union des organisations islamiques de France. Je le cite : « Je pense encore au problème des carrés musulmans dans les cimetières qui suppose que vous puissiez définir avec les maires ces emplacements. Chacun doit pouvoir enterrer ses morts, les prier, les honorer, les aimer dans le respect des religions et de sa culture. Devant la mort, nous sommes tous égaux. La peine d'un musulman est la même que celle d'un catholique, d'un juif ou d'un protestant. » Le ministre de l'intérieur a d'ailleurs créé une commission chargée de mener une réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics, qui abordera largement cette question.
Pour notre part, nous appelons à l'approfondissement du dialogue avec les maires et affirmons notre conviction que la tolérance, fille de la laïcité, devrait amener à faciliter les regroupements confessionnels au sein des cimetières.
C'est aussi le point de vue de la commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, présidée par Bernard Stasi, lorsqu'elle indique dans son rapport de 2003 que « la laïcité ne peut servir d'alibi aux autorités municipales pour refuser que des tombes soient orientées dans les cimetières ».
Quant à l'humanisation de la prise en charge des morts périnatales, si nous y sommes bien évidemment favorables, il nous semble nécessaire d'avancer avec beaucoup de prudence, afin d'éviter l'octroi d'un statut juridique au foetus qui risquerait de rejaillir sur d'autres législations, comme la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse.
Enfin, monsieur le ministre, nous nous permettons de vous inviter à un examen rapide des recommandations de la mission d'information revêtant un caractère réglementaire et, tout spécialement, de notre souhait de voir publiée rapidement une circulaire d'application des dispositions de la loi du 9 décembre 2004 encadrant le recours aux contrats en prévision d'obsèques.
Permettez-moi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de citer en ultime conclusion et de mémoire, mais je pense sans en déformer les propos, le général de Gaulle, lorsqu'il écrivait : « Que demander à Notre- Dame la France, si ce n'est que, le jour venu, elle nous ensevelisse dans sa bonne et sainte terre. » Les temps ont certes quelque peu changé, mais l'ardente recherche de sérénité des vivants, ceux qui croient au ciel et ceux qui n'y croient pas, se nourrira toujours du respect des défunts. C'est ce à quoi nous tentons modestement de contribuer aujourd'hui. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet sur lequel nous sommes appelés à débattre aujourd'hui n'est pas un sujet ordinaire. Il est technique, il est juridique. Parler de la mort, de ce qui est prévu autour de la mort relève de cette rationalité, évoquer les aspects perfectibles de ce qui est une réalité quotidienne, également. Parler de la mort, de sa perception, par soi-même, par ses proches, c'est aussi aborder d'autres rives, personnelles, intimes, éminemment subjectives.
S'attacher à légiférer dans ce domaine exige d'avoir à l'esprit, à chaque mesure envisagée, l'équilibre nécessaire entre l'encadrement des pratiques funéraires, des opérations entourant le décès et le respect de chacun.
À ce titre, le travail engagé par MM. Sueur et Lecerf mérite une attention toute particulière : en tant que tel, j'y reviendrai, et en tant qu'ajout substantiel à la réflexion sur un sujet de société, sur un mystère et un événement familier dont la caractéristique est de ne laisser personne indifférent.
Comme l'écrivait Maurice Merleau-Ponty, « on ne fera pas que l'homme ignore la mort ».
Le droit funéraire connaît un champ vaste.
Traité par le ministère de l'intérieur, il est décliné au niveau communal, consacrant un rôle essentiel au maire. Il concerne la police des funérailles et des lieux de sépulture, les cimetières, les opérations funéraires. Il touche également à la liberté des funérailles, au choix de son propre mode de sépulture.
Le législateur peut naturellement s'atteler à des réformes ponctuelles, liées à une actualité, ou à des réformes structurelles, liées à l'évolution de la société.
La proposition que vous soumettez au débat, monsieur Sueur, participe de ces deux approches. Votre rapport d'information mené avec M. Jean-René Lecerf sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire l'a parfaitement préfigurée avec un travail de synthèse remarquable.
Elle tend à répondre aux préoccupations réelles des familles et des professionnels du funéraire, mais également à s'adapter à une mutation profonde observée dans le choix des funérailles. Comme il l'a été dit, le choix de l'incinération connaît une croissance constante, forte, exponentielle, passant de 1 % des décès au début des années quatre-vingt à près de 25 % aujourd'hui, et les estimations s'orientent vers 40 % dans les prochaines années. La comparaison, notamment avec les pays nordiques et anglo-saxons, démontre que cette tendance est forte.
Cette proposition de loi s'articule autour de cinq chapitres.
Le premier porte sur le renforcement des conditions d'exercice de la profession d'opérateur funéraire. Le deuxième est consacré à la simplification et à la sécurisation des démarches des familles. Le troisième est relatif au statut et à la destination des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation. Le quatrième concerne la conception et la gestion des cimetières. Enfin, le cinquième traite de dispositions diverses et transitoires.
Prenant la mesure des préoccupations des familles endeuillées et de la profession, le Gouvernement a engagé une réforme, dont les premiers jalons ont été posés l'année dernière. Il a, en outre, agi dans le domaine de l'incinération, dont il a constaté qu'il était peu couvert par le droit. La destination des cendres des personnes décédées a été le cadre de ses propositions.
J'évoquerai cette action du Gouvernement avant de revenir au texte dont nous discutons aujourd'hui.
Une réforme du droit funéraire a d'ores et déjà été engagée au cours de l'année 2005. Assez vaste, elle dépasse le seul champ de la destination des cendres. Ce sujet est toutefois au coeur du dispositif.
Pour résumer, les objectifs de la réforme sont triples et recoupent les chapitres de la proposition de loi soumise au débat. Il s'agissait, tout d'abord, de simplifier les procédures, à l'évidence très pénibles pour les familles touchées par un deuil, puis d'offrir un cadre juridique sécurisé et, enfin, de garantir le respect d'un certain nombre de principes auxquels nous sommes particulièrement attachés.
S'agissant de la simplification du droit funéraire et la destination des cendres, le Gouvernement a pris une ordonnance, publiée le 28 juillet 2005, relative aux opérations funéraires, sur le fondement de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit.
La responsabilisation des opérateurs funéraires a été renforcée. Le préfet qui délivre les habilitations a désormais le pouvoir de sanctionner, par la suspension ou le retrait de l'habilitation, tout manquement à l'ensemble des dispositions du code général des collectivités territoriales, et non plus seulement à tout manquement au respect des dispositions spécifiques de ce code que sont les règles applicables en matière d'habilitation.
En somme, le champ de l'intervention du préfet s'est beaucoup accru et il pourra dorénavant suspendre une habilitation du fait, par exemple, d'un manque flagrant de décence du personnel d'un opérateur funéraire.
L'ordonnance a également substitué à la procédure de commodo et incommodo, obsolète, le régime général de la procédure d'enquête publique pour la création et l'agrandissement des crématoriums.
Ce texte a par ailleurs montré la voie d'un encadrement juridique du lieu de destination des cendres, dans le souci de mettre fin à des pratiques ne garantissant pas la pérennité de la conservation des cendres des corps des personnes incinérées, tout en offrant aux familles davantage de lieux d'accueil des urnes et de dispersion des cendres.
Le Gouvernement a également élaboré un projet de décret de simplification des procédures administratives liées aux opérations funéraires, en substituant au régime des autorisations délivrées par le maire aux opérateurs funéraires en vue de la réalisation d'opérations consécutives au décès un régime de déclarations préalables.
L'objectif, triple, vise un assouplissement de la procédure, un allégement de la charge pour les opérateurs et une meilleure efficacité. Cet allégement se double d'une sécurité accrue pour les familles, puisqu'il a pour corollaire le renforcement de la responsabilité des opérateurs habilités, tel que prévu par l'ordonnance que j'ai citée.
C'est également au niveau réglementaire qu'a été abordée la réforme des vacations, dans l'objectif d'une réduction importante de celles-ci, en limitant les opérations de surveillance donnant lieu à ces vacations à celles obéissant à des motifs d'ordre ou d'hygiène publics. La réforme a également pour objet de réduire les disparités du montant des vacations observées d'une commune à une autre. Chacun a des exemples à l'esprit.
Par ailleurs, en ce qui concerne les questions cinéraires, le Gouvernement a élaboré un projet de décret relatif à la destination des cendres. Ce projet est parti d'un constat personnel d'exemples concrets de dérive face à la hausse de la crémation dans notre pays.
Sans être exhaustif, j'en citerai quelques-uns, connus de tous : des urnes retrouvées dans des décharges publiques ou sur la plage, des conflits douloureux et exacerbés sur la garde de l'urne du fait des transmissions de générations et des modifications de structures familiales. Ces situations ne peuvent qu'être déplorées. Elles sont aussi choquantes, car elles soulignent ponctuellement une négligence, voire un désintérêt total pour le souvenir du défunt. Loin d'être passif, ce désintérêt se traduit par un abandon du souvenir d'une manière radicale, d'ailleurs totalement contraire à la décence due aux morts, pourtant très prégnante dans notre pays. Ces situations sont, à ce titre et fort heureusement, encore marginales, mais il appartient aux pouvoirs publics d'anticiper ce mouvement et de contrer ce qui pourrait être un comportement plus systématique.
Le droit funéraire ne prévoit aujourd'hui qu'un encadrement minimal de la crémation et de la destination des cendres, car la hausse de la crémation, comme mode de sépulture au même titre que l'inhumation, est aussi flagrante que récente.
Le principe qui prévaut est la liberté de choisir son mode de sépulture, qui relève soit de l'inhumation, soit de la crémation. Sans cette liberté attestée, la crémation n'est pas possible. Cette liberté première a pour liberté dérivée la libre disposition des cendres du défunt, par la famille ou toute personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles.
Cela signifie concrètement que l'urne contenant les cendres peut être déposée dans une sépulture, dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire, mais elle peut aussi être déposée dans une propriété privée. Les cendres peuvent être dispersées en pleine nature. La seule exception est qu'elles ne peuvent pas être dispersées sur la voie publique.
La disposition illégale des cendres est actuellement constitutive d'une infraction pénale. Mais, comme la liberté quasi totale est la règle, les illégalités sanctionnées ne correspondent pas aux situations anormales que j'ai évoquées à l'instant.
Le rôle des pouvoirs publics face à ce constat préoccupant est, dès lors, essentiel.
La réflexion du Gouvernement s'est inspirée, dans ce domaine, du droit comparé qui connaît de fortes disparités, privilégiant tantôt un régime libéral tantôt un encadrement d'un degré élevé, tantôt encore un aménagement de la disposition des cendres. Cependant, il est de fait - je pense que nous serons tous d'accord sur ce point - que les pays dans lesquels on observe un taux élevé de crémations ont plutôt adopté des régimes plus stricts que le nôtre.
J'ai, personnellement, mené des consultations - à l'instar de la commission des lois du Sénat - sous forme d'entretiens bilatéraux, non seulement avec les représentants des principales religions, allant du bouddhisme au catholicisme, mais aussi, à l'instar de M. Sueur, avec les associations de libres penseurs.
Il ressort de ces travaux le nécessaire pragmatisme, c'est-à-dire l'équilibre subtil, qui doit sous-tendre l'encadrement d'un sujet touchant tant aux libertés qu'à la décence et à l'ordre public. Il s'agit, en d'autres termes, de parvenir à une synthèse indispensable des différentes sensibilités morales et religieuses qui rendent ce débat, à l'évidence, tout à fait passionnant.
Offrir un cadre juridique sécurisé à la destination des cendres est une volonté partagée par l'ensemble des interlocuteurs que j'ai consultés, et même d'ailleurs par ceux des représentants de certaines religions qui se sont montrés réservés au sujet de la crémation elle-même.
S'agissant de la création de nombreux sites cinéraires, la question s'est posée de savoir si une telle structure pouvait être privée ou, en d'autres termes, si la crémation allait connaître un régime diamétralement opposé à celui de l'inhumation. Le juge a récemment estimé qu'un site cinéraire privé n'était pas légal.
Il a ainsi rejoint très concrètement les préoccupations du Gouvernement consistant à ne pas laisser se développer différents types d'initiatives, pouvant aller jusqu'à des entreprises à finalité exclusivement commerciale.
Dans le domaine funéraire, le respect de la volonté du défunt, tout comme l'implication indispensable de la sphère publique, nécessite un équilibre. Dans le projet de décret, le régime général applicable aux cendres en l'absence de volonté du défunt est l'inhumation, le dépôt ou la dispersion dans un lieu placé sous la responsabilité effective de la collectivité publique. En revanche, lorsque cette volonté est attestée, les cendres du défunt peuvent être conservées au sein de la famille ou dispersées.
À cet égard, je voudrais vous rappeler, monsieur Sueur, que cette approche a connu un large consensus lors des consultations qui ont pu être menées, consensus dont j'ai pris connaissance oralement, dans un premier temps, et qui m'a été confirmé par écrit ; je suis d'ailleurs tout à fait en mesure de vous apporter les témoignages des associations à ce sujet, si vous le souhaitez.
Avec les dispositions de l'article 14 de la présente proposition de loi, le Sénat envisage de limiter cette liberté. Or je crains que cela ne remette en cause le consensus auquel nous étions parvenus ; mais je serai très attentif aux différents arguments qui seront avancés.
C'est dans ce contexte général d'action et compte tenu de ces éléments que je me propose, au nom du Gouvernement, de débattre avec vous, mesdames, messieurs, de la présente proposition de loi.
Ce texte, dans son esprit, en ce qu'il rejoint largement les préoccupations du Gouvernement, suscite une approche ouverte et constructive. Nous avons eu l'occasion de nous en entretenir, d'une part, avec Jean-René Lecerf et, d'autre part, de manière plus laconique, avec Jean-Pierre Sueur, voilà quelques jours, à l'occasion de la réunion de l'Assemblée des maires du Loiret. Il permet, par la voie législative, d'aller au-delà de ce qu'aurait permis la voie réglementaire.
Sans préjuger le résultat, l'action engagée par le Gouvernement s'en trouvera confortée, non seulement sur les sujets sensibles que sont la destination des cendres et la réforme des vacations, mais également sur des sujets véritablement innovants, tels que l'aménagement des cimetières.
Cela étant dit, la proposition de loi soulève des interrogations, voire quelques divergences de vues, qui méritent d'être discutées au fond. Je me réjouis à ce titre que le débat parlementaire permette un échange de vues.
Sans détailler la position du Gouvernement - nous y reviendrons lors de l'examen des articles - je souhaiterais d'ores et déjà évoquer les mesures contenues dans les chapitres susmentionnés qui emportent l'adhésion, même sous réserve de quelques modifications.
S'agissant du renforcement des conditions d'exercice de la profession d'opérateur funéraire, le Gouvernement est favorable à l'accroissement de la qualification des agents funéraires, dans la mesure où le bénéfice d'exigences nouvelles ira aux familles endeuillées, ce qui répond à notre première préoccupation.
En revanche, le Gouvernement s'interroge sur la pertinence d'installer des commissions des opérations funéraires auprès des préfets. Certes, l'efficacité du contrôle préfectoral peut encore être améliorée tout en se dispensant d'un formalisme et d'une lourdeur d'ordre administratif probables. J'ai le souvenir de certains débats ici même montrant qu'un tel dispositif était difficile à manier ; dès lors, peut-être convient-il de réfléchir aux conséquences d'une telle mesure.
De même, en ce qui concerne la simplification et la sécurisation des démarches des familles, le Gouvernement entend soutenir la réforme essentielle des vacations, ainsi que l'introduction de devis types, sans, toutefois, exclure, sa propre approche de ces sujets.
Ainsi, il ne me paraît pas de bonne gestion, ce sujet a été évoqué récemment en commission, de mobiliser en zone rurale des effectifs de gendarmerie pour effectuer des opérations de surveillance funéraire, alors que celles-ci - à ma connaissance, mais peut-être y a-t-il des contre-exemples - sont très bien exécutées sous l'autorité des maires par les gardes champêtres et les policiers municipaux.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Quand ce n'est pas par les maires eux-mêmes !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. En outre, alors que la priorité est donnée à la lutte contre les violences faites aux personnes, comme en témoigne l'avant-projet de loi de prévention de la délinquance, je considère qu'il n'est pas de bonne politique de multiplier les missions des gendarmes qui ne manqueraient pas de le faire savoir.
Le troisième chapitre, relatif au statut et à la destination des cendres des personnes décédées dont le corps a fait l'objet d'une crémation, est central et doit donc donner lieu à un débat approfondi.
L'analyse à laquelle nous nous sommes livrés nous a montré que les cendres pouvaient être protégées sans être définies au préalable, sans que leur soit conféré un statut à part entière. Je comprends toutefois - et je le dis à M. Sueur - la logique qui consiste à définir les cendres elles-mêmes, pour aboutir, à partir de cette définition, à un régime juridique approprié, même si cela peut soulever des interrogations.
D'ailleurs, monsieur Sueur, l'approche que vous retenez pour l'encadrement de la libre disposition des cendres et de son corollaire, le lieu de destination de celles-ci, revêt à l'évidence un intérêt certain.
Elle répond à notre volonté que soit donnée une sécurité renforcée et pérenne aux cendres du corps de la personne décédée ayant choisi d'être incinérée.
Or, si je suis réellement attaché aux termes du projet de décret sur la destination des cendres, qui requiert - je ne cesse de le marteler - un équilibre entre le principe du respect de la volonté du défunt et l'implication de la sphère publique, la présente proposition de loi va plus loin dans la limitation de la liberté du futur défunt et pourrait, dès lors, susciter un vrai débat, en rendant impossible - je vous mets en garde sur ce point, monsieur Sueur - le dépôt d'une urne dans une propriété familiale. J'appelle donc votre attention sur les équilibres qu'elle pourrait modifier, même si je suis tout à fait prêt à reconnaître la logique du dispositif proposé privilégiant le dépôt dans une enceinte publique. S'il y a là, je le conçois, une vraie logique, nous ne pouvons, en revanche, faire l'économie d'un débat sur cette restriction de liberté.
Dans un souci de rationalisation qui s'inscrirait dans la durée, le Gouvernement est également favorable à l'élaboration d'un schéma régional des crématoriums, sous réserve, toutefois, d'un débat portant sur la répartition des compétences envisagées.
Le quatrième chapitre concerne la conception et la gestion des cimetières. Le Gouvernement soutient l'initiative consistant à introduire la notion de mise en valeur architecturale et paysagère du cimetière, sans exclure, pour autant, une discussion plus approfondie sur ce sujet. Par ailleurs, il est favorable au fait que le maire fasse procéder à la crémation du corps lorsque le défunt, dépourvu de ressources suffisantes, en a exprimé la volonté.
Cette disposition remédie très utilement, selon moi, à une carence du droit en la matière.
Je terminerai brièvement mon propos en évoquant les dispositions diverses et transitoires de la proposition de loi.
Si les mesures financières envisagées suscitent quelques interrogations et divergences, je pense, notamment aux mesures relatives à la réduction du taux de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle sont soumises les prestations relevant du service extérieur des pompes funèbres, le Gouvernement approuve, en revanche, les dispositions concernant la ratification de l'ordonnance du 28 juillet 2005 relative aux opérations funéraires, ainsi que le délai de reprise par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale des sites cinéraires non contigus au crématorium.
Je vous remercie, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'attention que vous avez bien voulu porter à ces propos, qui, je l'espère, apporteront au débat des éléments de réponses pour accéder à une nouvelle étape dans la modernisation indispensable du droit funéraire.
Je voudrais, en conclusion, rendre ici hommage, chacun le comprendra, à Jean-Pierre Sueur qui fut, en 1993, en tant que secrétaire d'État chargé des collectivités locales, l'artisan majeur de la modernisation du droit funéraire et qui montre aujourd'hui, avec l'aide active du rapporteur Jean-René Lecerf, une volonté constante d'oeuvrer pour l'accroissement de la sérénité des familles éprouvées par le deuil. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur, modifiée par la commission des lois, met à jour la législation funéraire pour tenir compte des évolutions que nous constatons dans nos communes.
Aujourd'hui, le choix de la crémation s'est fortement développé et il est bon de veiller à ce que chaque citoyen ait accès à ce service public quel que soit le lieu où il vit.
En ce sens, l'élaboration d'un schéma régional peut se révéler un outil intéressant, même si, comme le précise le rapport, ce schéma devra veiller prioritairement à ce que les départements non couverts aujourd'hui puissent l'être dorénavant.
Créer les conditions pour que le choix soit possible doit être une priorité clairement affichée.
De la même façon, le fait pour les communes de plus de 10 000 habitants de devoir créer un site cinéraire dans leur cimetière participe de cette même obligation de service public que nous nous devons d'assurer.
Quant à l'amélioration des cimetières destinée à rendre ces lieux de recueillement moins austères, je ne puis qu'y souscrire. Cependant, il nous faudra régler le problème de l'avis des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE, dont certains départements, le mien en particulier, l'Indre-et-Loire, sont dépourvus, alors que, selon le rapport, chaque département devrait en avoir un. Mais sans doute s'agit-il là d'une information que vous n'étiez pas censés connaître, mes chers collègues.
Le texte qui nous est proposé intègre un autre aspect important, compte tenu de la fragilité des familles au moment du décès d'un proche, je veux parler des qualifications des opérateurs funéraires. La création des diplômes nationaux pour les agents des opérateurs est, à cet égard, un gage de qualité sur l'ensemble du territoire et nous ne pouvons qu'y être attachés. Elle permettra aux personnels concernés de faire valoir leur formation.
Quant à la période transitoire qui tient compte de la validation des acquis professionnels, si elle doit aider ceux qui se sont formés sur le terrain à accéder à la reconnaissance de la qualification acquise, elle doit surtout permettre aux familles d'avoir à leur disposition un meilleur service.
En revanche, je suis plus partagée sur le fait que la même obligation n'existe pas pour le dirigeant de l'opérateur funéraire. J'ai, bien évidemment, lu les attendus du rapport qui ont abouti à cette proposition de loi, mais on sait combien le professionnalisme et la bonne connaissance de la législation sont importants pour que les familles soient conseillées et accompagnées dans de bonnes conditions.
Je ferai une autre remarque sur cette proposition de loi, concernant, cette fois, l'obligation de devis type à l'échelon communal.
La consultation des opérateurs funéraires peut se révéler difficile. Ainsi, il arrive que, dans certaines communes, même au sein d'une agglomération, un seul opérateur soit habilité à exercer son activité sur le territoire d'une commune de plus de 10 000 habitants.
Par ailleurs, il me semblerait plus judicieux qu'un devis type acquière une dimension nationale créant par là même les conditions d'un accès de tous dans des conditions équivalentes, quel que soit le lieu où l'on vit.
Quant au coût des funérailles, il est souvent très lourd surtout quand le décès est accidentel ou survient très tôt dans la vie, alors que la famille n'a pu s'y préparer.
Pour les familles modestes, cela peut, d'ailleurs, se traduire par un endettement qui vient s'ajouter aux difficultés déjà existantes.
Dans ces conditions, le devis-type, au niveau national, ou tout au moins régional, nous permettra probablement d'avoir une meilleure appréciation des coûts.
D'ailleurs, la présente proposition de loi a pris en compte cette charge financière, puisqu'elle prévoit d'abaisser la TVA qui frappe certains services funéraires. Je ne peux qu'approuver cette mesure, même si j'ai noté que le Gouvernement ne partageait pas mon point de vue. De toute façon, nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des articles.
En dépit de ces quelques remarques, cette proposition de loi contribue globalement à une meilleure prise en compte de l'évolution des traditions funéraires françaises. Il est heureux qu'elle ait été déposée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des deux propositions de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur revêt une importance fondamentale, essentiellement pour deux raisons.
Tout d'abord, les normes relatives aux services funéraires concernent la vie privée de chacun, et la gestion des pompes funèbres révèle la façon dont nous concevons notre société et les grands principes du droit qui la régissent.
Ensuite, les services funéraires exercent une mission de service public, qui relève principalement de la compétence des collectivités locales, avec en toute première ligne les communes et les EPCI sur le territoire desquels se trouvent les cimetières.
L'évolution récente et rapide des pratiques funéraires rend nécessaire une adaptation importante de la législation, afin, notamment, de sécuriser et de simplifier les démarches que doivent accomplir les familles, à un moment où elles sont particulièrement vulnérables. Il s'agit à la fois de réguler un marché aujourd'hui ouvert à la concurrence, mais dont les activités relèvent d'une mission de service public, et de prendre en compte l'usage de plus en plus fréquent de la crémation.
Je ne reviendrai pas sur les grandes orientations de cette proposition de loi, qui ont été rappelées par M. le ministre. À l'instar de Mme Beaufils, je m'exprimerai seulement sur quelques points, en me prononçant d'abord au nom de mon groupe, qui a soulevé deux difficultés, puis au nom de l'association des maires de France, l'AMF, qui souhaite faire quelques remarques.
Au sein de mon groupe, tout d'abord, cette proposition de loi a donné lieu à des discussions nourries, qui ont porté notamment sur le statut et la destination des cendres des personnes décédées. Je souligne que je ne partage pas nécessairement les positions exprimées !
Monsieur le ministre, si tous les membres de mon groupe ont trouvé normal de légiférer sur le statut des cendres, afin de garantir, dans un souci éthique, le respect et la protection qui sont dus aux restes du corps humain, certains d'entre eux ont regretté que les familles soient privées du droit de conserver dans un lieu privé l'urne contenant les cendres de leurs proches.
Je voulais rendre compte ici de leur position, même si ce n'est celle de l'ensemble du groupe, car cette question a fait l'objet d'un débat.
La question de l'abaissement de la TVA sur les services funéraires a également été débattue. Je m'inscrirai ici en faux des propos de Mme Beaufils. En effet, certains sénateurs de mon groupe - je ne citerai pas leurs noms, car vous les reconnaîtrez facilement ! (Sourires.) - ont estimé que l'abaissement à 5,5 % du taux de la TVA représentait un coût non négligeable, de l'ordre de 145 millions d'euros, pour une efficacité économique limitée.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission des finances pourra s'exprimer !
Mme Jacqueline Gourault. Tels sont donc les deux sujets qui fâchent !
Je souhaiterais à présent faire quelques remarques au nom de l'AMF.
Tout d'abord, s'agissant de l'article 1er de la proposition de loi, qui institue auprès du préfet une commission départementale des opérations funéraires, l'AMF partage plutôt le point de vue de M. le ministre, car elle s'interroge sur la nécessité de créer une nouvelle commission.
En effet, chacun sait qu'il n'est pas facile de trouver des candidats pour siéger dans de telles commissions. Présidente d'une association départementale de maires, je sais qu'il est très difficile de trouver des maires qui acceptent de siéger dans les centaines de commissions existant au niveau départemental, sauf à solliciter toujours les mêmes, qui finissent par en avoir assez !
Par ailleurs, l'AMF s'interroge sur le taux du droit à vacation funéraire. La proposition de loi fixe un montant minimum et un montant maximum, afin d'éviter que les taux décidés par les communes ne soient trop disparates. Or, compte tenu de la restriction des opérations soumises à vacation, il serait plus équitable, me semble-t-il, de mettre en place une fourchette de tarifs qui soit supérieure, mais identique pour tous les agents.
S'agissant de l'article 7 de la proposition de loi, qui contraint les communes de 10 000 habitants et plus à instaurer des devis types s'imposant aux opérateurs funéraires, l'AMF s'interroge.
Même si l'objectif de protection des familles est important, cette obligation aurait pu être assortie d'une durée plus longue de mise en oeuvre afin de faciliter la tâche des maires.
Il en va de même pour l'article 13, qui oblige les communes de 10 000 habitants et plus, ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale de 10 000 habitants et plus qui sont compétents en matière de cimetières, à disposer d'un site cinéraire. Un délai plus long aurait rendu plus aisé le travail des élus.
Par ailleurs, l'association des maires de France se félicite qu'il ne soit plus possible de créer des sites cinéraires privés et que les lieux d'inhumation publics gérés par les communes ou les EPCI deviennent exclusifs.
Enfin, si le maire possède la faculté de faire incinérer les restes présents dans les concessions reprises, l'AMF souligne qu'il lui faudra tenir compte des positions des différents cultes sur la crémation.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est ce que nous faisons !
Mme Jacqueline Gourault. En effet, si l'incinération est admise par les religions catholiques et protestantes, notamment, elle ne l'est pas par les religions musulmane et juive. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la cinquième fois que j'ai l'honneur de présenter devant le Parlement des dispositions sur ce sujet qui, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, est difficile.
Je tiens à dire d'emblée combien il me paraît important que nous puissions discuter de ce sujet dans un climat constructif.
Le président de notre commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest - je tiens à lui rendre hommage - a pris l'initiative judicieuse de confier à Jean-René Lecerf et à moi-même une mission d'information, de sorte que nous puissions discuter de cette question entre parlementaires appartenant à des formations politiques différentes.
Il nous semble utile de procéder ainsi sur de tels sujets de société, et je crois que cette loi représentera une importante contribution du Sénat à l'évolution de notre droit.
Je tiens à saluer le travail accompli par Jean-René Lecerf dans le cadre de la mission d'information qui lui a été confiée et du rapport qu'il a rédigé. Nous le voyons, sur un tel sujet, il est possible d'avancer en prenant en compte l'intérêt général.
Monsieur le ministre, même si je salue l'attention que vous portez à ces questions, nous avons quelques divergences d'appréciation sur lesquelles je vais m'expliquer.
Je me souviens des débats qu'a suscités au Sénat et à l'Assemblée nationale la loi de 1993, qui a profondément transformé le droit en vigueur.
De cette loi, on n'a souvent retenu que la suppression du monopole des pompes funèbres et l'ouverture de ce secteur à la concurrence, alors qu'on a oublié qu'elle tendait également à redéfinir le service extérieur des pompes funèbres, afin de mieux l'adapter à la réalité.
La loi de 1993 a posé également que, même si les opérateurs funéraires étaient multiples, ils devaient exercer une mission de service public. L'un de ses objectifs essentiels, à travers plusieurs dispositions, était de garantir la protection des familles endeuillées.
Si j'ai été amené, avec plusieurs de mes collègues, à déposer des propositions de loi sur ce sujet en 2003 et en 2005 - deux articles issus de la première proposition et relatifs aux contrats obsèques ont d'ailleurs été adoptés par le Sénat en décembre 2004 -, c'était pour rééquilibrer le dispositif et faire en sorte que les différents aspects de la loi de 1993 s'appliquent à l'existence quotidienne des Français.
J'aborderai en premier lieu la question de la protection due aux familles endeuillées, qui me paraît centrale et qui justifie en particulier les devis types.
Je le rappelle, les devis types figuraient dans le projet de loi que nous avions examiné en 1993, mais la commission mixte paritaire qui s'est réunie ensuite a décidé, dans sa sagesse, qu'il était inutile de les mentionner dans la loi, dès lors qu'ils pouvaient être inscrits dans le règlement national et les règlements municipaux des opérations funéraires.
Or quelle ne fut pas ma stupéfaction, tandis que je siégeais au CNOF, le conseil national des opérations funéraires, en tant que représentant des maires, de voir paraître une circulaire du ministère de l'économie et des finances disposant que les devis types étaient désormais proscrits, interdits, impossibles !
Je suis en désaccord total avec cette circulaire. En effet, une famille frappée par un deuil, qui est donc troublée, émue, plongée dans la douleur, doit prendre des décisions dans un délai de douze à 24 heures. Or, chacun sait que personne dans une telle situation ne peut aller chercher des devis dans les trois, quatre, cinq ou dix entreprises qui travaillent à proximité et comparer des textes écrits en petits caractères, voire totalement illisibles !
C'est pourquoi la seule façon de rendre vraiment transparents les prix, c'est de permettre à l'autorité publique, et je pense en particulier aux autorités municipales, de rédiger des devis types.
Certes, comme l'a souligné Mme Marie-France Beaufils, un problème se pose dans certaines communes où les opérateurs funéraires ne sont pas nombreux.
Toutefois, l'autorité publique pourrait préparer des devis types en concertation avec les opérateurs. Pour chaque type d'obsèques - ils sont entre un et cinq -, certaines prestations seraient prévues ; les opérateurs habilités s'engageraient à respecter les prix fixés, qui seraient publics et comparables.
Ainsi, nous obtiendrions une parfaite transparence sans nullement empêcher que les opérateurs ne proposent d'autres prestations. Les prix doivent absolument être transparents, au bénéfice des familles qui doivent prendre des décisions dans les 24 heures à un moment où elles sont vulnérables parce qu'elles sont très éprouvées.
Le deuxième point porte sur l'harmonisation du taux des vacations funéraires.
Nous avons proposé des simplifications, le Gouvernement en suggère d'autres. Quoi qu'il en soit, tout en respectant les obligations d'un contrôle public en la matière, nous sommes favorables à une simplification administrative, qui permettrait de diminuer le coût des formalités et, partant, celui des obsèques.
Le troisième point concerne le taux de TVA.
Monsieur le ministre, vous venez de nous dire que, selon les calculs du ministère des finances, l'abaissement à 5,5 % du taux de TVA pour les prestations et fournitures funéraires représenterait un coût de 145 millions d'euros pour les finances publiques. Or nombre de pays d'Europe appliquent déjà le taux réduit de TVA, et le Gouvernement s'est dit prêt à acquitter une somme sans commune mesure pour compenser, dans un autre domaine, une réduction de TVA, à laquelle nous ne sommes d'ailleurs pas hostiles. Le sujet qui nous intéresse ce matin concerne toutes les familles. Les obsèques sont souvent onéreuses, et il n'est pas rare que le montant figurant au bas de la facture ne soit pas tout à fait conforme à celui qui a été estimé. À l'évidence, une avancée positive du Gouvernement sur ce point serait bien perçue par les familles.
Le quatrième et dernier point est relatif aux contrats obsèques.
Comme je l'ai montré dans un certain nombre d'études antérieures, ces contrats étaient très imprécis et mis en oeuvre selon des procédures contestables. De ce fait, les opérations funéraires avaient tendance à être « remonopolisées » : seules quelques entreprises, liées par contrat aux organismes financiers, se retrouvaient ainsi dépositaires d'une part importante des contrats obsèques. C'est la raison pour laquelle nous avons soutenu l'adoption des deux articles proposés dans la loi de décembre 2004.
Pour autant, monsieur le ministre, en l'absence de nouvelle circulaire d'application, celle qui est en vigueur est antérieure à 2004 et donc contraire à cette loi. Le Gouvernement doit absolument publier une nouvelle circulaire dans les prochains mois, pour apporter les précisions qui s'avèrent absolument nécessaires, faute de quoi les nouvelles dispositions ne pourront pas être appliquées dans de bonnes conditions.
Sur un tel sujet, comme sur bien d'autres d'ailleurs, il est toujours question des lobbies. Pour ma part, je l'ai déjà répété à de nombreuses reprises, je n'ai qu'un lobby dans cette affaire : les familles, que nous devons protéger.
En ce qui concerne le service public, il est tout d'abord nécessaire de revoir les conditions de l'habilitation.
À cet égard, il nous a semblé important de recueillir l'avis des professionnels, des élus et des représentants des associations familiales. Nous proposons de créer à cette fin une structure légère, la commission départementale des opérations funéraires.
Aujourd'hui, dans bien des cas, l'habilitation s'obtient automatiquement, après le dépôt en préfecture des cinq documents requis. Les professionnels, qui sont attachés à leurs métiers, se déclarent eux-mêmes partisans d'un renforcement des conditions de l'habilitation. Cela irait dans leur l'intérêt, mais aussi dans celui des familles, car il y va de la dignité des obsèques.
De plus, l'instauration de diplômes nationaux permettra d'améliorer la formation professionnelle aux métiers du funéraire et devrait donc recueillir également un large accord.
Monsieur le ministre, j'en viens maintenant à la crémation qui, vous l'avez dit vous-même, est une question difficile. Nos propositions sont le fruit d'années de réflexion et de dialogue sur ce sujet.
En préalable, il convient d'affirmer que les cendres, en tant que restes d'un être humain, méritent respect, dignité et décence. Nous ne pourrons jamais nous entendre avec ceux qui pensent que les cendres sont de simples choses, pour reprendre l'expression utilisée par M. le rapporteur. À nos yeux, il s'agit d'une question de civilisation, de respect, de mémoire. Je le répète, les restes des êtres humains, qu'ils donnent lieu à crémation ou à inhumation, méritent respect, dignité et décence.
Une telle précision n'étant pas inscrite dans la loi, toutes sortes de dérives contraires à la dignité sont imaginables. Jean-René Lecerf les a longuement évoquées ; certaines donnent même lieu à des articles dans la presse, comme nous pouvons encore le constater ce matin.
Par conséquent, pour le devenir des cendres, il nous paraît logique de proposer une destination qui soit conforme à la philosophie du cimetière public laïque et républicain tel qu'il a été mis en place par les lois adoptées au début du XXe siècle.
Monsieur le ministre, vous nous avez parlé de liberté. Si nous sommes bien sûr tous favorables à la liberté, la question mérite réflexion, car elle doit s'exercer dans le cadre des lois de la République. En matière d'inhumation, personne ne considère comme une atteinte à la liberté l'obligation d'inhumer dans un cimetière public. Je ne vois pas pourquoi le même raisonnement de principe ne s'appliquerait pas aux urnes. Il faut en avoir conscience, la privatisation des urnes présente de réels inconvénients et risque de créer des conflits familiaux, car, à partir du moment où les urnes contenant des cendres ne sont pas des choses ordinaires, elles ne peuvent pas donner lieu à héritage. En tout état de cause, le devenir de ces urnes dans un espace public pose problème.
Monsieur le ministre, dans notre tradition républicaine, les cimetières sont publics : chacun et chacune d'entre nous peut se recueillir devant les restes de ceux qui, connus ou inconnus, nous ont précédés, et ce au Père-Lachaise ou dans n'importe quel autre cimetière de ville ou de village de notre pays. Or, dès lors qu'il y a privatisation des cendres, nombre de personnes se trouvent dans l'impossibilité d'aller faire leur deuil devant les restes d'un défunt, ce qui est toujours possible dans un lieu public.
C'est ce qui nous a conduits à nous inspirer fortement de la philosophie du cimetière public laïque et républicain pour proposer les quatre destinations envisageables : pour la conservation, le columbarium ou les « cavurnes », qui répondent mieux au souci de l'esthétique des lieux de mémoire ; pour la dispersion, soit un espace naturel, soit un jardin du souvenir.
La déclaration obligatoire de l'identité du défunt, de la date et du lieu de dispersion des cendres constitue un autre point important de la proposition de loi. Malgré ce que certains pensent, il est très important de pouvoir se référer à une personne précise par rapport à un lieu précis, pour en conserver au mieux la mémoire. Ainsi, en cas de dispersion des cendres dans un jardin du souvenir, nous proposons un dispositif d'inscription obligatoire. De même, lorsque la dispersion se fait dans un espace naturel, il nous paraît nécessaire que les héritiers responsables des funérailles soient tenus de la déclarer à la mairie du lieu de décès.
En vertu, toujours, du même principe républicain, nous sommes évidemment opposés à la création des sites funéraires privés, prévue par l'ordonnance du 28 juillet 2005, qui conduirait de facto à l'instauration de cimetières privés. À cet égard, nous sommes en total accord avec la position de l'Association des maires de France, qui a été présentée par Mme Jacqueline Gourault.
Monsieur le ministre, toutes ces propositions ont été formulées avec le souci de respecter la dignité des personnes, souci commun à toutes les civilisations.
Pour préparer ce texte, nous avons consulté les représentants des différents cultes. Il nous est alors apparu qu'il n'était pas opportun de légiférer en matière de carré confessionnel et que le maintien du système actuel, privilégiant le dialogue avec les maires, était sans doute préférable.
En revanche, les représentants des religions musulmane et juive ont émis un souhait important, que nous avons pris en considération : les familles doivent pouvoir demander que les restes ne donnent jamais lieu à crémation. Tel est donc l'objet de l'article 19.
Nous le savons tous, cette proposition de loi traite d'un sujet de société, qui renvoie à l'intime. Il nous est apparu tout à fait nécessaire de faire encore un pas en avant, pour respecter l'esprit et la lettre de la réforme de 1993, pour prendre en compte le développement de la crémation et pour faire écho à cette phrase d'André Malraux, qui figure au début de notre rapport d'information : « Toute civilisation est hantée, visiblement ou invisiblement, par ce qu'elle pense de la mort. » Le respect dû à la mémoire de ceux qui nous ont précédés définit une civilisation. Il nous appartient, aujourd'hui, avec modestie, mais avec clarté, de faire oeuvre de civilisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'inhumation des corps a été considérée pendant longtemps par les écoles d'historiens comme le véritable point de départ de l'histoire des hommes. Pour eux, l'humanité a débuté avec ces rituels funéraires, qui révélaient la prise de conscience du sacré par les premières civilisations : « J'enterre mes morts. Je les honore, eux et leur mémoire, en les ensevelissant avec leurs biens et armes. Donc, j'ai un rapport sensible à la vie et, par là, au sacré. » Évidemment, il existe d'autres critères universellement reconnus qui distinguent l'homme des autres espèces : le langage, l'art, le rapport à la beauté, l'agriculture et, bien sûr, l'écriture. Mais l'inhumation des morts, par la sacralité de sa dimension, me semble particulièrement importante.
C'est notamment pour cette raison que je me réjouis que la Haute Assemblée se soit enquise de cette problématique. En effet, nous nous plaignons trop souvent de notre difficulté à prendre le temps de la réflexion pour examiner les textes inscrits à l'ordre du jour prioritaire pour ne pas nous réjouir de voir un texte aussi mûrement travaillé et abouti.
La qualité de son processus d'élaboration est en effet indéniable et a été respectée une chaîne vertueuse de laquelle nous devrions moins souvent nous éloigner : fut d'abord créée une mission d'information au sein de la commission des lois ; ensuite fut rédigé un rapport très complet formulant un certain nombre de recommandations, tant législatives que réglementaires ; enfin, une proposition de loi retraçant ces préconisations fut déposée et, pour clore, le texte fut inscrit à l'ordre du jour réservé, et nous l'examinons aujourd'hui.
À ce titre, une fois n'est pas coutume, je souhaiterais particulièrement remercier notre collègue Jean-Pierre Sueur de son engagement déterminant sur un tel sujet. L'opiniâtreté que nous lui reconnaissons tous et qu'il démontre, jour après jour, dans cet hémicycle, le plus souvent pour nous combattre, a été cette fois-ci mise au service d'une cause commune avec un réel succès ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, ma chère collègue !
Mme Catherine Procaccia. Pourrions-nous émettre le voeu qu'une telle unanimité puisse se dégager de la même manière lors de l'examen d'initiatives émanant de notre majorité ?
M. Ladislas Poniatowski. Il ne faut pas rêver !
Mme Catherine Procaccia. Je n'aurai garde d'oublier, bien entendu, notre excellent rapporteur et ami, Jean-René Lecerf. Tout le travail a été élaboré à quatre mains et les conclusions qui nous sont soumises nous semblent justes, équilibrées et de nature à améliorer notre législation funéraire.
Tout d'abord, il s'agit de mieux tenir compte des évolutions des pratiques funéraires. Dans une société en pleine mutation, caractérisée par une urbanisation débridée qui nous éloigne les uns et les autres du cimetière familial, par l'allongement de la durée de la vie, qui isole les plus anciens, par l'accroissement du nombre des décès en milieu médical et par le recul des pratiques religieuses, qui modifie les choix d'inhumation, le rapport à la mort ne pouvait, lui aussi, qu'évoluer.
Ainsi, la pratique de la crémation connaît et connaîtra encore probablement un véritable essor puisqu'elle concerne aujourd'hui un quart des décès. En 1980, elle ne visait que 1 % des décès, alors qu'elle figure dorénavant dans les intentions de presque 50 % des souscripteurs de contrats en prévision d'obsèques. Ce chiffre est révélateur de l'évolution puisqu'il y a nécessairement un décalage dans le temps entre le changement des mentalités et le moment du décès des personnes intéressées.
Face à cette croissance exponentielle, il était temps de légiférer, notamment d'encourager les communes et les EPCI compétents en matière de cimetières à suivre cette évolution en les invitant à bâtir des sites cinéraires dans leur ressort. C'est l'objet de l'article 12 des conclusions de la commission des lois, ce dont nous nous félicitons.
Le seuil de 10 000 habitants qui figure dans cet article nous semble raisonnable et parfaitement à même de prendre en compte, d'une part, les réalités sociologiques, l'inhumation restant majoritaire en zone rurale, d'autre part, le rapport qualité-coût, en ne faisant pas supporter aux plus petites collectivités des charges trop lourdes.
La seconde mutation que je souhaite souligner est celle du comportement des Français. Nous venons d'étudier récemment dans cet hémicycle, en première lecture, le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités. La volonté du législateur de renforcer la liberté de tester est révélatrice de cette évolution. Nos concitoyens souhaitent régler sans heurts les conditions de leur départ, qu'il s'agisse aussi bien de leur succession que de leurs obsèques.
Alors que les funérailles étaient traditionnellement à la charge de la famille, le développement de la prévoyance funéraire est particulièrement spectaculaire. Une étude de marché de la Fédération française des sociétés d'assurances, la FFSA, réalisée sur les résultats de 2004 est très instructive en la matière.
Elle fait apparaître que trente-six sociétés commercialisent ce type de contrats. Plus de soixante produits différents sont offerts par les trois grandes familles de contrats : les contrats vie entière, les contrats temporaires et les contrats d'assurance en cas de vie. Les sociétés susvisées détiennent en portefeuille 1,4 million de contrats, soit une progression de 12 % sur la seule année 2004. Les cotisations collectées sur la même année correspondaient à plus d'un demi-milliard d'euros, soit une progression de 9 %, tandis que le montant global des capitaux garantis s'élevait à 4,3 milliards d'euros.
Deux types de contrats en prévision de décès doivent être distingués : d'une part, les contrats classiques d'assurance-vie qui peuvent simplement se référer aux funérailles et aux obsèques, avec versement du capital constitué par le souscripteur au bénéficiaire du contrat désigné, la somme n'étant pas forcément contractuellement affectée à la couverture de frais d'obsèques, d'autre part, les formules de financement en prévision d'obsèques qui font l'objet d'un contrat spécifique de prestations d'obsèques et d'assurance.
Selon la FFSA, 26 % des contrats d'assurances obsèques commercialisés en 2004 comportaient un contrat de prestations funéraires. Les offres « packagées » associant assureurs et opérateurs funéraires se sont donc développées ces dernières années.
Toutefois, ces contrats ne comportant pas, en général, de contenu détaillé des prestations assurées et n'étant pas assortis de la possibilité de modifier le choix initial, la loi de 2004 de simplification du droit a permis de mieux protéger les souscripteurs, d'une part, en imposant que les prestations auxquelles les intéressés ont droit soient bien explicitées, d'autre part, en leur donnant la possibilité de modifier les modalités de leurs obsèques, de telle sorte que ce soient bien leurs dernières volontés qui soient respectées.
Je n'entrerai pas dans le détail des nouveaux contrats qui devront respecter les dispositions de la loi de 2004 ; je mentionnerai seulement certains effets pervers qui sont apparus. Ainsi, dès lors que le souscripteur aura choisi de changer d'opérateur, le contrat en prévision d'obsèques pourra être automatiquement transformé en simple contrat en capital. Certes, le sort d'un contrat d'assurance, régi par le droit des assurances, ne peut être comparé à la portabilité du numéro en téléphonie. Cependant, me référant à la recommandation n° 5 du rapport de la mission d'information, je souhaiterais savoir, au nom du groupe UMP, dans quels délais le Gouvernement élaborera une nouvelle circulaire d'application stricte de la loi de 2004 en matière de financement des prestations d'obsèques.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Cette précision intéressera tant les assurés que les assureurs, qui souhaitent connaître les marges de manoeuvre dont ils disposent.
Je ne m'étendrai pas sur l'ensemble des dispositions proposées par la commission des lois, auxquelles nous souscrivons, comme nous souscrivons d'ailleurs aux amendements du Gouvernement, qui, pour la plupart, enrichissent opportunément ce texte.
Nous ne pouvons que nous féliciter que cette proposition de loi apporte des réponses législatives précises aux différentes problématiques des pratiques funéraires.
Relevons tout d'abord l'amélioration des conditions de délivrance de l'habilitation des opérateurs funéraires et la création de diplômes nationaux, qui ne peuvent aller que dans le sens d'une plus grande transparence de cette profession.
Évidemment, nombreuses sont les entreprises qui exercent avec professionnalisme leurs fonctions, mais il n'est pas inopportun, eu égard à la spécificité de leurs missions, d'exiger d'elles le respect de strictes garanties.
Ensuite - et je vois en ce point l'apport principal du texte - nous tenons à souligner l'importance des dispositions relatives à la sécurisation des démarches des familles.
La transparence des prix est insuffisante. Les familles endeuillées, d'une part, ne sont pas au fait des pratiques tarifaires et, d'autre part, sont plus vulnérables en raison de l'épreuve qu'elles traversent et qui peut être soudaine, comme l'a souligné Mme Gourault. Elles doivent prendre des décisions dans des délais très brefs et répugnent souvent à parler d'argent, tant il peut leur sembler déplacé de négocier le prix des funérailles. Les entreprises les moins scrupuleuses abusent de cette situation.
Les dispositions de ce texte répondent utilement à cette problématique. La création de devis-types, s'imposant aux opérateurs funéraires obligatoires dans les communes de plus de 10 000 habitants ou sur décision du conseil municipal dans les autres communes, est particulièrement judicieuse.
Il est toutefois un point sur lequel certains de mes collègues et moi sommes dubitatifs. Il s'agit du taux réduit de TVA applicable à l'ensemble des prestations funéraires.
Certes, la mesure semble de prime abord séduisante et très sociale. Face à la douleur des familles, nous serions tentés de faire ce geste fiscal qui, loin d'être symbolique, permettrait à tout foyer concerné de réaliser une économie de l'ordre de 300 euros.
Ce geste pourrait paraître d'autant plus opportun que, dans la plupart des États membres de l'Union européenne, les prestations funéraires sont éligibles au taux réduit de TVA. En outre, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, j'avais moi-même déposé un amendement relatif à la réduction de la TVA à 5,5 % applicable aux réseaux de chaleur.
Mais c'était bien dans le cadre du projet de loi de finances que j'étais intervenue, car même si je ne suis pas membre de la commission des finances, je pense qu'une bonne politique fiscale doit être appréhendée dans son ensemble et que l'examen du projet de loi de finances doit être le cadre dans lequel sont étudiées toutes les mesures ayant une incidence fiscale.
Je rappelle en outre qu'il ne s'agit pas d'un secteur, à proprement parlé, concurrentiel. Je ne pense pas que nos concitoyens feront appel à des opérateurs polonais pour organiser des funérailles.
Et si l'on s'interroge au sujet de l'emploi, il est évident que cette baisse de TVA n'aurait guère d'incidence, le marché des funérailles n'étant absolument pas conjoncturel. Par ailleurs, ce geste représentant tout de même 150 millions d'euros, comme cela a été rappelé, je ne me sens pas autorisée à soutenir un nouvel accroissement des charges.
Enfin, je conclurai mon propos en vous posant une question, monsieur le ministre, me réservant le droit de vous interroger au sujet des enfants mort-nés, lors de l'examen des articles.
L'été 2003, au cours duquel 15 000 morts ont été déplorées, a éclairé les pouvoirs publics sur les « dysfonctionnements de la chaîne funéraire, liés essentiellement à une insuffisance des moyens mobilisés et mobilisables pour des raisons structurelles ou réglementaires », selon les termes mêmes de la directrice de l'institut médico-légal de Paris.
Plusieurs propositions ont été formulées. Près de trois ans après, elles n'ont pas été suivies de dispositions réglementaires.
J'ajouterai que mon expérience d'élue du Val-de-Marne m'a donné l'occasion d'examiner précisément la manière dont les choses se passent sur le terrain. Ainsi, même hors des périodes de pics massifs de mortalité, la durée d'attente pour une incinération est fréquemment de l'ordre de dix jours.
Monsieur le ministre, je souhaite donc connaître le calendrier des mesures que vous entendez prendre en la matière.
Dans l'attente de vos réponses et sous réserve des modifications enrichissantes qui ne manqueront pas d'être votées en séance publique, les membres du groupe UMP voteront ce texte, en se félicitant, une nouvelle fois, de la belle unanimité qu'il recueillera sur toutes les travées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Dans la mesure où peu d'amendements ont été déposés sur ce texte, il ne me sera peut-être pas possible, au cours de la discussion des articles, de fournir toutes les réponses que je veux apporter. C'est pourquoi j'ai souhaité prendre la parole en cet instant.
J'évoquerai tout d'abord des points de détail, qui revêtent toutefois une certaine importance.
Madame Beaufils, soyez rassurée, le dirigeant qui sera dispensé de formation sera exclusivement celui qui n'aura aucun contact avec les familles et qui n'assumera aucune responsabilité dans le cadre des opérations funéraires. Autrement dit, sera dispensé le maire de la petite commune rurale dans laquelle une régie simple est chargée de ces problèmes. Si l'on impose au maire de suivre une formation de cent cinquante heures, les régies de ce type disparaîtront les unes après les autres, ce qui ne serait pas positif.
En revanche, dès qu'un dirigeant souhaitera exercer une responsabilité réelle et avoir un contact quelconque avec les familles, il sera bien sûr astreint à cette obligation de formation.
Par ailleurs, je regrette qu'une dizaine de départements, semble-t-il, ne se soient pas dotés d'un conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement. Aux termes de la loi de 1977 sur l'architecture, c'était pourtant une compétence obligatoire. Sans doute serait-il bon de remédier à cette carence. Bien entendu, si un CAUE n'a pas été instauré, il ne sera pas possible d'obtenir son avis.
Madame Gourault, sans vouloir me livrer à une comparaison déplacée, je dirai simplement que les voies de l'AMF sont parfois, comme celles du Seigneur, impénétrables.
Mme Jacqueline Gourault. Elles sont multiples !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Lors de l'audition d'une délégation de l'AMF à laquelle elle a procédé, la commission n'a pas reçu les mêmes échos que ceux dont vous venez de nous faire part. Elle a donc souhaité rencontrer de nouveau des membres de l'AMF dans le cadre de la préparation du présent rapport, ce qui n'a pas été jugé utile par l'AMF. La commission a donc pensé que celle-ci maintenait sa position antérieure.
Ma chère collègue, je veux vous rassurer en ce qui concerne les charges supplémentaires pour les communes. Les charges obligatoires vont concerner les communes de plus de 10 000 habitants. Or il est peu vraisemblable que les communes de ce type ne se soient pas d'ores et déjà dotées d'un certain équipement en matière de sites cinéraires, tels que jardins du souvenir ou columbariums. Sans doute les caveaux d'urnes, ou cavurnes, mériteraient-ils d'être développés.
De par l'évolution de la législation, les communes pourront aussi réaliser des économies, même si telle n'est pas la finalité essentielle de ce texte. En facilitant le développement de la crémation, nous allons faire diminuer le nombre des expropriations réalisées en vue de l'agrandissement des cimetières : moins de terrains seront ainsi mobilisés à des prix élevés dans les zones de forte agglomération.
Monsieur le ministre, pour l'essentiel, nous sommes en accord sur les objectifs. Notre querelle, si elle existe, ne porte en vérité que sur un seul point.
Même sur la question de la création d'une commission départementale, nos positions ne sont pas vraiment si éloignées. La création de cette commission départementale n'est pas pour nous une finalité ; il s'agit de tenter d'obtenir des habilitations beaucoup plus fiables. La procédure législative suivra son cours. Si nous avons la conviction que la fiabilité de l'habilitation n'est pas liée à la création d'une commission départementale, il est vraisemblable que notre position évoluera.
En ce qui concerne la compétence des gendarmes et le problème des vacations funéraires, il en va un peu de même : nous souhaitons qu'un contrôle puisse être exercé d'une manière équivalente dans les agglomérations urbaines et dans les communes rurales.
Il nous a semblé que, compte tenu des évolutions qui se sont produites concernant les zones relevant respectivement de la police nationale et de la gendarmerie, il pouvait paraître aléatoire, s'agissant des communes non dotées d'un régime de police d'État, de confier strictement aux maires, aux policiers municipaux ou aux seuls gardes champêtres - lorsque ces policiers municipaux et ces gardes champêtres existent !- la mission de surveillance des opérations funéraires. Nous n'avons d'ailleurs prévu, dans ces cas-là, l'intervention des gendarmes qu'à défaut de celle du garde champêtre ou des policiers municipaux, la surveillance s'effectuant alors de toute façon sous la responsabilité du maire.
Sur ce point également, je pense que nous devrions pouvoir trouver assez facilement un consensus.
Pour ce qui est du problème de la TVA, si nous n'aboutissons pas aujourd'hui à une solution, le contexte s'y prêtant assez peu, il sera possible d'y revenir ultérieurement.
La vraie divergence entre nous, monsieur le ministre, porte sur la question - et elle n'est certes pas anodine - de savoir s'il convient de mettre un terme, comme le souhaitent la commission des lois et l'auteur de la proposition de loi n° 375, à l'appropriation privative des cendres et d'interdire le partage de ces dernières.
Vous avez vous-même donné de nombreux exemples tendant à montrer que le respect dû aux morts n'était pas observé : urnes funéraires retrouvées aux objets trouvés, dans des décharges publiques, « oubliées » chez les opérateurs funéraires ou dans les columbariums, sans parler du mélange des cendres avec celles d'un animal familier, de la confection de bijoux synthétiques à partir des cendres, des « oeuvres d'art » réalisées à partir d'un mélange des cendres du disparu à de la peinture. Tout cela ne nous paraît pas très respectueux, c'est le moins que l'on puisse dire.
Il faut aussi signaler des cas où l'attachement aux cendres prend un tour tout à fait contestable, d'autant qu'il peut avoir des conséquences extrêmement douloureuses pour les familles ou pour certains proches.
Nous assistons, aujourd'hui, à une multiplication des contentieux. Nous avons entendu, sur ce point, de nombreux professeurs de droit : certains parents se disputent l'urne cinéraire d'un enfant et le tribunal en arrive à ordonner le partage des cendres.
Nous avons reçu des psychologues, des psychiatres, qui déplorent que, parfois, et en croyant bien faire, des parents demandent au petit frère ou à la petite soeur d'aller embrasser, le matin et le soir, l'urne contenant les cendres du grand frère ou de la grande soeur, avec toutes les conséquences psychiques que l'on peut imaginer.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que nous supprimons une liberté. Vous avez raison : nous supprimons la liberté d'appropriation privative, mais, ce faisant, comme le disait tout à l'heure M. Jean-Pierre Sueur, nous instaurons une autre liberté, celle, pour chacun, de pouvoir se recueillir devant les restes d'un être cher ou d'un être admiré. Or, en l'état actuel des choses, dès qu'il y a appropriation privative, il y a impossibilité pour ceux qui n'en bénéficient pas d'avoir ce moment de recueillement face aux restes humains.
Il nous est apparu difficile de nous arrêter au milieu du gué : si nous acceptons l'appropriation privative, ne serait-ce que pendant un temps limité - M. Jean-Pierre Sueur y avait pensé, d'ailleurs, lors de la rédaction de propositions antérieures, puisqu'il préconisait qu'à la demande du défunt l'urne puisse être remise à une personne qui la garderait jusqu'à son propre décès -, comment s'opérera ensuite la « récupération » - pardonnez-moi la familiarité du terme - de l'urne ?
L'appropriation privative, dès qu'elle sera autorisée, aura un caractère quasi définitif, et nous craignons que cela ne compromette la sérénité que nous voulons assurer aux vivants, dans le respect global dû au défunt. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il faut effectivement, comme l'ont souligné M. le rapporteur et tous les intervenants, se réjouir de la qualité du débat, qui porte sur des questions essentielles.
Sur un certain nombre de points se dessine un accord total : il en va ainsi du renforcement du contrôle des conditions d'exercice de la profession d'opérateur funéraire, de la simplification et de la sécurisation des démarches des familles cruellement atteintes par le deuil et, de ce fait, un peu déstabilisées, de l'amélioration du contrôle de la destination des cendres issues de la crémation des personnes décédées, et, enfin, des nécessaires progrès à réaliser s'agissant de la gestion des cimetières.
Madame Beaufils, je conviens tout à fait qu'il faut améliorer la qualification des opérateurs funéraires, qui sont aujourd'hui soumis en partie à des attestations de formation.
Instaurer un devis-type serait un grand progrès, à condition de ne pas tomber non plus - pardonnez-moi, cela va peut-être vous choquer ! - dans l'économie administrative.
M. Jean-Pierre Sueur. Loin de nous cette idée !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il faut laisser les opérateurs locaux déposer les prix de leurs prestations.
Madame Gourault, j'approuve la quasi-totalité, pour ne pas dire la totalité, des propos que vous avez tenus, sous les nombreuses « casquettes » qui sont les vôtres et que vous assumez d'ailleurs toutes parfaitement.
S'agissant de la destination des cendres, il ne faut pas rompre certains équilibres ni heurter le principe de liberté des futurs défunts. Vous avez apporté un élément nouveau - que M. le rapporteur, avec beaucoup de talent, s'est d'ailleurs efforcé d'escamoter - en indiquant que l'AMF, dont vous êtes une des principales responsables, était favorable à l'existence d'un tel principe de liberté.
Mme Jacqueline Gourault. Il s'agit là de la position de mon groupe, monsieur le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Pardonnez-moi ! Quoi qu'il en soit, cela ne change rien à notre accord sur cette question.
Je comprends très bien la position de Jean-René Lecerf et de Jean-Pierre Sueur, mais leur démarche présente l'inconvénient de faire passer du rien au tout. Je reçois un courrier volumineux émanant d'associations de libres-penseurs et d'autres, où l'on se dit très choqué par cette volonté soudaine de réglementer, de verrouiller les marges de liberté dont les familles disposaient. Je pense que cette démarche est en effet un peu violente, un peu trop brutale.
Monsieur Sueur, le rapporteur a indiqué que vous aviez, un temps, songé à un calendrier qui permettrait de lisser ces mesures dans le temps et d'en dresser un bilan. Je serais assez favorable à cette méthode et je regrette que vous ne l'ayez pas à nouveau évoquée. Mettez-vous à la place des familles qui, demain, d'un seul coup, se verront opposer une législation totalement fermée !
Je ne peux m'associer à une disposition qui sera nécessairement comprise comme une forte restriction de liberté.
J'ai bien entendu vos arguments invoquant le parallèle avec les cimetières. Cependant, vous le savez bien, le caractère public de ces derniers est largement lié à des impératifs d'hygiène et de salubrité.
Quant aux personnes désirant se recueillir, elles peuvent le faire devant le caveau de famille, sur lequel peut être gravé le nom du disparu : tous les membres d'une famille ne sont pas nécessairement incinérés !
Madame Gourault, j'ai pris acte des interrogations de l'AMF sur l'opportunité de créer une commission spécialisée auprès du préfet. Là encore, je partage tout à fait votre point de vue : l'institution de ces commissions départementales ne me paraît guère de nature à améliorer le contrôle des opérateurs funéraires.
Pour ce qui est de l'obligation, pour les communes de plus de 10 000 habitants, de se doter d'équipements cinéraires, je pense comme vous qu'elle doit être assortie de délais suffisants pour sa mise en application.
Monsieur Sueur, j'approuve la totalité de vos propositions et de vos objectifs concernant la transparence et la sécurisation des familles, indispensables lorsque ces dernières s'apprêtent à verser - pardonnez la trivialité de mon propos - 2 500 ou 3 000 euros.
Vous soulevez à juste titre le problème des contrats en prévision d'obsèques. J'ai obtenu de Bercy que la circulaire d'application de la loi de 2004 soit publiée en septembre, c'est-à-dire après la publication du décret relatif aux intermédiaires d'assurance.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un engagement important !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je le prends publiquement, mais l'autorité du ministre chargé des collectivités territoriales sur les services de Bercy est parfois entourée d'un flou assez subtil. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mais vous représentez tout le Gouvernement ! (Nouveaux sourires.)
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. C'est bien pourquoi je m'autorise à prendre cet engagement...
Enfin, vous proposez une révolution en matière de crémation. Je comprends, je le répète, le sens de votre démarche, mais, vous l'avez compris, je préfère une évolution moins brutale, qui s'inscrive dans la durée et respecte la liberté du défunt.
Madame Procaccia, je suis, comme vous, très heureux de l'intervention du Sénat pour mieux protéger les souscripteurs des contrats en prévision d'obsèques. Je reconnais que, dans un certain nombre de cas, on peut déplorer un manque de transparence des prix. Ils se situent dans une fourchette allant de 2 500 à 3 000 euros, comme je l'indiquais voilà un instant. La création de devis-types va, à l'évidence, dans le bon sens, mais - j'insiste bien sur ce point - elle ne doit pas conduire à surcharger les maires de travail.
Concernant la baisse de la TVA, tout en comprenant bien l'esprit de cette proposition - dont le coût, selon Bercy, se chiffre à environ 145 millions d'euros -, je suis totalement d'accord avec vous, madame la sénatrice. L'application d'un taux réduit, qui se traduit nécessairement par une diminution des recettes de l'État, est parfois envisagée, mais c'est toujours avec le souci d'améliorer la situation de l'emploi. En l'occurrence, il n'y aurait guère à attendre de cette mesure une telle amélioration.
Enfin, j'ai bien noté vos préoccupations s'agissant des délais d'incinération en cas de crise. Vous avez fait référence à la canicule de 2003. Sur ce point précis, je ne puis vous apporter de réponse concrète, mais l'une des solutions réside dans la diminution d'un certain nombre de formalités administratives, parallèlement à la mobilisation des services concernés.
Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, j'approuve l'essentiel des propositions formulées par la commission des lois, mais je reste attaché à la préservation d'une liberté qui me paraît importante.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
CHAPITRE 1er
DU RENFORCEMENT DES CONDITIONS D'EXERCICE DE LA PROFESSION D'OPÉRATEUR FUNÉRAIRE
Article 1er
Après l'article L. 2223-23 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2223-23-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2223-23-1. - Il est créé une commission départementale des opérations funéraires auprès du représentant de l'État dans le département.
« Composée de deux représentants des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de cimetières et d'opérations funéraires, de deux représentants des opérateurs funéraires habilités et de deux représentants des associations familiales et des associations de consommateurs, cette commission est consultée par le représentant de l'État dans le département lors de la délivrance, du renouvellement, du retrait ou de la suspension de toute habilitation, prévus à l'article L. 2223-23, au 1° et au 4° de l'article L. 2223-25, ainsi qu'aux articles L. 2223-41 et L. 2223-43.
« Un décret fixe les modalités de désignation des membres de cette commission. »
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l'article.
Mme Catherine Procaccia. L'article 1er vise à créer une commission départementale des opérations funéraires auprès du représentant de l'État.
Jacqueline Gourault l'a souligné dans la discussion générale, cela revient à créer une commission de plus. Pour ma part, je m'interroge sur l'utilité d'une telle instance, d'autant que la délivrance, le renouvellement, le retrait ou la suspension de toute habilitation d'un opérateur funéraire répondent à des critères bien définis par la loi et le règlement.
En outre, la composition de cette commission nous conduit à nous interroger sur la neutralité des avis qu'elle sera amenée à émettre. Il est prévu que deux maires en soient membres. Comment deux maires pourront-ils représenter l'ensemble des sensibilités ? Dans un département comme le mien, qui comprend quarante-sept communes, cela paraît déjà difficile. Que dire des départements qui comptent trois cents ou quatre cents communes ?
En outre, parmi les six membres de cette commission se trouveront deux opérateurs funéraires habilités désignés par le représentant de l'État. Sans doute sera-t-il difficile de préserver la parité entre les opérateurs du secteur privé et ceux qui relèvent du secteur public.
Au demeurant, le préfet me semble disposer déjà de tous les éléments nécessaires : il a compétence pour saisir les personnes susceptibles de lui apporter des compléments d'information.
C'est pourquoi cette commission départementale m'apparaît comme une structure de plus et, Jacqueline Gourault l'a dit, ce seront comme toujours les mêmes qui devront assumer cette nouvelle tâche, ce qui entamera encore un peu plus le temps dont ils disposent pour remplir leurs missions essentielles.
Je ne suis donc pas favorable à cet article.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. D'une manière générale, la commission des lois n'est pas favorable à la création de nouvelles commissions : elle l'a encore prouvé la semaine dernière. D'ailleurs, chaque fois que quelqu'un proposera création de commission - cela arrive cinq à six fois par session -, la commission le renverra à ses chères études !
Il reste que, aujourd'hui, ainsi que le rapporteur l'a fort bien expliqué, le contrôle qui est effectué est seulement formel et ne porte pas réellement sur la qualité des entreprises. ? Il y a tout de même eu des scandales assez retentissants !
La solution consisterait peut-être à confier à une commission déjà existante - on peut songer à la commission de la concurrence - la mission que l'on souhaite assigner à cette nouvelle commission départementale. Car il existe pléthore de commissions départementales, depuis celle des taxis à celle des ambulanciers... Les lois de simplification ont d'ailleurs entre autres pour objet de les faire disparaître, monsieur le ministre.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui sera, je l'espère, inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Si tel est bien le cas, le débat va se poursuivre : rien n'est définitivement figé et un certain nombre de dispositions peuvent évoluer.
Aujourd'hui, il nous apparaît que les élus doivent être associés au contrôle des opérateurs funéraires. Certes, les maires sont déjà contraints de siéger dans de trop nombreuses commissions, mais, si des entreprises qui ne sont pas habilitées s'installent dans leur commune, ce sont eux qui seront confrontés aux familles, ne vous faites pas d'illusions !
Par ailleurs, les professionnels souhaitent eux-mêmes qu'un peu de ménage soit fait dans le secteur.
La mesure que nous proposons est loin d'être parfaite : créer une commission départementale supplémentaire n'a rien d'idéal, monsieur le ministre. Mais cela répond à la configuration dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
Pour l'instant, nous avons à coeur de rendre effectifs les contrôles d'habilitation. C'est la raison pour laquelle nous tenons beaucoup, en cette première étape du débat, à ce que soient créées les commissions départementales des opérations funéraires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Je serai bref, car l'intervention de M. Hyest a été très claire.
La formation des commissions départementales des opérations funéraires est volontairement très restreinte.
Dans la pratique, l'habilitation ne donne que très rarement lieu à des contrôles. Pour être habilité, il suffit de fournir cinq documents. Ensuite, les contrôles effectifs sont très rares.
Or il est de l'intérêt des professionnels comme de celui des familles que tout se déroule dans les conditions de décence et de dignité qui sont indispensables en la matière.
C'est pourquoi nous proposons la mise en place de cette structure légère.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je tiens à apporter un certain nombre de précisions afin que la Haute Assemblée soit parfaitement éclairée.
Monsieur le président de la commission des lois, pour une fois, je ne partage pas votre position, qui a été également soutenue par M. Jean-Pierre Sueur.
Premièrement, vous prétendez que le contrôle exercé par les préfectures est flou, pour ne pas dire inefficace, et que cela justifie la création de ces commissions départementales.
La réalité est tout autre ! Les contrôles effectués par les préfectures sont en progression et le nombre de retraits prononcés en atteste. Si les retraits augmentent, c'est bien que les contrôles sont plus nombreux !
M. Jean-Pierre Sueur. Non !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Certes, ces contrôles ne sont pas parfaits, mais ils sont en augmentation.
Deuxièmement, il nous faut être cohérents. En 2004, le gouvernement précédent indique à juste titre que notre pays compte un trop grand nombre de commissions, que cela entraîne beaucoup trop de lourdeurs, occasionne à la fois des coûts bien inutiles et des délais tout à fait dommageables.
Par conséquent, il est prévu de faire disparaître 215 commissions à l'échelon des services centraux et 133 commissions à celui des services déconcentrés. Aujourd'hui, 161 commissions sont d'ores et déjà supprimées.
Soyons logiques : poursuivons l'action que nous avons collectivement décidée voilà quelques années et ne créons pas une commission supplémentaire. Du reste, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le président de la commission, les syndicats professionnels n'en veulent pas.
M. Jean-Pierre Sueur. Ça dépend desquels !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'ai des documents à votre disposition. Je vous communiquerai la liste de ceux qui se sont manifestés : ils sont majoritairement opposés à cette idée.
En résumé, le contrôle des préfectures progresse, la tendance est à la limitation des commissions administratives trop lourdes et les syndicats professionnels ne sont pas favorables à cette création.
Je partage donc l'avis de Catherine Procaccia et suis défavorable à l'adoption de cet article.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pourquoi, alors, ne pas avoir déposé un amendement de suppression ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le quatrième alinéa (2°) de l'article L. 2223-23 du même code est ainsi rédigé :
« 2° De conditions minimales de capacité professionnelle du dirigeant et des agents. Le dirigeant qui assure ses fonctions sans être en contact direct avec les familles et sans participer personnellement à la conclusion ou à l'exécution de l'une des prestations funéraires énumérées à l'article L. 2223-19 n'a pas à justifier de cette capacité professionnelle. »
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, sur l'article.
Mme Bernadette Dupont. Je souhaite obtenir une précision sur cet article, qui prévoit que le maire n'aura pas à justifier de sa capacité professionnelle. Combien de communes sont concernées ?
Je considère que l'accueil d'une famille à la suite d'un décès est un métier difficile. Lorsqu'il est assuré par du personnel communal, celui-ci devra-t-il suivre cette formation ? Il me semble en effet important que l'agent chargé d'accueillir les familles en bénéficie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il existe aujourd'hui 2 000 régies : 2 000 maires au plus seraient donc concernés. Cela étant, seules les régies simples seront visées par la disposition : le nombre des maires touchés sera donc encore bien inférieur.
L'article 2 a pour but d'éviter que les maires n'aient à suivre une formation d'environ 150 heures alors qu'ils n'ont jamais le moindre contact avec les familles. En revanche, l'agent chargé d'accueillir les familles devra suivre cette formation. Non seulement cette formation sera dispensée, mais elle fera désormais l'objet d'un contrôle et sera validée par un diplôme.
Nous le savons, il est arrivé que la formation soit commandée, vraisemblablement payée, mais qu'elle ne soit pas suivie. Et malgré cela, tout se passait comme si de rien n'était !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Après l'article L. 2223-25 du même code, il est inséré un article L. 2223-25-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2223-25-1. - Les agents qui assurent leurs fonctions en contact direct avec les familles et qui participent personnellement à la conclusion ou à l'exécution de l'une des prestations funéraires relevant du service extérieur des pompes funèbres sont titulaires d'un diplôme national, sans préjudice des dispositions de l'article L. 2223-45.
« Un décret fixe les conditions dans lesquelles ces diplômes sont délivrés, la date à partir de laquelle toutes les personnes recrutées par un opérateur funéraire doivent être titulaires du diplôme correspondant, les conditions dans lesquelles les organismes de formation sont habilités à assurer la préparation à l'obtention de ces diplômes, ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes se prévalant d'une expérience professionnelle peuvent se voir délivrer ce diplôme dans le cadre de la procédure de validation des acquis de l'expérience. » - (Adopté.)
CHAPITRE 2
DE LA SIMPLIFICATION ET DE LA SÉCURISATION DES DÉMARCHES DES FAMILLES
Article additionnel avant l'article 4
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Cointat, Yung et Biarnès, Mme Brisepierre, M. Cantegrit, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Duvernois et Ferrand, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry, Mme Kammermann et M. Del Picchia, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2223-3 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Aux Français établis hors de France n'ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci. »
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Vous comprendrez tous qu'un Français qui s'établit hors de France puisse souhaiter retrouver, une fois mort, la terre de son pays.
Malheureusement, le dispositif législatif actuel ne le garantit nullement. En effet, les exemples sont nombreux de consuls qui doivent faire face aux pires difficultés pour obtenir le rapatriement des corps de nos compatriotes : il faut l'autorisation du maire, et celle-ci ne leur est pas toujours accordée.
Il arrive même - on frise là la cocasserie ! - que des cercueils restent pendant des semaines dans des hangars, car on ne sait pas où pourra être enterré le défunt : il faut attendre l'autorisation du maire !
Cet amendement vise donc à remédier à cette situation en prenant un critère qui est à la fois simple et d'intérêt national : un Français qui vit à l'étranger a la possibilité d'exercer ses devoirs civiques dans une commune, qui devient alors sa commune de rattachement en France.
Je rappelle que c'est d'ailleurs sur l'initiative du Sénat que les Français de l'étranger ont désormais la possibilité de s'inscrire dans une commune où est ou a été inscrit un parent, en remontant jusqu'au quatrième degré. Ainsi, pratiquement tous les Français peuvent avoir une commune de rattachement.
Chacun l'aura sans doute remarqué, cet amendement est cosigné par tous les sénateurs représentant les Français établis hors de France, quelle que soit leur sensibilité. Si l'on dit que les liens du mariage cessent avec la mort, l'engagement politique cesse également avec le décès. Pour que le repos éternel soit serein, l'oecuménisme est de mise. Nous avons fait, nous auteurs de cet amendement, preuve de cet oecuménisme et nous espérons bien qu'il s'étendra à l'ensemble des travées de cette assemblée.
M. le président. Cette configuration est effectivement suffisamment rare pour être soulignée, monsieur Cointat.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission se félicite totalement de ce que le consensus ou l'oecuménisme triomphe sur cette question. Elle émet un avis plus que favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cet amendement permet de résoudre un certain nombre de situations douloureuses et donne aux familles expatriées la certitude de pouvoir faire inhumer leurs défunts sur le territoire national.
J'émets donc également un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je ne sais si le terme « oecuménisme » est le plus heureux. Toujours est-il que, sur cette question, l'unanimité règne parmi les sénateurs représentant les Français établis hors de France.
La difficulté est réelle. Même après une longue expatriation, à la fin de sa vie, lorsque l'on sent que la mort approche, il est très naturel de se tourner de nouveau vers la mère patrie et de souhaiter y être inhumé. C'est une aspiration que partagent beaucoup de Français expatriés.
Comme l'a souligné notre collègue Christian Cointat, qui a pris l'initiative de cet amendement, si le Français expatrié ne dispose pas d'un domicile dans une commune française, s'il n'est pas décédé sur le territoire de cette commune et s'il n'y dispose pas d'une sépulture, son inhumation dans ladite commune est soumise à la décision du maire.
Je ne prétends pas que cette décision est nécessairement arbitraire, mais elle peut être refusée, et c'est ce cas que nous avons voulu viser.
Le critère que nous avons retenu nous a été suggéré par le ministère de l'intérieur, à la suite d'une question qui avait été posée par notre collègue Christian Cointat voilà quelques années : l'inscription sur les listes électorales démontre en effet l'existence d'un lien entre le défunt et la commune.
Nous espérons que cet amendement recueillera effectivement l'unanimité.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 4.
Je constate que, conformément au souhait qui a été formulé, cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Article 4
L'article L. 2213-14 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-14. - Afin d'assurer l'exécution des mesures de police prescrites par les lois et règlements, les opérations de fermeture du cercueil, d'exhumation, de réinhumation et de translation de corps s'effectuent :
« - dans les communes dotées d'un régime de police d'État, sous la responsabilité du chef de circonscription, en présence d'un fonctionnaire de police délégué par ses soins ;
« - dans les autres communes, sous la responsabilité du maire, en présence du garde champêtre ou d'un agent de police municipale délégué par le maire, ou, à défaut, sous la responsabilité du commandant de la compagnie de gendarmerie nationale, en présence d'un gendarme. »
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après les mots :
de fermeture du cercueil
rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2213-14 du code général des collectivités territoriales :
lorsque le corps est transporté hors de la commune de décès ou de dépôt et dans tous les cas lorsqu'il y a crémation, ainsi que les opérations d'exhumation, de réinhumation et de translation de corps s'effectuent :
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le présent amendement vise à limiter les opérations donnant lieu à vacations lors de la fermeture du cercueil, lorsque le corps est transporté hors de la commune de décès ou de dépôt et, dans tous les cas, lorsqu'il y a crémation.
Pour que soit atteint l'objectif de réduction des vacations, le Gouvernement va encore plus loin que les auteurs de la proposition de loi, qui est moins limitative à cet égard. En effet, tout en partageant le double souci exprimé par les parlementaires, nous avons également souhaité éviter l'ajout d'un contrôle systématique lors de la fermeture d'un cercueil ne quittant pas la commune, opération qui, dans le droit actuel, ne fait pas l'objet d'une vacation.
Par ailleurs, cette réduction du nombre des vacations est conforme à l'objectif du Gouvernement de préservation de l'ordre public puisque est prévue une présence policière.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur ce sujet, nous avons été en quelque sorte « dépassés » par le Gouvernement, dont nous partageons le souhait de voir le nombre de vacations limité et les procédures simplifiées.
Ces vacations - en moyenne trois par obsèques - pouvaient en effet être très nombreuses. La commission avait souhaité, dans un premier temps, ramener ce chiffre à une seule vacation, mais qui serait devenue obligatoire. Il est vrai que nous n'avions pas pris garde au fait que, dans certaines hypothèses où aucune vacation n'est organisée et perçue, nous compliquions le système.
Cet amendement très utile nous permettra de poursuivre notre travail de simplification des démarches des familles. L'avis de la commission est donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre objectif est très clair : il s'agit de simplifier les démarches.
Aux pages 64, 65 et 66 du rapport d'information que Jean-René Lecerf et moi-même avons rédigé, sont énumérées, les dix-huit formalités susceptibles de s'appliquer à l'heure actuelle, ainsi que leurs diverses modalités d'application. Nous avons pensé qu'il était nécessaire de simplifier ce dispositif non seulement lourd, mais aussi onéreux.
J'exprimerai, pour ma part, une seule réserve sur les propositions de M. le ministre. Nous avions tenu à ce qu'une formalité au moins soit maintenue : la procédure de contrôle. En effet, il ne faut pas oublier que, à l'origine, ces vacations n'ont pas été mises en place pour des raisons futiles : il s'agissait d'exercer un contrôle public, qui s'avère toujours aussi nécessaire.
Cela étant, je constate que M. le ministre « outrepasse », comme l'a dit M. le rapporteur, la mesure que nous préconisions dans notre proposition de loi. Il est donc clair que nous allons dans le même sens.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2213-14 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots :
, ou à défaut, sous la responsabilité du commandant de la compagnie de gendarmerie nationale, en présence d'un gendarme
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'ai déjà évoqué ce sujet lors de la discussion générale. Le présent amendement tend à supprimer la faculté introduite par la proposition de loi et selon laquelle la mission de surveillance des opérations funéraires donnant lieu à vacations peut également, en zone de gendarmerie, être assurée par les gendarmes.
Si nous avons réorganisé la gendarmerie et augmenté ses effectifs, c'est pour que les gendarmes puissent se consacrer à leur mission centrale, qui est d'assurer la sécurité sur l'ensemble du territoire. Il existe suffisamment de cas où l'énergie des forces de sécurité se trouve dispersée pour que l'on n'en ajoute pas un autre, empêchant ainsi les gendarmes d'être disponibles sur le terrain pour garantir la sécurité de nos compatriotes.
Par ailleurs, cet amendement comporte un avantage sur le plan financier. En effet, la proposition de loi ne prévoit pas d'étendre le dispositif financier existant pour les zones de police d'État, ce qui entraînerait une charge supplémentaire puisque le montant des vacations ne pourrait pas, dès lors, être reversé au budget de l'État. (Mme Jacqueline Gourault opine.)
Le Gouvernement vous propose donc d'adopter cet amendement, qui est positif en termes d'efficacité dans l'utilisation des forces de sécurité et de gendarmerie, mais aussi d'un point de vue financier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il est défavorable, car l'aspect technique de ce problème pourrait être corrigé dans le cadre d'une loi de finances ultérieure.
Sur le fond, il est évident que la responsabilité première des gendarmes consiste d'abord à assurer le maintien de l'ordre. Je constate que Mme la vice-présidente de l'Association des maires de France, Mme Jacqueline Gourault, ne craint pas que cette mission ne soit trop lourde à supporter pour les maires et leurs adjoints, qui devront l'assumer en totalité en l'absence de gendarmes pour les relayer.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur Lecerf, je me réjouis que vous attachiez une telle importance à l'avis de l'Association des maires de France, car vous m'aviez fait part de certaines remarques tout à l'heure.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je cherche souvent à rencontrer ses représentants !
Mme Jacqueline Gourault. Je tiens à vous informer, monsieur le rapporteur, que le bureau de l'AMF s'est réuni hier soir pour discuter de ce sujet. C'est la raison pour laquelle vous n'avez pas eu de nos nouvelles plus tôt. Il est vrai que l'AMF n'a sans doute pas été très réactive à cette occasion. Mais j'ai pour principe de toujours défendre les organes que je représente.
Je souhaite revenir sur le problème, évoqué par M. le ministre à l'instant, des communes où intervient la police nationale.
Dans mon département, par exemple, certaines communes rurales ne sont pas situées en zone de gendarmerie mais en zone de police nationale. Que devons-nous faire dans ce cas ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Actuellement, en zone de police, les maires sont déchargés de cette fonction puisque c'est la police nationale qui effectue ces missions. En revanche, en zone de gendarmerie, depuis la clarification qui a été opérée, ce sont les maires, les policiers municipaux, s'il y en a dans la commune, ou le garde champêtre qui s'en chargent.
Jusqu'à présent, les gendarmes ne sont jamais intervenus dans les communes situées en zone de gendarmerie. C'est le maire qui a la responsabilité de la surveillance des opérations funéraires.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Ma commune se trouve dans une zone de police ; or c'est le maire qui assume cette mission et non la police nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas normal ! Il faut régler cela avec votre commissaire de police.
Mme Jacqueline Gourault. Et c'est simplement par défaut que nous faisons appel à la police nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sont des conventions locales !
La commission des lois a choisi d'innover en considérant que, puisque la police intervient, la gendarmerie doit aussi pouvoir intervenir.
À titre personnel, je connais bien les charges qui incombent à la gendarmerie, car je suis maire d'un petit village dans lequel il n'y a ni garde champêtre ni policiers municipaux. J'ai donc assumé personnellement la surveillance d'un certain nombre d'opérations funéraires, notamment le dimanche après-midi, lorsque le transport du corps était nécessaire. Dans ces situations, c'est le maire, ou l'un de ses adjoints, qui doit assumer ces responsabilités. Après tout, ce n'est pas si fréquent et cela permet d'avoir un contact avec les familles endeuillées, ce qui n'est pas négligeable dans les très petites collectivités.
Pour ma part, même par défaut, je n'irai pas faire appel aux gendarmes et les enquiquiner un dimanche soir, d'autant qu'il faut passer pour cela par la compagnie de gendarmerie. Je préfère prendre moi-même ces opérations en charge, comme cela se fait depuis toujours.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Je soutiendrai à titre personnel l'amendement du Gouvernement, car les opérations d'état civil relèvent de la compétence des maires, notamment en milieu rural. Lorsque j'étais maire, j'ai assumé un certain nombre d'opérations funéraires dans ma commune, en me rendant moi-même sur place.
Les gendarmes ont autre chose à faire que d'effectuer ce genre de missions, dans la mesure où on leur demande d'être sur le terrain lorsque des délits sont commis et que des accidents surviennent. Peut-être le problème se pose-t-il différemment en ville mais, à la campagne, c'est le rôle des élus d'effectuer ce genre d'opérations.
Par ailleurs, comme le disait M. Hyest, c'est une occasion de rencontrer des familles endeuillées et de leur apporter une aide.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je veux tout d'abord remercier M. le président de la commission des lois des précisions qu'il nous a apportées. En effet, étant élue dans une zone urbaine, je ne sais pas forcément ce qui se passe à la campagne. Pourtant, en tant que maire d'une grande commune urbaine, il m'est aussi arrivé d'assurer des « gardes » le dimanche après-midi, c'est-à-dire d'aller constater des décès et de proposer mon aide aux familles, car cela fait partie de mes fonctions.
Je comprends parfaitement la position de la commission, qui souhaite étendre aux zones rurales des dispositions applicables en ville et en zone de police. Elle me paraît logique dans le cadre d'une proposition de loi visant à remettre à plat l'ensemble du dispositif existant en matière de législation funéraire et à aménager les procédures afin de les rendre plus sûres sur le plan juridique.
Pour autant, j'ai aussi été sensible aux propos de M. le ministre et de notre collègue Rémy Pointereau lorsqu'ils nous ont expliqué que les gendarmes avaient peut-être mieux à faire. En effet, les gendarmes, y compris ceux qui sont en poste à proximité de ma circonscription, se plaignent souvent d'être débordés compte tenu des innombrables missions qu'ils doivent assurer. Dans ces conditions, il leur est difficile de veiller sur la sécurité de nos compatriotes, surtout dans les territoires ruraux, où ils doivent parcourir des distances très importantes.
M. le rapporteur a estimé, quant à lui, que l'aspect technique de ce problème pourrait être examiné par la suite. Si c'est le cas, pourquoi ne pas attendre un moment plus opportun ? Pourquoi voter dès maintenant cette disposition ?
Pour ma part, au vu de l'ensemble de ces éléments, je me prononcerai pour l'amendement du Gouvernement, tout en lui demandant d'envisager une modification ultérieure.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Les deux orateurs précédents ont dit l'essentiel de ce que ce que je voulais dire moi-même.
La position de la commission était certes parfaitement claire, mais, compte tenu des explications fournies par M. le ministre, je crois que nous devons aller dans la voie qu'il nous propose et voter l'amendement du Gouvernement.
M. Henri de Raincourt. C'est le bon sens !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je ne serai pas tout à fait dans la même tonalité que mes collègues.
Que cela soit bien clair : la commission propose que la mission de surveillance des opérations funéraires puisse, et non doive, être confiée à la gendarmerie.
En ce qui concerne l'objection soulevée par ma collègue Mme Gourault, qui vient de la même région que moi, je conviens que les situations ne sont pas tout à fait les mêmes en agglomération et en zone rurale. Il faut cependant savoir que, voilà quelques années, on a voulu supprimer, dans les zones urbaines, l'intervention de la police nationale. Je crains donc que le refus du Gouvernement de donner la possibilité que la gendarmerie intervienne ne soit un prélude à la suppression de l'intervention de la police en zone urbaine. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Voilà pourquoi, pour ma part, j'apporte mon total soutien au texte tel qu'il est proposé par la commission et je voterai contre l'amendement du Gouvernement.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 2213-14 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonctionnaires mentionnés aux alinéas précédents peuvent assister, en tant que de besoin, à toute autre opération consécutive au décès. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Puisqu'il a été décidé qu'il n'y aurait plus qu'une seule vacation, je vous propose que l'on permette les contrôles inopinés.
En effet, si la suppression de nombreuses opérations de surveillance va, à l'évidence, dans le sens souhaité par les familles et par les opérateurs funéraires, il est néanmoins nécessaire que les agents habilités à exercer des opérations de surveillance puissent effectuer ponctuellement des contrôles inopinés. Cette précision ne figurant pas dans le texte retenu par la commission, je vous propose de l'y intégrer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'avis de la commission est favorable. Il est vrai que nous avons regretté le caractère parfois trop automatique de la délivrance des habilitations, et donc des procédures éventuelles de suspension et de retrait. L'existence de contrôles inopinés devrait garantir une plus grande fiabilité des opérateurs funéraires.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
La première phrase du premier alinéa de l'article L. 2213-15 du même code est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Les opérations de surveillance mentionnées à l'article L. 2213-14 donnent seules droit à des vacations dont le taux, fixé par le maire après avis du conseil municipal, est compris entre 20 et 25 euros. Ces vacations sont versées à la recette municipale. » - (Adopté.)
Article 6
Après l'article L. 2223-21 du même code, il est inséré un article L. 2223-21-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2223-21-1. - Les conseils municipaux des communes de 10 000 habitants et plus établissent des devis-types qui s'imposent aux opérateurs funéraires habilités exerçant leur activité sur leur territoire.
« Les conseils municipaux des communes de moins de 10 000 habitants ont la faculté d'imposer de tels devis-types.
« Le maire définit les conditions dans lesquelles ces devis-types sont tenus à la disposition de l'ensemble des habitants de la commune. Ils peuvent toujours être consultés à la mairie. »
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les deux premiers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 2223-21-1 du code général des collectivités territoriales :
L'opérateur funéraire qui exerce son activité sur le territoire d'une commune d'au moins 10 000 habitants dépose à la mairie de cette commune un devis-type détaillé dans lequel figurent les produits et prestations nécessaires à l'organisation d'obsèques (inhumation et crémation). Ce document, qui s'impose à l'opérateur, mentionne, pour chaque type de produits et prestations, l'offre disponible la moins onéreuse. Il est consultable en mairie.
« Dans les communes de moins de 10 000 habitants, les conseils municipaux ont la faculté d'imposer les dispositions de l'alinéa précédent.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. L'article 6 répond aux préoccupations exprimées par la commission des lois concernant la transparence des prix ainsi que l'étude comparative, qui serait concrètement facilitée. Toutefois, la rédaction qu'elle a retenue est susceptible de mettre en difficulté les conseils municipaux, car la confection des devis-types serait à leur charge.
L'adoption de l'amendement proposé éviterait que le conseil municipal ait à établir lui-même la liste des produits et prestations concernés, tâche nécessitant une technicité qui est vraisemblablement de la seule compétence des professionnels. Elle permettrait aussi aux familles de consulter dans un lieu neutre un document qui ferait office de tarif pour chaque opérateur.
C'est donc un souci à la fois d'efficacité, de simplicité et de lisibilité qui anime le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable.
Nous avons déjà fait de grands progrès puisque nous sommes désormais d'accord sur le principe même des devis-types. C'est sur les seules modalités que subsiste un différend.
Certes, l'amendement du Gouvernement permettrait le recensement des offres des opérateurs funéraires exerçant leur activité sur le territoire de la commune, et cela nous paraît positif ; néanmoins, il ne nous paraît pas garantir aux familles la possibilité de disposer d'un outil de comparaison efficace entre les différentes prestations des opérateurs funéraires et les prix qui leur sont associés. En particulier, les opérateurs ne seraient tenus qu'à présenter leur offre la moins onéreuse, alors que nous souhaitons que la possibilité de choix des familles puisse s'opérer sur des gammes de prestations.
À nos yeux, l'amendement du Gouvernement ne permettrait donc pas de sécuriser suffisamment les démarches des familles et de les protéger, alors que ce sont des moments particulièrement douloureux, certainement les moments où il est le plus nécessaire de les prémunir contre les prix abusifs que, il faut bien le dire, proposent certains opérateurs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr, je partage totalement la position de M. le rapporteur.
Je comprends tout à fait les préoccupations du Gouvernement, mais, tel qu'il est rédigé, son amendement se traduirait en fait par une inefficacité totale des devis-types : s'il était adopté, c'est chaque entreprise qui établirait son devis-type. Évidemment, elle s'engagerait à le respecter, mais c'est bien le moins ! En fait, cette rédaction viderait le devis-type de sa substance même.
En effet, lorsque survient un décès, lorsqu'une famille est bouleversée, elle ne peut pas procéder à l'examen des différents devis s'ils ne sont pas comparables. Ce qui importe alors, nous l'avons maintes fois répété, c'est que la comparaison soit possible. Or cela suppose que soient présentés des « paquets » de prestations, c'est-à-dire des descriptifs d'obsèques, pour lesquels on demande à toutes les entreprises qui opèrent dans un lieu donné de fournir leurs prix. Ainsi, chaque famille pourra à tout moment établir des comparaisons pertinentes. Cela ne signifie pas qu'elle fera son choix uniquement en fonction du prix, mais, au moins, elle le connaîtra, et chacun sera obligé de le respecter.
J'ajouterai une précision complémentaire. Il est très souhaitable que l'autorité municipale élabore les devis-types en concertation avec les professionnels, qui connaissent le sujet. J'ai moi-même eu l'occasion de le faire, et cela s'est passé dans de bonnes conditions, cette démarche n'a suscité aucune difficulté.
En aucun cas, il ne faut que chaque entreprise fasse son propre devis-type, car, dans ce cas, il n'y a plus de devis-type !
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
La première phrase de l'article L. 2223-33 du même code est ainsi rédigée :
« À l'exception des formules de financement d'obsèques, sont interdites les offres de services faites en prévision d'obsèques ou pendant un délai de trois mois à compter du décès, en vue d'obtenir ou de faire obtenir, soit directement, soit à titre d'intermédiaire, la commande de fournitures ou de prestations liées à un décès. » - (Adopté.)
Article 8
L'article L. 2223-43 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces établissements ne peuvent exercer aucune autre mission relevant du service extérieur des pompes funèbres. » - (Adopté.)
CHAPITRE 3
DU STATUT ET DE LA DESTINATION DES CENDRES DES PERSONNES DÉCÉDÉES DONT LE CORPS A DONNÉ LIEU À CRÉMATION
Article 9
Après l'article 16-1 du code civil, il est inséré un article 16-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-1-1. - Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort.
« Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence. »
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. L'article 9 est certainement l'un des plus importants de la proposition de loi qui nous est soumise, car, au fond, il confère aux cendres des personnes décédées dont le corps a subi la crémation un statut parallèle à celui de la dépouille elle-même. Cette démarche était nécessaire puisque la pratique de la crémation tend à se développer rapidement, en raison de l'évolution des moeurs.
Le texte précise que les cendres devront être traitées avec « avec respect, dignité et décence ». Chacun de ces trois mots est important.
Je me suis demandé pourquoi ils figuraient ensemble dans le texte alors que, a priori, ils veulent dire la même chose. En réalité, quand on consulte le dictionnaire, on s'aperçoit que leurs significations sont différentes et complémentaires. Le respect, c'est le sentiment de réserve, de retenue, de déférence ; la dignité, c'est le sentiment de gravité, de grandeur, et même de noblesse ; la décence, enfin, c'est le sentiment de délicatesse, de discrétion, parfois même de modestie. C'est donc l'addition de ces trois valeurs qu'il nous est proposé de retenir pour les cendres.
Le droit constitutionnel, le droit civil, le droit pénal, appliquent le principe de dignité à la personne humaine, mais non aux produits et éléments de la personne décédée. Le Conseil d'État a consacré en 1995 le principe du respect de la dignité de la personne humaine dans un célèbre arrêt concernant le lancer de nains, l'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge. Quant au droit civil, il consacre ce principe depuis l'adoption, en 1994 et 2004, des lois ayant trait à la bioéthique.
En étendant le principe de dignité aux cendres, nous en rendrons donc condamnable et punissable toute instrumentalisation.
Le rapporteur l'a rappelé ce matin, nous constatons un certain nombre de dérives particulièrement affligeantes dans le traitement, l'usage ou le non-usage des cendres. Nous avons évoqué des tableaux réalisés par des artistes ; ce matin, un journal indique qu'une société de bijouterie vous propose de fabriquer des bijoux, des pendentifs, avec les cendres ou les restes des membres de votre famille... Tout cela est inacceptable, inqualifiable, et doit être condamné.
Pour toutes ces raisons, l'article 9 mérite d'être adopté.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
L'article 16-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La protection prévue à l'alinéa précédent ne cesse pas avec la mort. »
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je souhaite attirer l'attention de la Haute Assemblée sur les conséquences que pourrait avoir l'adoption de cet article.
Risquent en effet d'être touchés des domaines bien éloignés de la police funéraire, puisque l'absence de limitation de durée peut avoir des conséquences sur la recherche, sur l'archéologie, sur l'anthropologie, sur la chirurgie ou sur la recherche biomédicale.
Pour cette raison, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet article.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le principe de respect est absolument indispensable, tout le monde en convient. Il fait l'objet des articles 9 et 10. Dans le même temps, et j'ai bien entendu M. le ministre, la préservation du respect dû semble s'opposer au principe de liberté.
La commission des lois considère que le respect doit primer la liberté. Il ne faut pas que celle-ci puisse devenir licence ; or les abus ont été si nombreux !
La réflexion de la commission l'a conduite à estimer - et même Jean-Pierre Sueur en était d'accord - que, dans certains cas, dès lors que l'objectif est respectable et la décence respectée, la porte doit rester ouverte à de possibles évolutions. Cependant, tout en ménageant le débat ultérieur, il faut être extrêmement ferme au départ. C'est tout de même là le sens de la proposition de loi !
Je pense que ni le rapporteur ni M. Sueur ne sont fermés à ce que chacun puisse indiquer ce qu'il veut qu'il advienne de ses cendres, si la décence et la préservation sont garanties. Bien sûr, certains, qui ne croient en aucune façon à la vie après la mort - je ne parlerai même pas de « résurrection », terme sans doute trop connoté -, s'en moquent éperdument. Néanmoins, il me semble que c'est le rôle du législateur que de prévenir les risques d'abus et de réaffirmer strictement que les restes d'une personne décédée, que ce soient des cendres ou non, doivent être préservés.
Étant donné la progression de la crémation, il faut que les médecins qui délivrent les certificats de décès soient bien formés et très vigilants. En effet, nous risquons d'avoir demain, en matière criminelle, des problèmes qui ne seront pas négligeables. Il s'agit d'autres aspects qui n'ont pas à être traités dans le cadre de cette proposition de loi, mais il est clair que les progrès de la police scientifique et technique pourraient être totalement anéantis par une crémation qui serait prématurée.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je souhaite simplement préciser, en complément des propos de M. le président de la commission, que, si j'étais favorable à l'article 9, je suis réservé sur l'article 10.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Devant les dérives auxquelles nous assistons sur le devenir des urnes cinéraires, la commission a voulu prendre le maximum de précautions en prévoyant que les restes des personnes décédées, y compris les cendres, devaient donner lieu à respect, dignité et décence.
Nous n'ignorons pas que toute une série de discussions juridiques peuvent découler des dispositions que nous préconisons. En effet, la notion de dignité était jusqu'à présent réservée à des personnes vivantes.
Nous ne souhaitons pas affadir cette dignité dont les personnes vivantes doivent être l'objet, mais nous estimons avoir pris les précautions maximales et, pour le reste, monsieur le ministre, la suite du processus législatif y pourvoira.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, sur l'article.
Mme Bernadette Dupont. Nous connaissons tous des exemples de profanations dans nos cimetières. Le problème se posait déjà avec les corps inhumés. Si l'on considérait que les cendres ne sont pas des restes humains et que l'on peut en faire n'importe quoi, cette conception risquerait de s'étendre aux dépouilles reposant dans les cimetières, et c'est alors l'être humain qui, en tant que tel, disparaîtrait avec la mort. C'est pourquoi cet article est extrêmement important.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
Dans le deuxième alinéa de l'article 225-17 du code pénal, après les mots : « de sépultures » sont insérés les mots : «, d'urnes cinéraires ». - (Adopté.)
Article 12
Le premier alinéa de l'article L. 2223-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Chaque commune ou chaque établissement public de coopération intercommunale dispose d'au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l'inhumation des morts et, dans les communes de 10 000 habitants et plus ou les établissements publics de coopération intercommunale de 10 000 habitants et plus compétents en matière de cimetières, un site cinéraire destiné à l'accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation. » - (Adopté.)
Article 13
L'article L. 2223-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2223-2. - Le terrain consacré à l'inhumation des morts est cinq fois plus étendu que l'espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé des morts qui peuvent y être enterrés chaque année.
« Le site cinéraire destiné à l'accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation comprend un espace aménagé pour leur dispersion et doté d'un équipement mentionnant l'identité des défunts, ainsi qu'un columbarium ou des caveaux d'urnes appelés cavurnes. » - (Adopté.)
Article 14
Dans la section 1 du chapitre III du titre II du livre II de la deuxième partie du même code, il est créé une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Destination des cendres
« Art. L. 2223-18-1. - Aussitôt après la crémation, les cendres sont pulvérisées et recueillies dans une urne cinéraire munie extérieurement d'une plaque portant l'identité du défunt et le nom du crématorium.
« A la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles et dans l'attente d'une décision relative à la destination des cendres, l'urne cinéraire est conservée au crématorium pendant une période qui ne peut excéder six mois.
« Au terme de ce délai et en l'absence de décision de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont dispersées dans l'espace aménagé à cet effet du cimetière de la commune du lieu du décès ou dans l'espace le plus proche aménagé à cet effet visé à l'article L. 2223-18-2.
« Art. L. 2223-18-2. - A la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont en leur totalité :
« - soit conservées dans l'urne cinéraire, qui peut être déposée dans une sépulture, une case de columbarium ou un cavurne ou scellée sur un monument funéraire à l'intérieur d'un cimetière ou d'un site cinéraire visé à l'article L. 2223-40 ;
« - soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d'un cimetière ou d'un site cinéraire visé à l'article L. 2223-40 ;
« - soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques.
« Art. L. 2223-18-3. - En cas de dispersion des cendres en pleine nature, la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles en fait la déclaration à la mairie de la commune du lieu du décès. L'identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres sont inscrits sur un registre créé à cet effet.
« Art. L. 2223-18-4. - Le fait de créer, de posséder, d'utiliser ou de gérer, à titre onéreux ou gratuit, tout lieu collectif, en dehors d'un cimetière public ou d'un lieu de sépulture autorisé, destiné au dépôt temporaire ou définitif des urnes ou à la dispersion des cendres, en violation des dispositions du présent code est puni d'une amende de 15 000 euros par infraction. » - (Adopté.)
Article 15
L'article L. 2223-40 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2223-40. - Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale sont seuls compétents pour créer et gérer, directement ou par voie de gestion déléguée, les crématoriums et les sites cinéraires qui leur sont contigus.
« Lorsqu'un site cinéraire contigu d'un crématorium fait l'objet d'une délégation de service public, le terrain sur lequel il est implanté et les équipements qu'il comporte font l'objet d'une clause de retour à la commune ou à l'établissement public de coopération intercommunale au terme de la délégation.
« Toute création ou extension de crématorium ne peut avoir lieu sans l'autorisation du représentant de l'État dans le département, accordée après une enquête publique conduite selon les modalités prévues aux articles L. 123-1 à L. 123-16 du code de l'environnement et un avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques. Elle doit être compatible avec le schéma des crématoriums prévu à l'article L. 2223-40-1. » - (Adopté.)
Article 16
I. - Après l'article L. 2223-40 du même code, il est inséré un article L. 2223-40-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2223-40-1. - I. Chaque région est couverte par un schéma régional des crématoriums comprenant :
« 1° Le recensement des équipements existants ;
« 2° Une évaluation prospective ;
« 3° La mention des équipements qu'il apparaît nécessaire de créer au regard de l'évaluation des besoins et des capacités des zones voisines hors de son périmètre d'application.
« II. Le schéma est élaboré conjointement par le représentant de l'État dans la région et le président du conseil régional.
« III. Le projet de schéma est soumis pour avis aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création de crématoriums, aux commissions départementales des opérations funéraires prévues à l'article L. 2223-23-1, ainsi qu'au conseil régional. Il peut être modifié pour tenir compte de ces avis qui sont réputés donnés en l'absence de réponse dans un délai de deux mois. Le schéma est publié. »
II. - L'article L. 2573-22 du même code est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - Pour l'application à Mayotte de l'article L. 2223-40-1, le schéma des crématoriums est élaboré conjointement par le représentant de l'État et le président du conseil général, après avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création de crématoriums, de la commission départementale des opérations funéraires prévue à l'article L. 2223-23-1, ainsi que du conseil général. »
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 2223-40-1 du code général des collectivités territoriales :
« II. Le schéma est élaboré par le représentant de l'État dans la région après avis du président du conseil régional et des présidents des conseils généraux.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cet amendement prévoit de confier l'élaboration du schéma régional des crématoriums au représentant de l'État dans la région, mais après avis des collectivités, c'est-à-dire après avis du président du conseil régional et des présidents des conseils généraux.
En réalité, nous souhaitons supprimer la proposition d'un partage des compétences sur ce point entre le représentant de l'État dans la région et le président du conseil régional. À mon sens, un avis suffirait à équilibrer la décision.
Honnêtement, je ne vois pas en quoi cela relève de la compétence des conseils régionaux et je vois que le président de conseil général qu'est Henri de Raincourt m'approuve sur ce point, ce qui me réjouit.
M. Henri de Raincourt. Comme sur beaucoup d'autres !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. De surcroît, cela créerait une tutelle sur les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création et de gestion des crématoriums, ce qui n'est pas l'objet de ce texte.
Ne confions pas aux conseils régionaux des fonctions qui ne relèvent pas de leur champ de compétences traditionnel et en même temps ne créons pas de tutelle sur les communes.
M. le président. Le sous-amendement n° 15, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin du second alinéa de l'amendement n° 8, supprimer les mots :
après avis du président du conseil régional et des présidents des conseils généraux
La parole est à M. le rapporteur pour présenter ce sous-amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 8.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le ministre, nous avons une différence d'approche, mais nous allons nous retrouver sur le fond.
La différence d'approche concerne l'accusation faite à la commission des lois de vouloir mettre en place une tutelle de la région sur les communes ou sur les EPCI. Sur ce point, nous ne sommes pas d'accord car nous nous référons à d'autres textes. Par exemple, le traitement et l'élimination des déchets relèvent de la compétence des communes, mais les décisions de ces dernières doivent être compatibles avec le plan régional d'élimination des déchets, qui relève de la région, ou le plan départemental sur l'élimination des déchets ménagers, qui relève quant à lui du département.
Nous constatons également que de nombreux documents de planification font encore l'objet d'une élaboration conjointe par le préfet et le président d'une collectivité territoriale. Il en va ainsi, par exemple, du schéma d'aménagement des aires d'accueil des gens du voyage ou du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, que connaissent bien nos collègues présidents de conseils généraux.
Il n'en reste pas moins qu'au nom de la simplification administrative, et non pas en raison d'un risque éventuel de tutelle, la commission est favorable à l'amendement n° 8 sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 15.
Il s'agit d'un sous-amendement de forme : nous souhaitons distinguer clairement les autorités qui sont compétentes pour l'élaboration du schéma, le préfet, et les autorités compétentes pour rendre un avis, c'est-à-dire les représentants des collectivités ; nous y reviendrons avec l'amendement suivant, qui porte sur le paragraphe III de l'article 16.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 15 ?
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 2223-40-1 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots :
, ainsi qu'au conseil régional
La parole est à M. le ministre délégué.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
Toutefois, nous souhaitons que soit introduite dans le paragraphe III la mention de l'ensemble des avis qui devront être donnés. Il s'agirait donc, monsieur le ministre, si vous le voulez bien, de rédiger comme suit la première phrase du III :
« Le projet de schéma est soumis pour avis au président du conseil régional, aux présidents des conseils généraux, aux maires et aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création de crématoriums, ainsi qu'aux commissions départementales des opérations funéraires prévues à l'article L. 2223-23-1. »
Nous voulons distinguer, je le rappelle, l'autorité compétente pour élaborer le schéma régional des crématoriums - désormais, le seul préfet de région - et les autorités qui participent, en émettant un avis, à la procédure d'élaboration du document.
M. le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 9 rectifié, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 2223-40-1 du code général des collectivités territoriales :
« Le projet de schéma est soumis pour avis au président du conseil régional, aux présidents des conseils généraux, aux maires et aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création de crématoriums, ainsi qu'aux commissions départementales des opérations funéraires prévues à l'article L. 2223-23-1. »
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. L'extension à Mayotte des dispositions du présent article, qui prévoit la création d'un schéma régional des crématoriums, paraît inadaptée à ce territoire compte tenu de la situation locale. La population de Mayotte comprend 160 000 habitants dont 95 % sont de confession musulmane et, comme vous le savez, la religion musulmane prohibe la crémation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le rapporteur fait son mea culpa sur ce point : nous resterons donc dans l'oecuménisme ! Effectivement, dès lors que 95 % des habitants de Mayotte sont de confession musulmane et, de ce fait, refusent la crémation, un crématorium devrait amplement suffire. Dans ces conditions, il est inutile d'élaborer un schéma des crématoriums.
La commission émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
CHAPITRE 4
DE LA CONCEPTION ET DE LA GESTION DES CIMETIÈRES
Article 17
Après l'article L. 2223-12 du même code, il est inséré un article L. 2223-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2223-12-1. - Le maire peut, après avis du conseil municipal et du conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, prendre toute disposition de nature à assurer la mise en valeur architecturale et paysagère du cimetière ou du site cinéraire. Ces avis sont réputés favorables s'ils n'ont pas été rendus dans un délai de deux mois à compter de la notification du projet de disposition. »
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 2223-12-1 du code général des collectivités territoriales :
« Art. L. 2223-12-1 - Le maire peut, sur délibération du conseil municipal et après avis du conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, prendre toute disposition de nature à assurer la mise en valeur architecturale et paysagère du cimetière ou du site cinéraire. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. La proposition de loi prévoit l'insertion, dans le code général des collectivités territoriales, d'un article donnant la possibilité au maire de prendre toute décision de nature à assurer la mise en valeur architecturale et paysagère du cimetière.
Une véritable police de l'esthétique paraît délicate à mettre en oeuvre de manière objective.
Il est cependant pertinent de développer une unité paysagère et une architecture cohérente du cimetière et du site cinéraire en donnant la faculté au maire de prendre toute disposition nécessaire.
En outre, il est souhaitable de renforcer le rôle du conseil municipal en l'associant par une délibération et non par un simple avis.
Enfin, je rappelle que l'existence d'un conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, ou CAUE, est obligatoire dans chaque département. Mme Beaufils a évoqué ce sujet tout à l'heure lors de la discussion générale.
Mme Marie-France Beaufils. Dans mon département, il a été supprimé il y a vingt ans par le conseil général.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le contrôle de légalité n'a pas été suffisant !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il s'agit d'une délibération intéressante qu'il faudra examiner, même si c'est avec quelques années de retard !
Quoi qu'il en soit, il ne nous a pas semblé utile de préciser que l'avis du CAUE est réputé favorable dans l'hypothèse d'un silence de deux mois à compter de la notification de la proposition du maire.
M. le président. Le sous-amendement n° 16, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article L. 2223-12-1 du code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée :
L'avis du conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement est réputé favorable s'il n'a pas été rendu dans un délai de quatre mois à compter de la notification du projet de disposition.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 11.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le Gouvernement et la commission se rejoignent sur le souhait d'améliorer l'esthétique des cimetières, leur mise en valeur paysagère et architecturale.
J'ai indiqué lors de la discussion générale qu'il nous paraissait urgent de protéger nos cimetières civils de l'affligeante laideur qui les caractérise parfois et qui les distingue, par exemple, des cimetières militaires, où l'on se sent, de par leur aspect même, plus naturellement, plus spontanément, enclin au recueillement.
Nous avons beaucoup réfléchi sur l'amélioration de l'esthétique et de l'aménagement paysager. Nous étions partis d'une police de l'esthétique accordée aux maires. Mais, dans ce cas, le pouvoir de police étant un pouvoir propre du maire, il devenait quasi impossible de limiter les pouvoirs du maire par l'intervention du conseil municipal ou du CAUE, car nous risquions des incompétences négatives.
Nous sommes donc passés d'un pouvoir de police à un pouvoir de gestion : ainsi, le maire interviendra de nouveau en tant qu'exécutif des délibérations du conseil municipal. Le conseil municipal pourra donc accepter qu'une réglementation se mette en place ou le refuser. Il pourra également voter cette réglementation et intervenir ensuite au coup par coup par arrêté, chaque fois que cela sera nécessaire.
Par conséquent, sur ce point, nous rejoignons le Gouvernement.
Il est prévu par ailleurs dans le texte de la proposition que le CAUE, en principe présent dans tous les départements, devra rendre son avis dans un délai de deux mois, faute de quoi il sera réputé favorable. Ce délai est vraisemblablement un peu court. Notre sous-amendement vise donc à le porter à quatre mois.
Nous sommes hostiles à la suppression de tout délai à cet égard, car nous ne voulons pas qu'une carence du CAUE empêche le conseil municipal ou le maire d'agir.
Sous cette réserve, la commission a émis favorable sur l'amendement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 16 ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
L'article L. 2223-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2223-4. - Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés.
« Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l'absence d'opposition connue ou attestée du défunt.
« Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l'ossuaire. » - (Adopté.)
Article 19
Le second alinéa de l'article L. 2223-27 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le maire fait procéder à la crémation du corps lorsque le défunt en a exprimé la volonté. »
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Mahéas, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Ce même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La prise en charge par la commune des frais d'obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes qui décèdent sur son territoire alors qu'elles n'y sont pas domiciliées fait l'objet d'une compensation financière de l'État. Les conditions de cette compensation financière sont fixées par décret en Conseil d'État. »
... - Les charges résultant de la compensation financière de la prise en charge par la commune des frais d'obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes qui décèdent sur son territoire alors qu'elles n'y sont pas domiciliées sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
CHAPITRE 5
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article additionnel avant l'article 20
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Papon, M. Trillard et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du second alinéa de l'article 79-1 du code civil est complétée in fine par les mots : « lorsque l'enfant est né vivant mais non viable ou lorsque l'enfant est mort-né après un terme de quatorze semaines d'aménorrhée »
La parole est à Mme Catherine Procaccia
Mme Catherine Procaccia. Vous connaissez tous l'attachement de Mme Papon et de M. Trillard à ce sujet puisqu'ils avaient déjà interrogé le Gouvernement sur ce point en 2004.
À l'heure actuelle, il y a une sorte de zone de non-droit correspondant à une période de non-vie, tenant elle-même à la non-reconnaissance du foetus pendant les huit semaines qui séparent la quatorzième de la vingt-deuxième semaine de grossesse.
Cet amendement vise essentiellement à attirer de nouveau l'attention des uns et des autres sur la douleur des familles qui perdent un enfant pendant cette période.
La circulaire de novembre 2001, confirmée par l'instruction du ministère de la justice de mars 2002, a fait un grand pas en prévoyant l'enregistrement à l'état civil de la prise en charge du corps des enfants décédés avant la naissance et en décidant qu'un enfant mort-né après vingt-deux semaines et d'un poids de plus de 500 grammes pouvait être enregistré et donc porté sur les actes d'état civil.
Cette évolution va naturellement dans le bon sens. Comme l'ont écrit MM. Lecerf et Sueur, « cet acte d'enfant sans vie n'a d'autre vocation que de témoigner pour les parents de l'existence de l'enfant et, par là même, d'aider les parents et la famille dans leur travail de deuil ».
Pour autant, le cas des enfants mort-nés en deçà de vingt-deux semaines, s'ils pèsent moins de 500 grammes, n'est pas résolu et les parents ne peuvent pas bénéficier des dispositions qui ont été prises.
Comme l'a souligné M. Lecerf, certaines communes ont créé des espaces réservés à l'inhumation des enfants nés sans vie, voire des foetus, espaces que l'on appelle « carrés des anges ». Il s'agit me semble-t-il d'une démarche importante pour les familles.
Cet amendement, je le souligne, ne vise en aucun cas à revenir sur l'IVG ni d'autres dispositions. Il s'agit simplement d'appeler une nouvelle fois votre attention sur le délai de deux mois durant lequel l'enfant est dépourvu de statut.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Madame Procaccia, vous évoquez là des problèmes complexes, dont l'importance n'échappe à personne.
Cet amendement a pour objet de prévoir l'établissement d'un acte d'enfant sans vie lorsque l'enfant est né vivant mais non viable ou lorsque l'enfant est mort-né après un terme de quatorze semaines d'aménorrhée.
Quel est l'état du droit positif ? Aujourd'hui, un acte d'enfant sans vie est délivré de droit pour un enfant né vivant mais jugé non viable par le médecin ou pour un enfant mort-né dès lors que la naissance est intervenue après vingt-deux semaines d'aménorrhée ou que l'enfant pesait un poids d'au moins 500 grammes. Il est proposé de passer de vingt-deux à quatorze semaines d'aménorrhée.
Je précise que les conditions requises pour la délivrance de cet acte d'enfant sans vie et des conséquences qu'il emporte ont été fixées par une circulaire du 30 novembre 2001 et que les seuils qu'elle prévoit reprennent les préconisations de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, préconisations qui établissent ainsi une distinction entre foetus et enfant.
J'ajoute que cet acte d'enfant sans vie est inscrit uniquement sur les registres de décès, qu'il n'emporte ni reconnaissance de la personnalité juridique ni établissement d'un lien de filiation. En revanche, il ouvre aux parents le droit d'obtenir la mention de l'enfant sur leur livret de famille s'ils en ont déjà un et de faire procéder à l'inhumation ou à la crémation du corps.
L'acte d'enfant sans vie a ainsi pour seule vocation de témoigner de l'existence de l'enfant et, par là même, d'aider les parents et la famille dans leur travail de deuil.
La commission souhaite le retrait de l'amendement n° 3 rectifié pour plusieurs raisons.
En premier lieu, nous estimons que ce problème n'a qu'un rapport extrêmement limité avec la présente proposition de loi.
En second lieu, nous craignons que le vote de cet amendement ne remette en cause d'autres législations, ce que nous ne souhaitons pas.
Supposons, par exemple, que les seuils qui sont prévus pour l'IVG soient relevés - cela est déjà arrivé - ne serait-ce que d'une semaine. On pourrait alors être amené à délivrer un acte d'enfant sans vie pour des enfants qui n'existent pas juridiquement et qui pourraient faire l'objet d'une interruption volontaire de grossesse.
Je considère que ce sujet mérite une réflexion approfondie. Dans l'état actuel des choses, le vote de cet amendement risquerait de compromettre l'avenir de notre proposition de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je regrette que nous nous séparions sur ce point, madame Procaccia, alors que, depuis le début de cette discussion, nous avons adopté des positions communes, parfois contre l'avis même de la Haute Assemblée.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Une seule fois !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Certes, mais elle reste gravée ! (Sourires.)
Je considère, comme M. le rapporteur, que cette question relève davantage de la science que de la loi. Il n'est sans doute pas opportun de figer dans le code civil un seuil qui est susceptible d'évoluer en fonction des progrès de la médecine. Sur ce sujet, les portes sont largement ouvertes.
Le délai de vingt-deux semaines correspond au seuil de viabilité qui a été défini par l'OMS en fonction des connaissances et des techniques actuelles et qui est donc reconnu sur le plan international.
Mieux vaut donc ne pas anticiper et rester prudent. C'est pourquoi je souhaite, moi aussi, le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je n'avais pas prévu d'intervenir à ce stade du débat, mais la question qui est soulevée dans cet amendement nous renvoie à la discussion qui aura lieu cet après-midi sur le prolongement du congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant, sur une initiative de MM. Christian Gaudin et Nicolas About, discussion pendant laquelle je compte soulever le problème des enfants mort-nés, en me situant dans le cadre actuel des vingt-deux semaines et des conditions de reconnaissance de l'enfant mort-né.
Mes chers collègues, je tiens à attirer votre attention sur une difficulté que rencontrent les pères devant l'état civil.
L'enfant mort-né d'un couple marié peut être inscrit le livret de famille, mais cela n'ouvre droit à aucune reconnaissance de paternité. Il y a là un manque : la mère est mère mais la paternité du père n'est pas reconnue, ce qui n'est pas cohérent.
Dans le cadre du mariage, cela ne pose pas de problèmes insurmontables. En revanche, et je m'adresse à nos collègues de la commission des lois, lorsqu'un enfant sans vie est issu d'un couple non marié et lorsqu'il est le premier enfant dudit couple, le problème est réel.
En effet, l'article 9 du décret 74-449 du 15 mai 1974 dispose : « L'indication d'enfant sans vie ainsi que la date et le lieu de l'accouchement peuvent être apposés sur le livret de famille, à la demande des parents, par l'officier d'état civil qui a établi l'acte. » Encore faut-il que les parents possèdent un livret. Lorsque l'enfant né sans vie est conçu hors mariage, son inscription est impossible s'il s'agit du premier enfant. En effet, l'instruction générale relative à l'état civil précise qu'un livret de famille de parents naturels ne peut être délivré du seul fait de l'existence d'un acte d'enfant sans vie en l'absence d'établissement de filiation. Dès lors, l'inscription ne pourra être opérée qu'à l'occasion de la naissance d'un enfant vivant et viable qui, lui, donne droit à la délivrance du livret de famille.
Les dispositions actuelles créent donc une discrimination entre parents naturels suivant qu'ils ont eu ou non d'autres enfants que celui qui est né sans vie. Il serait donc souhaitable, mes chers collègues, de prévoir la possibilité de délivrer un livret de famille aux parents dont le premier enfant naturel est déclaré sans vie et qui désirent que cet événement soit consigné.
Par ailleurs, je tiens à insister sur la complexité inutile des modalités d'inscription d'un enfant sans vie sur le livret de famille lorsque l'un des deux parents naturels dispose déjà de ce document au titre d'un précédent enfant né vivant et viable. Je ne veux pas alourdir le débat, mais la procédure est compliquée et diffère selon que le détenteur du livret de famille est le père ou la mère, sans parler des difficultés qui se posent en cas de reconnaissance d'un tiers.
Dans le droit actuel, nous y reviendrons cet après-midi, le père n'est plus le père, ce qui est source d'ambiguïté. Un enfant naturel peut donner lieu à une reconnaissance anticipée de paternité, reconnaissance qui n'est plus valable si l'enfant est mort-né.
En d'autres termes, le père est privé de sa reconnaissance même de paternité dans l'état civil. Dans cette hypothèse, le père se voit également privé de ses droits à congé pour décès d'un enfant ; nous y reviendrons cet après-midi.
Monsieur le ministre, il serait sans doute souhaitable que, par un décret ou par une loi, on s'efforce de remédier à la question du statut des enfants mort-nés et que l'on précise les conditions dans lesquelles, selon la situation familiale, la reconnaissance de ce vécu puisse être inscrite sur un livret de famille.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote.
Mme Bernadette Dupont. Je suis gênée par les arguments scientifiques avancés par M. le ministre.
En effet, on conserve des embryons congelés tant qu'ils sont porteurs d'un projet de vie parce qu'ils sont des êtres humains en puissance.
Or, dans le cas qui nous intéresse, des parents perdent naturellement un enfant, mais on leur refuse l'inhumation de cet enfant, qui n'est pas considéré comme un être humain.
Il s'agit d'un problème confus et je regrette que l'on y réponde par un argument technique plutôt que par une disposition législative.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame Procaccia, vous avez évoqué un vrai problème de société, d'une complexité extrême, auquel il est impossible de répondre dans le cadre de la présente proposition de loi.
Je renouvelle donc la demande de retrait de l'amendement qu'a formulée M. le rapporteur afin que la réflexion du Parlement puisse se poursuivre.
Monsieur le ministre, le Sénat siège aujourd'hui dans le cadre de l'ordre du jour réservé. Vous pouvez constater que le Parlement a parfois de bonnes intentions et qu'il soulève des sujets intéressant l'ensemble de la société.
M. le président. Madame Procaccia, l'amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Je suis sensible à tous les arguments que j'ai entendus. Comme l'a montré l'intervention de Mme Dupont, cette question appelle une réflexion beaucoup plus approfondie et élargie que celle qui nous est permise dans ce débat.
J'ai indiqué en présentant cet amendement qu'il s'agissait d'attirer de nouveau l'attention sur une situation particulière. Je considère que c'est fait et je retire donc l'amendement n° 3 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
Article 20
Avant le dernier alinéa j) de l'article 279 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« i bis) les prestations relevant du service extérieur des pompes funèbres ; »
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur le président, j'invoque l'article 40 de la Constitution sur l'article 20.
M. le président. L'article 40 est-il applicable, monsieur de Raincourt ?
M. Henri de Raincourt, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il est applicable, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 de la Constitution étant applicable, l'article 20 n'est pas recevable.
En conséquence, l'article 20 est supprimé et l'amendement n° 12 n'a plus d'objet.
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !
M. le président. Je suis désolé, monsieur Sueur, mais il ne peut plus y avoir de débat sur cet article.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, ce n'était là qu'une très courte contribution au « non-débat » ! (Sourires.)
Article 21
Les dispositions de l'article 12 sont applicables dans un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer les mots :
de l'article 12
par les mots :
des articles 12 et 16
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cet amendement vise à étendre le délai de deux ans, prévu à l'article 21 pour la réalisation des sites cinéraires mentionnés à l'article 12, à l'élaboration du schéma régional des crématoriums prévu à l'article 16. Un tel délai paraît en effet raisonnable puisque cette mise en place nécessite un travail prospectif et de multiples consultations préalables.
Cet amendement vous est donc proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, par précaution.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement puisqu'il s'agit de favoriser la mise en oeuvre de dispositions prévues non seulement dans le texte adopté par la commission, mais aussi dans la proposition de loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Article 22
I. - L'ordonnance n° 2005-855 du 28 juillet 2005 relative aux opérations funéraires est ratifiée, sous réserve des dispositions suivantes :
1° Après le mot : « successeurs », la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2223-13 du code général des collectivités territoriales, tel qu'il résulte du 1° du II de l'article premier, est supprimée ;
2° Dans le deuxième alinéa de l'article L. 2223-13 du code général des collectivités territoriales, tel qu'il résulte du 2° du II de l'article premier, les mots : « ou la dispersion des cendres » sont supprimés ;
3° Dans le dernier alinéa (4°) de l'article L. 2223-18 du code général des collectivités territoriales, tel qu'il résulte du III de l'article premier, les mots : « ou la dispersion des cendres » sont supprimés ;
4° Le VI de l'article premier est supprimé ;
5° Le b) du 5° de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales, tel qu'il résulte du VII de l'article premier, est ainsi rédigé :
« b) Création, extension et translation des cimetières, ainsi que création et extension des crématoriums et des sites cinéraires qui leur sont contigus ; »
II. - Dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale reprennent la gestion directe des sites cinéraires qui ne sont pas contigus d'un crématorium. - (Adopté.)
Article 23
I. - Les charges résultant pour l'État de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. - Les charges résultant pour les collectivités territoriales des extensions de compétences prévues par la présente loi sont compensées dans les conditions prévues par la loi de finances.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'indique d'abord que, en proposant la suppression de cet article, le Gouvernement lève le gage prévu dans son paragraphe I.
Quant à son paragraphe II, il a pour objet de renvoyer aux dispositions prévues dans la loi de finances la compensation des éventuelles extensions de compétences prévues par le texte.
Or cette compensation n'a pas lieu d'être : la jurisprudence fait en effet apparaître que deux conditions doivent être réunies, à savoir la création ou l'extension de compétences et l'accroissement des charges en résultant, pour obliger le législateur à prévoir un accompagnement financier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement dans la mesure où il lui semble, effectivement, que les charges résultant de ces dispositions ne devraient pas être excessives pour les communes. Par ailleurs, le développement de la crémation et des sites cinéraires devrait entraîner une diminution des charges supportées par les communes au titre des inhumations.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
M. le président. En conséquence, l'article 23 est supprimé.
La commission propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi relative à la législation funéraire ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission sur les propositions de loi nos 375 et 464, je donne la parole à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je serai très brève, ayant eu l'occasion d'exprimer mon point de vue lors de la discussion générale.
Monsieur le ministre, je regrette vraiment que vous n'ayez pas voulu prendre en compte la question de l'atténuation du coût, pour les familles, de la charge du décès. J'utilise ce terme, car il faut, me semble-t-il, envisager ces situations d'une façon globale.
Le devis-type, qui a pour objet d'aider les familles à être plus attentives aux propositions qui leur sont faites pour organiser les obsèques d'un membre de leur famille, constitue peut-être un élément leur permettant de choisir les opérateurs funéraires les moins chers, mais il est à mon avis insuffisant.
Il me paraît donc important que la question de la TVA soit de nouveau envisagée. Vous nous dites que l'on ne peut diminuer le taux de la TVA que si cette baisse a une incidence positive sur l'emploi. Il est vrai que, en matière d'obsèques, une réduction de la TVA n'entraînera pas de modification de l'ampleur du travail. En revanche, elle aurait un effet indiscutable sur la charge financière qui pèse sur les familles confrontées à un décès. Il s'agirait donc d'une mesure à caractère social.
Dans le cadre du projet de loi de finances, la majorité de notre assemblée a pourtant voté en faveur d'une diminution des revenus de l'État. Je pense en particulier à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune, dont les baisses n'ont, pour autant, eu aucune incidence sur l'emploi. Apparemment, cela n'a suscité aucune remise en cause dans vos rangs !
Pour ma part, je regrette profondément que le Gouvernement n'ait pas accepté cette baisse de la TVA. Cela étant, ce regret ne m'empêchera pas de voter pour ce texte qui, me semble-t-il, permettra de mieux apprécier la réalité, laquelle a beaucoup évolué, en particulier dans le domaine de la crémation.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. « Vous qui vivez, donnez une pensée aux morts ! » écrit Victor Hugo dans Tristesse d'Olympio. C'est, me semble-t-il, ce que nous avons fait aujourd'hui, suivant ainsi le conseil de notre illustre prédécesseur.
Selon moi, ce texte est un texte de progrès et de modernisation, que ce soit sur le plan de la gestion des cimetières ou celui de leur architecture. Il fera progresser les rapports entre les familles et les opérateurs funéraires. À ce titre, l'instauration des devis-types constitue un grand progrès.
Il s'agit également d'un texte éthique, car il donne un statut de respect, de dignité et de décence aux cendres, en les plaçant, au fond, sur le même plan que les restes inhumés des tombeaux. Car il n'y a aucune raison pour que les urnes et les cendres qui y sont contenues soient traitées différemment des tombeaux, à l'égard desquels nous éprouvons respect et dignité.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez accepté l'amendement concernant les Français établis hors de France qui décèdent à l'étranger ; nous vous en remercions.
Pour toutes ces raisons, malgré votre refus de baisser le taux de la TVA, je voterai les conclusions modifiées du rapport de la commission.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons bien travaillé sur ce sujet.
Je souhaite simplement évoquer un amendement de M. Mahéas, qui n'a pas pu être présenté et qui concerne sa commune de Neuilly-sur-Marne. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, en parler directement avec M. Mahéas...
Pour revenir à l'essentiel, le texte, tel qu'il a été modifié par l'adoption d'un certain nombre d'amendements, permettra incontestablement de réaliser d'importants progrès en matière de protection des familles endeuillées - nous devons toujours avoir à l'esprit cet aspect -, grâce à l'instauration des devis-types, qui engendrera une simplification administrative.
Bien sûr, nous regrettons de n'avoir pu faire un pas supplémentaire pour ce qui concerne la réduction de la TVA. Mais, s'agissant du caractère de service public des opérations funéraires, en particulier l'habilitation et la formation des personnels, les progrès sont importants.
Concernant les cimetières, certaines initiatives seront, me semble-t-il, fécondes. Nous pourrions, à l'instar de ce que l'on observe à l'étranger, réfléchir à l'esthétique de ces lieux, de manière qu'ils soient des lieux de paix, d'harmonie et de souvenir, où chacun se retrouve, certes, dans la peine, mais aussi dans la sérénité.
La question de la crémation n'est pas une question facile. À la suite de l'adoption de ce texte, des évolutions pourront voir le jour. Mais, monsieur le ministre, il était important, comme l'ont d'ailleurs dit MM. Lecerf et Hyest, de poser un socle solide quant aux principes. Les restes des personnes humaines, quelles que soient leur forme et leur consistance, doivent donner lieu à la dignité, au respect et à la décence. C'est une question de civilisation. À partir du moment où l'on pose ce principe, il faut proscrire les pratiques contraires à son nécessaire respect.
Nous pourrons donc poursuivre le débat, tout en considérant que la logique du cimetière public, laïc et républicain présente des avantages, notamment le fait, je le redis, que chacun puisse se recueillir sur la tombe ou devant les restes d'un défunt, ce que ne permettent pas les établissements privés, quelles que soient leurs natures et leurs modalités.
« Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
« Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. »
Voilà ce qu'écrivait Victor Hugo, qui siégeait à la deuxième place du troisième rang de notre assemblée. Par ce très beau poème, il nous montre cette chaîne invisible et si forte qui nous relie à ceux qui nous ont précédés.
Certes, le souvenir des morts est dans le coeur des vivants. Et Victor Hugo est extraordinairement présent par ce qu'il a écrit. Mais, dans toute civilisation, on a eu besoin de s'accrocher à une matérialité, qui est non seulement matière, mais aussi souvenir des personnes, mémoire, respect des lieux et des restes. Tout cela, c'est la métonymie de l'être humain. Elle permet à notre société d'être une société humaniste. Ce texte nous permet, je le crois, d'avancer encore dans cet idéal.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite, vous vous en doutez, que vous puissiez solliciter l'inscription rapide de ce texte à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.
Vous avez émis le voeu de voir cette question réglée pour le 1er novembre 2006. Or aucun texte, ni dans la Constitution de la République ni dans les lois, ne prévoit l'obligation de publier un texte à cette date. Après tout, il vaudrait mieux avoir un bon texte le 10 novembre, plutôt que de ne rien avoir le 1er novembre. Il nous semble en effet que, même s'il est toujours possible de prendre des décrets, sur un sujet de société aussi important pour chaque famille de notre pays, l'absence de décision législative ne serait pas comprise.
Dans la mesure où le débat s'est déroulé dans les conditions que chacun a pu constater ici, je suis persuadé qu'il en sera de même à l'Assemblée nationale. À mon avis, la République a besoin d'une loi nouvelle en cette matière.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Je souhaite simplement remercier M. Jean-Pierre Sueur d'avoir pris l'initiative de légiférer dans ce domaine, ainsi que M. Lecerf, qui a, avec les membres de la commission des lois, beaucoup contribué à ce débat.
Comme vient de le dire admirablement Jean-Pierre Sueur, je suis particulièrement heureuse que la très forte intimité qui s'attache à ce texte ait été évoquée dans un climat aussi digne avec le représentant du Gouvernement. Nous avons en effet beaucoup parlé de dignité !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À tout prendre, c'est plutôt avant le 2 novembre qu'il faudrait que cette question fût réglée. En effet, même si nous sommes dans une république laïque, tous les défunts ne sont pas encore saints. Or, je vous le rappelle, le 1er novembre est le jour de la Toussaint, alors que le 2 novembre est le jour des défunts, au moins pour l'église catholique ; mais, apparemment, il reste beaucoup de cette tradition dans notre république laïque ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que la commission des lois ait pu faire travailler en commun, sur ce sujet délicat de la législation funéraire, deux membres de notre assemblée qui appartiennent à des groupes de sensibilité différente : Jean-Pierre Sueur, qui a déposé une proposition de loi, et Jean-René Lecerf, qui a, lui aussi, apporté une contribution substantielle.
Nous avons abouti, je le crois, à un bon travail. Dans cette assemblée - c'est aussi de tradition -, il n'y a pas d'opposition politique systématique, car il est des sujets d'intérêt général qui dépassent nos « petites querelles ».
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre écoute à l'occasion de nos travaux et des nombreux contacts que nous avons pu avoir, tant avec vous-même qu'avec vos services. Nous ne prétendons pas être parvenus au terme de la réflexion, mais les insuffisances et les risques de dérives - elles existent dans certains pays - étaient tels qu'il nous semblait grand temps de légiférer, compte tenu des évolutions, en matière de crémation notamment.
Le débat va bien entendu se poursuivre et je souhaite que l'on aboutisse à une solution susceptible de satisfaire les légitimes intérêts des uns et des autres, mais avant tout des familles, et de satisfaire aussi aux principes de respect dû aux morts, de dignité, de décence. Tel a été le fil rouge de notre réflexion et il doit demeurer.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir participé à cette oeuvre commune. Si j'en juge par les explications de vote, je suis convaincu que le Sénat sera unanime sur ce texte.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur les propositions de loi nos 464 et 375.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que, ainsi que vous l'aviez pressenti, monsieur le président de la commission des lois, la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité des présents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous dire combien j'ai apprécié de présider ce débat, qui a été d'une grande qualité humaniste et qui honore le Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !