M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Le Grand, est ainsi libellé :
Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le 2° de l'article 1469 du Code général des impôts, après les mots, « sont évalués suivant les règles applicables aux bâtiments industriels » sont insérés les mots « pour les biens existants avant le 1er janvier 2005, la durée d'amortissement prise en compte pour l'application de la disposition précédente, est la durée appliquée par l'entreprise dans ses comptes de l'exercice 2004 ; »
La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Chacun l'a bien compris, il s'agit d'un amendement d'appel. Il n'a pas forcément sa place dans le présent texte, mais il me permet de formuler quelques observations et d'interroger le Gouvernement.
J'ai volontairement situé cet amendement après l'article 15, et je note qu'il s'inscrit dans le droit-fil des propos qui viennent d'être tenus sur les taxes additionnelles.
Notre pays a la chance de posséder de très grandes entreprises qui sont les fleurons de notre technologie nucléaire, mais il faut savoir que les accueillir sur un territoire n'est jamais une affaire banale. Ceux qui envisagent un projet ou qui se sont déjà lancés dans ce domaine savent que les peurs, les refus, les discours stéréotypés sont autant d'obstacles à une acceptation sociétale de leur activité.
Mes réflexions s'adressent non pas tant à ceux qui ont déjà accueilli ces entreprises sur leur territoire qu'à ceux qui peuvent se trouver confrontés à de telles situations. Ce point a un rapport direct avec l'article 15 du projet de loi et avec le débat que nous venons d'avoir.
L'acceptabilité sociétale de ces entreprises dépend essentiellement de l'attitude citoyenne ou non de leurs dirigeants.
Je m'inscris en faux contre des propos que j'ai entendus, ici ou là, selon lesquels le montant des taxes et des impôts peut rendre raisonnable et, disons-le, « nucléophile ».
Je formulerai trois observations :
Premièrement, les taxes et les impôts sont liés avant tout à l'activité industrielle proprement dite, aux investissements, au travail. Leur paiement est donc une règle générale dans toute industrie, et non pas le fait d'une générosité particulière.
J'en profite pour préciser que ces entreprises bénéficient de dispositions fiscales très particulières, mais justifiées, telles que l'abattement forfaitaire de 30 % mis en place pour ne pas grever de taxe professionnelle des investissements liés à la sécurité par exemple, ou encore le plafonnement exceptionnel d'environ 50 % de la taxe professionnelle.
Deuxièmement, les collectivités d'accueil devant supporter des investissements lourds en matière d'infrastructures et de capacité d'accueil, il est normal qu'elles aient des recettes face à leurs dépenses.
Je partage le souci exprimé tout à l'heure par Gérard Longuet au regard des EPCI. S'il est vrai que je n'ai pas voté son amendement en raison de quelques problèmes techniques d'application, je m'associe néanmoins à sa réflexion quant au fond. (Mme Dominique Voynet s'exclame.) Les politiques d'aménagement du territoire reposent sur les EPCI, et il serait dommage de se priver de leurs capacités dans ce domaine.
Troisièmement, certains lendemains peuvent déchanter. Ainsi, l'application de la norme comptable International Accounting Standard, ou IAS, qui permet à de grandes entreprises de faire varier la durée de leurs amortissements de moins de trente ans à plus de trente ans, peut avoir du jour au lendemain un impact redoutable sur les collectivités locales, les recettes fiscales de ces dernières étant susceptibles d'être amputées de plus de 25 %. C'est l'équivalent d'un séisme économique !
Je recommande donc la prudence à ceux qui ne considéreraient que le seul horizon des impôts.
En outre, je vous demande, monsieur le ministre, d'organiser une sorte d'observation fiscale qui pourrait être le prélude à une correction des écarts brutaux résultant de l'application de cette norme IAS et mettant en situation difficile les collectivités bénéficiaires des recettes évoquées.
En conséquence de ces observations, et dans le droit-fil des propos tenus par Gérard Longuet lors de son excellente intervention dans la discussion générale, je souhaite que ces entreprises ne limitent pas leur objectif à l'intérêt capitalistique et à une bonne présentation comptable en vue d'une éventuelle ouverture du capital, même si - je m'empresse de le dire - cet objectif n'est pas du tout honteux.
Mon souhait ne peut se traduire dans un texte législatif, mais il appartient au débat parlementaire d'éclairer la loi, notamment en commission, où des points de vue divergents peuvent s'exprimer.
J'émets donc le voeu que ces entreprises, ou leurs filiales, s'engagent à prendre une part active au développement local, notamment par la formation, l'essaimage et l'externalisation de certaines de leurs activités, et que les territoires concernés bénéficient de cette immersion renforcée. C'est à cette aune que se mesure le vrai caractère citoyen des grandes entreprises et de leurs dirigeants.
Monsieur le ministre, même si mon amendement trouverait mieux sa place dans une loi de finances, je suis convaincu de l'opportunité de mes observations à l'occasion de l'examen d'un texte sur la gestion durable des matières et des déchets radioactifs. Je souhaite donc entendre les réflexions qu'elles vous inspirent. En fonction de votre réponse, je maintiendrai ou non mon amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commission a bien compris le problème spécifique soulevé à travers cet amendement d'appel.
Elle souhaite que le Gouvernement puisse traiter de façon approfondie cette question, notamment dans la perspective de la prochaine loi de finances. Elle aimerait donc connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de me donner la possibilité d'évoquer l'implication d'une grande industrie dans le milieu local et la façon dont cette dernière peut faire profiter de sa croissance, de sa valeur ajoutée et de son potentiel l'ensemble des collectivités, EPCI compris. Les entreprises ont en effet un rôle à jouer à cet égard.
Or la modification abrupte des règles comptables avec l'application de la norme International financial reporting standards, ou IFRS - anciennement IAS -, a introduit cette année des changements brutaux qui auront des répercussions sur certains sites.
Par ailleurs, l'allongement de la durée de vie des centrales a également modifié la situation bilantielle, avec des conséquences sur le produit des impôts locaux.
Vous l'avez dit, cette question relève non pas du présent texte sur les déchets radioactifs, mais d'une loi de finances. Je prends donc l'engagement de la traiter dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, car, vous avez raison, c'est bien cette année qu'il faut le faire.
M. le président. Monsieur Le Grand, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-François Le Grand. Je remercie M. le ministre de sa réponse claire et précise, et je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 55 est retiré.
M. Bernard Piras. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 55 rectifié.
La parole est à M. Bernard Piras, pour le défendre.
M. Bernard Piras. J'aime la sécurité. Je souhaite que le Sénat s'exprime sur cet amendement, afin d'être certain que le Gouvernement tiendra compte de cette question dans le prochain projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Autant je comprenais l'opération de Jean-François Le Grand, autant l'initiative de notre ami Bernard Piras me paraît quelque peu exagérée.
Une disposition fiscale relève, il le sait, de la loi de finances. Il n'est donc pas question d'en débattre ni de la voter aujourd'hui. Sinon, l'article 40 de la Constitution vous tend les bras, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Piras, si vraiment vous voulez que cet amendement soit soumis au vote,...
M. Bernard Piras. Je connais l'article 40 !
M. François Loos, ministre délégué. Sur ce point, c'est la commission des finances du Sénat qui jugera !
Si vraiment vous voulez que cet amendement, qui est un parfait amendement d'appel, soit soumis au vote, disais-je, il vous faut auparavant considérer qu'il ne reprend pas l'ensemble des questions soulevées par M. Le Grand, alors que, de mon côté, j'ai pris l'engagement qu'elles seront toutes traitées dans le projet de loi de finances pour 2007.
M. le président. Monsieur Piras, l'amendement est-il maintenu ?
M. Bernard Piras. Mon insistance, monsieur le ministre, n'est point stupide ! (Sourires.) Je voulais vous entendre dire cela : ainsi, votre engagement figurera aux comptes rendus, analytique et intégral, et nous pourrons vous le rappeler le moment venu.
Cela étant, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié est retiré.
TITRE III
CONTRÔLES ET SANCTIONS
Article 16
Tout responsable d'activités nucléaires et toute entreprise mentionnée à l'article L. 1333-10 du code de la santé publique est tenu d'établir, de tenir à jour et de mettre à la disposition de l'autorité administrative et, pour ce qui relève de sa compétence, de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, les informations nécessaires à l'application et au contrôle des dispositions de la présente loi.
Un décret en Conseil d'État précise celles de ces informations qui font l'objet d'une transmission périodique à l'autorité administrative ou à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa de cet article, ajouter les mots :
Sans préjudice des dispositions du III de l'article 14,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, le III de l'article 14 du projet de loi organisant déjà l'information de l'autorité administrative par les exploitants d'installations nucléaires de base et sa périodicité pour ce qui concerne l'évaluation des charges de démantèlement desdites installations, des charges d'arrêt définitif, d'entretien et de surveillance des installations de stockage, et des charges de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
En cas de manquement de l'exploitant d'une installation nucléaire de base aux obligations définies aux I et II de l'article 14, l'autorité administrative peut, sans préjudice des mesures prévues au III du même article, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant n'excède pas 5 % de la différence entre le montant des actifs constitués par l'exploitant d'une installation nucléaire de base et celui prescrit par l'autorité administrative. La décision prononçant la sanction est publiée au Journal officiel.
En cas de manquement aux obligations d'information prévues au III de l'article 14 et à l'article 16, l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire au plus égale à 150 000 €.
Les sommes sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.
Les sanctions prévues au présent article peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. - (Adopté.)
Article 18
I. - Après l'article L. 542-14 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 542-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 542-15. - Le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs prévu à l'article L. 542-1-1 ainsi que le rapport annuel établi par la commission nationale prévue à l'article L. 542-3 sont transmis au Parlement qui en saisit l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. »
II. - L'autorité administrative établit et transmet tous les trois ans au Parlement un rapport présentant l'application des dispositions relatives au financement des charges définies à l'article 14 de la présente loi. Ce rapport est rendu public.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. C'est un amendement de conséquence.
En effet, les dispositions que contient l'article 18 en matière d'information du Parlement ont été transférées par d'autres amendements dans les articles qui les concernaient.
Par ailleurs, il ne semble plus utile d'imposer à l'autorité administrative d'établir et de transmettre tous les trois ans au Parlement un rapport présentant l'application des dispositions relatives au financement des charges définies à l'article 14 de la présente loi dès lors que ledit article a été complété par un III bis créant une Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs qui, outre qu'elle sera notamment composée des présidents des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d'énergie ou chargées des finances, ou de leur représentant, remettra elle-même au Parlement, tous les trois ans, un rapport présentant l'évaluation du financement de ces charges. Il y a donc risque de redondance des rapports.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 18 est supprimé.
Article 19
Un décret en Conseil d'État fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application de la présente loi. - (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen en première délibération des articles du projet de loi.
Seconde délibération
M. Henri Revol, rapporteur. Monsieur le président, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, la commission demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 5.
J'indique qu'elle est prête à rapporter.
M. le président. Je rappelle que, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, tout ou partie d'un texte peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement.
Je rappelle en outre que, dans le débat ouvert sur cette demande, ont seuls droit à la parole son auteur, en l'occurrence la commission, un orateur d'opinion contraire pour une durée n'excédant pas cinq minutes et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de seconde délibération ?
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par le Gouvernement.
La seconde délibération est ordonnée.
Nous allons procéder à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l'article 43, alinéa 6, du règlement :
« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d'amendements et sur les sous-amendements s'appliquant à ces amendements. »
Article 5
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l'article 5 dans cette rédaction :
« I. - Non modifié.
« II. - Après l'article L. 542-2 du même code, sont insérés deux articles L. 542-2-1 et L. 542-2-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 542-2-1. - I. - Des combustibles usés ou des déchets radioactifs ne peuvent être introduits sur le territoire national qu'à des fins de traitement, de recherche ou de transfert entre États étrangers.
« L'introduction à des fins de traitement ne peut être autorisée que dans le cadre d'accords intergouvernementaux et qu'à la condition que les déchets radioactifs issus après traitement de ces substances ne soient pas entreposés en France au-delà d'une date fixée par ces accords. L'accord indique les périodes prévisionnelles de réception et de traitement de ces substances et, s'il y a lieu, les perspectives d'utilisation ultérieure des matières radioactives séparées lors du traitement.
« Le texte de ces accords intergouvernementaux est publié au Journal officiel.
« II. - Les exploitants d'installations de traitement et de recherche établissent, tiennent à jour et mettent à la disposition des autorités de contrôle les informations relatives aux opérations portant sur des combustibles usés ou des déchets radioactifs en provenance de l'étranger. Ils remettent chaque année au ministre chargé de l'énergie un rapport comportant l'inventaire des combustibles usés et des déchets radioactifs en provenance de l'étranger ainsi que des matières et des déchets radioactifs qui en sont issus après traitement qu'ils détiennent, et leurs prévisions relatives aux opérations de cette nature.
« Art. L. 542-2-2. - I. - La méconnaissance des prescriptions des articles L. 542-2 et L. 542-2-1 est constatée, dans les conditions prévues à l'article L. 541-45, par les fonctionnaires et agents mentionnés aux 1°, 3°, 6° et 8° de l'article L. 541-44 ainsi que par les inspecteurs de la sûreté nucléaire et par des fonctionnaires et agents habilités à cet effet par le ministre chargé de l'énergie et assermentés.
« II. - La méconnaissance des prescriptions de l'article L. 542-2 et du I de l'article L. 542-2-1 est punie des peines prévues à l'article L. 541-46. En outre, sans préjudice de l'application des sanctions prévues au 8° de cet article, l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire au plus égale, dans la limite de dix millions d'euros, au cinquième du revenu tiré des opérations réalisées irrégulièrement. La décision prononçant la sanction est publiée au Journal officiel.
« En cas de manquement aux obligations définies au II de l'article L. 542-2-1, l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire au plus égale à 150 000 €.
« Les sommes sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.
« Ces sanctions peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. »
L'amendement n° A-1, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 542-2-1 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :
Ce rapport est rendu public.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. La nuit dernière, pour des raisons techniques, nous n'avons pas pu retenir un amendement proposé par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen auquel la commission et le Gouvernement étaient pourtant favorables.
C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission vous demande par cet amendement n° A-1 de prévoir que sera rendu public l'inventaire sur les combustibles et déchets en provenance de l'étranger, inventaire que les exploitants doivent remettre chaque année au ministre chargé de l'énergie.
C'est ce que souhaitaient nos collègues du groupe CRC.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. J'étais favorable hier soir à cette disposition, je le suis toujours.
M. le président. Nous avons achevé l'examen de l'article soumis à la seconde délibération.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs que nous nous apprêtons à voter s'inscrit dans les délais prévus par la loi Bataille de 1991. Nous vous remercions, monsieur le ministre, de nous permettre d'être au rendez-vous sur un sujet aussi fondamental pour notre société, que ce soit en termes économiques, énergétiques ou de sécurité.
Être au rendez-vous, cela signifie très concrètement prendre nos responsabilités à l'égard des générations futures en définissant maintenant les mesures qui engagent l'avenir et en ne les reportant pas à plus tard.
C'est donc sur la base de quinze années de recherche scientifique et après un très large débat, notamment le débat public organisé par la Commission nationale du débat public, qu'a été préparé ce projet de loi.
Ce texte s'inscrit en complémentarité, d'une part, de la loi de programme de 2005 qui a fixé les orientations de notre politique énergétique et qui a lancé l'EPR, et, d'autre part, du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire qui va nous être également soumis dans les prochaines heures.
Ainsi, tout en maintenant l'option nucléaire, notre pays sera désormais doté d'un corpus législatif complet et transparent devant garantir la maîtrise de toute la filière ainsi que la bonne information de nos concitoyens.
Le présent texte apporte des avancées majeures que je tiens à rappeler.
Il fixe les grands principes qui doivent prévaloir, soit la responsabilité du pollueur, la prévention des risques tant pour la santé que pour l'environnement, la recherche de la limitation à la source des déchets.
Il réaffirme que les trois axes pour la gestion des déchets, à savoir la transmutation, l'entreposage et le stockage en couche géologique profonde, sont complémentaires et que la recherche doit être poursuivie pour ces trois options, selon un calendrier fixé dans la loi.
Il précise que le stockage en couche profonde est réversible.
La loi ne fixe aucun site de stockage, mais propose de continuer les recherches sur le laboratoire de Bure ; le Parlement interviendra, le moment venu, pour le choix d'un site de stockage.
Sur cette question particulière, mes collègues de la Meuse et de la Haute-Marne et moi-même avons pu sensibiliser la Haute Assemblée à la situation locale et à la manière de prendre en considération cette dernière dans toute sa spécificité.
Est également institué un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs qui traite non seulement des déchets de haute activité à vie longue, mais encore de toutes les autres substances radioactives.
Le financement du démantèlement des installations et de la gestion des déchets est assuré par des provisions financières constituées par chaque opérateur.
Les règles d'importation pour traitement des déchets radioactifs étrangers sont clarifiées.
Enfin, ce texte établit les conditions d'accompagnement économique pour les territoires concernés par le laboratoire souterrain ou le centre de stockage.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l'examen de ce projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs à haute activité et vie longue.
C'est une obligation que de prendre nos responsabilités ou, à tout le moins, d'assumer une petite partie des conséquences des décisions qui ont été prises hier, sans aucun débat démocratique, par un tout petit nombre de décideurs, conséquences dont il faut reconnaître qu'elles pèseront lourd sur les générations futures, auxquelles elles s'imposeront. Je doute que celles-ci nous en soient reconnaissantes !
Le texte comporte un certain nombre de décisions d'allure technique qui constituent pourtant une forme de préemption de décisions relevant des grandes orientations de la politique énergétique de l'avenir.
Ainsi, dès l'article 1er, le choix de la séparation-transmutation invite-t-il à mettre en place un prototype de nouveau réacteur de quatrième génération ou de type ADS avant 2020.
Le choix d'un laboratoire dans l'argile de Bure, voué à accueillir un centre de stockage, est confirmé par l'article 7 sans que des réponses satisfaisantes aient été apportées, notamment au sujet de la réversibilité.
Le débat public, organisé à la demande du Gouvernement, qui préconisait que soit sérieusement explorée la voie de l'entreposage pérenne en surface ou en subsurface, n'est pas pris en compte.
Je voudrais aussi pointer la mollesse de la formulation qui encadre l'accueil des déchets étrangers et l'exportation à l'étranger de déchets produits sur le territoire national.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne voterai pas le projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, je voudrais tout d'abord saluer la manière dont le rapporteur, notre collègue Henri Revol, a conduit les débats au sein de la commission et l'esprit d'ouverture dont il a fait preuve. Vous aussi, monsieur le ministre, avez accepté de nombreux amendements.
Il s'agissait bien évidemment de tenter de construire un consensus, et nous verrons dans quelques instants si vous avez réussi. Quoi qu'il en soit, cette manière de travailler nous convient, et je tenais à le souligner : il arrive que nous n'ayons pas la possibilité d'exprimer de manière aussi sérieuse nos arguments, nos positions de fond, loin de toute polémique.
Ce projet de loi, attendu, comporte des avancées incontestables dans plusieurs domaines.
Ainsi, il permet d'encadrer juridiquement les activités de gestion des déchets nucléaires, contrairement à la précédente loi, qui concernait uniquement le domaine de la recherche.
La notion de réversibilité du stockage en couche géologique profonde - notion qui nous est chère, vous l'avez constaté ! -, introduite par l'Assemblée nationale, a été précisée par la Haute Assemblée. C'est un progrès, même s'il est vrai que nous aurions aimé aller plus loin.
Concernant les objectifs de transparence, le rôle des CLIS est élargi, le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire voit son champ de compétence étendu au domaine des déchets.
Le projet de loi institutionnalise également des instances d'évaluation indépendantes concernant l'avancement de la recherche, mais également l'adéquation entre les charges et les provisions réalisées par les entreprises pour le démantèlement et la gestion des déchets. Nous regrettons néanmoins que nos amendements tendant à démocratiser les commissions d'évaluation aient été refusés.
La filière nucléaire a absolument besoin de transparence : il s'agit là d'un enjeu de démocratie évident. Les nombreuses interventions, sur toutes les travées de l'hémicycle, montrent bien que nous réclamons tous un véritable processus continu d'information et de débat pour éviter les à-coups, les soubresauts, qui entraînent forcément des excès et des inquiétudes.
Il faut obtenir l'acceptation de la population, ce qui ne pourra se faire que par une information accessible à tous et par la reconnaissance de la pluralité des expertises : scientifiques, techniques et citoyenne.
Ce fonctionnement démocratique, que nous appelons de nos voeux, passe alors par la mise en oeuvre de véritables contre-pouvoirs ainsi que par une transparence renforcée.
C'est pour cette raison que nous vous avions proposé la mise en oeuvre de débats périodiques sur ces questions, organisés par l'instance de démocratie participative qu'est le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire. Cet amendement a été adopté, ce dont je vous sais gré.
Concernant le domaine de la recherche, nous pouvons nous satisfaire de la création d'un fonds spécifique géré par l'ANDRA et financé par une taxe additionnelle sur les installations nucléaires de base. La contribution des entreprises productrices de déchets radioactifs au financement de la recherche nous semble aller dans le bon sens.
Ce texte pose malgré tout quelques problèmes. Il s'inscrit dans la lignée des textes de libéralisation du secteur énergétique, ce que nous avons regretté.
Dans ce sens, et malgré toutes vos assurances, monsieur le ministre, nous continuons de penser que la voie de la séparation-transmutation reste largement sous-estimée, notamment parce qu'elle n'est pas immédiatement rentable.
Vous nous dites que les budgets consacrés à la recherche augmenteront, ce dont nous nous réjouissons. Cependant, en cette période de rigueur budgétaire, nous ne sommes pas totalement rassurés ; en tout cas, nous souhaitons que le Gouvernement poursuive ses efforts dans la durée.
Aucune indication n'est réellement donnée sur l'évaluation des besoins de la recherche, et les producteurs ne contribueront à cette dernière que sur le principe du libre consentement, par le biais de conventions.
Le schéma de base demeure donc le même. La recherche fondamentale doit être financée par des fonds publics alors que la recherche appliquée peut faire l'objet d'un financement privé.
En ce qui concerne le calendrier, il est difficile de fixer les choses dès maintenant. Ce projet de loi ne peut être conçu que comme une étape supplémentaire devant fixer les principes qui doivent guider à la fois les recherches dans les trois voies et les modes de gestion existants pour les déchets radioactifs.
Ainsi, nous continuons de penser qu'un nouveau rendez-vous parlementaire devrait être fixé non seulement pour définir des conditions de réversibilité et le choix de la fermeture définitive du centre, comme le prévoit le texte, mais également pour autoriser la création d'un centre de stockage en couche géologique profonde.
En effet, seule la représentation nationale dispose de la légitimité nécessaire pour prendre ce type de décision, au terme d'un processus démocratique.
Pour finir, nous estimons que la gestion des déchets nucléaires nécessite sur le long terme des moyens sûrs, qui sont difficilement compatibles avec les enjeux de court terme propres aux marchés financiers et aux groupes qui les alimentent.
Dans ce sens, l'impératif de transparence en matière nucléaire impose également la maîtrise publique des entreprises productrices d'énergie nucléaire.
C'est pourquoi, même si ce projet de loi comporte des avancées significatives et même si nous avons travaillé en confiance, le contexte de libéralisation du secteur énergétique conduit les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à s'abstenir.
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi, qui s'inscrit directement dans la continuité de la loi Bataille, a permis de faire le point sur quinze années de recherche et de préparer l'étape suivante, à savoir l'exploitation des différentes voies qui s'offrent à nous en la matière : séparation-transmutation, entreposage et stockage.
Les trois principaux amendements déposés par le groupe UC-UDF visaient à soumettre l'ouverture du centre de stockage en couche géologique profonde à l'adoption d'une loi par le Parlement, à étendre la durée de réversibilité de ce centre de cent ans à trois cents ans et à autoriser une fongibilité entre les taxes additionnelles de développement et de diffusion technique.
Ces amendements n'ont pas été adoptés. Toutefois, de nombreuses améliorations ont été apportées à ce texte, améliorations qui répondent en partie à nos attentes.
Je me félicite ainsi de la réécriture de l'article 8, qui rend la procédure d'autorisation du centre en couche géologique profonde beaucoup plus intelligible.
En outre, l'adoption du sous-amendement de MM. Longuet et Biwer, prévoyant que seule une loi peut autoriser cette fermeture, va dans le bon sens : la représentation nationale sera consultée à un moment déterminé.
Par ailleurs, le fait que seule une loi puisse autoriser la fermeture de ce centre peut permettre de moduler la durée de réversibilité en fonction des avancées de la science.
De même, l'amendement de la commission, modifié par M. Sido, qui organise la fongibilité des différentes taxes, permettra aux collectivités locales de disposer de plus de souplesse dans la conduite de leurs projets de développement économique.
Pour toutes ces raisons, le groupe UC-UDF, dans sa très grande majorité, votera ce texte.
Enfin, monsieur le ministre, je tenais à saluer la façon exemplaire dont se sont déroulés ces débats. Je vous remercie des réponses détaillées et des explications que vous nous avez apportées. Je salue également l'excellent travail de M. le rapporteur et de l'ensemble de la commission.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier la commission et son rapporteur de l'esprit républicain et très démocratique dont ils ont fait preuve et qui nous a permis de nous exprimer. Je remercierai également M. le ministre - ce n'est d'ailleurs pas dans mon habitude - du respect qu'il a manifesté à l'égard du Parlement, même si je n'ai pas toujours été satisfait de ses réponses ; tous ses collègues n'adoptent en effet pas la même attitude, mais je ne ferai pas de délation ici...
S'agissant de l'amendement n° 55 qui constituait un cavalier, j'ai bien noté ce que vous nous avez dit, monsieur le ministre, et je saurai vous le rappeler au moment de l'examen du projet de loi de finances.
Lors de la discussion générale, M. le rapporteur avait souhaité un consensus. Ce dernier a failli être atteint, mon cher collègue. Mais sans reprendre tous les arguments avancés ici, deux divergences demeurent.
La première a trait au manque de précisions concernant le traitement des déchets radioactifs étrangers. Il me semble que le débat aurait pu être approfondi à cet égard ; je ne suis pas sûr que les dispositions prévues soient suffisantes, et j'aimerais connaître les décrets d'application. Sur ce point en tout cas, la pratique nous permet d'émettre quelques doutes.
La seconde divergence, qui n'est pas forcément gênante et qui mérite réflexion, porte sur le principe d'un nouveau rendez-vous parlementaire concernant la façon d'organiser les provisions pour d'éventuels démantèlements.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous abstiendrons ; ce faisant, nous ne voterons donc pas contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Je m'exprimerai non pas au nom du groupe de l'UMP, puisque Bruno Sido vient de le faire avec talent et que je partage ses conclusions, mais en qualité d'élu local concerné.
Au moment où de très nombreux parlementaires s'interrogent sur la légitimité et l'utilité de leur fonction, force est de reconnaître que ce débat, qui prolonge toute une série d'interventions de parlementaires qui se sont très fortement impliqués dans ce dossier, légitime l'action du Parlement et montre combien des élus passionnés peuvent aider l'exécutif et, derrière lui, le secteur électronucléaire à renouer un contact avec l'opinion. Je pense à Christian Bataille et à Claude Birraux, à l'Assemblée nationale, sans oublier notre rapporteur, M. Henri Revol, qui s'est impliqué depuis longtemps dans ce dossier et qui a été salué à juste titre par les intervenants des différents groupes, tant sa compétence rayonne et lui permet d'affirmer avec sérénité des évidences que nous partageons pour l'essentiel.
Je formulerai deux idées simples.
Premièrement, l'esprit de la loi de 1991 a été consolidé par ce texte. Si l'on excepte le cas très particulier du deuxième laboratoire - le double langage est, hélas ! je le reconnais, madame Voynet, pratiqué sur toutes les travées -, nous sommes quelques-uns à dire la même chose à la fois à Paris et sur le terrain, quitte à en payer le prix lorsque les électeurs ne nous comprennent pas.
La création d'un deuxième laboratoire n'a pas été possible parce que les vertus civiques ne sont sans doute pas suffisamment répandues dans notre pays, toutes tendances confondues. Mais si l'on excepte l'absence de deuxième laboratoire, l'esprit de la loi de 1991 est parfaitement respecté, en particulier grâce aux avancées réalisées au Sénat, après les propositions retenues par l'Assemblée nationale : un rendez-vous législatif aura lieu pour transformer le laboratoire en centre de stockage et pour rendre le stockage définitif. Cette dernière décision, dont nous ne savons quand elle interviendra, sera donc prise par le Parlement, c'est-à-dire par la population française à travers ses représentants.
Il s'agit là d'une avancée considérable, car nous souhaitons que, sur le terrain, cet esprit de dialogue, de responsabilité, continue à marquer la gestion de ce dossier très difficile et mal connu des déchets nucléaires, dossier qui est rejeté par l'immense majorité de nos compatriotes.
Les déchets en général ne sont sympathiques à personne, et les déchets nucléaires, pour ceux qui ne sont pas informés, sont parfaitement terrifiants.
Nous avons, grâce à votre attitude et aux amendements que vous avez bien voulu accepter, maintenu l'esprit de la loi Bataille de 1991. Nous aurons un rendez-vous dans moins de dix ans ; le temps va passer très vite et il faut que cet esprit de dialogue soit entretenu sur le terrain.
Par rapport à la loi de 1991, des progrès ont été réalisés, à la lumière des succès et des échecs, sur le terrain du développement économique.
Cependant, je tiens à faire part brièvement de ma déception sur un point technique sur lequel il faudra revenir à un moment ou à un autre. Dans une bataille aussi importante que celle de la gestion des déchets nucléaires, ceux qui défendent l'idée du nucléaire ont besoin d'alliés, et ces derniers doivent s'organiser dans la transparence, pour des motifs avouables.
Le département que j'ai l'honneur de représenter n'a pas fait ce choix uniquement par civisme ; le prétendre serait prétentieux et d'ailleurs malhonnête. Il a accepté de prendre une initiative à cet égard - il l'a d'ailleurs partagée rapidement avec la Haute-Marne - parce qu'il savait qu'il y avait là un problème national que la France devait régler, et aussi parce qu'il y avait pour lui une source d'opportunité. Les raisons qui rendent l'installation d'un laboratoire sont, bien sûr, d'ordre géologique, mais elles sont confortées - disant cela, je ne pense pas trahir une vérité scientifique - par une densité de population, en surface, de l'ordre, dans les secteurs concernés, de douze habitants au kilomètre carré. Cela facilite évidemment l'acceptation d'un tel équipement, à la fois parce que c'est une opportunité et parce que les inconvénients concernent un moins grand nombre d'habitants. La zone de proximité sur les deux départements ne représente guère plus de 6 000 personnes, en tout cas moins de 3 000 pour le département de la Meuse.
J'attire votre attention sur le fait que le volet « développement » doit être exemplaire. Il ne doit pas prêter le flanc à la critique de l'achat des consciences, qui a pu être légitime au début. Les règles sont transparentes, accessibles à tous, elles ont été évoquées à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous devons les consolider, avec la mobilisation des grands acteurs de l'électronucléaire, c'est-à-dire EDF, le CEA, AREVA et, bien sûr, l'ANDRA.
Au moment de voter ce texte, je souhaite que les neuf années qui nous séparent du prochain rendez-vous soient utilisées pour que ce climat de confiance dans la présentation et l'explication, d'ailleurs très largement traduit par la commission du débat public, puisse se décliner sur le terrain du développement. Il s'agit de montrer que ce laboratoire - je me tourne vers mon collègue de la Haute-Marne - permettra à une partie du territoire français de participer au développement d'une filière qui est indispensable à l'indépendance énergétique de notre pays. Ce faisant, il s'agit également d'apporter une réponse au problème de l'émission de CO2.
Cela suppose que vous ayez des partenaires solidaires, les grandes entreprises, certes, mais aussi les départements, les communes et les communautés de communes.
Monsieur le ministre, je souhaite que, lors de la rédaction des décrets visant le développement économique, vous teniez compte du fait que la vie locale s'appuie sur des institutions solidaires qui travaillent ensemble : deux départements qui ne sont pas séparés par une frontière, deux départements qui appartiennent à deux régions riches en centres universitaires, en centres de recherche, en entreprises susceptibles d'être associées à la filière électronucléaire.
Sur le plan local, puisque l'argent ne transite pas exclusivement par les collectivités locales et qu'il peut être utilisé par des acteurs comme le CEA, AREVA ou l'ANDRA, voire EDF s'ils ont des projets à réaliser dans ce secteur, nous souhaitons que les règles du jeu soient les plus transparentes possible et que les sommes consacrées à cette activité n'apparaissent ni comme des cadeaux excessifs à une toute petite population ni comme une subvention permanente à un conseil général qui trouverait là l'occasion de ne pas augmenter sa fiscalité. Cet effort doit constituer un accompagnement pour des populations actives qui acceptent le nucléaire, qui y croient, mais qui entendent être associées aux projets et respectées.
J'ai parfois l'impression que vous mesurez mal la difficulté qu'il y a à établir des liens de confiance. Je vous invite à vous appuyer, plus que vous ne l'avez fait jusqu'à présent, sur les institutions représentatives des populations locales, qu'elles soient communales, intercommunales, départementales ou régionales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Je tiens à remercier l'ensemble des intervenants qui ont permis l'adoption de ce texte ce soir.
Mes remerciements iront bien sûr à M. François Loos, qui s'est investi sur ce dossier pendant plusieurs mois, et ce très en amont du débat parlementaire, notamment en engageant un grand débat public national et en permettant que le Gouvernement et le Parlement respectent ensemble, en cette année 2006, le rendez-vous fixé par la loi de 1991.
Je remercierai aussi nos collègues de la majorité et de l'opposition. J'ai d'ailleurs été sensible aux compliments qu'ils m'ont adressés.
Je réserverai une mention particulière à nos collègues de la Meuse et de la Haute-Marne. Je tiens en effet à leur dire une nouvelle fois que nous mesurons pleinement leurs préoccupations et le rôle particulier qui est le leur. Croyez bien, monsieur Longuet, que je me suis vraiment efforcé, en ma qualité d'élu de la nation mais surtout d'élu local, de comprendre les problèmes des élus locaux et des populations qu'ils représentent. Je suis moi-même maire d'une commune rurale depuis trente-cinq ans ; j'ai été conseiller général pendant trente et un an, vice-président de mon conseil général chargé du développement économique de l'agriculture et de l'environnement. J'ai eu à connaître de nombreux projets, et je comprends bien que des collectivités acceptant de participer à la solution d'un problème national attendent en retour des témoignages de solidarité.
Au-delà de cet hémicycle, je veux aussi m'adresser à toutes celles et à tous ceux qui, depuis maintenant quinze ans, ont contribué à la recherche, à son évaluation, à la concertation et aux débats, tant nationaux que locaux, qui ont permis de mener à bien le programme que nous nous étions fixé au travers de la loi Bataille.
Certes, il n'a pas été possible, ce soir, de parvenir à une unanimité sur le texte proposé, mais une majorité très large s'est dégagée, sans opposition notable, à une exception près.
Je ressors de ces débats avec une grande confiance dans notre capacité collective à mettre en oeuvre des solutions définitives pour la gestion des déchets dans les futures décennies et dans le cadre des alternances politiques qui pourraient éventuellement survenir, comme le veut la vie politique de notre pays et celle de tout pays démocratique.
M. Bernard Piras. Vous êtes perspicace ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Henri Revol, rapporteur. C'est le Sénat qui aura formalisé un double rendez-vous législatif pour que ce soit à nouveau le Parlement qui prenne les décisions les plus importantes en matière de gestion des déchets. Ainsi commençons-nous à répondre de façon collective, responsable et transparente à des questions qui se poseront aux générations futures.
Enfin, je remercie la présidence et l'ensemble des services qui ont contribué à la qualité de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite de ce vote, de l'excellent travail que nous avons fourni ensemble, et je tiens à remercier M. le rapporteur, les orateurs, et tous ceux qui se sont investis sur ce texte.
Il est très important de parvenir à faire partager ses convictions. Or ce texte est un texte de convictions. Il nous engage sur le long terme, sur des sujets fondamentaux, et nous permet de tirer les conséquences des choix passés. Chacun de nous a sa propre conviction, mais une conviction ne sert à rien si l'on ne parvient pas à la faire partager. Ce texte constitue donc un engagement très fort.
C'est sur ce point, j'en suis bien conscient, que porte le débat, et c'est sur ce point aussi que porteront les discussions avec ceux qui seront les premiers concernés par la mise en oeuvre des décisions et des objectifs que nous avons tracés dans ce projet de loi.
Permettez-moi de vous livrer une anecdote. Depuis quelques mois, du fait de la flambée des prix du pétrole, tout le monde parle du nucléaire. Je pense entre autres aux nombreux ministres en charge de l'énergie que j'ai eu l'occasion de rencontrer, qu'ils soient originaires de pays producteurs de pétrole, comme les États du golfe persique, ou de pays consommateurs. Des responsables américains m'ont ainsi demandé comment nous parvenions à faire accepter cette énergie. Quant aux représentants des pays producteurs de pétrole, ils disent qu'ils devront un jour s'y intéresser, car les réserves ne sont pas inépuisables.
L'action que nous avons engagée, nous devons la conduire de façon parfaite, en gardant à l'esprit à la fois la préoccupation de sécurité, qui est primordiale, et le souci de faire partager à l'ensemble de nos concitoyens notre conviction que nous opérons les bons choix.
Mais avant de convaincre nos concitoyens, il nous faut d'abord nous convaincre nous-mêmes de la justesse de nos choix. Ensuite, nous devons faire partager ces derniers le plus largement possible. L'action que nous conduisons est fondamentale. L'ensemble du monde nous regarde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)