Article 14 bis
L'article L. 335-5 du même code devient l'article L. 335-5-1 et l'article L. 335-5 est ainsi rétabli :
« Art. L. 335-5. - Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables à la reproduction non autorisée, à des fins personnelles, d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme mis à disposition au moyen d'un service de communication au public en ligne.
« Elles ne s'appliquent pas non plus à la communication au public, à des fins non commerciales, d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme au moyen d'un service de communication au public en ligne, lorsqu'elle résulte automatiquement et à titre accessoire de leur reproduction dans les conditions visées au premier alinéa.
« Les actes visés aux deux alinéas précédents constituent des contraventions prévues et réprimées par décret en Conseil d'État.»
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 335-10 du même code, il est inséré un article L. 335-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 335-11 - Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables à la reproduction non autorisée, à des fins personnelles, d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin et mis à disposition au moyen d'un logiciel d'échange de pair à pair.
« Elles ne s'appliquent pas non plus à la communication au public, à des fins non commerciales, d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme au moyen d'un service de communication au public en ligne, lorsqu'elle résulte automatiquement et à titre accessoire de leur reproduction dans les conditions visées au premier alinéa.
« Les actes visés aux deux alinéas précédents constituent des contraventions prévues et réprimées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. La rédaction présentée à l'article 14 bis pour le premier alinéa de l'article L. 335-5 du code de la propriété intellectuelle est trop large. L'adopter en l'état reviendrait à ériger en contravention non seulement le téléchargement, que l'on appelle download, d'une oeuvre protégée, mais également toute copie opérée sur un site et relevant sans conteste de l'exception pour copie privée.
L'adoption de cette rédaction aurait pour effet de délégaliser toute copie réalisée à partir d'une mise en ligne. Le présent amendement a donc pour objet de ne maintenir dans le champ de la contravention que la copie d'une oeuvre protégée opérée sur un réseau de pair à pair.
M. le président. L'amendement n° 182, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 335-5 du code de la propriété intellectuelle :
« Art. L. 335-5. - Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables à la communication au public, à des fins non commerciales, d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme au moyen d'un service de communication au public en ligne, lorsqu'elle résulte automatiquement et à titre accessoire de leur reproduction à des fins d'usage privé.
« Les actes visés à l'alinéa précédent constituent des contraventions prévues et réprimées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je serai très brève, puisque nos travaux semblent s'accélérer...
Cet amendement tend à supprimer l'alinéa de la rédaction présentée pour l'article L. 335-5 du code de la propriété intellectuelle qui transforme, de notre point de vue, tous les internautes en contrevenants s'agissant de la copie privée réalisée à partir d'Internet. Ce qui fonde pour nous la copie privée, c'est bien l'usage qui en est fait, personnel et familial, et non pas le moyen utilisé pour la réaliser.
Il restait néanmoins à préciser que la réalisation d'une copie privée à l'aide d'un logiciel mettant à disposition l'oeuvre pendant le téléchargement constitue un acte illégal. C'est ce que nous proposons ici de faire.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
I. Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 335-5 du code de la propriété intellectuelle après les mots :
à des fins personnelles,
insérer les mots :
par une personne physique,
II. Dans le même alinéa, après le mot :
programme
insérer les mots :
protégés par le droit d'auteur ou un droit voisin
III. Dans le même alinéa, remplacer les mots :
d'un service de communication au public en ligne
par les mots :
d'un logiciel d'échanges de pair à pair
IV. Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 335-5 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
d'un service de communication au public en ligne
par les mots :
d'un logiciel d'échanges de pair à pair
IV. Dans le même alinéa, supprimer les mots :
automatiquement et
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement a pour objet de préciser le périmètre du champ contraventionnel de l'article L. 335-5 du code de la propriété intellectuelle.
Cet article vise donc non pas les seuls logiciels d'échange de pair à pair, mais la quasi-totalité des services proposés sur Internet, et fait courir un risque pénal à l'ensemble des utilisateurs de l'internet qui téléchargent, par exemple, des fichiers à partir de blogs ou de sites officiels.
Au premier alinéa sont visés les téléchargements effectués à partir d'un service de communication au public en ligne. Le champ d'application de cet alinéa est extrêmement large et inclut l'ensemble des services du web, hors radiodiffusion et correspondance privée : sites, blogs, newsgroups et autres services similaires.
La reproduction en cause concerne des oeuvres pour lesquelles les autorisations de mise à disposition n'auraient pas été obtenues ou pour lesquelles aucune autorisation de reproduction n'est délivrée.
En d'autres termes, pour se prémunir contre un risque pénal, l'internaute doit être en mesure d'apprécier la licéité de la mise à disposition de l'oeuvre qu'il entend copier. Or ce contrôle est hors de portée des internautes, car il suppose une connaissance du titulaire de droits sur chaque oeuvre « disponible » ou une mention de l'autorisation de copie.
Les conclusions du rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat vont dans ce sens et confirment l'existence de ce risque.
Dans le second alinéa, le texte incrimine les actes de mise à disposition illicites au moyen des logiciels d'échange pair à pair réalisés par des particuliers. Ce nouveau dispositif précise que les mises à dispositions sont liées aux téléchargements visés à l'alinéa premier de manière automatique et accessoire.
Une certaine interprétation du terme « automatique » pourrait conduire à exclure les actes qui ne reposent pas sur une simultanéité de la mise à disposition avec la reproduction par téléchargement. Dès lors, tous les utilisateurs de peer to peer pourraient ne pas bénéficier de la loi pénale plus douce, mais relever du régime de la contrefaçon.
Concrètement, il s'agit de viser les cas où l'internaute a stocké des fichiers dans le dossier partagé après les avoir téléchargés et met en oeuvre le logiciel de peer to peer dans sa seule fonction upload. Si, avec certains logiciels, téléchargement et mise à disposition sont intimement liés, il existe des cas où des logiciels de peer to peer offrent au partage des fichiers sans qu'un acte de téléchargement soit lié.
Il paraît donc nécessaire de faire en sorte que l'ensemble des cas d'utilisation des logiciels d'échanges pair à pair mis en oeuvre par les particuliers soit couvert à l'alinéa 2 et que celui-ci ne soit pas limité à certaines technologies.
C'est pourquoi nous pensons que, plutôt que de mentionner le terme « automatique », il est préférable de se référer de façon générale à la mise à disposition via l'utilisation d'un logiciel d'échange pair à pair, comme à l'alinéa précédent.
Le caractère « accessoire » de la mise à disposition, en revanche, devrait être maintenu pour éviter des utilisations manifestement abusives : numérisation de contenus dans le but de mise à disposition hors download par injection dans le réseau.
M. le président. L'amendement n° 137, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
Remplacer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 335-5 du code de la propriété intellectuelle par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les actes visés aux deux alinéas précédents sont constatés par les agents mentionnés à l'article L. 331-2. Ces derniers peuvent à tout moment demander à la personne dont l'activité est d'offrir l'accès à des services de communication au public en ligne, au moyen duquel ont été commis ces actes, de lui communiquer une référence correspondant au titulaire de l'accès en cause.
« Cet agent peut alors lui demander son concours pour transmettre un message de mise en demeure à la personne téléchargeant illicitement, par voie électronique ou par lettre recommandée.
« Lorsqu'un agent mentionné à l'article L. 331-2 transmet au collège des médiateurs un procès-verbal constatant la réalité de ces actes, le collège des médiateurs peut prononcer des sanctions pécuniaires dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Le montant de l'amende prononcée ne peut excéder 300 €.
« En cas d'infraction réitérée dans les deux années à compter de la date à laquelle la sanction précédemment prononcée est devenue définitive, le montant de l'amende est porté à 1 000 €.
« Le montant de l'amende prononcée peut être porté, même pour la première infraction à 15 000 € si l'auteur du manquement est une personne morale. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 101, présenté par M. Longuet, est ainsi libellé :
Au début du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 335-5 du code de la propriété intellectuelle, ajouter les mots :
Sans préjudice de l'application de l'article additionnel après l'article L. 335-10.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Sur le fond, cet amendement, qui est une coordination avec l'amendement n° 102 tendant à insérer un article additionnel après l'article 14 bis, sera défendu en même temps que celui-ci.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. L'acte de téléchargement de fichiers ne peut pas être assimilé à de la copie privée. Il convient, par conséquent, de ne pas modifier les dispositions du présent texte sur ce point précis. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 182.
L'amendement n° 56 nous semble satisfait par l'amendement n° 25 rectifié de la commission, qui a pour objet de ne maintenir dans le champ de la contravention que la copie d'une oeuvre protégée opérée sur un réseau de pair à pair. Je vous propose donc, madame, de retirer votre amendement.
L'amendement n° 101 renvoie à un article additionnel, dont l'insertion sera proposée tout à l'heure, qui a pour objet d'instaurer des sanctions aggravées pour les téléchargements massifs. Or, pour les raisons que j'indiquais en préambule à cette discussion, la commission a souhaité maintenir le régime des sanctions adopté par l'Assemblée nationale, qui lui paraît à la fois juste et équilibré. Elle n'a donc pas voulu donner suite, qu'il s'agisse des suppressions ou, éventuellement, des aggravations de sanctions. C'est la raison pour laquelle, préférant en rester là, elle n'est pas favorable à cet amendement, pas plus qu'elle ne l'est à d'autres du même ordre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 25 rectifié.
Il émet en revanche un avis défavorable sur l'amendement n° 182.
Il en va de même pour l'amendement n° 56, madame, l'amendement n° 25 rectifié du rapporteur, auquel le Gouvernement est favorable, me semblant répondre à votre préoccupation, ainsi que vient de l'exposer M. le rapporteur.
Quant à l'amendement n° 101 présenté par M. Longuet, il aborde un point sur lequel j'aurai bien évidemment l'occasion de revenir plus amplement dans la suite de la discussion. À ce stade de la discussion, et par mesure de cohérence, j'émets un avis défavorable.
M. le président. Madame Morin-Desailly, l'amendement n° 56 est-il maintenu ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Non, je le retire, monsieur le président.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Merci, madame !
M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 101.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 14 bis, modifié.
(L'article 14 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 14 bis
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. Longuet, est ainsi libellé :
Après l'article 14 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'elles sont effectuées par des dispositifs, logiciels ou tout autre moyen informatique ou électronique ayant fait l'objet d'une homologation par arrêté conjoint du ministre de la culture et du ministre de l'intérieur, les constatations relatives aux reproductions ou représentations illicites au moyen d'un service de communication au public en ligne font foi jusqu'à preuve du contraire.
« Pour l'application des dispositions relatives à l'amende forfaitaire, le lieu du traitement automatisé des informations nominatives concernant les constatations effectuées par les appareils de contrôle automatisé est considéré comme le lieu de constatation de l'infraction. »
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Le problème soulevé par les amendements que je vais avoir l'honneur de défendre devant la Haute Assemblée est celui de la réalité de la sanction de la copie illégale par un particulier.
L'amendement n° 105 a pour objet de renforcer les capacités de contrôle en faisant en sorte que les systèmes de contrôle bénéficient d'un privilège de bonne foi et fassent autorité jusqu'à ce que l'on prouve qu'ils n'ont pas, en effet, identifié un abus de copie. Par ailleurs, pour des raisons de commodité et de simplicité, il me semble que le tribunal compétent pour constater l'infraction doit être le tribunal du siège où se trouve implanté le système de contrôle.
L'objet de cet amendement - comme celui de l'amendement suivant, n° 102, et de l'amendement n° 101, qui n'a pas été adopté ; mais il ne portait pas sur l'essentiel - est donc de donner une réalité au contrôle contraventionnel et, le cas échéant, délictuel des infractions au droit de propriété.
Je suis assez attaché à l'ensemble de ces amendements, ayant, dans un passé lointain, présenté, au nom du Gouvernement, un projet de loi relatif à la répression de la contrefaçon. J'insisterai donc très fortement auprès de notre assemblée : sans doute faut-il considérer les usages, sans doute ne faut-il pas mettre sur le même plan le contrefacteur professionnel et celui qui, à un moment ou un autre, par convivialité, par esprit d'amitié ou de solidarité familiale, peut élargir au-delà de son droit personnel le droit de copie. Mais, si nous ne nous donnons pas les moyens d'assurer une effectivité du contrôle contraventionnel et délictuel de la copie peer to peer des particuliers, nous découragerons l'investissement et dans ce secteur de la création audiovisuelle, et dans le secteur de la création musicale.
Je suis pour ma part persuadé, monsieur le ministre, que le niveau que vous proposez, et que l'Assemblée nationale a retenu, est parfaitement insuffisant pour sanctionner la copie systématique.
Comme l'indiquait mon collègue Roger Karoutchi dans son amendement n° 137, que je n'ai pas pu défendre puisque je n'en étais pas cosignataire - et j'en profite pour exposer l'amendement de fond qui suivra, l'amendement n° 102, ce qui nous permettra de gagner du temps -, le niveau de contravention proposé, ajouté à la faible probabilité statistique de la réalité de cette contravention, encourage très nettement l'usager à une totale indifférence à l'égard du contrôle du droit de propriété, dont pourtant, monsieur le ministre, nous avons tous reconnu la nécessité pour soutenir la création artistique.
Si nous en restions au seul niveau proposé par l'Assemblée nationale, nous serions, je crois, dans une sorte d'aimable hypocrisie : certes, un droit serait reconnu, mais sa sanction ne correspondrait en rien, lorsque nous avons affaire non pas à de dangereux récidivistes, la formule serait excessive, mais à des personnes qui contournent systématiquement le droit de propriété, à un risque délictuel ou contraventionnel, puisqu'elle serait très inférieure à ce que coûte le paiement effectif d'un droit d'usage de la musique et de la télévision.
C'est donc, monsieur le ministre - et je vous remercie d'être attentif à mon propos -, à une véritable organisation de l'indifférence à l'égard du droit de propriété, je pèse mes termes, que nous sommes en train de procéder. C'est la raison pour laquelle j'attends avec beaucoup d'intérêt votre avis sur l'amendement n° 105 mais, surtout, sur l'amendement n° 102, que nous examinerons immédiatement après.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous l'indiquions tout à l'heure, l'amendement n° 105 vise à instaurer un traitement automatisé des informations nominatives relatives aux infractions constatées.
Il ne nous paraît pas apporter toutes les garanties nécessaires, en termes de procédure pénale, quant à l'identification des auteurs d'infractions. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement est très attaché à la mise en oeuvre effective du régime de contravention : c'est évidemment l'un des points d'équilibre du texte, et je me réjouis de constater que nous partageons cette préoccupation.
Pour autant, je l'ai indiqué à l'Assemblée nationale, il ne s'agit pas de mettre en oeuvre un régime massif et systématique, comme pour le code de la route : il s'agit de faire en sorte de différencier les responsabilités, notamment de viser principalement ceux qui sont, par exemple, les éditeurs de logiciels manifestement destinés à contourner les mesures de protection.
L'objet de votre amendement, monsieur le sénateur, est de préciser la force probante des constats effectués grâce à des logiciels. Sur Internet, l'infraction peut être constatée à distance, et il n'y a alors pas d'ambiguïté sur le lieu de constatation. Votre préoccupation me paraît donc satisfaite en l'état actuel du droit.
Quant aux autres questions que vous avez évoquées, j'y répondrai tout à l'heure lorsque je m'exprimerai sur l'amendement n° 102.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Compte tenu des apaisements apportés par le ministre, je retire l'amendement n° 105.
M. le président. L'amendement n° 105 est retiré.
L'amendement n° 102, présenté par M. Longuet, est ainsi libellé :
Après l'article 14 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 335-10 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Est puni d'une amende de 3 750 euros le fait de procéder, sans autorisation, à la reproduction à des fins personnelles d'oeuvres ou d'objets protégés en application des livres I et II du présent code mis à disposition du public au moyen d'un logiciel d'échanges de pair à pair, ou à leur communication au public par ce moyen, lorsqu'elle résulte automatiquement et à titre accessoire de leur reproduction dans les conditions précitées, dès lors que les faits précités portent au moins sur 20 oeuvres audiovisuelles ou sur 200 oeuvres ou objets protégés quelle qu'en soit la nature. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Le sous-amendement n° 273 rectifié, présenté par MM. Karoutchi, Trucy et Grignon, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 102 pour l'article additionnel créé après l'article L. 335-10 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
sur 20 oeuvres audiovisuelles ou sur 200 oeuvres ou objets protégés
par les mots :
sur 25 oeuvres audiovisuelles ou sur 250 oeuvres ou objets protégés
La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Ce sous-amendement vise à introduire un niveau de sanction adapté, en l'occurrence une peine délictuelle minimale, pour les pratiques de téléchargement ou de mise à disposition en pair à pair qui portent sur un nombre substantiel d'oeuvres ou d'objets protégés. Ce dispositif permet aussi de préserver le droit à réparation des victimes.
L'augmentation des seuils, initialement fixés à 20 oeuvres audiovisuelles et à 200 oeuvres ou objets protégés, tend à souligner que ce dispositif concerne spécifiquement des cas de méconnaissance substantielle et répétée de la propriété intellectuelle dépassant clairement la situation occasionnelle, qui, seule, peut justifier de la mansuétude d'une simple contravention.
S'agissant des films cinématographiques, l'habitude illicite ainsi caractérisée tient compte de la fragilité de leur exploitation à l'intérieur de la chronologie des médias.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. On l'aura compris, l'amendement n° 102 tend à alourdir les sanctions auxquelles s'exposerait un internaute qui téléchargerait illégalement un nombre important d'oeuvres protégées. On peut donc s'interroger sur les conséquences pratiques de la mise en oeuvre de cette disposition.
Tout d'abord, l'amende envisagée, qui serait de 3 750 euros, nous ramènerait dans le champ des délits, alors que le projet de loi soustrait précisément, sous certaines conditions, les actes de téléchargement au champ de la contrefaçon pour les requalifier en simples contraventions. L'adoption de cet amendement ne faciliterait pas la compréhension par l'internaute des peines auxquelles il s'expose. Or, la commission a justement été très attentive à ce que l'internaute puisse comprendre à la fois les risques qu'il encourt et les peines éventuelles auxquelles il s'expose s'il télécharge illégalement.
Ensuite, le ministre nous a indiqué que la procédure envisagée se proposait de surveiller les oeuvres et non pas les consommateurs. On peut donc s'interroger sur la façon dont seraient recueillies et conservées les informations qui permettraient de constater un grand nombre de téléchargements massifs résultant d'une accumulation d'actes de téléchargement.
Ces considérations ont conduit la commission à rester fidèle à la voie équilibrée qu'elle a approuvée et à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 102.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 273 rectifié, pour les raisons qui ont déjà été exprimées, la commission émet également un avis défavorable.
Toutefois, je saisis cette occasion pour demander à M. le ministre de nous préciser la façon dont le Gouvernement envisage le problème des sanctions relatives au téléchargement, car un grand nombre d'amendements ont été déposés sur ce sujet.
Si la réponse du Gouvernement est suffisamment précise, elle devrait permettre d'apaiser de nombreuses inquiétudes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je rejoins l'idée de votre amendement, monsieur Longuet, qui s'inscrit parfaitement dans la logique de la graduation des sanctions à l'égard des internautes que le Gouvernement a voulu mettre en place. Il est en effet essentiel que les sanctions soient à la fois proportionnées et dissuasives.
Pour autant, en raison de l'évolution rapide des technologies, il paraît difficile de figer dans la loi des seuils qui déclencheront non seulement des sanctions plus lourdes, mais aussi des procédures plus intrusives.
Afin d'éviter, comme vous le craignez à juste titre, que les sanctions ne soient trop faibles, le Gouvernement créera, par décret, une contravention d'un niveau plus élevé lorsque les quantités d'oeuvres téléchargées ou mises à disposition dépasseront certains seuils, ce qui permettra une mise en oeuvre plus souple.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 102 et, pour les mêmes raisons, sur le sous-amendement n° 273 rectifié.
Par ailleurs, pour répondre à la demande de M. le rapporteur, je vais tenter de clarifier le système des sanctions prévues par le Gouvernement.
Le téléchargement est défini comme la reproduction illicite d'oeuvres ou de supports de droits voisins, telle qu'elle est entendue habituellement dans le code de la propriété intellectuelle, avec une précision supplémentaire relative au vecteur utilisé à cette fin, à savoir un service de communication au public en ligne.
Ces infractions nouvelles seront constatées par la surveillance des oeuvres exercée sur le web par les services de police et de gendarmerie. C'est le fait de télécharger et, le cas échéant, de laisser ce téléchargement à la disposition de tiers qui sera réprimé.
Je le répète, ce ne sont pas les internautes qui feront l'objet d'une surveillance, ce sont les oeuvres. Or, ce sont les auteurs qui décident du régime de diffusion de leurs créations et de leurs oeuvres. Par conséquent, les oeuvres sont en quelque sorte codifiées, d'où l'idée de répertoire pour clarifier les enjeux : personne ne pourra ignorer quelle est la codification, quels sont les droits attachés à une oeuvre.
D'ailleurs, c'est l'impossibilité pour l'internaute de savoir exactement quel était le régime de protection ou non d'une oeuvre, l'absence de notoriété, qui a légitimé certaines décisions de justice rendues récemment.
De nombreuses précautions sont prises, à la fois pour être efficace et pour qu'il n'y ait pas d'intrusion dans la vie privée, afin que, une fois pour toutes, il soit clair que protéger le droit d'auteur en mettant en oeuvre des sanctions proportionnées ne porte pas atteinte à la liberté de communication et aux échanges privés. Ce n'est pas le même sujet, ce n'est pas la même responsabilité.
J'en viens maintenant à la compétence des services de l'État, qui est un point très important.
La recherche des infractions consistera à surveiller les oeuvres protégées, en les recherchant par mot clé sur les logiciels d'échange proposés au public, comme n'importe quel internaute peut le faire.
Cette surveillance sera exercée par les agents des services enquêteurs - police ou gendarmerie - qui pourront être saisis par les agents agréés et assermentés désignés par le Centre national de la cinématographie, les organismes professionnels d'auteurs ou par les sociétés de perception et de répartition des droits.
Ces constatations ne seront pas nominatives : l'agent relèvera des numéros d'adresse Internet, qui peuvent changer. La surveillance des échanges illégaux est une surveillance des oeuvres et non pas - j'y insiste - une surveillance des internautes. Cette démarche n'entraîne aucune surveillance des communications privées et préserve l'anonymat des internautes.
Il conviendra ensuite de procéder à une enquête. Avec l'autorisation du procureur de la République, le service enquêteur procèdera à l'identification du titulaire d'accès au moyen d'une réquisition adressée au fournisseur d'accès à Internet à partir de l'adresse Internet et de l'heure de la constatation. Nous reviendrons, dans la suite de la discussion, sur un certain nombre d'éléments qui constitueront des garanties de l'effectivité de la démarche.
Enfin, la condamnation ou la relaxe est décidée par un juge, éventuellement un juge de proximité. La contravention sera établie sur le constat d'un téléchargement ou du partage d'une ou plusieurs oeuvres.
Enfin, - autre point très important - avec les différents ministères concernés, sur instruction très précise du Premier ministre, nous constituons des équipes de fonctionnaires de l'État qui seront spécialisées dans la recherche de ces infractions.
J'espère avoir clarifié les différentes dispositions que nous mettons en place. Nous avons le souci de l'effectivité ; là aussi, c'est le point d'équilibre qui est le plus important. Il ne faut pas provoquer des peurs inutiles, mais il convient de mettre au point un dispositif qui fasse que chacun assume ses responsabilités.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 273 rectifié.
M. Gérard Longuet. Je voterai le sous-amendement n° 273 rectifié, qui a le mérite de montrer que nous ne voulons frapper que ceux qui font un commerce régulier ou qui ont en permanence ce type de comportement. C'est la valeur symbolique de cette consommation illégale que nous souhaitons souligner.
Monsieur le ministre, j'ai écouté votre intervention et elle m'a, pour l'essentiel, convaincu. La volonté du Gouvernement est forte. Mais je voudrais que notre Haute Assemblée envoie un signal aux professionnels du cinéma et de l'audiovisuel qui ont fixé des règles pertinentes d'équilibre entre les différents modes de diffusion.
L'investissement cinématographique, en particulier, est aujourd'hui un investissement extrêmement lourd, dont la diffusion repose sur des canaux qui évoluent et qui sont en concurrence.
La profession a considéré, en bonne intelligence, que l'exploitant en salle qui prenait le risque d'un investissement lourd pouvait bénéficier d'une priorité, et la guerre, qui aurait pu être meurtrière, entre la diffusion en salle et la diffusion par un système audiovisuel, qu'il soit général, adressé ou crypté, et donc payant, n'a pas eu lieu.
Après des années de conflits, de discussions et de négociations, les professionnels ont abouti à une organisation qui permet à celui dont l'investissement est lourd d'équilibrer son budget.
Ces professionnels assurent une animation sur l'ensemble du territoire national. Le cinéma est un lieu de rencontres, de convivialité, d'échanges. C'est une façon pour de nombreux jeunes de devenir des cinéphiles, alors que leur intention première était d'abord de ne pas rester chez eux et d'être avec d'autres adolescents de leur âge.
Cela n'interdit pas aujourd'hui la diffusion des films à un public plus large, qui reste chez lui et qui est servi à domicile, par les différentes formes d'accès télévisé. Je ne souhaite pas qu'un détournement des facilités qu'offre Internet aboutisse à perturber cet équilibre. C'est la raison pour laquelle votre volonté me rassure, monsieur le ministre.
Un vote qui rappellerait le caractère contraventionnel fort ou délictuel - 3 750 euros constitue la limite du délit - exprimerait la volonté de ne pas remettre en cause un équilibre qui repose sur le courage des uns, celui d'investir, et qui pourrait être détruit par la malice des autres.
Je tiens à ce que l'on se prononce cet amendement, même s'il n'est pas adopté par la Haute Assemblée, car je comprends, monsieur le ministre, que vos intentions sont semblables aux miennes, mais pour être certain de vous soutenir dans cet effort, débattre de ce sujet et exprimer une conviction n'est pas totalement inutile.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 273 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
Articles additionnels après l'article 14 bis (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen du dernier amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 14 bis.
L'amendement n° 103, présenté par MM. Dufaut et Longuet, est ainsi libellé :
Après l'article 14 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L 335-10 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne doit veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d'oeuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres I et II, lorsqu'elle est requise, en mettant en oeuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par le fournisseur de cet accès. »
La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Nous avons été nombreux, dans la discussion générale, à nous interroger sur la fiabilité des contrôles et sur l'effectivité des sanctions.
Cet amendement n° 103 vise à répondre pour partie au souci d'effectivité de la sanction, souci qui a également été évoqué tout à l'heure par M. le ministre, en limitant les procédures judiciaires sans fin.
En effet, afin de rendre applicables les sanctions contraventionnelles, il paraît nécessaire de responsabiliser davantage le titulaire de l'abonnement. Cette responsabilisation éviterait d'alourdir la procédure, avec des enquêtes parfois intrusives pour identifier l'utilisateur premier responsable, utilisateur qui peut bien évidemment être un tiers.
L'abonné devrait notamment s'assurer que son abonnement n'est pas utilisé à des fins de partage illicite, en utilisant les outils de sécurisation proposés par les fournisseurs d'accès à Internet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je tiens, dans cette intervention, à préciser la façon dont le groupe socialiste a abordé l'ensemble des articles qui prévoient les sanctions applicables à toutes les pratiques et téléchargements estimés illicites.
Comme nous l'avons dit dans la discussion générale, nous ne portons pas la responsabilité de ce projet de loi, ni du dérapage qui s'est produit lorsque, comme seul rempart contre le téléchargement illicite, le Gouvernement s'est présenté en première lecture devant l'Assemblée nationale avec une transposition de la directive et un dispositif répressif. C'était sa façon d'empêcher l'expansion d'un phénomène qui se déployait depuis deux ans. (M. le ministre manifeste son agacement.) Ne vous énervez pas, monsieur le ministre. Je vous l'ai déjà dit trois fois et, si je sens que cela vous irrite, je vous le répéterai encore souvent ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Legendre. Cela rime à quoi ?
M. David Assouline. Vous aviez alors prévu des peines de prison. Mais vous êtes revenu sur cette forme de sanction, à la demande du Président de la République, qui a estimé que l'on ne pouvait pas parvenir à un équilibre de cette façon.
Néanmoins, le feu était allumé. Depuis, on constate un certain clivage dans le débat. Il est devenu difficile de s'accorder, de manière responsable, sur des dispositions visant à unir le droit à la culture et le droit de la culture, les internautes et les créateurs, dans la recherche de l'intérêt commun.
Le dispositif que vous prévoyez est incohérent. Nous sommes bien entendu opposés au téléchargement illégal, mais à la condition qu'il soit combattu dans un projet de loi destiné à protéger le droit d'auteur. À l'ère du numérique, il aurait fallu répondre aux questions qui se posent par la répression, certes, mais aussi par la recherche d'un consensus, d'une politique qui permette réellement les offres légales, gratuites ou pas. Il aurait fallu, par la prévention, par des initiatives du Gouvernement, y compris en direction de l'école, expliquer à tous les jeunes que ce comportement, qui leur apparaît tout à fait normal, est illicite. Bref, il aurait fallu taper au plus près du problème.
Nous ne sommes pas intervenus sur les articles relatifs à cette question. Nous nous sommes limités à lever la main pour voter contre les dispositions qui nous étaient soumises. Je tiens à cet instant, sans allonger le débat, à expliquer ce qui nous a conduits à voter comme nous l'avons fait.
Monsieur le ministre, vous portez la responsabilité du fait que ce dispositif n'a pas de pertinence, pour ne pas dire qu'il sera inefficace.
La sanction a d'abord une valeur pédagogique. Elle est même parfois la meilleure des pédagogies, à condition de ne pas prévoir de peines de prison. Mais encore faut-il se donner les moyens de la rendre effective !
Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, monsieur le ministre, je ne pense pas que vous vous empresserez de vous donner les moyens d'appliquer à une échelle massive les dispositions répressives prévues dans ce texte. En effet, dans la période qui s'ouvre, nombre de membres du Gouvernement auront la tête ailleurs du fait de l'échéance électorale qui se profile. Je ne vous fais pas de procès d'intention, mais je pense que tout cela ne vous aidera pas à faire preuve de promptitude pour envoyer des millions d'amendes.
Nous allons donc laisser s'installer le fait que, bien qu'il y ait une loi pour pénaliser, on ne voit rien venir. Cela va décrédibiliser un peu plus votre action.
Et maintenant, le rapporteur accepte un amendement qui, de fait, prévoit des sanctions à l'encontre des parents, car c'est bien de cela qu'il s'agit.
Nous ne pouvons pas cautionner ce côté improvisé, bricolé.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Assouline.
M. David Assouline. Notre groupe a voté contre le dispositif qui nous était soumis dans ces articles, sans chercher à l'améliorer par voie d'amendements puisque c'est l'édifice lui-même qui ne va pas.
En revanche, nous avons déposé des amendements sur l'article 14 quater, qui est plus précis, et nous expliquerons pourquoi lors de sa discussion.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14 bis.