Article 4 septies
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Article 4 octies

Article additionnel après l'article 4 septies ou avant l'article 5

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 243, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 4 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 87 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale est ainsi rédigé :

« Compte non tenu du programme national de rénovation urbaine prévu par les articles 6 à 9 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, 600 000 logements locatifs sociaux seront financés, au cours des années 2006 à 2010, selon la programmation suivante :

Prêts

2006

2007

2008

2009

2010

Total

Prêts locatifs à usage social (PLUS)

70 000

70 000

70 000

70 000

70 000

350 000

Prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI)

20 000

20 000

20 000

20 000

20 000

100 000

Prêts locatifs sociaux (PLS)

20 000

20 000

20 000

20 000

20 000

100 000

Logements construits par l'association agréée prévue à l'article 116 de la loi de finances pour 2002

10 000

10 000

10 000

10 000

10 000

50 000

Total offre nouvelle

120 000

120 000

120 000

120 000

120 000

600 000

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Cet amendement revient sur la programmation fixée par l'article 87 de la loi de programmation pour la cohésion sociale. Il importe de mettre à disposition sur tout le territoire national des logements réellement accessibles, tout comme il est souhaitable de rééquilibrer la production de logements. La consommation des prêts locatifs sociaux, les PLS, des prêts locatifs à usage social, les PLUS, et des prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI, nous conforte dans notre position. En effet, ce n'est pas en consommant 140 000 PLS en cinq ans que l'on favorisera l'accroissement du parc de véritables logements locatifs sociaux.

Cet amendement vise donc, pour les années 2006 à 2010, à faire diminuer de 40 000 la consommation de PLS, à augmenter de 40 000 celle des PLUS et de 20 000 celle des PLAI, afin d'aboutir à une construction annuelle de 120 000 logements locatifs sociaux par an, ce qui nous permettrait, grâce à ces produits imaginés en 2001, d'atteindre le chiffre de 600 000 logements sociaux en cinq ans.

L'état de la consommation des différents prêts dont ont fait état certains quotidiens confirme, à nos yeux, que ce n'est pas en utilisant exclusivement les PLS pour des cités étudiantes - même s'il s'agit là d'un secteur où les besoins sont réels, en particulier en région parisienne - ou en direction des personnes âgées - pour lesquelles les besoins sont également importants - ou encore pour les logements intermédiaires que nous parviendrons à accroître le parc de logements locatifs sociaux.

Mme la présidente. L'amendement n° 465, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - L'article 87 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale est ainsi rédigé :

« Art. 87 - Compte non tenu du programme national de rénovation urbaine prévu par les articles 6 à 9 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, 1 000 000 logements locatifs sociaux seront financés, au cours des années 2006 à 2010, selon la programmation suivante :

Prêts

2006

2007

2008

2009

2010

Total

Prêts locatifs à usage social (PLUS)

120 000

120 000

120 000

120 000

120 000

600 000

Prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI)

34 000

34 000

34 000

34 000

34 000

170 000

Prêts locatifs sociaux (PLS)

34 000

34 000

34 000

34 000

34 000

170 000

Logements construits par l'association agréée prévue à l'article 116 de la loi de finances pour 2002

12 000

12 000

12 000

12 000

12 000

60 000

Total offre nouvelle

200 000

200 000

200 000

200 000

200 000

1000 000

II - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas défendu.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 243 ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Comme pour l'amendement n° 35 de Mme Demessine, déposé à l'article 1er A, l'avis de la commission est défavorable, car cette proposition remet en cause les objectifs très ambitieux du plan de cohésion sociale en matière de construction de logements sociaux.

Par ailleurs, je ne peux m'empêcher de rappeler que ce sont ceux qui en ont fait le moins dans le domaine du logement social durant les cinq années où ils étaient aux affaires qui nous demandent maintenant de dépasser ces objectifs : cela me paraît quelque peu déplacé !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Dans l'amendement n° 35, Mme Demessine affichait un objectif de 700 000 logements sociaux. M. Repentin se contente d'en prévoir 600 000 logements jusqu'en 2010, mais l'avis du Gouvernement reste défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Puisque M. le rapporteur a fait référence aux années passées, je me permets d'indiquer que le chiffre moyen de la construction annuelle entre 1998 et 2001 était de 54 000 logements.

Par ailleurs, c'est en 2001 qu'ont été créés les PLS. Or, si l'on observe les statistiques actuelles, on constate que ce produit a connu un grand succès, ce dont je me réjouis, que l'article 55 de la loi SRU, adoptée en décembre 2000, a eu des effets dans un certain nombre de communes et qu'il a été à l'origine d'un regain d'intérêt pour le logement social. J'ajoute que les logements de la Foncière, qui ont aussi rencontré un certain succès, ont été créés en 2001.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 243.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 septies ou avant l'article 5
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Article additionnel après l'article 4 octies

Article 4 octies

Après les mots : « Caisse des dépôts et consignations », la fin de la première phrase du sixième alinéa de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales est supprimée.

Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 372, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n'est pas défendu.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je le reprends, madame la présidente.

Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 372 rectifié, présenté par le Gouvernement.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Cet amendement tend à supprimer un article adopté à l'Assemblée nationale et qui introduit les logements-foyers, dont nous connaissons tous le rôle, dans le champ des logements sociaux pris en compte pour la répartition de la DSU.

Bien sûr, les indicateurs de richesse doivent être aussi représentatifs que possible de la situation sur le terrain, mais il arrive, nous le savons bien, que le mieux soit l'ennemi du bien : c'est malheureusement le cas de cet article. En effet, celui-ci renvoie à des critères trop complexes pour que les logements-foyers puissent être recensés en temps et en heure par rapport à la répartition de la DSU.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a repris l'amendement de M. Fréville, l'objectif étant de ne pas compliquer encore la répartition de cette dotation, dont, je le rappelle, le plan de cohésion sociale a prévu le doublement entre 2005 et 2009 : de 600 millions d'euros à 1,2 milliard d'euros.

Mme la présidente. L'amendement n° 526, présenté par M. Braye, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Dans la première phrase du sixième alinéa de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « logements locatifs » sont insérés les mots : «, ainsi que les logements-foyers mentionnés au 5° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, » et après les mots : « Caisse des dépôts et consignations », la fin de la phrase est supprimée.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. L'article 4 octies, introduit par l'Assemblée nationale, tend à prendre en compte les logements-foyers dans le calcul de la DSU. L'amendement de la commission tend donc à mieux circonscrire le champ des logements visés, en ne prenant en compte que les logements-foyers conventionnés.

Cependant, depuis l'adoption de cet amendement en commission, j'ai été amené à effectuer, en tant que rapporteur, un certain nombre d'expertises, portant notamment sur les conséquences de cette situation. Nous avions d'ailleurs souhaité, dans un souci de justice, comptabiliser les logements-foyers conventionnés en tant que logements sociaux, afin que les communes qui abritent des logements de ce type puissent les prendre en compte au regard des obligations posées par l'article 55 de la loi SRU.

Or nous avions sous-estimé les conséquences d'un tel dispositif sur la répartition de la DSU. En effet, il existe désormais, pour le calcul de la DSU, un critère fondé sur les aides au logement. C'est d'ailleurs un critère auquel, dans le cadre du Comité des finances locales, nous souhaitons de donner plus de poids, en réduisant celui du critère fondé sur les logements sociaux existants. Quoi qu'il en soit, ce faisant, nous n'avons pas pris garde à l'existence de coefficients multiplicateurs tels qu'un foyer peut représenter douze logements sociaux. Il est évident qu'un tel coefficient multiplicateur est susceptible de perturber considérablement la répartition de la DSU.

N'étant guère rompu aux subtilités de la fiscalité locale, domaine complexe s'il en est, je n'ai malheureusement découvert ces éléments qu'assez tardivement. La connaissance que j'en ai maintenant acquise m'amène naturellement à retirer l'amendement de la commission au bénéfice de l'amendement n° 372 rectifié.

Mme la présidente. L'amendement n° 526 est retiré.

La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je comprends tout à fait la nature du problème évoqué et je voterai l'amendement n° 372 rectifié.

Néanmoins, j'ai l'impression gênante que les différents critères ont été figés une fois pour toutes : chaque fois que l'on signale l'oubli de telle catégorie et que l'on propose de réparer ce qu'il faut bien qualifier d'injustice, on nous rétorque systématiquement qu'une éventuelle modification aurait des effets démultiplicateurs. Certes, je peux entendre un tel argument, mais il faudrait tout de même parvenir, au bout du compte, à mettre à plat tous ces éléments. Il arrive un moment où il est nécessaire de remettre certaines pendules à l'heure !

Il est temps que vienne le « Grand soir » où nous pourrons enfin modifier la cartographie des ZUS. Car tout cela est lié ! Malheureusement, ce n'est jamais le bon moment...

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je ne peux qu'approuver les propos de M. Dallier : la fiscalité locale doit être totalement révisée.

Avec Yves Fréville, nous avons consacré une heure et demie à dresser l'inventaire des anomalies qui sont à la source d'inégalités entre les différentes collectivités locales. Je n'ose vous dire quelles aberrations nous avons découvertes !

Le « Grand soir » que vous appelez de vos voeux, mon cher collègue, est en effet hautement souhaitable. Pour mener à bien ce travail, qui devra bien sûr se faire avec sérieux et sérénité, vous avez, en tant que membre de la commission des finances, beaucoup plus de compétences que moi, qui appartiens à la commission des affaires économiques.

M. Jean-Pierre Caffet. Quelle modestie ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 372 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 octies est supprimé.

Article 4 octies
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Articles additionnels avant l'article 5 ou après l'article 11

Article additionnel après l'article 4 octies

Mme la présidente. L'amendement n° 187 rectifié ter, présenté par MM. Masson,  Jarlier,  Adnot,  Alduy,  Barraux,  Baudot,  Beaumont,  Bernardet et  Besse, Mme Bout, MM. Cambon,  Cléach,  Darniche et  Del Picchia, Mme Desmarescaux, MM. P. Dominati,  Dulait,  J.L. Dupont,  Esneu et  Faure, Mmes Garriaud-Maylam et  G. Gautier, MM. Grillot et  Hérisson, Mme Hummel, MM. Huré,  Longuet et  Milon, Mme Payet, MM. Portelli et  Revet, Mme Sittler, MM. Souvet,  Türk,  Vendasi et  Virapoullé, Mme Létard, MM. Dériot et  Balarello, est ainsi libellé :

Après l'article 4 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À compter du 1er janvier 2007, l'article L. 2334-16 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  ... °Les communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants, dont plus de la moitié de la population est située en zone urbaine sensible et qui font partie d'une agglomération de plus de 5 000 habitants. »

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Cet amendement a trait à la péréquation en faveur des communes en difficulté, notamment celles qui sont situées en zone urbaine sensible.

La dotation de solidarité urbaine n'est versée qu'aux communes dont la population est supérieure ou égale à 5 000 habitants. Certaines des communes de moins de 5 000 habitants sont cependant couvertes en grande partie par une ZUS et, à ce titre, elles devraient avoir droit à une DSU majorée.

Les problèmes de cohésion sociale y étant identiques à ceux auxquels sont confrontées les localités voisines ayant plus de 5 000 habitants, il convient de supprimer le seuil conditionnant l'éligibilité à la DSU.

Cette suppression ne concernerait cependant que les communes de moins de 5 000 habitants dont plus de la moitié de la population est située en ZUS.

La loi de programmation pour la cohésion sociale, relayée par la loi de finances pour 2006, a consacré un effort particulier en faveur des communes éligibles à la DSU pour leur permettre de faire face aux difficultés qu'elles rencontrent. Il paraît logique de faire également bénéficier de cet effort les communes de moins de 5 000 habitants dont au moins la moitié de la population est située en zone urbaine sensible.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Du fait de l'absence de simulation sur les effets de cet amendement visant à aider les petites communes confrontées à des problèmes urbains, la commission s'en remettra à l'avis du Gouvernement. Je précise toutefois qu'elle partage la philosophie qui a inspiré cet amendement.

Nos collègues Adeline Gousseau et Bernadette Dupont pourront le confirmer, il y a dans les Yvelines, juste à côté des Mureaux, une commune de moins de 5 000 habitants, Ecquevilly, qui, bien que n'étant pas éligible à la DSU - elle n'y serait d'ailleurs pas davantage éligible avec cet amendement puisque plus de la moitié de sa population n'est pas située en ZUS -, bénéficie pourtant d'un programme ANRU. C'est dire que, pour compter moins de 5 000 habitants, elle n'en doit pas moins faire face à d'importants problèmes ! Croyez-moi, les élus, qui se sont vus « caillasser » en plein conseil municipal par une bande de jeunes - le maire a dû être hospitalisé -, ont bien du mérite !

Ce n'est sans doute pas la seule commune dans cette situation, et il serait souhaitable, madame la ministre, de prévoir des dérogations pour permettre aux petites communes dont les difficultés sont criantes et reconnues par tous mais qui ne remplissent pas les critères, ce qui est vécu comme une immense injustice par leurs populations, de bénéficier de la DSU.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous savons tous qu'il reste des progrès à faire s'agissant des aides qui peuvent être apportées aux communes. Si nous avons été conduits l'année dernière, avec Jean-Louis Borloo, à étudier une réforme de la DSU, c'était parce que nous savions que plusieurs communes commençaient l'exercice dans des situations budgétaires déjà déficitaires : il fallait leur apporter des moyens importants pour les mettre en mesure de faire face à leurs charges socio-urbaines.

Les travaux menés avec le Comité des finances locales, les commissions des finances des deux assemblées et les associations d'élus ont permis des avancées l'année dernière. Je reconnais cependant bien volontiers que la situation de certaines petites communes - la vôtre n'est pas concernée, monsieur le sénateur-maire des Pavillons-sous-Bois - appelle aussi un effort particulier.

Cela fait partie des chantiers sur lesquels il conviendra de revenir, mais cela implique au préalable une concertation, des simulations et un travail qui ne peuvent pas se faire au détour d'un tel texte. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.

M. Pierre Jarlier. J'entends bien vos arguments, madame la ministre, mais les simulations nécessaires devraient pouvoir être réalisées d'ici à l'examen en deuxième lecture du projet de loi par l'Assemblée nationale. Il me semble qu'il y a tout de même là une situation d'inégalité préjudiciable aux petites communes en difficulté : elles devraient bénéficier aussi des efforts très importants accomplis par le Gouvernement pour faire de la DSU une dotation aujourd'hui extrêmement dynamique.

J'espère donc que cet amendement sera voté et qu'à tout le moins une réflexion sera engagée.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Monsieur le rapporteur, c'est cette fois davantage sous ma casquette de rapporteur spécial de la ville et du logement que je vais m'exprimer.

Je comprends la problématique qui est soulevée par M. Jarlier et je partage ses préoccupations, mais il me semble difficile d'adopter son amendement. Le Gouvernement a pris l'engagement de doubler l'enveloppe de la DSU au bénéfice d'un certain nombre de communes, parmi lesquelles celles qui sont le plus en difficulté, qui comptent donc sur une progression de leur DSU la portant à des niveaux jamais atteints jusqu'à présent. Élargir aujourd'hui le nombre de communes éligibles reviendrait, tout au moins à enveloppe constante, à priver celles qui en bénéficient d'ores et déjà de la progression attendue. Quant à augmenter l'enveloppe de la DSU, cela nous ferait tomber sous le coup de l'article 40 de la Constitution. Il me paraît donc impossible de modifier ainsi les règles du jeu.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Monsieur Jarlier, je comprends bien, je le répète, les préoccupations qui sont les vôtres, mais j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une discussion relevant de la loi de finances.

J'ajoute qu'il me paraît difficile de prendre position ce soir, sans qu'aucune simulation ait été effectuée et sans avoir pris l'attache des commissions des finances des assemblées et du Comité des finances locales. Il est tout à fait envisageable que cette question fasse l'objet de discussions ultérieures, mais dans un autre cadre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 187 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE II

DÉVELOPPEMENT DE L'OFFRE DE LOGEMENTS ET ACCÈS AU LOGEMENT

CHAPITRE IER

Favoriser l'accession à la propriété

Article additionnel après l'article 4 octies
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Article 5

Articles additionnels avant l'article 5 ou après l'article 11

Mme la présidente. L'amendement n° 244, présenté par MM. Repentin,  Raoul,  Caffet et  Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et  Dussaut, Mmes Herviaux,  Hurel et  Khiari, MM. Krattinger,  Lejeune,  Pastor,  Piras,  Raoult,  Reiner,  Ries,  Saunier,  Teston,  Trémel,  Lise,  Vézinhet,  Picheral et  Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade,  Gillot,  Miquel,  Guérini,  Lagauche,  Sueur,  Collombat et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 5, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

Après l'article L. 312-14-1 du code de la consommation, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Toute offre préalable et tout contrat de crédit immobilier doit comporter une clause offrant à l'emprunteur la possibilité, sans pénalité et sans devoir souscrire une assurance, de reporter le paiement des mensualités dues ou d'en moduler le montant lors de la survenance d'événements graves affectant, en dehors de sa volonté, ses ressources.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet

M. Jean-Pierre Caffet. Cet amendement, qui a pour objet de protéger les ménages accédant à la propriété, tend à insérer dans le code de la consommation un nouvel article qui prévoit que toute offre préalable et tout contrat de crédit immobilier comportent une clause offrant à l'emprunteur la possibilité, sans pénalité et sans souscription d'une assurance, de reporter le paiement des mensualités dues ou d'en moduler le montant lors de la survenance d'événements graves affectant, bien sûr en dehors de sa volonté, ses ressources.

Un dispositif de cette nature vise à offrir aux personnes qui rencontrent des « accidents de la vie » une souplesse, bien souvent nécessaire en cas de diminution substantielle des revenus, pour le paiement des mensualités.

Il permettrait en effet à tout souscripteur d'un contrat de crédit immobilier d'adapter le paiement de ses échéances à ses possibilités financières et donc d'éviter la résiliation du contrat pour non-paiement et, le capital restant exigible, la vente forcée du bien.

Dans un contexte de précarité, que nous sommes bien obligés de constater, ne serait-ce que compte tenu de l'actualité, et où l'accès au logement est particulièrement difficile, ce dispositif protégerait l'acquéreur en lui évitant de contracter une dette qu'il lui serait difficile d'honorer in fine.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur Caffet, j'ai déjà dit en première lecture que toute activité économique qui présente un risque devait nécessairement s'accompagner de la souscription d'une assurance ou d'une quelconque garantie puisqu'il faudra bien, en cas de difficulté ou d'impossibilité pour l'emprunteur de rembourser, que quelqu'un paye ! Il est donc difficilement concevable d'instaurer le système que vous proposez. J'ajoute que les banques permettent déjà des reports et des modulations, mais cela s'inscrit toujours dans le cadre d'un contrat présentant un équilibre général.

Mes arguments n'ayant pas changé depuis la première lecture, vous comprendrez, mon cher collègue, que j'émette un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'avis du Gouvernement est le même que celui de la commission.

Si, sur le fond, votre volonté de protéger davantage encore les souscripteurs est compréhensible, monsieur le sénateur, ne s'agit-il pas là encore d'une mesure dont le caractère systématique aurait à terme l'effet opposé ? Elle risquerait en effet de rendre les banques plus « frileuses » et donc de limiter l'accès au crédit.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 244.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 21, présenté par Mmes Demessine et  Didier, MM. Billout,  Coquelle,  Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l'article 81 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, il est ajouté un I ainsi rédigé :

« I. - Le droit au logement est opposable. L'État est responsable de sa mise en oeuvre. »

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Cet amendement concerne le droit opposable qui fait, au moins depuis 2002, l'objet de travaux approfondis de la part du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées.

Pour en décrire l'esprit, qui est très simple, je ferai mention d'un article, paru ces jours derniers dans Le Monde, du prêtre Bernard Devert : « Quelle tristesse de constater que, si des villes à fort pouvoir d'achat font venir des travailleurs pour leurs services, elles leur refusent le droit d'y vivre. [...] Rien n'est plus destructeur du lien social que le fait que l'accès au logement relève d'un exploit plutôt que d'un droit, faute d'être formulé et sécurisé. »

C'est donc à propos de ce droit que je voudrais intervenir, en me servant uniquement des documents du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, instance dont, vous le savez, la composition a toujours été marquée par le pluralisme.

Un droit opposable, c'est, premièrement, des voies de recours pour le citoyen : le droit est garanti par des voies de recours auprès d'une autorité politique responsable. Ces voies sont d'abord amiables, puis, en dernier ressort, juridictionnelles.

Deuxièmement, c'est une obligation de résultat pour la puissance publique : le droit au logement n'est plus un simple objectif pour les politiques publiques, il devient une obligation. Celle-ci ne se définit pas par rapport aux moyens employés, qui peuvent être divers, mais par rapport au résultat à obtenir : tout citoyen en difficulté pour accéder ou se maintenir dans le logement bénéficie d'une aide qui lui permet effectivement d'être logé.

Deux droits fondamentaux sont déjà opposables, que nous connaissons bien.

Il s'agit d'abord du droit à la scolarité. Si l'inscription scolaire d'un enfant se heurte à un refus, il existe des voies de recours, y compris devant le tribunal administratif.

Il s'agit ensuite du droit à la protection de la santé : on n'imagine pas un refus de soins de la part d'un hôpital. L'obligation d'assistance à personne en danger est heureusement appliquée, grâce, notamment, au caractère universel, obligatoire et solidaire de l'assurance maladie.

En quoi l'opposabilité du droit au logement est-il légitime ?

Le droit au logement est depuis longtemps proclamé par la France. Il figure dans plusieurs lois, découle de la Constitution et fait l'objet d'engagements internationaux.

S'agissant des lois, je mentionnerai la loi Quilliot, en 1982 - « le droit à l'habitat est un droit fondamental » -, la loi Mermaz, en 1989 - « le droit au logement est un droit fondamental » -, la loi Besson, en 1990 - « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation » -, et la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, en 1998 - « la présente loi tend à garantir sur l'ensemble du territoire l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement... »

Le droit au logement découle aussi des principes qui figurent dans le préambule de la Constitution, et le Conseil constitutionnel précise dans sa décision du 19 janvier 1995 que « la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ».

S'agissant des traités internationaux ratifiés par la France, je citerai le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, plus précisément son article 11, ainsi que l'article 31 de la Charte sociale européenne révisée.

Mais ce droit n'existe réellement que s'il peut être invoqué face à une autorité ou à un juge. Dans le droit anglo-saxon, par exemple, tout droit reconnu par la loi peut faire l'objet d'un recours devant un tribunal.

L'opposabilité du droit au logement est la contrepartie indispensable des restrictions imposées par la collectivité à la liberté de construire et d'habiter.

Qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités locales, la puissance publique fixe des règles : urbanisme, normes de construction et d'habitabilité, hygiène, prescriptions architecturales, protection de l'environnement, fiscalité, etc. Dans la mesure où elles restreignent la possibilité de produire du logement et affectent les prix de revient, elles ne sont acceptables que si elles sont accompagnées des mesures permettant à tous d'accéder au logement de qualité selon les exigences qu'elles définissent.

À défaut, on court le risque, en voulant que les citoyens occupent des logements confortables, de ne plus permettre aux plus pauvres de trouver un habitat décent; en voulant assurer la qualité du cadre de vie, de n'autoriser la construction de logements qu'en nombre inférieur à celui des ménages, en voulant soigner l'image de la ville, de susciter des surcoûts architecturaux incompatibles avec les revenus des plus modestes, en voulant promouvoir la mixité sociale dans des quartiers en difficulté, de ne plus permettre aux pauvres de s'y loger avant que leur ait été offerte la possibilité de le faire ailleurs.

Pourquoi le droit au logement opposable est-il nécessaire ?

Premièrement, parce que le droit au logement est aujourd'hui en panne. Bien que le nombre de mal-logés et de sans-abri soit très mal mesuré, les statistiques de l'INSEE témoignent d'un nombre constamment proche de trois millions de personnes.

Sur le terrain, les élus, comme les intervenants sociaux, constatent que le nombre de personnes se heurtant à des difficultés aiguës a augmenté au cours des dernières années : dispositif d'hébergement saturé malgré la croissance de ses capacités, allongement des listes d'attente de logements sociaux, développement du recours à l'hébergement par des tiers, au logement insalubre ou surpeuplé, etc.

Deuxièmement, parce que le droit au logement se heurte à des processus structurels qui ne peuvent pas être combattus dans l'actuel cadre des outils du logement des défavorisés. L'exclusion du logement renvoie aujourd'hui à des processus structurels lourds : le développement de la pauvreté urbaine, le fonctionnement des marchés de l'immobilier, la ségrégation spatiale.

Or le cadre d'intervention des plans départementaux pour le logement des personnes défavorisées porte sur des outils marginaux tels que le FSL, le fonds de solidarité pour le logement, ou le logement très social, nécessaires mais de portée limitée. C'est sur l'ensemble des politiques qui touchent à l'habitat qu'il convient d'agir.

Troisièmement, parce que les protectionnismes locaux qui se développent à l'encontre du logement social ne peuvent être combattus que par un droit contraignant. Ces protectionnismes ne sont pas uniquement le fait de certains élus qui ignorent les obligations légales relatives aux 20 % de logements sociaux. Ils résultent de la conjonction de comportements individuels - on assiste au développement d'une tendance à l'« entre-soi », qui conduit une partie de nos concitoyens à des attitudes de frilosité ou de rejet à l'égard du logement social - et d'une organisation de la puissance publique qui laisse le droit au logement en concurrence avec d'autres objectifs de l'action publique.

Quatrièmement, parce qu'il y a défaillance structurelle de la responsabilité publique dans la mise en oeuvre du droit au logement. La responsabilité est éclatée entre l'État et les différentes collectivités territoriales : départements, communes, intercommunalités et même régions - celles-ci n'ont pas cette responsabilité, mais certaines s'y investissent. Il en résulte une irresponsabilité de fait vis-à-vis du citoyen.

J'y reviens, le droit au logement n'est actuellement défini dans la loi que comme un objectif de l'action publique. Parce qu'il est un droit fondamental, parce qu'il est la condition d'une vie digne et souvent un préalable pour accéder à d'autres droits tels que la santé, le travail ou la citoyenneté, le droit au logement ne doit plus être un objectif : il doit devenir une obligation.

C'est pourquoi le Haut comité du logement des personnes défavorisées demande qu'il fasse l'objet d'une obligation de résultat, que seule l'opposabilité, c'est-à-dire l'ouverture au citoyen de voies de recours juridictionnelles, pourra rendre effective.

On constate que cela existe ailleurs. J'ai évoqué tout à l'heure l'Angleterre. Je prendrai également l'exemple de l'Écosse, où une délégation de membres du Haut comité s'est rendue au mois de mai 2005 et qui a décidé la généralisation de ce droit opposable d'ici à la fin de 2012. Cette démarche s'appuie sur un engagement fort de l'État, qui finance le logement social et les aides à la personne tout en confiant aux autorités locales la responsabilité de la mise en oeuvre du droit sur leur territoire.

Actuellement, les trente-deux collectivités locales écossaises sont en train de développer leur propre plan. D'ores et déjà, les populations prioritaires sont assurées d'obtenir un logement durable. D'ici à 2012, le développement programmé de l'offre et des outils d'accompagnement social aura permis de supprimer la notion de catégorie prioritaire, rendant le droit effectivement opposable pour toute personne éprouvant des difficultés à se loger.

En France, où en sommes-nous ? (Manifestations d'impatience sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jack Ralite. Je crois que le sujet est tout de même suffisamment important pour qu'on y consacre un peu de temps.

M. Jack Ralite. Depuis qu'elle a été énoncée par le Haut comité en 2002, l'idée du droit opposable a fait son chemin. À l'Assemblée nationale, l'abbé Pierre avait d'ailleurs été applaudi, mais totalement contredit par la suite. Ici, il n'est pas venu, mais je me fais le porte-parole du Haut comité, et un porte-parole fidèle, qui participe à ses travaux, lesquels ont abouti, je le rappelle, à des décisions unanimes. Et je rappelle aussi que le président de ce Haut comité a été ministre UMP.

L'idée du droit opposable rencontre maintenant une large adhésion au sein de la société civile. L'attestent la mobilisation du secteur associatif et son approbation à la quasi-unanimité par le Conseil économique et social en janvier 2004. L'idée suscite encore des réticences parmi les élus. Cela dit, lors des débats parlementaires sur le logement, des amendements visant à introduire ce droit opposable ont été soutenus par des élus de gauche et de droite.

Le Gouvernement lui-même a admis la légitimité du droit opposable en tant que perspective, s'y référant explicitement dans l'exposé des motifs du texte que nous discutons.

Cependant, le Haut comité estime que la perspective restera hors de portée si elle n'est pas inscrite dans une stratégie irréversible. Faire du développement de la production de logements sociaux une condition préalable pour s'engager dans la voie de l'opposabilité reviendrait à ignorer les processus qui freinent cette production, augmentent les besoins et produisent l'exclusion du logement.

L'opposabilité juridique est un moteur dont les politiques du logement ont besoin pour être en mesure d'assurer le droit au logement. C'est pourquoi le Haut comité propose que l'opposabilité du droit au logement soit inscrite sans attendre dans un calendrier, accompagnée d'une définition des responsabilités et des outils de mise en oeuvre.

Nous proposons de construire le droit opposable en six ans, temps minimal nécessaire pour mener des politiques permettant de répondre aux besoins, mais aussi temps insupportable pour les personnes qui vivent dans les conditions les plus indignes, en particulier quand leur sécurité et leur santé sont en cause. C'est pourquoi il importe que des réponses leur soient apportées sans attendre cette échéance.

Le calendrier proposé par le Haut Comité comporte trois phases :... (Rires et protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Caffet. Cela vous fait rire ?

Mme la présidente. Concluez, monsieur Ralite !

M. Jack Ralite. ...l'élaboration de la stratégie sur le plan national, l'élaboration de la stratégie sur le plan local, sa mise en oeuvre.

L'élaboration d'une stratégie nationale suppose une décision de principe du Gouvernement, immédiatement suivie de l'ouverture d'une concertation nationale. Le Haut comité a listé les principales questions soumises à cette concertation et je les tiens à votre disposition.

Sur chacune de ces questions, le Haut comité formule des propositions de mesures à mettre en oeuvre. Il préconise que soit conduite, parallèlement à la concertation nationale, une concertation spécifique à l'Île-de-France.

Dès le début de ce processus, il conviendra de mettre en oeuvre des mesures d'urgence qui, dans un premier temps impliqueront fortement l'État, mais auront vocation à être reprises ensuite par les autorités locales. (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP. - Mme la ministre déléguée et M. le rapporteur protestent également.)

Vous ne me ferez pas taire parce que je parle de la liberté de gens au milieu de qui je vis depuis cinquante-six ans !

Le Haut comité propose que l'obligation de résultat se construise progressivement, en commençant par les situations les plus critiques. La toute première étape respectera l'obligation d'offrir un hébergement d'urgence à toute personne en danger. Les étapes suivantes porteraient sur l'obligation d'un logement décent et indépendant en s'appliquant progressivement à des catégories élargies de personnes.

En conclusion, je le répète, le droit au logement est en panne. Il le restera tant que l'on n'aura pas installé un bouclier efficace face aux processus d'exclusion. L'opposabilité juridique est ce bouclier et il importe de le mettre en place au plus vite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. L'amendement n° 474, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le gouvernement rendra compte de son état d'avancement au Parlement, et présentera un projet de loi visant à rendre le droit au logement opposable au plus tard le 1er janvier 2009.

L'amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 21 ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Cher collègue Jack Ralite, je crois que tous ceux qui s'occupent du logement partagent votre analyse et considèrent qu'il est en effet difficilement supportable de constater, dans un pays développé comme le nôtre, des situations aussi indignes quant au logement. Le problème est de savoir comment nous pouvons y remédier.

Bien sûr, il ne sert à rien de revenir sur les responsabilités : nous avons tous, où que nous situions sur l'échiquier politique, y compris donc à gauche, une lourde responsabilité dans la situation que nous connaissons actuellement parce qu'on n'a pas construit suffisamment de logements quand il aurait fallu le faire.

Rendre le droit au logement opposable, ce serait possible, mais à condition de faire comme en Écosse, c'est-à-dire en prévoyant une date pour sa mise en oeuvre effective et se donnant auparavant tous les moyens de garantir son applicabilité à la date ainsi fixée.

En France, compte tenu de l'actuelle pénurie de logements, il serait irréaliste de rendre aujourd'hui le droit au logement opposable. Nous savons bien que, de toute façon, nous ne disposons pas à présent de suffisamment de logements pour satisfaire tous nos concitoyens. C'est d'ailleurs tout le mérite du gouvernement actuel d'avoir présenté ce texte par lequel est pris l'engagement d'un effort historique, inédit jusqu'à maintenant et qui est, en tout cas, de l'avis unanime, extrêmement ambitieux.

En tant que président du groupe « décentralisation » du Conseil national de l'habitat, je me suis entretenu récemment de cette question avec les représentants de l'association Droit au logement : eux-mêmes reconnaissaient qu'il est impossible de rendre directement le droit au logement opposable. Mieux vaut parler de « droit au logement effectif », pour essayer d'avancer le plus rapidement possible vers un nombre de logements permettant de répondre aux besoins de la quasi-totalité de nos concitoyens en la matière.

Jamais n'a été proposée une loi de programmation de construction de logements comme celle qui vous est soumise, et hommage doit être rendu au Gouvernement pour la détermination qu'il manifeste ainsi.

Voilà pourquoi, monsieur Ralite, je souhaiterais que vous acceptiez de retirer cet amendement.

Vous-même savez bien qu'il est impossible de rendre le droit au logement opposable du jour au lendemain. Lorsque auront été construits des logements en nombre suffisants pour héberger tous nos concitoyens - et cette condition préalable doit être remplie le plus rapidement possible -, alors, oui, nous pourrons rendre le droit au logement opposable, ce qui permettra d'ailleurs de stimuler la construction de nouveaux logements pour les générations futures.

Nous sommes tous aussi conscients que vous des difficultés que vous évoquez : nous aussi rencontrons des gens qui ne trouvent pas un toit, nous aussi savons que c'est la base de tout, pour mener une vie normale, stable, avoir un emploi, etc. Simplement, il faut d'abord, tous ensemble, nous donner les moyens d'avancer pour atteindre cet objectif.

Je serais désolé de devoir émettre un avis défavorable sur cet amendement et je préférerais donc que vous le retiriez.

Mme Hélène Luc. Après ce que vous avez dit en commençant, j'ai cru que vous alliez accepter l'amendement !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Évidemment, chacun ici partage le constat qui a été dressé.

Je tiens d'abord à saluer l'important travail accompli par le Haut comité présidé par Xavier Emmanuelli.

Je veux également souligner que l'article 9 du présent projet de loi traduit l'ambition de renforcer la participation du secteur du logement social à l'exercice d'un droit au logement effectif, dans la perspective d'un droit au logement opposable qui appellera l'implication d'un ensemble plus large d'acteurs.

Une proclamation de l'opposabilité du droit au logement serait aujourd'hui prématurée et irréaliste.

Il faut d'abord que nous réalisions le plan de cohésion sociale, que nous rattrapions les retards dans la construction locative sociale, que nous rééquilibrions globalement l'offre et la demande de logement dans le pays.

C'est la raison pour laquelle, monsieur Ralite, je me joins à M. le rapporteur pour vous demander de retirer cet amendement, à défaut de quoi mon avis serait défavorable.

Mme Hélène Luc. C'est dommage !

M. le président. Monsieur Ralite, maintenez-vous cet amendement ?

M. Jack Ralite. J'ai bien entendu les arguments qui viennent de m'être opposés, mais je maintiens mon amendement.

Quand, à la fin du XIXe siècle, la bourgeoisie française a décidé, parce que c'était l'intérêt national, d'instituer l'école laïque gratuite et obligatoire, pour tous les enfants, vous imaginez le travail qu'il a fallu accomplir !

M. Dominique Braye, rapporteur. Il a fallu construire des écoles !

M. Jack Ralite. Pourtant, elle a tout de suite instauré le droit opposable.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais, à l'époque, le Sénat était contre !

M. Jack Ralite. Cette décision a créé une force inouïe dans le sens de l'épanouissement de la liberté. Elle a entraîné un déferlement de crédits qui ont permis de construire des écoles et, finalement, d'édifier l'École.

À la Libération, il en est allé de même pour la santé.

L'opposabilité est donc inséparable de l'exercice réel d'un droit.

Lorsque la Révolution française a proclamé la liberté, chacun savait bien qu'elle ne serait pas réalisée du jour au lendemain ! Mais, au moins, elle était affirmée comme perspective.

C'est quand le recours juridictionnel devient possible qu'un droit revêt une existence concrète.

Depuis 2002, nous sillonnons les départements, et nous avons recueilli des centaines de témoignages. Les gens adhèrent à l'idée d'un droit au logement opposable, pas avec exubérance, mais parce que c'est leur vie qui est en cause.

Il ne suffit pas de dire : « Je suis d'accord, mais on verra plus tard. » Si l'on est d'accord, c'est tout de suite qu'il faut voir !

Si le droit au travail n'existait pas, les problèmes seraient encore bien pires qu'ils ne le sont ! Pour le droit au logement, c'est exactement la même chose.

La contrainte est ici une composante de la liberté. Un gouvernement digne de ce nom doit l'accepter.

Madame la présidente, nous maintenons donc notre amendement et demandons qu'il soit mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Caffet. Nous voterons cet amendement, malgré ses imperfections, car nous en partageons profondément la philosophie. Et peu importe le délai ! Le groupe socialiste a, lui aussi, déposé des amendements en ce sens, avec l'année 2012 pour date butoir.

Il nous semble que la deuxième lecture de ce texte, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée nationale, doit permettre au Parlement de montrer la voie en affirmant que ce progrès considérable serait un atout supplémentaire pour notre peuple. Le droit au logement opposable s'inscrirait ainsi dans la continuité d'un certain nombre d'acquis que les Français ont obtenus au cours des siècles.

J'ai perçu des murmures, j'ai vu des sourires, j'ai même entendu des rires sur certaines travées. Sachez, mes chers collègues, qu'un certain nombre de pays appliquent déjà ce principe ; d'autres cherchent à le mettre en oeuvre, à en définir les modalités. Nous devons, nous aussi, avancer !

Bien sûr, on nous rétorque que ce n'est pas possible aujourd'hui. Soit ! Mais alors, fixons au moins une perspective pour nos concitoyens, faisons dès maintenant en sorte que cette opposabilité soit inscrite à terme dans notre législation. Je le répète, peu importe l'échéance : 2010, 2012, 2015 ou même 2020 ! Ce soir, posons une nouvelle pierre dans l'édifice démocratique de la République française, de manière à progresser vraiment dans l'établissement d'un authentique droit au logement pour nos concitoyens.

Au demeurant, si j'ai bien compris les propos de M. le rapporteur et de Mme la ministre, je crois pouvoir dire que cette conviction-là est partagée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Caffet. Dans ces conditions, on ne peut pas simplement nous demander de nous en remettre à l'article 9, de croire en l'action du Gouvernement ou de penser que le problème se réglera de lui-même. Il ne peut pas se régler de lui-même tant que nous n'aurons pas inscrit un véritable principe dans les textes de notre République et que nous n'en aurons pas défini les modalités afin de pouvoir le mettre en oeuvre.

Mme Hélène Luc. Très bien !

M. Jean-Pierre Caffet. Jack Ralite vient de faire allusion à la Révolution française. Les révolutionnaires de 1789 disaient : le bonheur est une idée neuve en Europe. Aujourd'hui, avec Jack Ralite, je dis que le droit opposable au logement est probablement une idée neuve dans la République française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je fais miens les arguments que vient de formuler Jean-Pierre Caffet, mais je dois dire que j'ai été particulièrement convaincu par le parallèle que Jack Ralite a proposé de faire avec l'institution de l'instruction gratuite et obligatoire.

Lorsque les républicains ont proposé d'inscrire dans la loi le fait qu'il y aurait une école publique dans chaque commune de la République, beaucoup, sur les bancs des assemblées, ont considéré que cette idée était totalement irréaliste et qu'il ne fallait pas la faire figurer dans la loi. Ils disaient déjà : « Ne vous en faites pas, ça viendra peu à peu, nous ferons en sorte d'atteindre ce but, vous pouvez compter sur nous. » Or c'est parce que cette mesure a été inscrite dans les textes que l'histoire a changé !

Je pense souvent à Victor Hugo, qui était assis à la place qu'occupe aujourd'hui Mme Luc. Quand il a défendu l'idée qu'il fallait accorder le droit de vote aux femmes - je ne sais pas s'il l'a fait au Sénat -, cela a suscité l'incrédulité générale.

Il y a peu, nous avons été très contents d'accueillir au Sénat toutes les femmes maires de France. Pourtant, il faut le rappeler, pendant plusieurs décennies, le Sénat s'est opposé au droit de vote des femmes. C'est la raison pour laquelle l'entrée en vigueur de cette mesure a été retardée. N'est-ce pas, madame la présidente ?

Mme la présidente. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. S'agissant de l'opposabilité du droit au logement, on peut bien entendu discuter des modalités de sa mise en oeuvre, et tout le monde mesure les efforts qu'il reste à accomplir à cet égard. Mais, pour notre part, nous souscrirons à ce que propose M. Ralite : inscrire d'ores et déjà ce droit dans la loi.

Il est en effet impossible de dire aux êtres humains qui habitent ce pays - ou qui n'y « habitent » malheureusement pas ! - qu'ils n'ont pas droit à un toit. C'est un point sur lequel tout le monde est d'accord.

Inscrire ce principe dans la loi, ce serait plus qu'un signe : c'est un impératif catégorique pour l'ensemble de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. L'argumentation qu'a développée Jack Ralite est non seulement frappée au coin du bon sens, mais elle est aussi l'expression d'un homme qui vit depuis plusieurs décennies dans ces quartiers. Il a bien fait de le rappeler, car on parle souvent de la banlieue avec compassion, mais rarement avec considération. Ce que propose Jack Ralite, c'est aussi la reconnaissance des populations qui vivent dans ces quartiers, dans ces 751 ZUS de France.

Au-delà des rappels historiques nécessaires, il faut aussi redire qu'il existe une crise du logement en France. Aujourd'hui, on ne sait plus vraiment qui est responsable ni auprès de qui se tourner en cas de carence sur le terrain.

M. Thierry Repentin. Peu à peu, l'État s'est désengagé. Nous avons voté des lois mettant en avant le partenariat pour résoudre d'innombrables problèmes. Mais si l'on examine l'évolution de la part de l'État dans le financement de chaque logement créé, on ne peut que constater que celle-ci diminue d'année en année.

Or, dans nos permanences, les gens viennent nous voir essentiellement soit parce qu'ils ont un problème d'emploi soit parce qu'ils sont à la recherche d'un logement.

M. Dominique Braye, rapporteur. Que n'avez-vous agi quand vous étiez aux affaires !

M. Thierry Repentin. Malheureusement, ils ne sont pas constitués en lobbies, ils ne sont pas suffisamment organisés pour représenter une force politique. Du coup, vous ne les écoutez pas !

La vie publique est devenue un rapport de force entre l'État et la population. Nous, nous proposons que cette population puisse disposer du levier juridique qui lui fait défaut. En affirmant que le droit au logement est opposable à l'État, on replace de facto ce dernier au coeur du système.

Cette perspective, qui n'est pas complètement invraisemblable puisqu'elle est à échéance de six ans, nous laisse la possibilité de bâtir ensemble - et avec des majorités successives - ce nouveau droit, qui est aujourd'hui essentiel.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous avons là un débat de fond. Bien sûr, nous pouvons tous espérer à terme parvenir à instaurer un droit au logement opposable.

Le fait que chacun ait pu exprimer son opinion sur le sujet, c'est l'essence même des débats qui nous rassemblent. Pour autant, il faut aussi, de temps en temps, regarder la réalité.

Monsieur Repentin, permettez-moi de vous dire que l'engagement politique a aussi besoin de résultats. Vous le savez bien, en matière d'engagement pour le logement, le Gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir a montré la volonté qui est la sienne. Avec le plan de cohésion sociale, c'est la première fois que nous avons une loi de programmation pour le logement.

Vous connaissez l'état du logement : les chiffres ont été plusieurs fois cités depuis le début du débat. Ce texte montre encore la volonté du Gouvernement d'avancer, notamment dans le domaine foncier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis du fait que nous ayons tous l'intention de faire avancer le dossier du logement. Regardez ce qui se fait et, surtout, ce qui permettra demain à nos concitoyens d'être concrètement mieux logés. Ainsi, vous verrez qui sont ceux qui se contentent de déclarations d'intention et ceux qui prennent des engagements et se donnent les moyens de les tenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 175 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 120
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Hélène Luc. C'est bien dommage !