PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. Monsieur le Médiateur de la République, je vous remercie du rapport que vous nous avez présenté et des analyses que vous avez formulées, auxquelles nous avons tous été sensibles. La réunion organisée par le président de la commission des lois permettra à l'ensemble des sénateurs de vous poser des questions.
Huissiers, veuillez reconduire M. le Médiateur de la République.
(M. le Médiateur quitte l'hémicycle.)
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DÉPÔT DE RAPPORTS du gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- le 33e rapport sur l'évolution démographique de la France, en application de l'article L. 2214-3 du code de la santé publique ;
- le rapport faisant état de la situation sociale des enfants d'anciens supplétifs de l'armée française et assimilés et de leurs besoins en termes de formation, d'emploi et de logement, conformément à l'article 11 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils seront transmis à la commission des affaires sociales.
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Engagement national pour le logement
Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marc Juilhard.
M. Jean-Marc Juilhard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Nous n'héritons pas la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants ». Certains d'entre vous trouveront peut-être curieux d'associer cette formule d'Antoine de Saint-Exupéry au projet de loi portant engagement national pour le logement, qui nous est soumis aujourd'hui en deuxième lecture. Pour autant, celle-ci résume de façon saisissante la responsabilité qui pèse sur chacun d'entre nous de promouvoir un développement durable.
Le développement durable, c'est la satisfaction des besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Réunis à Versailles, voilà un an, nous nous y sommes engagés en inscrivant dans notre loi fondamentale que les politiques publiques devaient « promouvoir un développement durable ».
Le présent projet de loi offre l'opportunité d'avancer dans la réalisation de cet objectif, qui, je le rappelle, n'est pas seulement environnemental. Il est aussi social, des dizaines de milliers d'emplois étant en jeu. Il est également économique, au regard de l'allègement de la facture énergétique attendu tant pour les collectivités que pour les différents abonnés, les entreprises et les particuliers, notamment les locataires de logements sociaux. Il est enfin géostratégique, car la question de l'indépendance énergétique et de la sécurité d'approvisionnement est désormais posée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons adresser aux acteurs locaux des signes forts et leur rappeler que ce sont eux qui construisent aujourd'hui la politique énergétique de demain.
Il nous faudra toutefois élaborer un plan d'action plus global : Claude Belot et moi-même nous y employons, en conduisant actuellement, dans le cadre de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire, une réflexion sur le thème « énergies renouvelables et collectivités locales ». Notre rapport sera rendu public à la fin du mois de juin prochain. Après des dizaines d'heures d'auditions et de multiples déplacements sur le terrain, il nous est apparu que la France et l'Europe avaient pris un retard manifeste dans le développement de la chaleur d'origine renouvelable.
La chaleur paraît être la grande absente des débats sur les politiques énergétiques. Or la chaleur est le secteur le plus exposé à la conjoncture mondiale, le plus « énergivore », puisqu'il s'agit du premier poste énergétique en France, avec 40 % de la consommation, et le plus polluant. De plus, nous l'oublions trop souvent, la production d'électricité dans notre pays ne représente que 20 % de nos besoins énergétiques.
Pour ces raisons, nous aurions tort de nous focaliser sur la seule électricité. La directive européenne de 2001, qui a fixé à notre pays l'objectif de produire 21 % d'électricité d'origine renouvelable, contre 15 % aujourd'hui, nous conduit sur la pente dangereuse de l'« électrocentrisme » et nous écarte du débat sur la chaleur qui, je le répète, a été ô combien occulté ces dernières années.
Comme mon collègue Claude Belot, pionnier des réseaux de chaleur dans son département de la Charente-Maritime et dans sa commune de Jonzac, je ressens toutefois un véritable frémissement propre à favoriser le décollage des énergies renouvelables.
En premier lieu, l'accord de Kyoto assigne à notre pays un objectif de stabilisation de ses émissions polluantes en 2010 par rapport à leur niveau de 1990. Dans ce cadre, un plan national d'allocation des quotas de CO2 vient d'être mis en place.
En deuxième lieu, comme je l'ai dit, notre loi fondamentale comporte désormais une référence à la charte de l'environnement, laquelle proclame avec force que « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation » et que les « politiques publiques doivent promouvoir un développement durable ».
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons tous combien le chef de l'État est sensible à ces questions. À ses yeux, l'une de nos priorités industrielles, c'est l'énergie. Il l'a d'ailleurs rappelé en janvier dernier, lors de ses voeux aux forces vives de la nation : « Le climat et l'après pétrole sont les défis du siècle qui s'ouvrent. Nous devrons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, c'est inéluctable. Nous devrons apprendre à nous passer progressivement de pétrole.
« Dans ce domaine, la France a l'ambition d'être une référence mondiale, car avec ses entreprises, avec ses infrastructures, avec ses recherches, elle dispose d'atouts majeurs. »
Autrement dit, montrons-nous dignes de l'emprunt planétaire que nous avons souscrit auprès de nos enfants et petits-enfants.
En troisième lieu, je rappelle que la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, adoptée le 13 juillet 2005, comporte comme objectifs l'augmentation de 50 % de la chaleur d'origine renouvelable et la production de 10 % des besoins énergétiques français à partir de sources d'énergies renouvelables.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique du logement, comme toutes les politiques publiques, doit intégrer la dimension « énergies renouvelables ». C'est non seulement indispensable pour la préservation de la planète et le respect de nos engagements internationaux, mais c'est aussi vital pour notre pays, et ce pour de nombreuses raisons.
Premièrement, sur le plan géostratégique, le développement des énergies renouvelables permettrait de mieux garantir notre indépendance énergétique et notre sécurité d'approvisionnement, lesquelles sont inscrites parmi les priorités de la politique énergétique française. La France et l'Europe, malgré une amélioration globale de leur intensité énergétique au cours des années passées, devraient voir leur demande énergétique continuer à progresser et leur production propre diminuer, en termes relatifs, de sorte que notre dépendance énergétique extérieure devrait augmenter de façon importante dans les prochaines années.
La commission européenne l'a rappelé, si rien n'est fait, notre dépendance énergétique passera de 50 % aujourd'hui à 70 % en 2030. Il est donc urgent d'agir. D'après les spécialistes, si les besoins de chaleur étaient couverts pour l'essentiel par de la chaleur renouvelable, nous pourrions avoir, au contraire, une indépendance énergétique de 70 % !
Deuxièmement, sur le plan social, les énergies propres pourraient créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans les années à venir, jusqu'à 150 000 à l'horizon 2030-2050. En effet, parce qu'elles impliquent de développer certaines filières encore embryonnaires dans notre pays, les énergies renouvelables ont un « contenu emploi » plus fort que les autres énergies. Ainsi un chauffage collectif au bois crée-t-il trois fois plus d'emplois en France qu'une installation équivalente utilisant de l'énergie fossile importée.
Il s'agit d'être créatif et d'exploiter au mieux les ressources locales, en somme de mobiliser « l'intelligence territoriale ». Cela permettrait notamment d'alléger les factures de chauffage des logements sociaux. À l'heure où nous redoutons tous des délocalisations, nous pourrions aujourd'hui « relocaliser » la production énergétique.
Troisièmement, sur le plan économique, avec la flambée des énergies fossiles, toutes les énergies renouvelables sont entrées en phase de compétitivité. Les élus locaux qui investissent aujourd'hui peuvent espérer des temps de retour sur investissement très intéressants. Monsieur le ministre, mes chers collègues, soyez-en convaincus, le potentiel est immense et la marge de progression considérable.
Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos : la géothermie et le bois-énergie.
En matière de géothermie, les potentialités, notamment en Île-de-France, en Aquitaine, et même dans ma région, l'Auvergne, sont totalement sous-exploitées. Or la technologie est aujourd'hui parfaitement maîtrisée, le risque géologique connu et la rentabilité économique garantie.
S'agissant du bois, et contrairement à certaines idées répandues, la forêt française regorge de potentialités. Plus grande forêt d'Europe, avec 14 millions d'hectares, elle occupe actuellement 26 % du territoire.
Selon les estimations actuelles, entre le tiers et la moitié de l'accroissement annuel de la biomasse agricole et forestière n'est pas valorisé. En effet, la forêt française produit une biomasse de 90 millions de mètres cubes de bois par an, alors que la récolte annuelle oscille seulement entre 47 millions et 60 millions de mètres cubes.
Les pays germaniques et scandinaves l'ont bien compris, le bois n'est en rien l'énergie du passé. Avec les techniques actuelles, qui offrent des rendements énergétiques de plus de 85 %, le chauffage au bois et à la biomasse est incontestablement une solution d'avenir. Les agriculteurs et forestiers d'aujourd'hui pourraient donc devenir les énergéticiens de demain !
Cependant, la résistance au changement et la perte de compétence énergétique à l'échelon local, observées depuis les lois de nationalisation de 1946, font malheureusement parfois obstacle à la prise de décision. Il convient donc d'aider les élus qui le souhaitent à développer ces énergies renouvelables sur leur territoire.
Dans cette optique, au cours de l'examen des articles, nous défendrons trois amendements ayant pour objet de favoriser le développement des réseaux de chaleur et de doter l'élu local d'un nouvel outil d'urbanisme et d'aménagement du territoire propre à lui permettre de recourir, chaque fois que c'est possible, aux énergies propres.
Naturellement, lorsque ces réseaux de chaleur sont alimentés par des énergies renouvelables, qu'il s'agisse du bois, de la biomasse, de déchets ou de la géothermie, leur « bilan carbone » est encore meilleur. Il est à noter, par exemple, que la combustion du bois dégage 90 % de gaz carbonique de moins que l'utilisation du pétrole ou du gaz.
Mes chers collègues, saisissons l'occasion qui nous est offerte de donner aux élus locaux les moyens nécessaires pour devenir les relais indispensables pour construire notre politique énergétique. Faisons des maires les nouveaux « hussards verts » de la République !
Notre avenir social, géopolitique et environnemental en dépend. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà de nouveau réunis pour aborder la deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement.
Certes, ce titre ambitieux est bienvenu au regard des questions qu'il nous revient de traiter. Mais force est de constater que, avant l'apport des nombreux amendements déposés au cours des différents débats, le texte initial, lui, se révélait en deçà des attentes. Au-delà même de la teneur de son titre, sans nos apports successifs, nous pouvions légitimement craindre plus un effet d'annonce qu'une véritable révolution.
Néanmoins, je le dis sans esprit partisan, à l'exception de quelques avancées qui permettront de mobiliser certains biens fonciers de l'État, il reste beaucoup de progrès à accomplir, la situation présente étant extrêmement préoccupante.
Je ne doute pas que M. Borloo partage, au même titre que la plupart de ses prédécesseurs, de vraies ambitions pour le logement en France. Encore faut-il qu'il veille à ne pas détruire ce qui fonctionne et à ne pas oublier les avancées passées.
Je regrette également au passage que le présent projet de loi oublie ou s'éloigne des principaux objectifs et même de l'esprit de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. En effet, celle-ci visait notamment à assurer un meilleur équilibre des territoires, à encourager la mixité et à développer les parcours résidentiels.
Exit l'article 55 de la loi SRU et le quota de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants ! Le Président de la République lui-même ne semblait pas favorable à l'amendement tendant à intégrer dans ce quota de 20 % les logements vendus et construits dans le cadre d'opérations d'accession sociale.
Si, sur le plan philosophique, je ne suis pas un inconditionnel de la mise en oeuvre des quotas, les municipalités qui n'avaient pas pris la mesure de leurs besoins en la matière ou n'avaient pas engagé d'efforts pour atteindre cet objectif se réjouiront de ce recul. Celles qui avaient compris, sans dogmatisme, que le logement social était un élément stratégique essentiel au bon fonctionnement des parcours résidentiels apprécieront !
J'en reviens au texte de loi, dont l'élaboration a déjà suivi un long cheminement : près de trois ans de travail avec trois ministères successifs. Il subira encore, ici même, une avalanche d'amendements, dont l'un, qui concerne l'avenir des sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI, a suscité de nombreuses inquiétudes et de multiples réactions.
L'amendement n° 277, qui a été depuis rectifié, a été perçu comme un coup d'arrêt au développement de ces sociétés nées au début du siècle dernier, en 1908 précisément. C'est sur ce point que portera l'essentiel de mon intervention, le temps de parole accordé à chaque orateur étant limité.
Près d'un siècle plus tard, il serait bien dommage de constater, alors même que les situations critiques en matière de logement sont toujours aussi prégnantes dans nos sociétés, que notre assemblée cautionne la dislocation de ce qui, sur l'initiative de quelques philanthropes, et surtout du sénateur radical du Pas-de-Calais, Alexandre Ribot, est devenu, au fil du temps, plus qu'une institution, une véritable entreprise globale agissant dans le cadre de l'intérêt collectif et des problématiques de logement des plus modestes.
À l'heure même où l'on souhaite et où l'on organise la décentralisation des politiques du logement, où les EPCI signent avec l'État les conventions de délégation des aides à la pierre, peut-on se priver d'un allié de poids, de partenaires locaux bien ancrés dans les centres urbains comme en milieu rural, et qui, de surcroît, sont de formidables relais pour les pouvoirs et les collectivités locales ?
Par ailleurs, comme le rappelait notre collègue et ami Michel Delebarre, président de l'Union sociale pour l'habitat, si « le principe d'une adaptation législative nécessaire des sociétés anonymes de crédit immobilier, voire d'une réforme, peut être accepté, et même souhaité par la chambre syndicale des sociétés du Crédit immobilier de France, comme par l'Union sociale pour l'habitat, la logique de l'adaptation ne peut pas remettre en cause l'ancrage des crédits immobiliers dans le mouvement HLM ».
Cette organisation est le fruit d'une histoire, de multiples adaptations. Elle est aujourd'hui reconnue par les collectivités locales comme un modèle performant. Voudrait-on la sacrifier pour agglomérer cet ensemble de sociétés dans un groupe d'un autre niveau, centralisé ? Faut-il des monstres industriels pour répondre à des problématiques sur mesure ? Non, je ne crois pas que céder à la mode des géants, des multinationales puisse permettre aux crédits immobiliers de faire mieux. Bien au contraire, nous prendrions le risque de stériliser un ensemble de synergies positives.
Aussi, je me suis personnellement réjoui, au terme des débats, de l'évolution de l'engagement du Gouvernement qui a adopté des positions traduisant une modification sensible de son avis initial.
Il faut savoir que les sociétés anonymes de crédit immobilier ne sont pas de simples prêteurs immobiliers ou d'ordinaires promoteurs. Depuis cinq ans, chaque SACI développe, en région, ses missions sociales et les intègre progressivement, de manière systématique, dans les politiques locales de l'habitat.
Près de cent conventions partenariales signées à ce jour sur l'ensemble du territoire entre les SACI et les collectivités locales, qu'il s'agisse des régions, des conseils généraux, des communautés urbaines, des villes ou des communes, témoignent d'actions concrètes, utiles et reconnues. Ces actions couvrent des champs tels que l'accession très sociale, l'accession en zone rurale, la revitalisation de l'habitat à destination de propriétaires très modestes, la participation aux actions de renouvellement urbain, l'adaptation des logements aux personnes dépendantes en raison du vieillissement de la population ou d'un handicap, la sédentarisation des migrants, la lutte contre les logements insalubres.
En 2005, 50 millions d'euros ont été localement consacrés par les SACI aux missions sociales permettant de financer près de 250 millions d'euros d'opérations au bénéfice de plusieurs milliers de ménages très modestes.
Par ailleurs, alors que le Gouvernement a choisi de relever le plafond des ressources des ménages donnant droit au prêt à taux zéro jusqu'à 7 000 euros, le montant même de ce prêt se révèle aujourd'hui très insuffisant. Un rapport récent de l'association départementale d'information sur le logement, l'ADIL, de l'Hérault note cette évolution et met en exergue la quotité décroissante du prêt à taux zéro dans le montant des opérations d'accession. Ce dernier ne représente désormais plus que 11 % du coût de l'opération, contre 16 % en 1999.
Le boom de l'immobilier, la croissance du prix du foncier expliquent sans doute ce net recul. Sur la même période, le rapport indique que le nombre d'opérations d'accession sociale financées à l'aide d'un prêt à taux zéro a été divisé par deux. Les conséquences sont simples : les personnes les plus modestes sont exclues de l'accession sociale.
Or ce sont justement les sociétés de crédit immobilier qui viennent au secours des accédants les plus modestes et qui, en retenant des critères plus sélectifs, doublent le montant du prêt à taux zéro pour les ménages dont les revenus n'excédent pas deux fois le montant du SMIC.
Enfin, il faut souligner que ces sociétés sont les premières à mettre en oeuvre et à organiser une véritable mixité sociale. Sur le terrain, les propositions qu'elles formulent aux élus locaux sont toujours animées par l'objectif de travailler au profit de l'intérêt collectif. Elles jouent aussi un rôle de conseil, d'accompagnement. Elles sont des acteurs responsables et luttent, chaque fois que possible, contre toute dérive inflationniste et spéculative.
Par expérience et par culture, les sociétés anonymes de crédit immobilier jouent un rôle essentiel et mènent un combat antispéculatif en sensibilisant et en accompagnant les élus de terrain ; elles proposent des aménagements mixtes réalisés sans surenchère foncière.
En conclusion, je souhaite indiquer que les sociétés anonymes de crédit immobilier, par le biais de leur chambre syndicale, ont ainsi confirmé au Gouvernement leur engagement à participer de façon récurrente et encore plus active aux grands chantiers que constitue l'engagement national pour le logement. Elles attendent la concrétisation législative de leur évolution statutaire, la mise en adéquation de leur objet social avec la réalité de leurs missions sociales et le maintien de leur ancrage dans le logement social. Cette évolution ne peut se faire sans la préservation de leurs filiales concurrentielles qui constituent la source actuelle et future de financement de leurs actions.
Je note, à titre d'exemple, que les SACI se sont engagées à venir en aide à l'État en 2006 en consacrant 50 millions d'euros, dans le cadre de leurs missions sociales, à des opérations réalisées en liaison avec L'ANAH. En France, quel autre organisme privé de taille équivalente offre un tel appui, un tel support à nos politiques de logement ?
Finalement, les échanges à propos des sociétés anonymes de crédit immobilier auront sans doute permis de combler un déficit de notoriété, déficit paradoxal tant le travail avec les pouvoirs publics locaux est significatif.
Au cours de nos débats, nous aurons pu mettre en exergue des actions d'intérêt collectif menées, de longue date, par les SACI. Nous aurons pu mesurer la qualité de leur gestion. Il est assez rare que l'on relève ici les situations d'organismes qui ont su gérer leur développement sans faire appel à l'aide de l'État, donc au contribuable. Je ne rappellerai pas les divers secours apportés en son temps au Crédit Foncier.
Il est en conséquence de notre devoir d'apporter une réponse concrète aux attentes des SACI et à leurs propositions pour ne pas enrayer des processus de production au coeur de nos régions, ce qui leur permettra de poursuivre honorablement des ambitions sociales définies à l'origine voilà près d'un siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen en deuxième lecture de ce projet de loi important, je voudrais revenir sur la politique conduite par le Gouvernement en matière de logement. Malgré les apparences, elle reste insuffisante.
Monsieur le ministre, vous vous flattez d'avoir mis en chantier 400 000 logements en 2005. Cela reste largement en deçà des besoins des Français et je vais vous en expliquer la raison.
Tout d'abord, je veux souligner que, contrairement à ce que vous affirmez, cet effort n'est en aucun cas sans précédent. Au contraire, il marque un recul historique. Selon la Fondation Abbé Pierre, l'effort de la collectivité publique en faveur du logement est au plus bas depuis vingt-cinq ans. En 2000, il avait atteint pour la première fois 2 % du PIB. Force est de constater que, depuis 2002, on est repassé en dessous de ce seuil symbolique et que ce chiffre n'a pas cessé de baisser. Aujourd'hui, l'effort de la collectivité publique est retombé au niveau de 1980.
Le volume actuel des constructions est insuffisant. Il permet, certes, de faire face à la demande nouvelle des ménages qui progresse chaque année. En revanche, il ne rendra pas possible la résorption du déficit, estimé à 900 000 logements, accumulé depuis des années.
Cette insuffisance de constructions est encore plus criante en matière de logement social. Alors qu'en France les demandeurs de logements sociaux sont au nombre de 1,2 million, le rythme de constructions dans ce secteur a chuté de 25 % entre 2000 et 2005. Alors que, jusqu'en 2002, l'on construisait en moyenne deux tiers de logements sociaux, cet équilibre a été rompu. Dans le même temps, les constructions de logements à destination des ménages qui peuvent se loger sans aide publique ont été plus que doublées. Il y a là une véritable injustice.
En premier lieu, tous les indicateurs montrent une fragilisation et un appauvrissement des demandeurs de logements sociaux. En effet, 70 % d'entre eux ont des ressources qui correspondent aux plafonds des PLAI et des PLUS, qui sont les plus bas. Pourtant, ce sont les logements les moins sociaux qui constituent votre priorité, monsieur le ministre. Le rythme de construction des logements PLS devrait en effet quadrupler d'ici à 2009, aux termes du plan de cohésion sociale. Parallèlement, le nombre de logements très sociaux n'aura même pas doublé en dix ans. Et les maires qui ne souhaitent pas accueillir les populations les moins favorisées ou les plus fragiles pourront continuer de le faire en toute impunité.
En deuxième lieu, l'application de l'article 55 de la loi SRU ne donne pas lieu au rééquilibrage attendu entre les communes. L'objectif de rattrapage triennal est, certes, globalement atteint. Mais ce sont les villes qui étaient déjà proches de l'objectif de 20 % de logements sociaux qui poursuivent leur effort de construction. Les communes qui, dès le départ, avaient très peu de logements sociaux n'en ont construit qu'un faible nombre. Elles sont apparemment exonérées d'atteindre le seuil des 20 %.
Ainsi, la fracture territoriale ne fait que se renforcer un peu plus au détriment de l'objectif de mixité sociale.
En troisième lieu, les aides publiques ne profitent pas aux plus nécessiteux, loin s'en faut. C'est le cas du fameux « amortissement Robien ». Avec ce dispositif, la collectivité publique peut dépenser autant pour la construction d'un logement locatif privé que pour celle d'un logement social. C'est un paradoxe choquant quand on sait que les loyers pratiqués sont très proches des cours du marché.
De surcroît, la hausse des prix du foncier qu'entraîne ce dispositif pénalise la construction de logements sociaux. Quant à la progression des loyers qu'il suscite, il est pour le moins surprenant qu'elle soit cautionnée par des aides publiques. Malheureusement, la création d'un nouvel amortissement, dit « Borloo populaire », ne renversera pas cette tendance.
À l'autre bout de la chaîne se trouvent les aides personnelles dont bénéficient les locataires aux revenus les plus faibles. Celles-ci constituent le parent pauvre de la politique du logement. Elles n'ont été revalorisées qu'une fois en deux ans et demi. Pourtant, la situation des locataires ne fait que se dégrader.
L'année dernière, les dépenses courantes de logement ont progressé de 6 %, soit trois fois plus qu'en 2002. Quant aux loyers, leur augmentation est nettement plus forte que celle des revenus des ménages. Ces six dernières années, ils ont progressé de 30 % tandis que les revenus n'augmentaient que de 26 %. En outre, ces hausses de loyers ont plus fortement touché les personnes habitant dans le parc social.
Enfin, il suffit de prendre un exemple pour se rendre compte de l'importance que peut avoir l'aide au logement pour les personnes les moins favorisées. Un ménage avec deux enfants qui touche 1,5 fois le SMIC consacre près de la moitié de son budget à ses dépenses de logement si ce dernier se situe dans le parc privé. Pourtant, le Gouvernement refuse de prendre en compte cette réalité. Ce sont 6 millions de personnes qui dépendent de ces aides. Et les diverses mesures restrictives qui ont été adoptées ont abouti à l'exclusion de 200 000 personnes de ces allocations si importantes.
Les locataires les plus modestes sont ainsi les victimes de l'austérité budgétaire. En revanche, les accédants à la propriété, qui pourtant ne sont pas les plus en difficulté, voient relever les plafonds de ressources du prêt à taux zéro et de nouveaux outils de défiscalisation leur sont proposés.
Certains seraient en droit de penser que le Gouvernement est plus généreux avec les propriétaires qu'avec les locataires les moins riches.
Vous donnez la priorité à l'accession à la propriété alors que les ménages en difficulté éprouvent la plus grande peine à se loger et à payer leur loyer. À ceux qui peinent à être locataires, vous dites : « devenez propriétaires ». Vous le savez, nombre de demandeurs de logement ont des ressources largement inférieures aux plafonds retenus pour les logements les plus sociaux et ne vivent qu'à l'aide des minima sociaux. Il leur est donc impossible d'accéder à la propriété.
La question du logement est trop grave pour recourir à des solutions un peu faciles. Après le chômage, le logement constitue en effet la plus grande source d'inquiétude des Français dans leur vie quotidienne, ce qui est bien naturel, puisque sans logement on ne peut pas vivre décemment. C'est en ce sens que nous abordons la discussion de ce texte, et c'est dans cet esprit que nous demandons une application plus rigoureuse de l'article 55 de la loi SRU, qui impose la solidarité entre les communes.
Le Sénat a fait preuve d'ouverture en adoptant, lors de la première lecture, certaines propositions formulées par les membres du groupe socialiste, notamment en matière foncière. Je souhaite que cette ouverture se poursuive au cours de la deuxième lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi portant engagement national pour le logement.
Cette seconde lecture sera certainement marquée, comme le fut la première, par le débat sur la modification de l'article 55 de la loi SRU, au risque, d'ailleurs, que ce point ne masque, pour l'opinion publique, les autres dispositions de ce texte, qui en comporte de très nombreuses.
Vous me permettrez cependant d'aggraver, en quelque sorte, la situation, puisque c'est bien de cette problématique de l'article 55 que je souhaite parler.
M. Jean Desessard. Encore !
M. Philippe Dallier. En première lecture, j'avais tenté, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans y parvenir, de vous convaincre que nous ne pouvions pas en rester là.
Exemples à l'appui, je pensais vous avoir démontré que, compte tenu de la rédaction actuelle dudit article, les dispositions qu'il comporte sont inéquitables : en effet, elles conduisent à pénaliser financièrement des communes sans tenir compte de leur situation, pas plus en termes de disponibilité foncière, ce qui est bien le fond de notre problème, puisqu'il s'agit de construire des logements, qu'en termes de capacité budgétaire, ce qui n'en est pas moins grave lorsqu'il s'agit d'imposer des dépenses nouvelles pour favoriser la construction, sans parler de celles qui sont liées à l'accueil de nouveaux habitants.
Avec cet article 55, nous avons l'un des rares exemples de dispositions conduisant à traiter financièrement les communes de la même manière, quelle que soit leur taille, quel que soit leur potentiel fiscal, s'il est en dessous de la moyenne nationale, quelle que soit la richesse des habitants de ces communes, quelle que soit leur capacité d'autofinancement.
Il s'agit peut-être là d'un cas unique, puisque le seul critère pris en compte est le pourcentage de logements sociaux existants dans chaque commune par rapport au nombre total de logements, à l'exclusion de tout autre critère.
Ainsi, pour le même nombre de logements sociaux manquants, la pénalité imposée à une commune de 20 000 habitants dont le potentiel fiscal est inférieur de 20 % à la moyenne nationale est la même que celle qui est imposée à une commune de 200 000 habitants dont le potentiel est dans la moyenne nationale. Est-ce cela la définition de la justice ?
Il est pourtant évident que la somme représentée par le prélèvement prévu par la loi au titre de l'article 55 ne pèsera pas de la même manière sur le budget d'une commune pauvre de 20 000 habitants que sur celui d'une commune riche de 200 000 habitants. C'est pourtant ce qui est prévu dans la loi !
Nous avons là un cas d'imposition forfaitaire qui est par nature injuste. Qui oserait, à gauche ou à droite, proposer d'imposer sur le revenu pour un même montant un Français qui gagne le SMIC et un cadre moyen ? Personne, j'imagine ! Pourtant, c'est ce à quoi ce dispositif conduit.
Comble du comble, certains parlementaires proposent toujours de multiplier le prélèvement obligatoire ou les pénalités par cinq et même par dix, ce qui, pour certaines communes, reviendrait à leur ôter 15 % ou 30 % du produit de leur taxe d'habitation.
Le seul moyen d'échapper à ce prélèvement est d'effectuer une dépense équivalente pour favoriser la construction de logements sociaux.
Est-il besoin de rappeler que toutes les villes n'ont pas la capacité financière de la ville de Paris, pour reprendre le malencontreux exemple que nos collègues avaient choisi, lors de la première lecture, pour démontrer que leur proposition ne posait aucune difficulté ? Cela n'a aucun sens, je me permets de le dire une nouvelle fois, parce que Paris n'est comparable qu'à Paris, monsieur Madec, vous le savez bien ! (M. Roger Madec proteste.)
Car quelle collectivité locale, sauf Paris, peut-être - et encore, je n'en suis pas sûr - serait capable, du jour au lendemain, de dégager l'équivalent de 15 % ou de 30 % de ses ressources de fonctionnement pour l'affecter à une autre destination sans en faire supporter les conséquences à la population par une augmentation des impôts locaux ou par une diminution drastiques des services rendus ?
Est-ce cela que vous souhaitez en déposant de tels amendements ? Je ne parviens toujours pas à le croire, mais c'est pourtant ce que vous proposez ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Voilà pourquoi j'espère que le débat en première lecture aura au moins permis que chacun ici soit bien conscient des effets pervers des dispositions actuelles de la loi. J'avais en effet cru discerner alors chez certains de l'étonnement lorsque j'affirmais ces choses, qui sont pourtant tout à fait exactes et que je vous invite à vérifier.
Si j'ai beaucoup parlé de ma commune lors de la première lecture, c'était pour démontrer, exemples à l'appui, que ce que j'affirme sur le caractère inéquitable de ces dispositions est bien une réalité, et pas le propos de tribune d'un maire qui voudrait utiliser de mauvaises raisons pour masquer sa volonté de ne rien faire.
À toutes fins utiles, je rappelle, pour mémoire, qu'en dix ans plus de trois cents logements sociaux y ont été construits et que nous venons de bénéficier d'un quitus de la part du préfet pour avoir, dans la dernière période triennale, réalisé 120 % de l'objectif qui nous était assigné.
Je rappelle également, car c'est un comble, qu'au début de l'année dernière le préfet m'a adressé un courrier m'informant que ma commune serait soumise au prélèvement à taux plein en 2005, parce que, dans la même période triennale, nous n'avions pas assez dépensé pour réaliser les 120 % de l'objectif assigné.
Donc, d'un côté, on nous félicitait d'avoir réalisé 120 % de l'objectif assigné et, de l'autre, on nous annonçait que nous allions devoir payer la totalité du prélèvement au motif que nous n'avions pas assez dépensé. C'est totalement absurde, mais c'est pourtant ce à quoi aboutit aujourd'hui l'article 55 de la loi SRU.
Voilà qui devrait suffire à démontrer et ma bonne foi d'élu et l'absurdité de ce dispositif et qui devrait vous convaincre, mes chers collègues, de ne pas en rester là en deuxième lecture.
Pour autant, si nous avons atteint nos objectifs et si nous parvenons à faire de même s'agissant de la période triennale en cours, il est presque certain que ce sera impossible ensuite, faute de terrains disponibles.
Que se passera-t-il alors ? Eh bien, nous serons condamnés à payer ad vitam æternam des pénalités que nous n'avons pas les moyens d'acquitter ! Est-ce juste ?
À tous ceux qui réclament ici que nous ne changions rien à la loi, considérant, au nom de la mixité sociale et de la crise du logement, qu'il faut maintenir des dispositions aussi inéquitables, je demande simplement de venir faire un tour en Seine-Saint-Denis, afin de constater que la mixité sociale y est déjà plus qu'une réalité.
Alors, pourquoi vouloir à tout prix pénaliser des communes comme la mienne, si ce n'est par pure idéologie ?
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. Exact !
M. Philippe Dallier. Le rôle du législateur est pourtant bien d'essayer, autant que faire se peut, de prendre en compte la diversité des situations.
En première lecture, certains ont opposé à cette demande, qui me semblait pourtant tout à fait légitime, le fait que la loi doit être la même pour tous et que l'on ne peut pas légiférer commune par commune. Mes chers collègues, est-il besoin de rappeler que tout notre droit est rempli de catégories, de tranches, de critères divers et variés permettant justement de faire preuve de discernement, le plus souvent, d'ailleurs, au bénéfice de celles et ceux qui sont le plus en difficulté ? L'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu ou la DSU en sont les plus beaux exemples.
Ces catégories, ces tranches, ces critères ont bien pour objet de prendre en compte la diversité des situations des entreprises, des particuliers ou des collectivités. Alors pourquoi, sur un sujet comme le logement social, faudrait-il que toutes les communes soient traitées à la même enseigne, petites ou grandes, pauvres ou riches ?
Que l'abbé Pierre, pour lequel nous avons tous le plus grand respect, rappelle les principes pour lesquels il s'est toujours battu, je le comprends parfaitement et je l'approuve. Qu'il soit utilisé pour tenter d'empêcher toute modification de la loi, alors qu'elle est injuste, sans même qu'il soit possible de débattre des problèmes qu'elle pose, est plus que regrettable.
Monsieur le ministre, au cours de ce débat, il faut que nous puissions trouver un accord sur trois points essentiels, afin de rendre plus équitables et plus efficaces les dispositions de l'article 55.
Le premier, et le plus important à mes yeux, est la prise en compte de la situation réelle des communes en termes de disponibilité foncière, car le fond du problème est bien là : comment distinguer, parmi les communes qui ne réalisent pas les objectifs que la loi leur fixe en matière de construction de logements sociaux, celles qui ne peuvent pas le faire et celles qui ne veulent pas le faire ? Seule une appréciation de la situation, réalisée de manière contradictoire, sur des critères précis, peut permettre d'y parvenir.
Comme il s'y était engagé en première lecture, ce dont je le remercie sincèrement, M. le rapporteur fera des propositions en ce sens, propositions auxquelles je souscris pleinement.
Il ne s'agit nullement de permettre à certains de « se défiler ». Mais il importe de distinguer entre ceux qui ne veulent pas faire et ceux qui ne peuvent pas faire. (M. le rapporteur fait un signe d'assentiment.) Une fois cette possibilité acquise, il sera alors d'autant plus justifié et incontestable d'accroître les pénalités pour ceux qui refusent le minimum de solidarité.
Le deuxième point sur lequel nous devons trouver un accord, monsieur le ministre, c'est la prise en compte de la capacité contributive des communes soumises au prélèvement. Pour ce faire, il suffit simplement d'utiliser le potentiel financier de la commune et non plus le potentiel fiscal moyen de toutes les communes pour le calcul de ce prélèvement. Cela me semble la moindre des choses en matière d'équité.
Il faut également que nous puissions élargir la liste des dépenses déductibles engagées par les communes pour la réalisation des logements sociaux, de même que nous devons pouvoir étendre la déductibilité dans le temps, au-delà des deux années prévues aujourd'hui, ce qui est trop peu compte tenu du renchérissement du coût du foncier.
Enfin, monsieur le ministre, le dernier point sur lequel je souhaite insister concerne les moyens financiers supplémentaires dont les villes ont besoin lorsqu'elles accueillent des populations nouvelles du fait de la construction de logements.
Si, à la suite de la première lecture au Sénat, ce dont je me réjouis, le texte prévoit maintenant la compensation aux communes, dès la première année, de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour ce qui est des logements sociaux, sauf les PLS, il faut aussi que le calcul de la DGF intègre le plus vite possible cette population nouvelle.
Je sais que des modifications par décret sont en préparation sur la règle actuelle des 15 % minimum pour valider un recensement complémentaire ; il faudrait également qu'à l'occasion du nouveau recensement mis en place par l'INSEE les règles du jeu soient précisées.
Mes chers collègues, je suis certain que le débat qui s'ouvre sera aussi passionné qu'en première lecture, parce que le sujet le mérite. Je forme cependant le voeu qu'il soit serein - mais après avoir entendu certains de mes collègues au cours de la séance des questions d'actualité au Gouvernement, je crains que tel ne soit pas tout à fait le cas - et que nous puissions, comme aimait à le dire le général de Gaulle, faire de la politique en tenant compte des réalités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc à nouveau réunis pour étudier en deuxième lecture ce projet de loi portant engagement national pour le logement. Il n'était déjà pas à la hauteur quand il a été débattu ici en novembre, mais, après le débat à l'Assemblée nationale, il est pire.
Je ne reconnais à ce texte qu'un seul mérite : il vient après vingt ans d'inaction en matière de logement. Mais cela ne suffit pas à répondre aux attentes de la population en matière de logement social, comme le souligne le rapport de la Fondation Abbé Pierre, qui dénonce « un engagement insuffisant pour répondre aux besoins en logement ».
Dans cette loi sont privilégiés les propriétaires de logements. C'est la politique de la droite classique, qui baisse l'aide personnalisée au logement et accorde des prêts à taux zéro à des ménages qui gagnent plus de 7 000 euros par mois.
D'ailleurs, ce projet de loi portant engagement national pour le logement s'intitulait à l'origine « Propriété pour tous ».
Vous adressez-vous, monsieur le ministre, aux personnes qui n'ont pas les moyens de devenir propriétaires, à celles qui alternent contrats précaires et périodes de chômage, qui ne se voient proposer que des stages, des postes en intérim, des CDD, des CNE, et bientôt des CPE ? Mais non, car vous allez retirer le CPE.
M. Christian Cambon. Non !
M. Philippe Dallier. Espérez !
M. Jean Desessard. Je ne vois pas comment vous pourriez faire autrement ! Je rappelle que, lors de mon intervention sur le CPE, j'avais dit que, si tel n'était pas le cas, cela vaudrait préavis de licenciement. Je pense que vous allez devenir raisonnable et que vous allez le retirer, mais il s'agit d'un autre débat !
Ces personnes en CDD ou en CNE n'ont pas accès à l'emprunt. La France connaît une crise du logement, certes, mais, plus précisément, une crise du logement locatif, et encore plus précisément une crise du logement social accessible. Il faut donc faire de vrais logements sociaux, pas seulement des logements pour les classes moyennes, comme les PLS, qu'il faudrait enlever de la classification « logement social ».
Je vous rappelle que l'article L. 411 du code de la construction et de l'habitation dispose que les logements locatifs sociaux visent à améliorer les conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées.
Par ailleurs, il est indiqué dans le rapport de la Fondation Abbé Pierre que la relance de la production se fait essentiellement au bénéfice des logements sociaux aux loyers les plus élevés, donc les moins sociaux.
Lors du dernier budget, 300 millions d'euros sont partis en avantages fiscaux pour le dispositif « Robien », sans condition de plafond de ressources, et 515 millions d'euros ont été affectés au nouveau prêt à taux zéro. Seulement 60 millions d'euros ont été alloués aux PLAI, dont le nombre stagne à moins de 8 000 par an, et ce alors qu'il y a de plus en plus de ménages à bas revenus : 21,3 % en 2002 contre 11,8 % en 1988.
Aujourd'hui, on démolit les logements des classes populaires, au nom de la mixité sociale. Cela revient à déloger les pauvres des quartiers populaires, comme si les problèmes sociaux étaient dus au fait que les pauvres vivent entre eux. Au lieu de lutter en vain contre la concentration de la pauvreté, la vraie politique consisterait à lutter contre la pauvreté elle-même.
La mixité sociale consiste à construire des logements sociaux dans toutes les villes. La preuve de l'hypocrisie, ou de l'ambiguïté, de l'UMP à ce propos, c'est le démantèlement à l'Assemblée nationale de l'article 55 de la loi SRU : malgré les beaux discours incantatoires de Jacques Chirac, les députés ont fait feu de tout bois pour en atténuer la portée.
En ce moment, à Poissy, à Argenteuil, à La Duchère, on démolit. Ces démolitions ne visent qu'à cacher la misère, car la règle du « un pour un » - un logement social construit pour un détruit - n'est pas respectée, comme le reconnaît d'ailleurs l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Et le programme quinquennal de l'ANRU, validé en août dernier, aggrave le déficit social puisque, pour 60 000 démolitions, il ne prévoit que 57 000 constructions nouvelles !
« L'haussmanisation » de Paris, à la fin du XIXe siècle, avait chassé les pauvres du centre-ville. Les classes populaires frondeuses avaient répondu à leur façon.
Savez-vous comment on avait appelé la Commune de Paris, en 1871 ? « La révolte des exilés ». Ce nom faisait référence à la rancoeur, à la rage de ces ouvriers chassés du centre de Paris, obligés de se réfugier dans les collines de Belleville, et qui s'en étaient pris, en l'espace de quelques mois, à la propriété des « bourgeois ».
Les émeutes de novembre 2005 ont été l'oeuvre de ces nouveaux exilés, ceux qui sont relégués toujours plus loin à la périphérie des villes. Avec cette politique, vous voulez les rejeter encore plus loin, et on ne se souviendra d'eux qu'à l'occasion de leurs explosions de colère.
Certes, toute destruction n'est pas à bannir, mais elle doit intervenir seulement quand les habitants du quartier y sont associés et l'approuvent.
Aux riches, vous garantissez des centres-villes hors de prix, débarrassés des « sauvageons ». Aux classes moyennes supérieures, vous promettez la petite couronne, le foncier pris sur les pauvres. Aux classes moyennes inférieures, vous faites miroiter d'illusoires maisons à 100 000 euros en grande périphérie, en leur mentant sur les charges et les traites, ainsi que sur les coûts sociaux et environnementaux de ce mitage organisé.
Mme Catherine Procaccia. On dirait le Moyen Âge !
M. Jean Desessard. Aux pauvres, enfin, vous ne promettez que la destruction des lieux de vie et l'oubli, loin de la ville et des centres urbains. Que l'on ne voie plus ces minorités trop visibles !
Le résultat, c'est la relégation mais aussi le mitage, la périurbanisation, l'étalement urbain. Celui-ci a consommé 390 kilomètres carrés d'espaces naturels et agricoles de 1982 à 2003, ce qui représente quatre fois la superficie de Paris, avec tous les coûts écologiques qui en découlent.
Hélas ! rien n'est prévu dans ce projet de loi concernant les logements écologiques. C'est pourquoi j'ai déposé des amendements tendant à favoriser le développement des logements qui économisent l'énergie. Je les avais retirés en première lecture, à la demande de M. Borloo qui s'y était déclaré favorable sur le principe, mais qui souhaitait les étudier plus avant. Je crois, monsieur Perben, que vous aviez fait la même réponse à Mme Martine Billard, à l'Assemblée nationale. J'espère donc que nous pourrons avancer ensemble sur ce sujet.
Je propose, par exemple, de conditionner les aides publiques au respect de normes environnementales exigeantes, avec le label « haute performance énergétique », ou d'encourager fiscalement les logements sociaux économes en énergie. En effet, c'est au moment où l'on construit des logements qu'il faut songer aux conséquences sur l'effet de serre et au respect du protocole de Kyoto. D'ailleurs, le coût des charges pour les locataires en serait fortement diminué. Il s'agit donc d'une mesure à la fois sociale et écologique.
Seule une écologie sociale serait à même de résoudre en même temps la crise du logement et la crise écologique. Au vu de ce projet de loi, ce n'est pas la voie qui a été choisie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je vous salue aujourd'hui pour la seconde fois, puisque j'ai eu le grand plaisir de vous accueillir ce matin au Havre à l'occasion d'un événement important : l'inauguration du projet Port 2000, qui peut constituer, comme vous l'avez souligné, un outil extraordinaire pour le développement de la Seine-Maritime, mais aussi de l'ensemble de l'activité portuaire de la France. Encore une fois, je vous remercie de votre venue dans notre département.
M. Jean Desessard. Il manque le chemin de fer !
M. Charles Revet. C'est un autre problème ! (M. Jean Desessard s'exclame.) En tant que rapporteur du budget de la SNCF, je reconnais qu'il nous a préoccupés. Des efforts devront effectivement être accomplis afin que cet outil fonctionne dans les meilleures conditions. Mais ce n'est pas l'objet de mon propos.
Monsieur le ministre, depuis que je siège dans cette assemblée, soit un peu plus de dix ans, nous avons examiné tant de textes ayant trait à l'urbanisme et au logement que je ne saurais en dire le nombre.
Chaque fois, de nouvelles dispositions ont été adoptées, dont l'objectif était de favoriser le développement de la construction de nouveaux logements, en particulier de logements sociaux. J'ai bien noté, et la presse l'a relaté ces jours derniers, que le nombre de permis de construire avait beaucoup augmenté en 2005. C'est un résultat positif de l'action du Gouvernement et nous ne pouvons que vous en féliciter, monsieur le ministre, ce que je fais bien volontiers.
M. Borloo a rappelé cet après-midi, lors des questions d'actualité au Gouvernement, que la programmation en matière de logements sociaux avait été doublée, ce qui est, là encore, extrêmement positif.
J'ai cependant le sentiment, et ce sera ma première remarque, que, souvent, lorsque nous légiférons, nous « remettons une couche » de complexité, si vous me passez cette expression. Or nous avons besoin de simplicité, tant la gestion des dossiers, que ce soit pour les collectivités, les organismes ou les particuliers, devient lourde. En effet, la règlementation est de plus en plus pointilleuse, alors que nous avons au contraire besoin de souplesse. Et je crains, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que ce projet de loi n'aille également dans ce sens.
Avec plusieurs collègues, nous avons donc déposé quelques amendements tendant à prévoir des dispositions concrètes pour alléger et simplifier les procédures, et je souhaite, monsieur le ministre, que vous les examiniez avec beaucoup d'attention afin que nous puissions répondre enfin à cette attente forte de nos concitoyens.
Leur demande est simple : ils souhaitent que, au travers des projets d'urbanisation et d'aménagement du territoire que nous développons, nous leur permettions d'accéder à un cadre de vie agréable et de qualité. Est-ce une requête exagérée ? Non ! À mon sens, elle est légitime et nous nous devons d'y répondre.
Il a fallu, à la sortie de la guerre, construire vite et en grande quantité. Il a été décidé, à cette époque, de réaliser ce programme en concentrant les logements en banlieue des villes et en adoptant un type de construction verticale, ce qui était sans aucun doute une réponse adaptée à l'urgence de la situation. La majorité des bénéficiaires de ces logements y ont d'ailleurs trouvé un confort dont ils ne disposaient pas auparavant.
Aujourd'hui, cela ne répond plus à l'attente de nos concitoyens. En témoigne - et je le dis en tant qu'ancien président d'OPAC, pendant une quinzaine d'année - le nombre de logements vacants dans certains quartiers des grandes villes, notamment à Rouen et au Havre, alors que les listes d'attente de la plupart des organismes d'HLM sont toujours aussi longues.
L'évolution des structures familiales, le nombre de séparations de couples que nous constatons, et qui posent d'ailleurs bien des problèmes sous d'autres aspects, contribuent probablement à cette augmentation de la demande de logements. En effet, aujourd'hui, il y a de plus en plus de mères seules avec leurs enfants et de ménages séparés.
Au-delà de la nécessité de restructurer certains quartiers de villes, il nous faut développer davantage la construction de nouveaux logements tant locatifs qu'en location-accession ou en accession à la propriété.
Mais un point fait manifestement blocage : la disponibilité du foncier, qui renchérit d'une manière extrêmement importante le coût de réalisation des opérations de construction. De nombreuses familles qui pouvaient accéder à la propriété voilà une dizaine d'années ne le peuvent plus aujourd'hui, alors même que le Gouvernement fait, avec raison, de cette accession une priorité.
De la même façon, les opérations de construction de logement locatif social sont de plus en plus difficiles à réaliser. Pour y parvenir, les organismes font appel dans des proportions toujours plus importantes au financement des collectivités, pratique qui a bien sûr des limites.
Je l'ai déjà dit et je le répéterai lors de l'examen des amendements : j'avoue, monsieur le ministre, ne pas comprendre la raison de cette situation. En effet, la France est de tous les pays européens celui qui possède la plus grande surface foncière. Certes, l'agriculture a son rôle à jouer. Mais si l'on prend en compte les surfaces en jachère, voire en friche, ou même les emprises que l'on retrouve quelquefois en délaissés lors de la construction de routes, on se dit que le fait de loger des familles et de leur permettre d'accéder à un cadre de vie de qualité est tout aussi important.
Il nous faut donc adopter des dispositions plus souples en matière d'urbanisme, ce qui peut se faire très rapidement. Ainsi, des communes ayant justifié de cette nécessité disposent-elles de nouveaux documents d'urbanisme. Cette modification ne nécessite pas, me semble-t-il, de grandes emprises et il n'y a pas lieu de procéder à une révision complète.
Monsieur le ministre, je vais vous raconter une anecdote.
La semaine dernière, dans ma circonscription, une personne qui voulait réaliser une opération de construction m'a demandé comment procéder. Comme je lui répondais qu'il devait faire une révision simplifiée, mesure que nous avons votée, mon interlocuteur me dit que c'était impossible.
J'ai donc téléphoné au responsable de l'équipement de mon secteur et je lui ai demandé pour quelle raison la révision simplifiée était impossible. Il me confirma qu'elle avait été réalisable jusqu'à la fin du mois de décembre 2005, mais qu'elle ne l'était plus aujourd'hui.
Je lui objectai alors que le Parlement venait d'adopter des dispositions confortant la révision simplifiée. Une demi-heure après, s'étant renseigné, ce responsable me répondit que je n'avais pas tort, mais que la révision ne serait réalisable que dans quelques mois seulement, lorsque les décrets d'application seraient parus. Nous devons donc, monsieur le ministre, rester vigilants.
Monsieur le rapporteur, j'ai appris que ces dispositions avaient été reprises, pour des raisons d'efficacité, dans le projet de loi de programme sur la recherche, mais qu'une date limite avait été à nouveau prévue. Or, lorsque le dispositif sera opérationnel, je suis convaincu que cette date sera dépassée.
Compte tenu des lourdeurs constatées, nous devons donc rester attentifs et je suggère que nous profitions de l'examen de ce texte pour proroger quelque peu le délai. En effet, si les dispositions que nous adoptons sont valables durant quelques mois seulement, il sera dépassé alors que la mise en place des opérations ne sera pas achevée.
Il s'agit là, monsieur le ministre, d'un problème très concret : au moment où je vous parle, la révision simplifiée n'est plus opérationnelle, ce qui est tout de même surprenant.
La véritable difficulté aujourd'hui, et ce sera ma conclusion, réside dans la disponibilité du foncier.
La France est le pays du monde le plus visité. Or, les étrangers qui séjournent chez nous ne viennent pas pour voir le Val-Fourré, ...
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est beau, le Val-Fourré !
M. Charles Revet. ... les Sapins, à Rouen, ou tel quartier du Havre !
Ils viennent pour voir la France dans son ensemble : les beaux monuments dans nos grandes villes, certes, mais aussi les petites chapelles et les constructions anciennes dans nos campagnes. Or ceux qui ont eu alors la responsabilité d'aménager ces dernières n'avaient pas à établir des documents aussi contraignants qu'aujourd'hui. Certes, il n'est pas question de revenir à cette époque, mais faisons confiance à nos collègues maires et aux autres élus locaux, car ils sont les mieux placés, pour prendre les décisions en matière d'urbanisme, de constructibilité des terrains et d'accueil des populations.
J'ai le sentiment profond que, si nous allons dans ce sens, la construction peut être un atout économique formidable en même temps qu'un élément de paix sociale puisqu'un cadre de vie agréable y contribue largement. Osons donc avancer et faire en sorte que les familles qui souhaitent accéder à la propriété ou trouver un logement ne restent pas, comme c'est encore souvent le cas aujourd'hui, trop longtemps sur des listes d'attente. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre à chacun des intervenants, je veux souligner le fait que le travail parlementaire accompli au cours de la première lecture a déjà été extrêmement important, puisque le nombre d'articles du projet de loi est passé de onze à quatre-vingt-seize.
Cette augmentation démontre que le débat a été particulièrement riche et qu'il a permis de nourrir substantiellement le texte, ce qui constitue d'ailleurs peut-être une forme de réponse à l'observation de Charles Revet sur le risque de complexité que la loi peut créer. Au travers de ces chiffres, il apparaît que la responsabilité en la matière est sans doute partagée entre le Parlement et le Gouvernement...
M. Charles Revet. Je visais tout le monde !
M. Dominique Perben, ministre. Comme M. le rapporteur l'a fait, je crois que nous pouvons nous féliciter qu'au cours de la discussion des moyens financiers aient été apportés aux collectivités territoriales.
Après vous, monsieur le rapporteur, j'insiste en particulier sur la compensation des pertes de recettes subies par les collectivités territoriales du fait de l'exonération pendant quinze ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Nous avons aussi permis le relèvement des taux de la taxe locale d'équipement et donner la possibilité - je dis bien la possibilité - aux communes de majorer d'une valeur forfaitaire la taxe foncière sur les propriétés non bâties portant sur les terrains constructibles dans les zones urbaines.
Nous avons, collectivement, fait preuve d'innovation - je crois que c'est le mot qui convient - en abordant le problème de la répartition des plus-values foncières, problème difficile dont les solutions techniques ne sont pas toujours aisées, mais le débat a permis des avancées importantes qui me semblent devoir être préservées dans un équilibre bien compris du texte. Il ne faut pas risquer, en effet, une trop forte rétention des terrains par les propriétaires.
L'État accompagne de son côté ces mesures en mobilisant les terrains dont il dispose. À cet égard, je veux vous dire la détermination du ministère dont j'ai la responsabilité et celle des établissements publics qui dépendent de lui d'aller dans ce sens afin de libérer des emprises foncières à destination du logement qui profiteront à tous les Français.
À Mme Létard, je veux d'abord adresser mes remerciements pour avoir reconnu ce matin, alors que Jean-Louis Borloo était au banc du Gouvernement, que le texte que nous allons examiner comprenait beaucoup de points positifs.
Oui, il faut plus de logements, et des logements à des prix abordables. La création du produit d'investissement locatif « Borloo » va bien dans ce sens.
Mme Létard, et elle n'est pas la seule, a par ailleurs abordé la question de l'article 55 de la loi SRU.
Comme convenu en première lecture, nous sommes prêts à examiner à nouveau ce sujet, mais nous pensons que l'amendement introduit à l'Assemblée nationale, à savoir l'accession sociale décomptée pendant cinq ans, est logique si les plafonds de ressources qui seront fixés par décret sont au plus au niveau des plafonds du locatif social
Comme M. Repentin, j'estime que nous connaissons une crise du logement. Nous partageons, je crois, le diagnostic sur son existence et sur ses dimensions, ce qui concerne le volume global mais aussi les types d'offre.
Je regrette cependant que M. Repentin ne veuille reconnaître ni les moyens qui ont été mis en place pour développer l'offre, en particulier le locatif et l'accession sociale - la loi de programmation, et c'est une première, prévoit ainsi des moyens pour 500 000 logements locatifs sociaux en cinq ans -, ni les résultats qui ont été obtenus, à savoir 80 000 logements locatifs sociaux financés en 2005, contre 42 000 en 2000, dont 53 000 PLUS et PLA insertion, contre 38 000 en 2000. Face à ces chiffres incontestables, il me paraît difficile de dire que rien n'a été fait.
Madame Procaccia, je pense comme vous que le déconventionnement de logements sociaux par des grands bailleurs institutionnels, qui vise plus exactement des conventions APL arrivées à terme et non renouvelées par des propriétaires privés, constitue un sujet grave, en particulier dans le Val-de-Marne, où environ 9 000 logements sont concernés dans le parc privé.
Le déconventionnement aboutit effectivement dans certaines communes - et cela, quelle que soit leur sensibilité politique - à faire passer le quota de logements sociaux sous le seuil de 20 %.
Ce n'est pas un sujet nouveau : le pic des sorties de conventions date de 2000. Le Gouvernement de l'époque n'a pas réussi à traiter le problème. Il se trouve que ICADE, la filiale immobilière de la CDC, qui est principalement mise en cause, n'a pas augmenté les loyers six ans après la fin des conventions ; c'est maintenant que les hausses interviennent.
Jean-Louis Borloo a reçu la semaine dernière, vous le savez, une délégation d'élus du Val-de-Marne. Le Gouvernement soutiendra les propositions qui visent à informer les maires très en amont des intentions de déconventionnement des gros bailleurs afin de permettre aux élus, bailleurs et locataires de rechercher ensemble des solutions acceptables pour les locataires concernés.
Avec vous aussi, monsieur Delfau, nous avons un accord sur le diagnostic de la crise et sur le fait que les prix sont souvent trop élevés.
Ne nous y trompons pas, la principale réaction doit être une très forte augmentation de l'offre. Nous agissons avec succès dans ce sens, et cela tant sur le locatif que sur l'accession, qui constituent les deux piliers de la politique du logement, comme cela a été souligné.
À Mme Demessine, je tiens à préciser qu'il est inexact de dire que le Gouvernement « privilégierait » les PLS, lesquels ne seraient pas des logements aidés. Ce sont bien des logements aidés, chacun le sait.
Je rappellerai quelques chiffres incontournables : le nombre de PLAI financés est supérieur de 50 % en 2005 par rapport à 2000 et le nombre des PLS financés en 2005 ne dépasse pas 30 % du total des logements sociaux financés.
Je voudrais apporter quelques éléments de réponse à M. Dubois, qui a proposé une réforme du zonage relatif aux aides de l'État au logement.
J'indique tout d'abord que le zonage peut d'ores et déjà évoluer par voie réglementaire. Ce n'est pas une possibilité théorique, mais c'est une réalité, puisque plus de 300 communes d'Île-de-France ont été reclassées de cette manière de zone 2 en zone 1.
D'autres modifications sont possibles, mais il faut faire preuve d'une certaine prudence, car le coût budgétaire est extrêmement élevé.
Par ailleurs, je souligne que les nouvelles délégations de compétence donnent aux collectivités des marges de manoeuvre importantes pour moduler les aides de l'État depuis la loi de décentralisation de juillet 2004. Cette loi est récente. Il serait intéressant d'évaluer ses effets et d'examiner, en particulier, son utilisation en matière de zonage.
M. Collomb s'est félicité, notamment, des évolutions en matière de fiscalité de l'urbanisme.
S'agissant de l'amendement dit « Ollier » sur l'article 55, il ne me semble pas qu'il ait dénaturé la loi SRU. L'accession sociale sera décomptée pendant cinq ans dans le quota des 20 %. Cette disposition ne concernera donc que les programmes neufs et ne dispensera pas les maires de construire du locatif social. De plus, comme je l'ai déjà dit en réponse à Mme Létard, le plafond de ressources fixé par décret sera au plus égal au plafond du logement locatif social. Il s'agit donc bien d'un effort en faveur de l'accession sociale à la propriété.
J'ai bien noté les propositions de M. Dassault visant, d'une part, à faciliter les décisions sur les travaux de sécurité dans les copropriétés et, d'autre part, à simplifier le montage des opérations de la Foncière Logement. Le Gouvernement envisage l'examen de ces propositions de manière tout à fait favorable.
M. Dassault a également abordé le sujet des attributions de logements sociaux. Ce sujet est longuement traité dans le projet de loi, et nous allons donc avoir l'occasion d'en débattre lors de l'examen des articles.
Monsieur Juilhard, la stratégie nationale de développement durable témoigne de la complète mobilisation du Gouvernement. Hier, j'évoquais en conseil des ministres les problématiques de développement durable en matière de transport ; vous les avez évoquées sous l'angle du logement.
Le développement des énergies renouvelables est essentiel, et vous avez rappelé que le Président de la République lui-même évoquait fréquemment cette nécessité, en soulignant que la France a vocation à être une référence mondiale dans ce domaine.
Dans ce cadre, il faut trouver les moyens opérationnels pour encourager l'usage des énergies renouvelables, en particulier dans le domaine de la construction. Vous le savez, des incitations fiscales ont été mises en place pour le renouvellement d'appareils de chauffage.
Pour aller plus loin, il faut évidemment mieux articuler construction, planification et énergie renouvelable au niveau local. Vos amendements ouvrent des perspectives qu'il nous faudra explorer, mais le point qu'ensemble nous devrons examiner sera de savoir jusqu'où nous voulons et jusqu'où nous pouvons aller s'agissant des contraintes à imposer, en particulier compte tenu de l'effet que ces contraintes peuvent avoir sur le coût de la construction.
M. Jean Desessard. Plus 10 %, mais, ensuite, il y a moins de charges !
M. Dominique Perben, ministre. Il nous faudra garder cet aspect de la question en mémoire au cours du débat essentiel qu'elle appelle.
Monsieur Vidal, vous avez centré votre propos sur les sociétés anonymes de crédit immobilier, sujet sur lequel un amendement a été voté à l'Assemblée nationale.
Vous avez souhaité que ces sociétés puissent poursuivre leur action en faveur de l'accession sociale à la propriété, avec un ancrage local fort qui leur permette d'être des partenaires des collectivités locales.
C'est en effet important et je tiens à vous dire que le Gouvernement est sur la même ligne : il souhaite que cette action soit non seulement poursuivie, mais aussi renforcée, et que ces sociétés restent au sein du monde du logement ; il est d'accord pour qu'elles conservent leurs filiales concurrentielles.
L'article qui vous est proposé relève bien de cet esprit et les travaux du comité des sages que Jean-Louis Borloo a réuni vont aussi dans ce sens.
M. Madec a rappelé à juste titre que le logement représentait une des priorités des Français. Nous le savons tous, et c'est pourquoi, depuis plusieurs années, le Gouvernement a engagé des actions très ambitieuses dans ce domaine. Cet engagement sans précédent, notamment sur le plan financier, se traduit déjà par des résultats tangibles.
Je conteste donc absolument, et je le fais avec un peu de solennité, le recours à l'expression « recul historique » pour qualifier le bilan 2005. J'avoue que les bras m'en tombent : il s'agit en fait d'une année record !
On ne peut pas indéfiniment affirmer le contraire de la réalité et nier les chiffres : 80 000 logements sociaux, soit le plus haut niveau depuis dix ans, et 410 000 logements mis en chantier au total, soit le plus haut niveau depuis vingt-cinq ans. S'il s'agit là d'un « recul historique », nous devrions peut-être nous en réjouir !
Je voudrais également apporter quelques éléments de réponse à M. Philippe Dallier sur l'article 55, dont il a critiqué l'application uniforme des règles à toutes les communes. Nous aurons l'occasion de discuter de la meilleure prise en compte de cette réalité foncière. Quelles sont les réserves disponibles ? C'est cela la question, si j'ai bien compris votre intervention. Elle porte sur la prise en compte de cette réalité dans la fixation des objectifs triennaux.
Votre rapporteur, M. Braye, a déposé, au nom de la commission des affaires économiques, un amendement instituant une commission départementale et une commission nationale indépendante, associant tous les partenaires intéressés - élus, organismes HLM, associations - pour dire si, oui ou non, la commune peut atteindre l'objectif triennal théorique et proposer, si nécessaire, une révision à la baisse afin de disposer d'un objectif réaliste. Je crois que c'est un amendement intéressant.
Par ailleurs, comme vous le savez, un groupe de travail Gouvernement-Association des maires de France oeuvre en ce moment pour voir comment mieux calibrer - c'est un autre aspect de votre intervention - la DGF des communes en fonction de l'effort de construction
Pour avoir quelque expérience en matière de réforme de la DGF, j'ai le souvenir d'une complexité extraordinaire. Il doit y avoir tout au plus cinq ou six personnes en France qui arrivent à maîtriser intellectuellement le mécanisme de la DGF dans sa totalité !
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut prendre un minimum de temps pour évoquer toute idée de modification de quelque critère que ce soit. Mais il y a là une incontestable exigence d'équité à l'égard des communes qui font des efforts, qui justifie que l'on se donne cette peine. J'espère donc que ce groupe de travail Gouvernement-AMF pourra faire rapidement des propositions.
M. Desessard a évoqué un certain nombre d'éléments sur la politique du logement. Je comprends les contraintes de la vie politique. Pour autant, affirmer que la politique du logement du Gouvernement se désintéresse des plus modestes, c'est quelque peu forcer le trait ! Cela est faux !
En 2004, nous avons lancé un programme national de rénovation urbaine sans précédent au cours de ces vingt ou trente dernières années, qui s'élève maintenant à 30 milliards d'euros d'investissement. Ce programme vise, à l'évidence, les ménages modestes.
En 2005, le plan de cohésion sociale, avec son volet logement, est aussi centré sur les ménages modestes, avec les résultats très positifs que j'ai déjà évoqués ; je n'y reviens pas.
Enfin, avec ce projet de loi, il est vrai que nous allons intervenir sur toute la chaîne du logement. Et là, nous sommes vraiment au coeur du problème. La question est de savoir s'il est pertinent ou non d'intervenir sur l'ensemble de cette chaîne, depuis le logement d'urgence jusqu'à l'accession sociale à la propriété. La réponse du Gouvernement est de dire que, oui, il faut intervenir effectivement sur l'ensemble de la chaîne, sinon, on entre dans un système de report de la demande sur l'offre immédiatement inférieure à ce que permettrait tel ou tel niveau de revenus. (M. le rapporteur fait un signe d'approbation.)
Il est donc essentiel de faire un effort sur l'ensemble de la chaîne du logement si l'on veut être efficace. Je pense que, sur ce point, indépendamment de toute orientation politique, nous pourrions être d'accord. Il faut bien comprendre que le logement, c'est aussi un itinéraire, un itinéraire de progrès social, un itinéraire d'évolution dans la vie des ménages, et qu'il faut donc jouer sur l'ensemble de la gamme des logements si l'on veut être efficace en termes de résultats.
Enfin, monsieur Revet, vous avez évoqué toute une série de sujets. Je voudrais, à mon tour, me réjouir d'avoir inauguré avec vous, ce matin, cet équipement d'importance nationale qu'est Port 2000. Nous sommes l'un et l'autre encore émus et je pense que l'on peut en dire un mot au Sénat cet après-midi. En effet, il est impressionnant de voir ce que notre pays a été capable de réaliser au cours de ces dix dernières années, avec ce projet extraordinaire qui va nous donner une ouverture sur l'Atlantique, et ce au bénéfice de toute l'économie nationale.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, je voudrais me réjouir avec vous des 415 000 mises en chantier enregistrées au cours de l'année 2005. C'est un effort considérable, un chiffre que l'on n'avait pas connu depuis plus de vingt-cinq ans.
Monsieur le sénateur, vous demandez de la simplicité et vous avez raison. Nous aurons l'occasion, Jean-Louis Borloo et moi-même, d'examiner vos propositions.
Plus largement, avec la réforme du permis de construire, nous avons voulu aller dans ce sens : aussi bien l'ordonnance qui a été rendue publique que les décrets d'application en cours de rédaction devraient apporter une vraie simplification dans la vie de nos communes, de leurs services instructeurs et des DDE , ainsi que dans la vie concrète de nos concitoyens, qu'ils soient entreprises ou particuliers.
Nous aurons, jusqu'à la date d'application du 1er juillet 2007, à mener ensemble un travail pédagogique pour faire en sorte que cet effort de simplification soit mis en oeuvre dans de bonnes conditions, au bénéfice de chacun. Il est évident que cet effort doit être prolongé, il doit s'imposer partout où cela est possible, dans le respect des partenaires des projets.
Vous avez également évoqué le manque de foncier. Je crois pouvoir dire que je partage votre analyse. Il faut que nous parvenions à mettre plus de terrains constructibles sur le marché. La loi qui est proposée comporte dans ce domaine, me semble-t-il, de nombreuses avancées qui devraient donner de la fluidité au marché.
S'agissant de la révision simplifiée, il faut que les choses soient bien claires : cette prorogation interviendra dès que la loi sur la recherche sera promulguée. J'apporterai une précision : cette loi est d'application directe, il n'y a donc pas besoin de décrets d'application. C'est une vraie bonne nouvelle, car ce n'est pas si courant !
Quant à la date, nous avons mentionné 2010. Très honnêtement, je pense que cette date est raisonnable. Au-delà, il appartiendra aux collectivités qui en ont la charge d'engager les révisions normales.
Voilà, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments que je souhaitais apporter, en réponse aux interventions, en mon nom personnel et au nom de Jean-Louis Borloo. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Demande de priorité
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en application du sixième alinéa de l'article 44 de notre règlement, et afin d'assurer à nos débats sur l'article 55 de la loi SRU la clarté nécessaire, la commission demande la discussion en priorité, avant l'article 2, de l'article 5 bis B et de tous les amendements qui y sont rattachés ; puis de l'article 8 septies et de tous les amendements qui y sont rattachés ; enfin, des trente-sept amendements portant article additionnel visant cet article 55, dans l'ordre des articles du code de la construction et de l'habitation.
De la sorte, nous pourrons débattre, dès mardi après-midi, de ce sujet qui tient à coeur à bon nombre de nos collègues.
Par ailleurs, je souhaitais indiquer à la Haute Assemblée que, compte tenu de la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit d'amendement en deuxième lecture, votre commission des affaires économiques a décidé de donner un avis de sagesse sur les amendements portant article additionnel auxquels elle est favorable, mais dont elle ne pourrait pas garantir la constitutionnalité au vu de cette jurisprudence.
M. le président. Monsieur le ministre, quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.