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Organismes génétiquement modifiés
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (n°s 200, 258.).
Dans la suite de la discussion, nous en sommes parvenus à l'article 15.
Article 15
Au premier alinéa de l'article L. 533-6, après le mot : « autorisations » sont ajoutés les mots : « de mise sur le marché ». La référence à : « la directive n° 90-220 (CEE) du 23 avril 1990 » est remplacée par la référence à : « la directive n° 2001-18 (CE) du 12 mars 2001 ».
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article:
Au premier alinéa de l'article L. 533-6:
1° après le mot : « autorisations » sont ajoutés les mots : « de mise sur le marché »;
2° les mots : « ou des autres États parties » sont remplacés par les mots: « ou d'autres États parties » ;
3° La référence à : » la directive n° 90-220 (CEE) du 23 avril 1990 » est remplacée par la référence à : » la directive n° 2001-18 (CE) du 12 mars 2001 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 15 est ainsi rédigé.
Article 16
Après l'article L. 533-7 sont insérés les articles L. 533-8 à L. 533-12 ainsi rédigés :
« Art. L. 533-8. - Toute demande d'autorisation de dissémination volontaire est assortie du versement d'une taxe à la charge du demandeur. Le montant de cette taxe est fixé par arrêté du ministre chargé de l'agriculture en fonction de la nature de la demande et de la destination lucrative ou non, de la dissémination, dans la limite de 15 000 €.
« Le recouvrement et le contentieux du versement institué au présent article sont suivis par les comptables du Trésor selon les modalités fixées aux articles 81 à 95 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique.
« Art. L. 533-9. - Le titulaire d'une autorisation de mise sur le marché établit périodiquement des rapports de surveillance, dans les conditions fixées par l'autorisation. Il transmet ces rapports à l'autorité administrative qui peut modifier les prescriptions du plan initial de surveillance.
« Art. L. 533-10. - En cas de modification, même non intentionnelle, des conditions de la dissémination volontaire, le titulaire de l'autorisation mentionnée à l'article L. 533-3 est tenu de prendre les mesures de nature à protéger la santé publique et l'environnement et d'informer l'autorité administrative.
« Art. L. 533-11. - Si le demandeur ou le titulaire de l'autorisation mentionnée à l'article L. 533-3 et à l'article L. 533-4 a connaissance d'éléments d'information nouveaux relatifs aux risques pour la santé publique ou l'environnement, il est tenu de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé publique et de l'environnement et d'informer l'autorité administrative.
« Art. L. 533-12. - Lorsque des informations complémentaires ou des connaissances scientifiques nouvelles font apparaître que la présence d'organismes génétiquement modifiés dont la dissémination volontaire a été autorisée fait courir un risque pour la santé publique ou l'environnement, l'autorité administrative peut :
« 1° Modifier les prescriptions initiales des autorisations prévues aux articles L. 533-3 et L. 533-4 ou en imposer de nouvelles ;
« 2° Suspendre les autorisations prévues aux articles L. 533-3 et L. 533-4 pendant le délai nécessaire à la mise en oeuvre des mesures propres à faire disparaître tout danger ou inconvénient. Pendant ce délai, l'autorité administrative peut, dans le cas d'organismes mis sur le marché, ordonner leur retrait de la vente ou en interdire l'utilisation ;
« 3° Retirer l'autorisation prévue à l'article L. 533-3 ; après accord des autres États membres de la Communauté européenne ou de l'autorité communautaire compétente, retirer l'autorisation prévue à l'article L. 533-4 ;
« 4° Ordonner la destruction des organismes et, en cas de carence du titulaire de l'autorisation ou du détenteur, y faire procéder d'office aux frais de l'intéressé. »
M. le président. L'amendement n° 143, présenté par M. Le Cam, Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 533-8 du code de l'environnement :
Le montant de cette taxe est fixé par arrêté du ministre chargé de l'agriculture en fonction de la nature de la demande, de la destination lucrative ou non de la dissémination et du coût des mesures de surveillance agronomique et écologique de ces parcelles de cultures transgéniques, dans la limite de 50 000 €.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. La dissémination d'OGM dans la nature nécessite, au vu des risques qu'elle présente, une surveillance constante de la part de scientifiques. Celle-ci est nécessaire pour s'assurer de l'impact réel de ces OGM sur la nature.
Cette biovigilance constitue une réelle exigence scientifique. Aussi proposons-nous que les demandeurs d'autorisation de dissémination volontaire d'OGM financent ces mesures au moyen du relèvement du montant de la taxe qu'ils doivent acquitter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement y est également défavorable.
Je rappelle qu'il s'agit essentiellement, dans notre pays, d'une demande d'expérimentation. C'est donc le monde de la recherche qui est largement concerné.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 173, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 533-9 du code de l'environnement :
« Art. L. 533-9 - I. Après la mise sur le marché d'un ou de plusieurs produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés, l'autorité administrative compétente procède à leur surveillance.
« Le titulaire de l'autorisation établit des rapports de surveillance conformément aux prescriptions fixées par l'autorisation. Ces rapports sont adressés à l'autorité administrative, qui peut modifier les prescriptions du plan initial de surveillance, et au conseil des biotechnologies.
« II. De façon à en garantir la transparence, les résultats des mesures de surveillance du titulaire ou du demandeur de l'autorisation, ainsi que ceux de l'autorité administrative sont rendus publics. L'autorité administrative rend également public l'ensemble des mesures prises dans le cadre du présent chapitre.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de rappeler que la surveillance des OGM ne doit pas être du ressort exclusif du titulaire de l'autorisation, lequel est tenu d'établir un rapport de surveillance.
En effet, l'autorité administrative doit être compétente non seulement pour examiner le rapport du titulaire, mais également pour procéder elle-même à la surveillance, dont les résultats seront rendus publics. L'intervention de l'autorité administrative permet de garantir une meilleure prise en compte de l'intérêt général.
Conformément à l'article 20 de la directive 2001/18/CE, cet amendement prévoit l'obligation de transmettre les résultats de surveillance à l'autorité administrative compétente, la possibilité pour l'autorité administrative de modifier les prescriptions initiales du plan de surveillance ou encore la publication des résultats de la surveillance.
M. le président. L'amendement n° 134, présenté par M. Le Cam, Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Au début de la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 533-9 du code de l'environnement, remplacer les mots :
le titulaire d'une autorisation de mise sur le marché
par les mots :
l'autorité administrative
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Le principe de neutralité pendant la surveillance et les contrôles ne peut être correctement respecté si l'organisme de contrôle est aussi l'exploitant.
À défaut d'un moratoire, nous ne pouvons qu'approuver la décision du Gouvernement de publier périodiquement des rapports, à la condition que ceux-ci ne soient pas rédigés par le titulaire de l'autorisation. Auquel cas, ils risqueraient d'être entachés d'une certaine partialité. Notre souci est d'éviter que quelqu'un soit à la fois juge et partie.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 533-9 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorité administrative adresse ces rapports au haut conseil des biotechnologies.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 31 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 173 et 134.
M. Jean Bizet, rapporteur. L'amendement n° 31 vise à compléter l'information du haut conseil des biotechnologies en le rendant destinataire des rapports de surveillance. Ce retour d'information est de nature à renforcer la qualité d'expertise du conseil.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable tant sur l'amendement n° 173 que sur l'amendement n° 134, ce dernier étant contraire à la directive 2001/18.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable sur les amendements nos 173 et 134. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 31, qui apporte une réponse aux questions soulevées par les auteurs des deux premiers amendements, puisque qu'il tend à placer, de manière très claire, l'ensemble de ces mesures de surveillance sous le contrôle de l'autorité administrative, avec le concours du conseil des biotechnologies. Par conséquent, les amendements nos 173 et 134 sont inutiles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Je tiens à rappeler que le groupe socialiste a décidé de ne pas prendre part au vote sur les articles 13 à 17, pour les raisons que j'ai déjà évoquées hier.
M. Michel Charasse. C'était un communiqué de Ponce Pilate ! (Rires.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 174, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. - Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 533-10 du code de l'environnement, après les mots :
est tenu de prendre
insérer le mot :
immédiatement
II. - Dans le même texte, après les mots :
d'informer
insérer le mot :
immédiatement
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de préciser que l'autorité administrative doit être informée immédiatement de toute modification des conditions de dissémination volontaire, et non une fois que le titulaire de l'autorisation a pris des mesures. Il permet de rendre conforme le projet de loi à l'article 8 de la directive 2001/18.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 533-10 du code de l'environnement, après les mots :
d'informer
insérer le mot :
immédiatement
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 32 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 174.
M. Jean Bizet, rapporteur. L'amendement n° 32 tend à préciser que l'information de l'autorité administrative doit être immédiate en cas de modification des conditions d'un essai en champ. Cette précision est du reste conforme aux exigences de la directive 2001/18.
De ce fait, la commission, considérant que son amendement est plus précis et plus conforme à la directive, demande le retrait de l'amendement n° 174. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable - quoique favorable à son esprit - sur l'amendement n° 174 et un avis favorable sur l'amendement n° 32.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 33, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 533-11 du code de l'environnement :
« Art. L. 533-11.- Si le demandeur ou le titulaire des autorisations mentionnées aux articles L. 533-3 et L. 533-4 a connaissance d'éléments d'information nouveaux relatifs aux risques pour la santé publique ou l'environnement, il est tenu de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé publique et de l'environnement et d'informer immédiatement l'autorité administrative. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement est dans le même esprit que l'amendement n° 32. Il a pour objet une modification rédactionnelle et vise à préciser que l'information de l'autorité administrative doit être immédiate, conformément aux dispositions de la directive.
M. le président. L'amendement n° 175, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 533-11 du code de l'environnement, après les mots :
est tenu de prendre
insérer le mot :
immédiatement
II. Dans le même texte, après les mots :
d'informer
insérer le mot :
immédiatement
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 175 ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 33 et un avis défavorable sur l'amendement n° 175.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 33.
M. Michel Charasse. M. le rapporteur indique dans son amendement n° 33 que le demandeur ou le titulaire des autorisations « est tenu de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé publique et de l'environnement ». Et s'il ne peut pas ? S'agissant de mesures techniques, il peut ne pas les connaître. Que se passe-t-il alors ? Que fait-il si lesdites mesures relèvent de techniques qui n'ont pas encore été inventées ou qui sont à l'étude ?
En outre, je voudrais vous suggérer, monsieur le rapporteur, de rédiger comme suit la fin de l'amendement : « d'en informer immédiatement l'autorité administrative. » On peut en effet supposer que les mesures dont il est ici question sont celles que le demandeur ou le titulaire des autorisations aura prises pour la protection de la santé publique et de l'environnement. C'est purement rédactionnel.
M. Josselin de Rohan. L'un et l'autre se disent !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Ce dernier point ne porte guère à conséquence.
En revanche, pour répondre à la question de fond soulevée par M. Charasse, dont la réflexion est pertinente, je dirai qu'à l'impossible nul n'est tenu. En l'occurrence, on peut estimer que seront prises toutes les « mesures nécessaires à la protection de la santé publique et de l'environnement. »
M. Jean Desessard. Voilà !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 175 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 135, présenté par M. Le Cam, Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 533-12 du code de l'environnement, remplacer le mot :
peut
par le mot :
doit
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Lorsque des informations clairement établies font apparaître la présence de risques, l'autorité administrative doit prendre des précautions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, car cet amendement est incohérent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Il émet un avis défavorable. En effet, l'article prévoit toutes les mesures de précaution possibles et imaginables.
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 16 ou après l'article 21
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 62 rectifié est présenté par MM. Beaumont, Courtois, Emorine et J. Blanc, Mme Bout, MM. Doublet, Goulet, Lardeux, Revol, Saugey et Trucy.
L'amendement n° 176 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'aire géographique d'une appellation d'origine contrôlée, il est interdit de mettre en culture des variétés génétiquement modifiées pour la fabrication du produit bénéficiant de cette appellation.
La parole est à M. René Beaumont, pour défendre l'amendement n° 62 rectifié.
M. René Beaumont. À première vue, cet amendement pourrait apparaître comme contraire à la philosophie générale de ce texte, puisqu'il semble préjuger la dangerosité des OGM sur un plan sanitaire.
Aussi, je voudrais le resituer dans son contexte. Ayant quelque expérience avec les OGM en milieu rural, et compte tenu de ma formation en biologie, je crois pouvoir dire de façon certaine que, dans l'état actuel des connaissances, les précautions que vise à mettre en place le présent texte sont non seulement suffisantes, mais encore de nature à rassurer les populations. C'est d'ailleurs bien ce à quoi il vise.
Il est vrai que mon amendement aurait plutôt tendance à les inquiéter.
M. Daniel Raoul. Et oui !
M. René Beaumont. Il n'en demeure pas moins que nous devons prendre quelques précautions, en premier lieu en matière sanitaire. Le texte s'y emploie largement. En revanche, un certain nombre de gens, dans ce pays, ont depuis des années la phobie des OGM - ce n'est pas notre faute, à tout le moins pas la mienne ni celle de ceux qui siègent à la droite de cet hémicycle. Ces personnes ont décrété que les OGM étaient dangereux et que la présence même à côté de chez soi d'un champ de plantes génétiquement modifiées pouvait représenter un danger. J'ai même lu dans certaines publications qu'on pouvait, en mangeant des produits OGM, modifier son propre patrimoine génétique. C'est n'importe quoi !
M. Michel Charasse. Diafoirus a pignon sur rue ! (Sourires.)
M. René Beaumont. Ce sont des vérités scientifiques dignes d'un journal du soir, comme l'a dit M. le ministre l'autre jour ! (M. le ministre délégué sourit.) Il n'en demeure pas moins que nous devons prendre en considération cette phobie, que ce texte contribuera d'ailleurs progressivement à réduire. En l'occurrence, nous devons faire preuve de prudence en matière économique.
Certes, nous souhaitons que les choses évoluent. Les citoyens français, comme d'autres, se familiariseront prudemment avec les OGM. Ils y sont bien obligés dans la mesure où l'on en trouve dans le monde entier. Nous ne pouvons pas être les seuls à les refuser. Cela ne serait pas défendable, ne serait-ce que sur un plan strictement sanitaire. Mais, dans cette attente, je vous invite à être prudents pour des raisons économiques. Si un journaliste mal intentionné...
M. Charles Pasqua. C'est difficile à trouver ! (Sourires.)
M. René Beaumont. ...s'aperçoit un jour que, dans une zone d'appellation d'origine contrôlée quelle qu'elle soit, un organisme végétal ou animal génétiquement modifié entre dans le processus de fabrication d'un produit, alors vous pouvez être certain que ce dernier sera condamné à tout jamais. Je rappelle que l'appellation d'origine contrôlée représente dans notre pays ce qu'il y a de mieux en matière de qualité. Tous les autres pays européens nous l'envient, puisque l'AOC n'existe qu'en France. Le public ne comprendrait absolument pas qu'un organisme génétiquement modifié - et présumé dangereux - entre dans le processus de fabrication d'un produit AOC, pour lequel il paie d'ailleurs un certain prix. Nos AOC seraient alors dans une situation très dangereuse.
M. Charles Pasqua. C'est exact !
M. René Beaumont. Le risque serait colossal. Je suis élu du département de Saône-et-Loire, qui est très riche en AOC diverses.
M. Charles Pasqua. Très riche en tout ! (Sourires.)
M. René Beaumont. Merci de le reconnaître !
M. le rapporteur m'a dit en commission que j'allais peut-être créer des sanctuaires anti-OGM sur l'ensemble du territoire national et que, en raison du nombre des AOC, de nombreuses zones leur seraient interdites.
Il ne s'agit pas de cela ! Il faut bien situer les choses. Mon amendement porte simplement interdiction de produire des OGM pouvant intéresser le seul produit fabriqué, à l'exclusion de tout autre. Je m'explique : dans mon département, dans le secteur de l'appellation d'origine « volailles de Bresse », l'adoption de mon amendement aurait pour conséquence d'interdire l'alimentation des volailles par des OGM. En clair, les volailles ne pourraient être alimentées, dans cette zone, par du maïs génétiquement modifié au motif qu'on pourrait considérer qu'il les contamine.
S'il serait impossible que des cépages de vigne à organismes génétiquement modifiés existent dans les vignobles situés en zone d'appellation contrôlée vignobles, c'est-à-dire dans le Chalonnais, le Mâconnais ou les Côtes de Beaune, en revanche, on pourrait très bien en trouver au coeur de la zone de Bresse, de l'autre côté de la Saône.
Il ne s'agit donc pas d'instaurer une sanctuarisation ; il convient simplement d'opérer une prescription sélective sur les organismes, animaux et végétaux génétiquement modifiés entrant ou pouvant entrer dans la production d'un produit d'AOC.
Cette prudence serait à mon avis utile aujourd'hui. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce texte relatif aux OGM est très important, voire fondateur, puisqu'il favorisera l'évolution de la conception des OGM dans notre société.
Bien sûr, dans quelques années, l'amendement que je vous propose aujourd'hui ne sera sans doute plus nécessaire. Mais pour l'instant, il me semble très utile. En matière viticole, par exemple, le danger vient du fait que les décrets d'application des AOC sont très anciens. Aucun d'entre eux ne fait mention aujourd'hui, dans la viticulture, d'organisme génétiquement modifié, et pour cause ! Les crus sont bien antérieurs à la découverte même des OGM.
Nous n'aurions donc aucun moyen de nous prémunir contre un risque commercial - et uniquement contre un tel risque, j'insiste sur ce point.
Or en France, je le sais, il existe actuellement des cépages génétiquement modifiés. D'ailleurs, je le dis avec force, cette technique devrait nous être fort utile demain pour lutter contre les viroses nombreuses et diverses ...
M. René Beaumont. ... qui peuvent affecter la vigne, certaines étant considérées par les spécialistes comme particulièrement graves et pouvant être équivalentes au phylloxéra.
M. René Beaumont. Ces OGM pourraient donc constituer un vrai remède contre ces viroses.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. René Beaumont. Mais si, en dépit des progrès de la science, l'opinion publique entend que le vin français, quelque part dans le monde ou même en France, est produit avec des cépages OGM, nous pourrons tirer un gros trait rouge sur les productions françaises !
Mon amendement est donc inspiré par la prudence dont nous devons faire preuve en matière commerciale, étant entendu que les bienfaits du projet de loi sur le plan sanitaire me semblent indéniables.
M. Jean Desessard. Si mon amendement est identique à celui que M. Beaumont vient de présenter, je ne partage pas son argumentation, puisque je suis opposé aux OGM. Je pense en effet que ces derniers porteront atteinte à la qualité de l'agriculture française, aux labels, et qu'ils ne seront pas rentables économiquement.
Cet amendement a pour objet d'interdire, dans une zone bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée, la culture de variétés OGM qui entreraient dans la fabrication du produit bénéficiant de ladite appellation.
Il est vraisemblable que, si une trace d'OGM était trouvée dans un produit labellisé AOC, celui-ci perdrait le bénéfice de son appellation.
Je suis contre la commercialisation des OGM. Et si le projet de loi est adopté, il faudra mettre en place un maximum de sanctuaires pour protéger l'agriculture de qualité.
M. Michel Charasse. C'est la Bernadette Soubirous des OGM ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 198 rectifié ter, présenté par MM. Amoudry, Soulage, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. A l'intérieur du périmètre des productions bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée, d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée, l'autorité administrative compétente peut, sur propositions des organisations professionnelles et interprofessionnelles concernées, interdire totalement ou sur des périmètres délimités la mise en culture de variétés génétiquement modifiées.
II. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de la présente disposition, et notamment la liste des organisations professionnelles et interprofessionnelles habilitées à proposer les zones de protection et leur périmètre.
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Les productions bénéficiant de signes de qualité - AOC, indications géographiques protégées, ou IGP, etc. - obéissent à des cahiers des charges très stricts, visant à garantir au consommateur un niveau élevé de qualité et d'authenticité, et au producteur une valeur ajoutée en rapport avec les soins apportés à l'élaboration du produit et avec les exigences qui lui sont imposées.
Parmi ces exigences, figurent en particulier dans les cahiers des charges l'interdiction de certains aliments du bétail - par exemple, l'ensilage - et l'obligation de l'emploi exclusif d'herbages et de fourrages de terroir.
La dissémination de plantes génétiquement modifiées à l'intérieur de territoires s'étant dotés de telles politiques de labellisation serait, à mes yeux, en totale contradiction avec les règles professionnelles et pratiques en vigueur, fondées sur l'attachement des producteurs comme des consommateurs à la traçabilité et au respect de l'authenticité.
Je voudrais enfin mettre en garde contre le danger que ferait courir aux produits sous signes de qualité - AOC en tête - le doute qui pourrait s'installer dans l'esprit du consommateur dès lors que la pratique des cultures d'OGM en plein champ pourrait être admise à l'intérieur des périmètres de productions labellisées.
Mon amendement a donc pour objet d'assurer la pérennité de cette agriculture de terroir dynamique, diversifiée et de qualité, que le monde rural français a su construire avec beaucoup d'intelligence et de persévérance, souvent au prix d'innombrables efforts.
C'est pourquoi je souhaiterais que le Sénat mette le présent projet de loi en cohérence avec les prescriptions figurant dans les cahiers des charges des interprofessions et filières, en donnant à celles qui le souhaiteraient la faculté de demander l'interdiction des cultures OGM en plein ciel sur tout ou partie de l'aire de l'AOC, l'AOP ou de l'IGP.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Ces trois amendements traitent du même thème. Nous comprenons la préoccupation de nos collègues concernant les labels AOC. Je rappelle que l'ensemble de la commission des affaires économiques est naturellement très attentive à la défense des AOC, comme l'ont illustré les débats qui ont eu lieu en son sein.
M. Jacques Blanc. Vous avez été un remarquable rapporteur sur les AOC !
M. Jean Bizet, rapporteur. Je vous remercie de le souligner, monsieur Blanc.
Il me semble toutefois que la préoccupation légitime des auteurs de ces trois amendements nos 62 rectifié, 176 et 198 rectifié ter est satisfaite par le droit en vigueur.
En effet, l'article L. 251-1 du code rural prévoit explicitement la possibilité, pour l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, de proposer des mesures d'interdiction ou de prescriptions particulières en matière de cultures d'OGM et d'AOC.
Cet article dispose en effet ceci : « Dans l'intérêt de la santé publique et de l'environnement, l'autorité administrative peut, par arrêté, prendre [...] des mesures d'interdiction, de restriction ou de prescriptions particulières concernant la mise sur le marché, la délivrance et l'utilisation des produits mentionnés au présent article ».
J'ajoute que les membres du groupe d'étude sénatorial « Vigne et vin », présidé par Gérard César, auditionneront la semaine prochaine Mme Sophie Villers, directrice de l'INAO, qui pourra leur apporter des précisions à cet égard.
Je comprends l'émotion de nos collègues sur ce point précis, parce que les différents produits sous signes de qualité - AOC, indication géographique de provenance - concernent de 20 % à 22 % des agriculteurs de ce pays. Mais l'image attachée aux signes de qualité dépasse très largement les agriculteurs qui s'y consacrent.
Comme l'a souligné notre collègue Jacques Blanc, que je remercie, je suis très attentif à cette question. J'ai d'ailleurs remis un rapport sur ce point précis au Premier ministre. Dans le débat qui a régulièrement cours au sein de l'Organisation mondiale du commerce, l'Europe, la France en particulier, protège et privilégie les indications géographiques de provenance. Et nous avons bon espoir, lors d'un prochain round, de pouvoir faire valoir cette exception culturelle et agricole française, que des pays comme les États-Unis commencent à trouver pertinente.
Je salue l'honnêteté intellectuelle de notre collègue René Beaumont, qui repose sur une réelle compétence scientifique. Mais je pense que c'est à l'INAO seul, qui est l'organisme présidant à la politique de qualité dans ce pays, de prendre les mesures nécessaires sur ce point.
Sans aller jusque là - René Beaumont n'a pas franchi cette limite -, je profite de cette occasion pour dire aux dix-huit présidents de régions françaises qui ont cru bon d'annoncer qu'il n'y aurait pas d'OGM sur leur territoire...
M. Michel Charasse. Cela ne coûte rien !
M. Jean Bizet, rapporteur. Effectivement, monsieur Charasse. Vous avez bien perçu quel était l'effet d'annonce de ces présidents de régions !
M. Michel Charasse. Seuls les imbéciles peuvent se laisser prendre !
M. Jacques Blanc. C'est vrai !
M. Jean Bizet, rapporteur. Eh bien, cela ne va pas nous arriver, parce qu'une telle mesure serait en opposition totale avec les décisions de la Commission européenne et avec l'avis qu'a rendu la Cour de justice des Communautés européennes à l'Autriche, qui a voulu se déclarer - pardonnez-moi l'expression - « OGM free » !
À cet égard, Mme Voynet avait accepté la directive 2001/18/CE sous le gouvernement Jospin. N'allons pas jusque-là. Il n'est pas possible que les régions, les départements, voire éventuellement quelques communes, soient « OGM free ». Ce n'est qu'une politique d'affichage !
Par conséquent, je demanderai à MM. Beaumont, Desessard et Amoudry de bien vouloir retirer leurs amendements. À défaut, la commission sera contrainte d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. À la suite de M. le rapporteur, je voudrais apporter un certain nombre de précisions.
Mais je dirai au préalable que la question posée par les auteurs des amendements est particulièrement pertinente. Les exposés que MM. René Beaumont et Amoudry ont fait voilà quelques instants - pardonnez-moi, monsieur Desessard -, posent très clairement le problème.
Il ne s'agit pas d'une inquiétude relative aux risques pesant sur le secteur sanitaire ou environnemental. Le cadre de la loi permet, de ce point de vue, de donner toutes garanties.
Il s'agit très précisément de la réputation de nos producteurs vis-à-vis de l'opinion publique, pas seulement nationale, mais également mondiale. Leurs productions sont exportées, respectées, et valorisées dans le monde entier. Il s'agit de faire en sorte que leur image ne soit pas atteinte, à tort, par une suspicion liée à la proximité d'organismes génétiquement modifiés. Mais, chacun le sait, une réputation se forge quelquefois sur des considérations parfaitement irrationnelles.
Nous le savons, il s'agit d'un enjeu majeur pour nombres de nos territoires, dont la production est essentielle à leur équilibre économique.
Nous devons donc considérer cette question avec le plus grand sérieux, comme nous abordons l'ensemble des sujets qui concernent les OGM, c'est-à-dire l'envisager sous l'angle économique, sanitaire et environnemental. Ainsi, le débat est bien posé.
M. le rapporteur a eu raison de dire qu'une mesure d'interdiction générale touchant une large partie de notre territoire - cette partie n'est pas figée, puisque de nouvelles AOC, AOP ou IGP sont reconnues - enfreindrait certainement la législation européenne.
Nous serions en délicatesse évidente avec le texte et l'esprit des directives, et par conséquent exposés à un recours qui nous mettrait évidemment dans la pire des situations, puisque nous serions alors démunis de tout moyen d'action et empêchés de protéger nos appellations d'origine.
C'est donc une question délicate, et il faut trouver la solution juridique adaptée au problème que vous avez très justement posé. Nous l'avons trouvée tout simplement en lisant la législation existante. Cela prouve, s'il en était besoin, que nos textes sont plutôt satisfaisants.
En l'occurrence, M. le rapporteur vous l'a énoncé, la loi actuelle permet de prendre, en matière d'OGM, des mesures d'interdiction, de restriction ou de prescriptions particulières. Et un alinéa de l'article L. 251-1 du code rural prévoit que, « dans l'intérêt de la protection des appellations d'origine contrôlée, l'Institut national des appellations d'origine peut proposer à l'autorité administrative les mesures prévues à l'alinéa précédent ».
J'attire votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur un point très spécifique. D'une façon générale, les mesures de restriction peuvent être prises pour des motifs touchant soit à la santé humaine, soit à la protection de l'environnement.
Mais, en l'espèce, on parle non pas d'intérêt sanitaire et de protection de l'environnement, mais de « l'intérêt de la protection des appellations d'origine contrôlée ». Il s'agit donc bien de la question que vous posez, à savoir la protection de l'image, et donc des intérêts économiques des producteurs et des régions concernées,...
M. Michel Charasse. La réputation !
M. François Goulard, ministre délégué. ...ainsi que leur réputation. Nous pouvons prendre des mesures restrictives particulières sur proposition de l'INAO.
J'ajoute, monsieur Amoudry, que cette disposition est applicable aux AOP et aux IGP dans les mêmes conditions, selon l'analyse effectuée par les services de nos ministères.
Nous avons là une riposte adaptée, qui constitue un moyen nous permettant, sans encourir les foudres de Bruxelles, de défendre totalement l'intérêt de nos appellations d'origine contrôlée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est conscient de l'importance de ce problème, que vous avez soulevé à juste titre et qui a fait l'objet de nombreux échanges. Il est résolu - et je m'en suis entretenu avec mon collègue ministre de l'agriculture et de la pêche, également sensible à ce problème - à mettre en oeuvre sur une large échelle toutes les mesures nécessaires afin d'atteindre l'objectif que nous avons tous d'assurer cette protection essentielle de nos appellations d'origine contrôlée, et il fera preuve de la plus grande vigilance à cet égard.
Je tiens à vous donner toutes les garanties en ce sens, en soulignant combien la discussion de ce matin est utile.
M. Jean Bizet, rapporteur, et M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. Monsieur Beaumont, l'amendement n° 62 rectifié est-il maintenu ?
M. René Beaumont. Je suis sensible aux propos tenus par M. le rapporteur et, surtout, aux engagements pris par M. le ministre.
Je comprends bien qu'une mesure législative de simplification, que nous appelions de nos voeux pour régler le problème, serait en contradiction avec les normes européennes.
J'indique d'ailleurs au passage que cela ne m'étonne pas, parce que je n'ai jamais perçu de la part des instances européennes une affection particulière pour les AOC françaises !
M. Charles Pasqua. Vous avez raison !
M. René Beaumont. Cela étant, je me range bien évidemment à vos propositions, monsieur le ministre, avec néanmoins une petite supplique : pourriez-vous attirer l'attention de vos interlocuteurs au sein de l'INAO - et nous ne manquerons pas de le souligner nous-mêmes à l'occasion de l'audition de la directrice de cet organisme - sur le débat que nous avons aujourd'hui au Sénat et ses conclusions, de façon qu'ils soient bien conscients des responsabilités qui sont désormais les leurs dans la défense de leurs AOC. (M. le ministre délégué fait un signe d'assentiment.)
Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié est retiré.
Monsieur Desessard, l'amendement n° 176 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Après avoir souligné que cet amendement était excellent, formidable, et félicité au passage M. Beaumont pour son honnêteté intellectuelle, M. le rapporteur et M. le ministre délégué ont dit que la disposition proposée posait néanmoins un problème...
M. Josselin de Rohan. Il faut le retirer !
M. Jean Desessard. ... dans la mesure où elle risquait de faire l'objet d'un recours de la part de la Commission européenne.
M. Josselin de Rohan. Mme Voynet a signé !
M. Jean Desessard. Vous avez alors indiqué, monsieur le ministre, que le Gouvernement - parce que ses membres sont intelligents - avait trouvé une astuce pour apporter une solution au problème. Comme nous n'avons pas le droit de protéger les appellations d'origine contrôlée, ou un type d'agriculture - vous ne pouvez en effet vous appuyer que sur des arguments liés à la santé ou à la défense de l'environnement -, vous entendez demander à l'INAO d'intervenir afin d'obtenir l'interdiction souhaitée.
M. Michel Charasse. Pour le vin !
M. Jean Bizet, rapporteur. C'est sa mission !
M. Jean Desessard. Mais si l'INAO interdit la culture d'OGM dans 20 % des territoires - pourcentage indiqué par M. le rapporteur -, pensez-vous vraiment qu'il n'y aura pas de recours, monsieur le ministre ?
Je préfère que la question soit tranchée tout de suite afin de préserver la qualité des AOC, sans quoi cet objectif ne sera pas atteint, malgré toute votre vigilance.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président, ce qui permettra à M. Jacques Blanc, qui semble souhaiter intervenir, de le faire. Il arrive trop souvent qu'il retire ses amendements avant que je puisse moi-même intervenir ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Amoudry, l'amendement n° 198 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Amoudry. Tout d'abord, malgré la précision et la pertinence des déclarations de M. le ministre et de M. le rapporteur, que j'ai écoutées très attentivement, leur commentaire de l'article L. 251-1 du code rural me laisse un peu sur ma faim, si j'ose dire.
En effet, le deuxième alinéa du V dispose ceci : « Dans l'intérêt de la protection des appellations d'origine contrôlée, l'Institut national des appellations d'origine peut proposer à l'autorité administrative les mesures prévues à l'alinéa précédent ». Or, ce dernier alinéa prévoit, notamment, « la mise sur le marché, la délivrance et l'utilisation des produits », mais aucunement l'implantation en plein ciel.
Pour ma part, je ne vois pas comment le dispositif légal existant peut assurer la protection économique souhaitée dans la région d'élevage où je vis. Ainsi que notre collègue M. Beaumont l'a souligné, il ne s'agit pas du tout de santé. Je veux bien admettre que toutes les mesures figurant dans ce projet de loi sont extrêmement solides.
Ensuite, vous avez précisé, monsieur le ministre, que l'expression « appellations d'origine contrôlée » implique aussi les IGP et les AOP. Toutefois, je souligne, sur un plan strictement formel, que ces dernières ne figurent pas dans le texte.
Enfin, si l'Institut national des appellations d'origine a toute qualité pour intervenir au nom de toutes les AOC et autres instances soutenant les labels, il me paraîtrait judicieux, en vertu du principe de subsidiarité, que les filières et interprofessions qui suivent ces questions localement, sur le terrain, puissent également s'exprimer.
M. Jean-Paul Amoudry. Il serait dommage d'exclure du texte la mention de ce rôle tout à fait fondamental des interprofessions, puisque ce sont bien elles qui sont à l'origine de la construction de nos AOC, et personne d'autre. Il importe de le reconnaître.
Je préfère donc retenir ce principe de subsidiarité que l'Europe nous a enseigné, plutôt que le risque de la voir censurer nos dispositions. C'est la raison pour laquelle je souhaite que le Sénat se prononce sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote sur l'amendement n° 176.
M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, vous avez éclairé le débat.
Tout d'abord, il faut se débarrasser de la culture des phobies ou des anxiétés par rapport aux dangers sanitaires. MM Beaumont et Amoudry l'ont dit clairement.
Il s'agit de respecter l'esprit même des AOC. C'est la France, d'ailleurs, qui les a installées et a mis près d'un siècle pour les faire admettre par la Commission européenne. Un rapport très intéressant a été présenté par notre collègue Jean Bizet et, la semaine dernière, le Conseil des ministres de l'environnement, à Bruxelles, a conforté les AOP, symboles européens équivalents aux AOC et associés aux IGP.
Dans le cadre des systèmes de qualité, je regrette que la France n'ait pas davantage utilisé la mention, qui est différente, de Spécialité traditionnelle garantie, ou STG.
L'AOP et l'IGP constituent un lien direct entre la qualité du produit et le terroir où les hommes le cultivent. Elles correspondent à des règles relatives aux techniques de production et de transformation que s'imposent les producteurs dans l'aire d'origine du produit définie par ces labels.
Nous sommes donc en face d'une réalité que nous voulons défendre, celle de la signature de qualité liée au terroir et aux modalités de production. Il est en effet important d'y associer les interprofessions, mais il appartient à ces dernières, à travers l'INAO, de s'imposer des règles interdisant l'utilisation de telle ou telle pratique et donc de telle ou telle manipulation génétique.
Il ne s'agit pas d'entrer dans le faux débat selon lequel « on ne veut pas de ces produits parce qu'ils sont dangereux ». Il s'agit de dire : « on veut respecter les règles qui président à la réalité même des AOC ». Cela a été indiqué, mais j'insiste sur ce point pour éviter de nouvelles tentatives pour entacher le débat et cultiver l'obscurantisme.
Nous sommes là face à une volonté politique de défense des AOC.
Par conséquent, si j'ai bien compris - et je demande à M. le ministre et à M. le rapporteur de nous le confirmer -, nos amendements n'ont plus d'utilité parce que le présent projet de loi est compatible avec le code rural.
Ce texte ne met pas en cause la capacité de l'INAO, en liaison avec les interprofessions, d'interdire telle ou telle méthode ou telle ou telle catégorie de production dans une aire reconnue à l'origine de l'AOC ou de l'AOP.
C'est là un point capital. Si vous nous confirmez qu'il n'y a pas d'opposabilité entre ces deux textes, l'amendement n° 62 rectifié que j'avais cosigné et l'amendement n° 198 rectifié ter que j'aurais pu cosigner n'ont plus de raison d'être. En effet, vous nous garantissez que l'objectif recherché sera atteint.
M. Jean Desessard. Oh là là !
M. Jacques Blanc. Je le répète, n'entachons pas le débat avec des interprétations risquant d'être fausses, dans un sens ou dans l'autre.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Jacques Blanc. C'est tout le mérite de ce texte de sortir de l'obscurantisme...
M. Jean Desessard. Ah bon !
M. Jacques Blanc. ... pour faire place à des analyses objectives, scientifiques, et défendre les signes de qualité de notre agriculture. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Desessard. C'était bien long pour dire : « je le retire » ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Ce débat est vraiment très intéressant à plusieurs égards.
Mais je constate qu'il est plein de contorsions. En effet, nous devrions tous voter cet amendement. Ce que nous essayons de défendre, au-delà des problèmes de technique ou de politique, c'est la qualité. Or, les AOC, en général, traduisent cette volonté.
Il s'agit du respect du terroir, de certaines techniques, mais aussi de la qualité en matière de goût ou au regard de la santé, donc de la mise en valeur de produits vraiment très intéressants à tous points de vue.
On essaie de nous faire croire qu'il faut éviter la présence d'OGM dans les produits pour des raisons diverses, notamment pour faire plaisir à Bruxelles ! Non ! Nous avons la volonté de préserver la qualité des produits dans leur entier.
C'est pourquoi je ne comprends vraiment pas toutes ces contorsions éludant le fond véritable du débat.
Bien entendu, nous voterons cet amendement pour protéger le travail de nos agriculteurs, car il ne faut pas oublier cet aspect du problème. Sinon, comment pourrons-nous développer d'autres AOC ? Je pose la question.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je me permets d'entrer dans cette discussion, car l'un de ces amendements vise, en fait, à insérer un article additionnel après l'article 21 ; mais cela ne change en rien notre décision de ne pas prendre part au vote, car il s'agit bien, dans les deux amendements examinés, d'une mise en culture ; or nous ne sommes pas dans ce schéma.
Je ne résiste pas au plaisir de relever les contradictions de nos collègues René Beaumont et Jacques Blanc.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Ils risquent, si vous me permettez une comparaison d'ordre médical, « un claquage des adducteurs » (Sourires.) en défendant à la fois la culture d'OGM en plein champ et son interdiction dans 20 % du territoire, ce qui souligne bien l'existence d'un véritable problème !
C'est pourquoi, pour notre part, nous demandons une évaluation des essais, et que des prescriptions interviennent avant la mise en culture.
Mon cher René Beaumont, je vous remercie de la démonstration que vous avez faite : nous n'aurions pas fait mieux !
Mme Évelyne Didier. Les pollens s'arrêtent bien sûr aux frontières départementales !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Je n'avais pas prévu de prendre la parole, mais l'occasion est trop belle !
Vous voulez protéger des OGM les parcelles de notre territoire produisant des produits de qualité : ce n'est pas avec une telle démarche que vous allez assurer la promotion desdits OGM ! Une fois de plus, le doute est permis sur cette question.
C'est pourquoi, comme vient de le rappeler à l'instant Daniel Raoul, nous avons besoin, avant la mise en culture, d'une étape d'évaluation par rapport aux produits de terroir, aux appellations d'origine et aux indications géographiques protégées, qui constituent l'identité même de l'agriculture et de l'agro-alimentaire français. Vous ne pourrez pas assurer la promotion des OGM en prévoyant de les exclure de ce qui doit être le fleuron de la France !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je suis, comme mes amis, sensible à la protection des AOC, mais il faut bien sûr veiller à n'être excessif ni dans un sens ni dans l'autre, et garder un certain équilibre. En effet, si l'on va au bout du raisonnement, on ne peut rien planter ailleurs qu'à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, où il n'y a pas d'AOC ! (Sourires.) C'est un point qu'il faut regarder de près.
Je vous ai écouté avec attention, monsieur le ministre, ainsi que notre collègue Jean-Paul Amoudry, concernant les organisations professionnelles et interprofessionnelles.
Je suppose tout de même que, en dehors des instructions que vous allez communiquer à l'INAO, les organisations professionnelles et interprofessionnelles pourront participer aux consultations nationales évoquées hier soir. Je suppose également que vous prévoirez dans le règlement du Haut Conseil la possibilité pour certaines organisations ou personnalités d'être entendues.
M. Jean Desessard. Entendues, c'est toujours possible !
M. Michel Charasse. Certes, mais il vaut mieux que cela figure dans le règlement.
Il convient donc de prévoir tout un dispositif pour que ceux qui ont des craintes - et non pas des fantasmes -, s'agissant de la réputation des productions en AOC, notamment, puissent les faire valoir et que les décisions administratives d'autorisations soient prises en toute connaissance de cause.
Dernier point, je voulais dire à Jean Desessard que j'ai eu beaucoup de plaisir à l'écouter. Lors de l'examen de la loi relative au développement des territoires ruraux, il avait présenté un amendement visant à supprimer le foie gras à cause de la torture infligée aux oies et aux canards pour fabriquer ce succulent produit typiquement français ! Or, comme le foie gras fait partie des appellations d'origine, l'amendement qu'il présente aujourd'hui permet de défendre le foie gras...
Je suis content de cette évolution et je l'en remercie : il y a plus de joies dans le ciel pour un pécheur qui se convertit que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui persévèrent ! (Rires. - Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Daniel Raoul applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. Nous sommes au coeur du débat, comme le disait tout à l'heure notre collègue du groupe CRC, et je suis d'accord avec le propos tenu par Michel Charasse, car il vient de mettre le doigt sur plusieurs points extrêmement importants de ce dossier.
Lors de la discussion générale, à part le groupe communiste républicain et citoyen, au nom duquel un seul orateur est intervenu, tous les groupes politiques ont présenté un duo. Notre collègue Jean Desessard était accompagné de sa collègue Verte, qui est d'ailleurs repartie après nous avoir fait son cours. M. Desessard a au moins le mérite de suivre les travaux, et c'est certainement en nous écoutant qu'il a évolué, comme Michel Charasse l'a relevé ! Si vous incitiez votre collègue à venir plus souvent, monsieur Desessard, peut-être évoluerait-elle également... (Sourires.)
J'ai donc écouté les autres intervenants et, qu'ils appartiennent au RDSE, à l'UC-UDF, à l'UMP ou au groupe socialiste, un vecteur commun est apparu : le progrès est dans les OGM.
En tant que paysan du Périgord, terre de la qualité par excellence, il était important pour moi, en conscience, de me faire un jugement.
Tout d'abord, il me paraît essentiel de savoir quels objectifs nous visons. Sommes-nous là pour empoisonner le monde avec les OGM ? Pouvons-nous les balayer d'un revers de main et ne pas nous y intéresser ?
Il ne faut pas oublier que, à l'heure actuelle, une partie importante de l'humanité ne mange pas à sa faim. Nous nous accordions d'ailleurs à reconnaître que 850 000 habitants étaient concernés aujourd'hui ; dans les cinquante années à venir, ils seront quelque 2,5 millions de plus, pour lesquels il faudrait trouver une solution.
S'agissant de l'eau, les débats ne font que commencer et nous recherchons tous des solutions plus économiques d'utilisation de cette ressource. Or les OGM, en la matière, apportent un certain nombre de réponses.
En termes de pesticides, il y a également beaucoup à dire. En tant qu'arboriculteur, je suis intéressé par une moindre utilisation de pesticides.
M. Jean Desessard. Et moins d'irrigation aussi !
M. Dominique Mortemousque. En cette matière aussi, il existe des pistes de recherche intéressantes avec les OGM.
Compte tenu de ces objectifs, il est important d'appréhender l'intérêt des OGM dans le risque calculé.
Notre pays s'est distingué en adoptant le principe de précaution. Pour ma part, je l'ai voté, non sans inquiétude, mais en considérant que nous vivions une époque complexe et qu'il était important d'informer.
Mais, ce que je veux bannir, c'est le principe du risque zéro, au nom duquel on ne fait plus rien ! En revanche, il me paraît intéressant de rechercher le risque calculé, au plus bas.
Des représentants de mon département m'avaient interpellé sur cette question. Je leur avais répondu, non pas sur le risque zéro, mais sur la façon de faire coexister les différents principes.
À l'échelon de mon département, j'ai demandé quelles étaient les attentes en matière d'OGM. Un document de l'APCA m'a été transmis à ce sujet, et j'ai d'ailleurs cosigné avec Gérard César plusieurs amendements qui s'en inspirent.
J'ai en outre un document dans lequel la FNSEA souligne que le projet de loi crée un cadre réglementaire dont nous avions besoin pour clarifier les choses : donner les moyens aux agriculteurs de faire coexister des cultures biologiques, conventionnelles et OGM.
Nous nous sommes donc engagés dans cette voie.
La France se distingue dans le monde par le nombre d'outils dont elle dispose. Tous les jours, j'entends dire qu'il y a de moins en moins de paysans, de plus en plus d'outils et de techniciens. Ne pouvons-nous pas utiliser ces outils comme des garanties, afin de ne pas faire n'importe quoi ?
Je n'ai pas le sentiment qu'il faut interdire systématiquement toute forme d'OGM pour continuer à faire de la culture biologique ou des AOC.
M. Jean Desessard. Si !
M. Dominique Mortemousque. Il faut l'envisager dans un processus, que notre débat est là pour expliquer. Pour le reste, il ne faut pas se cacher les réalités !
J'ai également un document de la Confédération paysanne illustrant la question des OGM par un croquemort. Le même petit dessin illustrait, voilà vingt-cinq ans, la question de l'énergie nucléaire, nous enjoignant de ne surtout pas nous engager dans cette voie. Dans quelle situation la France serait-elle aujourd'hui si les défenseurs de cette thèse avaient été écoutés ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Exactement !
M. Jean-Marc Pastor. Il faut que ce risque soit calculé !
M. Dominique Mortemousque. Grâce à des gens courageux, qui ont su prendre des risques calculés,...
M. Jean Desessard. Je parlerai d'un calcul risqué !
M. Dominique Mortemousque. ... notre système économique se distingue aujourd'hui de nombreux autres pays en matière d'écologie et de protection de l'environnement.
Dans la poursuite de nos travaux, j'aimerais que l'on fasse confiance aux outils qui sont à notre disposition en France.
Il est donc important que nous soyons les premiers vecteurs d'explications claires sur l'avancement des travaux sur les OGM. C'est quand on est convaincu que l'on convainc le mieux les autres ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Ce débat était nécessaire, mais je voudrais le recadrer et rebondir sur les propos de Mme Didier, qui a fait un amalgame.
Nous sommes dans un débat non pas sur l'aspect scientifique ou sanitaire, mais sur l'image et la signature des produits de qualité, même si ces questions sont éminemment importantes, puisqu'elles concernent 20 % de l'activité des agriculteurs.
Je ne peux pas non plus vous laisser dire, compte tenu de l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et des différentes académies, que les produits sous signe de qualité, de type IGP, sont synonymes de santé. Ces produits sont différents sur le plan organoleptique - le goût, les saveurs, les couleurs -, chacun le reconnaît, mais pas en matière de santé.
Je voudrais également souligner, s'agissant des OGM, une ambiguïté. Certains refusent d'admettre que le transgène est un élément naturel, et non pas une structure artificielle ou une molécule de synthèse. C'est la technologie qui est innovante. La nature nous permet de « faire notre marché » en matière de biologie, de prendre un gène d'intérêt et de l'inclure, par une technologie innovante, dans un nouveau produit.
Je voudrais rappeler que les produits sous signe de qualité qui proviennent de territoires, s'ils s'adressent à un substrat spécifique, sont dus en grande partie au savoir-faire des hommes et des femmes de ces territoires.
Dans ce débat, il me semble que nous nous fourvoyons quelque peu. La loi d'orientation agricole a donné une nouvelle dimension à l'Institut national des appellations d'origine. Le paragraphe V de l'article L 251-1 du code rural stipule clairement que l'autorité administrative peut, par arrêté, prendre toutes mesures d'interdiction, de restriction ou de prescriptions particulières.
Nous disposons de l'établissement public idéal, au-delà des règles classiques de coexistence à l'égard de l'agriculture conventionnelle, pour déterminer des distances supplémentaires pour l'agriculture biologique ou les agricultures sous signe de qualité.
Il y a donc là beaucoup de transparence et de rationalité. N'allons pas plus loin et ne compliquons pas les choses, car ce serait précisément rendre un mauvais service aux produits que nous avons les uns et les autres la volonté de mettre en valeur, un mauvais service à l'agriculture française et à ce qui fait sa spécificité, car, à l'échelon européen, notre pays est le chef de file pour la défense des produits sous signe de qualité.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué. J'ai entendu des réflexions d'ordre général. M. le rapporteur vient d'y répondre avec beaucoup de pertinence, et j'ai apprécié un certain nombre d'interventions qui ont permis de recadrer les choses.
Sur un plan très technique, je veux dire, notamment à M. Amoudry, que ses craintes au sujet de l'interprétation du texte me paraissent non fondées.
Premièrement, ce qui est possible concernant des cultures bénéficiant d'autorisation de mise sur le marché est possible en matière d'expérimentation en plein champ. De ce point de vue, je vous rassure donc : l'autorité administrative peut prendre des mesures restrictives dans tous les cas de figure, et plus facilement lorsqu'il s'agit d'expérimentations.
Deuxièmement, même si le texte que vous avez sous les yeux vise exclusivement les AOC, le même dispositif est applicable sur proposition de l'INAO aux AOP et aux IGP. Ce point est clair, il a été expertisé par nos services.
Enfin, il va de soi que les organisations professionnelles et interprofessionnelles seront entendues. M. Charasse a dit qu'elles pourraient participer à la consultation nationale. Naturellement, l'autorité administrative les consultera avant que toute mesure dont nous parlons actuellement soit prise.
De plus, pour illustrer le fait que le Gouvernement n'en restera pas seulement au stade des déclarations d'intention, je veux dire à René Beaumont et à Jacques Blanc que des instructions très précises seront données à l'INAO.
J'indiquerai simplement que certains décrets concernant des fromages AOC prévoient déjà des mesures restrictives pour l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés dans l'alimentation des animaux producteurs de lait.
C'est donc la preuve que nous avons non seulement la possibilité, mais également la volonté d'utiliser ce dispositif pour protéger nos appellations d'origine contrôlées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Blanc. Très bonne réponse !
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier, pour explication de vote.
M. Jacques Pelletier. Mon collègue Gérard Delfau, qui ne peut pas être présent ce matin, m'a chargé de faire connaître sa position. Il estime que cet article du projet de loi risque, tout de même, de porter un mauvais coup aux appellations d'origine contrôlées.
Je ne sais pas ce qu'il aurait pensé des explications très positives de M. le ministre, mais, avec bon nombre de ses collègues, il souhaitait voter en faveur de ces amendements de prudence.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198 rectifié ter.
M. René Beaumont. Je m'abstiens !
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 16
M. le président. L'amendement n° 201 rectifié bis, présenté par MM. Soulage, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Afin de prévenir la contamination des cultures non génétiquement modifiées, par des essais en plein champ ou des mises en culture d'organismes génétiquement modifiés, des zones de protections peuvent être créées dans le périmètre desquelles l'autorité administrative peut interdire l'implantation de cultures d'organismes génétiquement modifiés.
II. Chaque zone de protection est créée par arrêté de l'autorité administrative au vue des résultats d'une enquête publique.
III. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Initialement, cet amendement avait été déposé après l'article 21, mais j'ai demandé qu'il soit inscrit à cet endroit du texte dans la mesure où il recoupe, à certains égards, mais pas à tous, une partie des sujets dont nous venons de traiter.
Cet amendement a pour objet de permettre, grâce à la création de zones protégées, une coexistence réelle et durable entre les différentes cultures, en empêchant les cultures d'OGM de s'imposer aux autres types d'agriculture - traditionnelle et biologique - en raison des risques d'une possible dissémination.
L'adoption de ce projet de loi dans sa rédaction actuelle ouvre l'ensemble de notre territoire aux essais et à la mise en culture d'OGM.
Pour ma part, je ne suis pas opposé, sur le fond, à cette possibilité, mais je veux être plus exigeant et plus prudent. Rien ne nous oblige à prévoir la délimitation de zones indemnes de cultures d'OGM, mais rien ne nous en empêche non plus !
La Commission européenne affirme dans un rapport publié le 10 mars dernier qu'aucune mesure communautaire ne se justifie pour le moment en ce qui concerne la coexistence des cultures.
Selon ce rapport, la Commission doit impérativement demeurer flexible pour permettre aux vingt-cinq États membres de développer leurs propres mesures sur une telle coexistence. La balle est dans notre camp ; à nous de définir quel niveau de protection nous souhaitons mettre en oeuvre.
Pour ma part, je souhaite que les isolements prévus correspondent bien aux risques encourus. Je n'insiste pas davantage sur ce point puisqu'il relève du domaine réglementaire. Néanmoins, j'ai eu l'occasion de le dire dans la discussion générale, je souhaite que les distances retenues soient comparables à celles qui sont fixées pour les essais.
L'amendement n° 201 rectifié bis reprend le dispositif d'une loi adoptée en 1972 pour la production de maïs semence. Il vise à proposer un cadre général : sur une partie de territoire, à la demande de toute personne physique ou morale, et après autorisation des pouvoirs publics, une zone où la culture d'OGM n'est pas autorisée peut être créée. Il appartient au Gouvernement de fixer les modalités d'instruction et d'application de cette mesure.
Dans mon département, des zones existent déjà pour la production de maïs semence, de betterave porte-grains ou de tournesol. C'est un système que le ministère de l'agriculture sait très bien gérer.
Monsieur le ministre, j'ai confiance en la science et dans les progrès qu'elle peut nous apporter. Toutefois, s'agissant des OGM, les voix autorisées ne sont pas unanimes, et la population reste très réservée.
La loi prévoit de passer brutalement d'une expérimentation toujours très contestée à du « tout OGM ».
M. Daniel Soulage. Je demande que soit pris le minimum de précautions utiles pour protéger notre patrimoine le plus précieux, c'est-à-dire les signes de qualité, l'agriculture bio, Natura 2000. Ces zones pourraient également être instaurées partout où leur création serait justifiée. J'insiste sur le fait que le ministère déterminerait les conditions d'instruction du dossier.
La création de telles zones non seulement rend acceptable les essais et la mise en culture d'OGM, mais également permet de prendre des précautions pour se prémunir contre l'apparition d'effets encore méconnus à ce jour.
Je tiens à souligner que rien ne nous empêchera, dans quelques années, d'évaluer la pertinence de ces zones au regard des résultats des essais et des connaissances. Nous pouvons même d'ores et déjà nous fixer un rendez-vous.
À ceux qui souhaitent que la loi soit immédiatement appliquée, sans restriction, à l'ensemble du territoire parce qu'ils sont sûrs que cela n'aura aucun effet négatif, je veux simplement rappeler que ce texte pourra, d'ici à quelques années, être modifié si leurs certitudes sont confirmées.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la progressivité que permet cet amendement en matière de culture d'OGM rendra certainement beaucoup plus facile l'acceptation de ces cultures, auprès tant des agriculteurs concernés que de nos concitoyens.
Je souhaite très vivement, monsieur le ministre, que cet amendement puisse être pris en compte.
Mon collègue Dominique Mortemousque s'est exprimé en tant que paysan, ancré dans la terre du Périgord. Je veux lui dire que j'interviens moi aussi aujourd'hui plus en paysan de la terre lot-et-garonnaise que comme sénateur !
M. Michel Charasse. Paysan, c'est une appellation contrôlée ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Nous nous sommes déjà largement exprimés sur ce point.
M. le ministre a donné des assurances et a recentré l'Institut national des appellations d'origine sur sa mission, qui est d'édicter des mesures supplémentaires.
Je dirai tout simplement, monsieur le sénateur, que votre amendement est totalement incompatible avec la directive 2001/18/CE. Je vous renvoie, sur ce point, à l'avis rendu par la Cour de justice des Communautés européennes au sujet de l'Autriche.
La lecture de mes anciens livres d'histoire m'a toujours appris que les centristes étaient des pro-européens convaincus. Je ne comprends donc pas votre attitude, qui nous mettrait complètement en porte-à-faux avec la Commission sur ce point.
En conséquence, monsieur Soulage, je vous invite à retirer cet amendement À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. J'ai écouté M. Soulage avec des sentiments contrastés.
Je sais, monsieur le sénateur, que vous êtes un défenseur convaincu de l'agriculture de nos départements et de nos régions, où la qualité est une valeur respectée. Elle est en effet garante de l'économie agricole dans son ensemble, comme cela a été largement dit par les uns et les autres dans le débat précédent. Sur ce plan, je suis tout à fait prêt à vous rejoindre.
Néanmoins, certains de vos développements ne peuvent pas me laisser indifférent, monsieur le sénateur. Vous avez affirmé, notamment, que ce projet de loi nous faisait passer d'un système encadré, contrôlé, à un système où les OGM seraient largement autorisés. Je me permets de vous dire que ce n'est pas exact.
Au contraire - j'insiste sur ce point -, nous renforçons les contrôles, pour une raison d'ailleurs extrêmement simple : la législation dont nous débattons actuellement s'élabore sous la forte influence d'un élément constitutionnel nouveau, à savoir l'adoption de la Charte de l'environnement, donc du principe de précaution, ce qui n'était pas le cas pour les législations précédentes.
Nous sommes donc tenus par la Constitution d'être plus protecteurs que nous ne l'étions. Ce texte comporte des mesures qui garantissent que tous les contrôles, tous les suivis, toutes les mesures de surveillance seront effectués.
Par ailleurs, l'argument juridique avancé par M. le rapporteur est parfaitement exact : de telles mesures de protection absolue tomberaient sous le coup d'un jugement de la Cour de justice des Communautés européennes. C'est une certitude en l'état actuel du droit, et l'exemple autrichien est parfaitement éloquent de ce point de vue !
En revanche, en s'appuyant sur ce texte, il sera possible à l'autorité administrative, après avis du conseil des biotechnologies, de décider de mettre en oeuvre des mesures particulières adaptées aux circonstances, tenant compte des essais ou des cultures, afin d'assurer toutes les protections utiles.
Ce texte sera donc efficace, à condition qu'il ne soit pas d'une portée trop catégorique, ce qui viendrait contredire la directive.
Nous avons les moyens d'assurer des protections. Nous l'avons dit très clairement à propos des AOC. Nous pourrons le faire très largement pour aller à l'encontre de toutes les craintes que vous avez exprimées.
Mais, de grâce, ne courons pas le risque d'une condamnation de la Cour de justice des Communautés européennes : nous serions alors dans une situation évidemment bien pire que celle que vous redoutez, monsieur le sénateur, puisque nous nous trouverions démunis de tout moyen d'action !
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Nous avons évoqué largement, hier soir, cette problématique de la dissémination des OGM, lesquels peuvent s'étendre sur des cultures traditionnelles.
Je comprends l'inquiétude suscitée par la coexistence des cultures biologiques et des cultures d'OGM. Il faut éviter tout contentieux.
Pour ce faire, nous devons, me semble-t-il, nous inspirer de dispositifs qui existent déjà pour les cultures traditionnelles, notamment pour la filière semence ; ainsi, une certaine distance doit être respectée entre deux cultures.
Grâce à l'interprofession, en collaboration avec la DDA de chaque département, des solutions sont trouvées. Pour le maïs, la distance est de 300 mètres, pour le blé, elle est d'au maximum 100 mètres et pour des cultures de betteraves, elle est à peu près de 1 000 mètres ou de 1 500 mètres.
Nous devons donc pouvoir trouver des solutions en nous inspirant de ce qui se fait déjà.
Je comprends qu'un agriculteur cultivant des produits biologiques et voyant s'installer à vingt mètres de sa parcelle une culture d'OGM se pose des questions.
Pour résoudre ce problème, il conviendrait que l'amendement n° 201 rectifié bis envisage des périmètres de protection s'inspirant des règles établies pour la filière semencière en collaboration avec l'INAO, les DDA et l'interprofession. Cet ajout pourrait rassurer les exploitants de produits biologiques ou traditionnels et permettrait la coexistence.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. J'ai entendu avec beaucoup d'intérêt M. le rapporteur et M. le ministre rappeler le droit européen. Il nous faut avoir dans cette enceinte un comportement responsable.
La directive européenne que nous cherchons à transposer dans notre droit positif n'a d'existence que parce que le gouvernement français a été parmi ceux qui ont opté pour son adoption. Le projet de loi dont nous débattons est le strict calque de la décision communautaire. Je suis donc très étonné qu'une formation politique ayant dirigé le gouvernement précédent ...
M. Thierry Repentin. Et le prochain !
M. Josselin de Rohan. ... se trouve aujourd'hui en position de ne pas voter en faveur de la transposition d'une directive portant la signature du chef du gouvernement de l'époque, M. Lionel Jospin, qui s'est engagé dans cette affaire.
M. Jean-Marc Pastor. Pas du tout !
M. Josselin de Rohan. Je sais ce que je dis !
M. Thierry Repentin. Nous ne sommes pas des béni-oui-oui !
M. Josselin de Rohan. Je me tourne également vers ceux de nos collègues qui, par leurs amendements, essaient de nous faire adopter des dispositions qui sont totalement contraires à la loi et à l'esprit de la directive. Je tiens à leur dire que nous ne pouvons pas l'accepter ; sinon, cela reviendrait à renier la signature de la France.
C'est pourquoi l'amendement de notre sympathique et excellent collègue M. Soulage, qui est en totale contradiction avec la directive, est moralement inacceptable.
M. Jean Desessard. Sympathique, mais irresponsable donc !
M. Josselin de Rohan. Par conséquent, nous voterons contre. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. L'amendement de notre collègue Daniel Soulage m'interpelle d'une double façon. D'un côté, son message m'agrée et, de l'autre, moins. Quoi qu'il en soit, il faut apporter une réponse au problème qu'il soulève.
Afin que les agriculteurs pratiquant un certain nombre d'activités sur leur territoire puissent continuer à le faire à l'avenir, M. Soulage dit qu'ils doivent obtenir des garanties de bonne fin. Notre collègue Rémy Pointereau reprend cette idée sous l'angle des semenciers. J'appartiens à ceux qui sont d'accord.
Mais, dans le même temps, j'entends M. le ministre et M. le rapporteur affirmer que toutes les garanties juridiques nécessaires existent.
Je vous crois donc, messieurs ! Sinon, nous serions tous des pantins !
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Dominique Mortemousque. Je pense donc sincèrement que nous disposons des outils juridiques nécessaires pour répondre au problème évoqué par Daniel Soulage.
En revanche, je perçois beaucoup moins bien le second message. Notre collègue Daniel Soulage me fait penser à François Fortassin, qui, dernièrement, disait à peu près ceci : « Votre truc, c'est pas mal, mais il ne passe pas très bien dans la rue. Alors, pour l'instant, ce serait bien de riper un peu, car vous avez déjà le CPE sur les bras ; n'y ajoutez pas les OGM ! ».
Moi, quand je suis convaincu de quelque chose, je le défends. Et s'il le faut, j'irai affronter la rue ! (Mme Janine Rozier applaudit.) Ne marchons donc pas en crabe, fonçons directement !
Le problème de fond, c'est de pouvoir offrir les garanties de bonne fin. Je suis intimement convaincu que, pour la ferme du Lot-et-Garonne comme pour celle du Périgord, on pourra le faire.
Autrement, comme l'a dit Michel Charasse, on risque de s'embarquer dans un système dans lequel plus de 80 % du territoire en France ne pourra pas cultiver d'OGM. Dans ces conditions, il ne resterait plus qu'à plier bagage, à renvoyer à plus tard le problème des OGM et à continuer à payer les amendes, avant de revenir devant le Parlement dans dix ans pour régler cette question !
En agissant ainsi, on accumulerait un retard, qui nous a déjà coûté cher. Aujourd'hui, l'important, pour la France, c'est de ne pas prendre davantage de retard. C'est la raison pour laquelle je défends les OGM et l'application immédiate du texte. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. L'examen de l'amendement de M. Soulage était initialement prévu après l'article 21, puisque cela coïncidait avec la logique du débat. Désormais, il vient en discussion après l'article 16.
Si je me permets d'intervenir, c'est parce que cet amendement apporte un élément supplémentaire au débat. Il concerne, notamment, l'un des points auxquels nous sommes très attachés, à savoir l'application par étapes du principe de précaution.
La première étape consiste à continuer les expérimentations en milieu confiné ou en milieu naturel. L'amendement n° 201 rectifié bis apporte justement à cet égard des précisions supplémentaires qui permettent à la société d'en savoir un peu plus avant de se prononcer définitivement sur un texte qui est somme toute majeur. Il y a donc là un apport important.
J'ai bien entendu les propos qui se réfèrent à la directive européenne : tantôt on nous l'oppose, tantôt on met en avant la marge de manoeuvre du législateur français. Une fois, c'est l'un, une fois, c'est l'autre ! (M. Josselin de Rohan fait un signe de dénégation.) J'aimerais bien qu'on finisse par adopter une ligne de conduite. En tant que législateur français, nous avons à nous prononcer avec nos tripes et nos sentiments sur ce qui nous semble bon sur ce type de question.
M. Josselin de Rohan. Bravo !
M. Jean-Marc Pastor. Nous comprenons parfaitement, monsieur de Rohan, qu'il y a une directive et que vous la mettiez en avant. Mais la première directive remonte à 1998, alors que nous sommes en 2006 ! Elle prévoyait des étapes nécessaires, liées à une meilleure connaissance par la société de ces questions de fond. Il s'agissait d'étapes importantes en matière de recherche publique et de recherche fondamentale.
Je regrette que vous n'ayez pas pu participer à la totalité du débat, car ces questions ont été largement évoquées. On a d'ailleurs unanimement regretté que la recherche publique apporte peu de réponses, car, ne l'oublions pas, cette dernière reçoit peu si ce n'est aucune commande. (M. le ministre délégué proteste.)
M. Dominique Mortemousque. Vous ne pouvez pas dire ça ! Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Marc Pastor. J'en veux pour preuve que l'INRA n'a aujourd'hui reçu aucune commande publique pour permettre d'apporter une réponse à la société sur cette question de fond. C'est un vrai problème !
M. Josselin de Rohan. Vous êtes de mauvaise foi !
M. Jean-Marc Pastor. J'en reviens à l'amendement n° 201 rectifié bis.
Avec Daniel Soulage, nous sommes tous les deux d'une région qui a une vieille pratique de culture semencière, notamment du maïs. Qu'est-ce que cela signifie ?
Localement, des débats ont lieu en permanence entre agriculteurs, entre syndicats agricoles. Quand ce ne sont pas les syndicats agricoles, ce sont les maires de la région qui veulent essayer de créer des îlots. Lorsque ce n'est pas l'élu local, c'est l'administration qui provoque des rencontres locales.
Tout cela me rappelle - je suis obligé de vous le dire, monsieur le ministre - la notion de commission locale d'information et de suivi. Sans le savoir, cela se pratique en partenariat dans nos régions depuis longtemps afin de pouvoir isoler des espaces qui permettront la culture semencière sans pour autant provoquer des dysfonctionnements avec des productions similaires.
L'amendement n° 201 rectifié bis vise à mettre en place des espaces réservés pour les OGM. Cette disposition permettra non seulement d'avoir localement un débat afin de ne pas perturber l'agriculture traditionnelle, mais aussi d'assurer un prolongement à la recherche, car nous en avons bien besoin.
Nous adhérons pleinement à cette démarche. C'est la raison pour laquelle, s'agissant d'un amendement tendant à insérer un article additionnel, nous participerons au vote.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Mes chers collègues, vous connaissez ma position : je suis opposé à la coexistence des différentes cultures. Malgré tout, je voterai cet amendement, même si j'aurais préféré qu'il y soit écrit « grandes zones de protection » ou « périmètres qui intègrent toutes les zones AOC », afin que le maximum de territoires soient préservés de la culture d'OGM.
Des sénateurs d'un bord opposé au mien ont défendu des amendements pour protéger les zones AOC. Ils sont intervenus sur ce point en commission et, aujourd'hui, ils ont argumenté longuement, brillamment, car ils savent qu'ils doivent défendre les intérêts des agriculteurs de leur région, lesquels font des efforts pour avoir une agriculture de qualité, reconnue.
Mais il a été demandé à nos collègues de retirer leurs amendements, la raison invoquée étant que ce serait trop grave de les adopter et que l'INAO leur donnera de tout façon satisfaction.
Or, avec cet amendement n° 201 rectifié bis, on s'aperçoit que l'Europe refusera la création de zones protégées. C'est grave ! Dans ces conditions, il n'y a plus aucun pouvoir, plus aucune solution ! Si vous croyez que l'INAO pourra ensuite étendre les zones protégées alors que nous ne l'aurions pas inscrit dans la loi, vous vous faites des illusions !
Monsieur Mortemousque, vous avez choisi l'agriculture. Partant de là, vous foncez : en homme d'action, vous décidez qu'elle doit exporter, être moderne, et peu importe si votre choix crée des difficultés !
M. Dominique Mortemousque. J'ai choisi la coexistence !
M. Jean Desessard. Vous avez tort. Cette politique d'exportation ne nous amènera rien. Et vous en verrez un jour les résultats, avec des épidémies à répétition !
Il vaudrait mieux créer une agriculture de proximité, reconnue, et préserver des zones. Ainsi, nous aurions la possibilité d'avoir une agriculture vivrière de proximité. Je ne suis donc pas sûr que cette fuite en avant soit utile à l'agriculture.
M. Josselin de Rohan. C'est un sénateur de Paris qui s'exprime !
M. Jean Desessard. Quoi qu'il en soit, nous en reparlerons.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Avec l'amendement n° 201 rectifié bis, nous sommes au coeur même de la principale problématique du projet de loi.
Le fait de créer des îlots s'oppose à une autre conception, celle d'une présence, que l'on pourrait qualifier de « disséminée », de cultures et de parcelles d'OGM un peu partout dans l'hexagone.
Cela montre bien le caractère irréversible des grandes cultures d'OGM. Ce danger est susceptible de se concrétiser. Or ces cultures ne sont pas suffisamment connues sur le plan scientifique ni suffisamment maîtrisées, comme nous l'avons souligné à maintes reprises dans ce débat.
En adoptant le projet de loi visant à transposer la directive européenne, nous allons porter un coup mortel aux actuels labels et AOC et, pis encore, à ceux qui auraient éventuellement pu être attribués.
Notre position est donc tout à fait en cohérence avec l'opposition que nous avons montrée à la prétendue nécessité de culture de masse d'OGM. Nous pensons que les orientations qui doivent être réservées aux OGM de demain ne sont pas celles-là. Nous n'en avons pas besoin. Il existe d'autres moyens, plus traditionnels, pour améliorer la rentabilité et pour augmenter les quantités produites.
Commençons d'abord par supprimer les 10 % de terres en jachère, ce sera un premier progrès. Ensuite, on pourrait travailler, puisque nous sommes particulièrement déficitaires dans ce domaine, à l'amélioration en protéines de ce que nous produisons. Ce sont ces priorités, et non la situation prévue par la directive, qui devraient être mises en avant.
Nous voterons donc cet amendement. Même s'il n'est pas totalement satisfaisant, il a au moins l'intérêt de mettre le doigt sur toute la problématique de ce texte.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. La commission et le Gouvernement ont été très clairs : les espaces réservés, c'est non ! Cette mesure est contraire à la directive et, si nous l'adoptions, nous serions irrémédiablement condamnés par la Cour de justice des Communautés européennes. Il suffit de relire les textes !
Et nous n'allons pas entériner la dérive de dix-huit présidents de conseil régional, dont Mme Royal, consistant à déterminer des régions carrément « OGM free ». Notre collègue Michel Charasse l'a clairement dit, cela ne trompe personne ! (M. Michel Moreigne s'exclame.)
En ce qui concerne l'hypothèse d'une distance supplémentaire, évoquée par notre collègue Rémy Pointereau, je suis d'accord sur l'esprit d'une telle disposition. Mais cette dernière relève du domaine réglementaire.
Quand il s'agira de produits placés sous le signe de la qualité, cela relèvera donc de la compétence de l'INAO. Concernant les produits conventionnels comme les semences, rien n'empêche les DDA d'opérer des contractualisations entre les acteurs privés que sont les agriculteurs.
Mais cette mesure ne peut être inscrite dans la loi parce que, là encore, nous ne serions pas dans l'esprit qui doit guider la transposition de la directive.
Enfin, je voudrais m'adresser à notre collègue Jean-Marc Pastor, qui m'avait habitué jusqu'à maintenant à une forme d'honnêteté intellectuelle plus structurée. Je l'entends dire qu'il faut encore donner du temps au temps et qu'il faut encore des étapes.
M. Jean-Marc Pastor. Non ! Je n'ai pas dit cela !
M. Jean Bizet, rapporteur. Cela fait dix ans que l'on travaille là-dessus et que la France avance à petits pas. Pendant ce temps, d'autres pays avancent vraiment.
Il y a 90 millions d'hectares de cultures d'OGM de par le monde, et simplement quelques dizaines d'hectares en France.
Vous déplorez l'insuffisance des cultures et des évaluations. Mais 50 % d'entre elles sont détruites, année après année, par des faucheurs volontaires ! Comment voulez-vous avoir des évaluations supplémentaires si elles sont détruites ? (M. Jean-Marc Pastor acquiesce.)
Arrêtons tout cela ! Nous sommes sur ce type de sujet depuis une heure. Le Gouvernement a apporté toutes les assurances nécessaires. Je n'irai pas plus loin. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué. Comme M. de Rohan l'a rappelé, quand il y a des obligations et des engagements européens, il appartient aux assemblées parlementaires de les respecter. Mesdames et messieurs les sénateurs, la France est liée par des engagements internationaux et, singulièrement, par ses engagements européens. (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.)
Nous savons, parce qu'il y a une jurisprudence en la matière, que l'Autriche a été condamnée pour avoir voulu créer des zones délimitées dans lesquelles les cultures d'OGM sont strictement interdites.
Voulez-vous que nous subissions une condamnation de cet ordre ? La réponse est évidente.
En revanche, monsieur Soulage, il sera tout à fait possible de mettre en place les mesures de protection nécessaires pour assurer la coexistence à laquelle nous sommes parfaitement attachés s'il s'agit de mesures particulières, adaptées à tel ou tel type de culture et mises en oeuvre département par département. C'est l'esprit même de ce texte.
Monsieur Pastor, je vous ai entendu à l'instant oser dire qu'aucun effort de recherche n'était entrepris sur des sujets tels que ceux qui nous intéressent aujourd'hui. Vous ne seriez pas au courant de ces réalités, je pourrais mettre cela sur le compte de l'ignorance ; mais je sais que tel n'est pas le cas, car vous avez beaucoup travaillé et vous connaissez les organismes de recherche qui s'en occupent.
L'INRA est très occupé par tous ces sujets dont nous débattons aujourd'hui. Cet institut est chef de file européen dans un grand programme sur la coexistence des types de cultures.
L'agence nationale de la recherche a, en 2006, décidé de consacrer 16 millions d'euros pour les développements en biotechnologie, 18 millions d'euros sur le thème de l'agriculture et du développement durable et 15 millions d'euros sur le thème de l'alimentation et de la nutrition, thèmes dont nous discutons en ce moment. Il y a donc un effort de recherche considérable.
Tout cela est indissociable. Le dispositif proposé nous permet d'expérimenter et de commercialiser des OGM avec toutes les garanties de sécurité en termes d'innocuité pour la santé et de protection de l'environnement. Notre appareil de recherche est le premier au niveau européen dans ces matières, et il nous permet d'avoir l'éclairage scientifique nécessaire pour prendre des décisions en connaissance de cause. Il ne s'agit que de cela.
Sachons adopter des dispositifs solides, fiables et durables qui résisteront à d'éventuelles procédures contentieuses. Ces mesures nous permettront - c'est l'intention de la plupart d'entre vous, je crois - d'avoir une démarche raisonnée et scientifiquement éclairée pour ne pas fermer la porte au progrès et, en même temps, pour donner toutes les garanties à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour explication de vote.
M. Daniel Soulage. Je n'ai pas été rassuré par les propos tenus tant par M. le rapporteur que par M. le ministre, car je ne partage pas la même analyse, s'agissant de la protection par l'INAO.
Monsieur le ministre, en ce qui concerne les problèmes de transposition de la directive, je remarque que certaines dispositions sont transposées et que d'autres, comme la coexistence des cultures, sont au contraire laissées à l'appréciation des États membres ; cela a encore été réaffirmé ces jours-ci.
Monsieur le rapporteur, la comparaison avec l'Autriche n'est pas appropriée.
Si l'on considère les termes de la loi régissant les semences, on peut estimer que c'est l'État qui fera l'instruction du dossier et l'application de ces mesures. Il ne faut donc pas faire d'amalgames.
Les ministres de l'agriculture se réuniront début avril pour discuter des problèmes de coexistence des cultures. Pouvoir montrer que la France défend tous ses joyaux en matière d'agriculture et de territoires de qualité serait à mon avis un formidable appui.
Cette démarche prudente correspond parfaitement, pour moi, au principe de précaution.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Daniel Soulage. Sinon, je ne comprends vraiment pas ce que recouvre ce principe !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 201 rectifié bis.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UC-UDF.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 156 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 160 |
Contre | 164 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Michèle André.)