Article 20
Les dispositions des articles 4, 5 et 8 de la présente loi sont applicables à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises. - (Adopté.)
Article 21
Aux articles L. 141-1, L. 142-1, L. 143-1, L. 144-1 et L. 145-1 du code de la recherche, les mots : « de l'article L. 113-3 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 113-3, L. 114-1, L. 114-1-1, L. 114-2, L. 114-3, L. 114-3-1, L. 114-3-2, L. 114-3-3, L. 114-3-4, L. 114-3-5 ».
Aux articles L. 261-1, L. 262-1, L. 263-1 et L. 264-1 du code de l'éducation, la référence à l'article L. 242-2 est supprimée à compter de l'entrée en vigueur de l'article 5 de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. Blin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les références :
L. 114-2, L. 114-3,
La parole est à M. Maurice Blin, rapporteur.
M. Maurice Blin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement tendant à une rectification.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 21
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du second alinéa de l'article L. 113-1 du code de la recherche, les mots : « Le plan » sont remplacés par les mots : « La politique ».
La parole est à M. Henri Revol, rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel tendant à remplacer les mots : « le plan de la nation » par les mots : « la politique de la nation », puisque le plan n'existe plus.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
L'amendement n° 52, présenté par M. Blin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du premier alinéa de l'article L. 113-2 du code de la recherche, les mots : « le budget civil de recherche et de développement technologique » sont remplacés par les mots : « La mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur »
La parole est à M. Maurice Blin, rapporteur.
M. Maurice Blin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel tenant compte de la disparition du « budget civil de recherche et de développement technologique » et visant à remplacer cette expression par les mots : « la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur », appelée aussi « MIRES ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
Article 22
L'article 5 de la présente loi entre en vigueur à la date d'installation du conseil de l'Agence d'évaluation de la recherche mentionnée à l'article L. 114-3-1 du code de la recherche. - (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Article additionnel avant l'article 3 ou après l'article 22 (précédemment réservé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements tendant à insérer dans le projet de loi un article additionnel identique.
L'amendement n° 114, présenté par MM. Bel et Michel, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Bricq, M. Raoul, Mme Blandin, MM. Bodin, Picheral, Saunier, Sueur, Todeschini, Trémel, Lise, Gillot, S. Larcher et les membres du groupe Socialiste et rattachés, tend à insérer cet article additionnel après l'article 22.
L'amendement n° 116, présenté par M. Fischer, Mme Borvo Cohen-Seat, M. Renar et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, vise à insérer le même article additionnel avant l'article 3.
L'article additionnel proposé est ainsi rédigé :
L'article 4 de la loi n° 2005-258 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour défendre l'amendement n° 114.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long de nos débats, qui ont été de grande qualité et au cours desquels chacun a essayé de jouer un rôle constructif, a été mise en avant l'importance des travaux des enseignants, des chercheurs, ainsi, d'ailleurs, que leur nécessaire indépendance.
Il s'agit là d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République et par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 janvier 1984.
Par cet amendement que j'ai l'honneur de présenter, nous demandons l'application de ce principe, et il nous paraît de ce fait totalement adapté à la loi de programme pour la recherche que nous examinons.
Nul, ici, n'ignore que, le 23 février dernier était promulguée une loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
À l'issue de nos travaux, mon groupe s'était prononcé contre ce texte. Je veux, en ma qualité de président du groupe socialiste, exprimer solennellement notre opposition pleine et entière à l'article 4 de cette loi et confirmer que nous ne nous reconnaissons dans aucun autre commentaire, aucune intervention qui aurait pu être formulé à ce sujet.
Cet article 4 institue en effet une obligation aux programmes scolaires de reconnaître « en particulier le rôle positif de la présence française d'outre-mer, notamment en Afrique du Nord ».
Comment une loi censée apaiser les douloureuses séquelles de la guerre d'Algérie a-t-elle pu susciter tant d'émoi ? Comment expliquer non seulement l'émoi, mais aussi la mobilisation provoquée par cette disposition malencontreuse, qui a conduit de très nombreuses personnalités, jusqu'aux plus hautes autorités de la République, à vouloir revenir dessus ?
En effet, l'insertion dans la loi d'une telle injonction a été interprétée comme la volonté d'écrire une « histoire officielle ».
Une telle démarche s'inscrit en totale contradiction avec les exigences de neutralité et de laïcité qui s'imposent à notre République et à son service public d'enseignement, lequel bénéficie de l'autonomie pédagogique reconnue dans le code de l'éducation, tant par l'article L. 711-1, pour l'enseignement supérieur, que par l'article L. 311-2, pour les établissements d'enseignement, à savoir les écoles, les collèges et les lycées.
Nous regrettons cette intrusion du pouvoir politique, qui tente d'imposer un sens à donner à des événements historiques. Cette interprétation partisane de la législation constitue un déni d'histoire. Nous souhaitons que les recherches sur la période concernée puissent se poursuivre dans la sérénité et de manière scientifique et objective.
Cet article a, je l'ai dit, provoqué un tollé légitime. Il importe de rétablir la sérénité.
Tel est l'objectif que nous recherchons par cet amendement, qui reprend de nombreuses initiatives du groupe socialiste : dès le 27 juin, en effet, mes collègues M. Jean-Pierre Michel et Mme Bariza Khiari demandaient, dans un article paru dans la presse nationale, l'abrogation de cet article ; dès le 4 juillet, j'ai saisi le Premier ministre, et notre groupe a déposé une proposition de loi allant dans ce sens.
Je regrette, incidemment, que ma demande, réitérée, d'inscrire cette initiative à l'ordre du jour d'une séance mensuelle réservée à l'initiative parlementaire ait été rejetée à deux reprises.
Je regrette également que la majorité n'ait pas saisi l'occasion donnée par les députés socialistes, le 29 novembre dernier, de réparer cette erreur parlementaire. Dès lors, parce qu'elle a persisté dans l'erreur manifeste, ce refus d'autocritique est devenu une faute.
À l'Assemblée nationale, on a entendu des propos s'abandonnant à la caricature, au mépris d'une sensibilité forte d'une partie de nos compatriotes, des prises de position qui nous mettent en difficulté dans notre volonté de rapprochement avec des pays comme l'Algérie, des invectives qui stigmatisaient certains membres du Gouvernement en fonction de leur origine.
C'est surtout aux Antilles que cet entêtement a le plus choqué, à tel point que le numéro 2 du Gouvernement a dû annuler un déplacement.
Mes collègues Claude Lise, Serge Larcher et Jacques Gillot m'ont ainsi demandé de réitérer cette demande d'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février 2005.
Comment, en effet, construire une identité sur ce déni de mémoire ? Comment ne pas comprendre que cet article blesse ceux qui, de nationalité française depuis des générations mais descendants d'esclaves ou de peuples colonisés, se sentent trop souvent, notamment lorsqu'ils vivent en métropole, ostracisés, discriminés, « ghettoïsés » ?
L'intervention du Parlement dans le champ de la mémoire n'est légitime qu'à la condition qu'il existe un consensus national. La loi doit construire une mémoire partagée. La communauté nationale ne peut se retrouver divisée autour de sa propre histoire. La loi n'a pas non plus vocation à trancher les rapports entre l'histoire et la mémoire.
Les lois mémorielles, qui apaisent les mémoires blessées, ne peuvent conduire à écrire une histoire officielle. La limite, si elle est parfois difficile à saisir, a manifestement été dépassée. Dans un souci d'apaisement tant des anciennes populations autrefois colonisées que de la communauté scientifique et éducative et de tous ceux qui se sont sentis blessés, nous souhaitons aujourd'hui que le Sénat accède à notre demande de supprimer l'article 4 de la loi du 23 février 2005.
Le Sénat confirmerait ainsi qu'il est, comme il se présente souvent, la sagesse de la République. Cette abrogation apporterait la démonstration de la volonté du Parlement de réfléchir avec sérénité à son rôle dans le domaine de la mémoire et de l'histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 116.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, m'étant largement exprimé sur le contexte dans lequel fut élaboré cet article 4 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés et ayant largement participé, depuis pratiquement une année, aux débats concernant la demande d'abrogation de cet article 4, je m'attacherai aujourd'hui exclusivement aux conséquences qui m'amènent à réclamer, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, l'abrogation de l'article 4, qui dispose en particulier ceci : « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer ».
Il me paraît urgent, ici, de clarifier le rôle respectif bien compris des politiques et des historiens.
En tant que parlementaire, je pense avoir légitimement milité et voté en faveur de la reconnaissance du génocide arménien et de la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie. Cela ne m'empêche pas de reconnaître, avec de nombreux historiens, qu'il n'appartient pas aux politiques d'écrire ou de réécrire l'histoire. Celle-ci est trop complexe, comme l'écrivaient récemment MM. Claude Liauzu et Gilbert Meynier, professeurs émérites, pour être jugée en termes d'aspects positifs et/ou négatifs.
C'est ainsi que les accords de Nouméa mentionnaient à la fois des « lumières » et des « zones d'ombre ».
Dans les deux textes dont je viens de parler, nous avons aidé à qualifier, à clarifier des faits. Nous n'avons pas interprété. Il en va de même pour la loi Taubira-Delanon, condamnant l'esclavage comme crime contre l'humanité, et la loi Gayssot, qui a pour objet de lutter contre le négationnisme de la Shoah.
Je ne peux souscrire à ce qu'a écrit Mme Françoise Chandernagor dans le Monde du 17 décembre.
M. Alain Gournac. Quelle erreur !
M. Guy Fischer. Je ne crois pas que le Parlement ait « ouvert la boîte de Pandore » en votant des « lois mémorielles » sacralisant le malheur de chaque fraction de la population.
Je crois sincèrement, en revanche, que l'historien, pour mener à bien sa mission, a parfois besoin de l'apport du politique lorsque celui-ci légifère sur des valeurs républicaines.
M. Patrice Gélard. Oh là là !
M. Guy Fischer. Je demeure cependant très modeste.
Nous sommes là sur une ligne de crête délicate. Peut-être m'arrivera-t-il un jour de me demander si je dois légiférer ou non ? J'en accepte l'augure.
En attendant, je réclame, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, et ce pour un certain nombre de raisons.
En effet, cet article impose une histoire officielle, ce qui est contraire à la mission des chercheurs et des enseignants ; il impose un « positif » et un « négatif » qui n'existent pas en histoire.
Il est de nature à provoquer des réactions de violence dans les départements et territoires d'outre-mer, où le souvenir de l'esclavage, qui fait partie du passé colonial, demeure vivace car non encore assumé, y compris au sein des jeunes générations.
Enfin, il encourage tous ceux qui cherchent aujourd'hui à réactiver les réflexes nationalistes, communautaristes, au détriment de la place que les jeunes générations issues de l'immigration récente sont en droit de se constituer.
Il ne s'agit, aujourd'hui, ni de sublimer certains aspects du passé ni de favoriser des antagonismes, mais bien de laisser aux historiens leur espace de recherche et d'enseignement qui rende compte de la complexité des phénomènes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les deux orateurs qui viennent de s'exprimer.
Nous faisons nôtre la constatation que je lis dans l'exposé des motifs de l'amendement déposé par M. Bel : « Il importe de laisser le débat sur l'histoire de la présence française outre-mer se poursuivre afin de permettre aux universitaires et aux historiens de dégager progressivement, à travers les documents disponibles et les témoignages, les éléments de faits qui permettront d'établir la vérité historique. »
Nous y sommes invités par un grand nombre d'historiens, qui ont écrit aux présidents des groupes parlementaires de la Haute Assemblée pour demander l'abrogation non seulement de l'article 4 de la loi susmentionnée, mais aussi des dispositions de la loi Taubira-Delanon, de la loi Gayssot...
M. Alain Gournac. Oui !
M. Josselin de Rohan. ...et de la reconnaissance du génocide arménien, car les lois en question ont été des lois mémorielles votées par nos assemblées souvent à l'unanimité.
Si je considère, comme M. Bel, qu'on ne peut pas laisser à la loi le soin de qualifier des faits historiques, j'estime qu'on ne peut pas davantage accepter que l'histoire soit instrumentalisée par les partis politiques...
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Josselin de Rohan. ...pour le besoin de leurs conceptions.
Or, par rapport à l'analyse de M. Bel, que je pourrais faire mienne, l'exposé des motifs de l'amendement déposé par nos collègues du groupe CRC est, lui, d'une tout autre inspiration.
Les auteurs de l'amendement n° 116 estiment en effet que l'article 4 de la loi du 23 février 2005, que nous avons voté dans une rédaction dont je conviens volontiers qu'elle était plutôt maladroite, « conduit à passer sous silence les horreurs de l'époque coloniale, et que cette présentation partiale de l'histoire compromet le devoir de mémoire qui oblige à la lucidité. »
Je poursuis la lecture de l'exposé des motifs, et tout est dans la dernière phrase : « Cette disposition est primordiale pour l'élaboration future des programmes de recherche historique » !
Alors que M. Bel nous dit qu'il ne faut pas donner d'injonction à ceux qui enseignent l'histoire, mais qu'il importe au contraire de les laisser qualifier eux-mêmes les faits, l'amendement du groupe communiste républicain et citoyen vise à imposer l'enseignement d' « un politiquement correct » dans les établissements scolaires. Nous récusons cette manière de voir ! C'est pourquoi nous faisons nôtre la proposition du Président de la République de créer une commission composée de parlementaires et d'universitaires, qui devra réfléchir sur les événements survenus après le vote de la loi Gayssot et des lois relatives au génocide arménien ou à la reconnaissance du rôle des rapatriés en Afrique du Nord, et devra envisager des solutions pour que, à l'avenir, les sensibilités des uns et des autres soient respectées.
Nous ne devons pas, dans ce contexte passionnel, prendre de décisions hâtives, et nous souhaitons que cette commission puisse faire son travail. Dans le délai de trois mois dont celle-ci dispose, elle ne manquera pas de rendre un rapport et de faire des propositions.
Dans l'immédiat, je ne souhaite pas, mes chers collègues, que nous allions plus loin. En effet, monsieur Bel, si nous abrogions cet article 4, la totalité de l'hommage que nous avons voulu rendre aux rapatriés serait supprimée.
M. Jean-Pierre Bel. Mais non !
M. Josselin de Rohan. Mais si !
En effet, les premières phrases de l'article 4, qui n'étaient pas modifiées par le sous-amendement de M. Vanneste, constituaient un hommage au rôle des rapatriés d'Algérie. Or si nous abrogeons purement et simplement cet article, nos compatriotes harkis, qui ont souffert dans leur chair des événements d'Algérie, et les rapatriés d'Algérie, qui ont connu des événements profondément douloureux, seront heurtés dans leur sensibilité, comme l'ont d'ailleurs été nos compatriotes antillais.
Je demande donc instamment qu'au lieu de légiférer sous l'effet de l'émotion, nous donnions à cette commission le temps de faire des propositions et de réfléchir, afin que plus personne, à l'avenir, ne soit plus heurté dans sa sensibilité et dans ses croyances par le contenu d'un texte législatif.
Enfin, je souhaite que nous cessions de voter, comme nous l'avons fait, des lois mémorielles, car il s'agit d'un dévoiement de la loi ! La loi est faite pour prescrire ou pour interdire, et non pour qualifier des faits historiques, quels que soient les bons sentiments qui l'inspirent.
On peut faire, mes chers collègues, de la mauvaise politique avec de bons sentiments ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Valade, rapporteur. La commission spéciale, qui a étudié ce projet de loi de programme pour la recherche, s'est naturellement penchée aussi sur les amendements nos 114 et 116.
La majorité des membres de la commission considère que ces amendements sont sans rapport avec l'objet du présent projet de loi, qui concerne l'organisation de notre système de recherche et non pas le contenu des programmes de recherche, surtout pas, a fortiori, celui des programmes scolaires, évoqués dans l'article précité.
En outre, l'article 4 de la loi du 23 février 2005, dont il est proposé l'abrogation, a suscité, comme vient de le dire M. de Rohan, des réactions d'une passion telle que M. le Président de la République est intervenu, le 9 décembre dernier, afin d'apaiser les débats. Il a confirmé qu'il n'était pas question d'imposer une histoire officielle et qu'il appartenait bien aux historiens d'écrire l'histoire.
Il a été proposé au président de l'Assemblée nationale de conduire une mission chargée d'évaluer l'action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l'histoire.
Alors que les députés qui sont à l'origine de cette disposition controversée ont rejeté, le 29 novembre dernier, une proposition de loi tendant à abroger cet article, il semble plus sage, monsieur Bel, d'attendre les conclusions de cette mission confiée à M. Debré, qui devraient être rendues dans un délai de trois mois. Celles-ci s'appuieront sur une réflexion à laquelle seront associés, entre autres, des historiens.
La commission spéciale a donc considéré qu'il était inopportun de proposer dans la précipitation, au détour du présent projet de loi, de revenir sur cet article de loi, dont la portée dépasse largement l'objet du texte que le Sénat examine aujourd'hui.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Si une vérité peut nous rassembler, c'est bien celle selon laquelle l'histoire, qu'elle s'écrive dans les travaux de recherche ou universitaires, ou dans les manuels scolaires, est l'oeuvre des historiens, et non des pouvoirs publics, ou des femmes et des hommes politiques.
Je tiens également à dire que nous comprenons l'émotion d'un certain nombre de nos compatriotes. Cette émotion est profondément respectable, comme a pu l'être, dans d'autres circonstances, celle de nos compatriotes rapatriés.
Le Premier ministre s'est exprimé avec beaucoup de clarté. Le Président de la République, quant à lui, s'est adressé aux Françaises et aux Français et a proposé, afin de répondre de manière adéquate à cette situation, la création d'une mission pluraliste, dont la présidence a été confiée au président de l'Assemblée nationale.
Cette commission dispose d'un délai bref pour rendre ses conclusions, et ses travaux permettront de gagner en sérénité et d'éviter, sans doute, d'éventuelles réactions intempestives, de telle sorte que nous ne soyons plus confrontés à une situation comparable à celle que nous connaissons aujourd'hui.
La sagesse la plus élémentaire consiste à attendre que cette commission ait conduit ses travaux à leur terme, à écouter les recommandations qui seront faites et à prendre le temps d'examiner attentivement les dispositions éventuellement retenues.
C'est la raison pour laquelle, comme M. le rapporteur, j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, pour explication de vote.
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà des arrière-pensées et des maladresses des uns et des autres, pourquoi nous faut-il abroger sans attendre l'article 4 de la loi du 23 février 2005 ?
La réponse est toute simple : parce que cet article est tout aussi inutile et maladroit qu'il est inopportun et perturbateur.
Ce texte est d'abord inutile dans la mesure où ses préconisations ne peuvent en aucune manière s'imposer aux autorités compétentes en matière de définition des programmes scolaires.
Cet article est ensuite maladroit, car la période de colonisation couvrant celle de la traite négrière et de l'esclavage, il ouvre la voie à l'amalgame et, tant qu'à faire, à une reconnaissance éventuelle du « rôle positif de l'esclavage », ce qui serait contraire aux dispositions déjà adoptées par le Parlement.
Cet article est également inopportun, car il intervient précisément au moment où la communauté nationale évolue dans le sens d'une lecture plus apaisée de notre histoire partagée, en particulier dans sa composante ultramarine. Je veux ici rappeler que, en érigeant le 27 mai en jour férié en Guadeloupe, la France a reconnu la lutte héroïque de Louis Delgrès, de Joseph Ignace, entre autres, contre le retour de l'esclavage. D'aucuns pensent d'ailleurs que leur démarche était dans la logique des idéaux humanistes de la Révolution.
Enfin, cet article est profondément perturbateur pour le climat social en France métropolitaine, et on le comprend aisément, mais encore davantage dans les régions d'outre-mer où il va jusqu'à apparaître comme une provocation.
Mais, me direz-vous, pourquoi faut-il abroger cet article 4 de la loi du 23 février 2005 alors même que le Président de la République a missionné le président de l'Assemblée nationale « pour évaluer l'action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l'histoire » ?
Sur la forme, on connaît l'usage qui est fait du recours aux commissions d'études, en particulier lorsque l'on veut éviter de décider.
Sur le fond, la mission confiée au président de l'Assemblée nationale est plus globale, en ce qu'elle a trait à l'action du Parlement. L'objet des deux amendements en discussion est autre, et tous les éléments sont réunis pour revenir à la situation antérieure au 23 février 2005.
En effet, si l'on peut comprendre la position du Gouvernement, hésitant à déjuger une erreur manifeste d'appréciation d'une partie de sa majorité, qui pourrait sérieusement soutenir que l'article 4 de la loi du 23 février 2005 manquait à l'arsenal législatif français ou au dispositif de réflexion sur l'éducation nationale ? Personne !
Personne n'aurait songé à se plaindre de l'inexistence de ce sous-amendement, déposé à l'Assemblée nationale, qui « pollue », voire pervertit cet article 4. Il n'y aurait donc aucun dommage à le faire disparaître et à revenir au statu quo ante bellum c'est-à-dire à l'état de fait et de droit tel qu'il existait avant les « hostilités ».
Dès lors que la suppression de cet article apparaît nécessaire et non dommageable à quiconque, il reste à justifier le choix du moment.
En respectant en quelque sorte le parallélisme des formes, cet article peut tout à fait être supprimé dans les conditions qui ont prévalu à son adoption, c'est-à-dire par un amendement. Nous sommes bien, en effet, dans une thématique adjacente : il est justifié que l'amendement qui vise à supprimer l'article 4 soit introduit à l'occasion de l'examen du projet de loi de programme sur la recherche puisque, à l'évidence, le domaine que nous sommes en train d'étudier couvre la recherche de la vérité historique.
Mes chers collègues, le feu est parti de l'Assemblée nationale et caresse désormais l'ensemble du Parlement et de la communauté nationale. Le Président de la République, avec la mission confiée au président de l'Assemblée nationale, a installé un couvre-feu. Il revient à la Haute Assemblée, constante dans sa sagesse, d'éteindre définitivement ce feu qui ne s'est que trop propagé.
Notre assemblée peut et doit saisir l'occasion du présent amendement pour mettre un terme à cette affaire dans le plus bref délai.
Mes chers collègues, sachez que, dans la France de par-delà les océans, les populations sont extrêmement attentives. Elles attendent, et elles espèrent en particulier que la France, à laquelle elles sont tellement attachées - attachement qui n'a d'égal que les souffrances endurées tant du fait de l'esclavage et de la colonisation que dans la défense de la patrie, notamment au cours des deux guerres mondiales -, à travers son Parlement et son Gouvernement, ne persistera pas à répondre par des procédures dilatoires, des atermoiements, et encore moins par un entêtement qui pourrait être interprété comme de l'indifférence, sinon du dédain, voire du mépris. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne voterai pas ces amendements, car il est bien clair, tout d'abord, qu'ils ont peu à voir avec le texte que nous examinons aujourd'hui.
Mais je voudrais aller bien au-delà.
En tant qu'historien et ancien professeur d'histoire, ce débat m'interpelle tout particulièrement. J'ai toujours pensé que le Parlement n'avait pas à prendre de positions sur les questions de mémoire.
Dans le passé, cette opinion m'a par exemple amené à ne pas prendre part au vote sur la question du génocide arménien, alors même que je suis convaincu, en tant qu'historien, que le peuple arménien a été victime d'horreurs sur son territoire en 1915, et que je suis par ailleurs membre du groupe d'amitié avec l'Arménie. À mon avis, nos sentiments et nos sympathies ne nous autorisent pas à inscrire dans la loi nos jugements, voire nos passions.
MM. Josselin de Rohan et Henri de Raincourt. Tout à fait !
M. Jacques Legendre. Nous payons aujourd'hui le fait d'avoir voulu à certains moments répondre à l'émotion par une inscription dans des textes. Quand ces émotions deviennent contradictoires, nous sommes embarrassés.
Je crois que certains, à l'Assemblée nationale, ont voulu répondre à l'émotion d'une partie de l'opinion publique par une disposition qui semble enjoindre aux enseignants de donner tel ou tel éclairage sur ce qui s'est passé.
Quant à moi, je me pose simplement la question : si j'avais à nouveau à enseigner l'histoire, que ferais-je quand il s'agit de parler d'un moment de l'histoire de la France, à savoir de la période pendant laquelle la France a eu des colonies ?
L'histoire de la France est un tout. Je crois qu'un enseignant se doit de dire à ses élèves ce qu'il sait des errements, des erreurs, des horreurs mêmes, qui parfois ont été commises.
Je n'aurais pas hésité à rappeler que certaines colonnes françaises, conduites par deux officiers français dévoyés, ont ravagé vers 1900 la vallée du Niger.
Je n'aurais pas non plus hésité à rappeler que les restes de ces mêmes troupes, aux côtés de troupes venues d'Algérie, ont écrasé à Kousseri le marchand d'esclaves Rabah, mettant ainsi un terme à certains trafics d'esclaves qui persistaient en Afrique centrale.
Je n'aurais pas hésité à parler du Code noir et de toutes les horreurs commises pendant la période de l'esclavage.
Nos élèves doivent savoir tout cela, et savoir même que, au XVIIIe, une partie de la France des Lumières que nous aimons par ailleurs tant et dont nous sommes très fiers n'était pas choquée par ces faits.
J'aurais aussi sans doute rappelé que si Victor Schoelcher, au souvenir duquel nous sommes tant attachés dans cet hémicycle, a effectivement mis un terme à l'esclavage, il était aussi sous-secrétaire d'État à la marine et aux colonies.
Le devoir des enseignants est donc de montrer ces différents aspects, ainsi que l'ambiguïté et la complexité de ces époques.
Il est bon que nous en parlions, qu'une commission se réunisse pour voir comment, d'une manière apaisée, nous pouvons, dans ce pays, faire notre devoir.
Transmettre aux générations actuelles le récit des faits et de ce que nous en savons, dans leur totalité, sans céder à l'émotion, sans vouloir nourrir telle ou telle idéologie, tel ou tel engagement, voilà, à mon avis, le devoir des enseignants.
Et si, pour ma part, je devais à nouveau enseigner l'histoire, c'est à ce devoir que je m'en tiendrais, quels que soient les articles adoptés au hasard des lois, que l'article 4 existe ou non.
Mes chers collègues, plutôt que de nous prononcer au détour d'un texte sans rapport avec la question, essayons de nous retrouver autour de l'essentiel. Faisons en sorte que, dans ce pays, soit respecté d'abord l'esprit des jeunes Français : ces derniers doivent savoir la vérité sur le passé et l'histoire de leur pays, sans que rien ne soit omis ni des moments d'ombre ni des moments de lumière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier, pour explication de vote.
M. Jacques Pelletier. Il me semble que nous n'aurions pas dû voter l'article 4, ou du moins une partie de cet article de la loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
J'avoue que personnellement, comme un certain nombre de nos collègues, je n'ai pas prêté attention à cet article, ajouté à l'Assemblée nationale.
Je pense que le rythme auquel nous sommes soumis depuis quelques mois en est un peu la cause : il ne nous permet pas d'étudier suffisamment tous les textes qui nous arrivent « en rafale ».
Si je suis d'accord pour dire que la colonisation a apporté des bienfaits aux populations des pays concernés, notamment dans le domaine des infrastructures, de la santé, de l'éducation, je considère cependant qu'on ne peut passer sous silence les méfaits.
Si nous voulions un texte de loi, il aurait fallu qu ce dernier soit équilibré entre les bienfaits et les méfaits de la colonisation.
Toutefois, comme l'ont dit de nombreux orateurs avant moi, c'est non pas aux politiques mais aux historiens d'écrire l'histoire : à chacun son travail !
En revanche, il ne me paraît pas du tout approprié d'adopter des amendements de suppression de cet article 4 dans le cadre de l'examen du projet de loi de programme sur la recherche. En effet, et même si je suis favorable à l'esprit de ces textes, je trouve qu'ils n'ont pas leur place ici.
C'est pourquoi, comme plusieurs de mes collègues, je ne prendrai pas part au vote. Je crois qu'il faut laisser travailler la commission ad hoc qui vient d'être formée. Trois mois constitue un délai rapide.
Je souhaite que nous puissions ensuite examiner la proposition de loi de nos collègues socialistes. Il faut tout faire pour qu'elle vienne en discussion en séance publique, afin que nous ayons un débat sur le fond et que nous réglions enfin ce problème difficile.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Monsieur de Rohan, si nous proposons d'abroger l'article 4, c'est parce qu'il prévoit l'obligation faite aux programmes de reconnaître le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord.
M. Josselin de Rohan. Et l'hommage aux rapatriés ?
M. Claude Domeizel. Je vous invite à lire la loi, et vous verrez !
M. Alain Gournac. J'étais rapporteur !
M. Claude Domeizel. Alors, relisez-la !
Je souhaiterais apporter ma contribution à ce débat, non pas en battant ma coulpe - mon intervention ne s'apparente pas à un acte de repentance à l'égard du passé colonial de la France -, mais plutôt en exprimant un regret. Je regrette pour ma part de ne pas avoir fait preuve de suffisamment de vigilance au moment du débat sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, plus particulièrement lors de l'examen de l'article 4, dont le groupe socialiste et le groupe CRC demandent aujourd'hui l'abrogation.
Oui, je pense qu'il faut avoir l'honnêteté de dire les choses. Je rappelle que mes collègues du groupe socialiste et moi-même n'avons pas approuvé ce projet de loi, mais j'avoue qu'en décembre dernier, au moment de la discussion de cet article, comme bien d'autres, je n'ai pas mesuré l'émoi que pouvait légitimement susciter cet article, non seulement dans la communauté des historiens, à qui l'on demandait en quelque sorte d'enseigner une histoire officielle, mais également dans les départements et territoires qui furent d'anciennes colonies.
Pour avoir effectué un déplacement en Algérie en mai dernier en ma qualité de président du groupe d'amitié France-Algérie, j'ai pu constater l'incompréhension qu'a provoquée là-bas la loi n° 2005-158 du 23 février 2005.
Trois mois après l'adoption de la loi, alors que le débat commençait à peine en France, l'article 4 n'avait pas échappé à nos amis algériens, observateurs très attentifs de la vie politique française.
Les interlocuteurs que j'ai rencontrés ne comprenaient pas pourquoi, à la veille de la signature d'un traité d'amitié entre la France et l'Algérie, le législateur français se risquait à une telle provocation à l'encontre du peuple algérien, d'autant que les Algériens, ainsi que j'ai pu le constater, témoignent d'un attachement manifeste à l'égard de la France, que ce soit en réintroduisant l'enseignement du Français au cours élémentaire, en prenant un soin particulier des cimetières français ou en favorisant les échanges économiques.
Les conséquences ne se sont d'ailleurs pas fait attendre. Ce traité d'amitié, dont personne ne doutait qu'il serait signé avant la fin de l'année et qui aurait dû être le prélude à des relations enfin apaisées entre la France et l'Algérie, a été suspendu sine die.
C'est d'autant plus regrettable que ce traité, souhaité, rappelons-le, par le Président de la République, est appelé à devenir demain le moteur de la coopération euro-méditerranéenne, comme l'a été - et la comparaison n'est pas trop forte - le couple franco-allemand dans la construction européenne.
Je crains que les efforts de rapprochement développés dans nos deux pays ne soient mis à mal si la France n'envoie pas très vite un signe positif à l'Algérie.
Je songe aussi à la blessure que l'article 4 a infligée à nos concitoyens français issus de l'immigration. Je doute fort que la colonisation française soit considérée par beaucoup d'entre eux comme une époque positive. Bien au contraire, elle n'inspire sans doute à leurs aînés que des souvenirs douloureux. Je ne crois pas, de surcroît, qu'elle reflète à leurs yeux les valeurs de la République telles qu'on les leur enseigne ou qu'on les leur a enseignées.
Je doute enfin que ce texte vienne apporter un apaisement, après les graves événements qu'ont connus nos banlieues. Il est primordial de faire en sorte que tous les enfants de la République se sentent aimés et reconnus, dans leur diversité, comme appartenant à la communauté nationale. N'oublions pas que notre pays est pluriel.
En maintenant envers et contre tout l'article 4, nous risquons d'entretenir les rancoeurs et d'alimenter les haines.
Que de nombreuses analyses développent l'idée que la présence française ait permis des avancées en matière d'équipement, d'éducation et d'action sanitaire pour les peuples assujettis, soit. Mais rien ne saurait justifier l'essence même de la colonisation, système de domination d'un peuple sur un autre, en contradiction avec les grandes valeurs démocratiques et humanistes de la République.
Laissons se poursuivre le débat sur notre histoire coloniale. Laissons aux universitaires et aux historiens le soin de dégager progressivement, à travers les documents disponibles et les témoignages, les éléments et les faits qui permettront de nous éclairer, pour nous rapprocher de la vérité historique.
Monsieur le ministre, vous avez longuement parlé de sagesse. Pour ce qui nous concerne, à la place que nous occupons dans cet hémicycle, nous devons reconnaître nos erreurs et les corriger. Nous en sortirons collectivement grandis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Le Parlement est familier des « cavaliers ». L'enjeu de ce vote, qui est de donner acte de l'erreur qu'a constituée l'adoption de l'article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005, mérite bien que notre dernière heure de délibération sur le projet de loi de programme pour la recherche soit le moment d'une juste rectification.
L'article 4 de la loi du 23 février 2005 fut une initiative très dommageable pour les conditions indispensables à une société pacifiée et apaisée, et notamment pour la mémoire collective, qui respecte quant à elle la diversité des parcours de chacun.
Ce respect, nous pouvons le reconquérir en adoptant l'amendement n° 114.
Parce que nous avons plus besoin de lien que de distance et de défiance, parce qu'une société multiculturelle se tisse au rythme de chaque message de ses élus, parce qu'il est choquant d'entendre, par rebond, la proposition de revenir sur la loi Taubira tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, les sénateurs et sénatrices Verts soutiennent solennellement et chaleureusement l'amendement de réparation qu'a présenté M. Bel.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- Mme Annie David applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les propos de M. Legendre sur les responsabilités des enseignants - et je sais qu'il est bien placé pour en parler - ne font que conforter notre conviction quant à la nécessité d'abroger l'article 4 de la loi du 23 février 2005. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Je suis désolée, monsieur Legendre, que votre intervention, qui était au demeurant fort intéressante, ait en quelque sorte débouché sur un contresens puisque, après avoir défendu la liberté des enseignants, vous avez accepté en conclusion que le législateur leur donne des instructions.
M. Josselin de Rohan. Vous aussi !
M. Josselin de Rohan. Et la loi Taubira ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne m'attarderai pas sur l'accusation relative au caractère de « cavaliers » de ces amendements, car, outre que la majorité et le Gouvernement sont eux-mêmes coutumiers de ce type d'amendements, nous examinons aujourd'hui un texte relatif à la recherche. Or c'est au contraire le refus d'adopter ces amendements qui ne contribue pas à restituer aux historiens leur liberté de chercher et, surtout, aux enseignants leur liberté d'enseigner une histoire récente, telle l'histoire du colonialisme, qui mérite, c'est vrai, un cadre de débat serein.
M. Josselin de Rohan. Comme le communisme !
M. Guy Fischer. Celle-là, on l'attendait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'article 4 n'est en effet rien d'autre qu'une instruction donnée aux enseignants - je ne parle même pas des chercheurs - et, de ce point de vue, il ne peut être assimilé à d'autres lois mémorielles. C'est justement là que le bât blesse.
Il s'agit d'une atteinte profonde à la liberté d'enseignement, dont Jaurès disait qu'« en éveillant dans les esprits le besoin de la réflexion et du contrôle, en écartant de l'éducation toute contrainte intellectuelle, en soumettant aux esprits des objets sur lesquels la conscience et la raison s'exercent librement, elle donne à la personne humaine le sentiment de son droit et de sa valeur ».
On le sait, les parlementaires ont soulevé une tempête en votant cet article qu'ils n'auraient pas dû voter. Mon groupe s'honore de ce que Guy Fischer ait alors été le seul parlementaire à avoir, à juste raison, fait preuve de vigilance et à s'être élevé contre le contenu dudit article 4. Aujourd'hui, les parlementaires, plus précisément les sénateurs, ont l'occasion de reconnaître leur erreur.
M. Jacques Valade, rapporteur. Cela n'a rien à voir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas à une commission, aussi bien composée soit-elle, qu'il doit appartenir de donner des instructions aux parlementaires : ces derniers ont commis une erreur, et il leur appartient de la rectifier.
Mes chers collègues, vous avez l'occasion ce soir de rectifier vos propres erreurs ; il serait dommage que vous renonciez à jouer ce rôle, qui est aussi le vôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan. Vous-mêmes ne vous repentez jamais de rien !
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Mes chers collègues, il est urgent de voter ces amendements. Je ne reviendrai pas sur l'ingérence du politique dans la définition des programmes scolaires, non plus que sur les dangers de l'enseignement d'une histoire officielle aux élèves, sujets sur lesquels, me semble-t-il, tout a été dit, mais je veux rappeler une histoire complexe et douloureuse, surtout pour les peuples concernés, qui sont devenus des peuples amis.
Le gamin que j'étais a été nourri des manuels d'histoire d'avant 1940, manuels qui ont été en vigueur jusqu'en 1946, et a été frappé, à la Libération, de découvrir que la colonisation ne répondait pas à des considérations philanthropiques...
M. Alain Gournac. Le communisme non plus !
M. Henri de Raincourt. Quatre-vingts millions de morts !
M. Ivan Renar. Il s'agissait d'aller éduquer, évangéliser, civiliser les indigènes, les sauvages... J'ai découvert qu'en fait la France cherchait à étendre sa puissance économique et militaire hors de ses frontières, et le jeune militant que je suis devenu ensuite aspirait à cette création de l'Union française qui aurait rassemblé les peuples demandant leur indépendance.
Mes chers collègues, il nous faudrait réfléchir à ce que dit le philosophe Mohamed Barkat : « L'édifice colonial a été construit sur l'idée que les colonisés étaient incapables de transformer un territoire en pays. »
Quand je dis qu'il y a urgence, mes chers collègues, je pense à nos compatriotes des Antilles. Vous savez que la loi du 23 février 2005, en particulier à cause de son inacceptable article 4, a été rebaptisée « loi de la honte » en Martinique, parce qu'elle blesse un très grand nombre de nos concitoyens, bien au-delà des Antilles.
Et comment ignorer les conséquences de cette loi dans notre propre pays ? Au sein des établissements scolaires, l'enseignement d'une histoire officielle de la colonisation contribuera à alimenter le sentiment d'exclusion et d'humiliation des enfants dont les parents ou les grands-parents ont souffert de la colonisation.
Cher Jacques Legendre, j'ai écouté avec intérêt ce que, comme enseignant, vous disiez, et j'ai même été ému ; mais vous débouchez en effet, peut-être pas sur un contresens, mais presque sur un barbarisme, au sens latin du terme. Sur le plan international, il ne fait aucun doute que, si la France réhabilite la mémoire de son passé expansionniste et des velléités de domination de l'époque, nos relations avec les pays francophones amis d'Afrique et d'Asie risquent de se dégrader considérablement.
Je voudrais terminer en citant l'historien Benjamin Stora : « Le vote de 2005 brise le consensus des années soixante, tourne le dos à la politique du général de Gaulle... »
M. Henri de Raincourt. Vous êtes bien placé pour le dire !
M. Dominique Braye. Vous l'avez combattu !
M. Ivan Renar. Oui, mes chers collègues, parce que nous avions une certaine idée de la France, que, pour ma part, j'ai conservée !
Benjamin Stora poursuit : « En valorisant l'oeuvre coloniale, il ne reconnaît pas les aspirations des peuples colonisés qui s'étaient exprimés sur les principes du passage aux indépendances politiques. Cette régression est dangereuse, elle choisit de privilégier une mémoire contre une autre. Ce morcellement de la mémoire nationale ouvre sur de nouvelles guerres mémorielles pouvant conduire aux pires débordements. »
Si nous voulons éviter de tels débordements, nous devons voter ces deux amendements dans le cadre du présent projet de loi de programme pour la recherche. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 114 et 116.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC et, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 71 :
Nombre de votants | 300 |
Nombre de suffrages exprimés | 300 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 151 |
Pour l'adoption | 135 |
Contre | 165 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jacques Valade, président de la commission spéciale.
M. Jacques Valade, président de la commission spéciale. Monsieur le ministre, lorsque le président du Sénat a demandé que ce projet de loi nous soit présenté en première lecture, nous avons été très satisfaits, d'abord qu'il fasse cette demande, ensuite que le Gouvernement, en particulier vous-même, monsieur le ministre, l'accepte.
Cependant, force est de reconnaître que les conditions dans lesquelles nous avons été amenés à travailler - et je parle sous le contrôle de ceux qui, sans relâche, nous ont aidés dans cette tâche, que ce soient les parlementaires des différentes commissions permanentes qui ont fait partie de la commission spéciale ainsi que des ministres concernés et de leurs collaborateurs - ont été difficiles.
Compte tenu de la nature même de ce projet de loi de programme, il a en effet fallu consulter le Conseil économique et social et attendre son avis, qui nous a été présenté par M. Ailleret, avant de déposer nos conclusions définitives.
Le Conseil d'État a, naturellement, également donné son avis.
Nous avons constitué quant à nous cette commission spéciale aux travaux de laquelle nous avons, les uns et les autres, beaucoup participé. Après avoir auditionné une cinquantaine de personnes, soit une trentaine d'heures d'auditions, nous avons élaboré un certain nombre d'amendements dont vous avez bien voulu, monsieur le ministre, accepter la plus grande partie, amendements qui émanaient d'ailleurs de diverses travées, puisque Mme Blandin a enregistré une série de succès, ce que nous pouvons mettre sur le compte de la pertinence de ses propositions mais aussi sur celui de sa légendaire obstination !
Nous avons vécu avec vous, monsieur le président du Sénat, des affres tenant essentiellement au temps qui passait, et il est bien clair que nous souhaitions que ce texte soit discuté dans des conditions convenables : nous y avons consacré les séances de vendredi après-midi et de vendredi soir, jusqu'à une heure un peu avancée de la nuit - je tiens d'ailleurs à remercier celles et ceux qui nous ont alors soutenus -, et cette séance, avec une participation non négligeable de nos collègues.
J'espère que « le peuple des chercheurs » pour utiliser une terminologie à la mode dans ce domaine, saura reconnaître à la fois nos efforts, mais aussi ceux du Gouvernement.
En effet, nous présentons un modèle nouveau de l'organisation de la recherche française avec un pilotage par le haut, avec ce Haut conseil de la science et de la technologie placé auprès du Président de la République et dont la composition sera définie ultérieurement. Nous vous faisons toute confiance, monsieur le ministre, ainsi qu'au Président de la République, pour trouver la meilleure solution possible.
Ce modèle comporte deux agences nationales : la première, l'Agence nationale de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, constitue une nouveauté ; la seconde, l'Agence nationale pour la recherche, est dotée de moyens considérables, à la disposition, monsieur Daniel Raoul, de la totalité de la communauté des chercheurs. Ce n'est en effet pas parce que l'on va travailler désormais par projets que tels ou tels organismes, universités, instituts de recherche, grandes écoles ne pourront pas avoir un droit de tirage sur ces crédits.
S'agissant de l'Université, je dois reconnaître, mes chers collègues, la grande satisfaction qui est la mienne de voir réhabilité l'aspect de la recherche universitaire qui, depuis un certain nombre d'années, était relégué un peu au second plan.
Il me paraît bon de réaffirmer qu'il n'y a pas d'enseignement supérieur de haute qualité sans une recherche de haute qualité et des résultats immédiatement transposés au niveau des enseignements, qu'ils soient purement universitaires ou développés dans les grandes écoles d'ingénieurs.
Il faut - c'est l'un des amendements de Mme Blandin -que les chercheurs participent à l'évolution et à l'amélioration de la connaissance, et que cela passe le plus rapidement possible dans le circuit de l'enseignement.
Sur ce plan, je voudrais réaffirmer aussi combien nous comptons sur les universitaires - ils ne demandent d'ailleurs que cela, je crois - pour établir ces pôles de recherche d'enseignement supérieur et pour définir ensemble ces réseaux thématiques de recherche avancée auxquels nous attachons la plus grande importance.
Monsieur le ministre, nous avons été très heureux de travailler avec vous. Ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche depuis juin dernier, il ne vous a pas fallu beaucoup de temps pour mesurer et pour évaluer la difficulté de l'exercice, mais aussi pour définir les meilleures mesures qu'il convenait d'adopter. Mes collègues et moi-même avons beaucoup apprécié la qualité des relations que nous avons nouées non seulement avec vous-même, mais aussi avec vos collaborateurs.
Je voudrais également remercier toutes celles et tous ceux qui ont été associés à nos travaux, qu'ils appartiennent à l'opposition ou à la majorité du Sénat. J'ai d'ailleurs un peu l'orgueil d'attribuer le nombre relativement faible des amendements à l'excellent travail que nous avons réalisé en commun, travail qui nous a permis de préciser les choses et, sans doute, de déminer les éventuelles difficultés.
Par conséquent, la communauté des chercheurs devrait nous être reconnaissante, aux uns et aux autres, et, en premier lieu à vous, monsieur le ministre, du travail qui a été effectué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, arrivés au terme de notre débat concernant le projet de loi de programme pour la recherche, nous restons déçus malgré le travail attentif de la commission des affaires culturelles et celui de la commission spéciale, présidée par notre collègue Jacques Valade.
En effet, si nous percevons bien l'intention de piloter la recherche par l'intermédiaire du pouvoir politique en privilégiant l'articulation avec le secteur privé, nous ne voyons pas ici de projet de renforcement d'un secteur public dont les grands laboratoires de recherche sont reconnus internationalement aujourd'hui afin que la recherche privée s'y adosse.
La croissance des dépenses publiques rapportées au PIB n'est pas à la hauteur des besoins de notre recherche, ni des exigences de Lisbonne.
L'absence de plan pluriannuel sur cinq ans fait de ce texte plus une loi d'orientation qu'une loi de programmation.
C'est d'autant plus vrai que les six milliards d'euros en trois ans que vous avancez ne seront pas consacrés à la recherche publique et se divisent entre déductions fiscales, Agence nationale pour la recherche et crédits récurrents.
En privilégiant le financement sur projet, vous faites courir un autre risque à la recherche publique puisque vous orientez l'investissement de l'État vers le secteur privé.
Quant aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur, comme la mise en place des campus de recherche, nous n'y retrouvons pas ce que les états généraux proposaient, à savoir la création de structures de coopération pluridisciplinaires pour permettre une réelle mise en réseau d'équipes de recherche et de laboratoires.
Les recherches fondamentales de long terme qui devraient être financées par l'État dans le cadre de cette harmonisation public-privé proposée ne sont pas mises en évidence.
L'université, élément important d'une recherche bien organisée et efficace dans la chaîne de la connaissance et de la recherche, est laissée en dehors du texte ou presque ; j'ai en effet envie de dire que vous ne touchez pas à la loi de 1984 sur l'organisation de l'enseignement supérieur ; vous la contournez... pour l'instant !
Quant au secteur privé, il est encouragé à renforcer ses positions technologiques et incité à augmenter ses dépenses de recherche ; mais, là encore, la loi reste déclamatoire, comme les choeurs de l'Opéra qui chantent : « Marchons, marchons ... » tout en restant sur place !
Les nouvelles instances créées devront s'articuler avec le système déjà existant et soulèveront des problèmes que nous ne voulons pas préjuger ; mais l'empilement de structures ne résoudra pas les difficultés de concertation horizontale entre structures publiques, ou structures publique et privée, concertation qui existe et qu'il fallait certainement encourager à travers les organismes existants.
La question de l'emploi, dans l'ensemble de la recherche, dans le public comme dans le privé, la question du statut des enseignants-chercheurs, la question du développement des carrières, toutes ces questions sont abordées sans engagement clair.
Les normes européennes évaluent à 44 000 emplois le déficit d'emplois en France. Et alors que des plans pluriannuels de créations d'emplois ont été décidés pour l'armée et la justice, vous proposez à la recherche 3 000 emplois en 2006, des CDD et des ATER, qui précarisent le statut de chercheur associé. Je ne parlerai pas des 70 000 jeunes doctorants, tant vos décisions n'ont aucune commune mesure avec l'urgence de la situation de notre recherche.
Je ne m'étendrai pas sur le projet européen de la recherche que notre pays doit intégrer ni sur les enjeux mondiaux pour l'espèce humaine d'une politique avisée de la recherche, sauf à citer à ce sujet le Premier ministre de l'Inde indépendante, M. Nehru : « Seule la science peut résoudre les problèmes que posent la faim et la pauvreté, l'insalubrité et l'analphabétisme, la superstition et les coutumes et traditions paralysantes, le gaspillage des ressources, le peuplement d'un pays riche par des hommes qui meurent de faim... Qui donc pourrait se permettre d'ignorer la science d'aujourd'hui ? À chaque instant, nous devons rechercher son aide ... L'avenir appartient à la science et à ceux qui s'en veulent les amis ! »
Je terminerai en rappelant ce que le Conseil économique et social souligne de façon insistante dans son appréciation : « la mise en oeuvre sera cruciale ... il convient d'avancer à un rythme soutenu, tant le retard accumulé sur certains pays est important ... ».
Croyez bien, monsieur le ministre, que mes amis du groupe CRC et moi-même resterons vigilants. En attendant, nous ne pourrons pas voter ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Je veux d'abord remercier les rapporteurs et le président Valade, en particulier pour la diversité et la qualité des auditions qui nous ont éclairés. Je tiens aussi à remercier les collaborateurs de la commission spéciale.
Après ce débat, je ne boude pas les modifications obtenues : l'indexation des allocations de recherche sur les rémunérations de la fonction publique, la prise en compte des actions de culture scientifique dans l'évaluation, la reconnaissance de la place de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques auprès de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, le rôle de l'expertise pour les politiques publiques et le devoir pour les structures privées d'au moins informer l'Agence d'évaluation de l'utilisation des fonds publics.
Certains amendements ont donc été retenus par le Parlement, dont un malgré l'avis défavorable du ministre. C'est si rare que nous pourrions croire à une moisson satisfaisante.
Hélas ! malgré nos propositions, ni l'emploi ni la programmation des moyens ne sont à la hauteur pour parvenir à la société de la connaissance.
Le Haut conseil de la science et de la technologie, instance nécessaire, est renvoyé au décret sans cadrage de diversité, de parité ou d'activité.
Les moyens durables des organismes et de l'université sont plus fragiles que ceux des projets, dont les projets privés. Et ceux qui mènent ces projets privés ne sont que rarement tenus de rendre des comptes puisque cela relève souvent du code des impôts.
Enfin, si la coopération est au rendez-vous, la simplification ne l'est pas. Après la discussion générale, monsieur le ministre, vous m'avez dit : « Quand on n'aime pas la complexité, il vaut mieux ne pas s'occuper de recherche. »
Pour ma part, j'aime la simplification, mais je persisterai à m'occuper de recherche. Considérant que le compte n'y est pas, je voterai contre ce projet de loi en vous remerciant néanmoins de votre écoute. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Malgré des circonstances économiques difficiles, nous avons enfin une priorité pour la recherche et pour l'innovation.
L'état des lieux est évidemment plutôt sombre : une recherche privée très nettement insuffisante, beaucoup plus faible que dans d'autres pays, malgré l'existence d'un certain nombre de grands groupes et de compétences fortes dans des domaines modernes ; une recherche publique mieux financée qu'ailleurs mais, à mon sens, moins efficace et surtout assez cloisonnée encore, et ce malgré une première loi en 1999, examinée d'abord par le Sénat et fortement modifiée par ce dernier, loi faisant suite à une initiative de ma part, reprise ensuite par la commission des affaires culturelles.
Nous disposons maintenant d'un certain nombre de points beaucoup plus positifs, même si la recherche privée ne peut pas se développer du jour au lendemain.
Les régions françaises se mobilisent en faveur des pôles de compétitivité qui associent enfin, à partir de la base, les grandes et petites entreprises, les centres de recherche, les universités, les collectivités locales, et qui proposent déjà toute une série d'importants projets innovants.
La loi apporte des outils considérables que l'ensemble des chercheurs, l'ensemble des industriels devront utiliser de façon intelligente, car c'est à partir d'eux que le mouvement doit se développer. Sans résoudre instantanément les problèmes, ce qu'une loi n'a jamais fait, le texte qui résulte de nos travaux diminue les rigidités bureaucratiques et libère donc les énergies ; il crée par ailleurs des structures permettant une combinaison entre les différents aspects de la recherche publique et de la recherche privée : les PRES, les réseaux thématiques, qui associeront public et privé, les fondations, qui sont largement développées.
Il s'agit désormais de nous mettre au travail et de faire en sorte que les nouveaux outils se développent, se concrétisent, trouvent leur équilibre exact.
C'est une procédure démocratique qui permettra à tous les partenaires de la recherche de faire de ce texte une bonne loi, afin que la France joue pleinement en Europe un rôle mobilisateur.
En effet, nous sommes probablement déjà observés par tous les pays européens, et nous le serons toujours plus. Les voyages que nous pouvons faire à l'étranger révèlent, d'ailleurs, qu'en Allemagne, en Italie ou en Angleterre le développement de nos pôles de compétitivité, qui trouvent des partenaires, est observé avec un grand intérêt.
Moi-même, j'ai rencontré au Sénat des représentants des entreprises Siemens et Cisco qui souhaitent d'ores et déjà développer leurs activités en France, plutôt qu'ailleurs. Le mouvement est lancé, et nous avons aujourd'hui un beau cadeau de Noël à offrir aux communautés économiques et scientifiques françaises ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Périmètre trop restreint, focalisation sur le court terme, vision utilitariste de la recherche, complexification du système par la superposition des structures : telles sont les grandes orientations de ce projet de loi. Cette analyse, que nous avions déjà développée pendant la discussion générale, demeure d'actualité, puisque les amendements adoptés ne modifient pas l'économie générale du texte.
J'émets cependant un souhait, celui que les quelques amendements parmi ceux que nous avons proposés qui ont reçu un vote favorable ne soient remis en cause ni à l'Assemblée nationale ni en commission mixte paritaire. Je pense à l'inscription dans la loi de l'ANR comme établissement public, aux règles de déontologie des membres de l'Agence nationale de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, ou à l'indexation de l'allocation de recherche sur l'évolution des salaires de la fonction publique.
Toutefois, ces mesures ne représentent qu'une goutte d'eau par rapport à l'océan de nos besoins en termes de programmation pluriannuelle de l'emploi scientifique et d'attractivité des carrières. Nous n'avons pu, en effet, que modifier le texte à la marge.
Quant à la programmation financière, déjà obsolète dans sa partie rétroactive, elle n'est que poudre aux yeux. Au mieux permettra-t-elle de maintenir les moyens de la recherche. De fait, vous accentuez le décrochage déjà à l'oeuvre par rapport aux objectifs de Lisbonne.
Tout comme l'Europe, l'université est la grande absente de cette réforme, alors que son rôle et sa part dans la recherche française sont essentiels. Elle se trouve au coeur de l'excellence de notre recherche. Or, vous ne lui donnez même pas les moyens de la gouvernance des nouvelles structures de coopération que vous créez ! Les dotations financières risquent également de se concentrer sur quelques pôles insérés dans le tissu économique, au détriment des autres universités.
Parce que vous ne lui garantissez pas des moyens pérennes, vous fragilisez encore davantage la recherche publique. Il est périlleux de tout orienter vers l'innovation et le court terme. Il est dangereux pour notre recherche à moyen et long terme de tout miser sur la recherche par projets, à travers le financement de l'ANR, aux dépens des moyens de base des laboratoires.
D'ores et déjà, le CNRS fait les frais de cette logique. Ses crédits récurrents baissent, sa politique scientifique est fragilisée par la progression des financements indirects, par le biais de l'ANR, parce que les projets sélectionnés ne correspondent pas forcément à ses orientations.
Ce projet de loi constitue avant tout un alibi, pour ne pas démentir, sur la forme, les promesses du Président de la République. En réalité, non seulement votre texte ne répond pas aux enjeux de la recherche pour notre avenir, mais il torpille littéralement l'élan et l'espoir suscités par la mobilisation de la communauté scientifique.
Nous ne pouvons cautionner cette démarche et - vous n'en serez pas surpris - nous voterons donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste - Mme Annie David applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre, je voudrais vous exprimer ma satisfaction et mes remerciements, même si ce texte n'est pas parfait, naturellement, et si nous aurions aimé, en particulier, que l'organisation de la recherche compte moins de strates et permette plus d'initiatives.
L'essentiel reste tout de même que vous ayez placé la recherche au coeur de la politique de notre pays. Il s'agit d'un aspect essentiel, compte tenu de la compétition mondiale qui s'annonce et sera de plus en plus féroce, car les autres pays, eux aussi, engageront toujours plus de moyens pour développer leur recherche, leur savoir, leur innovation.
L'avenir des entreprises et de l'emploi dans notre pays dépendra non pas des politiques sociales mises en oeuvre mais de notre capacité à gagner des parts de marché, c'est-à-dire à faire en sorte que la recherche produise de l'innovation, que les entreprises s'en saisissent et que nous permettions ainsi à nos compatriotes de trouver un emploi.
Grâce à votre texte, la recherche sera, à l'avenir, au coeur de nos préoccupations, et je voudrais vous en remercier, vous approuver, vous féliciter, vous encourager. Monsieur le ministre, vous devez dire à tous vos collègues que vous êtes en charge du ministère le plus important pour l'avenir de notre pays ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis, à mon tour, que le projet de loi de programme pour la recherche ait pu être examiné en première lecture par la Haute Assemblée.
Les auditions qui se sont déroulées devant la commission spéciale, sous l'autorité toujours bienveillante de Jacques Valade, ont permis des échanges particulièrement fructueux et concouru à l'information complète des acteurs de la recherche s'agissant des dispositions proposées.
Par ailleurs, les interventions des différentes parties prenantes ont conduit à enrichir le texte sur de nombreux points. Ces échanges se sont inscrits dans la démarche qui anime le Gouvernement depuis le début de l'élaboration de ce projet de loi et qui vise à rénover le système national de recherche et d'innovation, en étroite collaboration avec tous les acteurs.
Ce projet de loi définit le cadre d'une réforme ambitieuse et offre de nombreux outils aux acteurs de la recherche, parmi lesquels les pôles de recherche et d'enseignement supérieur et les réseaux thématiques de recherche avancée constituent, à mon sens, les innovations essentielles. Ces nouvelles formes de coopération ont toutes les chances de se développer, car elles reposent sur le volontariat et offrent un cadre à des pratiques naissantes. S'agissant de ces regroupements, nos débats ont permis de préciser plusieurs éléments.
La Commission a souhaité, notamment, que les centres hospitaliers universitaires et les centres de lutte contre le cancer puissent être les membres fondateurs d'un PRES.
M. Jacques Valade, président de la commission spéciale. Absolument ! C'est très important !
M. Jean-François Humbert. Elle a également prévu explicitement que les établissements ou organismes participant à la création d'un PRES pourraient être français ou européens, car le projet de loi s'inscrit dans la construction de l'espace européen de la recherche et de l'enseignement supérieur. Cette mesure permettra, en particulier, de développer des coopérations transfrontalières.
Nos débats ont également permis de souligner qu'il était nécessaire pour l'avenir de notre recherche de renforcer les liens avec les entreprises privées. À cette occasion, il a été précisé que les fondations de coopération scientifique pourraient compter des représentants du monde économique parmi les membres de leur conseil d'administration.
Enfin, au nombre des dispositions positives issues de nos débats, l'inscription dans le projet de loi de la création du Haut conseil de la science et de la technologie, qui deviendra un élément essentiel du pilotage de notre politique de recherche, mérite d'être soulignée. Il était important que le Gouvernement indique sa volonté de définir des priorités pour notre recherche. Face à la concurrence internationale, en effet, il sera primordial de réaliser les bons choix et d'identifier les domaines de recherche qui joueront un grand rôle dans les années à venir.
Ce projet de loi fait partie d'un ensemble, le Pacte pour la recherche. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour mener à bien cette réforme dans sa totalité. Ce ne sera pas une surprise pour vous : le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 72 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 124 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué. Monsieur le président, monsieur le président du Sénat, monsieur le président de la commission spéciale, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous exprimer mes sincères remerciements à l'issue de l'examen de ce projet de loi de programme pour la recherche.
J'ai conscience que les conditions dans lesquelles vous avez travaillé n'ont pas toujours été optimales. Mais le Gouvernement attachait du prix à tenir son engagement à l'égard de la communauté scientifique : le Parlement devait donc commencer l'examen de ce texte avant la fin de l'année. Nous avons, ensemble, respecté cet engagement, et nous pouvons donc tous nous en réjouir.
Les conditions difficiles que vous avez connues ne vous ont pourtant pas empêché de faire un travail absolument remarquable. Vous avez procédé à un nombre d'auditions rarement atteint en pareilles circonstances.
Je n'hésite pas à le dire : le texte que vous venez d'adopter est sensiblement meilleur que celui qui avait été proposé par le Gouvernement. Les débats se sont toujours déroulés dans une parfaite courtoisie. Comme l'adoption d'un certain nombre d'amendements en témoigne, nous avons travaillé dans un esprit constructif, y compris avec l'opposition. Je voudrais donc rendre hommage à tous ceux qui ont participé à cette discussion, notamment MM. Valade, Revol et Blin.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est d'une très grande importance.
Il procède à une rénovation du paysage de la recherche en France. Certes, ce n'est pas un bouleversement : nous respectons l'organisation, parfois spécifique, de la recherche et de l'université dans notre pays, pour nous appuyer sur des points forts et corriger un certain nombre de points faibles.
Ce faisant, nous renforçons considérablement la recherche française, et ce à plusieurs titres.
Tout d'abord, nous lui donnons, nul ne peut le contester, les moyens nécessaires pour être au rendez-vous des années à venir.
Ensuite, comme l'a justement souligné M. Valade, nous permettons aux universités de jouer un rôle accru dans la recherche. En effet, il n'y a pas d'enseignement supérieur de qualité sans une recherche présente dans les lieux où se dispense un tel enseignement.
Par ailleurs, nous ouvrons de nouvelles voies à la coopération et au décloisonnement, en améliorant, sur plusieurs points, le statut des chercheurs et l'attractivité de la carrière de chercheur, tant il est vrai que l'attractivité est déterminante pour favoriser les vocations scientifiques et soutenir l'effort scientifique de notre pays.
En outre, nous donnons de la visibilité à la recherche, en contribuant à la définition des grandes priorités, qui sont essentielles pour que nos compatriotes connaissent la politique de recherche. Nous lançons aussi une « opération vérité » en termes d'évaluation, car il est essentiel que les Françaises et les Français sachent à quoi leurs impôts servent, dans le domaine de la recherche comme ailleurs.
Cette politique nouvelle de la recherche est importante parce qu'elle est cohérente avec la politique d'ensemble du Gouvernement. Dans la compétition internationale en cours, nous pourrons tenir notre rang, et même l'améliorer, si nous savons nous rénover, nous réformer et mobiliser toutes nos forces, au service de notre économie, et donc de l'emploi.
De ce point de vue, la recherche a un rôle considérable à jouer. Il faut accroître son efficacité et mieux l'articuler avec le monde économique et les entreprises. C'est tout le sens de la politique des pôles de compétitivité, laquelle est directement liée à ce qui est proposé en matière de recherche. Ainsi, dans cette compétition internationale, nous saurons donner des chances nouvelles à notre pays, notamment à nos entreprises.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous travaillons au service de l'emploi, au service de l'ensemble des Françaises et des Français. Par l'adoption de ce projet de loi, au Sénat, ce soir, nous avons franchi une étape importante dans le grand combat qui est engagé au service de notre pays. Soyez-en tous remerciés ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Poncelet. Très bien !
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, des propos aimables que vous avez tenus à l'endroit du Sénat.