compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
AllocUtion de M. le président du sénat
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons, enfin, au terme de ce trimestre législatif, budgétaire et financier, particulièrement éprouvant.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. le président. Nous avons siégé cinquante jours, soit huit jours de plus que l'an dernier et soixante-dix heures de plus. (Exclamations.)
Nous avons passé près du tiers de ce temps en séance de nuit. (Nouvelles exclamations.)
M. Jacques Valade. C'est vrai !
M. le président. Nous sommes incontestablement confrontés à un véritable dérèglement de nos travaux : les plus anciens d'entre nous se sont même demandés si nous n'étions pas revenus au temps de l'ancienne session budgétaire. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) Beaucoup d'entre eux regrettent d'ailleurs cette période !
Il y a là une évolution sur laquelle j'appellerai l'ensemble du Sénat à se pencher, selon des procédures à déterminer avec le bureau et les membres de la conférence des présidents.
Je souhaite surtout insister sur les aspects positifs du travail accompli. Deux textes particulièrement importants ont été déposés en premier sur le bureau du Sénat : le projet de loi portant engagement national pour le logement et le projet de loi de programme pour la recherche. Il s'agit de deux textes très urgents, que nous avons tenu à examiner malgré les contraintes d'emploi du temps qu'ils ont entraînées. Au total, près de 3 000 amendements ont été examinés.
Pour l'heure, je n'aurai d'autre préoccupation que de vous témoigner ma fierté de présider une si belle assemblée et de vous dire la conscience que j'ai du travail considérable accompli par toutes et par tous, sénatrices et sénateurs, Gouvernement, fonctionnaires et collaborateurs.
Merci à tous : à Mmes et MM. les ministres, en particulier au premier d'entre eux, qui est venu à plusieurs reprises devant nous ; à Mme et MM. les vice-présidents, dont je salue l'extrême disponibilité et la compétence dans la conduite, parfois difficile, des débats ; à MM. les présidents de commission, qui veillent à la production législative ; aux groupes politiques et à leurs présidents ; à vous toutes et à vous tous, mes chers collègues.
Merci aux administrateurs, aux services des comptes rendus, lesquels ont fait face avec sérénité et un extrême dévouement à une tâche particulièrement lourde - vous en êtes toutes et tous les témoins -, aux assistants et collaborateurs des groupes, qui savent l'attention que MM. les questeurs et le bureau portent à leurs préoccupations.
Merci à la presse, qui a rendu compte également de nos travaux législatifs.
M. Henri de Raincourt. Pas souvent !
M. le président. Merci à Public Sénat, dont le président vient d'être renouvelé brillamment dans ses fonctions par le bureau.
En cet instant, permettez-moi d'avoir une pensée toute particulière pour Alain Méar, mon directeur de cabinet pendant un septennat et fonctionnaire du Sénat depuis trente ans.
Ses compétences, son exceptionnel dévouement à l'ensemble des sénatrices et des sénateurs, ainsi que son action au service de l'institution sénatoriale ont conduit M. le Président de la République à le nommer conseiller d'État. (Applaudissements.)
C'est avec une profonde émotion que je vois ce fidèle serviteur de notre assemblée quitter le Sénat pour s'installer au Palais-Royal et passer, ainsi, d'une haute assemblée à l'autre.
Mes chers amis, je vous souhaite à toutes et à tous d'excellentes fêtes de famille et je vous donne rendez-vous l'année prochaine, avec la volonté de toujours mieux servir cette institution que nous aimons et à laquelle nous sommes particulièrement attachés. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque j'ai l'honneur d'être présent aujourd'hui, je tiens à vous dire à quel point le Gouvernement a été sensible à l'importance et à la qualité du travail parlementaire accompli par la Haute Assemblée au cours de ce trimestre.
Je puis d'ailleurs en témoigner à propos de l'examen du projet de loi de programme pour la recherche. Sur ce texte important, que le Gouvernement a décidé de faire examiner d'abord par le Sénat, un travail absolument exceptionnel de préparation a en effet été réalisé sous l'égide du président de la commission spéciale sur la recherche, M. Jacques Valade, et avec le concours des rapporteurs, MM. Maurice Blin et Henri Revol.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je rends également hommage à votre assemblée pour la qualité du débat que nous avons entamé la semaine dernière et que nous allons poursuivre cet après-midi. C'est un exemple de travail parlementaire de haute qualité qui est donné. Le Gouvernement y est particulièrement sensible.
Je souhaite associer à ces remerciements l'ensemble des fonctionnaires du Sénat et des collaborateurs des groupes, qui permettent à chacune et à chacun d'entre vous de mieux accomplir sa tâche.
Enfin, à votre suite, monsieur le président du Sénat, je souhaite, au nom du Gouvernement, à tous les membres de la Haute Assemblée ainsi qu'à tous leurs collaborateurs de très heureuses fêtes de fin d'année. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, des propos aimables que vous adressez à la Haute Assemblée, à laquelle, comme je l'ai dit, nous sommes très attachés. Si, d'aventure, vous entendiez des propos inélégants sur cette institution, ne manquez pas d'être son avocat ! (Sourires.)
3
MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, je vous transmets la demande de rectification formulée par notre collègue M. Bruno Retailleau, qui, lors du scrutin n° 67 sur la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2005, a été comptabilisé comme ayant voté pour, alors qu'il souhaitait s'abstenir.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.
4
Loi de programme pour la recherche
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de programme pour la recherche (nos 91, 121).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des amendements tendant à insérer un article additionnel avant l'article 3 ou après l'article 22.
Article additionnel avant l'article 3 ou après l'article 22 (réservé)
M. Jacques Valade, président de la commission spéciale sur la recherche, rapporteur. Monsieur le président, la commission spéciale sur la recherche demande la réserve des amendements nos 114 et 116 jusqu'après l'examen de l'article 22. Ainsi pourrons-nous étudier auparavant la totalité du texte, qui constitue l'ossature du volet législatif du Pacte pour la recherche.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Charles Gautier. Évidemment !
M. Jean-Pierre Sueur. Que des avantages !
M. Jean-Pierre Michel. Cela se fait dans la clandestinité !
M. le président. Des exemples nous confirment que cette méthode a déjà été utilisée par le passé !
M. Yannick Bodin. L'embarras est confirmé !
Un sénateur socialiste. Sabotage !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous serons là ce soir !
M. le président. La réserve est de droit.
Article 3
Le premier alinéa de l'article L. 412-2 du code de la recherche est remplacé par les dispositions suivantes :
« Afin de faciliter l'accès à la formation par la recherche, des allocations individuelles spécifiques sont attribuées, sur des critères de qualité scientifique ou technique, par l'État, les établissements publics d'enseignement supérieur, les établissements publics et organismes publics et privés de recherche. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 131 rectifié, présenté par MM. Renar et Billout, Mme David, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour le premier alinéa de L. 412-2 du code de la recherche, après les mots :
« des allocations individuelles spécifiques »
insérer les mots :
« d'un montant équivaut à 1,5 le SMIC en vigueur. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L'attractivité des métiers de la recherche est de plus en plus mise à mal. Il nous faut anticiper la pénurie de docteurs qui se profile. Cela suppose de prendre des mesures pour attirer des doctorants et, par la suite, de conserver nos jeunes docteurs. À cette fin, il est dès maintenant indispensable d'afficher et de mettre en place un plan pluriannuel de l'emploi scientifique, mesure importante pour renforcer l'activité de recherche des enseignants-chercheurs et pour stopper la précarisation des jeunes. Les doctorants pourraient ainsi bénéficier d'un statut de salarié.
Quant au montant des allocations, tant celles dont bénéficieraient les doctorants salariés que celles qui sont visées par l'article 3, il doit immédiatement être porté à 1 500 euros bruts par mois, soit 1,5 fois le SMIC en vigueur.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 412-2 du code de la recherche par un alinéa ainsi rédigé :
« Les allocations de recherche sont fixées à 1,5 SMIC »
L'amendement n° 89 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 412-2 du code de la recherche par un alinéa ainsi rédigé :
« Les allocations de recherche sont indexées sur l'évolution des rémunérations de la fonction publique. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. L'amendement n° 88 a le même objet que celui qui vient d'être présenté. Il tend à fixer l'allocation de recherche à un montant digne, soit 1,5 fois le SMIC, par référence à la situation qui existait voilà une trentaine d'années. A cette époque, en effet, un professeur certifié gagnait 341 euros alors qu'aujourd'hui il perçoit 1 558 euros. Un sénateur recevait une indemnité de 1 949 euros alors que cette dernière s'élève à 5 326 euros de nos jours. Les doctorants, qui travaillent à part entière, dont beaucoup ont dépassé la trentaine et qui sont considérés avec admiration et estime par l'opinion publique, sont maltraités en raison du montant érodé de leur allocation, qu'il est temps de revaloriser. Tel est l'objet de cet amendement.
L'amendement n° 89 rectifié ne fixe pas de montant. Il vise l'existant, c'est-à-dire une allocation proche du SMIC. L'objectif est que l'allocation de recherche ne soit pas livrée aux aléas de l'inflation. C'est pourquoi je vous propose de garantir son évolution en l'indexant sur l'évolution des rémunérations de la fonction publique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Valade, rapporteur. La commission est favorable au principe qui a été évoqué par les deux orateurs précédents.
Cependant, elle ne souscrit pas à la formulation de l'amendement n° 131 rectifié. Elle préférerait que soit retenu l'amendement n° 89 rectifié, auquel elle émet un avis favorable.
Mes chers collègues du groupe CRC, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 131 rectifié, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Renar, l'amendement n° 131 rectifié est-il maintenu ?
M. Ivan Renar. Une fois rectifié, il coïncidait avec celui de Mme Blandin. Toutefois, nous acceptons de le retirer dans la mesure où le principe de l'indexation sur le SMIC est retenu.
M. le président. L'amendement n° 131 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jacques Valade, rapporteur. Préférant l'amendement n° 89 rectifié, la commission demande à Mme Blandin de bien vouloir retirer l'amendement n°88, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 88 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Je le maintiens, monsieur le président, car l'objet des deux amendements n'est pas le même. Je souhaite que notre assemblée se prononce sur les deux amendements que j'ai déposés.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jacques Valade, rapporteur. L'amendement n° 89 rectifié prévoit l'indexation des allocations de recherche sur l'évolution des rémunérations de la fonction publique. Il est de nature à renforcer l'attractivité des carrières scientifiques à l'égard des jeunes. Par conséquent, comme je l'ai déjà dit, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n° 88 et 89 rectifié.
M. François Goulard, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite de ces différentes interventions, je veux tout d'abord indiquer que le Gouvernement propose, dans ce Pacte pour la recherche, des mesures de nature à attirer des jeunes talentueux vers les métiers de la recherche.
En ce qui concerne la recherche publique, jamais n'auront été créés autant d'emplois. De ce fait, des perspectives s'ouvrent pour les jeunes chercheurs, notamment pour ceux qui préparent une thèse.
En ce qui concerne la recherche privée, la politique des conventions industrielles de formation par la recherche, les CIFRE, et la création des contrats d'insertion des post-doctorants pour la recherche en entreprise, les CIPRE, que propose le Gouvernement, favorisera l'embauche de jeunes docteurs dans les entreprises.
Pour ce qui est des allocations de recherche, qu'il me soit permis de rappeler que pendant dix années, de 1992 à 2002, leur montant n'a pas été revu à la hausse. Or, depuis 2002, les gouvernements ont augmenté de façon sensible ces allocations. C'est ainsi qu'ont été consenties des revalorisations de 5,5 % en 2002 et au 1er octobre 2003, puis de 4 % au 1er mai 2004. Au 1er janvier 2006, une nouvelle revalorisation de 8 % va intervenir. Il en sera de même au 1er janvier 2007, selon l'engagement pris par le Gouvernement.
De ce fait, l'allocation de recherche, qui s'élevait en 2002 à 1,11 fois le SMIC, représentera, malgré la forte augmentation du SMIC pendant toute la période, 25 % de plus que le SMIC. C'est dire si le Gouvernement est attaché à l'augmentation sensible des allocations de recherche !
Si les amendements nos 88 et 89 rectifié étaient adoptés, en réalité, l'augmentation serait plus faible. L'indexation sur le point de la fonction publique ne donnerait pas les mêmes résultats et l'indexation sur le SMIC serait très en retrait par rapport à ce qu'a décidé le Gouvernement.
Par conséquent, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous propose que nous continuions cette action de revalorisation nécessaire, largement entamée aujourd'hui. Il conviendra ensuite de choisir un mécanisme d'indexation, d'augmentation régulière. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. M. le ministre a répondu avec astuce que, si les mesures proposées par le biais des amendements nos 88 et 89 rectifié étaient adoptées, la hausse des allocations de recherche serait inférieure à ce qu'elle sera grâce à l'effort que le Gouvernement est prêt à consentir ou a commencé à faire.
Mais, monsieur le ministre, l'amendement n° 89 rectifié indique non pas que l'augmentation des allocations de recherche est indexée sur l'évolution des rémunérations, mais que « les allocations de recherche sont indexées sur l'évolution des rémunérations de la fonction publique ».
Monsieur le ministre, si vous souhaitez augmenter ces allocations, rien ne vous en empêche. Mais, à partir du moment où leur montant est fixé, elles suivent, sans que vous interveniez, l'évolution des rémunérations de la fonction publique.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. J'ai bien entendu les arguments de M. le ministre. Mais il me semblait que nous examinions un projet de loi de programme. Certes, je reconnais les avancées qui ont été faites en matière d'allocations de recherche. Mais pourquoi ne pas se fixer comme objectif d'arriver à 1,5 SMIC au terme des cinq ans ? Cette mesure aurait été au moins aussi claire que de prévoir des revalorisations pour les mois de janvier 2006 et 2007. Elle aurait eu l'avantage de fixer un horizon.
Mes chers collègues, voici la phrase cynique que j'ai entendu prononcer au MIT à Boston au sujet de nos doctorants et de nos post-doctorants : « Vous formez les meilleurs docteurs et nous, nous avons les moyens de vous les acheter » !
Si la mesure que nous proposons était retenue, cela reviendrait à adresser un message d'espoir aux jeunes qui s'engagent dans la recherche, au moment où se manifeste une désaffection à l'égard des études scientifiques, en particulier à l'égard des études doctorales.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Mes chers collègues, comme vous tous, j'ai bien entendu l'explication de M. le ministre. Personnellement, je considère qu'il est très regrettable que l'amendement n° 89 rectifié ne soit pas adopté. En effet, comme vient de le dire M. Raoul, il s'agit plus de symbole que de chiffre.
Que se passe-t-il aujourd'hui ? Un certain nombre de postulants chercheurs sont peu intéressés car l'idée court dans l'opinion publique que les chercheurs sont très mal payés et, a contrario, qu'un certain nombre de pays, notamment les États-Unis, les rémunèrent bien mieux.
Le Sénat va donner l'impression négative qu'il chipote sur les chiffres et, dans l'opinion publique, restera l'image catastrophique du Gouvernement et de la Haute Assemblée ayant fait preuve de pingrerie.
L'indexation souhaitée par les auteurs de l'amendement n° 89 rectifié est relativement équilibrée. Envoyons un signal fort à la recherche en donnant le petit coup de pouce demandé !
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Chacun connaît la situation difficile de nombreux chercheurs, en particulier des plus jeunes d'entre eux. S'il en était autrement, pourquoi les chercheurs se seraient-ils mobilisés, pourquoi auraient-ils réussi à sensibiliser la population, à organiser et enrichir les assises de Grenoble ?
Selon le discours qui nous est tenu, tout va bien ! Mais les promesses ne valent que pour ceux qui veulent bien les écouter...
M. Ivan Renar. Je suis prêt à prendre acte de ce qui a été fait, mais chacun sait bien que la route est encore longue avant que les chercheurs de notre pays soient reconnus et rémunérés à la hauteur de cette reconnaissance.
Cocteau disait : en amour, ce ne sont pas les déclarations qui comptent, ce sont les preuves. Que le Gouvernement manifeste jusqu'au bout son affection, son amour et son respect pour les chercheurs, nous pourrons alors examiner et voter tous les textes de la terre, voire le budget ! Pour l'instant, nous voterons en faveur des amendements nos 88 et 89 rectifié, malgré la déclaration du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.
M. Yannick Bodin. À l'évidence, un effort important reste à faire ; c'est le sentiment qu'ont exprimé tous les intervenants.
Il est vrai qu'à la lecture de cet amendement - « Les allocations de recherche sont fixées à 1,5 SMIC » - on peut craindre qu'il ne faille appliquer la mesure immédiatement. Or il est bien évident qu'elle ne devra être mise en oeuvre que conformément au programme fixé par la loi.
Les choses seraient plus claires si nous précisions par un sous-amendement que les allocations de recherche seront fixées à 1,5 SMIC avant la fin de la programmation prévue dans la présente loi.
Avouez, monsieur le rapporteur, que c'est raisonnable !
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 161, présenté par M. Bodin, et ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 88 pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 412-2 du code de la recherche par les mots :
avant la fin de la programmation prévue par la présente loi.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Valade, rapporteur. Je confirme l'avis que j'ai donné tout à l'heure : si l'amendement n° 88 n'est pas retiré au profit de l'amendement n° 89 rectifié, la commission engagera le Sénat à voter contre le sous-amendement et l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 89 rectifié.
M. Daniel Raoul. M. le ministre vient de s'engager à augmenter les allocations de recherche aux mois de janvier 2006 et janvier 2007. Comment cela est-il compatible avec l'avis favorable que la commission vient de donner ? Je me pose des questions sur l'enclenchement de la mécanique qui va se mettre en place.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement maintient son engagement d'augmenter les allocations de recherche de 8 % au 1er janvier 2006 et de 8 % au 1er janvier 2007, quel que soit, au demeurant, le vote du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 87 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour le premier alinéa de l'article L. 412-2 du code de la recherche par une phrase ainsi rédigée :
La formation des thèses peut aussi se faire dans des associations.
La parole est à Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Les possibles partenaires fondateurs ou associés des PRES, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, ont été énumérés, au sein de l'article 2, précisément au texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article L. 343-1 du code de la recherche.
Vous vous étiez appuyé, monsieur le ministre, sur la phrase : « D'autres partenaires, en particulier des entreprises et des collectivités territoriales, peuvent y être associés. » pour repousser l'amendement n° 100, par lequel nous proposions d'insérer les mots « ou des associations », afin que les associations puissent, elles aussi, compter au nombre des partenaires pouvant être associés aux membres fondateurs des PRES. Cet ajout était selon vous inutile, puisque satisfait. J'en prends acte.
Les associations pouvant donc participer à un PRES, il est nécessaire de préciser que des étudiants en thèse peuvent s'y former et y travailler. Cette mention figurait, d'ailleurs, dans la rédaction initiale du projet de loi, conformément à ce qu'avaient proposé les états généraux de la recherche.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Valade, rapporteur. La commission ressent quelque embarras à la lecture de cet amendement. Bien qu'il lui semble sympathique qu'un étudiant puisse se former ou rédiger sa thèse au sein d'une association, elle lui donne toutefois un avis défavorable, dans la mesure où il n'est pas précisé de quelles associations il s'agit.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Selon la rédaction de l'article L. 412-2 du code de la recherche, les associations ne sont pas exclues - associations qui sont, d'ailleurs, mentionnées dans l'article L. 343-1 du même code - dès lors, bien entendu, qu'elles ont une activité de recherche proprement dite ou dans le domaine de la recherche. Or la rédaction proposée laisse entendre que toutes les associations sont susceptibles d'accueillir des doctorants, ce qui ne peut être.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Étant satisfaite par la réponse de M. le ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 87 rectifié est retiré.
L'amendement n° 104, présenté par Mme Blandin, M. Lagauche, Mme Bricq, MM. Raoul, Bodin, Michel, Piras, Saunier, Sueur, Todeschini, Trémel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour le premier alinéa de l'article L. 412-2 du code de la recherche par une phrase ainsi rédigée :
Ces allocations peuvent être attribuées à des jeunes chercheurs spécialisés dans une discipline différente de celle du laboratoire dans lequel ils exercent.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Chacun sait que, de plus en plus, les recherches croisent leurs disciplines, qu'elles soient fondamentales ou appliquées. Ainsi, l'apport des mathématiques et de l'informatique, notamment, est déterminant pour la génétique.
Or les laboratoires ont des difficultés à associer à leur équipe de jeunes doctorants d'autres disciplines. Lors d'une visite organisée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui mène actuellement une étude intitulée « Les recherches sur le fonctionnement des cellules vivantes », à l'unité INSERM 571, « Génétique moléculaire, évolutive et médicale » à la faculté de médecine de Necker-Enfants malades, nous avons entendu les doléances du professeur Miroslav Radman, directeur de cette unité, à ce sujet.
Cet amendement a pour simple objet de lever toutes difficultés en la matière et de favoriser la mise en place d'équipes pluridisciplinaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Valade, rapporteur. Cet amendement est plein de bon sens.
En effet, il serait paradoxal de ne pas pouvoir utiliser des doctorants de différentes disciplines au sein d'un laboratoire très spécialisé.
Nous souhaiterions connaître l'avis du Gouvernement, car ce qui est peut-être évident pour quelques spécialistes, voire quelques parlementaires, ne va peut-être pas de soi dans les faits. Peut-être M. le ministre va-t-il pouvoir nous rassurer en nous indiquant qu'il n'y a pas d'ostracisme par rapport à des disciplines extérieures au thème général de recherche développé par un laboratoire ou par un institut. La complémentarité des disciplines est, bien entendu, indispensable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Mme Blandin a évidemment raison : l'interdisciplinarité est aujourd'hui une règle dans la recherche contemporaine. Ainsi, dans le domaine de la recherche sur le cancer, des disciplines différentes sont mises à contribution : à l'Institut Curie, par exemple, une centaine de physiciens travaillent.
Aujourd'hui, il peut se faire que des habitudes empêchent l'attribution d'allocations de recherche à un chercheur d'une spécialité différente de celle du laboratoire dans lequel il travaille, mais aucun texte n'y fait obstacle. Par ailleurs, l'amendement proposé touche l'article L. 412-2 du code de la recherche, qui fixe le régime des allocataires au regard du droit du travail et de leur couverture sociale mais ne règle pas des questions comme celle que vous évoquez, madame la sénatrice.
Je prends acte de vos remarques et vous donne l'assurance que, pour le Gouvernement, il est évidemment possible d'attribuer des allocations de recherche à des chercheurs d'une spécialité différente de celle du laboratoire dans lequel ils exercent.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je comprends que rattacher la mesure proposée à l'article 3 puisse poser un problème, mais il s'agit de donner un signe aux allocataires de recherche, en particulier aux patrons de laboratoires qui veulent favoriser la pluridisciplinarité.
Ainsi, les nanotechnologies, qui sont des disciplines émergentes, demanderont une pluridisciplinarité de plus en plus importante. Il vous faut faire passer un message fort, à l'intérieur de votre ministère, monsieur le ministre, au sein des commissions des EPST qui sont très frileux, chacun défendant sa propre discipline, mais aussi au sein de l'ANR elle-même, pour que chacun comprenne que la pluridisciplinarité doit prévaloir et qu'il n'existe plus de disciplines cloisonnées.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Le doute ayant été semé sur l'opportunité de rattacher cette mesure à l'article 3, je tiens à citer la phrase à laquelle elle se rattache : « Afin de faciliter l'accès à la formation par la recherche, des allocations individuelles spécifiques sont attribuées, sur des critères de qualité scientifique ou technique, par l'État, les établissements publics d'enseignement supérieur, les établissements publics et organismes publics et privés de recherche. »
Je ne vois pas pourquoi ce serait inconvenant d'ajouter : « Ces allocations peuvent être attribuées à des jeunes chercheurs spécialisés dans une discipline différente de celle du laboratoire dans lequel ils exercent. »
M. le président. La parole est à M. Jacques Valade, rapporteur.
M. Jacques Valade, rapporteur. Il est difficile de donner un avis défavorable à cet amendement, mais la commission va s'abstenir.
Les explications de M. le ministre nous ont convaincus qu'il n'y avait aucun ostracisme par rapport à une quelconque discipline : la pluridisciplinarité, pour laquelle a plaidé M. Raoul, est de règle.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
CHAPITRE II
L'ÉVALUATION DES ACTIVITÉS DE RECHERCHE
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Valade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter l'intitulé de cette division par les mots :
et d'enseignement supérieur
La parole est à M. Valade, rapporteur.
M. Jacques Valade, rapporteur. Dans l'avant-projet de loi, il était seulement question de l'évaluation des activités de recherche. Or le texte qui nous est soumis a évolué. Par ailleurs, nous avons complété d'une façon significative les rôles de chacun, notamment celui de l'Agence nationale pour l'évaluation.
Par conséquent, dans un souci de cohérence, nous souhaitons compléter l'intitulé de ce chapitre en y ajoutant l'enseignement supérieur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Je soulignais tout à l'heure la qualité du travail du Sénat. Nous en avons là une illustration.
En effet, le texte du Gouvernement comportait une lacune, que le Conseil d'État n'a d'ailleurs pas relevée. C'est donc à bon droit que la commission spéciale propose de modifier l'intitulé du chapitre II.
Le Gouvernement est très favorable à cet amendement.
M. Ivan Renar. Chacun sa lacune !
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Nous avions, pour notre part, déposé un amendement similaire. Mon groupe votera donc pour cet amendement de la commission.
M. le président. En conséquence, l'intitulé du chapitre II est ainsi complété.