Art. 6
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 8

Article 7

L'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi rédigé :

« Art. 26. - Afin de prévenir et de réprimer le terrorisme, de faciliter la constatation des infractions s'y rattachant, de faciliter la constatation des infractions criminelles ou liées à la criminalité organisée au sens de l'article 706-73 du code de procédure pénale et des infractions de vol et de recel de véhicules volés, et afin de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de police et de gendarmerie peuvent mettre en oeuvre des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules prenant la photographie de leurs occupants, en tous points appropriés du territoire, en particulier dans les zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires ainsi que sur les grands axes de transit national ou international.

« L'emploi de tels dispositifs est également possible, à titre temporaire, pour la préservation de l'ordre public, à l'occasion d'événements particuliers ou de grands rassemblements de personnes, par décision de l'autorité administrative. 

« Pour les finalités mentionnées aux deux précédents alinéas, les données à caractère personnel mentionnées au premier alinéa peuvent faire l'objet de traitements automatisés mis en oeuvre par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale et soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Ces traitements comportent une consultation du traitement automatisé des données relatives aux véhicules volés ou signalés ainsi que du système d'information Schengen.

« Afin de permettre cette consultation, les données collectées sont conservées durant un délai maximum de huit jours au-delà duquel elles sont effacées dès lors qu'elles n'ont donné lieu à aucun rapprochement positif avec les traitements mentionnés au précédent alinéa. Durant cette période de huit jours, la consultation des données n'ayant pas fait l'objet d'un rapprochement positif avec ces traitements est interdite, sans préjudice des nécessités de leur consultation pour les besoins d'une procédure pénale. Les données qui font l'objet d'un rapprochement positif avec ces mêmes traitements sont conservées pour une durée d'un mois sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale. »

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. À travers les dispositions de cet article, le Gouvernement marque à nouveau ce qui caractérise ce projet de loi : l'inefficacité, la confusion et la dangerosité.

Pensez-vous sincèrement, monsieur le ministre, que les terroristes ont l'habitude d'utiliser des voitures volées ? Ce gouvernement tente de faire croire aux Français que les terroristes circuleraient dans des grosses berlines volées dans des villes riches - comme Neuilly, peut-être -, et qu'il suffirait de multiplier les systèmes de surveillance et de photographie pour les appréhender. Non, malheureusement, les terroristes circulent plus souvent dans les transports en commun que dans des véhicules volés. Lorsqu'ils préparent leurs mauvais coups, leurs crimes, ils ne veulent pas se faire repérer, et ne prennent aucun risque.

Monsieur le ministre, cette justification est de toute évidence infondée. D'autant plus que vous persistez dans cette volonté de tout amalgamer : dans un seul mouvement, vous instaurez volontairement la confusion entre la lutte antiterroriste, le trafic de voitures et le grand banditisme.

Pour ce gouvernement, ce qui compte, c'est non pas le langage de la clarté et de la vérité, mais plutôt la confusion des genres et les faux-semblants. De façon totalement disproportionnée par rapport au respect des droits et des libertés et au maintien de l'ordre public, vous mettez en oeuvre un dispositif général permettant de soumettre à une surveillance automatique l'ensemble des déplacements routiers de toutes les personnes vivant en France.

Sous prétexte d'assurer la sécurité des citoyens, ce gouvernement, à travers des agents de police presque totalement libres de tout contrôle judiciaire, pourra contrôler les données téléphoniques et Internet ainsi que les déplacements maritimes, ferroviaires, aériens, routiers et même pédestres ! Ces agents pourront presque tout savoir sur tout et sur tout le monde. Nous ne sommes pas à la veille du Nouvel An 2006, mais bien en plein 1984 : c'est Big Brother, tel que l'a décrit George Orwell !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 71 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 92 rectifié est présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Eliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 71.

Mme Éliane Assassi. Comme le dit parfaitement notre collègue Jean-Patrick Courtois dans son rapport, cet article tend à permettre une utilisation plus intensive des dispositifs de contrôle des déplacements des véhicules. Ce nouveau dispositif est en effet intensif au point de permettre que tous les occupants d'un véhicule soient photographiés !

Nous sommes tout simplement consternés par un tel article, et ce pour deux raisons.

D'une part, cet article élargit l'article 26 de la loi pour la sécurité intérieure, qui prévoit déjà la possibilité d'installer en tous points appropriés du territoire des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules couplées au fichier des véhicules volés de la police et de la gendarmerie nationales, mais pour lequel aucun décret d'application n'a été pris.

D'autre part, l'atteinte au respect de la vie privée et à la liberté d'aller et venir est ici excessive et disproportionnée eu égard à l'objectif recherché. En effet, la lutte contre le terrorisme n'est pas le seul motif justifiant la mise en oeuvre d'un tel dispositif : outre le vol et le recel de véhicules volés, ce dispositif pourrait être mis en oeuvre afin de faciliter la constatation des infractions criminelles ou liées à la criminalité organisée, ce qui constitue un nombre très important d'infractions.

La CNIL est d'ailleurs très critique à l'égard de cet article, comme du dispositif introduit par la loi pour la sécurité intérieure. Elle se montre « extrêmement réservée sur le dispositif général prévu par l'article 26 de la loi du 18 mars 2003 modifié par l'article 7 du projet de loi qui conduit à pouvoir soumettre à une surveillance automatique l'ensemble des déplacements des personnes en France utilisant le réseau routier, ce qui serait de nature à porter atteinte au principe fondamental de la liberté d'aller et venir ».

Par ailleurs, « elle constate que les conditions pratiques de mise en oeuvre des dispositifs de contrôle automatisé n'apportent pas, en l'état, de garanties suffisantes pour éviter ces risques ». Ainsi, elle estime « disproportionnée par rapport aux finalités avancées la collecte systématique de la photographie des passagers d'un véhicule. Cette collecte pourrait en outre conduire à l'instauration d'un contrôle d'identité à l'insu des personnes ».

En effet, aucune précision n'est apportée dans cet article sur les conditions d'information des personnes photographiées, ni sur les droits qui devraient leur être reconnus. Nous ne savons pas plus quels seront les agents habilités à accéder à ces informations. La mise en oeuvre d'un tel dispositif est d'autant plus inquiétante qu'elle pourrait être temporaire pour la préservation de l'ordre public à l'occasion d'événements particuliers.

M. Jean-Pierre Sueur. Lesquels ? Que signifie cette expression ?

Mme Éliane Assassi. Or, la notion d'ordre public est suffisamment large pour permettre une application très fréquente de ce nouveau type de contrôle automatisé des véhicules. Cet article est donc manifestement attentatoire aux libertés individuelles, d'une part en raison de la technique utilisée et de l'application sur tout le territoire, d'autre part, parce qu'il a vocation à s'appliquer de manière quasi systématique.

En tout état de cause, nous n'acceptons pas le dispositif proposé par cet article, et c'est pourquoi nous en demandons la suppression.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l'amendement n° 92 rectifié.

M. Louis Mermaz. L'article 7 constitue vraiment une sorte de chef-d'oeuvre sur lequel les étudiants se pencheront certainement un jour. Il ne s'agit plus là de l'immigration clandestine. Il semble que nous retrouvions le coeur du sujet annoncé par le projet de loi, puisqu'il est indiqué, au début du texte proposé par cet article 7 pour l'article 26 de la loi pour la sécurité intérieure : « Afin de prévenir et de réprimer le terrorisme... ». C'est donc parfait !

Néanmoins, on commence ensuite à dériver puisqu'il est question de véhicules volés. C'est un peu différent mais, après tout, nous sommes tous contre les voleurs de voiture !

On est contre le terrorisme, on est contre les véhicules volés ; puis, d'un seul coup, on s'aperçoit que l'on va photographier les gens.

J'ai dit hier que, personnellement, cela ne me dérange pas d'être photographié dans ma voiture, où que j'aille. Mais enfin, certaines personnes ne tiennent peut-être pas à être prises en photo avec d'autres en voiture.

Bref, on assiste à un dégradé : on part du terrorisme, on passe au vol de véhicule, et on en arrive à la photographie des voitures de tout le monde, ce qui n'est plus du tout le même sujet !

Et l'on en vient à ce chef-d'oeuvre : « L'emploi de tels dispositifs est également possible, à titre temporaire, pour la préservation de l'ordre public, » - cela veut dire beaucoup de choses et rien ! - « à l'occasion d'événements particuliers » - je ne sais pas dans quel livre de droit on trouvera la définition d'un « événement particulier » : est-ce la venue de tel ministre dans un endroit ? Est-ce l'anniversaire de quelqu'un ? (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) - « ou de grands rassemblements de personnes » - là encore, de quoi s'agit-il ? Les grands rassemblements commencent-ils au-delà de trois ou quatre personnes ? (Nouveaux rires sur les mêmes travées) - « par décision de l'autorité administrative ». Autrement dit, les photographes vont être convoqués pour photographier tout le monde lorsqu'il y aura un événement particulier ou lorsque des gens seront un peu nombreux à se rassembler !

Là, on sombre dans le ridicule ! C'est Molière ! Cela me fait penser à une scène de l'Avare dans laquelle Harpagon, pris de folie, voulait se donner la question à lui-même ! On va tous s'autocontrôler ! Cela devient une histoire de fous !

Comme je le disais hier, on veut mettre la population en condition. Tout le monde va avoir peur de tout le monde. Quand on verra des policiers, des photographes, on rasera les murs même si l'on n'a rien à se reprocher ! Faites attention, mes chers collègues, de ne pas vous faire photographier ! Sur ce sujet, Clemenceau avait des formules très raides que vos chastes oreilles ne sauraient supporter et que je ne reprends donc pas ici.

Je poursuis la lecture de l'article : « Pour les finalités mentionnées aux deux précédents alinéas, les données à caractère personnel mentionnées au premier alinéa peuvent faire l'objet de traitements automatisés » - évidemment, on ne nous a pas photographiés pour le simple plaisir de nous photographier ! - « mis en oeuvre par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale et soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'information, aux fichiers et aux libertés. »

Justement, la CNIL a jugé cette disposition contraire à la liberté constitutionnelle d'aller et venir.

Telles sont toutes les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article qui, dans le fond, ne concerne pas tellement le terrorisme. C'est ce que j'appelle une opération « pair, impair et passe ». Nous demandons par conséquent la suppression de cet article plus qu'ambigu.

M. le président. L'amendement n° 107 rectifié bis, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article  26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, après les mots :

et des infractions de vols et de recel de véhicules volés,

insérer les mots :

des infractions de contrebande, d'importation ou d'exportation commise en bande organisée, prévues et réprimées par l'article 414, alinéa 2, du code des douanes, ainsi que, lorsqu'elles portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions, la réalisation ou la tentative de réalisation des opérations financières définies à l'article 415 du même code.

II. - Dans le même alinéa, remplacer les mots :

et de gendarmerie

par les mots :

de gendarmerie et de douanes

III. - Dans le deuxième alinéa du même texte, après les mots :

est également possible

insérer les mots :

par les services de police et de gendarmerie

IV. - Compléter la deuxième phrase du dernier alinéa du même texte par les mots :

ou douanière

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je le reprends, au nom de la commission !

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 107 rectifié ter.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, lors du débat en commission, M. Charasse avait déposé trois amendements qui nous avaient paru beaucoup trop larges, concernant notamment la possibilité donnée aux douaniers d'accéder à certains fichiers.

Celui que je reprends prévoit, après rectification par son auteur, des possibilités plus restreintes pour les douaniers d'accéder à certains fichiers, en particulier au fichier des véhicules, en cas d'infractions extrêmement graves en matière douanière. Par conséquent, il est tout à fait acceptable dans la mesure où il correspond à la finalité de la répression : je pense notamment aux délits douaniers visés aux articles 414 et 415 du code des douanes.

Il s'agit d'infractions liées à la criminalité organisée, et le principe de proportionnalité est respecté. En effet, les douanes ne pourraient mettre en oeuvre ces dispositifs que pour constater ces infractions douanières graves. Dans les autres cas, seuls les policiers et les gendarmes seraient bien entendu compétents.

Je rappelle qu'un amendement proposé par M. Türk vise à encadrer plus strictement encore la consultation de ces données.

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article  26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Le Gouvernement, à travers l'article 7 du présent projet de loi, réécrit intégralement l'article 26 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui prévoit l'installation de dispositifs de contrôle des données signalétiques des voitures. J'ai d'ailleurs déjà évoqué ce point dans mon intervention précédente, lors de la présentation d'un amendement qui était en quelque sorte le « cousin germain » de celui-ci.

Nous tenons à ce qu'il soit bien précisé que les conditions de mise en oeuvre des dispositifs envisagés peuvent conduire à photographier tout conducteur de véhicule et ses passagers.

Par ailleurs, cet article 7 reprend, dans son troisième alinéa, le droit en vigueur permettant l'emploi de tels dispositifs à titre temporaire, à l'occasion d'événements particuliers ou de grands rassemblements. De tels dispositifs ne peuvent être envisagés qu'en tant que mesures exceptionnelles prises pour faire face à des circonstances elles-mêmes exceptionnelles.

Il s'avère que, dans l'article 7, la finalité principale de prévention et de répression des actes de terrorisme se trouve diluée au sein de toute une série de dispositions concernant la lutte contre les voleurs de voitures - tout le monde est contre les voleurs de voitures ! - ainsi que des mesures de police générale et de maintien de l'ordre public - nous sommes tous pour le maintien de l'ordre public, même si, je le répète, nous ne savons pas très bien ce que signifient des expressions telles que « grands rassemblements » ou « événements particuliers ».

Bref, en visant des « événements particuliers ou de grands rassemblements », et ce sans précision aucune, une telle disposition pourrait ouvrir la voie - Dieu nous en garde ! - à l'arbitraire.

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, remplacer les mots :

mentionnées au premier alinéa

par les mots :

collectées à l'occasion des contrôles susmentionnés

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les données susceptibles de faire l'objet d'un traitement automatisé sont celles qui sont collectées à l'occasion des contrôles de véhicules prévus aux deux premiers alinéas de l'article 7.

La rédaction actuelle semble limiter ces données à la plaque d'immatriculation et à la photographie des passagers. Celle que je propose, au nom de la commission des lois, est un peu plus large, puisqu'elle pourrait comprendre notamment la date du contrôle. Elle vise, en outre, de manière explicite, les données recueillies par ces contrôles automatisés à l'occasion d'événements particuliers ou de grands rassemblements.

M. le président. L'amendement n° 57 rectifié ter, présenté par MM. Türk,  Portelli et  Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly,  Seillier et  Cambon, est ainsi libellé :

I. Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 par un alinéa ainsi rédigé :

« Aux fins de prévenir et de réprimer des actes de terrorisme, de faciliter la constatation des infractions s'y rattachant, les services de police et de gendarmerie spécialement chargés de ces missions peuvent avoir accès à ces traitements. »

II. En conséquence, dans le premier alinéa du même texte, après le mot :

Afin

supprimer les mots :

de prévenir et de réprimer le terrorisme, de faciliter la constatation des infractions s'y rattachant

La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Cet amendement vise à distinguer plus clairement les finalités poursuivies par la mise en place des dispositifs prévus, en précisant tout particulièrement les modalités d'accès aux données par les services de police et de gendarmerie en charge de la lutte contre le terrorisme.

Il nous semble que, au regard de la collecte et de l'enregistrement de la photographie des occupants d'un véhicule, les garanties procédurales qui entourent les conditions dans lesquelles les services de police pourront avoir accès à cette information doivent être renforcées.

M. le président. Le sous-amendement n° 114, présenté par M. Goujon, est ainsi libellé :

I. - Dans le texte proposé par le I de l'amendement n° 57 rectifié ter pour compléter l'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, remplacer les mots :

les services de police et de gendarmerie spécialement chargés

par les mots :

les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement en charge

II. - Compléter le II de cet amendement par quatre alinéas ainsi rédigés :

Et dans le troisième alinéa du même texte, remplacer les mots :

aux deux précédents alinéas

par les mots :

au présent article

La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Ce sous-amendement a simplement pour objet de tenir compte de la rédaction proposée par la commission des lois dans différents amendements concernant l'habilitation des agents des services de police et de gendarmerie.

Dès lors, il convient de remplacer, dans l'amendement n° 57 rectifié ter, la formule : « Les services de police et de gendarmerie spécialement chargés » par les mots suivants : « Les agents des services de police et de gendarmerie nationales spécialement désignés et dûment habilités en charge  », selon la formule consacrée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. S'agissant des amendements identiques nos 71 et 92 rectifié, dont l'objet est de supprimer l'article 7, la position de la commission des lois est bien connue : à partir du moment où la commission souhaite modifier cet article, elle ne peut qu'être défavorable à ces deux amendements.

S'agissant de l'amendement n° 107 rectifié ter, le modeste rapporteur que je suis souscrit bien évidemment aux propos tenus par M. le président de la commission des lois et émet un avis favorable.

L'amendement n° 93 vise, selon son exposé des motifs, à supprimer la possibilité d'utiliser les systèmes de contrôle des véhicules à l'occasion de grands rassemblements ou d'événements particuliers pour des raisons d'ordre public.

Je ferai tout d'abord une remarque de forme, à savoir que cet amendement aurait dû viser non pas le troisième, mais le deuxième alinéa.

Par ailleurs, cette disposition n'est pas nouvelle, puisqu'elle figure déjà dans l'article 26 en vigueur.

J'ajoute qu'une telle disposition peut se révéler très utile lors de manifestations très sensibles, telles que, par exemple, le G8 ou le Conseil européen. En effet, il peut parfois être salutaire de contrôler de façon ponctuelle certains véhicules.

C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 57 rectifié ter tend à mieux distinguer les finalités poursuivies par les systèmes de contrôle automatisé de données signalétiques des véhicules. Il fait un cas particulier de la lutte contre le terrorisme en prévoyant que les services de police et de gendarmerie spécialement chargés de ces missions pourront avoir accès à ces données. La commission est donc favorable à cet amendement.

Il en va de même s'agissant du sous-amendement n° 114, sous réserve que M. Goujon accepte de rédiger ainsi la phrase proposée dans le I : « les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement en charge ».

M. le président. Monsieur Goujon, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?

M. Philippe Goujon. Je l'accepte, monsieur le président, et je rectifie mon sous-amendement en ce sens.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 114 rectifié, présenté par M. Goujon, et ainsi libellé :

I. - Dans le texte proposé par le I de l'amendement n° 57 rectifié ter pour compléter l'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, remplacer les mots :

les services de police et de gendarmerie spécialement chargés

par les mots :

les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement en charge

II. - Compléter le II de cet amendement par quatre alinéas ainsi rédigés :

Et dans le troisième alinéa du même texte, remplacer les mots :

aux deux précédents alinéas

par les mots :

au présent article

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je voudrais tout d'abord demander à l'ensemble des sénateurs, notamment aux orateurs des groupes socialiste et CRC, d'éviter les caricatures ! En effet, j'ai l'impression, monsieur Mermaz, que la meilleure image à offrir ne consiste pas à caricaturer en permanence,...

M. Jean-Pierre Sueur. Il a été très bon !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...simplement pour avoir la satisfaction de faire éclater de rire Mme Assassi, sous le regard des Français éberlués qui se demandent de quoi vous parlez, alors que nous traitons d'affaires particulièrement sérieuses dans le but d'assurer leur sécurité au quotidien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Oui, les terroristes sont mobiles, y compris sur le réseau routier. Cela vous amuse ? Nous, pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez de nous prendre pour des débiles !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Oui, des outils existent pour mieux contrôler les déplacements et, madame Assassi, je vous prierai d'être modeste, car je vous réserve une sacrée surprise ! (Mme Éliane Assassi s'exclame.)

Oui, je le répète, des outils existent pour mieux contrôler les déplacements, et nous nous inspirons, dans ce domaine, d'un dispositif britannique qui a montré toute son efficacité.

Oui, nous devons pouvoir disposer de cet outil dans le respect des libertés. Mesdames Assassi et Boumediene-Thiery, vous proposez, à travers vos amendements respectifs, de supprimer cet article 7, ce qui, soit dit en passant, aurait pour effet de priver notre pays de technologies performantes. Permettez-moi néanmoins d'informer la représentation nationale du fait que 500 000 véhicules figurent actuellement sur le fichier des véhicules volés ou signalés en France.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il ne s'agit tout de même pas d'une broutille ! Aussi, quand Mme Boumediene-Thiery nous dit que les terroristes ne circulent pas dans de belles et grosses voitures volées, qu'ils empruntent comme beaucoup de citoyens, modestement, les transports en commun,...

M. Philippe Goujon. En payant leur billet !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...je tiens simplement à porter à la connaissance de la représentation nationale deux exemples récents qui, à eux seuls, résument la philosophie de l'article 7 et la nécessité de prendre les dispositions que nous préconisons.

En premier lieu, depuis le début de l'année, les gendarmes ont saisi cinquante-quatre véhicules de toutes cylindrées volés par ETA et utilisés à des fins terroristes. Telle est la réalité, madame Boumediene-Thiery, cette réalité que vous essayez de travestir, de maquiller et de caricaturer !

En second lieu, je rappellerai que le réseau Bourada importait des véhicules de grosse cylindrée depuis la Belgique, notamment en les maquillant, afin de s'en servir dans leurs activités conspiratrices.

Je ne mentionne que ces deux exemples, mais la liste pourrait être beaucoup plus longue. Ils vous apportent, en tout état de cause, une réponse cinglante.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est évidemment défavorable aux amendements identiques nos 71 et 92 rectifié.

S'agissant de l'amendement n° 93, monsieur Mermaz, vous dites « non » à un dispositif à titre temporaire. Eh bien, moi, je dis « oui » !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà qui est convaincant !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. D'ailleurs, la possibilité de mettre en oeuvre des dispositifs temporaires figure déjà dans le droit existant, et le Gouvernement ne voit pas de raison objective de revenir sur cette possibilité légale, dès lors que toutes les garanties nécessaires sont apportées.

Là aussi, prenons quelques exemples qui montreront toute l'utilité de ce dispositif : je songe, en particulier, au prochain voyage du pape, aux sommets régulièrement organisés du G8, ou encore à la prochaine grande manifestation sportive internationale que sera la Coupe du monde de rugby et qui se déroulera en France en 2007.

Tout cela montre combien il est nécessaire de pouvoir disposer de ce dispositif à titre temporaire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

En revanche, l'amendement n° 107 rectifié ter, repris par M. le président de la commission des lois mais initialement déposé par M. Charasse, me paraît participer utilement à l'amélioration du texte, et le Gouvernement émet donc à son sujet un avis tout à fait favorable.

Il en va de même, et pour la même raison, de l'amendement n° 19.

Le Gouvernement émet également un avis favorable sur l'amendement n° 57 rectifié ter, tel qu'il est modifié par le sous-amendement n° 114 rectifié. Cet amendement est en effet tout à fait bienvenu en ce qu'il permet de mieux distinguer les différentes finalités poursuivies, conformément aux recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 71 et 92 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Bien entendu, monsieur le ministre, il ne faut pas caricaturer, ainsi que vous venez de le dire si justement.

Soyons très clairs : nous ne refusons en aucune manière la mise en oeuvre de quelque moyen que ce soit pour faire face au terrorisme, qu'il s'agisse d'ETA ou de toute autre organisation terroriste, dès lors - j'insiste bien sur ce point - que les opérations se déroulent sous le contrôle de l'autorité judiciaire.

En effet, il existe des juges antiterroristes dans notre pays qui, à juste titre, ordonnent un certain nombre d'investigations et qui, toujours à juste titre, mettent en oeuvre tous les moyens nécessaires, qu'il s'agisse de photographies ou d'autres procédés. Ce faisant, ils ont tout à fait raison, ils ne font que leur travail.

Par conséquent, nous ne nous livrons aucunement à une caricature. Nous disons qu'une telle action est légitime, à condition d'être placée sous l'autorité de la justice. Voilà qui me paraît simple.

En outre, il faut rappeler que la justice peut prendre des décisions très rapides. D'ailleurs les juges qui s'occupent de terrorisme prennent très vite des décisions, par la force des choses.

En réalité, M. Mermaz, avec beaucoup d'éloquence, a pour l'essentiel - chacun l'a bien compris - lu le texte. Or - et je répète ce que je viens de dire -, s'il convient de prendre, sous l'autorité de la justice, toutes les mesures appropriées pour lutter contre le terrorisme et ne refuser aucune technologie destinée à rechercher les terroristes, à déjouer, voire à éradiquer le terrorisme, cela n'implique nullement, selon nous, le vote d'un article de loi permettant à des autorités administratives de prendre, en toutes circonstances, telle ou telle photographie de telle ou telle personne à l'occasion de tel ou tel événement particulier. C'est simple, et chacun peut en convenir.

Surtout, ne prétendez pas que, parce que nous ne votons pas cet article, nous nous opposons à ce que tous les moyens soient donnés à la lutte contre le terrorisme !

En effet, donner tous les moyens à cette lutte n'implique pas que toute autorité administrative ou tout service, quel qu'il soit, puisse prendre toute photo, partout, de toute personne, procéder à tout contrôle sur la vie personnelle, inscrire toutes les données dans tout fichier, sans aucune intervention de la justice, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est normal ! Il s'agit de police administrative !

M. Jean-Pierre Sueur. ...lors de tout type d'événement.

Mes chers collègues, souvenez-vous de notre débat sur l'autonomie financière des collectivités locales : nous avions décidé d'inscrire dans la Constitution, me semble-t-il, que cette autonomie devait être « déterminante ». Je me souviens avoir demandé ce que signifiait ce mot. S'agissait-il d'une part de 5 %, de 10 %, de 40 % ou de 60 % ? De même, quand on affirme qu'un fait est significatif, cela ne veut pas dire pas grand-chose.

Or, dans une loi de la République, sur un sujet aussi sensible, vous disposez que des procédures tout à fait exceptionnelles pourront être mises en oeuvre à l'occasion d'un rassemblement ou d'un événement particulier. Vous rendez-vous compte que cette rédaction ne présente aucune garantie d'aucune sorte ?

Cet article est nécessairement mal écrit, source de dangers pour les libertés publiques, comme chacun le voit bien et le comprend. C'est pourquoi nous demandons un vote pour scrutin public sur les amendements nos 71 et 92 rectifié. M. Louis Mermaz a parlé, me semble-t-il, avec tant de clarté que, quelles que soient nos convictions politiques, nous aurons peut-être ici l'occasion de marquer notre soutien à ses paroles de grand bon sens.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Monsieur Sueur, il ne suffit pas d'adopter un ton angélique comme vous venez de le faire pour prouver que l'on n'est plus dans la caricature ! En effet, ici, nous y sommes pleinement ! Le terrorisme, c'est tout de même une chose sérieuse ! Je ne vois pas en quoi être pris en photo peut gêner tel ou tel, ici, lorsqu'il se promène dans la rue, si cela peut éviter qu'un acte terroriste ne soit commis quelque part ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Moi, cela me gêne !

M. Éric Doligé. Je ne vois pas en quoi cela peut vous gêner ! On a le sentiment que vous avez des choses à vous reprocher ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.). D'ailleurs, si vous commettez un excès de vitesse au volant de votre voiture, vous serez photographié. Et après ? Cela vous pose-t-il vraiment un problème ? Non ! Par conséquent, il en va de même s'agissant des photos dans la rue !

M. Mermaz, tout à l'heure, soutenait qu'il était opposé au terrorisme et au vol de voitures, qu'il était favorable à l'ordre public, mais que, surtout, il ne fallait rien faire !

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Éliane Assassi. C'est vous qui caricaturez !

M. Éric Doligé. En réalité, voilà ce que vous proposez : ne rien faire. Mais le jour où nous subirons un acte terroriste, le jour où, au cours d'une grande manifestation, se produira un événement catastrophique, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un « événement particulier » !

M. Éric Doligé. ...vous serez les premiers à prétendre que rien n'a été fait, qu'il fallait..., qu'on aurait dû... Tout de même, un peu de sérieux !

Voilà quelques années, des discussions importantes se sont tenues au Parlement sur la possibilité de filmer dans les rues et d'installer des caméras. Membres du parti communiste et du parti socialiste, vous y étiez tous, alors, opposés. Aujourd'hui, nous nous apercevons qu'il s'agit d'une disposition extrêmement utile pour lutter contre le terrorisme et le grand banditisme. Vous devriez peut-être vous mettre au goût du jour et cesser d'être totalement angéliques !

Pour ma part, que tel ou tel soit filmé dans la rue ne me gêne en rien - et même si c'est dix fois dans la journée -, dès lors que c'est toujours dans l'intérêt de l'ordre public ! Je trouve complètement dénué de bon sens de soutenir que, finalement, le terrorisme, ce n'est pas si grave, puisqu'il n'y a rien à faire contre lui. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'avons pas dit cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est de la caricature !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 et 92 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 63 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l'adoption 128
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 107 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 114 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié ter, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)