compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Loi de finances pour 2006
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98, 99).
Sécurité
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre de la défense, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, mes chers collègues, l'existence d'une mission interministérielle « Sécurité » rassemblant la police nationale, qui relève du ministère de l'intérieur, et la gendarmerie nationale, qui dépend du ministère de la défense, ne fait plus l'objet de discussions aujourd'hui.
Le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, que j'ai entendus ensemble, ont répondu à l'unisson à la quasi-totalité de mes questions. Une telle attitude me paraît très constructive et très positive.
Pourtant, cette mission, que j'ai souhaitée en accord avec la commission des finances, n'a pas été acquise d'emblée. C'est dire le chemin parcouru. Il faut donc se féliciter de ce que le Gouvernement ait suivi nos préconisations.
L'année dernière, j'avais marqué mon vif étonnement devant le fait que police et gendarmerie soient dotées d'indicateurs de performance différents, alors que ces forces concourent à la même politique de sécurité publique.
Procédant à une analyse d'ensemble des objectifs et indicateurs de performance, au mois de mars dernier, le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, avait réclamé avec beaucoup d'insistance l'harmonisation nécessaire.
Force est de constater, en examinant les objectifs et indicateurs de performance présentés pour la police comme pour la gendarmerie, qu'un effort d'harmonisation sensible a enfin été accompli en ce qui concerne tant l'intitulé des actions de chacun des programmes que la mesure de la performance. Je regrette néanmoins le nombre excessif d'indicateurs de performance : vingt-cinq pour le programme « Police nationale », vingt et un pour le programme « Gendarmerie nationale ».
J'en viens maintenant aux questions spécifiques au programme « Police nationale ».
La loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, la LOPSI, a prévu sur cinq ans, de 2003 à 2007, la création de 6 500 emplois, soit en moyenne 1 300 emplois par an. Sur les trois premières années, l'objectif a été pleinement atteint et il le sera encore en 2006.
Tout en me réjouissant de l'application fidèle de la LOPSI en matière de personnel, je n'oublie pas que la mission « Sécurité » bénéficie en la matière d'un « privilège » certain, lié à la priorité que le Gouvernement a assignée à la sécurité publique. Toutefois - et j'insiste sur ce point -, l'effort consenti par les contribuables pour le renforcement des forces de sécurité doit se traduire par des progrès tangibles en termes d'efficacité. Une mesure fiable de la performance est donc nécessaire.
En toutes choses, il conviendrait, pour trouver un équilibre efficace, d'écarter le dogmatisme au profit du pragmatisme. L'essentiel tient dans la performance, pas dans le dogme. Cela est particulièrement vrai s'agissant de la police de proximité. Sur ce sujet, les récentes violences urbaines semblent avoir relancé le débat.
La réponse à ces événements ne saurait se limiter à une augmentation mécanique des moyens, y compris en personnel. Les interrogations soulevées ne se réduisent d'ailleurs pas à la stricte sécurité, même si celle-ci y tient évidemment une part très importante.
En matière de violence urbaine, je me suis interrogé, sans idée préconçue, sur la place de la police de proximité : il me semble que l'équilibre nécessaire n'a pas encore été trouvé. Une réflexion approfondie et une large concertation doivent être engagées avec la plus grande ouverture d'esprit, pour déterminer la place qui doit être donnée à cette police. La sécurité est le seul objectif qui doit prévaloir.
À cet égard, je considère comme une démarche pragmatique l'annonce faite par le Gouvernement de constituer prochainement des compagnies républicaines de sécurité, les CRS, affectées à une zone urbaine, assimilables à une « CRS de proximité ».
L'expérience des groupements d'intervention régionaux, les GIR, est très positive. Chaque groupement, y compris sa hiérarchie, réunit à parité des policiers et des gendarmes. Il est mis temporairement à la disposition d'un service de police ou de gendarmerie, afin d'apporter un appui logistique et de permettre une meilleure coordination entre les acteurs. Il intervient, en principe, sur l'initiative conjointe du préfet et du procureur de la République.
Les GIR ont contribué, de manière décisive, à améliorer la coopération entre les forces de sécurité. Ils ont constitué une excellente préfiguration, sur le terrain, de la mission interministérielle « Sécurité ».
Du fait de l'existence de deux réseaux distincts de communication, ACROPOL pour la police et RUBIS pour la gendarmerie, les GIR disposent d'équipements qui leur permettent d'accéder sans difficulté, paraît-il, aux deux systèmes. Les directeurs généraux estiment que, compte tenu de l'importance des engagements financiers en cause, il n'est pas souhaitable d'envisager dès maintenant une fusion de ces deux réseaux, même si un tel objectif sera prioritaire lorsque viendra le moment de les renouveler. Selon les directeurs généraux, les inconvénients incontestables de cette regrettable dualité ne constituent jamais un obstacle à l'interopérabilité des forces de sécurité.
Le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, opérationnel depuis 2001, témoigne du passage d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve. Selon le ministère de l'intérieur, au 1er juin 2005, près de 80 500 profils se trouvaient enregistrés dans la base. En 2006, l'objectif est de saisir 20 000 entrées par mois. Je rappellerai qu'au Royaume-Uni ces chiffres sont beaucoup plus élevés, puisque, aujourd'hui, 2 900 000 empreintes y sont enregistrées.
S'agissant des caméras présentes sur les voies publiques, la France en compte 326 000, contre vingt-cinq millions pour le Royaume-Uni. Une augmentation sensible du nombre de ces caméras est absolument indispensable, pour permettre, avec des effectifs allégés, de dissuader les délinquants et de rassurer nos concitoyens.
J'ai constaté, avec surprise, que la police des étrangers faisait l'objet d'une action spécifique au sein du programme « Police nationale », mais non dans le programme « Gendarmerie nationale ». Il est évident que cette action doit être identifiée de la même manière dans les deux programmes de la mission.
S'agissant des indicateurs de performance afférents à cette action propre à la police nationale, il m'a semblé que celui relatif au nombre d'étrangers en situation irrégulière éloignés du territoire, en application d'une mesure administrative ou d'une décision judiciaire, bien qu'il apporte d'intéressantes informations, ne mesure pas pleinement l'efficacité des services, mais plutôt leur activité.
Je propose donc, comme indicateur de la performance en ce domaine, le taux d'exécution des mesures administratives et des décisions judiciaires d'éloignement du territoire ; nous pourrions alors apprécier pleinement le taux de réponse apportée à la question posée, celle de l'éloignement effectif des personnes pour lesquelles une telle décision a été prise.
J'aborde, enfin, les questions relatives au programme « Gendarmerie nationale ». La LOPSI a programmé la création de 7 000 emplois dans la gendarmerie nationale sur la période 2003-2007. Une prévision annuelle, cohérente avec l'enveloppe allouée en masse, a été établie, qui prévoit une montée en puissance au fil des ans. Il apparaît que le retard enregistré, en 2005, par rapport aux prévisions, sera partiellement rattrapé, en 2006, avec la création de 2 000 emplois. La réalisation des prévisions de la LOPSI supposera la création de 1 900 postes en 2007, ce qui paraît possible.
Certains problèmes de frontière subsistent entre les programmes « Gendarmerie nationale » et « Soutien de la politique de la défense », ce dernier appartenant à la mission « Défense ».
Des crédits importants, qui concourent à l'action de la gendarmerie nationale, en particulier ceux qui sont consacrés au logement des gendarmes, relevaient dans le projet de loi de finances initial pour 2006 des moyens de la mission « Défense ». Sur l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a transféré, par voie d'amendements, ces financements vers la mission « Sécurité ».
Inversement, les crédits de personnels de la gendarmerie du transport aérien, la GTA, figurent dans le programme « Gendarmerie nationale », alors que les dépenses de fonctionnement et d'investissement qui la concernent se trouvent, elles, dans la mission « Transports ». Quant à l'action « Exercice des missions militaires des gendarmes », qui apparaît dans le programme « Gendarmerie nationale », elle gagnerait peut-être à figurer dans la mission « Défense ». Il me semble donc qu'une analyse d'ensemble de ces questions de périmètre budgétaire doit être entreprise à l'échelon interministériel.
La sécurité constitue une demande majeure de nos concitoyens et une priorité pour le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle la commission des finances demande au Sénat d'adopter les crédits prévus pour la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à me faire l'écho du soutien de la commission des lois aux forces de police et de gendarmerie qui, dans des conditions difficiles, au péril de leur vie, se dévouent pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
En 2004, quatre policiers et gendarmes sont décédés et 4 418 autres ont été blessés au cours d'opérations de police. Qu'il me soit permis, ainsi qu'à notre commission, de leur rendre un hommage particulier.
Le projet de loi de finances pour 2006 est le premier à être examiné, et voté, selon les règles de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, la LOLF.
Organisée en fonction des politiques publiques, la LOLF doit permettre de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats et d'efficacité de la dépense publique. Appliquée à la sécurité, elle parachève les efforts entrepris dans le cadre de la LOPSI, afin de rapprocher et coordonner l'action de la police et de la gendarmerie nationales, et de développer une culture du résultat et de l'efficacité.
Les crédits de la mission « Sécurité », tels qu'ils apparaissent dans le bleu budgétaire, atteindraient, en autorisations d'engagement, 15,372 milliards d'euros, en hausse de 8,67 %, et, en crédits de paiements, 14,668 milliards d'euros, en hausse de 3,25 %. Toutefois, compte tenu du passage à la LOLF, il est difficile de chiffrer ces évolutions, le périmètre des crédits ayant changé.
D'ailleurs, nous pouvons encore nous attendre à des changements, comme l'illustre le transfert par l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement, de plus de 600 millions d'euros, qui concourent à l'action de la gendarmerie nationale et relèvent de la mission « Défense », vers la mission « Sécurité ».
Une analyse d'ensemble de ces questions de périmètre reste encore à mener. Toutefois, une stabilisation rapide des périmètres internes et externes des programmes est souhaitable, afin de faciliter, à l'avenir, les comparaisons dans le temps.
À l'issue de la quatrième année de son exécution, le taux de réalisation des objectifs de la LOPSI, en termes d'effectifs, devrait s'établir, pour la police et la gendarmerie, respectivement à 80 % et 73 %.
L'ensemble des grandes orientations de la politique de sécurité sont poursuivies, voire approfondies. Il en va de même pour les programmes d'équipement lancés les années précédentes, qu'il s'agisse du déploiement du réseau de communication ACROPOL, de l'armement ou du nouvel uniforme.
Rarement, j'y insiste, une loi de programmation aura été autant respectée. À cet égard, cet effort financier considérable, dans un contexte budgétaire général contraint, témoigne de la priorité fixée pour la sécurité publique et appelle en retour une attention particulière sur l'efficacité de la dépense.
Cette année encore, les chiffres de la délinquance sont, globalement, très bons. Ce résultat conforte l'inversion de tendance de la délinquance enregistrée depuis le second semestre de 2002. Au premier semestre de 2005, la délinquance a baissé de 2,2 % par rapport au premier semestre de 2004. Seuls les crimes et délits contre les personnes continuent de progresser de manière inquiétante. La hausse de la catégorie « autres infractions, dont stupéfiants » doit être interprétée avec prudence, car elle concerne principalement des crimes et délits révélés par l'action des services.
Cette exigence de résultat est d'autant plus forte que le terme de la LOPSI se rapproche. Les crédits supplémentaires consentis, depuis 2002, l'ont été pour remettre à niveau les moyens de nos forces de police et de gendarmerie. À l'avenir, celles-ci seront contraintes de faire aussi bien, et même mieux, avec des moyens progressant moins vite.
Concernant le choix des objectifs et des indicateurs de performance, plusieurs critiques peuvent être adressées.
En premier lieu, en dépit d'un effort important de rapprochement des programmes « Police » et « Gendarmerie », des disparités subsistent dans l'approche de certains problèmes, qui ne peuvent s'expliquer uniquement par les spécificités de ces deux forces de sécurité. Ainsi, la police des étrangers et le contrôle des frontières ne font pas l'objet d'une action spécifique pour la gendarmerie, alors que cette dernière y contribue de manière importante.
En deuxième lieu, il est regrettable, pour cette première année d'application de la LOLF, que plusieurs indicateurs ne soient pas renseignés ! Ce retard reporte de facto d'au moins un an la possibilité d'évaluer la mission « Sécurité » au regard de ces indicateurs.
En troisième lieu, les indicateurs choisis ne sont pas toujours judicieux, et sont parfois redondants. Ainsi, pour évaluer l'action de la police judiciaire, un seul type d'indicateur a été retenu, le taux d'élucidation selon les différentes catégories d'infraction. Il est très intéressant, certes, mais un domaine, quel qu'il soit, mérite toujours d'être évalué sous plusieurs angles !
Une piste intéressante pourrait être de nous inspirer de l'un des indicateurs qui mesurent l'efficacité des éloignements d'étrangers. Celui-ci évalue le taux de remise en liberté de personnes placées en rétention administrative par le juge des libertés et de la détention pour vices de procédure imputables aux services de police ; il mesure, à la fois, la qualité de la formation juridique des policiers, le respect de la légalité et, pour une part, celui de la déontologie. Rien ne sert, en effet, d'instruire de nombreuses procédures si c'est dans la précipitation ou si elles sont bâclées, car elles sont alors inefficaces au final, coûtent cher, démoralisent les personnels et renforcent le sentiment d'impunité.
Un tel indicateur pourrait être adapté, afin d'évaluer l'action de la police judiciaire. Il mesurerait ainsi le nombre de procédures annulées pour vices de procédure imputables aux services de police.
En dernier lieu, certaines tâches ou objectifs de la police et de la gendarmerie ne sont mesurés par aucun indicateur. Au cours de mes auditions avec les syndicats de policiers, la remarque m'en a plusieurs fois été faite. Ainsi, la prévention, le renseignement, le poids des charges dites « indues », l'accueil des victimes ou la déontologie ne sont pas pris en compte.
En matière de déontologie, le nombre de policiers et gendarmes condamnés pour des faits intervenus dans l'exercice de leurs fonctions pourrait constituer un indicateur. L'attention portée à l'accueil du public et des victimes serait aussi susceptible d'être mesurée grâce à des enquêtes de satisfaction.
Au vu de toutes ces observations, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, envisagez-vous de réviser le choix des indicateurs ainsi que la répartition des actions ? Des progrès importants sont encore possibles, mais doivent être réalisés rapidement.
Monsieur le ministre délégué, je souhaite également vous interroger sur les adjoints de sécurité. Au cours de mes auditions, la crainte de voir les crédits prévus pour les adjoints de sécurité partiellement transférés au profit des cadets de la police nationale a été exprimée. Pouvez-vous nous confirmer que ce ne sera pas le cas ? Incidemment, pouvez-vous assurer que les effectifs des adjoints de sécurité seront stabilisés ?
Ma dernière question, monsieur le ministre, portera sur l'équipement des forces de police. Au cours des événements de novembre, certains commissariats ont subi une pénurie de matériels de protection, tels que casques ou boucliers. Envisagez-vous des investissements particuliers pour des équipements de ce genre au vu des violences urbaines du mois dernier ? En outre, à quel rythme seront livrés les pistolets à impulsion électrique du type Tazer ?
Madame le ministre, je souhaiterais vous interroger sur les communautés de brigade. La mutualisation des moyens des brigades a permis de faire progresser considérablement leur efficacité, sans accroître leurs moyens. Toutefois, il semblerait que les communautés de brigade ne soient pas toutes reliées au réseau informatique. Quelles actions envisagez-vous pour y remédier ?
Ma dernière question, madame le ministre, portera sur le projet d'externalisation de la gestion du parc immobilier de la gendarmerie. L'État, notamment, concèderait pour trente ans des logements, qu'il s'engagerait ensuite à louer à un gestionnaire privé.
Depuis le lancement de ce grand projet en 2003, les études préparatoires qui ont été menées semblent pourtant indiquer que l'intérêt financier de cette opération ne serait pas évident. J'ai pu moi-même percevoir une telle inquiétude au cours de mes auditions, en tout cas pour ce qui concerne la gestion du parc immobilier existant. L'intérêt de l'externalisation est sans doute plus net pour les nouvelles constructions. Pouvez-vous nous préciser, madame le ministre, l'état d'avancement de ce projet, qui engagerait la gendarmerie pour plusieurs dizaines d'années ?
Sous le bénéfice de ces observations et interrogations, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la sécurité est un droit fondamental. Si cette phrase peut sembler banale dans une démocratie, elle prend néanmoins tout son sens après les événements que nous avons vécus, à une époque où il nous faut répondre à l'anxiété de nos concitoyens. Ce droit fondamental est aussi l'une des conditions de l'exercice des libertés individuelles et collectives.
Aujourd'hui, à l'occasion de notre réflexion annuelle sur les moyens à prévoir dans le domaine de la sécurité, il convient d'avoir à l'esprit ces graves événements intervenus récemment, qui nous ont d'ailleurs rappelé des vérités élémentaires.
À cet égard, les augmentations de crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » sont méritoires dans un contexte budgétaire difficile et illustrent l'importance de la mission « Sécurité ». Elles devraient permettre la mise en oeuvre de la quatrième tranche d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, qui couvre la période 2003-2007. Elles donneront également à la gendarmerie les moyens d'appliquer, en 2006, la loi de programmation militaire.
Il faut saluer la réunion des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » au sein d'une même mission interministérielle, qui est une excellente initiative. Elle traduit le caractère global de la lutte contre l'insécurité. Elle favorise une mutualisation des moyens et une coordination accrue des interventions des forces de police et de gendarmerie, qui sont initiées sur le terrain, depuis 2002, par la constitution de vingt-neuf groupes d'interventions régionaux.
Il faut le rappeler, la gendarmerie nationale assure la sécurité de 46 % des Français sur 95 % du territoire national. Elle dispose d'un éventail de moyens qui lui permettent d'apporter des réponses adaptées aux menaces relevant tant de la sécurité intérieure que de la défense. La stratégie définie conjointement avec la police nationale est de renforcer la lutte contre l'insécurité, en optimisant l'allocation des ressources, et doit s'inscrire dans le respect des orientations pluriannuelles des ministères de la défense et de l'intérieur.
Je souhaiterais donc, madame le ministre, que vous puissiez nous apporter des éclairages sur les points suivants.
Les crédits d'infrastructure immobilière et d'informatique de gestion ont été transférés du programme « Soutien de la politique de défense » de la mission « Défense » au programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité ». Pouvez-vous nous confirmer que ces crédits seront gérés dans un esprit de synergie par le directeur général de la gendarmerie nationale et le secrétaire général de l'administration de la défense ?
La création de 2 000 emplois en 2006 va compenser le retard, accusé en 2005, de la mise en oeuvre de la LOPSI. Pensez-vous pouvoir poursuivre cet effort en 2007, année au cours de laquelle 1 900 emplois devront être créés pour atteindre les objectifs de cette loi ?
Des aménagements des 1 068 communautés de brigades, proposés par les commandants de région, sont en cours d'étude ou d'exécution, afin d'ajuster, autant que nécessaire, les effectifs et la taille des secteurs aux nécessités opérationnelles. Envisagez-vous d'associer les élus locaux à ces opérations d'ajustement ? La question a été lourdement posée en commission, notamment au sujet des aménagements à prévoir dans les zones de montagne.
Enfin, madame le ministre, les opérations extérieures, les OPEX, peuvent entraîner des surcoûts budgétaires non négligeables.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh que oui !
M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Pensez-vous que les OPEX de la gendarmerie pourront faire l'objet d'une provision, comme pour celles des armées, pour lesquelles 250 millions d'euros sont d'ailleurs prévus à ce titre dans la mission interministérielle « Défense » ?
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 35 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 8 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose, au total, de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le projet de budget « Sécurité » que nous examinons aujourd'hui représente la quatrième tranche de l'application de la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, que la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est venue préciser.
Pour mémoire, mon groupe parlementaire s'était opposé à ces deux lois, au motif principal que les mesures prévues étaient axées uniquement sur la seule répression, sans aucune réflexion de fond et sans qu'un traitement social des causes de la délinquance ait été envisagé.
Aujourd'hui, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, à la lumière des violences qui ont secoué certaines villes de notre pays, force est de constater l'échec non seulement de votre politique en matière de sécurité, mais aussi des politiques sociale et économique menées par le Gouvernement depuis plus de trois ans.
Malgré l'arsenal législatif que vous avez fait voter à marche forcée, depuis 2002, par votre majorité parlementaire, on ne peut pas dire que vous ayez réussi à prévenir la délinquance ni la récidive, encore moins à lutter contre l'insécurité.
Pourtant, les textes sécuritaires et judiciaires existent, qu'il s'agisse de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, de la loi pour la sécurité intérieure, des lois PERBEN I et II, de la loi sur la récidive, sans parler de la future loi relative à la lutte contre le terrorisme.
Les conséquences de ces textes sont loin d'être anodines, en étant tout aussi dangereuses pour les libertés fondamentales qu'inefficaces au regard du traitement de l'insécurité. Ces lois n'ont, à l'évidence, rien réglé. Elles n'ont fait, au contraire, qu'accentuer la stigmatisation et la discrimination des jeunes en général, en particulier de ceux qui sont issus de l'immigration. En aggravant les sanctions pénales, elles ont notamment contribué à pénaliser les pauvres.
Malgré l'« arsenal » que vous avez déployé, rien n'y a fait : vous n'avez pas su prévenir ni même anticiper les récents événements.
En réalité, vous n'avez pas su traiter les causes profondes de la violence, celles qui font le terreau de la délinquance et qui ont pour noms, vous le savez, chômage, précarité, échec scolaire, dégradation de l'habitat, suppression des services publics de proximité, inégalités sociales, ségrégation.
D'ailleurs, vous n'avez pas non plus su apporter les réponses adéquates aux problèmes des quartiers populaires, qui se sont posés avec force à l'occasion des récents événements, puisque vous n'avez fait, in fine, que recourir à l'état d'urgence, état d'urgence que vous refusez toujours de lever alors même que le calme est revenu dans le pays.
Nous savons pourtant que la répression, seule, ne suffit pas.
Cela fait des années que le législateur, trop souvent d'ailleurs, au gré de l'actualité, durcit le code pénal, déjà revu à la hausse en 1992, sans pour autant obtenir les résultats escomptés.
Plus que jamais, la mise en oeuvre du triptyque « prévention, dissuasion, répression » est nécessaire.
Or ce n'est pas la voie que vous prenez avec ce projet de budget pour 2006, qui est loin d'inverser la tendance en l'espèce, tant les orientations qu'il contient privilégient encore la répression et l'enfermement, au détriment de la prévention de la délinquance.
À qui allez-vous faire croire, par exemple, que la généralisation de la vidéosurveillance, prévue dans le projet de loi « antiterroriste », permettra de prévenir quelque action terroriste que ce soit sur notre sol ? Et je ne parle même pas de l'atteinte aux libertés des personnes morales et privées que cette généralisation représente.
Au mieux ces caméras permettront-elles, comme en Grande-Bretagne, après les attentats perpétrés à Londres, d'identifier les auteurs d'actes terroristes.
Mme Éliane Assassi. C'est ce que j'allais dire, monsieur le ministre ! Laissez-moi finir : ce n'est déjà pas mal, en effet ! (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Cependant, en aucun cas, les caméras n'empêcheront, malheureusement, le passage à l'acte.
En revanche, la vidéosurveillance favorisera certainement, en tout lieu, un contrôle social accru de toute une frange de la population, singulièrement celle qui est jugée à risque, autrement dit « la classe dangereuse » !
Mais, j'oubliais, vous avez trouvé une autre solution pour lutter contre la délinquance qui est de renforcer la lutte contre l'immigration clandestine, en accentuant un peu plus encore les contrôles concernant, notamment, les mariages mixtes, l'accueil des étudiants étrangers et les procédures d'asile.
Si nous avions encore des doutes sur un éventuel amalgame opéré par le Gouvernement entre immigration et délinquance, nous n'en avons plus ! Les propos indignes tenus récemment par des responsables politiques de droite et une académicienne, qui affirment sans complexe que la violence avait pour cause la polygamie, sont malheureusement là pour nous le confirmer.
Vous consacrez l'essentiel de l'augmentation des crédits de votre projet de budget au chantier de la lutte contre l'immigration clandestine. Plusieurs millions d'euros seront ainsi réservés à l'augmentation du nombre de places en centres de rétention administrative, pour atteindre 2 540 places en 2007, à l'accroissement du nombre de reconduites à la frontière, pour parvenir à 25 000 par an, ainsi qu'à la mise en place du visa biométrique.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Que proposez-vous à la place ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous faites l'apologie de l'immigration clandestine !
Mme Éliane Assassi. Au lieu de construire les commissariats qui font défaut dans certaines communes, vous faites le choix de construire des centres de rétention administrative pour y placer les immigrés en situation irrégulière. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Legendre. Et alors ?
Mme Éliane Assassi. C'est un choix que nous ne pouvons accepter. La répartition des commissariats et des effectifs entre communes est, à nos yeux, une question essentielle, tout comme l'est celle de la police de proximité qui, depuis 2002, a été vidée de son sens par vos soins et remplacée par les GIR et les BAC.
Nous pouvons mesurer aujourd'hui l'étendue des dégâts causés par votre politique.
À présent, vous souhaitez réactiver la police de proximité, en affectant des CRS dans les banlieues sensibles et en adaptant leurs modes d'intervention : c'est une bien curieuse conception de la prévention de la délinquance !
En l'occurrence, ce n'est pas le plan national de prévention de la délinquance, largement inspiré du très polémique rapport concocté par M. Bénisti, qui peut nous rassurer.
De même, nous sommes loin d'être rassurés par les divers projets annoncés, tels que la réforme supplémentaire prévue de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs, pourtant déjà écornée en 2002, la mise sous tutelle des allocations familiales ou, encore, l'exhumation de la loi « anticasseurs » de 1970, pour réprimer les violences en groupe.
Il y aussi le dépistage précoce des futurs délinquants que vous souhaitez mettre en oeuvre non seulement dans les établissements scolaires, primaires et secondaires, mais aussi dans les crèches.
Le dispositif des contrats éducatifs locaux proposés par l'État aux villes est d'ailleurs formaté pour atteindre cet objectif. Il comporte, en effet, des mesures spéciales stigmatisant certains quartiers et laissant aux maires, que vous voulez placer en « patrons » de la prévention de la délinquance, la liberté des actions de « prévention » dès la maternelle. À quand la camisole chimique chez les nourrissons ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Une telle conception présente l'avantage pour le Gouvernement d'éviter d'évoquer la question, pourtant essentielle, des difficultés sociales.
Vous paraissez aujourd'hui découvrir que certains enfants à problème ne sont pas détectés assez tôt ou que des collégiens maîtrisent mal le français. Mais qui a supprimé le remboursement à 100 % des frais d'orthophonie ? Qui a fait disparaître les infirmières scolaires ?
Le secteur social est gravement touché en raison du manque criant de moyens dû à vos choix politiques. Il est donc plus qu'urgent de rétablir une vraie politique de santé publique en France.
Or c'est tout le contraire que fait le Gouvernement : il met l'accent sur le tout-sécuritaire, ce que nous ne saurions, bien évidemment, accepter.
Loin d'être laxistes, comme vous vous complaisez à le dire,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous renvoie à vos propos !
Mme Éliane Assassi. ...nous sommes favorables à une utilisation démocratique de la force publique, dans le respect des règles déontologiques.
Il conviendrait de retisser le lien entre le citoyen et la police, qui a disparu en même temps que disparaissaient les adjoints de sécurité. Or, en continuant de privilégier la culture du chiffre dans votre projet de budget, vous n'aurez pas les moyens de retisser ce lien.
J'en veux pour preuve les crédits inscrits au titre de la prime de résultats exceptionnels, qui passent de 10 millions à 15 millions d'euros. Vous le savez, nous sommes profondément opposés à cette prime, qui, versée en guise de récompense, n'en constitue pas moins une véritable incitation à « faire du chiffre », comme si les résultats attendus étaient des objectifs commerciaux, alors même que ce sont les libertés individuelles et publiques qui sont en jeu.
De plus, cette prime, lorsqu'elle est individuelle, nuit à l'esprit d'équipe. Quant à sa distribution, elle manque singulièrement de transparence et peut, dès lors, apparaître injuste et arbitraire.
Plus généralement, nous considérons qu'elle peut se traduire, à terme, par la remise en cause du statut de la fonction publique. De même, en doublant les crédits de la réserve civile, qui correspond à l'emploi de retraités, vous remettez en cause, outre le statut de la fonction publique, le droit à la retraite.
Pour terminer, j'évoquerai brièvement les pistolets à impulsion électrique. Ainsi, après le flash-ball, vous allez équiper les forces de l'ordre, notamment les BAC, de plusieurs exemplaires du Tazer X-26, ce pistolet paralysant qui envoie une décharge électrique de 50 000 volts. La question de l'insécurité et des violences ne va pourtant pas se régler à coup de décharge électrique !
Au prix de mille euros pièce environ, cette arme incapacitante prétendument « anti-bavure » peut, dans les faits, être mortelle. Aux États-Unis et au Canada, où elle est utilisée, elle aurait déjà causé la mort de soixante-dix personnes en trois ans. En France, il est à craindre qu'elle ne soit utilisée au moindre prétexte. C'est d'autant plus probable qu'aucun crédit n'est réservé à la formation à la manipulation de ce pistolet.
Telles étaient, en substance, monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, les observations que je tenais à formuler, dans le peu de temps imparti au groupe CRC, sur le projet de budget « Sécurité » pour 2006, contre lequel, vous l'aurez compris, nous voterons. (Mme Maryse Bergé-Lavigne applaudit.)
M. le président. La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, quelques articles de presse, quelques sondages laisseraient à penser que la sécurité n'est plus la préoccupation première des Français. Je n'en crois rien ! Les attentes de nos concitoyens, quelle que soit leur situation géographique, quel que soit le quartier dans lequel ils vivent, quel que soit leur milieu social, quelle que soit leur opinion politique, sont plus importantes que ne le pensent les journalistes parisiens. Le droit à la sécurité reste une exigence partagée, droit fondamental, comme l'a fait remarquer précédemment M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Avec 3 % d'augmentation, la mission « Sécurité » sera dotée, l'année prochaine, d'une enveloppe accrue. La volonté du législateur, exprimée à travers la loi pour la sécurité intérieure, est traduite en chiffres. Qui peut vous le reprocher ?
Sur les cinq ans de programmation, il était prévu d'attribuer 5,6 milliards d'euros, dont 2,75 milliards d'euros pour la police, et de créer 13 500 emplois ; 3 900 créations d'emplois ont été enregistrées, auxquelles s'ajouteront 1 300 recrutements supplémentaires cette année. Les engagements seront globalement respectés.
Madame le ministre, monsieur le ministre, je souhaite cependant émettre deux voeux.
Le premier d'entre eux est que ces emplois permettent à leurs titulaires d'occuper le terrain plus que les bureaux des commissariats ou des préfectures, que la police et la gendarmerie soient vues partout, que la délinquance, particulièrement mobile, sache, une bonne fois pour toutes, qu'il n'existe pas de zones de non-droit dans notre pays.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. André Vallet. Mon second voeu concerne l'accueil dans les brigades de gendarmerie et surtout dans les commissariats. Cet accueil est le plus souvent correct, digne d'un service public, mais il est parfois insupportable pour celui qui vient d'être traumatisé par un vol, une agression ou un autre délit.
Madame le ministre, monsieur le ministre délégué, il faut que soit constamment rappelée à ces fonctionnaires l'importance de l'accueil auprès des victimes. Je sais que vous y êtes attachés, mais je sais aussi que subsistent des situations totalement inadmissibles, même si elles sont extrêmement minoritaires.
Je souhaite maintenant aborder un certain nombre de préoccupations particulières.
Pour ce qui concerne la lutte contre l'immigration clandestine, une enveloppe importante, d'un montant de 38 millions d'euros, va permettre d'augmenter le nombre de places en centres de rétention administrative, d'accroître le nombre de reconduites à la frontière et d'assurer le développement de visas biométriques. Va-t-on vers la création d'un corps de police autonome pour une politique spécifique en ce domaine ?
Quant au proxénétisme, les réseaux semblent encore très présents sur le territoire et s'adaptent à notre législation. Avez-vous prévu, cette année, un effort particulier pour lutter contre ce fléau ?
Les infractions économiques, financières, les infractions liées à l'utilisation des nouvelles technologies semblent, quant à elles, progresser. Madame le ministre, monsieur le ministre délégué, j'aimerais que vous nous indiquiez si vous possédez tous les moyens, humains et techniques, pour vous y opposer.
J'en viens, enfin, à la sécurité dans les palais de justice. J'ai suivi, comme beaucoup de sénateurs, un stage dans un tribunal. J'ai été étonné - et de nombreux collègues partagent mon observation - de la faible protection de lieux pour le moins sensibles. L'actualité récente a, hélas ! confirmé cette impression. Pouvez-vous nous indiquer si cette protection est de votre responsabilité ? Dans l'affirmative, partagez-vous ma remarque et, surtout, comment envisagez-vous de remédier à cette situation ?
Je voudrais également évoquer à mon tour la place occupée par le maire dans le dispositif de sécurité. Certes, j'estime que cet élu ne doit pas s'immiscer dans les enquêtes. Ce n'est pas le policier de service. Mais il doit être informé et je souhaite que des instructions très fermes soient données aux forces de police et de gendarmerie afin de renforcer leur collaboration avec les maires.
Pour terminer, je veux vous dire combien j'ai apprécié l'attitude du ministère de l'intérieur lors de l'agitation nocturne de ces dernières semaines en banlieue. Il vous appartenait de maintenir l'état de droit. C'était de votre responsabilité. Vous l'avez pleinement exercée, à la satisfaction, exprimée ou cachée, de tous nos concitoyens.
Je tenais, même si je ne partage pas votre sensibilité politique, à vous le dire et à vous indiquer que les membres du groupe UC-UDF voteront les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame le ministre, je me félicite de votre présence, tout en pensant cependant que vous ne faites que votre travail.
En revanche, je regrette l'absence du ministre de l'intérieur, sûrement retenu par l'une de ses nombreuses activités. J'espère que cette absence n'est pas justifiée par le faible retentissement médiatique d'une intervention devant le Sénat à dix heures du matin !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois. Procès d'intention ! Ce n'est pas digne ! On vous a connu meilleur que cela, mon cher collègue !
M. Jean-Claude Peyronnet. Le travail premier d'un ministre est de venir défendre son budget devant la représentation nationale.
Je voulais interroger M. le ministre de l'intérieur sur un certain nombre de faits.
Tout d'abord, je souhaite revenir sur les 10 000 voitures qui ont été brûlées pendant les événements qui sont survenus dans les banlieues. Les propos qu'il a tenus sur « la racaille » et sur « le nettoyage au Karcher » ont mis de l'huile sur le feu. Certes, une enquête administrative a été diligentée à la suite de la mort de deux jeunes gens carbonisés à l'intérieur d'un transformateur EDF dans les conditions épouvantables que chacun connaît. Mais que s'est-il passé véritablement ? On ne saute pas une barrière aussi haute sans avoir quelques raisons. Ont-ils eu peur ? Ont-ils été poursuivis ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Cette remarque n'est pas malveillante.
Toutefois, il serait intéressant d'obtenir des précisions qui pourraient nous éclairer sur le comportement des forces de police, sur les méthodes qu'elles emploient à l'égard des jeunes et sur leur connaissance des lieux et des gens. Je reviendrai ultérieurement sur la police de proximité.
Pour ce qui concerne les voitures incendiées, le calme est revenu. Ainsi, 100 à 110 voitures brûlent toutes les nuits un peu partout en France, ce qui est la norme, soit 40 000 véhicules par an. Personne n'en parle, sans doute parce que c'est trop banal.
Je sais que des causes diverses peuvent expliquer ces événements. On invoquera des actes commis par des personnes déséquilibrées, des accidents, des fraudes à l'assurance. Soit ! Cependant, je souhaitais interroger M. le ministre de l'intérieur, absent.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois. Il est représenté ! Il y a un ministre délégué.
M. Jean-Claude Peyronnet. Certes, je sais que le Gouvernement est un, mais je ne peux que constater l'absence du ministre de l'intérieur, même si je suis persuadé, monsieur le ministre, de votre compétence.
M. Philippe Goujon. M. Sarkozy vous manque !
M. Jean-Claude Peyronnet. Que pensez-vous de ces actes quotidiens très lourds pour les victimes, le plus souvent modestes ? On peut difficilement dire que ce ne sont pas des actes graves d'insécurité.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois. Sarkozy, Peyronnet, même combat !
M. Jean-Claude Peyronnet. Que pense M. le ministre de l'intérieur de cette situation, lui qui a proclamé la tolérance zéro, lui qui se targue de résultats très positifs en matière de baisse de la délinquance ? Ne serait-il pas souhaitable d'arrêter de faire des calculs et de donner des pourcentages au jour le jour, en se glorifiant de résultats ou en les critiquant ? Surtout, ne faudrait-il pas qu'un organisme indépendant établisse, à partir de critères transparents et surtout très stables, de telles statistiques qui seraient publiées périodiquement ?
Si tout le monde parlait le même langage et prenait en considération les mêmes données, cela permettrait peut-être d'éviter certains propos contestables, qu'il est arrivé à M. le ministre de l'intérieur - absent, je le répète - de tenir et qui furent démentis par la suite. Il est vrai qu'il est spécialiste en la matière !
Dernièrement, devant la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, dont je fais partie, il a fait une déclaration tout à fait humaniste sur la nécessité d'accueillir dans de bonnes conditions les populations étrangères. C'était bien ! Il a ajouté que la misère de nombre d'étrangers illégalement installés en France était dangereuse, ce qui est également vrai. Mais il a aussitôt affirmé qu'on l'avait bien vu lors des troubles des banlieues, donnant à penser qu'un grand nombre de participants étaient étrangers, ce qui est faux.
Par ailleurs, au lendemain des émeutes, il a déclaré que 80 % des personnes interpellées étaient connues pour avoir commis des faits de délinquance. On peut en déduire que c'était bien « la racaille » dont il avait parlé. Or, les chiffres publiés par les parquets de Bobigny et de Créteil démontrent l'inverse. La plupart des mineurs interpellés étaient inconnus des tribunaux. De même, après enquête approfondie, les journaux ont tous démontré que les délinquants connus n'ont pas participé aux émeutes. De surcroît, nombre de personnes déférées étaient en apprentissage, ce qui laisse rêveur quant à l'amalgame et à l'apprentissage à quatorze ans, présenté comme une solution, sinon la solution.
Monsieur le ministre, dans le Parisien de ce matin, cinquante questions sont adressées au Président de la République par des lecteurs.
L'un d'entre eux, boulanger aux Mureaux et qui donne son nom, a évoqué la police de proximité dans ces termes : « Auparavant, les agents passaient au moins deux fois par jour ; aujourd'hui on voit rarement les forces de l'ordre dans le quartier. Un bureau de police a été aménagé voilà moins d'un an à l'entrée des quartiers sensibles de la ville. Mais, à cause d'un manque d'effectif, il fonctionne au ralenti alors que le ministre de l'intérieur s'était engagé à donner des moyens supplémentaires aux Mureaux. Les agents prennent le temps de dialoguer avec les jeunes. Des policiers qui viennent de l'extérieur ont une approche différente. »
Nous connaissons une situation difficile. La police de proximité doit être réhabilitée. On ne peut pas opposer prévention et répression. Les deux systèmes doivent coexister. Tous les syndicats nous ont dit que l'instauration de la police de proximité était une bonne idée et qu'elle avait échoué en partie faute de moyens, ce qui est encore plus le cas aujourd'hui.
Je pense que l'absence du ministre de l'intérieur ce matin dans cet hémicycle tient à ce manque de moyens. S'il était parlementaire, il n'aurait pas voté ce budget. Les membres du groupe socialiste ne le feront pas eux non plus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je vous prierai tout d'abord de me pardonner si je suis amené à reprendre un certain nombre des propos qu'ont déjà tenus le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis. Mais après tout, les motifs de satisfaction ne sont pas si nombreux dans cette discussion budgétaire qu'ils nous permettent de bouder notre plaisir !
Oui, les objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure sont parfaitement respectés, avec une précision de métronome pour ce qui concerne la police et un rattrapage en 2006 de l'essentiel du retard concédé s'agissant de la gendarmerie.
Oui, les chiffres de la délinquance se sont spectaculairement inversés depuis 2002.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Jean-René Lecerf. En trois ans, le nombre des crimes et délits constatés par les services de police et de gendarmerie a baissé de 8,5 %. Et cette évolution qui s'est poursuivie au premier semestre 2005 ne saurait être globalement remise en cause par les violences urbaines de ces dernières semaines.
Comment ne pas penser aussi que le comportement exemplaire des forces de l'ordre dans ces événements, alliant maîtrise et efficacité, a également pu trouver appui dans l'état d'esprit qui les anime et le soutien qui leur est témoigné ?
La baisse de la délinquance va de pair avec la hausse du taux d'élucidation des affaires, passé de moins de 25 % en 2001 à plus de 32 % aujourd'hui, donnant ainsi l'espoir et le signe de la mise en place durable d'un cercle vertueux.
Mais chacun reste bien conscient à la fois de l'impératif d'efficacité de la dépense et de la fragilité des résultats. La priorité gouvernementale pour la sécurité publique et les efforts consentis par le contribuable imposent des progrès aisément perceptibles et des réactions immédiates lorsque les courbes s'inversent.
Dans certains départements, comme le Nord, que je connais bien, on a pu réaliser pendant quelque temps des prouesses grâce à des efforts d'organisation et de méthode, mais il arrive un moment où le ratio force de l'ordre/nombre d'habitants doit être rééquilibré si l'on veut à tout le moins préserver les acquis.
Permettez-moi maintenant, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, de formuler quelques interrogations et suggestions.
Je lis, par exemple, que le redéploiement entre les zones gendarmerie et police serait pratiquement achevé. Ce n'est pas exactement l'impression que l'on peut avoir lorsqu'on interroge un certain nombre de maires de mon département.
Devant la réussite, qui n'allait pourtant pas de soi, d'un certain nombre de redéploiements, je connais bien des élus qui de Fourmies à Hazebrouck, par exemple, restent volontaires pour poursuivre l'expérience.
Rapporteur du projet de loi dont l'adoption a permis de mettre en place la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, j'ai eu l'occasion de relever devant le Sénat l'importance des discriminations à l'embauche dont sont victimes nos compatriotes de couleur et qu'attestent de manière irréfutable d'innombrables études, notamment universitaires.
La police et la gendarmerie ne sont-elles pas aussi des lieux symboliques où l'accès significatif des « minorités visibles », pour reprendre une expression à la mode, marquerait sereinement notre volonté partagée d'une fonction publique d'autorité aux couleurs de la France dans sa diversité.
Dans le cadre des nombreuses embauches liées à la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, sans doute n'est-il pas impossible de faire en sorte que cette ardente obligation se concilie avec les règles traditionnelles du concours d'accès à la fonction publique.
Enfin, je souhaiterais attirer l'attention sur un certain nombre de techniques susceptibles à la fois de générer des économies budgétaires et d'améliorer, sur le plan qualitatif, la sécurité de nos concitoyens.
Je rejoins totalement notre rapporteur pour avis de la commission des lois, Jean-Patrick Courtois, lorsqu'il stigmatise la charge des présentations, extractions, comparutions et transfèrements de détenus, et plaide pour un développement de la visioconférence, que nous n'avons que trop attendu.
Mais plus essentielle encore me semble devoir être l'entrée de la biométrie dans notre culture de la sécurité.
La lutte contre l'immigration clandestine passe par le déploiement des visas biométriques dans l'ensemble de nos consulats, seule parade aussi simple que pertinente tant aux pertes de mémoire qu'aux refus de laissez-passer consulaires.
M. Philippe Goujon. Absolument !
M. Jean-René Lecerf. Trois contraintes convergentes, de l'Union européenne, de l'OACI - Organisation de l'aviation civile internationale - et des Etats-Unis, nous imposent la mise en place d'un passeport biométrique, tandis que les vols récurrents de titres vierges rendent indispensable la centralisation de la production et de la personnalisation des passeports, dont l'établissement est aujourd'hui éparpillé dans l'ensemble des préfectures.
Je terminerai par un regret : celui de ne trouver dans ce budget que des crédits d'études pour le projet INES, identité nationale électronique sécurisée. Les techniques nous offrent aujourd'hui toutes possibilités de concilier une carte d'identité dotée d'une puce électronique contenant des données relatives à l'état civil et des identifiants biométriques, d'une part, et le strict respect des libertés, d'autre part.
Quand on connaît l'importance de la fraude documentaire et qu'on sait qu'elle constitue un sas obligé pour les infractions les plus diverses et les plus graves, allant de l'escroquerie à la traite des êtres humains et au terrorisme, on ne peut que souhaiter disposer dans les meilleurs délais d'un système permettant à la fois de s'assurer de manière irréfutable que la personne qui présente un document d'identité est bien celle à laquelle il a été délivré, de rendre impossible les identités multiples et de retirer tout intérêt au vol de documents d'identité.
La sécurisation de l'identité n'est pas antinomique, bien au contraire, de la sauvegarde des libertés. J'ai, pour ma part, la conviction que la question essentielle soulevée par la mise en place de titres biométriques réside aujourd'hui beaucoup moins dans son principe que dans ses modalités d'introduction.
C'est, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, sans l'ombre d'une hésitation et même avec un enthousiasme certain que le groupe UMP votera les crédits inscrits au titre de la mission « Sécurité » dans le projet de loi de finances pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, cette année, la discussion du budget de la mission « Sécurité » attire particulièrement l'attention. En effet, nous sortons d'une crise qui a frappé tous les Français, quels qu'ils soient et où qu'ils vivent : elle n'a laissé personne indifférent, elle a fait l'objet d'une multitude d'analyses et elle a particulièrement intéressé les professionnels de ce secteur.
Durant trois semaines, principalement la nuit, des jeunes gens issus de quartiers défavorisés ont saccagé des biens publics ou privés et ont parfois même agressé physiquement les passants.
M. Jacques Legendre. Et les forces de l'ordre !
M. Charles Gautier. On a alors assisté à un déchaînement de violence comme on n'en avait jamais vu auparavant.
D'ailleurs, les termes utilisés pour qualifier ces événements sont assez caractéristiques : « émeutes », « crise des banlieues », « violences urbaines »... Rappelons aussi les articles parus dans la presse internationale, un quotidien étranger allant jusqu'à titrer : « Paris brûle ! »
Or l'abandon de ces territoires par tous depuis plusieurs années explique la situation. De nombreux responsables politiques, syndicaux, associatifs et du monde de l'entreprise le reconnaissent. Personne ne peut nier le lien entre misère et violence, même si la misère n'explique pas tout, et ne justifie rien.
Mais tout montre que ce qui avait été entrepris par le gouvernement précédent pour tisser le lien social commençait à porter ses fruits. (Ricanements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Demuynck. Et il dit cela sans rire !
M. Charles Gautier. Les relations sociales qui manquaient tant à ces quartiers commençaient à se constituer, même si je ne prétends pas que nous avions tout réglé. (Ah ! sur les mêmes travées.) Cela étant, vous ne pouvez nier, monsieur le ministre délégué, que notre bilan sur ce sujet est moins désastreux que le vôtre !
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Le vôtre, il est épouvantable !
M. Charles Gautier. En vérité, monsieur le ministre délégué, je croyais que j'allais m'adresser ce matin au ministre de l'intérieur. S'il avait été présent, voici ce que je lui aurais dit : dès votre arrivée au ministère de l'intérieur, avec vos collègues du Gouvernement, vous avez consciencieusement défait ce travail de long terme ; vous avez réduit les effectifs de police, supprimé la notion de proximité, diminué les subventions aux associations de quartiers, etc. Vous avez donc une responsabilité directe dans ces événements exceptionnels.
M. Jean-Claude Peyronnet. Exactement !
M. Charles Gautier. Le Gouvernement, en recourant à une loi d'exception qui permet de déclarer l'état d'urgence, utilisée notamment lors des événements d'Algérie, reconnaît d'ailleurs l'ampleur extraordinaire de ces violences urbaines.
Cette crise a surtout touché durement les habitants des quartiers dits sensibles, y compris dans leurs biens propres. Si les responsabilités individuelles doivent être recherchées, il est évident que cela ne permettra pas de tout régler.
La fédération française des sociétés d'assurance évalue le coût des émeutes à environ 200 millions d'euros, dont une vingtaine de millions au titre des 9 000 véhicules incendiés. Les mutuelles d'assurance indiquent à cet égard que les victimes seront indemnisées sans franchise, quelles que soient les garanties souscrites, et ce dans les meilleurs délais.
Quant à M. Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, il se félicite que tout cela n'ait « pas d'impact au niveau macro-économique ». Nous voilà rassurés !
Pourtant, le Gouvernement refuse d'en tirer toutes les conséquences. Toutes les victimes, qu'elles soient personnes privées, personnes morales ou collectivités locales, doivent se tourner vers leurs assurances, mais le Gouvernement refuse d'assumer sa responsabilité.
D'un côté, vous recourez à des mesures exceptionnelles, d'un autre, vous minimisez l'ampleur des violences... Comprenne qui pourra !
Rappelons ici que toutes les victimes se comptent parmi les personnes ou les familles les moins riches de France. Les conséquences en seront d'autant plus lourdes pour elles.
Les familles risquent de voir leurs primes d'assurance atteindre des niveaux insupportables, ou de ne plus trouver de compagnie qui accepte de les assurer. Quant aux personnes, certaines d'entre elles se voient, de surcroît, privées du véhicule qui leur était indispensable pour aller travailler.
Ces violences touchent aussi les collectivités locales. Ainsi, la SMACL, la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, qui assure plus de 80 % des communes de plus de 20 000 habitants, appelle l'État à assumer ses responsabilités. Elle craint que certaines agglomérations sensibles ne soient lâchées par leurs assureurs, les contrats prévoyant cette possibilité en cas « d'émeute ou de mouvement populaire ».
Il existe pourtant une solution simple pour éviter toutes ces dérives.
La loi du 7 janvier 1983 pourrait être appliquée. Elle permet d'engager la responsabilité de l'État pour des dommages causés par des « attroupements armés ou non armés ». Elle précise que « l'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis par des attroupements ou rassemblements armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ».
Elle permettrait d'indemniser intégralement les victimes, au-delà des franchises prévues par les contrats d'assurance. Elle permettrait d'indemniser les victimes qui sont peu ou qui ne sont pas assurées. Enfin, elle permettrait d'indemniser les communes touchées.
Du reste, ce texte a été déjà utilisé une fois : en 1991, après que, pendant deux nuits, à Meaux, des groupes de jeunes gens se furent livrés à diverses destructions. Le Conseil d'État, par une décision de décembre 2000, a jugé que le ministère de l'intérieur pouvait être considéré comme responsable et a condamné l'État à rembourser les sommes versées par les assurances.
Dès lors, il est piquant d'entendre aujourd'hui l'ancien maire de Meaux, devenu ministre délégué au budget, renvoyer le « bébé » aux assureurs !
Le refus d'appliquer cette loi, et donc l'absence d'engagement du Gouvernement, est purement et simplement scandaleux. En effet, cela signifie que le Gouvernement n'assume pas ses responsabilités ! Les habitants de ces quartiers subissent déjà chaque jour l'abandon de l'État et, une nouvelle fois, on leur signifie qu'il ne peut rien !
Nous souhaitons rappeler que cette situation est la conséquence directe de la politique menée par le ministre de l'intérieur. Nous considérons que c'est un minimum que de faire porter la charge financière de ces violences à l'État qui a permis une telle dérive.
À défaut, il faudra qu'on nous explique pourquoi l'État refuse de verser 200 millions d'euros aux victimes alors qu'il accorde un cadeau fiscal d'un montant plus important aux contribuables redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, notre pays vient de connaître une flambée de violences urbaines sans précédent.
Grâce à la détermination sans faille dont a fait preuve le ministre de l'intérieur, le Gouvernement s'est décidé à faire primer le rétablissement de l'ordre dans les banlieues, contrairement, si j'ai bien compris, à ce que souhaitait M. Peyronnet. (M. Jean-Claude Peyronnet s'esclaffe.)
Même si nous sommes conscients que la répression ne doit pas être la seule réponse, le retour au calme était un préalable non négociable, car « la loi de la République ne peut céder devant la loi des bandes ».
Tirons-en donc les enseignements et reconnaissons que ces désordres traduisent l'épuisement d'un modèle d'intégration dont trop de jeunes ne connaissent que le chômage ou la dépendance aux services sociaux, dans des cités où ce n'est pas le décor qui a créé la misère, mais où c'est la misère qui a trouvé son décor.
Ces désordres démontrent également l'inadaptation de notre dispositif de répression à l'égard des mineurs, rendant plus que jamais nécessaire une ambitieuse réforme de l'ordonnance de 1945.
Comment, à cet instant, ne pas saluer, comme l'ont fait les orateurs qui m'ont précédé, le sang-froid et le professionnalisme des forces de l'ordre, qui ont bien mérité la prime de trois cents euros attribuée à vingt-deux mille agents, ainsi que me l'avait annoncé M. Brice Hortefeux en commission des lois ? La justice serait, comme je l'ai demandé au maire de Paris, que la même prime soit versée à ceux des sapeurs-pompiers de Paris qui ont été engagés eux aussi en première ligne.
Comme l'a expliqué M. le rapporteur, ces événements ont révélé que la frontière entre ordre public et sécurité publique est désormais dépassée. Même si les forces mobiles, par une nouvelle tactique favorisant les interpellations, se sont remarquablement adaptées aux violences urbaines, même si leur nouvelle doctrine d'emploi a permis une baisse plus marquée de la délinquance dans les secteurs ayant bénéficié de leur présence, le moment n'est-il pas venu d'en reverser une partie des effectifs en sécurité publique, quitte à faire évoluer ce concept ?
Une autre question se pose : la coordination régionale francilienne contre les violences majeures, créée en 2002, ne doit-elle pas être consolidée par le renforcement de l'autorité du préfet de police ? Combattre les violences urbaines, c'est aussi combattre la délinquance au quotidien.
Si la capitale a été globalement épargnée, c'est aussi parce que la préfecture de police a été la première à réformer la police de proximité. C'est le gouvernement d'Édouard Balladur qui, par la LOPS, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité du 21 janvier 1995, a décidé de passer d'une police d'ordre à une police de proximité. Si sa mise en place à partir de 1999 n'a pas eu les effets escomptés, c'est parce que les effectifs nécessaires ont manqué, que la théorie du policier généraliste, idéalisée au colloque de Villepinte, s'est révélée être un mythe, que la police judiciaire a été sacrifiée et que les missions des îlotiers ont été dévoyées.
M. Christian Demuynck. Effectivement !
M. Jacques Legendre. Voilà qui est clair !
M. Philippe Goujon. Depuis l'arrivée de M. Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur, les moyens ont été rétablis. Les réformes engagées de pair avec la Chancellerie ont permis de mieux combattre la criminalité.
Paris en a bénéficié à plein en ce qui concerne la prostitution, désormais quatre fois moins nombreuse, l'éradication des réseaux actifs se réclamant de l'islam radical, la délinquance sur la voie publique ou dans les transports en commun.
De plus, la spécialisation dans les commissariats et la création de certaines unités, au nombre desquelles la Compagnie de sécurisation, l'UMIP, l'Unité mobile d'intervention et de protection pour les gardes statiques, l'USIT, l'unité de soutien aux investigations territoriales, qui lutte contre la prostitution, ou encore le SRPT, le service régional de la police des transports, dont les effectifs vont bénéficier d'un apport de trois cents policiers supplémentaires, ainsi que le renforcement de la police d'investigation ou la participation de la BAC de nuit, la brigade anti-criminalité, au maillage des points sensibles de la capitale, ont provoqué une chute brutale de la délinquance et une progression spectaculaire du taux d'élucidation.
Dorénavant, les îlotiers de la police de quartier réalisent même un tiers des interpellations. Il me semble néanmoins qu'à Paris le GIR devrait se préoccuper davantage de l'économie souterraine des cités, sur fonds de trafic de drogue. À cet égard, beaucoup attendent une profonde réforme de la loi de 1970.
Je tiens à relever, par ailleurs, la progression des violences sur les personnes, due principalement à l'augmentation des violences non crapuleuses, notamment intra-familiales.
Pour mieux appréhender les violences faites aux femmes, qui doivent pouvoir rester dans l'appartement familial tandis que l'agresseur, lui, doit en être extrait, notre ville est candidate pour tester de nouvelles méthodes d'intervention. L'expérimentation en sera sans doute facilitée par le texte adopté par le Sénat, qui sera prochainement examiné par l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne les mineurs roumains, auteurs d'une majeure partie des vols à la tire dans le métro, en l'absence de placement en centre fermé, la réflexion lancée avec les autorités roumaines doit absolument aboutir, autant pour des raisons humaines que sécuritaires.
Si les services ont été efficacement réformés, des préoccupations demeurent.
Les départs massifs d'Île-de-France vers la province et la faiblesse du taux d'encadrement désorganisent les services. L'obligation de séjour est une première réponse. Le déroulement accéléré des carrières, tel que le prévoit le protocole du 17 juin 2004, en est une autre.
Cependant, la fidélisation demande des mesures plus fortes encore, indemnitaires et statutaires.
L'aide au logement revêt, à cet égard, une importance majeure : cinq cents logements seront réservés en Île-de-France cette année. L'enveloppe affectée au prêt à taux zéro et la capacité dans les résidences d'accueil seront-elles augmentées ?
L'aide au logement relève aussi de la mairie de Paris, pour ce qui la concerne, qui - il faut bien le dire - a renoncé à toute politique de logement des policiers ou d'accès privilégié aux prestations et services offerts par la municipalité.
Par ailleurs, pour remettre sur le terrain les policiers affectés indûment dans les bureaux, la préfecture de police doit encore faire un effort, mais adossé au recrutement de deux cents emplois à la logistique et au remplacement des agents administratifs mutés en province. Quid du nombre d'adjoints de sécurité à Paris ?
En outre, il faudra exploiter à plein la loi contre le terrorisme pour équiper la capitale, si menacée, d'un dispositif enfin performant en matière de vidéosurveillance, ce qui permettrait de lutter bien plus efficacement contre le terrorisme et la délinquance, mais aussi, « accessoirement », d'aider des centaines de milliers d'automobilistes bloqués chaque jour dans les embouteillages en raison de la politique dogmatique et insensée des « khmers verts » de l'Hôtel de Ville. (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Legendre. Insensée, en effet !
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Philippe Goujon. Où en est, à ce propos, le projet d'équipement vidéo embarqué à bord d'un hélicoptère ?
La préfecture de police doit exercer d'urgence la « fonction circulation » qu'elle a quasiment abandonnée sous le gouvernement précédent.
II faut, à cet égard, reverser les trois cents ASP d'arrondissement de la DPUP, la Direction de la police urbaine de proximité, dans les compagnies de circulation, d'autant que la convention du 2 juillet 2004 contre les incivilités n'a pas produit les effets escomptés.
On ne peut laisser le maire de Paris faire de l'embouteillage le mode de régulation intermodal des déplacements dans la capitale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Je ne peux éluder, enfin, un motif d'inquiétude fort des Parisiens : quel dispositif renforcé est-il prévu de mettre en place pendant les fêtes de fin d'année à Paris, alors que pèsent des menaces de natures diverses ?
Les Parisiens sont, en tout cas, déjà reconnaissants au ministre de l'intérieur d'avoir répondu à leur légitime attente en faisant baisser la délinquance dans leur ville jusqu'à un niveau qu'elle n'avait jamais atteint. Ils lui font confiance pour garder le cap. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Pendant les cinq minutes qui me sont imparties, je souhaite aborder trois questions : deux s'adressent à vous, madame le ministre de la défense ; une à M. le ministre de l'intérieur.
L'immobilier de la gendarmerie est, madame le ministre, le point faible de ce projet de budget pour 2006 : dans le domanial, principalement, mais dans le locatif également, les catégories « vétustes » et « mauvais état » occupent une trop grande place. L'année 2005 a été une année d'étiage. Trop de gendarmes sont encore très mal logés. Votre budget 2006, dans ce domaine, annonce un effort financier, c'est vrai, mais celui-ci reste insuffisant au regard des retards accumulés ces dernières années et n'est pas à la hauteur des besoins constatés.
Une politique immobilière audacieuse devrait être lancée en ce qui concerne tant les financements que les procédures. Ces dernières doivent être décentralisées ou déconcentrées. Elles doivent être simplifiées. Le marathon des dossiers et des autorisations est trop long, trop lent, trop compliqué.
Quelles solutions envisagez-vous, madame le ministre ? Où en êtes-vous de l'externalisation de la gestion de l'immobilier de la gendarmerie ? Je ne pense pas que ce soit la bonne solution, mais je souhaiterais savoir où en sont votre réflexion et votre étude sur ce point.
Ma deuxième question porte sur les communautés de brigades. L'an dernier, je vous ai demandé si vous entendiez faire réaliser un bilan de leur fonctionnement. Vous m'avez répondu par l'affirmative, mais je n'ai pas eu connaissance de ce bilan. Pouvez-vous me dire s'il est en cours d'élaboration et si nous pouvons espérer l'avoir dans les premiers mois de 2006 ?
Ma troisième question, qui s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, concerne les sanctions routières. Elles sont de plus en plus nombreuses. Certes, pour se faire écouter, il faut sanctionner, mais sans exagération.
La tolérance zéro en matière de petits excès de vitesse paraît excessive, si je puis dire, au regard l'incohérence des limitations de vitesse sur certains itinéraires. Les limitations sont parfois contraires au bon sens : en quelques centaines de mètres, on passe du 90 kilomètres-heure au 70 kilomètres-heure, puis, en quelques mètres, au 50 kilomètres-heure, voire au 30 kilomètres-heure. Il faut alors soit freiner brutalement, soit faire un excès de vitesse et risquer ainsi d'être verbalisé pour deux ou trois kilomètres-heure au-dessus de la limitation affichée. Monsieur le ministre, est-on réellement plus dangereux en roulant à 53 kilomètres-heure qu'à 50 kilomètres-heure ?
De plus, cette limitation, si elle est justifiée le jour, ne l'est pas forcément à deux heures du matin. La technologie permettrait de moduler les limitations en fonction du jour et de la nuit sur certains itinéraires ou sur certaines parties d'itinéraires.
La tolérance zéro a fait disparaître ce que l'on appelait le permis blanc. Des conducteurs sont ainsi sanctionnés deux fois : en perdant leur permis, ils perdent leur emploi. C'est le cas des chauffeurs de taxis, des voyageurs de commerce, des conducteurs de toutes catégories professionnelles.
Certes, chacun doit respecter le code et les limitations de vitesse, j'en conviens ; pourtant, les ministres eux-mêmes ont parfois de la difficulté à s'y plier.
M. Charles Gautier. Sarkozy, toujours !
M. André Rouvière. Est-il normal, monsieur le ministre délégué, d'exiger des autres ce que l'on n'exige pas de soi-même ? Comment peut-on être aussi sévère envers les autres et si peu envers soi-même ?
La suppression du permis blanc engendre des drames humains et familiaux. La sanction est trop forte, elle va trop loin. La fermeté n'est pas contraire à la compréhension et à la tolérance mesurée. Tous les excès sont à condamner, dans la vitesse comme dans la sanction.
Humanisez votre fermeté ! Elle sera mieux comprise, mieux acceptée et, peut-être, plus efficace.
Mon propos ne porte pas sur les interventions de sécurité, mais je ne saurais le terminer sans rendre hommage aux forces de sécurité, gendarmes et policiers, qui évoluent, nous le savons, dans des conditions souvent très difficiles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, alors que la délinquance avait augmenté de 15 % entre 1997 et 2002, franchissant la barre symbolique des quatre millions de crimes et délits, elle a baissé de 8 % depuis 2002, ce qui correspond à 350 000 crimes et délits en moins chaque année.
Les policiers et les gendarmes travaillent en confiance et avec de bien meilleurs résultats, c'est incontestable, ce qui n'est probablement pas sans rapport avec votre détermination, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, et celle du Gouvernement depuis maintenant plus de trois ans.
La gauche nous prouve encore aujourd'hui qu'elle n'a rien appris concernant les préoccupations quotidiennes des Français en matière de sécurité. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)
À l'angélisme et à la permissivité, vous répondez responsabilité et sanctions légitimes. Aux querelles sémantiques sur l'emploi de telle ou telle expression, vous répondez par une action efficace sur le terrain. À une police de proximité sans moyens, vous préférez une réelle sécurité de proximité.
Cette volonté, cette détermination se retrouvent dans les crédits, qui représenteront 15,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 14,7 milliards d'euros en crédits de paiement, soit des augmentations respectives de 8,7 % et de 3,25 %. Cependant, les crédits valent avant tout pour les objectifs assignés et les résultats qu'ils permettent d'obtenir.
Comme vous le savez, la Seine-Saint-Denis, dont je suis un élu, a été particulièrement éprouvée lors des derniers troubles qui ont affecté l'ensemble de notre pays. Ma collègue Mme Éliane Assassi ne l'ayant pas évoquée, je vais le faire.
Je tiens à saluer ici l'action des maires et des équipes municipales, qui ont été exemplaires : ils ont été présents sur le terrain jour et nuit en première ligne sans jamais se décourager. Pourtant, il y avait de quoi !
Que ce soit à Aulnay-sous-Bois, à Montfermeil, à Villepinte ou ailleurs, leur investissement, comme celui du Gouvernement, était total depuis des mois pour réparer les oublis et les erreurs du passé. Projets de réhabilitation, de formation, d'emplois, d'aide étaient ainsi engagés, soutenus par des budgets importants et des investissements massifs.
Ils ne méritaient pas ça !
Je veux aussi rendre hommage au dévouement et au courage des policiers et des pompiers que j'ai vus, comme vous, à l'oeuvre sur le terrain, mais aussi au préfet, qui a eu la sagesse de ne pas imposer un couvre-feu qui n'aurait pas calmé les esprits - bien au contraire -, et au corps préfectoral, qui a su gérer cette crise avec responsabilité.
Mon département de la Seine-Saint-Denis connaît une situation difficile. Il est logique qu'il puisse bénéficier d'un coup d'accélérateur plutôt que d'un coup de frein. Malheureusement, ce sont les freins que l'on peut encore le plus facilement identifier.
J'évoquerai d'abord les effectifs. Comparés à ceux de Paris, ils sont très modestes et, si vous souhaitez obtenir de meilleurs résultats, il faudra les augmenter très sensiblement et prendre en compte notre spécificité, en tirer les conséquences, de façon que cela se traduise concrètement dans les effectifs annuels de référence que vous allez publier dans quelques jours. En effet, aucun département n'est comparable au nôtre !
Il faut aussi trouver une solution concernant la sécurité du Stade de France, qui reçoit en moyenne vingt-cinq manifestations par an et 80 000 spectateurs à chacune de ces occasions, et bénéficie de la protection de 400 à 1 100 fonctionnaires de police, dont plus de la moitié sont ponctionnés sur les effectifs de la Seine-Saint-Denis.
Cette part non négligeable des effectifs affectée à la protection du Stade de France, ce sont autant d'hommes en moins - entre 200 et 600 - sur le terrain, sans compter les récupérations horaires et calendaires, qui ont inévitablement des répercussions sur l'organisation générale des services de sécurité de notre département. Par comparaison, le Parc des Princes, qui ne reçoit que 45 000 spectateurs, bénéficie pour sa part de la protection de 2 000 agents.
Monsieur le ministre, il me semble qu'il y a là, si vous me permettez cette expression, deux poids deux mesures.
La Seine-Saint-Denis est aussi le département qui détient le record des visites ministérielles : 230 cette année ! Nous nous en félicitons et il faut que cela continue. Mais chez nous, ces déplacements ne sont pas neutres : ils nécessitent une augmentation, justifiée mais importante, de la protection policière.
La gestion humaine de nos forces de l'ordre pourrait également être améliorée. Les conditions de travail, plus éprouvantes en Seine-Saint-Denis qu'ailleurs, conduisent les éléments les plus expérimentés à partir rapidement, laissant les nouvelles recrues en première ligne.
Nos fonctionnaires, parce qu'ils sont plus exposés, doivent être les mieux formés et les mieux encadrés, mais aussi les mieux payés. Il faut pratiquer, au sein de la police du 93, la discrimination positive. C'est plus dur, plus difficile qu'ailleurs : il ne faut donc pas hésiter à payer et à former plus qu'ailleurs.
La fidélisation des expériences passe aussi par l'action sociale. Il n'est pas normal de voir nos jeunes fonctionnaires de police parfois contraints de séjourner à l'hôtel en début d'affectation, faute de trouver des locations à des prix accessibles.
En matière de primes comme en matière de logement, nous attendons donc un signal fort, afin que la culture du résultat implique la reconnaissance des mérites individuels et collectifs.
Il est d'autant plus nécessaire de mobiliser nos forces sur ce département, qui souffre, à tort, d'une mauvaise réputation, et ce malgré les multiples signes de sa vitalité économique, impulsés par des élus qui oeuvrent au quotidien pour tirer la Seine-Saint-Denis vers le haut.
Mon département, c'est une minorité de délinquants, qu'il faut arrêter et faire condamner sans état d'âme, mais c'est surtout Citroën, Eurocopters, L'Oréal, le Stade de France, Marc Raquil et Leslie Dhjone, champions du monde d'athlétisme, c'est le département où se créent le plus grand nombre d'entreprises dans les quartiers difficiles.
Ce sont surtout des femmes, des hommes, des jeunes qui, compte tenu des difficultés qu'ils rencontrent, sont plus travailleurs, plus tenaces, plus déterminés qu'ailleurs, en tous les cas tout aussi respectables.
Parce qu'il y a des talents dans nos cités et parce que nos quartiers ont du talent, nous réclamons une attention toute particulière. N'est-il pas juste d'aider plus ceux qui en ont - il faut bien le reconnaître - le plus besoin ?
Je sais que vous saurez prendre en compte, monsieur le ministre, l'ensemble de nos préoccupations départementales, notamment à l'occasion de la prochaine publication des effectifs annuels de référence par département. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, il paraît que je suis un « sécuritaire de gauche » ! En réalité, comme beaucoup de maires, je veux simplement que ça fonctionne, et le plus rapidement possible.
Je suis partisan depuis longtemps, à la fois dans le discours et dans les actes, d'un nécessaire équilibre entre la prévention et la sécurité. Je suis d'ailleurs un défenseur convaincu du renforcement du rôle du maire dans les politiques d'animation des contrats locaux de sécurité. Nous avons d'ailleurs pu constater sur le terrain, ces derniers temps, et nombreux sont ceux qui l'ont souligné, combien ce rôle était important.
Par ailleurs, les liens noués sur le terrain entre les acteurs locaux, notamment les communes, et l'État ont certainement contribué à créer ce climat de confiance bien utile dans les périodes de crise.
S'agissant des contrats locaux de sécurité, nous avons encore des progrès à faire en matière de diagnostic partagé. Certains outils, que nous connaissons bien, ont déjà été évoqués. Il faudrait les utiliser davantage et faire en sorte que nous parlions tous de la même chose. De même, il serait utile de connaître le bilan au plan national de ces contrats.
Je fais aussi partie de ces maires qui, toutes sensibilités confondues, ont préféré innover sur le terrain en renforçant les moyens municipaux, et notamment humains, de police et de prévention, plutôt que pleurnicher.
Dans ma ville, par exemple, nous avons mis en place des coordinations territoriales autour des collèges, afin de traiter en temps réel tous les faits commis. De même, nous avons ouvert, il y a quelque temps, une Maison des parents, que je considère comme une bonne alternative à la mise sous tutelle ou à la suspension des allocations familiales, auxquelles je ne suis pas hostile sur le principe mais qui constituent, selon moi, une véritable « arme nucléaire ». Tout ce qui peut concrètement éviter d'en arriver là me paraît utile.
Dans le même esprit, j'ai mis en place sans état d'âme la vidéosurveillance dans les transports publics, dont j'ai pu constater l'efficacité, mais aussi dans l'espace public. Un centre de surveillance fonctionne ainsi vingt-quatre heures sur vingt-quatre à Mulhouse, pas uniquement comme instrument de prévention des graves problèmes de risques terroristes qui ont été évoqués, mais comme élément de dissuasion au quotidien. Il s'agit d'un levier parmi d'autres.
Par ailleurs, s'agissant du soutien aux victimes, les propos de Charles Gautier m'ont paru très pertinents.
Madame le ministre, monsieur le ministre délégué, nous souhaitons vous parler de notre expérience et de notre action concrète sur le terrain. À cet égard, j'évoquerai quelques-unes de nos priorités et de nos attentes fortes.
Tout d'abord, et c'est la première priorité, au vu des événements que nous venons de vivre, nous devons renforcer davantage et fortement la lutte, tous moyens confondus, contre l'économie parallèle, notamment le commerce de la drogue, ce qui passe aussi par le renforcement des GIR, qui ont fait la preuve de leur efficacité.
Cette économie parallèle constitue aujourd'hui, au-delà même de la dimension sociale, que nous n'avons pas le temps d'évoquer - on ne peut pas tout dire en quelques minutes -, un frein puissant à l'insertion par l'emploi et par l'économie, qui sont nos priorités sur le terrain, mais aussi à l'égalité des territoires.
Ensuite, et c'est la deuxième priorité, la loi relative à la prévention, sur laquelle on a beaucoup communiqué depuis deux ans et dont on parle à nouveau en ce moment, n'a pas fait l'objet d'une concertation suffisante. Or, sur le terrain, on l'attend, on y croit et on est prêt à jouer le jeu. Sa philosophie générale, sous bénéfice d'inventaire, nous intéresse à bien des égards. Mais ce texte ne pourra pas aboutir concrètement sans l'implication des maires.
Cette loi doit pouvoir s'appliquer rapidement. Pour cela, monsieur le ministre délégué - et je compte sur vous pour transmettre ce voeu à M. Sarkozy -, vous devez nous écouter et mettre en place une concertation, et ce même dans la dernière ligne droite : en effet, je sais que ce texte existe déjà. Nous avons des choses à vous dire pour que ce dispositif fonctionne !
La troisième et dernière priorité, qui a déjà été maintes fois évoquée, concerne la police de proximité.
Inventez une vraie police de proximité, et peu importe qu'elle soit constituée de gardiens de la paix, de CRS ou de gendarmes. Cette police doit être à la fois territoriale, selon la bonne idée du gouvernement qui l'avait mise en place à l'époque, et respectée, car disposant des soutiens, y compris logistiques et techniques, ainsi que des moyens pour agir.
Pour conclure, et puisqu'il est bon de partir de cas concrets, j'évoquerai l'exemple de ma ville, Mulhouse, qui illustre le décalage entre les discours et les actes. Comme de nombreuses autres villes, représentées ici par leurs élus nationaux, elle connaît une situation difficile, tous critères confondus, en matière de sécurité.
Or, ayant mis à jour mes chiffres, j'ai constaté que nous avons connu de 2002 à 2005, bon an mal an, une baisse constante des effectifs de police nationale - compte tenu des départs à la retraite, des compensations, etc. -, qui sont passés de 375 à 338 fonctionnaires. Cette baisse a également des répercussions sur la brigade des stupéfiants, la brigade des mineurs, la brigade motocycliste, ainsi que sur la police de proximité, qui est devenue une simple police de bureau, et cela ça ne va pas.
Par ailleurs, madame le ministre, je souhaite vous poser une question sur un point précis. À Mulhouse, un engagement a été pris de reconstruire les locaux du groupement de gendarmerie sur l'emplacement d'une ancienne caserne, site qui appartient à l'armée. J'ai ici une lettre de M. Steinmetz m'indiquant que ces travaux étaient retardés mais qu'ils auraient lieu en 2007. Pouvez-vous m'apporter quelques précisions à cet égard ?
Madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je crois avoir évité les arguments de circonstance, la polémique et l'angélisme. En effet, en tant que maire et comme beaucoup d'entre nous ici, je « coproduis » de la sécurité. J'espère donc obtenir, sur ces quelques questions concrètes, une réponse formulée sur le même ton. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. En premier lieu, à l'instar de notre rapporteur spécial, Aymeri de Montesquiou, et de notre rapporteur pour avis, Jean-Patrick Courtois, je souhaite vous féliciter, madame, monsieur les ministres, et à travers vous M. le ministre d'État, de la réalisation, pour la quatrième année consécutive, de l'ambitieux programme de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI.
Il est rare qu'un plan quinquennal atteigne son objectif. Or, cette année encore, les objectifs sont réalisés.
La LOPSI a préfiguré, dès l'été 2002, la volonté du ministre de l'intérieur de regrouper et de faire travailler de concert les deux entités concourant à la sécurité intérieure, la police et la gendarmerie. Je profite d'ailleurs de cette tribune pour rendre hommage aux gendarmes, aux policiers mais aussi aux pompiers pour leur action, leur courage, leur sang-froid et leur sens des responsabilités.
Le recul constant des chiffres de la délinquance depuis 2002 - celle-ci a reculé de plus de 8 % en trois ans, comme l'a dit Jean-René Lecerf - démontre que la volonté politique et cette logique de mission à laquelle elle est associée permettent de renoncer au fatalisme selon lequel la délinquance serait un phénomène sociétal.
Puisque la loi organique relative aux lois de finances nous invite à revoir nos grilles de lecture pour nous extirper des carcans traditionnels et confortables, et pour raisonner en termes de missions, de programmes et d'actions, je souhaite axer mon intervention sur deux points très précis. Certes, ces deux sujets ne recouvrent pas exactement le cadre de la mission « Sécurité », mais ils correspondent, me semble-t-il, à des actions qui doivent être menées de manière transversale entre ministères et missions. Il s'agit, d'une part, de la délinquance des mineurs et, d'autre part, de l'accueil et de l'aide aux victimes.
En 2002, j'ai eu l'honneur d'être rapporteur d'une commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs. Nous avions alors dressé le constat que cette délinquance était non pas un fantasme, comme certains voulaient le faire croire, mais bien une réalité.
Cette délinquance se caractérise par ce que j'appelle les « trois plus » : une délinquance plus importante, car les actes de délinquance ont augmenté de 80 % depuis 1994 ; une délinquance plus violente, les actes de violence ayant été multipliés par dix entre 1998 et 2002 ; une délinquance de plus en plus jeune, car la moitié des mineurs délinquants sont âgés de moins de seize ans.
Qui sont ces jeunes délinquants ? Les actes commis émanent, à 92 %, de jeunes garçons cumulant les quatre caractéristiques suivantes : leur famille rencontre des difficultés pour assumer sa mission, notamment du fait de l'absence du rôle du père ; pour la plupart, ces jeunes sont en situation d'échec scolaire ; nombre de ces jeunes présentent un état de santé médiocre, très souvent en rapport avec la consommation de drogue, particulièrement de cannabis, et d'alcool ; enfin, nous avions constaté, avec toutes les précautions oratoires nécessaires, qu'il y avait une surdélinquance des jeunes issus de l'immigration.
Je ne souhaite lancer aucune polémique sur ce dernier sujet. Je me borne simplement à faire un constat : comprendre un phénomène est la première étape d'un chemin vers sa solution. Pour ce faire, il ne faut nier aucun fait mais, en contrepartie, il ne faut pas non plus tirer de conclusion hâtive.
Permettez-moi, à cet égard, de citer le père Christian Delorme, curé des Minguettes, qui, dès 2001, écrivait dans un grand quotidien du soir : « En France, nous ne parvenons pas à dire certaines choses, parfois pour des raisons louables. Il en est ainsi de la surdélinquance des jeunes issus de l'immigration, qui a longtemps été niée, sous prétexte de ne pas stigmatiser. On a attendu que la réalité des quartiers, des commissariats, des tribunaux, des prisons impose l'évidence de cette surreprésentation pour la reconnaître publiquement. Et encore, les politiques ne savent pas comment en parler. » C'était en 2001 !
Cessons donc cette politique de l'autruche, trop souvent pratiquée, et ayons le courage de regarder la réalité telle qu'elle est, et non pas telle que nous aurions souhaité qu'elle fût, chère madame Assassi !
M. Christian Demuynck. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Ce n'est parce qu'ils sont issus de l'immigration qu'ils sont délinquants ! Vous faites fausse route !
M. Jean-Claude Carle. Nous devons renvoyer dos à dos les tenants du « tout-laxisme », mais également ceux du « tout-répressif », et conjuguer, comme vous le faites, madame, monsieur les ministres, éducation et sanction.
Pour régler la crise de la délinquance juvénile, il faut retisser les trois cercles de proximité qui structurent notre société : la famille, l'école et le tissu associatif.
Face à la défaillance ou à l'insuffisance de ces trois cercles, les jeunes défient aujourd'hui le cercle suivant : le quartier ou la ville.
Je citerai Malek Boutih, alors président de SOS Racisme, qui a longuement évoqué devant notre commission le processus d'isolement de certains quartiers et le rôle joué par le trafic de stupéfiants.
« Il s'agit là de phénomènes qui sont lents à se mettre en place, mais l'idée d'avoir un sanctuaire pour pouvoir organiser le trafic est devenue primordiale. Or, pour constituer ce sanctuaire, il est évident qu'il fallait créer une sorte de dynamique excluant tout ce qui est positif dans ce quartier et intégrant au sein de ce dernier tout ce qu'il peut y avoir de négatif. [...] l'idée était celle-ci : " On fait ce que l'on veut dans notre quartier et, en contrepartie, on ne demande rien à l'extérieur ". »
Et bien non, on ne fait pas ce que l'on veut dans son quartier : on accepte et on respecte les lois de la République, et il est de notre devoir de les faire respecter, comme vous le faites, madame, monsieur les ministres, avec justice et fermeté.
Cela passe évidemment par une réponse pénale appropriée. L'incendie volontaire d'un bus ou l'aspersion d'essence d'une personne handicapée sont des homicides, et non de simples troubles à l'ordre public. Ils doivent être sanctionnés comme tels, et la sanction doit être rapide, afin d'être comprise par le délinquant, par la victime et par la société.
Il nous faut enfin remettre à plat la politique de la ville. Beaucoup d'argent a été investi depuis vingt ans - plus de 7 milliards d'euros cette année - et soixante-douze métiers d'animation ont été recensés. Force est de constater que les résultats ne sont pas à la hauteur des moyens investis.
Je souhaiterais également évoquer le cas des victimes, qui demeurent systématiquement les grandes absentes des réformes alors même qu'elles sont les premières concernées. Certes, de nombreuses évolutions législatives sont intervenues depuis quelques années et ont permis de mieux les prendre en considération, en premier lieu en matière pénale grâce au renforcement des droits de la partie civile et du rôle de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions.
Mais, au début de la chaîne procédurale, il y a le commissariat auprès duquel les victimes portent plainte. À ce moment-là, elles ressentent avant tout autre chose la détresse liée à leur situation et la façon dont elles sont accueillies est donc essentielle.
D'immenses progrès ont été accomplis en la matière en quelques années sur l'ensemble du territoire. De plus en plus, nos policiers et gendarmes ont été formés à l'accueil du public, et cela se ressent très nettement.
L'annexe de la LOPSI a placé les victimes au centre puisqu'il y est déclaré que « l'accueil, l'information et l'aide aux victimes sont donc pour les services de sécurité intérieure une priorité » ; dans la foulée, l'information de la victime a été renforcée par l'énonciation dans la loi « Perben I » de ses droits dès l'ouverture d'une enquête de flagrance.
Malgré tous les progrès accomplis, il me semble cependant que faire de l'accueil des victimes un des indicateurs d'évaluation des actions des forces de sécurité intérieure serait de nature à nous rapprocher encore davantage de l'objectif de qualité de la prise en compte des victimes.
Jean-Patrick Courtois a formulé des observations intéressantes en ce sens dans son rapport pour avis. Je souhaite, madame, monsieur les ministres, qu'elles ne restent pas lettre morte et qu'il y soit porté une attention toute particulière dans le cadre de la refonte des indicateurs de la mission « Sécurité ».
Fort de ses observations, satisfait de la qualité et de l'ambition du budget qui nous est soumis et confiant, madame, monsieur les ministres, dans votre action et dans celle du ministre d'État, Nicolas Sarkozy, notre groupe votera les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, bien évidemment, la mission « Sécurité » est examinée à la lumière de ce qui s'est passé dans nos banlieues voilà quelques semaines, mais, même s'il est un peu éclipsé actuellement, un autre sujet de préoccupation pour les Français me semble devoir être également abordé dans notre hémicycle aujourd'hui, je veux parler de l'insécurité que peut à tout moment provoquer le terrorisme.
Il y a peu, certains d'entre nous étaient réunis avenue Kléber pour un séminaire consacré aux menaces que fait peser le terrorisme. M. le ministre de l'intérieur nous disait encore, avec gravité, que le risque terroriste était permanent et que nous ne pouvions pas espérer en être exempts. Il est donc naturel à l'occasion d'un débat sur la sécurité de se demander si nous sommes préparés pour faire face à la menace et à ses conséquences.
Vous me permettrez, à ce moment du débat, de rappeler sans avoir le sentiment d'être à côté du sujet qu'il y a trois ans déjà Nicolas Sarkozy avait posé, me semble-t-il à juste titre, le problème de l'entraînement de nos différents services aux conséquences d'un attentat terroriste majeur.
On sait bien qu'en cas d'attentats terroristes majeurs il faut une bonne coordination des services de police et de gendarmerie, des pompiers, des services mobiles d'urgence et de réanimation, les SMUR, ainsi que des services hospitaliers, mais aussi éventuellement des services des municipalités, car le risque terroriste peut se produire dans la capitale mais également n'importe où ailleurs sur le territoire. Cette coordination est-elle véritablement préparée ?
C'est un problème de défense civile. Qu'il relève de la sécurité ou de la sécurité civile, en fait peu importe : il est bon de le soulever, ce que je ferai à travers un dossier que je connais bien.
Il est envisagé depuis 2002 de réaliser à Cambrai, sur une ancienne base aérienne, un centre d'entraînement aux suites d'attentats terroristes et de recourir, pour le financer, à un partenariat entre public et privé, mais le temps passe. Or les récents attentats de Londres nous démontrent que le sujet est, hélas ! tout à fait d'actualité.
La question a été évoquée dans divers documents et elle l'a encore été lors d'un conseil des ministres en juillet dernier. Monsieur le ministre délégué, où en est-on de la réalisation ?
Pour avoir suivi pendant un an en tant qu'auditeur les cours de l'Institut des hautes études de sécurité intérieure, je sais que le problème est réel et qu'il s'agit d'une nécessité. Va-t-on doter la France d'un lieu où seront formés et préparés à une bonne coordination les acteurs des suites d'attentats terroristes majeurs ? Il s'agit d'un problème de sécurité, mais aussi d'actualité et j'oserai même dire d'urgence !
Madame, monsieur les ministres, telle est la question que je souhaitais vous poser ; je tiens maintenant à vous dire combien j'apprécie, comme beaucoup d'autres ici, le travail de fond qui est mené. C'est sans aucune hésitation que je voterai les crédits qui nous sont soumis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie du travail que vous avez, les uns et les autres, effectué ; vous l'avez souligné avec force, et je vous en remercie au nom du ministre d'État, n'en déplaise aux sceptiques, 2006 sera la quatrième année d'application pleine et entière de la LOPSI pour la police nationale.
Je veux d'ailleurs dire à M. Peyronnet, qui a ironisé sur l'absence au banc des ministres de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, qu'il ne peut pas reprocher à Nicolas Sarkozy, d'un côté, de ne pas être dans l'action, de l'autre, d'être ce matin retenu, au service des Françaises et des Français, par des tâches essentielles.
Mme Éliane Assassi. Il prépare son élection !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En ma qualité de ministre délégué, très modestement, c'est pour moi une fierté et un honneur que de présenter les programmes qui sont les siens et de répondre en son nom à l'ensemble des intervenants.
Je me tourne vers Jean-Patrick Courtois, qui fut le rapporteur au Sénat, quand je l'étais moi à l'Assemblée nationale, de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure : pour connaître l'un et l'autre la LOPSI dans ses moindres détails, nous savons que le Gouvernement en poursuit inlassablement la mise en oeuvre au rythme que Nicolas Sarkozy avait fixé dès 2002, lorsqu'il l'avait présentée devant le Parlement.
Les événements récents ne doivent donc pas masquer les résultats considérables obtenus dans ce cadre depuis 2002 pour améliorer la sécurité des Français.
Depuis 2003, 3 900 emplois de policier ont déjà été créés. Avec les 1 300 recrutements supplémentaires prévus dans le projet de loi de finances pour 2006, le total atteindra 5 200, soit 80 % des 6 500 recrutements prévus. Les chiffres sont donc parfaitement conformes aux prévisions.
Les grands programmes d'amélioration de l'équipement et de la protection des fonctionnaires de la LOPSI seront poursuivis. À la fin de l'année 2006, la police nationale détiendra 105 800 pistolets Sig-Sauer et près de 80 % des policiers en seront dotés ; le taux de 100 % sera atteint dès 2007. En 2006, 45 500 tenues d'uniformes seront achetées et toutes les commandes seront achevées pour équiper l'ensemble des fonctionnaires.
S'agissant de la gendarmerie, Mme le ministre de la défense répondra plus précisément que je ne le ferai. Cependant, monsieur de Montesquiou, vous avez relevé que nous n'étions pas complètement au rendez-vous de la LOPSI en ce qui concerne tant les effectifs que les moyens financiers d'investissement. Vous conviendrez toutefois que des progrès significatifs seront réalisés en 2006. Mme Alliot-Marie et moi-même ne pouvons que nous en féliciter.
Beaucoup ont évoqué les violences urbaines. S'agissant de celles-ci, les événements récents ne font que légitimer, si besoin était, l'action que le ministre d'État entend conduire en ce domaine. Nous considérons qu'il s'agit là du résultat de près de trente ans d'une certaine forme de lâcheté - tous gouvernements confondus d'ailleurs - dans notre pays. Pendant près de trente ans en effet, on a fait semblant d'ignorer ce qui se passait dans ces cités où, pour la première fois, le Gouvernement décide d'agir et par la même occasion vient déranger un certain nombre d'activités que l'on avait fini par ignorer.
Ces événements ont ainsi permis à la justice de « remonter » plusieurs affaires et ont fait apparaître que des trafics de voitures, de drogues, d'armes, d'êtres humains et diverses dérives s'étaient installées progressivement dans ces cités, devenues des cités de non-droit que l'on finissait par contourner faute de parvenir à y imposer les lois de la République.
Désormais, ce sont les lois de la République qui, comme le rappelait Philippe Goujon, prennent le dessus sur les lois des bandes. C'est un changement de culture, je le concède à un certain nombre d'orateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste. En tout état de cause, nous avons décidé d'aller jusqu'au bout, et ce n'est pas parce que les événements se sont calmés aujourd'hui que nous baisserons les bras : nous continuerons avec la même détermination pour que ces cités de non-droit réintègrent en totalité le territoire de la République française.
Oui, monsieur Carle, au nom du ministre d'État, je vous confirme que, plus que le sentiment d'impunité, l'impunité sera combattue dans la durée. Je veux souligner, en son nom, à quel point la mobilisation et le comportement des policiers, des gendarmes et des sapeurs-pompiers ont été exemplaires. À cette tribune, je leur en rends hommage.
Nous avons réussi à placer en garde à vue 4 500 individus, que ce soit pendant la crise ou après, et je maintiens que de 70 % à 80 % d'entre eux avaient des antécédents judiciaires ; près de 800 sont à ce jour écroués.
Monsieur Peyronnet, vos allusions au comportement des policiers s'agissant de l'affaire de Clichy-sous-Bois sont inacceptables. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Paul Girod. Bravo !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous prie de bien vouloir attendre les conclusions de l'enquête en cours avant de vous lancer dans quelque anathème que ce soit.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'attachement de Nicolas Sarkozy au respect absolu des règles déontologiques est connu. La police est une des institutions aujourd'hui les plus contrôlées au niveau hiérarchique et judiciaire.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Bien évidemment, l'électrocution de deux jeunes dans un transformateur EDF est un accident dramatique, une cause de détresse pour leurs familles, pour leurs camarades et pour l'ensemble de nos concitoyens que ce drame ne peut laisser insensibles.
Mais permettez-moi de m'étonner, monsieur Peyronnet, que vous vous soyez contenté de faire référence à ce seul drame. Permettez-moi de m'étonner que vous n'ayez pas fait référence à cet autre drame, celui de ce père de famille qui, pour être dépouillé de l'appareil numérique de sa fille, a été battu à mort sous le regard de son épouse et de son enfant.
Permettez-moi de m'étonner que vous ne vous soyez pas dressé contre d'autres actes inqualifiables, ceux de ces voyous qui n'ont pas hésité à jeter des cocktails Molotov contre un autobus dans lequel se trouvait une personne handicapée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Permettez-moi de m'étonner que vous ne vous soyez pas élevé contre les comportements inadmissibles de ceux qui ont pris pour cibles des lieux de culte, musulmans ou catholiques.
Permettez-moi de m'étonner encore que vous ne vous soyez pas élevé contre ces voyous qui se sont permis de tirer à balles réelles contre des policiers !
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre délégué, c'est malhonnête de votre part !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Oui, monsieur Peyronnet, permettez-moi de m'étonner de tout cela ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
L'objectif du ministre d'État est que, d'ici à cinq ans, deux policiers ou deux gendarmes puissent patrouiller à pied, de jour comme de nuit, dans n'importe quelle cité, sans être considérés comme des intrus, que les pompiers puissent porter aide et assistance sans devoir être escortés, que les médecins et les infirmières puissent aller visiter leurs patients sans avoir peur, que les enseignants puissent enseigner sans crainte et que tous ceux qui veulent entreprendre dans ces cités puissent le faire librement.
L'esprit qui anime les groupements d'intervention régionaux, les GIR, doit inspirer les modes de fonctionnement entre les différents services. L'objectif est de démanteler systématiquement, patiemment, les bandes et l'économie souterraine.
Les forces mobiles doivent devenir un instrument de reconquête du terrain. Sur les sites les plus sensibles, le ministre d'État a décidé d'employer de façon permanente vingt unités de CRS et sept escadrons de gendarmerie, soit 2 200 policiers et gendarmes de plus.
Pendant tous ces événements, on a stigmatisé la suppression de la police de proximité. Mais, telle qu'elle a été mise en oeuvre de 1999 à 2002, cette formule avait négligé les unités d'investigation. L'efficacité de la police de proximité était plus que douteuse : rappelons que, sur la période, la hausse des effectifs a été de 4,5 %, tandis que la hausse de la délinquance avait atteint 9,6 % ! Et vous appelez cela du lien social, monsieur Gautier ?
M. Philippe Goujon. C'est un échec !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur de Montesquiou, nos objectifs, voyez-vous, se rejoignent. En matière de police de proximité, il faut laisser de côté les idéologies. Ce qu'attendent les Français, c'est une analyse lucide, sans complaisance ni tabou. Quand une partie de la police est vouée à la répression et l'autre au simple contact, c'est le meilleur moyen d'entretenir la délinquance là où elle est enracinée.
M. Charles Gautier. Caricature !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dès le mois de janvier 2006, 2 000 adjoints de sécurité supplémentaires seront recrutés dans les quartiers et pour les quartiers, y compris à Paris, monsieur Goujon, en mobilisant les contrats d'accompagnement dans l'emploi.
Un amendement vous étant proposé à cet effet, nous en reparlerons tout à l'heure. Monsieur Courtois, cette mesure devrait répondre à votre attente concernant notamment les effectifs d'ADS.
Elle vise bien sûr à renforcer les effectifs de la police, mais c'est aussi un moyen d'intégration qui complète les autres dispositifs « citoyens » de la police. Monsieur Lecerf, que ce soit au titre des ADS ou des cadets de la République, ces formules permettent d'intégrer dans la police des jeunes qui n'auraient pas pu y accéder autrement. Je rappelle que 75 % des ADS parviennent à intégrer la fonction publique avant la fin de leurs cinq années de contrat.
Je précise que le ministre d'État a également décidé de faciliter l'accès au dispositif des cadets de la République ouvert aux jeunes en difficulté sociale, en abaissant de 18 à 16 ans l'âge d'intégration dans la formation des cadets de la police.
Ce budget finance d'autres mesures essentielles pour améliorer la sécurité, notamment dans les quartiers. Les 500 caméras embarquées prévues dans le budget 2006, ce qui en fera 600 au total pour la police, permettront d'équiper les brigades anti-criminalité des départements les plus exposés aux violences urbaines. La gendarmerie, bien entendu, s'équipe également.
Monsieur Goujon, vous m'avez interrogé sur les caméras embarquées qui devraient être installées sur l'hélicoptère de la préfecture de police de Paris. Les crédits ont été votés à l'Assemblée nationale dans le cadre du plan « banlieues ». Toutes les dispositions seront prises dans les prochains jours à cet effet.
Mille pistolets à impulsion électrique seront acquis pour la police, et sept cents pour la gendarmerie.
Oui, monsieur Courtois, cette arme non létale permet de mettre hors d'état de nuire un individu dangereux en offrant, pour lui comme pour les victimes et pour les policiers intervenants, le maximum de sécurité. Mais, madame Assassi, je précise qu'il sera utilisé dans un cadre d'emploi très précis, validé par l'Inspection générale de la police nationale et qu'il donnera lieu à des formations adaptées. Seules 1 000 armes vont être acquises, contre 100 000 pour le Sig-Sauer.
Par ailleurs, une enveloppe de 5 millions d'euros a été dégagée sur le budget 2005 notamment pour couvrir, comme vous le demandez, monsieur Courtois, les besoins nouveaux exprimés par les services les plus confrontés aux violences urbaines, équiper les BAC en casques et tenues de protection notamment.
Monsieur Demuynck, je souhaite vous préciser qu'à l'occasion des manifestations organisées au Stade de France, les effectifs de sécurité publique de Seine-Saint-Denis bénéficient, bien entendu, du renfort des unités mobiles mises à leur disposition par la zone de défense de Paris.
Oui, il faut aider ceux qui en ont le plus besoin, et nous le faisons. Les effectifs de la sécurité publique de la Seine-Saint-Denis ont été renforcés au 1er décembre par 76 nouveaux gardiens de la paix et, le 1er février 2006, 112 gardiens supplémentaires viendront les rejoindre.
S'agissant de la stabilisation des policiers en Île-de-France, monsieur Demuynck, la réforme des corps et carrières devrait la renforcer. Des durées minimales de séjour seront fixées à cinq ans en début de carrière pour les gardiens, trois ans pour les brigadiers.
La politique d'action sociale que vous appelez de vos voeux progresse. L'aide au logement des policiers devrait croître de 20 % en 2006.
Monsieur Goujon, s'agissant des crèches, en plus des 250 places disponibles à Paris et en Île-de-France, 80 places supplémentaires à horaires décalés devraient être ouvertes en 2006, notamment dans le cadre d'un partenariat avec l'Assistance publique.
S'agissant des résultats, monsieur de Montesquiou, il n'est pas question de défendre l'augmentation des moyens de la police et de la gendarmerie pour elle-même, dans le simple espoir qu'il suffise de mettre plus d'argent sur un problème pour qu'il soit réglé. Certes, les budgets étaient insuffisants. Mais, puisque la LOLF nous invite à parler de performance, le seul indicateur qui vaille en matière de sécurité, c'est bien l'amélioration de la sécurité des Français !
Oui, monsieur Demuynck, oui, monsieur Carle, entre 2002 et 2004, le nombre de crimes et délits constatés par les services de police et de gendarmerie a baissé de 7 %. Pour les neuf premiers mois de l'année 2005, on constate une diminution de 1,6 %.
La délinquance de voie publique baisse encore davantage. De 2002 à 2004, elle a en effet régressé de 17 %. Pour les neuf premiers mois de 2005, la diminution est de 5 %.
Dans le même temps, le taux d'élucidation des affaires, qui était de moins de 25 % en 2001, se situe à près de 32,4 % en 2005. Ce taux a augmenté dans toutes les catégories de délinquance, et, d'abord, pour les infractions les plus graves.
Monsieur Peyronnet, l'intérêt pour les statistiques est légitime, mais leur instrumentalisation partisane n'est pas acceptable.
En matière de lutte contre la délinquance, nos concitoyens attendent du Gouvernement des résultats durables et une transparence exemplaire. Cette exigence de transparence a été mise en oeuvre dès l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur, avec la communication mensuelle des statistiques, ce qui n'était pas le cas auparavant. On les obtenait difficilement ...
M. Christian Demuynck. Très difficilement !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...une fois par an. Désormais, c'est tous les mois, et sur la base du même baromètre, puisque nous fonctionnons encore aujourd'hui sous le régime de l'état 4001, un baromètre qui était utilisé par le précédent gouvernement et par ceux qui l'avaient précédé.
Imaginez un seul instant que, là où la délinquance est montée de prés de 15 % entre 1997 et 2002 et a baissé depuis 2002 de près de 7 %, nous ayons modifié les règles du jeu. Vous vous feriez un malin plaisir aujourd'hui de contester ces chiffres. Vous n'êtes pas en mesure de le faire parce que nous n'avons pas modifié le baromètre, qui est le même que celui du gouvernement de 1997 à 2002 : l'état 4001.
Cette transparence a été poursuivie avec la création en juillet 2004 de l'Observatoire national de la délinquance, organisme totalement indépendant.
Le Parlement avait demandé que les objectifs et les indicateurs des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » soient harmonisés. Nous avons pris très au sérieux cette demande, et le résultat est là : pour les actions communes, 100 % des objectifs et 81 % des indicateurs sont désormais les mêmes. On va donc pouvoir évaluer sur des bases homogènes l'action des deux forces. Vous l'avez relevé, monsieur de Montesquiou, et je vous en remercie.
Cette démarche reste toutefois perfectible, je vous le concède volontiers, ainsi qu'à M. Courtois, et nous y travaillerons en 2006. Cela démontre en tout cas, convenons-en, l'intérêt considérable de cette mission interministérielle « Sécurité », que vous appeliez de vos voeux, monsieur de Montesquiou, et qui place côte à côte les deux forces garantes de la sécurité intérieure dans notre pays.
Pour 2006, Nicolas Sarkozy a particulièrement veillé à ce que ces objectifs soient fixés à un niveau très ambitieux. Pour la cinquième année consécutive, le nombre de crimes et de délits constatés, en zone police comme en zone gendarmerie, doit baisser de 1% à 4 %. La délinquance de voie publique doit encore reculer dans une fourchette de moins 2% à moins 5 %.
Le taux d'élucidation des faits constatés par la police, qui a déjà été porté de 24 % en 2002 à 29 % en 2004, doit progresser en 2006 pour atteindre au moins 30,5 %.
La gendarmerie devra, elle, atteindre un taux de 39,5 % contre 38,7 % en 2004.
La lutte contre l'immigration illégale sera encore renforcée avec un objectif - je le confirme et je l'assume- de 25 000 éloignements d'étrangers en situation irrégulière, contre 12 000 en 2002.
La culture de résultat, c'est aussi la reconnaissance des mérites individuels et collectifs. À ce titre, 26 700 fonctionnaires de police vont bénéficier d'une prime de résultats exceptionnels. Ce sont 18 % donc des policiers qui vont en bénéficier.
Pour 2006, le montant de l'enveloppe de prime sera triplé pour la police par rapport à 2004 et doublé pour la gendarmerie. La prime liée aux violences urbaines s'y ajoutera. Elle représentera 300 euros par personne pour 22 000 policiers et sera versée dès la paye de décembre 2005.
Monsieur Carle, monsieur Gautier, monsieur Bockel, vous avez rappelé l'importance de la place des victimes. Oui, dès 2002, Nicolas Sarkozy a voulu placer les victimes, toutes les victimes, au centre de nos préoccupations.
Il a souhaité aller plus loin encore en installant au mois d'octobre la Délégation nationale aux victimes. Il s'agit d'une structure permanente commune à la police et à la gendarmerie, chargée de piloter la politique d'aide aux victimes au sein du ministère de l'intérieur.
Sur le FNAEG, monsieur de Montesquiou, nous progressons. En 2002, la base comportait 4 000 profils, en 2003, 17 000, et, en novembre 2005, le cap des 120 000 profils a été franchi.
Certes, nous souffrons encore de la comparaison avec le Royaume-Uni, dont le fichier compte 2 800 000 profils. Cependant, si nous n'avions pas pris les mesures arrêtées dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et dans la loi pour la sécurité intérieure en 2002 et en 2003, nous n'enregistrerions pas cette progression si considérable qui nous permet d'espérer dans les années à venir de rattraper plus ou moins le Royaume-Uni.
Madame Assassi, ne faisons pas d'angélisme en matière de lutte contre l'immigration irrégulière ; c'est l'un des axes majeurs de la politique que le ministre d'État entend mener. Car comment faire fonctionner la politique d'intégration si, chaque jour, de nouveaux immigrants illégaux arrivent et déséquilibrent les populations des quartiers ?
Nous ne pouvons pas admettre tous ceux que les autres grandes démocraties refusent d'accueillir : nous ne sommes pas en mesure de les loger et nous ne savons pas leur donner du travail. Les violences urbaines l'ont précisément démontré.
La totalité des 38 millions d'euros de mesures nouvelles sur les crédits de la police sera consacrée à la lutte contre l'immigration illégale.
Un effort considérable sera consenti pour augmenter le nombre des places en centres de rétention administrative, en métropole comme en outre-mer.
Ces crédits financeront également le coût des reconduites aux frontières elles-mêmes, ainsi que les coûts, pour le ministère de l'intérieur, de la mise en place des visas biométriques.
Oui, monsieur Lecerf, les nouvelles technologies nous aident et nous devons davantage les utiliser. Les visas biométriques vont permettre d'identifier avec certitude les migrants en situation illégale en France et faciliter leur éloignement.
À la fin de l'année 2006, 32 postes consulaires auront été équipés, et la totalité du réseau consulaire - soit 20 postes - le sera à la fin de l'année 2007.
Monsieur Goujon, vous avez demandé que soient affectées des forces supplémentaires à Paris pour les fêtes de fin d'année. Bien sûr, les besoins exprimés par la préfecture de police font l'objet en ce moment d'un examen attentif pour ajuster au mieux la répartition des effectifs disponibles en considération de l'évaluation des risques. C'est vrai aussi bien pour Paris que pour l'ensemble des départements de l'Île-de-France.
Vous avez, par ailleurs, souhaité obtenir des précisions sur la perspective de création d'un centre d'accueil pour mineurs délinquants étrangers.
Je puis vous assurer que nous y travaillons. Il faut, pour ce faire, adapter certaines dispositions de l'ordonnance de 1945 et régler les questions immobilières, la Mairie de Paris s'étant finalement désengagée du projet.
M. Philippe Goujon. Scandaleux !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans l'attente, nous étudions avec la Chancellerie la possibilité d'affecter spécifiquement un foyer d'Île-de-France à l'accueil des mineurs délinquants en instance de reconduite.
Monsieur Rouvière, en matière de sécurité routière, depuis trois ans, 6 000 vies ont été sauvées et 100 000 blessés épargnés. L'engagement des forces de l'ordre est donc soutenu et continue de s'accroître. Nous ne faiblirons pas, et je ne comprends pas que vous puissiez contester les mesures prises dans ce domaine. En effet, ce sont 6 000 foyers de moins que nos représentants de l'ordre, policiers ou gendarmes, n'auront pas eu à assombrir par l'annonce de la perte d'un proche.
Je répondrai plus longuement à M. Jacques Legendre lors de l'examen du budget de la mission « Sécurité civile ». Bien évidemment, le pôle de défense civile de Cambrai retient toute notre attention, qu'il s'agisse de l'école de défense civile à statut public ou du Centre national de formation à la défense et à la sécurité civile.
Enfin, je voudrais dire à M. Bockel que, bien évidemment, M. Sarkozy souhaite généraliser les conseils locaux de prévention de la délinquance dans les villes de plus de 5 000 habitants. À l'heure actuelle, un peu plus de 800 conseils locaux sont installés et le décret du 17 juillet 2002 va être modifié pour permettre l'installation des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, dans les quelque 1 850 communes de plus de 5 000 habitants.
En ce qui concerne les effectifs dans le Haut-Rhin, ils n'ont diminué que de vingt et une unités entre le 1er janvier 2002 et le 1er octobre 2005, ADS compris.
Malgré cela, en 2003 et 2004, la délinquance générale a diminué de 12 % et la délinquance de voie publique, de près de 20 %. Cela est sans doute dû aussi, vous avez raison, à l'engagement des élus de terrain, dont vous êtes, et je vous remercie d'avoir rappelé le rôle central que doivent jouer les maires et les élus locaux en partenariat avec les services de l'État, notamment du ministère de l'intérieur, comme avec les autres grands services de l'État
D'ailleurs, dans le projet de loi de prévention de la délinquance qui est actuellement en préparation, nous souhaitons que les maires jouent un rôle central et je souhaite, à cet égard, évoquer le plan national de prévention qui sera présenté avant la fin de l'année.
Le ministre d'État est, en effet, convaincu depuis le début que la stratégie de lutte contre l'insécurité doit allier le rétablissement de l'ordre républicain et la prévention. Seule une véritable politique de prévention permettra d'ancrer dans la durée le recul de la délinquance. Ce qu'il avait commencé en 2002, le ministre d'État compte le continuer maintenant. Il demeure persuadé du rôle central du maire dans la prévention de la délinquance. Partout où cela est nécessaire, les CLSPD sont en cours de réactivation.
Je le répète, le préalable consiste à affirmer partout et pour tous le droit à la sécurité. Le ministre de l'intérieur ne faiblira pas sur ce point. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
(M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)