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Financement de la sécurité sociale pour 2006
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. (n° 90.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour l'examen final du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, après les délibérations de la commission mixte paritaire.
Le projet de loi initial de financement de la sécurité sociale pour 2006 comprenait cinquante-huit articles, il en comporte aujourd'hui quatre-vingt-dix-neuf ; nous en avons presque doublé le nombre. Examiné dans un cadre juridique renouvelé, il a donné lieu à des débats d'une grande richesse, notamment au sein de notre assemblée, ce dont je tiens à vous remercier, mes chers collègues.
À l'issue des travaux du Sénat, cinquante-trois articles restaient en discussion. La commission mixte paritaire, réunie hier matin, est parvenue à un accord sur l'ensemble de ces dispositions. Elle a adopté quarante-deux articles dans le texte du Sénat et a élaboré un nouveau texte pour onze articles.
Parmi ceux-ci, trois seulement méritent, à mes yeux, d'être mentionnés, les autres ayant fait, pour l'essentiel, l'objet d'ajustements de faible portée.
Tout d'abord, l'article 15 relatif à la taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques a fait l'objet de nombreux débats. La commission mixte paritaire a décidé de revenir une nouvelle fois sur le taux de la taxe, en le fixant à 1,76 %. Elle a donc fixé un taux intermédiaire entre le taux de 1,5 % que l'Assemblée nationale avait retenu lors de la première lecture et celui de 1,96 % souhaité par le Gouvernement, qui figurait dans le projet de loi initial et que le Sénat, dans sa majorité, avait rétabli.
Ensuite, s'agissant de l'article 30 relatif à l'application de la tarification à l'activité aux établissements de santé, la commission mixte paritaire a supprimé la nouvelle étape intermédiaire de convergence des tarifs de 75 % en 2010, introduite par notre assemblée, sur l'initiative de notre collègue Jean-Jacques Jégou, au nom de la commission des finances. Nous en restons donc à 50 % en 2008.
Enfin, pour ce qui concerne l'article 36 bis relatif à l'entrée en vigueur des contrats responsables, la commission mixte paritaire a jugé nécessaire de préciser que les contrats relevant d'un accord collectif de branche disposent d'un délai supplémentaire de six mois pour s'adapter à la législation relative aux contrats responsables. Elle a également spécifié que les assurés doivent être informés des nouvelles conditions tarifaires liées à l'évolution de ces contrats. Sur ce point, nous avons réussi à parvenir à un accord avec l'Assemblée nationale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ayant rendu compte des travaux de la CMP, je tiens maintenant à vous résumer très brièvement les apports, particulièrement importants cette année, du Sénat au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ils concernent toutes les branches de la sécurité sociale.
S'agissant de l'assurance maladie, la commission des affaires sociales du Sénat a soutenu les axes forts des réformes en cours dans le domaine des soins de ville et des établissements de santé. Cette démarche a pris deux directions : le contrôle de la facturation des établissements de santé publics et privés et l'entrée en vigueur des contrats responsables.
Dès l'année dernière, la commission avait fait part de son intention de placer l'hôpital sous observation. En effet, la gestion budgétaire et comptable des établissements de santé semblait déficiente alors même que leurs dépenses représentent la moitié de l'ONDAM, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie. Cette année, la commission a souhaité que l'assurance maladie, c'est-à-dire le payeur, soit mieux associée au contrôle de la facturation des établissements de santé.
Pour ce faire, elle a introduit plusieurs mesures. J'en citerai quelques-unes : l'association de l'assurance maladie à la signature des contrats de bon usage des médicaments ; l'extension des compétences au service du contrôle médical et la transmission à l'assurance maladie des éléments relatifs à la facturation des établissements de santé.
La commission s'est ensuite attachée à conforter la coordination des interventions de l'assurance maladie et des assurances complémentaires. Cette articulation, considérée comme l'un des éléments les plus innovants de la réforme, doit permettre, notamment à travers le parcours de soins, d'optimiser les dépenses de santé.
Pour faciliter l'entrée en vigueur des contrats responsables, la commission a formulé plusieurs propositions destinées à faciliter l'adaptation de certaines catégories de contrats complémentaires à la législation applicable auxdits contrats responsables. Ainsi, l'entrée en vigueur des contrats relevant d'une convention collective de branche ou d'un accord collectif professionnel ou interprofessionnel sera différée de six mois. Le délai supplémentaire sera de deux ans pour les contrats offrant des garanties partielles - par exemple les contrats d'hospitalisation. Enfin, les règles de prise en charge des contrats CMU-C seront désormais similaires à celles des contrats responsables. C'était le moins que nous puissions faire pour instaurer une véritable équité entre nos concitoyens.
En outre, le Sénat a renforcé cette coordination en prévoyant que l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, l'UNOCAM, rendra un avis public et motivé sur les projets de loi relatifs à l'assurance maladie et au financement de la sécurité sociale.
De plus, dans le cadre de la politique de lutte contre l'obésité, le Sénat a réaffirmé son attachement aux dispositifs prévus par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, chère à notre collègue Francis Giraud. A ce titre, il a étendu aux actions de promotion par voie d'imprimés l'obligation d'information sanitaire devant figurer dans les publicités en faveur de certains produits alimentaires.
Le Sénat a également demandé deux rapports au Gouvernement : l'un consacré aux moyens de réduire le coût des fruits et légumes (M. le ministre sourit.) ; l'autre relatif à l'étude de l'influence des laits maternels de substitution dans le développement de l'obésité infantile. Ces demandes reprennent deux propositions du rapport récemment présenté par notre collègue Gérard Dériot, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, l'OPEPS.
Par ailleurs, nous avons voté une disposition assurant l'indemnisation du congé de maternité allongé, accordé en cas de naissance prématurée, mesure adoptée dans le cadre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, mais qui, jusqu'alors, n'était pas financée.
S'agissant de l'assurance vieillesse, le Sénat, grâce au travail approfondi et remarquable de notre collègue Dominique Leclerc, a adopté deux mesures importantes : d'une part, l'inscription dans le code de la sécurité sociale du principe de la neutralité financière des futures opérations d'adossement des régimes spéciaux de retraite au régime général - c'est le cas, cette année, de la RATP - ; d'autre part, le renforcement de l'information du Parlement sur ces futures opérations d'adossement.
S'agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, la branche AT-MP, nous avons voulu retenir au moins une mesure parmi celles que préconise la mission d'information du Sénat sur l'amiante, qui vient de rendre son rapport : l'information, par les caisses d'assurance maladie, des salariés susceptibles d'avoir été exposés à l'amiante au cours de leur carrière de leur droit à un suivi médical particulier.
Concernant la branche famille, dont le rapporteur était André Lardeux, le Sénat a apporté plusieurs précisions utiles relatives au régime de la nouvelle allocation journalière de présence parentale, en étendant notamment ce droit aux agents des trois fonctions publiques.
Le Sénat a également souhaité améliorer la situation des familles nombreuses mahoraises, en supprimant le plafonnement à trois enfants des prestations familiales servies à Mayotte.
Je ne serais pas complet si j'omettais de mentionner, parmi les apports du Sénat, le débat spécifique qui s'est tenu en séance sur les fonds concourant au financement de la sécurité sociale. En effet, ce débat a permis de faire un point complet et détaillé sur la situation, dégradée et particulièrement préoccupante, du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.
Malheureusement, la seule réponse que nous avons obtenue à ce jour du Gouvernement a été la constitution d'un groupe de travail sur les problèmes de la compensation démographique. C'est un début !
M. Claude Domeizel. C'est presque rien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est sans doute utile, monsieur le ministre,...
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je le crois !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ...mais cela ne permettra de traiter qu'un seul des aspects évoqués à propos du FFIPSA.
Je constate aussi que les maigres mesures annoncées par le ministre du budget, M. Copé, à l'Assemblée nationale, n'ont pas reçu à ce jour une traduction concrète dans le projet de loi de finances qui vient d'être adopté par les députés.
M. Guy Fischer. Promesses !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous espérions que quelques marges de manoeuvre seraient dégagées - au moins quelques centaines de millions d'euros - pour amorcer le règlement de la dette de 3,2 milliards d'euros. Peut-être Jean-François Copé se réserve-t-il pour le Sénat et nous annoncera-t-il, dès la semaine, prochaine la bonne nouvelle que nous attendons tous !
Enfin, je tiens à faire savoir ici que le président du conseil d'administration du FSV - j'ai participé, hier, en compagnie, notamment, de notre collègue Claude Domeizel, à son conseil de surveillance - vient d'annoncer sa démission ; je ne sais s'il l'a confirmée auprès de vous, monsieur le ministre, ou auprès des médias. Il nous l'avait d'ailleurs laissé entendre, lors de son audition par la commission des affaires sociales. Les raisons en sont la situation financière du fonds qu'il juge intenable, en dépit de l'obligation légale, confirmée par la Cour des comptes, de son équilibre.
Nous resterons donc très vigilants sur l'évolution de ces deux fonds, en espérant que notre cri d'alarme sera suivi d'effet, comme l'ont été cette année nombre de nos préconisations dans le reste du texte. Nous ne désespérons pas et nous faisons confiance au Gouvernement pour apporter rapidement une réponse à nos interrogations et à nos attentes.
Pour conclure, je voudrais me féliciter de l'excellent climat de nos débats et du dialogue fructueux que nous avons eu avec les ministres Xavier Bertrand et Philippe Bas.
Je voudrais remercier tous les sénateurs qui ont pris part à ces discussions et dire ma gratitude particulière aux présidents de séance qui, pendant de longues heures, ont dirigé nos débats et ont contribué à faciliter la tâche du rapporteur et celle des membres du Gouvernement.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans son nouveau cadre organique, a pris beaucoup d'ampleur. Il répond très largement aux souhaits que nous avions formulés au cours des dernières années. C'est pour nous une source de grande satisfaction. Nous avons esquissé des pistes d'amélioration au cours des débats ; votre commission des affaires sociales sera aux côtés du Gouvernement pour en assurer la réalisation.
Je n'omettrai pas de remercier tous nos collaborateurs, qui ont travaillé à mon côté durant plusieurs mois pour élaborer les propositions que nous avons formulées devant la Haute Assemblée, dans des conditions pas toujours faciles, que nous connaissons.
En conclusion, je vous demande, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales, de bien vouloir adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission mixte paritaire est parvenue à un compromis entre les deux assemblées sur les principaux points qui restaient en discussion après la première lecture.
Le Gouvernement est satisfait de ce compromis. Il considère que vous êtes parvenus à un bon accord. Même si, sur certains points, ce dernier ne reprend pas toutes les positions que Xavier Bertrand et moi-même avions défendues devant vous ou devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement ne vous demandera pas de revenir sur les différents points de cet accord.
Les débats ont été extrêmement féconds, grâce à la qualité de vos délibérations, mais aussi à celle des amendements qui ont été adoptés. Sur les deux cent soixante-dix amendements qui ont été déposés sur ce texte au Sénat, quatre-vingts ont été adoptés, dont trente-quatre émanant de votre commission des affaires sociales. Sur les deux cent soixante et un amendements déposés à l'Assemblée nationale, cent un ont été adoptés, dont soixante-deux émanant de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
C'est dire que ce texte a été considérablement enrichi par les travaux parlementaires.
Comme le rappelait à l'instant votre rapporteur, il permet de poursuivre le redressement de notre sécurité sociale, déjà amorcé par la réforme des retraites de 2003, la réforme de l'assurance maladie de 2004, et, cette année, la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale cette année.
Le PLFSS pour 2006 marque une étape supplémentaire dans la réduction des déficits puisque, pour la première fois cette année, les objectifs de progression des dépenses de l'assurance maladie ont été tenus. L'année prochaine, grâce à ce projet de loi qui nous donne la possibilité d'y parvenir, le déficit diminuera de 25 %. Il n'y a pas d'exemple en France d'une réduction aussi rapide d'un déficit public !
M. Guy Fischer. Incroyable !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Dans le même temps, cette loi de financement confère de nouveaux moyens à l'assurance maladie. En 2005, elle a pris en charge cent quatre-vingt-seize nouveaux médicaments : au moment où, sur le conseil de la Haute autorité de santé, un certain nombre de médicaments au service médical rendu insuffisant ont été déremboursés, de nouveaux médicaments apparaissent sur le marché et permettent de mieux soigner.
Cette loi de financement permet aussi de mettre en oeuvre les décisions qui ont été annoncées par le Premier ministre concernant la branche famille. Ainsi, nous avons créé, à sa demande, un nouveau congé parental dont les indemnités mensuelles s'élèvent à 750 euros. De même, nous financerons, en 2006, la poursuite des départs anticipés à la retraite, qui seront 90 000 en 2006, soit 300 000 en tout. La majorité parlementaire et le Gouvernement continuent donc à assumer leurs responsabilités vis-à-vis de Français les plus démunis.
De plus, toujours grâce à ce texte, les crédits consacrés par l'assurance maladie à la prise en charge des personnes âgées lourdement dépendantes augmenteront de 9 %, et même de 13 % grâce à l'apport de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA. Il en ira de même des crédits pour les personnes handicapées, qui croîtront au total de plus de 6 %, si l'on tient compte de la participation de la CNSA.
Ce texte renforce aussi la lutte contre la fraude, qui met en cause le plus gravement la solidarité que nous voulons défendre.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous demande d'approuver le compromis auquel est parvenue la commission mixte paritaire.
A mon tour, je veux remercier vos rapporteurs, tout particulièrement MM. Vasselle et Lardeux, ici présents, mais aussi les autres rapporteurs de la commission des affaires sociales, ainsi que M. Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Mes remerciements vont aussi aux sénateurs des différents groupes qui ont pris part à ce débat et qui ont permis à ce texte de progresser.
Enfin, je remercie l'ensemble des présidents de séance qui se sont succédé au cours de ces trente-sept heures de débat. La sécurité sociale méritait bien cela. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je ferai part à M. Gouteyron de vos remerciements, monsieur le ministre.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons d'examiner le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale issu de la loi organique votée l'été dernier, au moment même où nous célébrions le soixantième anniversaire de l'instauration de la sécurité sociale, en 1945.
M. Eric Doligé. Grâce à qui ?
M. Guy Fischer. Grâce à Amboise Croizat et au général de Gaulle ! C'est l'ordonnance de 1945, monsieur Doligé !
Il n'est pas inutile de rappeler qu'à cette époque-là la justice sociale était au coeur des préoccupations. Mais, soixante ans après, les injustices sont au coeur des événements que nous vivons.
Au cours de l'examen de ce texte, nous n'avons cessé de déplorer et de dénoncer la maîtrise purement comptable des dépenses de santé.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous venons d'examiner témoigne, nous semble-t-il, de l'échec des réformes de ce gouvernement. Cette année, pour la première fois, toutes les branches sont déficitaires. Et je vous rappelle que, depuis l'arrivée de cette majorité au pouvoir, le déficit de la sécurité sociale a été multiplié par quatre.
Mais au-delà de cet échec patent dans la gestion des comptes sociaux, il est plus grave de constater les véritables intentions de ce gouvernement : réduire la prise en charge obligatoire de base tout en augmentant la charge financière des assurés sociaux.
Dans un contexte socioéconomique de forte baisse du pouvoir d'achat, de chômage de masse, de dégradation du marché du travail largement précarisé, dans un pays où six à sept millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, où les inégalités, la ségrégation s'étendent dangereusement, vous avez délibérément choisi de réduire les prestations sociales et l'accès aux soins ; vous avez préféré augmenter les prélèvements sur les foyers les plus modestes pour épargner les bénéfices des entreprises.
Personne aujourd'hui ne peut encore douter de vos orientations en matière de protection sociale : s'approcher le plus possible du modèle américain d'une protection obligatoire réduite à un minimum, assortie d'une assurance santé de plus en plus individualisée et inégalitaire.
Dans la droite ligne de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ce texte accentue le contrôle étatique sur le fonctionnement de la sécurité sociale, au détriment de la gestion paritaire. Il ne fait qu'intégrer les principes définis par les directives européennes et concrétise la mise en place des nouveaux outils de restriction issus de la réforme de l'assurance maladie votée l'été dernier ; M. Vasselle vient de le rappeler.
Ce projet de loi est bel et bien une savante combinaison d'étatisation et de privatisation.
Malheureusement, ce texte prolonge le démantèlement de notre système solidaire, faisant supporter l'essentiel des économies par les assurés sociaux : pour ces derniers, la hausse de la taxe sur les organismes complémentaires, qui sera payée au final par les adhérents, représente 750 millions d'euros, et la nouvelle classe de médicaments remboursés à 15 % - les veinotoniques - 150 millions d'euros.
Le déremboursement de cent cinquante-six médicaments entraînera un report de 130 millions d'euros à la charge des familles, qui paieront de surcroît 100 millions d'euros au titre de la hausse du forfait hospitalier.
Les actes de prévention qui vont devoir être pris en charge par les mutuelles s'élèvent à 300 millions d'euros. Au total, ce sont 1,6 milliard d'euros de dépenses nouvelles qui seront supportés par les assurés ; et je n'inclus pas ici l'instauration du forfait à 18 euros !
La liste s'allonge puisque, le 17 novembre dernier, au moment même où nous débattions, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, a décidé de fixer le taux de majoration à 10 % du tarif de base de l'acte en cas de consultation d'un médecin hors parcours de soins. Cette décision, prise quasiment dans le plus grand silence, va réduire le taux de remboursement dans ce cas-là de 70 % à 60 %.
Nous avons eu la preuve du caractère inéquitable de la politique de ce gouvernement et de ses projets. Incontestablement, le champ d'intervention des assurances privées s'élargit. Cette tendance lourde n'a pas été mise en cause lors de l'examen du texte en séance ou en commission mixte paritaire.
Il est tout de même dommage que les discussions les plus longues aient porté sur le taux de la taxe sur les laboratoires pharmaceutiques, d'autant que celle-ci demeure exceptionnelle et qu'elle n'est valable que pour cette année.
L'ensemble des augmentations de charges qui vont définitivement peser sur les assurés sociaux, et dont je viens de vous dresser la liste, a vite été balayé dans le débat. Ce sont les laboratoires qui obtiennent en partie satisfaction, avec un taux de remboursement de 15 %. Finalement, la taxe a été ramenée de 1,96 % à 1,76 %.
C'est un bon éclairage sur les rapports de force et les priorités de ce gouvernement.
Par ailleurs, vous n'avez apporté aucune réponse satisfaisante sur l'hôpital. Alors que plus de 70 % des établissements publics de santé sont endettés, vous poursuivez implacablement la mise en oeuvre de la TAA, qui provoque en partie sa faillite. Cette situation va inévitablement s'aggraver à cause de la convergence entre public et privé, qui ignore totalement la spécificité de notre service public hospitalier par rapport aux structures commerciales. D'ailleurs, aujourd'hui, un journal satirique illustre de manière magnifique la réalité de la mise en place de la TAA, et les cliniques privées commerciales se frottent les mains. L'action de la Compagnie générale de santé ne s'est jamais aussi bien portée !
Malgré les cris d'alarme des personnels hospitaliers et de leurs cadres, malgré les prévisions de rapports très critiques des inspections, malgré les recommandations de la Cour des comptes, et malgré nos interventions pour vous le rappeler, à aucun moment dans le débat vous n'avez reconnu les dérives et les dangers pour notre système de soins de la convergence entre public et privé.
La seule concession qui ait été faite, c'est l'adoption de l'amendement présenté par notre collègue Jean-Jacques Jégou : il s'agissait de fixer le cap à 75 %, c'est-à-dire d'établir cette convergence tarifaire à l'objectif 2010. La commission mixte paritaire a maintenu cette convergence tarifaire à 50 % en 2008, sans indication pour la suite, d'ailleurs. Cela reste une réponse insuffisante.
Un ONDAM à 3,44% témoigne de l'irresponsabilité de ce gouvernement dans la gestion des hôpitaux, puisqu'il refuse de voir la perte vers laquelle cet objectif les mène. De toute évidence, les crises ne pourront que s'aggraver et ce seront nos concitoyens qui en feront les frais !
Pis encore, non content de ne pas traiter le problème, vous choisissez de renforcer les pouvoirs de la CNAMTS, de façon à accroître encore le contrôle qui pèse déjà sur les hôpitaux, au détriment de toute gestion démocratique et paritaire. (M. le, rapporteur s'esclaffe.)
Par ailleurs, le débat sur les retraites a été délibérément contourné. Aucune solution quant au financement n'a été apportée. La seule réponse a été de s'en remettre, dans un optimisme aveugle, à une amélioration sans précédent de la conjoncture. Selon vous, la question du financement des retraites ne se posera pas, car le Gouvernement prévoit le retour au plein-emploi d'ici à 2015.
Ainsi, ni la question de la baisse tendancielle du pouvoir d'achat des retraités ni celle du financement futur de nos retraites n'ont véritablement été abordées.
Enfin, nous demeurons insatisfaits du traitement réservé à la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Aucun enseignement n'est tiré des différents rapports parus sur cette question - même si M. rapporteur a retenu une initiative - et qui pointent tous, sans exception, la nécessité d'améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles et l'indemnisation des victimes.
Les efforts consentis demeurent largement insuffisants au regard de l'ampleur de la catastrophe que représentent les maladies liées à l'amiante. C'est une fois encore nier le problème et le reporter sur les années à venir ou les générations futures.
Quant à la question cruciale du financement, nos visions sont parfaitement antagonistes.
Alors que, tout au long de ce PLFSS, nous n'avons cessé de réaffirmer la nécessité d'accroître l'implication financière des entreprises dans le financement de notre solidarité nationale, au contraire, au même moment, à l'Assemblée nationale, vous faisiez adopter le plafonnement de l'imposition des revenus les plus élevés et vous adoucissez l'impôt de solidarité sur la fortune - l'exonération est portée à 75 % - pour aller vers une fiscalisation accrue du financement de la sécurité sociale.
Enfin, je souhaite terminer mon propos en revenant un instant sur les dispositions relatives aux étrangers, que je ne crains pas de considérer comme scélérates. Je ne veux pas qu'elles tombent dans l'oubli, tant elles sont des attaques frontales aux droits les plus élémentaires.
Par démagogie, par souci d'entretenir les amalgames à des fins électoralistes, le Gouvernement s'en est délibérément pris aux étrangers. Il s'en est pris d'abord aux vieux travailleurs immigrés, les chibanis, ceux qui ont travaillé en France durant des décennies, dans des conditions parfois très difficiles, voire déplorables, et qui étaient le plus souvent logés dans des conditions indécentes.
Vous êtes revenu sur l'effort de solidarité que la nation leur doit au moment de leur retraite, ce qui est indigne d'un pays démocratique. Les plaies ne sont pas près de cicatriser, notamment avec les pays du Maghreb, et plus particulièrement l'Algérie.
Et ce n'est pas tout : au mépris de la Convention internationale des droits de l'enfant, vous êtes aussi revenu sur les prestations familiales des familles issues de l'immigration et vous privez des enfants de conditions de vie décentes. Là aussi, une telle mesure est indigne de notre pays !
Nous reviendrons, lors de la discussion des différents budgets, monsieur le ministre, sur d'autres mesures, notamment le droit d'asile, la CMU, etc., mesures qui pèseront de plus en plus sur les personnes en difficulté, les « pauvres », comme nous les appelons.
Pour toutes ces raisons, et parce que ses dispositions non seulement ne règlent rien, mais mettent en danger l'avenir de notre protection sociale, nous n'avons cessé et nous ne cessons encore à présent de dénoncer ce texte. Nous voterons donc contre.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, je ne suis pas habitué à utiliser des artifices ou des détours pour dire ce que je pense ; vous avez pu le constater tout au long des débats qui se sont déroulés durant trente-sept heures !
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est l'illustration de votre échec en matière d'emploi et de sécurité sociale. Pour la première fois, toutes les branches sont déficitaires : en additionnant les déficits de l'ensemble des branches et de tous les fonds, on ne doit pas être loin des 100 milliards d'euros !
Ce PLFSS est un peu la faillite de la pseudo-réforme Douste-Blazy de 2004 et de la réforme Fillon de 2003. Et, comme chaque année depuis trois ans, nous gérons la crise et la pénurie. Soixante ans après la création de la sécurité sociale, jamais ses principes de solidarité, d'universalité, d'humanité et de démocratie sociale n'auront été autant bafoués.
Loin d'avoir tiré les leçons de quarante mois d'échec, vous persistez à pénaliser toujours les mêmes et à réserver les mesures les plus injustes aux assurés sociaux, donc aux plus fragiles.
Vous avez besoin de trouver des remèdes à vos réformes inadaptées, et vous puisez toujours chez les mêmes : d'un côté, on impose aux patients de changer, de l'autre, on suppose que la responsabilisation des professionnels de santé permettra de lutter contre les dépenses inutiles ; d'un côté, c'est la stigmatisation et la contrainte, de l'autre, c'est l'incantation et la simple invitation à de meilleurs comportements. C'est insupportable !
Chaque année, on demande aux Français encore plus et, chaque année, ce sont les mêmes qui sont visés. Monsieur le ministre, nous sommes sur une mauvaise pente. Chaque année, les plus démunis s'enfoncent encore plus ! Vous êtes à l'affût de tous les fonds de tiroirs, de toutes les recettes de poche qui pourraient rapporter. Jusqu'où allons-nous descendre ?
Alors que les banlieues s'enflamment, que les jeunes se révoltent, des travailleurs étrangers n'auront plus le droit de toucher intégralement le minimum vieillesse.
Puis, vous vous attaquez aux allocations familiales en décidant de ne plus les octroyer pour les enfants qui ne sont pas le fruit d'un regroupement familial.
Jusqu'où allez-vous défaire les principes de justice, de solidarité et d'équité qui ont fondé notre sécurité sociale et qui ont fait l'honneur de la France ? Notre pays est garant, à travers sa Constitution, de l'égalité entre tous les citoyens, qu'ils soient riches, pauvres ou démunis. Les étrangers qui vivent sur notre territoire sont des concitoyens à part entière.
Entre le laxisme et ce que vous faites aujourd'hui, il y a une juste mesure : celle de la considération de l'individu, celle de l'acceptation que l'autre soit différent, celle du malade à être malade, celle de l'individu à ne pas se sentir diminué, suspecté ou culpabilisé.
Je ne reviendrai pas en détail sur toutes les branches ni sur l'ensemble des mesures injustes que véhicule ce projet, qu'il s'agisse du forfait de 18 euros, des 60 000 personnes qui ne pourront plus toucher la CMU parce que vous modifiez les règles de calcul, des prélèvements sur les plans d'épargne logement, ou encore des difficultés que rencontreront les mutuelles ; nous en avons déjà longuement parlé.
Je voudrais tout de même insister sur votre décision soudaine de ne plus accorder le minimum vieillesse aux étrangers ayant travaillé sur notre territoire. Ils ont servi le pays parce que nous sommes allés les chercher au moment des Trente Glorieuses, et, aujourd'hui, alors que le problème ne se posait pas, vous décidez de vous attaquer à eux.
Comme tous leurs autres collègues, pendant des dizaines d'années, ils ont travaillé sur le sol français, se coupant de leur famille, sacrifiant pour la plupart d'entre eux leur vie privée. Ce sont eux, faut-il le rappeler, qui ont effectué les travaux pénibles non qualifiés.
Où est la reconnaissance ? Quel sera, demain, le regard de nos jeunes des banlieues sur le sort que le pays réserve à leurs aînés ? Dans le contexte actuel, il y a matière à réfléchir sur les conséquences psychologiques et sociales d'un tel dispositif. Pour renflouer les caisses que vous avez asséchées, vous êtes prêt à brader les plus beaux principes de notre République.
Et que dire également de cette mesure inique, sortie de je ne sais quelle poche entre la discussion de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, et qui est du même acabit ? En effet, parce que, au milieu de la semaine dernière, la question de la polygamie a surgi lors du débat sur les banlieues, vous vous attaquez aux allocations familiales pour les enfants dont les parents vivent en situation régulière, mais sans avoir fait l'objet d'un regroupement familial.
A l'heure où la France vit une montée des inégalités, conséquence de la précarité des conditions de logement touchant les familles pauvres, votre décision est incompréhensible !
Pour en revenir à des questions purement financières, que dire du FFIPSA, qui se trouve dans une situation désastreuse et qui s'enfonce de mois en mois ? Pourquoi ne rien proposer, alors que les angoisses des agriculteurs et de la mutualité sociale agricole montent ?
Il en est de même pour le fonds de solidarité vieillesse, qui porte lui aussi sa croix financière. M. Vasselle a rappelé tout à l'heure qu'hier son conseil de surveillance s'est réuni. Nous y avons appris que, à la fin de l'année 2006, le déficit cumulé serait de 5 milliards d'euros. En 2009, il aura atteint 8 milliards d'euros, qu'il faut comparer aux 15 milliards d'euros du budget total de ce fonds. Donc, le déficit cumulé en 2009 représentera 60 % du budget.
C'est le résultat de la politique de Gribouille que vous menez depuis trois ans. La Cour des comptes vous alerte ? Vous ne faites rien. Elle menace de ne pas approuver les comptes ? Vous n'avez aucune réaction ; vous proposez seulement de créer un groupe de travail.
Hier, le conseil de surveillance de ce fonds, unanime, vous a demandé d'assumer vos responsabilités financières, de prendre des mesures pour rétablir l'équilibre. Le président a annoncé officiellement qu'il mettait fin à ses fonctions : quelle a été votre réaction ? Aucune ! Vous auriez encore pu réagir après cet appel, mais vous ne l'avez pas fait.
Vous voulez amener nos concitoyens à vous suivre sur le chemin de la fatalité, de l'exclusion et du recul de leurs droits.
Vous parlez de « responsabilité » alors que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prouve que votre politique pèsera encore sur les prochaines générations.
Vous parlez d' « exigence de qualité et de sécurité », alors que vous ne cessez d'exclure des dispositifs de soins de plus en plus de nos concitoyens.
Vous nous dites que « la sécurité sociale va mieux », alors que les déficits prouvent le contraire !
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne sommes pas sur la même voie. Le groupe socialiste votera donc contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L'EXERCICE 2004