M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, nous leur disons : restez chez nous, il y a des minima sociaux !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. M. le ministre nous explique qu'il fallait corriger une erreur, une anomalie.
J'aurais tout à fait compris cette explication si M. le ministre avait proposé une porte de sortie, c'est-à-dire la sécurisation du dispositif, en exigeant que le travailleur ait effectivement passé un certain nombre d'années en France. Mais rien ne justifie que l'on oblige ces gens à passer leur retraite en France uniquement pour toucher le minimum vieillesse.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Madame Khiari, ces personnes, dans leur écrasante majorité, sinon dans leur totalité, ne vivent pas en France depuis longtemps.
M. Roland Muzeau. Et alors ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. En effet, si elles avaient travaillé de façon prolongée en France, elles dépasseraient, compte tenu du montant de leur pension de retraite, le plafond de ressources du minimum vieillesse.
Les intéressés, dans leur écrasante majorité - 80 % d'entre eux, selon les chiffres - ont travaillé moins de dix ans en France et sont reparties à l'étranger, souvent dans leur propre pays, depuis dix, vingt ou trente ans.
M. Guy Fischer. Et alors ?
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'article 46.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, nous avons eu l'occasion de vous dire combien la mesure qui est en passe d'être votée par la majorité de droite du Sénat a un caractère inique et inhumain.
Très sincèrement, nous avions envie de crier encore plus fort notre indignation. En effet, s'attaquer aux pauvres comme le Gouvernement le fait devient de plus en plus insoutenable !
Ces dernières semaines ont donné lieu à un déferlement de haine à l'égard des travailleurs étrangers. Tout a été mis en oeuvre pour désigner à la vindicte populaire l'immigré, l'étranger, celui qui dérange, les minorités visibles. Les qualificatifs n'ont pas manqué, et les propos du ministre de l'intérieur ne sont que la face la plus abominable du discours, car il y en a malheureusement eu d'autres, tels que ceux de M. Larcher sur la polygamie, et j'en passe car ils sont pires...
Un véritable mépris à l'égard des travailleurs immigrés est, semble-t-il, affiché. Or, je le rappelle tout de même, un nombre très important d'entre eux n'ont pu bénéficier du regroupement familial alors qu'ils le demandaient. Ces gens seraient en France aujourd'hui ! Quant aux autres, qui ont fait le choix de ne pas demander le regroupement familial parce qu'ils voulaient retourner dans leur pays, ils sont également sanctionnés. Voilà la double sanction par laquelle on frappe au porte-monnaie les plus pauvres !
On a vu, à l'occasion du présent débat - et on le verra prochainement lors de la discussion du le projet de loi de finances -, combien l'injustice est grande !
On allège de 250 millions d'euros l'impôt de solidarité sur la fortune, on plafonne les prélèvements pesant sur les personnes dont les revenus sont les plus hauts de la société française, et on rabiote un certain nombre d'acquis sociaux ou d'avantages fiscaux qui profitent aux plus pauvres.
C'est avec stupeur et indignation que nous avons entendu les propos de M. Vasselle en commission, propos qui ont été complaisamment relayés dans la société française par les plus hauts dirigeants de l'État.
Il était assez pitoyable d'entendre, il y a quelques jours, le Président de la République faire semblant de porter une attention particulière à nos concitoyens résidant sur le territoire national, alors même que toutes les dispositions qui se succèdent tendent à frapper les plus pauvres au porte-monnaie et dans leur dignité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Muzeau, permettez-moi de vous dire que je suis indigné de vous voir mettre en cause ainsi le chef de l'État dans la sincérité de ses engagements : il a eus l'occasion de les tenir à de nombreuses reprises pour renforcer la cohésion sociale de notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. Et qui a parlé du bruit et des odeurs ?
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Monsieur le ministre, je crois que vous avez très mal compris et encore plus mal interprété les propos de mon collègue Roland Muzeau. Il ne s'agissait de mettre en cause ni l'autorité ni la personne du chef de l'État, il s'agissait simplement de mettre en évidence la contradiction existant entre ce qu'il dit et la réalité des faits.
En effet, l'article 46 est en complète contradiction avec les propos que le Président de la République peut tenir sur la crise sociale que nous traversons aujourd'hui. Et nous devons le condamner !
Monsieur le ministre, vous avez tout à l'heure fait allusion à la proportion infime de travailleurs qui seraient, selon vous, bénéficiaires de ces retraites. Il s'agirait de travailleurs, dites-vous, qui n'ont travaillé que dix ans dans notre pays et qui sont retournés dans leur pays depuis très longtemps.
Cependant, pour quelles raisons ces gens-là, au motif qu'ils n'auraient travaillé que dix ans, n'auraient pas le droit de continuer à bénéficier de leur retraite ?
Ces personnes sont donc victimes à leur tour d'une double peine : on les pénalise parce qu'on leur a interdit de se retrouver, dans notre pays, au sein de leur famille ; et, aujourd'hui, on leur interdit de vivre, chez eux, au sein de leur famille.
Je trouve ce traitement absolument inhumain et inacceptable. C'est pourquoi nous ne voterons pas l'article 46 !
M. le président. Je mets aux voix l'article 46.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe CRC, l'autre du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 15 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 148 |
Pour l'adoption | 169 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel après l'article 46
M. le président. L'amendement n° 133, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Après l'article 46, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 2 de l'ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse est ainsi modifiée :
I. - Après les mots : « et de sa majoration prévue à l'article L. 814-2 du code de la sécurité sociale » sont insérés les mots : « servie aux résidents en France métropolitaine et dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale ».
II. - Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A titre dérogatoire, la majoration prévue à l'article L. 814-2 du code de la sécurité sociale n'est pas supprimée pour les titulaires de cet avantage résidant à l'étranger au 31 octobre 2005 lorsqu'elle est servie uniquement en complément d'une pension liquidée sur la base d'une durée d'assurance, dont plus de vingt trimestres ont donné lieu à cotisations à leur charge dans un ou plusieurs régimes de base obligatoires, ou d'une pension de réversion d'un ou plusieurs régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse. L'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale ne s'applique pas à ces majorations maintenues ».
III. - Le présent article prend effet au 1er janvier 2006.
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez la poursuite de l'exportation du minimum vieillesse à l'étranger n'est pas cohérente vis-à-vis des principes fondamentaux de notre protection sociale. Elle n'est pas non plus à la portée de nos finances sociales, à l'heure où nous demandons à tous les assurés sociaux de ce pays de faire des efforts importants.
Aujourd'hui, cette solidarité est financée par l'endettement croissant du fonds de solidarité vieillesse, et donc, par voie de conséquence, par la mise à contribution des générations futures, celles de nos enfants et petits-enfants.
La Cour des comptes a déjà attiré l'attention des pouvoirs publics sur ce problème, notamment à la page 99 de son rapport de septembre dernier sur la sécurité sociale.
Voici les termes employés par les magistrats financiers : la Cour « considère aussi que l'exportation des compléments de retraite qui a été instituée [...] pour les non-résidents en France (et qui est à l'origine d'effets d'aubaine importants) n'est ni justifiée par la nature de la prestation ni requise par les règlements communautaires. Au minimum, le calcul de cette prestation devrait être modulé en fonction de la durée de travail effectuée ».
Eh bien, mes chers collègues, voilà précisément ce que je vous propose de faire !
J'observe en outre, que, dans sa lettre du 5 octobre 2005, le président du FSV a lui aussi a évoqué « le caractère laxiste des conditions d'exportation à l'étranger de l'élément de base du minimum vieillesse au bénéfice des étrangers non résidents ».
C'est donc fort justement que le Gouvernement a décidé de mettre un terme à cette situation qui choquerait nos concitoyens s'ils en avaient davantage connaissance.
Il y a un effet d'aubaine incontestable lorsqu'un seul trimestre de travail en France permet de bénéficier à vie, à partir de soixante-cinq ans, d'une pension de 2 900 euros par an à titre propre et de l'ouverture de droits non contributifs pour le conjoint.
Il y a abus manifeste lorsque, pour près de la moitié des bénéficiaires actuels, la présence dans notre pays est incertaine, voire douteuse, notamment pour les personnes à charge.
Je souhaite donc que l'on se rapproche du droit commun de la sécurité sociale - je dirai même du sens des réalités -, qui repose sur le principe que les minima sociaux sont versés sous condition de résidence sur le territoire. Ils profitent aux Français ou aux étrangers en situation régulière, mais à condition de vivre en France. Ni plus, ni moins !
Mon amendement vise donc à compléter le dispositif gouvernemental, qui, lui, ne vise que les nouveaux bénéficiaires potentiels.
Je crois qu'il faut aussi mettre un terme aux situations les plus contestables que l'on constate aujourd'hui, en supprimant le service du premier étage du minimum vieillesse à l'étranger pour les personnes ayant travaillé moins de cinq ans en France. Pour les autres personnes, c'est-à-dire celles qui ont vécu en France relativement longtemps, et non pas de façon transitoire ou épisodique, le service de l'allocation serait maintenu sans changement.
Mes chers collègues, l'enjeu est fondamental : en l'état actuel de la situation, si nous ne faisons rien, nous risquons de devoir exporter plusieurs milliards d'euros à l'étranger au cours des années qui viennent, dans des conditions impossibles à contrôler. Certains experts pensent même que le coût du statu quo en la matière serait de 7 milliards d'euros ! Où pourrions-nous donc trouver pareille somme alors que nous cherchons précisément à lutter contre les dérives qui menacent notre système de protection sociale ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. M. Lardeux a été suffisamment complet dans la présentation de cet amendement visant les bénéficiaires du minimum vieillesse résidant à l'étranger pour me permettre d'être bref.
La situation actuelle est en effet difficilement tenable, car des centaines de milliers de travailleurs étrangers qui ont été saisonniers ou temporaires dans les années soixante et soixante-dix arrivent aujourd'hui à l'âge de soixante-cinq ans et se verraient servir à vie cet avantage.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement qui complète le dispositif proposé par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Lardeux, je suis au regret de vous dire que le Gouvernement ne souhaite pas l'adoption d'un tel amendement cette année.
Les personnes qui bénéficient actuellement du service du minimum vieillesse à l'étranger l'ont obtenu dans le respect des lois de la République en vigueur. Sont concernées, comme vous l'avez indiqué, plusieurs dizaines de milliers de personnes. Je ne veux pas prendre une telle mesure sans préavis pour les familles des intéressés, qui ne sont pas des familles « fraudeuses » puisqu'elles n'ont fait que demander le bénéfice d'une allocation qui, en application de nos lois, pouvait être servie à l'étranger.
Une chose est de dire qu'il faut mettre fin à cette situation pour l'avenir, une autre est de remettre en cause le bénéfice du minimum vieillesse alors qu'il s'agit de personnes qui, parfaitement légalement, y ont eu droit, même si je reconnais que je fais ainsi durer une situation que j'ai moi-même proposé de corriger en ne permettant pas que de nouvelles générations en bénéficient.
En conclusion, je ne refuse pas d'examiner la possibilité de remettre en cause la situation existante, mais je voudrais le faire avec préavis, dans le cadre d'une progressivité, donc en me laissant un peu de temps pour examiner cette situation.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur Lardeux, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Lardeux, l'amendement n° 133 est-il maintenu ?
M. André Lardeux. Je le retire sous le bénéfice des explications que vient de donner M. le ministre, monsieur le président.
Je tiens cependant à faire deux remarques.
D'une part, les uns et les autres, nous ne devrons pas nous plaindre de l'impossibilité d'équilibrer le budget dans les années qui viennent, car ce sont globalement 7 milliards d'euros de dette qui vont s'ajouter à la dette déjà constatée.
D'autre part, je voudrais que le délai que se donne M. le ministre soit, dans la mesure du possible, mis à profit pour vérifier l'existence des bénéficiaires, et je ne parle pas là des bénéficiaires premiers mais de leurs ayants droit. Je ne sais pas si c'est réalisable, mais je crois qu'il serait utile de s'assurer que l'aide que représente le minimum vieillesse est versée à ceux qui y ont vraiment droit.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 133 est retiré.
Article 47
I. - La section 1 du chapitre V du titre IV du livre VI du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :
« Section 1
« Dispositions générales
« Art. L. 645-1. - Les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux mentionnés à l'article L. 722-1 et les directeurs de laboratoires privés d'analyses médicales non médecins mentionnés à l'article L. 162-14 bénéficient d'un régime de prestations complémentaires de vieillesse propre à chacune de ces catégories professionnelles.
« Ces prestations ne peuvent être attribuées qu'à des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, auxiliaires médicaux et directeurs de laboratoires privés d'analyses médicales non médecins ayant exercé, au moins pendant une durée fixée par décret, une activité professionnelle non salariée dans le cadre des conventions ou adhésions personnelles mentionnées aux articles L. 722-1 et L. 162-14.
« Pour chacun des régimes mentionnés au premier alinéa, des décrets peuvent prévoir que les personnes dont l'activité non salariée ne constitue pas l'activité professionnelle principale ou dont le revenu professionnel non salarié est inférieur à un montant fixé par décret pourront demander à être dispensées de l'affiliation aux régimes prévus au présent chapitre.
« Art. L. 645-2. - Le financement des régimes prévus au premier alinéa de l'article L. 645-1 est assuré par une cotisation forfaitaire annuelle obligatoire, distincte selon les régimes, dont le montant est fixé par décret.
« Le versement de cette cotisation annuelle ouvre droit, pour chacun des régimes, à l'acquisition d'un nombre de points dans des conditions déterminées par décret.
« Art. L. 645-3. - Pour chacun des régimes prévus au premier alinéa de l'article L. 645-1, une cotisation d'ajustement peut être appelée, dans des conditions fixées par décret, en sus de la cotisation prévue à l'article L. 645-2. Cette cotisation annuelle obligatoire est proportionnelle aux revenus que les intéressés tirent de l'activité mentionnée aux articles L. 722-1 et L. 162-14. Le versement de cette cotisation ne donne pas lieu à l'acquisition de points supplémentaires. Néanmoins, tout ou partie de cette cotisation peut ouvrir droit à des points supplémentaires dans des conditions fixées par décret, après avis des sections professionnelles des régimes mentionnés à l'article L. 645-1. Les caisses d'assurance maladie participent au financement de cette cotisation dans les conditions prévues au 5° du I de l'article L. 162-14-1.
« Art. L. 645-4. - Les prestations complémentaires de vieillesse prévues au premier alinéa de l'article L. 645-1 et les pensions de réversion y afférentes sont servies aux intéressés par les sections professionnelles mentionnées à l'article L. 641-5, dans des conditions fixées par décret.
« Art. L. 645-5. - La valeur de service du point de retraite pour les prestations de droit direct et les pensions de réversion liquidées antérieurement au 1er janvier 2006 est fixée par décret pour chacun des régimes.
« Les points non liquidés et acquis antérieurement au 1er janvier 2006 ouvrent droit à un montant annuel de pension égal à la somme des produits du nombre de points acquis chaque année par une valeur de service du point. Cette valeur, fixée par décret, peut varier selon l'année durant laquelle les points ont été acquis et selon l'année de liquidation de la pension.
« Les points acquis à compter du 1er janvier 2006 ouvrent droit à un montant annuel de pension égal au produit du nombre de points portés au compte de l'intéressé par la valeur de service du point. Cette valeur de service est fixée par décret. »
II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 645-6 du même code, les mots : « et rendus obligatoires en application de l'article L. 645-3 » sont supprimés.
III. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2006.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 116 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 243 est présenté par M. Domeizel, Mme Campion, M. Cazeau, Mmes Demontès, Printz et Le Texier, M. Godefroy, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 252 rectifié est présenté par MM. Darniche et Retailleau.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Adrien Giraud, pour présenter l'amendement n° 116.
M. Adrien Giraud. L'article 47 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 porte réforme de l'avantage social vieillesse, l'ASV.
L'ASV est un étage supplémentaire de retraite, additionnel à la retraite de base et au régime complémentaire. Il profite aux médecins conventionnés, aux chirurgiens-dentistes, aux auxiliaires médicaux, aux pharmaciens directeurs de laboratoire et aux sages-femmes.
L'ASV représente 39 % de la retraite des médecins. C'est dire l'importance de ces régimes, qui connaissent d'importantes difficultés.
Créée en 1960, la retraite ASV était destinée à inciter les médecins à accepter des honoraires conventionnels, très réduits par rapport à ce qu'ils pouvaient toucher dans le cadre d'un exercice à honoraires libres. Il s'agissait de créer le secteur I.
En échange de l'abandon de la liberté d'honoraires, les médecins du secteur I bénéficiaient de la prise en charge des deux tiers de la cotisation ASV. Aujourd'hui, c'est ce pacte qui est rompu par l'article 47 pour faire face à la dégradation du régime ASV.
Résultat, les médecins du secteur I ont le sentiment, légitime, de s'être fait avoir. Ils ont consenti d'importants sacrifices avec l'abandon de leur liberté d'honoraires, mais la contrepartie qui leur avait été accordée en échange sera très largement dévalorisée si le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 est adopté en l'état.
Il est en effet prévu de moduler la valeur des points selon leur période d'acquisition et de créer une cotisation d'ajustement non créatrice de droits. Concrètement, la réforme de l'ASV amputera de 33 % les pensions servies et, pour les cotisants actuels, elle réduira de 66 % la valeur des points acquis pour la même cotisation.
Ce marché de dupes est d'autant plus choquant que les représentants des professions concernées n'ont pas été consultés sur les mesures envisagées. L'absence totale de concertation est d'autant plus incompréhensible que les médecins sont ouverts au dialogue et ont fait des propositions.
Ils sont ainsi prêts à accepter une nouvelle augmentation de la cotisation et une baisse des droits.
Ils peuvent aussi envisager une fermeture des régimes de l'ASV, mais à condition qu'elle soit équitablement financée, c'est-à-dire à condition que l'État finance la charge qui lui incombe, soit 30 % du coût de fermeture du régime. Dans ce cas de figure, il ne resterait aux caisses gestionnaires qu'à financer 50 % de ce coût, c'est-à-dire ce qu'elles paient aujourd'hui.
Les négociations doivent s'ouvrir. En attendant, nous demandons la suppression de l'article 47.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 243.
M. Claude Domeizel. Un bref historique ne me semble pas inutile. Depuis quarante-cinq ans, les professionnels de santé conventionnés bénéficient de régimes supplémentaires, appelés avantage social vieillesse, régimes qui ont été conçus comme une incitation au conventionnement.
L'ASV a été déclaré obligatoire pour les médecins en 1972. C'est en quelque sorte un étage supplémentaire de retraite, qui s'additionne à la retraite de base et au régime complémentaire.
En raison de départs massifs à la retraite et du faible renouvellement des générations dû à un numerus clausus insuffisant depuis quinze ans, ce système devrait connaître un déficit de 25 millions d'euros en 2030.
L'IGAS, l'inspection générale des affaires sociales, a conclu à la nécessité de modifier le pilotage de l'ASV. C'est l'objet de cet article 47.
Cependant, s'il est certes urgent de réformer les régimes ASV, dont la situation financière est très préoccupante, il est non moins urgent de le faire dans la concertation et dans le respect des intéressés.
Nous demandons en conséquence au Gouvernement de revoir sa copie et c'est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer cet article qui apporte des modifications profondes à ces régimes.
M. le président. L'amendement n° 252 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 116 et 243 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'article 47 fait suite à l'avis assez catégorique émis par la Cour des comptes sur les régimes ASV, qu'elle a estimés être « en banqueroute virtuelle ».
M. Guy Fischer. C'est aussi le cas du régime agricole !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il importait donc de réformer ces régimes, dont la finalité est d'offrir un complément de retraite aux professionnels de santé. L'article 47 du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous offre l'occasion d'asseoir, en termes de gestion, leur pérennité.
La commission, sensible à l'urgence du sauvetage des régimes, est donc défavorable à la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. En ne motivant pas son avis, M. le ministre semble prendre un peu à la légère l'avenir de régimes qui assurent tout de même 39 % des retraites des professionnels de santé qui en relèvent.
J'aurais souhaité obtenir un peu plus d'informations, monsieur le ministre, d'autant que, dans la profession, les avis divergent : certains sont pour la suppression des ASV - c'est le cas de la CARMF, la caisse autonome de retraite des médecins français -, alors que d'autres, notamment plusieurs syndicats de médecins et de biologistes, sont d'accord pour en revoir les conditions, sans d'ailleurs que l'on sache vraiment quelles sont ces conditions.
Dans l'attente de ces informations, on ne peut que demander la suppression de l'article 47.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je trouve un peu surprenantes les réponses qui nous sont données : parce que les ASV sont en situation de « banqueroute virtuelle », il faut faire quelque chose. Soit ! Mais le fonds de solidarité vieillesse et le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles sont aussi en situation de banqueroute ! Et que faites-vous, monsieur le ministre ? Rien n'est prévu !
M. François Autain. Un groupe de travail ! (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Je ne comprends pas l'attitude du Gouvernement, raison pour laquelle je demande la suppression de cet article, dont l'élaboration va de surcroît à l'encontre de toutes les règles de la concertation !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 116 et 243.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 47.
(L'article 47 est adopté.)
Article 48
Pour l'année 2006, les objectifs de dépenses de la branche vieillesse sont fixés :
1° Pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, à 161,0 milliards d'euros ;
2° Pour le régime général de la sécurité sociale, à 83,1 milliards d'euros.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L'article 48 fixe les dépenses de la branche vieillesse pour l'ensemble des régimes obligatoires à 161 milliards d'euros et à 83,1 milliards d'euros pour le régime général.
Il me semble que de tels montants ne permettront pas de répondre aux principales interrogations des retraités.
Se pose en effet avec de plus en plus de force la question du pouvoir d'achat, car les retraités sont parmi les premiers touchés par la baisse du pouvoir d'achat, évaluée à 10 % ou 15 %, intervenue au cours des dix dernières années.
Depuis plusieurs années, toutes les organisations syndicales vous interpellent pour stopper la détérioration du pouvoir d'achat des retraités.
Comment, monsieur le ministre, avec un tel budget répondre à la demande de revalorisation des retraites de base et des retraites complémentaires ? Tarderez-vous encore longtemps à répondre à la demande d'alignement du minimum de pension contributif sur le SMIC ou le minimum de pension ?
La revalorisation annuelle des pensions est en principe indexée sur l'évolution de l'indice des prix. Or vous proposez pour 2006 une revalorisation de 1,8 %, alors que l'inflation risque de se situer autour de 2,2 %.
La question se pose aussi pour les fonctionnaires, dont le pouvoir d'achat se détériore de façon très importante. Quel point d'indice fixerez-vous ?
Enfin, permettez-moi de dire un mot sur la politique des soultes.
Vous avez ici même, monsieur le ministre, engagé la parole du Gouvernement pour les vingt-cinq années à venir. L'État se propose de se substituer aux entreprises publiques ; nous en avons un exemple récent avec la RATP. Mais il ne doit pas s'agir d'une garantie de circonstance. Il faut donner d'autres réponses, d'ordre législatif et financier. C'est la raison pour laquelle nous avons voté tout à l'heure l'amendement de M. Domeizel.
Enfin, je terminerai ma série de questions par quelques interrogations sur l'avenir de nos régimes de retraite.
Les dernières estimations du COR ne sont guère encourageantes quant à l'efficacité de la réforme Fillon. Á peine un peu plus de la moitié du déficit des régimes des retraites serait financé, avec, en outre des hypothèses conjoncturelles irréalistes. Comment envisager un retour au plein emploi pour 2015, avec un taux de chômage de l'ordre de 4,5 % ? La politique menée par le Gouvernement dégrade le marché du travail au lieu de répondre aux problèmes posés.
De même, vous envisagez une forte hausse du taux d'emploi des seniors ; mais comment ? Par la création d'un CDD senior ? Par l'augmentation des radiations de chômeurs ? Les questions des retraites sont liées aux questions de l'emploi. C'est par une amélioration durable du marché du travail, par la généralisation des emplois pérennes et de qualité que la question des retraites trouvera sa réponse.
M. François Autain. Très bien !