sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
2. Traitement de la récidive des infractions pénales. - Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
Amendements identiques nos 56 de M. Robert Badinter et 97 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois ; Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Robert Badinter. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement no 98 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 57 de M. Robert Badinter et 99 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. Robert Badinter, Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel avant l'article 6 ter
Amendement no 83 de M. Yves Détraigne. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendements identiques nos 13 de la commission, 58 de M. Robert Badinter et 100 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - MM. le rapporteur, Pierre-Yves Collombat, Mme Josiane Mathon, MM. le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Amendement no 59 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery.
Amendements identiques nos 60 de M. Robert Badinter et 101 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements identiques nos 14 de la commission et 61 de M. Robert Badinter ; amendements nos 15, 16 de la commission, 62, 63 de M. Robert Badinter ; amendements identiques nos 17 de la commission et 64 rectifié de M. Robert Badinter ; amendements identiques nos 18 de la commission, 65 de M. Robert Badinter et 102 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements nos 19, 20 de la commission, 66 et 67 de M. Robert Badinter. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, Pierre-Yves Collombat, le garde des sceaux, Charles Gautier, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le président de la commission, Laurent Béteille, Jean-Pierre Sueur, Jacques Blanc, Robert Badinter, Jean-René Lecerf. - Rejet des amendements nos 60, 101, 63 et 67 ; adoption des amendements nos 14 à 20, 61, 64 rectifié, 65 et 102, les amendements nos 62 et 66 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 68 de M. Robert Badinter et 103 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements identiques nos 21 de la commission et 69 de M. Robert Badinter ; amendements nos 22, 23 de la commission, 70 à 73 de M. Robert Badinter et 38 rectifié de M. Jean-Patrick Courtois. - MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, Jean-Patrick Courtois, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet des amendements nos 68, 103, 72 et 73 ; adoption des amendements nos 21 à 23, 69 et 38 rectifié, les amendements nos 70 et 71 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 104 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 24, 124 et 125 rectifié de la commission. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement no 124 ; rejet de l'amendement no 104 ; adoption des amendements nos 24 et 125 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 105 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 5 bis (précédemment réservé)
Amendements identiques nos 55 de M. Robert Badinter et 96 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements nos 8 à 10, 11 rectifié et 12 de la commission. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Pierre-Yves Collombat. - Rejet des amendements nos 55 et 96 ; adoption des amendements nos 8 à 10, 11 rectifié et 12.
Adoption de l'article modifié.
Articles 13 AA, 13 A, 13 B, 13 et 13 bis. - Adoption
Amendements nos 74 de M. Robert Badinter, 25 rectifié et 26 de la commission. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Rejet de l'amendement no 74 ; adoption des amendements nos 25 rectifié et 26.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels avant l'article 15 bis A ou après l'article 15 bis C
Amendements nos 81 de M. Robert Badinter et 109 à 115 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Nicolas Alfonsi. - Rejet des huit amendements.
Mme Alima Boumediene-Thiery.
Amendements identiques nos 75 de M. Robert Badinter et 106 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendement no 40 de M. Jean-Patrick Courtois. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josiane Mathon, MM. Jean-Patrick Courtois, le rapporteur, le garde des sceaux, Laurent Béteille. - Rejet des amendements nos 75 et 106 ; retrait de l'amendement no 40.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 27 de la commission, 76 de M. Robert Badinter et 107 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendement n° 41 de M. Jean-Patrick Courtois. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josiane Mathon, MM. Jean-Patrick Courtois, le garde des sceaux. - Adoption des amendements nos 27, 76 et 107 supprimant l'article, l'amendement no 41 devenant sans objet.
Article additionnel après l'article 15 bis B
Amendement no 42 de M. Jean-Patrick Courtois. - Devenu sans objet.
Amendements nos 108 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 84 rectifié, 85 rectifié, 86 rectifié de M. Alex Türk, 28, 126 et 127 de la commission. - Mme Josiane Mathon, MM. Philippe Nogrix, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement no 84 rectifié.
Reprise de l'amendement no 84 rectifié bis par M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Robert Badinter, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet de l'amendement no 108 ; adoption des amendements nos 84 rectifié bis, 28, 126, 85 rectifié, 86 rectifié et 127.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 29 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement no 117 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 30 de la commission et 118 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. le rapporteur, Mme Josiane Mathon, MM. le président de la commission, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Articles additionnels avant l'article 15 quater
Amendement no 31 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 32 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Pierre Sueur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 33 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 34 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 15 quinquies. - Adoption
Article additionnel après l'article 15 quinquies
Amendement no 80 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements identiques nos 35 de la commission, 78 de M. Robert Badinter et 119 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Amendements identiques nos 79 de M. Robert Badinter et 120 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Pierre Sueur. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
MM. Jean-Pierre Sueur, Nicolas Alfonsi, Yves Détraigne, Laurent Béteille, Mme Josiane Mathon.
Adoption de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Christian Poncelet
3. Prélèvements obligatoires. - Débat sur une déclaration du Gouvernement
MM. le président, Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Philippe Adnot.
Présidence de M. Philippe Richert
Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Jacques Jégou, Bernard Angels, Jacques Blanc, Aymeri de Montesquiou, Guy Fischer, Claude Biwer, Jean-Claude Frécon, Jean-Pierre Michel.
MM. Jean-François Copé, ministre délégué ; Philippe Bas, ministre délégué.
Clôture du débat.
5. Dépôt de propositions de loi
6. Dépôt de propositions de résolution
7. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Traitement de la récidive des infractions pénales
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au traitement de la récidive des infractions pénales (nos 23,30).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 5 ter.
Article 5 ter
L'article 729 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou, si le condamné est en état de récidive légale, vingt années » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Pour les condamnés à la réclusion à perpétuité, le temps d'épreuve est de dix-huit années ; il est de vingt-deux années si le condamné est en état de récidive légale. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 56 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 97 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 56.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 5 ter tend à modifier l'article 729 du code de procédure pénale relatif à la libération conditionnelle, en allongeant le délai maximal d'épreuve pendant lequel il ne peut être accordé de mesures d'aménagement de la peine. Ce délai serait porté de quinze à vingt ans pour les récidivistes condamnés à une peine à temps, de quinze à dix-huit ans pour les condamnés à perpétuité non récidivistes, et de quinze à vingt-deux ans pour les récidivistes.
Comment peut-on vouloir privilégier l'accompagnement du détenu en vue de sa réinsertion et durcir les conditions d'obtention d'une libération conditionnelle, dont l'utilité sociale a été soulignée par la mission d'information sur la récidive ? Soit nous nous donnons les moyens d'améliorer l'accompagnement des détenus en préparant leur sortie de prison, soit nous nous enfonçons dans le tout-carcéral, avec le risque de désocialiser irrémédiablement ces détenus.
Pour notre part, nous choisissons la première solution. En aucun cas, l'allongement de la durée d'emprisonnement nécessaire pour obtenir une libération conditionnelle ne peut avoir un effet dissuasif sur un individu comme Michel Fourniret. En revanche, pour beaucoup d'autres, l'adoption de cette mesure aurait des conséquences catastrophiques.
En conséquence, nous vous demandons instamment, mes chers collègues, de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 97.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 97 et 98.
Je vais aller dans le même sens que mon collègue Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons eu hier la démonstration de l'incompréhension qui règne entre le Gouvernement et nous, mais, malgré tout, je vais continuer à défendre certains principes.
Les récidivistes sont condamnés à des peines évidemment plus lourdes que les primo-délinquants, avec un temps d'épreuve pouvant aller jusqu'à quinze ans. Il faut quand même se rendre compte de ce que cela signifie ! Rendre quasiment impossible les libérations conditionnelles n'a aucun effet dissuasif, alors qu'elles sont un réel moyen de réinsertion. Il ne faudrait donc pas trop exagérer, comme c'est le cas des articles 5 ter et 5 quater.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements. En effet, le régime actuel du temps d'épreuve, ou, en d'autres termes, de la durée d'incarcération exigée pour demander à bénéficier de la libération conditionnelle, ne nous paraît vraiment pas satisfaisant.
Le plafond du temps d'épreuve actuellement fixé à quinze ans affaiblit la condition selon laquelle un condamné récidiviste doit avoir accompli les deux tiers de la peine pour bénéficier d'une libération conditionnelle.
En l'état actuel du droit, le régime spécifique applicable aux récidivistes ne concerne que les peines inférieures à vingt-trois ans et demi de réclusion et non les peines supérieures, ce qui ne paraît pas conforme au principe de l'échelle des sanctions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. M. Dreyfus-Schmidt a omis de se souvenir du fait que, voilà quelques années, nous avons augmenté la durée des peines et créé une peine de trente ans, tout en gardant le même temps d'épreuve.
Aujourd'hui, la situation est la suivante : que vous soyez condamné à vingt ans ou trente ans de prison ou à la réclusion à perpétuité, le temps d'épreuve, c'est-à-dire le temps minimal passé en prison, reste de quinze ans. Pour autant, en cas de réclusion à perpétuité, la peine de sûreté n'est pas de quinze ans, mais de dix-huit ans.
Cet article de coordination permet donc, dans le cas de la réclusion à perpétuité, d'aligner le temps d'épreuve sur la durée de la peine de sûreté, soit dix-huit ans. Il s'agit réellement d'une mesure de coordination, et non d'une aggravation de peine.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. On nous parle d'une simple coordination ou harmonisation. Mais le problème se situe bien au delà.
Tout d'abord, il faut prendre en considération la nécessité, après une période de sûreté suffisante, de préparer la sortie de prison. Nous oublions toujours que ces condamnés, en tout cas on peut l'espérer, ne mourront pas en prison. Dans ces conditions, la phase consécutive à la période de sûreté est essentielle pour prévenir la récidive. Accroître cette période de sûreté, au nom d'une coordination dont j'avoue mal comprendre la finalité, me paraît contraire à l'objectif que nous poursuivons, à savoir une réinsertion qui prévienne la récidive. Je comprends donc parfaitement l'inspiration des deux amendements tendant à la suppression de l'article 5 ter.
Par ailleurs, sauf erreur de ma part, nous nous trouvons dans un domaine dans lequel le Conseil constitutionnel a été amené à statuer : toute extension de la période de sûreté apparaîtrait comme une modification de la pénalité. Par conséquent, le principe de non-rétroactivité s'applique dans ce cas : la mesure envisagée ne pourrait prendre effet que pour les condamnations à venir, mais ne pourrait pas modifier le régime des condamnations actuelles.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 97.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 ter.
(L'article 5 ter est adopté.)
Article 5 quater
Le dernier alinéa de l'article 729-3 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou pour une infraction commise en état de récidive légale ».
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la disposition excluant le récidiviste du bénéfice des dispositions de l'article 729-3 du code de procédure pénale, cet article tendant à permettre la libération conditionnelle à l'issue d'un délai de quatre ans des condamnés exerçant l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans.
La commission ne partage pas votre point de vue, madame Borvo, et émet donc un avis défavorable sur cet amendement. En effet, la disposition proposée dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale nous semble bonne.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 729-3 du code de procédure pénale issu de la loi du 15 juin 2000 votée à l'unanimité par le Sénat dispose : « La libération conditionnelle peut être accordée pour tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans, ou pour laquelle la durée de la peine restant à subir est inférieure ou égale à quatre ans, lorsque ce condamné exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnes condamnées pour un crime ou pour un délit commis sur un mineur. »
Pourquoi faudrait-il exclure du bénéfice de ces dispositions les personnes condamnées pour une infraction commise en état de récidive légale ?
Dans les cas prévus par cet article, il ne s'agit pas de grande criminalité ! Si l'enfant n'a que dix ans, il y a tout lieu de penser que la personne qui exerce l'autorité parentale n'a pas pu être condamnée à une peine privative de liberté de trente ans ! Quelle raison y aurait-il donc à l'exclure de cette disposition ?
Je ne doute pas que tous les membres de la majorité ici présents soient des spécialistes du droit pénal ! Ayant, bien entendu, les textes de loi sous les yeux, ils suivent nos débats avec assiduité ! Si, par hasard, ils n'avaient pas compris de quoi nous parlons, ils se garderaient certainement de participer au vote ! C'est, en tout cas, la moindre des choses qu'on puisse exiger d'eux ! Je leur demande donc, comme à tous nos collègues, de bien vouloir adopter l'amendement n° 98. Le groupe socialiste s'apprêtait, pour sa part, à voter contre l'article 5 quater - ce qui revenait au même - car il n'existe, je le répète, aucune raison de modifier cet article du code pénal !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, je tiens à protester contre les propos de M. Dreyfus-Schmidt. En effet, il est indécent de dire à des parlementaires qu'ils ne sont pas compétents. !
M. Alain Gournac. C'est incroyable !
M. Bernard Fournier. Racisme !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tous, ici, quelle que soit la travée sur laquelle ils siègent, ont parfaite compétence pour suivre les débats et participer aux votes. Il n'est pas nécessaire pour cela d'être un spécialiste !
Votre remarque, monsieur Dreyfus-Schmidt, était de trop !
M. Alain Gournac. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La façon dont les parlementaires ont été traités hier l'explique peut-être !
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir rester calmes !
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En parlant très calmement, monsieur le président, il n'est pas interdit de dire des choses évidentes.
Si M. Hyest connaît, bien sûr, le texte dont nous discutons, en revanche, tel ou tel de nos collègues pénétrant dans l'hémicycle sans avoir sous les yeux les amendements et les textes en vigueur, ne sera pas « dans le coup ». J'ai parfaitement le droit de le dire et de le redire, en faisant appel à leur conscience.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est trop facile, monsieur Hyest, de dramatiser et de faire de la démagogie !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vous qui en faites ! Cela suffit !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, ne proférez pas d'injures personnelles !
Je mets aux voix l'amendement n° 98.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 quater.
(L'article 5 quater est adopté.)
Article 6 bis
Le dernier alinéa de l'article 132-19 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, il n'y a pas lieu à motivation spéciale lorsque la personne est en état de récidive légale. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 57 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 99 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 57.
M. Robert Badinter. Pour ma part, j'estime que tous les parlementaires sont compétents, même si leur degré de compétence peut varier selon les domaines.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces messieurs savent tout !
M. Robert Badinter. Je confesse ma compétence très relative s'agissant du code de l'urbanisme ! En disant cela, je me trouve même un peu complaisant envers moi-même ! (Sourires.)
MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et Pascal Clément, garde des sceaux. On ne vous croit pas !
M. Robert Badinter. J'en reviens au code pénal et à l'amendement n° 57, qui vise en fait à rétablir une disposition qui est à mes yeux d'une grande importance.
Pourquoi le Parlement a-t-il souhaité imposer une « motivation spéciale » dès l'instant où une peine d'emprisonnement ferme est prononcée ? Je me souviens fort bien du souci qui l'animait pour avoir présidé pendant plusieurs années la commission qui avait pour mission de préparer le projet de nouveau code pénal. Il ne s'agissait pas simplement de répondre à l'exigence selon laquelle toute décision prononçant une peine doit être motivée, bien que cette exigence constitue un principe judiciaire constant ayant fait l'objet de décisions de la Cour européenne des droits de l'homme.
Pourquoi donc l'article 132-19 du code pénal dispose-t-il : « En matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine » ? C'est parce que les courtes peines d'emprisonnement ferme se déroulent dans les maisons d'arrêt, ce qui est le plus souvent à l'origine de la récidive.
En effet, dans ces maisons d'arrêt, une personne condamnée à une peine d'un an d'emprisonnement, pour une infraction qui n'est pas nécessairement grave, se trouvera immédiatement mêlée à la population des prévenus, à ceux qui sont en détention provisoire pour des crimes graves, voire aux « vieux chevaux sur le retour » de passage au Centre national d'observation à Fresnes. Or c'est là que se forge la récidive du lendemain pour les plus jeunes ou les délinquants primaires !
Au moment de la préparation du nouveau code pénal, nous avions donc tenu à ce que le juge, avant d'envoyer un prévenu en prison, motive sa décision, non seulement pour témoigner de sa réflexion, mais aussi pour expliquer au condamné les raisons de sa condamnation et de sa peine d'emprisonnement.
S'agissant des récidivistes, il n'y a donc pas lieu de supprimer une telle disposition, qui est extrêmement importante. Il faut même impérativement la conserver.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 99.
Mme Josiane Mathon. L'article 6 bis tend à supprimer la motivation spéciale lorsque le juge prononce une peine d'emprisonnement pour une infraction commise en état de récidive légale.
Selon l'article 485 du code de procédure pénale, « tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif.
« Les motifs constituent la base de la décision.
« Le dispositif énonce les infractions dont les personnes citées sont déclarées coupables ou responsables ainsi que la peine, les textes de loi appliqués, et les condamnations civiles. »
Selon l'article 593 du même code, « les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif. »
La décision de la juridiction de jugement ne peut pas non plus se borner à la reproduction des termes du texte d'incrimination, sans aucune précision sur les faits matériels constatés qui en justifient l'application, comme cela a été reconnu à de multiples reprises par la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Pour garantir les droits de la défense, les motifs de la décision sont essentiels, car ils serviront de fondement à un éventuel recours.
Par ailleurs, la multiplication des procédures de jugement accélérées favorise une érosion progressive des garanties procédurales. Pourtant, elle ne devrait pas avoir pour effet de restreindre encore davantage les droits fondamentaux des justiciables.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. De façon qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je précise qu'il est prévu de supprimer non pas la motivation du jugement, mais la motivation de la peine d'emprisonnement.
Selon la commission, et contrairement à ce qu'affirment les auteurs de ces deux amendements, rien ne justifie que la juridiction soit obligée d'expliciter les raisons qui l'ont conduite à prononcer une peine d'emprisonnement contre un prévenu qui a déjà été condamné pour des faits similaires et qui, malgré cet avertissement, a récidivé.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 57 et 99.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Afin d'appuyer les propos de M. le rapporteur, j'apporterai un nouvel argument en faveur de l'article 6 bis.
Il ne s'agit que de consacrer la jurisprudence de la Cour de cassation. (M. Dreyfus-Schmidt proteste.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà un argument supplémentaire !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. En effet, selon la Cour de cassation, la constatation que le prévenu est en état de récidive constitue une motivation suffisante au cas où une peine d'emprisonnement ferme est prononcée.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, je souhaite vous rappeler le premier alinéa de l'article 132-19 du code pénal, dont vous ne nous proposez pas la suppression : « Lorsqu'une infraction est punie d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement pour une durée inférieure à celle qui est encourue. »
Tout d'abord, cet alinéa est en contradiction complète avec ce que vous proposez pour les récidivistes, pour lesquels la durée de la peine ne pourrait pas être modifiée.
Ensuite, en matière correctionnelle, une erreur peut être commise s'agissant de la récidive ! La juridiction peut en effet estimer qu'il y a récidive, alors que, en fait ou en droit, pour telle ou telle raison, il n'y aurait pas récidive ! C'est donc une raison supplémentaire d'imposer à la juridiction de motiver sa décision.
Enfin, l'intéressé, qui était en première instance, peut faire appel. Il est alors intéressant que lui-même et la cour d'appel sachent pourquoi une peine de prison ferme a été prononcée.
Par ailleurs, vous vous référez, monsieur le garde des sceaux, à la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais à quoi faites-vous référence ? A un rapport ? A un arrêt ? Vos explications ne nous suffisent pas ! En effet, je n'imagine pas que la Cour de cassation affirme le contraire de ce qui est écrit dans le code pénal !
Je vous demande donc très fermement, mes chers collègues, d'adopter ces amendements identiques.
Cela dit, je souhaite revenir sur les propos que nous avons échangés tout à l'heure.
Un parlementaire est compétent sur tout, à condition qu'il connaisse le dossier et qu'il ait sous les yeux les textes en discussion et les textes en vigueur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous travaillons aussi en amont de la séance publique, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, il faut que le parlementaire travaille avant la séance ! Or il arrive qu'un certain nombre de nos collègues, vous le savez parfaitement, monsieur Hyest, viennent dans l'hémicycle uniquement parce qu'ils sont de service (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) sans avoir consulté le dossier ! En l'occurrence, ils ont d'autant plus d'excuses que le rapport a été distribué la veille du week-end et que les amendements n'ont été connus qu'hier matin.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s'enferre !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, ne provoquez pas notre assemblée ! Je crois que chaque parlementaire travaille en conscience.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mes chers collègues - je m'adresse plus particulièrement à ceux d'entre vous qui n'ont pas participé aux débats d'hier -, cette proposition de loi a pour objet de lutter contre la récidive, comme le garde des sceaux, le rapporteur et le président de la commission nous l'ont dit et répété.
Pouvez-vous donc m'expliquer en quoi la suppression des dispositions qui prévoient que la juridiction ne puisse prononcer une peine d'emprisonnement qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine va prévenir la récidive ? Votre réponse m'intéresse fort.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 et 99.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis.
(L'article 6 bis est adopté.)
Article additionnel avant l'article 6 ter
M. le président. L'amendement n° 83, présenté par M. Détraigne, est ainsi libellé :
Avant l'article 6 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A la fin du premier alinéa de l'article 132-23 du code pénal, les mots: « la semi-liberté et la libération conditionnelle » sont remplacés par les mots : « la semi-liberté, la libération conditionnelle et le décret de grâce ».
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement vise à prévoir que la durée des périodes de sûreté ne pourra pas être réduite par un décret de grâce présidentielle pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté non assortie de sursis et dont la durée est égale ou supérieure à dix ans.
Je suis bien conscient que cet amendement pose un problème de constitutionnalité puisque le Président de la République tient directement le droit de grâce de la Constitution - de son article 17 plus précisément, si je me souviens bien de ce que j'ai appris - et qu'il paraît donc impossible d'aménager ce droit.
Cela dit, mes chers collègues, je souhaitais attirer votre attention sur cette question. Au demeurant, le problème ne se pose pas quand le Président de la République gracie une personne en particulier, puisqu'il y a eu un examen au fond du dossier individuel de la personne concernée. Néanmoins, aussi surprenant que cela puisse nous paraître, il existe encore des décrets de grâce collective, qui « frappent », si je puis dire, aveuglément ! Ces derniers pourraient avoir un effet contraire à la volonté politique qui s'exprime dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
En tout cas un problème existe ; c'est pourquoi j'ai déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Nous pouvons comprendre la préoccupation qui sous-tend cet amendement. Néanmoins, je suis obligé de rappeler que les grâces présidentielles relèvent des prérogatives constitutionnelles du Chef de l'Etat. En tant que législateurs, nous n'avons aucune compétence pour les limiter.
Je suggère donc à M. Détraigne de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je sais que M. Détraigne n'imagine pas un seul instant qu'une simple loi puisse modifier la Constitution. Il a lancé le débat ; c'est son droit. Il peut maintenant retirer son amendement ; c'est aussi son droit ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 83 est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Je viens de le dire : je suis conscient du caractère excessif de cet amendement. L'adopter reviendrait à nous octroyer un pouvoir dont nous ne disposons pas.
Je le retire donc. Toutefois, il ne m'a pas semblé inutile qu'à l'occasion de ce débat sur la récidive la représentation nationale manifeste son inquiétude quant à l'utilisation peut-être un peu trop hâtive du droit de grâce.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. le président. L'amendement n° 83 est retiré.
Article 6 ter
Dans la dernière phrase des deuxième et troisième alinéas de l'article 132-23 du code pénal, les mots : « vingt-deux ans » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq ans ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 58 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 100 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, est relatif à la période de sûreté.
L'expiration de la période de sûreté a, je le rappelle, pour seul effet de permettre au condamné de demander à bénéficier de certaines mesures d'aménagement de la peine. Il ne s'agit que d'une faculté : le condamné ne peut revendiquer quoi que ce soit. Les juridictions n'ont pas à statuer automatiquement et elles peuvent - cela arrive même très souvent - maintenir l'intéressé en détention.
Par ailleurs, la période de sûreté peut correspondre à la durée totale de la condamnation, si la cour d'assises prononce la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur de quinze ans, précédé ou accompagné de viol ou de tortures et d'actes de barbarie.
Compte tenu de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'en rester à la législation actuelle et de maintenir la durée de la période de sûreté à vingt-deux ans.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 58.
M. Pierre-Yves Collombat. Comme vient de l'expliquer M. le rapporteur, la faculté de demander n'est pas l'assurance d'obtenir gain de cause. En outre, le code pénal prévoit déjà des mesures extrêmement restrictives pour les crimes les plus graves.
C'est pourquoi le groupe socialiste souhaite également en rester à la législation en vigueur.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 100.
Mme Josiane Mathon. Cet article trahit une fois encore l'obsession du Gouvernement en matière de durcissement de la législation pénale. Il ne peut s'empêcher de focaliser la lutte contre la récidive sur l'emprisonnement.
L'allongement de la période de sûreté est absolument inutile, sauf à considérer que les prisons ne sont pas surpeuplées !
Je rappelle que, pour le délégué national de l'Observatoire international des prisons, M. Patrick Marest, la dégradation de la situation dans les prisons est le fruit de choix politiques. Cet article illustre de façon éclatante un choix politique en faveur de l'emprisonnement à tout prix.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je précise, à l'attention de mes collègues, que cette disposition a été introduite dans le texte sur l'initiative non pas du Gouvernement, mais de M. le député Georges Fenech.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il a aussi ses contradictions !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il est vrai que l'Assemblée nationale a décidé de porter de vingt-deux ans à vingt-cinq ans la durée de la période de sûreté pour les récidivistes, sur avis favorable du Gouvernement. Je continue à être favorable à cette disposition.
En effet, j'observe, tout d'abord, que cette durée ne constituera qu'un maximum et pourra être décidée en cas de condamnation à la peine de trente ans de réclusion. Cela permettra d'éviter que la cour d'assises, désireuse de prononcer une période de sûreté de plus de vingt-deux ans, ne soit conduite pour ce faire à prononcer la réclusion criminelle à perpétuité.
Ensuite, le condamné pourra toujours, en application de l'article 724-4 du code de procédure pénale, demander au tribunal de l'application des peines de réduire la période de sûreté de vingt-cinq ans ou d'y mettre fin. La période de sûreté ne signifie donc nullement la disparition de tout espoir de réinsertion. Elle marque simplement la ferme volonté de l'institution de protéger la société.
Enfin, la période de sûreté de vingt-cinq ans ne pourra s'appliquer que pour des crimes commis après la promulgation de cette loi.
Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à ces amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le rapporteur nous a rappelé que le Gouvernement n'était pas à l'initiative de l'article 6 ter. Or cet article ne figurait pas non plus dans le texte d'origine dont M. Pascal Clément - il n'était pas garde des sceaux à l'époque, mais député - était l'un des auteurs.
Aujourd'hui, M. le garde des sceaux précise, à juste titre, que cette mesure ne s'adressera pas aux condamnés qui ont déjà perpétré leur crime. Elle concernera uniquement ceux qui commettront un crime après la promulgation de cette loi et à l'expiration de leur peine, c'est-à-dire dans dix-sept ans ou dix-huit ans.
Dans ces conditions, une telle disposition est-elle nécessaire ? Monsieur le garde des sceaux, vous défiez-vous du texte que vous êtes en train de faire voter au point de penser que, dans dix-huit ans, la situation de la récidive sera identique à celle que nous connaissons aujourd'hui ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle sera pire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le moins que l'on puisse dire, c'est que, sur le plan des principes comme sur celui de la réalité, voter une telle disposition ne serait pas bien légiférer.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. M. le rapporteur nous apprend que c'est notre collègue député Georges Fenech qui est à l'origine de l'article 6 ter. Cela n'est qu'une contradiction de plus entre l'auteur du rapport et le député qui a voté le texte !
Qu'il s'agisse de la qualification du placement sous surveillance électronique mobile - il refuse que ce soit une mesure de sûreté -, du consentement - obligatoire dans le rapport, mais qui ne l'est plus dans la loi -, du type de personnalité qui est le mieux concerné par le placement sous surveillance électronique mobile ou encore de la durée de la période de sûreté, M. Georges Fenech a voté des dispositions qui sont en contradiction avec les conclusions de son rapport. Il n'est plus à une près !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13, 58 et 100.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)
M. le président. L'article 6 ter est supprimé.
Article 6 quater
I. - Dans le troisième alinéa de l'article 398 du code de procédure pénale, les mots : « sauf si la peine encourue, compte tenu de l'état de récidive légale du prévenu, est supérieure à cinq ans d'emprisonnement » sont supprimés.
II. - L'article 398-2 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du dernier alinéa, les mots : « si la complexité des faits le justifie » sont remplacés par les mots : « si ce renvoi lui paraît justifié en raison de la complexité des faits ou, au regard notamment des dispositions du dernier alinéa, en raison de l'importance de la peine susceptible d'être prononcée » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le tribunal correctionnel siégeant dans sa composition prévue par le troisième alinéa de l'article 398 ne peut prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure à cinq ans. »
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les délits relevant de la compétence du juge unique en matière correctionnelle sont punis soit d'une peine d'amende, soit d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Or, nous le savons depuis longtemps, il y a plus dans trois têtes que dans une seule, et une bonne justice exige en général la collégialité.
Le juge unique n'est pas une nouveauté : c'était hier le juge de paix, c'est encore aujourd'hui le juge d'instance. En revanche, pour le tribunal correctionnel, comme pour le tribunal civil, jadis, la collégialité était la règle.
Comme il faut aller très vite et que les moyens manquent, on s'en est remis de plus en plus au juge unique tout en limitant les condamnations qu'il peut prononcer à des peines inférieures à cinq ans d'emprisonnement. Un homme seul ne peut prononcer de condamnations trop importantes : cinq ans, ce n'est déjà pas si mal !
En 1999, cette compétence a été modifiée : le juge unique n'est plus compétent pour les délits commis en état de récidive légale, puisque, du fait de la récidive, ils sont passibles d'une double peine et donc d'un emprisonnement supérieur à cinq ans.
Aujourd'hui, l'article 6 quater prévoit, pour des raisons de facilité, qu'un individu qui mériterait une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans sera renvoyé devant le juge unique alors qu'il devrait être jugé par la formation collégiale du tribunal correctionnel. En d'autres termes, le juge pourra être amené à statuer sur le sort d'un individu qui risque jusqu'à dix ans d'emprisonnement... sans pouvoir lui infliger une peine supérieure à cinq ans !
Nous nous opposons donc à ces dérogations au droit commun, selon lesquelles un individu ayant commis un délit passible d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans ne pourrait se voir infliger qu'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans par le juge unique, c'est-à-dire, en l'occurrence, le juge inique !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La situation actuelle n'est pas satisfaisante. En effet, il est aujourd'hui impossible pour un juge unique de se prononcer sur des délits qui, commis en état de récidive, sont passibles d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans. Cela conduit parfois le parquet à ne pas relever l'état de récidive - vous conviendrez que ce n'est pas normal - uniquement pour maintenir la compétence du juge unique et ne pas encombrer les audiences du tribunal correctionnel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vous crois pas !
M. François Zocchetto, rapporteur. C'est pourtant ainsi que cela se passe !
Vous me rétorquerez que ce n'est pas parce que le système fonctionne mal qu'il faut adapter le texte. En fait, l'adaptation que prévoit l'article 6 quater n'est pas du tout dangereuse puisque, comme vous l'avez vous-même noté, monsieur Dreyfus-Schmidt, le magistrat ne pourra pas prononcer de peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans, quand bien même les délits auront été commis en état de récidive.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Même si leurs auteurs méritent plus ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L'article 6 quater me semble de nature à clarifier la situation des tribunaux correctionnels.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les explications de M. le rapporteur sont très claires. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A plusieurs reprises, M. le rapporteur a soutenu que les parquets détournaient quelquefois la loi.
C'est tout de même incroyable ! J'aimerais avoir des exemples concrets. Les procureurs sont aujourd'hui aux ordres du Gouvernement. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) Bien entendu, leur parole est libre, mais - c'est la conjonction de plusieurs facteurs - la plume est serve ! Si le ministère de la justice donne aux parquets l'instruction de ne pas utiliser les procédés qu'a indiqués M. le rapporteur, il est bien évident qu'ils ne le feront pas !
En l'instant, nous nous trouvons devant une situation pour le moins curieuse : monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous vous tendons une perche à propos des récidivistes, ceux-là même que l'on entend, par cette proposition de loi, condamner automatiquement très gravement, avec des peines de sûreté extrêmes, et c'est vous qui défendez un texte aux termes duquel ces mêmes récidivistes, renvoyés devant un juge unique, ne pourraient se voir infliger une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans ? Monsieur le garde des sceaux, estimez-vous cela cohérent avec la philosophie qui inspire le texte que nous examinons ? Sûrement pas !
Je persiste donc à demander au Sénat d'adopter notre amendement de suppression.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6 quater.
(L'article 6 quater est adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU PLACEMENTSOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE MOBILE
Article 7
Après l'article 131-36-8 du code pénal, il est inséré une sous-section 7 ainsi rédigée :
« Sous-section 7
« Du placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté
« Art. 131-36-9. - La juridiction qui prononce un suivi socio-judiciaire peut également ordonner, à titre de mesure de sûreté, le placement du condamné sous surveillance électronique mobile, conformément aux dispositions de la présente sous-section.
« Art. 131-36-10. - Le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être ordonné qu'à l'encontre d'une personne condamnée à une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement et dont une expertise médicale a constaté la dangerosité, lorsque cette mesure apparaît indispensable pour prévenir la récidive à compter du jour où la privation de liberté prend fin.
« Art. 131-36-11. - Lorsqu'il est ordonné par le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants, le placement sous surveillance électronique mobile doit faire l'objet d'une décision spécialement motivée.
« Lorsqu'il est ordonné par la cour d'assises, il doit être décidé dans les conditions de majorité prévue par l'article 362 du code de procédure pénale pour le prononcé du maximum de la peine.
« Art. 131-36-12. - Le placement sous surveillance électronique mobile emporte pour le condamné l'obligation de porter un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l'ensemble du territoire national.
« Cette obligation est assimilée à une des obligations du suivi socio-judiciaire et son inobservation entraîne les conséquences prévues par le troisième alinéa de l'article 131-36-1.
« Art. 131-36-13. - Les modalités d'exécution du placement sous surveillance électronique mobile sont fixées par le titre VII ter du livre V du code de procédure pénale. »
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite intervenir sur le placement sous surveillance électronique mobile, car il me semble qu'avec cette mesure le Gouvernement ne propose pas grand-chose. En fait, il induit en erreur les victimes de viol et d'agression, les Français et tout le système judiciaire !
Il faut le savoir, le PSEM n'est pas une mesure de sûreté, mais c'est bien une peine, voire une peine complémentaire, comme l'a écrit M. Fenech dans son rapport et comme le reconnaît la majeure partie du monde judiciaire !
Le placement sous surveillance électronique mobile présente toutes les caractéristiques constitutives d'une peine : il est privatif de liberté, notamment à travers les zones d'exclusion ; décidé au moment du prononcé de la peine, il implique une série de contraintes et obligations. La fiction juridique consistant à l'intégrer dans le régime juridique du suivi socio-judiciaire, notamment comme mesure d'application de celui-ci, ne pourra suffire à en faire une simple mesure de sûreté.
A la grande différence de ce que M. le ministre ne cesse de nous répéter, cette mesure ne nous permettra pas de lutter efficacement contre la récidive. Pis, elle risque même d'aggraver la situation de la justice.
Si j'affirme que la mise en oeuvre du PSEM aggravera la situation pénale et pénitentiaire en général, et de la récidive en particulier, c'est parce que des personnes, qui se situent de chaque côté de l'échiquier politique et à chaque extrémité de la chaîne pénale, ont eu l'honnêteté de poser les vraies questions et ne craignent pas d'entendre les vraies réponses.
Je le rappelle, à ce jour, aucun bilan n'a été réalisé concernant le premier système de surveillance électronique fixe. Ainsi, on ne sait rien de ses résultats et de ses effets sur la récidive, sur la pratique des tribunaux et sur l'évolution de la nature, du nombre et du comportement de la population carcérale !
Aucun bilan n'a non plus été établi de I'application du suivi socio-judiciaire instauré par la loi du 17 juin 1998, qui tentait de remettre au coeur du processus judiciaire les moyens de suivre et de réinsérer le condamné.
Rien n'a également été dit de l'insuffisance des moyens humains, matériels et financiers des prisons et de la justice en général. Il en va de même pour les agents de probation, dont il manque au moins 800 en France.
Or cette mesure reviendra à 153 millions d'euros par an, soit 2,5 % du budget de la justice.
Enfin, il n'y a rien sur la réinsertion : la préparation de la sortie de prison demeure marginale, les soins psychiatriques sont sinistrés, les réponses pénales non carcérales sont méprisées et les juges sont souvent dissuadés de prononcer des libérations conditionnelles ou des peines alternatives faute de budget.
Non, monsieur le ministre, ce n'est pas ainsi que l'on peut lutter efficacement contre la récidive !
M. le président. Je suis saisi de dix-sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 101 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 60.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous allons encore citer le rapport de M. Fenech, dont il n'est d'ailleurs pas le seul auteur, où il est écrit en toutes lettres que le PSEM est une peine. Il y est en outre expliqué que cette mesure est une atteinte évidente à la liberté d'aller et venir et qu'elle présente de multiples inconvénients pour celui qui serait amené à s'y soumettre.
Or l'article 7 débute par une sous-section intitulée : « Du placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté. » Ces termes figurent également dans l'article 131-36-9.
Certes, je sais que la commission des lois nous proposera dans un instant un amendement tendant à supprimer les mots « à titre de mesure de sûreté ». Quoi qu'il en soit, le Conseil constitutionnel sera saisi sur ce point et il pourra motiver sa décision en s'appuyant sur la motion tendant à opposer l'exception irrecevabilité qui a été défendue par Mme Mathon, ainsi d'ailleurs que sur l'intervention très éloquente de notre collègue Portelli.
L'article 7 vise donc à instaurer le placement sous surveillance électronique mobile. Pourtant, c'est un système sur lequel on ne sait rien ! D'ailleurs, si l'on décidait d'y recourir, il faudrait, nous dit-on, au moins deux ans pour le mettre en place. Et combien tout cela coûtera-t-il ? Je parle non seulement du système lui-même, mais également du personnel nécessaire à son fonctionnement. Là encore, on n'en sait rien !
Malgré tout, M. le ministre voudrait que l'on décide d'ores et déjà des modalités. Comme chacun le sait, M. le ministre a considéré, ce que tout le monde lui a reproché, à commencer par le président du Conseil constitutionnel, que la rétroactivité était peut-être inconstitutionnelle, mais qu'il suffisait que personne ne saisisse le Conseil constitutionnel ... Il est vrai que, malheureusement, nous n'avons pas encore prévu la possibilité que le Conseil constitutionnel puisse examiner la constitutionnalité des textes de loi dont nous ne l'aurions pas saisi. Il faudra bien y arriver un jour !
En attendant, M. le ministre décide de baptiser carpe le lapin et de faire en sorte que l'on aboutisse au résultat qu'il voulait, c'est-à-dire que l'on puisse rétroactivement appliquer la mesure en question à ceux qui ont déjà été condamnés ou à ceux qui ont purgé leur peine.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression pure et simple de l'article 7.
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 101.
Mme Eliane Assassi. Avec cet amendement, nous voulons réaffirmer combien nous sommes toujours aussi peu convaincus qu'en première lecture de l'efficacité du bracelet électronique sur la récidive. C'est pourquoi nous proposons la suppression du placement sous surveillance électronique dans le cadre du suivi socio-judiciaire.
Le suivi socio-judiciaire existe en matière de lutte contre la récidive des délinquants sexuels. Nous pensons donc que le Gouvernement doit tout mettre en oeuvre, notamment les moyens nécessaires, afin qu'il puisse enfin être effectivement appliqué.
Par ailleurs, le placement sous surveillance électronique au regard de la contrainte physique et psychologique qu'il implique est une peine en lui-même. Surtout, le fait de ne pas distinguer dans le texte les majeurs des mineurs n'est pas admissible. Je reviendrai plus tard sur ce point à propos de l'amendement n° 102.
Enfin, prévoir son application immédiate comme le Gouvernement et la majorité l'envisagent est contraire au principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale répressive.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 61 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
A la fin du texte proposé par cet article pour l'intitulé de la sous-section 7 de la section 1 du chapitre Ier du Titre III du livre Ier du code pénal, supprimer les mots :
à titre de mesure de sûreté
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je profite de la présentation de cet amendement pour donner l'avis de la commission sur les deux amendements de suppression qui viennent d'être défendus.
La commission émet, bien entendu, un avis défavorable. Hier, dans la discussion générale, j'ai eu l'occasion de rappeler longuement que la majorité de la commission pensait que le bracelet électronique mobile pouvait constituer une avancée importante dans la lutte contre la récidive. Je ne reviens donc pas maintenant sur les raisons que j'ai pu développer.
J'en viens à l'amendement n° 14. Le recours au placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire a été qualifié par les députés de « mesure de sûreté ». En la circonstance, selon votre commission, le port du bracelet électronique mobile semble plutôt s'apparenter à une peine. En effet, il doit, en principe, être décidé par la juridiction de jugement.
La qualification qui a été retenue dans l'intitulé de la nouvelle sous-section du code pénal ne nous semble pas très pertinente. Nous proposons donc de supprimer la référence à la mesure de sûreté. Cette suppression ne changera rien au dispositif lui-même, mais elle facilitera peut-être sa compréhension.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 61.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est identique à celui de la commission.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-9 du code pénal :
« Art. 131-36-9 - Le suivi socio-judiciaire peut également comprendre le placement sous surveillance électronique mobile, conformément aux dispositions de la présente sous-section.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-9 du code pénal, supprimer les mots :
, à titre de mesure de sûreté,
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-10 du code pénal, après les mots :
d'une personne
insérer les mots :
, majeure et avec son consentement,
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans la mesure où nous sommes partisans de la suppression de l'article 7, vous comprendrez qu'il s'agit là d'un amendement de repli.
Je voudrais tout de même rappeler que la Constitution permet de faire des expériences. Dès lors - et, en la circonstance, je reviens sur un débat que nous avons eu hier soir avec M. le ministre, lequel a eu comme d'habitude le dernier mot en répondant aux orateurs - il serait tout à fait possible de tenter une expérience limitée avant de légiférer sur un dispositif que l'on connaît mal, comme d'ailleurs est mal connue, selon les termes de M. le ministre, et pour une fois nous sommes d'accord avec lui, la récidive.
Toujours est-il que le texte prévoit non seulement l'application du dispositif aux mineurs, mais également qu'il puisse s'appliquer sans le consentement de l'intéressé, ce qui est, bien évidemment, difficilement imaginable. D'ailleurs, sur ce point encore, ce dispositif est contraire aux préconisations du rapport Fenech.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-10 du code pénal, après les mots :
qu'à l'encontre d'une personne
insérer le mot :
majeure
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement pourrait être de nature à rassurer M. Dreyfus-Schmidt dans la mesure où il tend à réserver le placement sous surveillance électronique mobile aux majeurs. Il y a plusieurs raisons à cela.
La première est que les contraintes du dispositif que j'ai exposées hier impliquent que l'intéressé collabore à sa mise en oeuvre. Cela suppose donc une certaine maturité mentale.
La deuxième raison est qu'il ne me semble pas envisageable qu'un mineur puisse être condamné à une peine d'emprisonnement suffisamment longue pour être contraint pendant sa minorité à porter le bracelet électronique mobile.
Enfin, je rassure ceux qui souhaiteraient que les jeunes majeurs puissent porter un bracelet électronique mobile. Il est vrai que le mineur condamné pourra, à l'âge de la majorité, se voir appliquer le bracelet électronique mobile.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour la clarté du débat, je rappelle que nous examinons des amendements qui font l'objet d'une discussion commune. D'abord, chaque auteur expose son amendement.
M. le président. Tout à fait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ensuite, tout le monde doit pouvoir s'exprimer sur chacun de ces amendements. Il n'y a donc pas lieu pour le moment de donner un avis sur les amendements déjà présentés ou sur ceux qui viendront en discussion
M. le président. Mon cher collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 64 rectifié est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-10 du code pénal, remplacer les mots :
d'au moins cinq ans d'emprisonnement
par les mots :
privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 17.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'Assemblée nationale a prévu de permettre le recours au bracelet électronique dans le cadre du suivi socio-judiciaire pour les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans. La durée de peine exigée apparaît donc inférieure à celle retenue pour le recours au bracelet électronique mobile dans le dispositif de la surveillance judiciaire.
Je le rappelle, il y a maintenant trois applications du bracelet électronique mobile : le suivi socio-judiciaire, la libération conditionnelle et la surveillance judiciaire. Il semble donc souhaitable d'unifier le régime applicable au PSEM sur ce point et de retenir l'exigence d'une peine prononcée de dix ans pour réserver ce dispositif aux auteurs des infractions les plus graves.
Je vous propose donc d'en rester à ce stade pour le moment. Nous ne sommes pas parvenus au terme de nos travaux et, à la lumière des expériences que l'on pourra faire, peut-être sera-t-il possible de revenir sur ces seuils.
Pour le moment, l'amendement de la commission des lois a, me semble-t-il, le mérite de clarifier la situation.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'amendement n° 64 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous faisons nôtres les explications de M. le rapporteur, tout en y mettant plus de fermeté.
M. le président. Tout est dans la nuance. (Sourires.)
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 65 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 102 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 131-36-11 du code pénal, supprimer les mots :
ou le tribunal pour enfants
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 18 a le même objet et, par conséquent, se justifie de la même façon que l'amendement n° 16.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'amendement n° 65.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Contrairement à ce que vous indiquiez, monsieur le président, tout n'est pas seulement dans la nuance.
M. le rapporteur a rappelé que nous étions en deuxième lecture de cette proposition de loi et a évoqué la possibilité de procéder à des expériences. Si, par ces termes, il envisageait la possibilité dans un premier temps d'expérimenter le bracelet électronique, avant de réfléchir de nouveau ultérieurement au bien-fondé de cet instrument, nous pouvons être d'accord.
En revanche, si ses propos signifient qu'il pourrait y avoir une monnaie d'échange en commission mixte paritaire, nous disons non tout de suite. Les choses sont très claires pour nous.
A part cela, nous sommes naturellement d'accord sur la rédaction de l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 131-36-12 du code pénal, après les mots :
l'obligation de porter
insérer les mots :
pour une durée de deux ans renouvelable une fois
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Nous avons longuement débattu de la durée du placement sous surveillance électronique, et le rapport de M. Georges Fenech a été abondamment évoqué.
Pourtant, une interrogation demeure quant à la durée maximale que pourrait supporter le porteur du bracelet. Certains imaginaient, peut-être un peu simplement, que le bracelet puisse être porté pendant dix, vingt ou trente ans.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pourquoi pas à vie, pendant qu'on y est ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La réalité n'est pas si simple. Des facteurs psychologiques entrent en compte.
En effet, de l'expérience que nous avons du bracelet électronique fixe, de l'avis des nombreux experts que nous avons sollicité, mais aussi de celui des utilisateurs du bracelet mobile, qui, rappelons-le, n'est employé qu'en Floride et, au Royaume-Uni, dans la région de Manchester, il ressort qu'il est difficile de dépasser le seuil de deux ans.
Par conséquent, la commission des lois propose que le port du bracelet électronique puisse être ordonné pour une durée de deux ans renouvelable une fois.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela fera donc quatre ans !
M. François Zocchetto, rapporteur. Cela ferait effectivement quatre ans.
Cette disposition, je le sais, sera contestée par un certain nombre de nos collègues, mais je la maintiens.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 131-36-12 du code pénal, après les mots :
obligation de porter
insérer les mots :
pour une durée de deux ans
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voudrais pas donner l'impression que nous nous livrons à une opération de marchandage. L'enjeu n'est pas d'avoir un peu plus ou un peu moins, il s'agit de fixer une durée qui se justifie par des motifs sérieux.
Or que constate-t-on ? Les expériences étrangères montrent qu'il n'y a pas de cas de placement sous surveillance électronique mobile excédant deux ans. D'ailleurs, dans la plupart des cas, il s'agit de placement pour quelques mois seulement, avec des interruptions.
Par conséquent, si nous voulons être raisonnables, inspirons-nous de ce qui existe et fixons une durée maximale de deux ans.
Quant à l'argument selon lequel porter un dispositif qui ressemble à une montre swatch n'est finalement pas si gênant, il ne tient pas. Le problème n'est pas dans la difficulté de porter ce dispositif, mais dans l'impression de surveillance constante qu'il donnera. Il sera extrêmement difficile à supporter par les assujettis, qui y perdront leur intimité, ainsi que la seule chose qui leur restait, à savoir la liberté intérieure. Voilà pourquoi beaucoup refusent ce type de peine.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 131-36-12 du code pénal :
« Le président de la juridiction avertit le condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement, mais que, s'il refuse ou s'il manque à ses obligations, l'emprisonnement prononcé en application du troisième alinéa de l'article 131-36-1 pourra être mis à exécution.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement aborde une autre question importante concernant la mise en application du bracelet électronique, celle du consentement de la personne concernée.
La commission s'est intéressée à l'avis des experts interrogés par l'Assemblée nationale, la Chancellerie ou le Sénat. Selon eux, imposer le port d'un bracelet électronique mobile à un individu récalcitrant conduirait à un échec rapide et certain. La collaboration de la personne concernée est donc nécessaire ; elle doit même être plus grande encore que pour le bracelet électronique fixe.
En effet, le port de ce bracelet impose de respecter des horaires d'assignation et des contrôles téléphoniques, ainsi que de transporter le récepteur avec soi dès que l'on quitte son domicile. Il faut également être prêt à répondre à tout moment aux messages ou aux appels du personnel de surveillance et recharger la batterie au moins une fois par jour. Cela suppose par hypothèse une implication personnelle et permanente de l'individu.
Pour autant, la commission des lois a souhaité prendre en compte les préoccupations de l'Assemblée nationale. Il n'est pas question d'un bracelet électronique mobile à la carte. La commission des lois propose donc un dispositif directement inspiré de l'injonction de soins susceptible d'être proposée dans le cadre du suivi socio-judiciaire. En effet, cette injonction de soins, expérimentée avec succès depuis plusieurs années, suppose l'accord de l'intéressé. Mais il est certain que, si celui-ci refuse, il peut être réincarcéré ; il en est d'ailleurs clairement averti.
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Ce dispositif entrera en vigueur après que le Parlement aura voté les crédits nécessaires à sa mise en oeuvre.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement concerne le PSEM. Nous aurions certes pu le proposer pour l'ensemble de la proposition de loi, mais nous nous sommes limités au PSEM.
Nous savons, monsieur le garde des sceaux, que votre dispositif ne pourra pas être appliqué dans l'immédiat : il faudrait pour cela beaucoup de personnel - cela a déjà été dit - et deux ans seront sans doute nécessaires pour en recruter suffisamment.
En outre, nous ne savons pas si le PSEM s'appliquera pendant deux ans au maximum, deux ans renouvelables, six ans ou même trente ans, comme cela avait été proposé au départ.
Par conséquent, il serait raisonnable de préciser que le dispositif ne sera pas applicable avant que les crédits ne soient réunis. Or, qui pourra le constater, sinon le Parlement ?
Chacun sait que les crédits du projet de loi de finances pour 2006 ne sont pas très élevés et nul ne sait à combien s'élèveront ceux de 2007. Par conséquent, nous ne savons ni de combien de crédits nous aurons besoin ni dans combien de temps nous les aurons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Comme je l'ai déjà dit, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 60 et 101.
Les amendements nos 61, 62, 63, 64 rectifié, 65 et 102 sont respectivement satisfaits par les amendements nos 14, 15, 16, 17 et 18 de la commission.
M. le président. Que de satisfaction ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et si c'était la commission des lois qui retirait ses amendements ?
M. François Zocchetto, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 66, je rappelle que nous avons prévu une durée de deux ans renouvelable une fois.
Par conséquent, si M. Dreyfus-Schmidt ne veut pas retirer son amendement,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument pas !
M. François Zocchetto, rapporteur. ...la commission émettra un avis défavorable.
Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 67.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je dois dire que je suis encore peu familiarisé avec la technique du Sénat, consistant à examiner successivement dix-sept amendements pour y apporter ensuite une réponse globale. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut être malin. (Nouveaux sourires.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. En effet, il faut être malin, et j'ai moins l'habitude que vous de cette procédure.
M. Gérard Longuet. Cela viendra !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je l'espère.
L'article 7, relatif au placement sous surveillance électronique mobile, est important. D'ailleurs, à en juger par le nombre d'amendements qui s'y rapporte, chacun perçoit bien qu'il s'agit d'une des dispositions les plus importantes de cette proposition de loi.
Le Gouvernement est évidemment opposé aux amendements du groupe socialiste et du groupe CRC nos 60 et 101, tendant à supprimer l'article pour des motifs soit de fond, soit de moyens, ces motifs étant tout aussi infondés les uns que les autres.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En voilà une explication claire ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Pour la même raison, je suis opposé à l'amendement du groupe socialiste n° 67, qui tend à subordonner l'entrée en vigueur de la réforme au vote par le Parlement des crédits nécessaires à sa mise en oeuvre. Je vous signale que, grâce à la loi organique relative aux lois de finances, qui permet la fongibilité des crédits, la question ne se pose plus aujourd'hui comme jadis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Où allez-vous prendre les crédits ? Chez les éducateurs ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. En outre, je ne me souviens pas qu'une disposition de cette nature ait figuré dans la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, laquelle a créé le suivi socio-judiciaire et l'injonction de soins, ni qu'une telle disposition ait alors été proposée par le groupe socialiste du Sénat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh non !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. A cette époque, vous pensiez qu'il y avait l'argent nécessaire. En fait, vous auriez mieux fait de déposer un tel amendement car les fonds n'ont pas suivi et c'est la raison pour laquelle cela n'a pas marché.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En fait, vous êtes jaloux, parce que vous n'avez pas eu l'idée de cet amendement à l'époque ! (Sourires.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est vrai. Ce type d'amendement ne nous vient effectivement pas à l'esprit : nous pensons que, lorsqu'un gouvernement fait une proposition, il a les moyens de la mettre en oeuvre. (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) C'est vrai à droite, ce l'est moins à gauche.
En tout état de cause, il est évident que, pour des raisons que j'ai longuement exposées lors de la discussion générale, en réponse aux orateurs ou aux motions de procédure, le PSEM constitue une mesure utile et nécessaire pour prévenir la récidive, soit en dissuadant la personne de passer à l'acte, soit en permettant de la confondre et de l'arrêter si elle a récidivé, empêchant ainsi une nouvelle récidive. Il me semble inutile d'y revenir.
Enfin, j'ajoute qu'une expérimentation sera menée dans plusieurs établissements pénitentiaires, dans quelques semaines ou dans quelques mois.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 60, 101 et 67.
Sur les amendements nos 14, 61 et 15 tendant à supprimer la référence à la notion de mesure de sûreté, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je rappelle en effet que le placement sous surveillance électronique mobile constituera à la fois une peine, s'il est prononcé dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire par la juridiction de jugement, et une modalité d'application d'une peine déjà prononcée, s'il est ordonné par une juridiction d'application des peines dans le cadre d'une surveillance judiciaire, d'une libération conditionnelle ou d'un suivi socio-judiciaire déjà prononcé. C'est la summa divisio qui rend ce que nous proposons conforme à la Constitution.
Il est vrai toutefois que le PSEM n'a pas une finalité répressive - pas plus que le suivi socio-judiciaire dans son ensemble -, mais qu'il vise à prévenir la récidive.
Il est donc juridiquement possible, même si ce n'est pas indispensable, de conserver l'expression de mesure de sûreté - que le Sénat avait d'ailleurs retenue en première lecture en rendant obligatoire le PSEM en cas de libération conditionnelle, celle-ci étant pourtant une modalité d'aménagement d'une peine.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'amendement n° 62 du groupe socialiste, qui a le même objet, me paraît satisfait ; il devrait donc être retiré. A défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements nos 16 et 18 de la commission des lois, ainsi que sur les amendements nos 63, 65 et 102 du groupe socialiste et du groupe CRC, qui tendent à exclure les mineurs du champ d'application du placement sous surveillance électronique mobile.
En effet, le Gouvernement n'envisage pas qu'un mineur puisse être tenu de porter un bracelet électronique permettant sa localisation à distance.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il sera majeur !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Certes, un mineur sera fatalement majeur lorsqu'il aura accompli sa peine. Ces amendements sont donc strictement cosmétiques, mais ils plaisent, comme j'ai pu le lire ce matin dans la presse.
J'observe en effet que le PSEM prononcé par la juridiction de jugement doit accompagner une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans - pour l'Assemblée nationale - ou dix ans - pour la commission des lois du Sénat. En tout état de cause, si un PSEM était prononcé contre une personne mineure au moment des faits, celle-ci serait majeure à sa libération, au moment où elle devrait porter un tel bracelet.
Par ailleurs, en cas de surveillance judiciaire ou de libération conditionnelle, rien n'interdira de décider et de mettre en oeuvre la surveillance électronique mobile si le condamné a atteint la majorité...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la de la commission des lois. Tout à fait !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... et dans les cas, qui seront toutefois très peu fréquents, où sa personnalité le justifierait.
Je suis en revanche opposé à l'amendement n° 63 du groupe socialiste, qui tend, d'une part, à restreindre l'application du PSEM aux personnes majeures et, d'autre part, à rendre obligatoire le consentement du condamné, question également soulevée dans d'autres amendements.
Les amendements n° 17 de la commission des lois et n° 64 rectifié du groupe socialiste visent à limiter le PSEM aux cas dans lesquels la peine prononcée est d'une durée d'au moins dix ans d'emprisonnement. Ces amendements ne me paraissent pas justifiés et je n'y suis donc pas favorable.
Ces dispositions interdiraient, par exemple, qu'une personne condamnée pour viol à huit ans d'emprisonnement avec suivi socio-judiciaire soit également condamnée au placement sous surveillance électronique mobile, alors qu'une telle décision pourrait être opportune. Le risque est par ailleurs que les cours d'assises prononcent des peines plus élevées, uniquement pour pouvoir ordonner un tel placement.
Les amendements nos 19 et 66 tendent à limiter la durée du placement sous surveillance électronique mobile.
Je suis défavorable à l'amendement n° 19. En effet, dans quelques années, les bracelets électroniques mobiles seront d'une taille bien plus réduite et leur autonomie en énergie sera plus importante, ce qui permettra qu'ils soient portés pendant une plus longue période.
Les durées de deux fois trois ans pour les délits et de deux fois cinq ans pour les crimes prévues par l'Assemblée nationale me paraissent donc préférables. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Je rappelle qu'il s'agira de durées maximales et que le juge pourra mettre fin à tout moment au placement sous surveillance électronique mobile.
Pour ces raisons, je suis encore plus opposé à l'amendement n° 66 tendant à limiter à deux ans non renouvelables la durée du PSEM.
J'en viens à l'amendement n° 20 relatif au consentement du condamné. Il s'agit d'une question importante.
Je ne suis pas persuadé que cet amendement n° 20, de même que les amendements similaires déposés sur cette question par la commission des lois sur les autres articles de la proposition de loi, soit véritablement indispensable d'un point de vue juridique.
En pratique, en effet, personne n'a jamais considéré que le bracelet GPS, qui permettra le contrôle à distance de la localisation du condamné, pourrait être installé sur l'intéressé de force et contre sa volonté. M. le rapporteur a d'ailleurs fait sur ce sujet une démonstration des plus parlantes.
L'adhésion du condamné sera nécessaire à la mise en oeuvre du dispositif, à la fois pour des raisons d'efficacité - cela ne pourrait pas fonctionner dans le cas contraire - et pour des raisons juridiques liées au respect de la dignité de la personne.
Cependant, en cas de refus de sa part, le condamné s'exposera soit à la mise à exécution de la peine d'emprisonnement fixée par la juridiction, soit au retrait des réductions de peine, soit à la révocation de la libération conditionnelle, selon le cadre juridique concerné.
Faut-il expressément le dire dans la loi et prévoir au surplus que la personne doit être informée que son consentement est nécessaire ? Je n'en suis pas totalement persuadé. La situation me semble en effet différente en cas d'injonction de soins, hypothèse dans laquelle cette information est déjà prévue par la loi, car sont alors en jeu des principes d'éthique médicale.
En tout état de cause, il doit être bien clair que l'amendement de la commission des lois ne signifie pas que la décision de condamnation à un suivi socio-judiciaire avec placement sous surveillance électronique mobile suppose le consentement préalable du condamné.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il ne doit pas y avoir de confusion à cet égard.
Le juge prendra librement sa décision. Le condamné sera ensuite libre de la respecter ou non. C'est en cela que l'on peut parler de consentement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Si le condamné refuse de respecter la décision du juge, il pourra de nouveau être incarcéré.
Sous le bénéfice de ces observations, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 20.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements nos 60 et 101.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, il me semble toujours nécessaire, lorsque plusieurs amendements font l'objet d'une discussion commune, que soit rappelé leur objet au moment du vote. Je rappelle donc que les amendements identiques nos 60 et 101 tendent à supprimer l'article 7.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. Nous sommes là au coeur du dispositif de la proposition de loi, qui constitue une innovation. Monsieur le garde des sceaux, nous vous avons dit ce que nous en pensions au cours de la discussion générale. Or je suis frappé de constater, après de nombreuses heures de débat, avec quelle ténacité vous exigez la mise en oeuvre d'une mesure dont vous refusez au préalable l'expérimentation. Des essais sont en cours à l'étranger, mais ils n'ont pas encore produit tous leurs effets. La période d'observation étant insuffisante, il est trop tôt pour les analyser. La question de la durée du PSEM - deux ans, quatre ans ou cinq ans - ajoute à la confusion.
Vous refusez donc, monsieur le garde des sceaux, de fixer une période d'évaluation au terme de laquelle nous pourrions légiférer de nouveau sur le PSEM, à partir des analyses auxquelles nous aurions alors procédé. Une telle attitude est navrante !
Par ailleurs, j'ai été frappé par les propos de M. le rapporteur, qui, sur tous les sujets qui viennent d'être abordés, a tenté de mettre fin au débat en réclamant qu'on lui laisse une marge de manoeuvre afin qu'il puisse discuter en commission mixte paritaire. En quelque sorte, ce que vous nous demandez, monsieur le rapporteur, c'est de vous donner un blanc-seing !
Finalement, notre débat s'enlise ; nous n'avançons pas. Nous sommes loin de l'esprit qui a prévalu au cours de la discussion générale. !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. La question de fond est de savoir si le placement sous surveillance électronique mobile est plus efficace que les moyens de lutte classique contre la récidive.
En conclusion de son rapport, Georges Fenech s'est montré pour le moins prudent à cet égard : « les expériences étrangères ont démontré que le PSEM pouvait avoir un effet dissuasif et participer à la lutte contre la récidive ».
La conclusion d'un rapport canadien, un peu antérieur, sur le placement sous surveillance électronique statique, mais que l'on peut appliquer au PSEM, est la suivante : « La surveillance électronique n'est pas plus efficace, pour prévenir la récidive et protéger la population, que les mesures traditionnelles basées sur la supervision humaine ».
J'ai donc retenu de mes lectures qu'un suivi humain, notamment s'il est renforcé, est plus efficace que le placement sous surveillance électronique mobile pour lutter contre la récidive.
Contrairement à ce qui a été dit, un suivi humain ne renforce pas l'efficacité du placement sous surveillance électronique. C'est le contraire : c'est le placement sous surveillance électronique qui, éventuellement, renforce le suivi humain, à condition que celui-ci existe.
On nous demande pourquoi nous faisons tant d'histoires au sujet du PSEM et pour quelles raisons il faudrait se priver d'un instrument de plus dans la lutte contre la récidive.
Si des moyens, à la fois financiers et en personnels, sont affectés au PSEM, alors, en effet, pourquoi se passer d'un tel instrument ? Mais ce n'est apparemment pas ce qui nous est proposé... En revanche, si la mise en oeuvre du PSEM conduit à amputer les crédits et les moyens affectés à d'autres modes de lutte contre la récidive, en particulier l'accompagnement humain, ce nouvel outil sera alors contre-productif.
Les propos de M. le garde des sceaux sur la fongibilité des crédits dans le cadre de la LOLF ne sont, de ce point de vue, pas du tout rassurants !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage le point de vue de mes collègues.
La réponse de M. le garde des sceaux sur la durée d'utilisation du bracelet électronique mobile est tout à fait significative. Elle montre à quel point nous avons du mal à nous comprendre dans ce débat. Ou peut-être nous comprenons-nous trop bien...
Vous nous avez dit, monsieur le garde des sceaux, que d'ici peu, le bracelet électronique sera bien plus petit, qu'il ne posera plus de problème et qu'on pourra donc l'utiliser indéfiniment.
Je rappelle tout d'abord que nous n'en sommes pour l'instant qu'aux essais et que nous ne disposons pas, si l'on se réfère aux expériences des pays étrangers, des statistiques et du recul suffisants pour juger de l'efficacité du bracelet électronique en matière de lutte contre la récidive.
J'insiste ensuite sur le fait que le bracelet électronique est un objet visible et donc stigmatisant, qui implique la surveillance permanente d'un individu. Les problèmes qu'il pose sont donc liés non pas à sa taille, mais aux contraintes qu'il impose. Nous nageons en pleine confusion ! De plus, sa taille n'aura aucune incidence quant à son efficacité !
Concernant les moyens, votre commentaire est également intéressant, monsieur le garde des sceaux. Alors que nos collègues ont déclaré qu'ils se prononceraient en faveur du PSEM si les moyens correspondants étaient inscrits au budget, vous nous répondez que, avec la fongibilité des crédits, il n'y aura pas de problème !
Je pense effectivement que vous affecterez à ce dispositif technique des crédits destinés aux moyens humains du suivi socio-judiciaire.
Mais pourquoi finalement, mes chers collègues, ne pas décider de placer une puce électronique sous la peau de chaque citoyen dès sa naissance ?... Nous en aurions fini avec toutes ces questions. Nous n'aurions plus de soucis à nous faire : tous les problèmes seraient réglés.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, je souhaite faire un bref rappel historique. En effet, j'entends tenir sur le placement sous surveillance électronique mobile exactement les mêmes propos que ceux qui avaient été tenus sur le bracelet électronique fixe.
M. Robert Badinter. Pas par moi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, pas par vous, monsieur Badinter, mais vous n'étiez pas parlementaire à l'époque !
M. Robert Badinter. Au début de la discussion, non, mais à la fin, si !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Même le Gouvernement nous disait alors qu'il ne voulait pas de ce dispositif. Nos collègues disaient qu'il ne fonctionnerait jamais.
Je vous rends donc attentifs, mes chers collègues, au fait que nous suivons, s'agissant du PSEM, le même processus que pour le bracelet électronique fixe. Nous l'avons décidé pour pouvoir le mettre en oeuvre.
Bien entendu, ce dispositif ne va pas se développer d'une manière considérable au début. Un certain nombre de problèmes techniques doivent être résolus, et, si des expériences sont menées à l'étranger, je crois que le dispositif pourra être amélioré. Il ne s'appliquera d'ailleurs dans un premier temps qu'à certains cas.
Puis, comme nous l'avons toujours fait, puisque c'est le rôle du Parlement, nous évaluerons le dispositif, c'est-à-dire la manière dont il fonctionne. Vous avez d'ailleurs noté, monsieur le garde des sceaux, que nous avions été prudents sur les durées : ce point aussi peut évoluer.
Par ailleurs, il me paraît judicieux de prévoir un rendez-vous au bout de deux ans. Je dis bien un « rendez-vous » parce que la durée ne peut pas être fixée a priori. C'est le juge de l'application des peines qui déterminera les modalités d'application. Mais, bien entendu, j'en suis d'accord, c'est la juridiction de jugement qui décidera du recours au PSEM dans le suivi socio-judiciaire.
L'essentiel, c'est de créer cet outil nouveau, qui ne vise pas à en remplacer d'autres, mais qui offre à la justice une possibilité supplémentaire d'assurer le traitement de la récidive. En ce qui concerne la durée, les modalités d'application de la mesure et les cas où elle peut s'appliquer, on verra.
M. Charles Gautier. Avec quels moyens surtout !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Une jurisprudence sera même rapidement définie.
Je vous rappelle d'ailleurs, mes chers collègues, que s'agissant du bracelet électronique fixe, nous avions été prudents, réservant d'abord son application à l'aménagement des fins de peine. Monsieur le garde des sceaux, vous aurez noté, à cet égard, que le Sénat fait preuve d'une certaine cohérence. Par la suite, il a été question de l'utiliser pour les courtes peines.
Nous suivons donc le même processus. Il n'est pas question, comme certains voudraient le faire accroire, de permettre que des personnes condamnées soient désormais placées pendant très longtemps sous surveillance électronique sans un minimum d'adhésion de leur part. C'est un nouvel outil extrêmement intéressant, qui pourrait avoir un effet dissuasif, beaucoup le disent. Il faut donc décider de sa création et, ensuite, le mettre en oeuvre.
Monsieur le garde des sceaux, je n'aime pas beaucoup que l'on modifie les lois sans cesse, mais, en l'occurrence, quand le dispositif aura monté en puissance, il faudra y revenir assez vite pour en vérifier la fiabilité et, éventuellement, en prévoir l'évolution.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Je voudrais tout de même rappeler que nous avons considéré ce dispositif comme extrêmement utile. Je suis donc surpris d'entendre certains aujourd'hui, au sein de cet hémicycle, affirmer péremptoirement, alors que nous manquons de recul, que ce dispositif ne servira à rien, qu'il faut se contenter de suivi humain et surtout ne pas expérimenter ce nouvel outil.
Nous sommes tous d'accord ici, comme sans doute le sont les membres de l'Assemblée nationale, pour reconnaître que le suivi humain est indispensable pour aider les personnes condamnées à sortir des situations difficiles dans lesquelles elles se trouvent. Pour autant, le suivi humain ne remplacera jamais un dispositif tel que le bracelet électronique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est l'inverse !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est l'inverse ! Le bracelet électronique n'empêchera pas de commettre des actes indélicats !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Laurent Béteille. Je dis bien : le dispositif électronique permet un suivi permanent, ce que ne pourra jamais faire le suivi humain. Par conséquent, il apporte quelque chose de nouveau et d'extrêmement utile.
Mes chers collègues, j'attire aussi votre attention sur le fait que nous souhaitons utiliser ce dispositif sans stigmatiser l'individu. A la différence de ce qui se passe aux Etats-Unis par exemple, où l'on souhaite que le dispositif soit apparent de façon que tout le monde voie bien que la personne subit une peine, nous souhaitons que le dispositif soit discret, qu'il permette une surveillance, qu'il soit un moyen de prévenir la récidive et non de stigmatiser l'individu.
Sur la durée, effectivement, nous nous posons un certain nombre de questions. Sur ce point, nous n'avons pas de certitude absolue.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet !
M. Laurent Béteille. Il faut probablement être prudent. Nous n'avons, c'est vrai, aucun recul. C'est pourquoi prévoir une durée de deux ans renouvelable me paraît une bonne idée.
On peut d'ailleurs imaginer qu'au bout de deux ans les obligations imposées à l'individu seront modifiées. S'il se conduit bien, on pourra, tout en maintenant le dispositif, alléger ces obligations. Cela rendra peut-être la situation plus supportable et permettra de prolonger la période de deux ans, période qui a été présentée, dans le rapport dont nous avons tous le nom à l'esprit, comme un maximum qui ne pourrait être dépassé. Pour ma part, je pense que la durée doit pouvoir être renouvelée, mais il ne faut pas le faire n'importe comment et, à cet égard, des possibilités restent à explorer.
Un problème se pose également concernant les peines auxquelles ce dispositif s'appliquera. Là aussi, une expérimentation me paraît nécessaire. Aussi, je partage totalement l'avis que vient d'exprimer M. le président de la commission des lois : il faudra, dans un proche avenir, revenir sur ces dispositions de façon à les améliorer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. M. Béteille vient de dire que nous nous exprimions péremptoirement. Si vous le permettez, mes chers collègues, je vais faire une intervention qui ne sera, en aucun cas, péremptoire.
De notre débat, tant en commission qu'en séance publique, j'ai tiré la conclusion que, sur trois points, il existait des doutes, des incertitudes et des ambiguïtés.
Or, lorsque nous élaborons la loi de la République, il nous faut, au préalable, lever, autant que faire se peut, les doutes, les incertitudes et les ambiguïtés.
Le premier des trois points sur lesquels portent ces interrogations concerne la durée pendant laquelle peut être posé ce dispositif.
On a entendu tout et son contraire au cours de ce débat. Dans le rapport de M. Fenech, je lis à la page 57 : « Compte tenu de tous ces éléments recueillis tant en France qu'à l'étranger, la mission estime que la durée maximum du placement sous surveillance électronique mobile ne saurait excéder deux années. »
Le deuxième point concerne les moyens.
Pour mettre en oeuvre ce dispositif et pour suivre les personnes à qui sera imposé le port d'un bracelet électronique, il faut des moyens, notamment des moyens humains. A cet égard, je dois dire que nous n'avons obtenu aucune réponse concrète et crédible.
Or, afin de prévenir la récidive, ce qui est l'objet de notre débat, la première des choses à faire est d'éviter, comme le disait Robert Badinter, hier, à cette tribune, qu'à leur sortie de prison les détenus libérés se retrouvent sur le trottoir sans aucun suivi.
On a cité les chiffres relatifs aux juges de l'application des peines et ceux qui concernent les services du ministère de la justice chargés de suivre les personnes libérées. Des questions ont alors été posées auxquelles aucune réponse concrète n'a été apportée. Nous sommes donc dans l'incertitude la plus grande !
J'en viens au troisième point d'incertitude.
Tout serait clair, si on admettait que le port du bracelet électronique est une forme de peine, qu'il n'est imposé que pour l'exécution d'une peine, que c'est donc l'une des modalités de l'exécution d'une peine décidée par des magistrats. C'est en tout cas ce que M. Fenech a dit lors de son audition en commission.
Au lieu de cela, nous sommes dans l'ambiguïté, comme le prouvent certaines rédactions et déclarations complexes, voire contournées. Finalement, plane sur ce débat l'idée de la peine après la peine, selon diverses modalités.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai ce sentiment et je fais part de mes impressions.
Puisque, sur trois points principaux, des incertitudes demeurent, soit pour des raisons de fait, soit parce que le Gouvernement a décidé, pour ce qui le concerne, de ne pas les lever, nous pensons que la sagesse est de ne pas s'engager dans la mise en oeuvre d'un tel dispositif. Celui-ci peut, par ailleurs, présenter de l'intérêt, mais il faut que soient bien définies les conditions dans lesquelles il est mis en oeuvre et que soient levées les incertitudes que je viens de rappeler.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Le point de vue que je vais exprimer va peut-être vous étonner, mes chers collègues.
En tant qu'ancien médecin neuropsychiatre, il m'est arrivé de me trouver face à un détenu et de devoir prendre une décision ou apporter un avis au juge. Je puis vous assurer que l'on n'est pas péremptoire dans ces situations-là, que l'on n'a aucun élément définitif, que l'approche n'est pas scientifique. On est interpellé dans sa propre conscience : on ne veut faire courir aucun risque à la société mais on a aussi la volonté de donner toutes ses chances à l'individu sur lequel on doit émettre un avis.
C'est pourquoi, bien que n'étant pas un éminent juriste, je veux apporter ma modeste pierre, en soulignant que cette possibilité de suivi électronique peut inciter le médecin, l'expert, à donner une chance nouvelle à l'individu qu'il a en face de lui. En effet, soyons honnêtes, nous savons que, quels que soient les moyens financiers dont on dispose pour assurer le suivi, celui-ci est toujours extrêmement aléatoire.
La personne humaine est imprévisible dans ses réactions. Grâce au PSEM, l'expert pourra se dire qu'en donnant une chance supplémentaire à celui qu'il examine, il lui permettra peut-être de réussir dans sa vie, quelles que soient les épreuves qu'il a traversées ou les fautes qu'il a commises.
Je veux rendre attentive notre assemblée à cet aspect des choses. Ne présentons pas le PSEM comme un handicap. Il peut être, au contraire, un moyen au service de notre société dans sa volonté de réinsérer le maximum d'individus.
Veuillez excuser la tonalité un peu personnelle de mon témoignage. Mais je connais peu de situations où l'on est aussi démuni, où l'on se pose autant de questions.
En tant que médecin généraliste, vous pouvez, en pleine nuit, être appelé pour un patient qui fait un oedème aigu du poumon. Vous êtes loin et il vous faut choisir entre deux traitements, l'un qui peut sauver, l'autre qui peut tuer. C'est un choix redoutable, mais vous devez agir. Lorsque vous êtes expert neuropsychiatre, c'est encore pire parce que vous ne disposez pas des éléments permettant d'apprécier la réalité des sentiments et des situations.
En adoptant cette nouvelle possibilité de suivi, on allégera le poids qui pèse sur ces experts tout en donnant une chance supplémentaire à ceux qui ont peut-être été victimes de circonstances difficiles et auxquels notre rôle est, sans mettre en danger la société, d'assurer un avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Pierre-Yves Collombat. Je demande la parole.
M. le président. Vous êtes déjà intervenu pour explication de vote, mon cher collègue. Je ne peux donc vous redonner la parole sur les amendements identiques n°s 60 et 101, ce serait contraire au règlement.
La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Ce que vient de dire notre collègue Jacques Blanc est tout à fait intéressant et important. J'espère avoir l'occasion de l'entendre à nouveau quand nous aborderons la question de la mise sous surveillance judiciaire, pour laquelle, en vérité, le décideur sera le médecin psychiatre expert, car le juge suivra son avis.
M. Jacques Blanc. J'ai voté votre projet de loi visant à la suppression de la peine de mort.
M. Robert Badinter. Pour ma part, je tiens à souligner que nous sommes ici à un moment important non seulement du débat, mais aussi, je le pense, de la nécessaire prise en considération des principes du droit dans cette affaire.
J'indiquerai tout d'abord que je suis un partisan résolu de toutes mesures pouvant permettre, grâce au progrès scientifique, d'améliorer la prévention de la récidive, ainsi d'ailleurs que de limiter l'inflation de la population carcérale, ces deux aspects étant, nous le savons, liés.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors du débat sur la surveillance électronique, il apparaît clairement que mieux vaut être placé sous surveillance électronique fixe chez soi, hors de la prison, pendant un certain temps, que se trouver livré à la promiscuité que l'on constate dans certains établissements pénitentiaires, notamment dans les maisons d'arrêt.
Par conséquent, la surveillance électronique fixe ne présente pas de difficultés quand elle est limitée à quelques heures, ses avantages étant au contraire évidents. Nous savons d'ailleurs que ce dispositif a prospéré.
Toutefois, nous nous trouvons ici en présence d'un quasi-changement de nature. Ce n'est pas parce qu'il s'agit de surveillance électronique qu'il ne faut pas en mesurer les conséquences pour la personne qui y sera soumise de manière constante par le port du bracelet. C'est en effet de façon permanente, y compris la nuit, et non plus pour quelques heures passées au domicile, que celui qui aura été amené à accepter - utilisons cette litote - le port du bracelet électronique se trouvera placé sous surveillance.
Je demande à chacun d'entre vous, mes chers collègues, d'essayer d'imaginer ce que cela peut représenter sur le plan psychologique : la personne concernée portera en permanence le bracelet électronique, elle ne pourra le retirer pour dormir, elle perdra toute intimité, elle portera à tout moment, plus ou moins ostensiblement, la preuve qu'elle est un condamné pour crime sexuel que l'on tient sous haute surveillance.
Nous rencontrons donc là des problèmes qui sont, à ma connaissance, sans précédent dans notre droit, puisque l'on n'a jamais eu recours, jusqu'à présent, à de tels procédés. Il existe des impératifs, correspondant à des valeurs de nos sociétés, qui s'appellent le respect de la dignité de la personne humaine, le droit à l'intimité, fût-ce pour un criminel condamné, que l'on essaie d'ailleurs aujourd'hui de garantir dans les prisons centrales.
Or le risque est évident, comme l'ont souligné des psychiatres lors de leur audition par la commission des lois, que, très rapidement, une telle surveillance constante, car c'est bien de cela qu'il s'agit, n'emporte pour ceux qui y seront soumis certaines conséquences, que l'on n'est pas à même de véritablement prévoir et qui pourraient d'ailleurs, contrairement à ce que nous espérons, se révéler sources de dangerosité et de récidive. L'être humain est plus complexe que ne semblent souvent le croire les juristes !
Dans cette situation, considérons les expériences étrangères. Je suis frappé d'une chose : si la haute technologie de surveillance prospère non seulement dans tous les Etats occidentaux développés, mais aussi, croyez-le bien, au Japon et dans certains autres pays d'Extrême-Orient, on relève nettement, dans ces Etats qui connaissent tous des problèmes en matière de récidive, une forme de retrait, sauf aux Etats-Unis - encore ces techniques n'y sont-elles pas partout utilisées -, et plus particulièrement en Floride, laquelle ne m'est jamais apparue comme un modèle judiciaire à suivre à aucun égard, étant donné sa grande pratique de la peine de mort, ainsi que son taux d'incarcération, qui est quatorze fois supérieur au nôtre.
Tournant mon regard vers le continent européen, je voudrais donner en exemple l'approche britannique.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter. Je conclus, monsieur le président.
Les Britanniques mènent actuellement une expérience, pour un coût de 3 millions de livres, qui concerne soixante-douze personnes et dont les résultats seront connus au mois de décembre prochain. Reconnaissons que nous aurions pu nous rapprocher d'eux pour suivre cette expérimentation, dans laquelle les durées de surveillance pratiquées sont sans rapport, j'insiste sur ce point, avec ce que l'on nous propose d'inscrire dans la loi, si grand paraît le risque que j'évoquais à l'instant. J'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure, mais là est la voie : ne perdons pas de vue que l'on ne peut explorer ces nouvelles pistes qu'avec la plus extraordinaire prudence.
C'est la raison pour laquelle mes amis demandent, au nom de cette prudence, que nous mettions en place une expérimentation, comme la Constitution nous en ouvre la possibilité, plutôt que de légiférer en vue de donner une grande ampleur à l'application d'un procédé dont nul ne connaît aujourd'hui les avantages, rapportés aux risques.
M. le président. Mes chers collègues, je voudrais tout d'abord souligner, en tant que modeste rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la justice, que j'ai beaucoup appris en vous écoutant. Ce débat est très enrichissant.
Toutefois, vous permettrez au président de séance de clore maintenant la discussion des deux amendements identiques qui nous occupent, car nous avons devant nous un programme particulièrement chargé.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 60 et 101.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 61.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 62 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 63.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.
M. Jean-René Lecerf. Je souscris totalement aux propos qui ont été tenus tout à l'heure tant par M. le rapporteur que par M. le ministre sur le fait que, de toute façon, dans la rédaction du texte qui nous est présentée, l'éventualité de l'application du dispositif aux mineurs ne devrait même pas être mentionnée.
Cela étant, je voudrais que l'on prenne une précaution complémentaire, car il est des arguments que je ne peux faire miens concernant l'inapplicabilité par principe de la technique considérée aux mineurs.
En effet, je pense que certains mineurs de dix-sept ans sont plus structurés que certaines personnes de quarante-cinq ans. Par conséquent, je ne voudrais pas que l'on donne à croire que, en d'autres occasions, il sera impossible de placer des mineurs sous surveillance électronique mobile, notamment pour éviter de recourir à l'incarcération. (M. le rapporteur de la commission des lois approuve.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 64 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18, 65 et 102.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 19.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit ici de la durée du placement sous surveillance électronique mobile. Ce sujet a déjà été abordé, mais je voudrais tout de même rappeler à l'ensemble de nos collègues que les députés auteurs de la proposition de loi avaient initialement prévu de fixer cette durée à vingt ans dans le cas d'un délit et à trente ans dans celui d'un crime.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N'en jetez plus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lors de la deuxième lecture, l'Assemblée nationale a ramené ces durées à six ans et à dix ans respectivement. La commission des lois du Sénat nous propose maintenant de retenir une durée unique de quatre ans.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non : deux ans renouvelables une fois !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans le cas d'un renouvellement, deux et deux, cela fait bien quatre ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Il serait donc possible que le placement sous surveillance électronique mobile se prolonge pendant quatre ans, ce qui n'est à l'évidence pas imaginable. On a évoqué les expériences étrangères à cet égard.
J'ai d'ailleurs, pour ma part, la conviction que, si les intéressés se tiennent tranquilles pendant deux mois, trois mois, quatre mois, six mois au maximum, on sera en droit de penser que l'on « tient le bon bout ».
Dans ces conditions, il convient à notre sens de s'en tenir dans la loi à une durée de deux ans non renouvelable. Je le répète, M. Fenech estime qu'il s'agit là d'un maximum, et nous sommes pleinement d'accord avec lui sur ce point. D'ailleurs, lors de son audition, chacun des membres de la commission des lois avait semblé parfaitement convaincu de la pertinence de cette disposition.
Voilà pourquoi nous ne voterons pas l'amendement de la commission des lois tendant à fixer la durée maximale de placement sous surveillance électronique à quatre ans, et non pas à deux ans, puisqu'il est prévu que cette durée soit renouvelable.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 66 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 67.
M. Pierre-Yves Collombat. Le problème qui se pose ici est de savoir si l'on peut légiférer sans se soucier des conditions d'application des dispositions prises.
Ainsi, peut-on se contenter d'accroître le recours à l'emprisonnement sans se préoccuper de l'état des prisons ? Dans le cas présent, peut-on introduire un dispositif nouveau, si intéressant soit-il, sans se soucier des conditions de son application, et surtout sans se demander si les moyens de le faire fonctionner seront ou non imputés sur les maigres ressources actuellement dévolues à l'application des peines ?
Ce n'est pas péremptoire de s'interroger sur ce point, monsieur Béteille.
M. Laurent Béteille. C'est humoristique !
M. Pierre-Yves Collombat. Les personnes chargées de l'application des peines voient dans la mise en place de ce processus un risque de diminution des crédits qui leur sont alloués.
Lorsque, à la lecture du rapport Fenech, on constate que les coûts sont incertains, que la procédure est complexe à mettre en oeuvre puisqu'il est proposé de nommer quelqu'un pour s'en occuper, il ne me semble pas « péremptoire » de poser toutes ces questions !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y aura encore moins de psychiatres !
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Je rappelle à mon tour, après M. le garde des sceaux, que certains textes ont été votés dans le passé sans que les moyens aient été mis en place,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est dommage !
M. Laurent Béteille. ...et ce du temps de la précédente législature. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est inutile de persévérer !
M. Laurent Béteille. Pour ma part, je fais tout à fait confiance au Gouvernement pour que ce dispositif puisse être mis en oeuvre sans concurrencer d'autres dispositifs qui ont leur utilité.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Après l'article 763-9 du code de procédure pénale, il est inséré un titre VII ter ainsi rédigé :
« TITRE VII TER
« DU PLACEMENTSOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE MOBILEÀ TITRE DE MESURE DE SÛRETÉ
« Art. 763-10. - Un an au moins avant la date prévue de sa libération, la personne condamnée au placement sous surveillance électronique mobile en application des articles 131-36-9 à 131-36-12 du code pénal fait l'objet d'un examen destiné à évaluer sa dangerosité et à mesurer le risque de commission d'une nouvelle infraction.
« Cet examen est mis en oeuvre par le juge de l'application des peines, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté composée selon des modalités déterminées par le décret prévu à l'article 763-14. Les dispositions de l'article 712-16 sont applicables.
« Au vu de cet examen, le juge de l'application des peines détermine, selon les modalités prévues par l'article 712-6, la durée pendant laquelle le condamné sera effectivement placé sous surveillance électronique mobile. Cette durée ne peut excéder trois ans en matière délictuelle et cinq ans en matière criminelle, renouvelable une fois.
« Six mois avant l'expiration du délai fixé, le juge de l'application des peines statue, selon les mêmes modalités, sur la prolongation du placement sous surveillance électronique mobile dans la limite prévue à l'alinéa précédent.
« A défaut de prolongation, il est mis fin au placement sous surveillance électronique mobile.
« Art. 763-11. - Pendant la durée du placement sous surveillance électronique mobile, le juge de l'application des peines peut d'office, sur réquisitions du procureur de la République ou à la demande du condamné présentée, le cas échéant, par l'intermédiaire de son avocat, modifier, compléter ou supprimer les obligations résultant dudit placement.
« Art. 763-12. - Le condamné placé sous surveillance électronique mobile est astreint au port, pendant toute la durée du placement, d'un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l'ensemble du territoire national.
« Ce dispositif est installé sur le condamné au plus tard une semaine avant sa libération.
« Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre de la justice. Sa mise en oeuvre doit garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne et favoriser sa réinsertion sociale.
« Art. 763-13. - Le contrôle à distance de la localisation du condamné fait l'objet d'un traitement automatisé de données à caractère personnel, mis en oeuvre conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Dans le cadre des recherches relatives à une procédure concernant un crime ou un délit, les officiers de police judiciaire spécialement habilités à cette fin sont autorisés à consulter les données figurant dans ce traitement.
« Art. 763-14. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent titre. Ce décret précise notamment les conditions dans lesquelles l'évaluation prévue par l'article 763-10 est mise en oeuvre.
« Les dispositions de ce décret relatives au traitement automatisé prévu à l'article 763-13, qui précisent, notamment, la durée de conservation des données enregistrées, sont prises après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 68 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 103 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 68.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet article comprend un certain nombre de dispositions qui nous paraissent contestables ou du moins discutables.
Premièrement, tout à l'heure notre collègue Jacques Blanc évoquait la difficulté d'évaluer la dangerosité d'un individu, de prévoir ses comportements. Or tout le projet repose justement sur l'idée que l'on peut évaluer de façon suffisamment fiable et objective la dangerosité de quelqu'un. A ma connaissance, ceux qui s'y sont risqués avec le plus de constance, à savoir les Canadiens, ont obtenu des résultats qui, s'ils sont intéressants, ne sont pas merveilleux. Par conséquent, le fait de fonder tout un système sur la possibilité de déterminer de façon objective la dangerosité d'un individu est pour le moins contestable.
Deuxièmement, mais nous en avons déjà longuement débattu, cet article pose de nouveau le problème de la durée.
Enfin, troisièmement, je citerai une phrase de cet article qui, si elle n'est pas humoristique, laisse tout de même un peu rêveur : « Sa mise en oeuvre - celle du dispositif de placement sous surveillance électronique mobile - doit garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne et favoriser sa réinsertion sociale. » Comme le disait Elias Canetti, « le papier supporte tout », mais tel n'est pas l'objectif premier de ce dispositif, qui est en fait de faciliter les enquêtes !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 103.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 69 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le texte proposé par cet article pour l'intitulé du titre VII ter du livre V du code de procédure pénale, supprimer les mots :
à titre de mesure de sûreté
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 21.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 21 a le même objet que l'amendement n° 14, je ne reprendrai donc pas mon argumentation.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 69.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 69 est défendu.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 763-10 du code de procédure pénale :
Cette durée ne peut excéder deux ans renouvelable une fois.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
Cette durée ne peut excéder
Rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 763-10 du code de procédure pénale :
deux ans
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un amendement de repli et de coordination.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 763-10 du code de procédure pénale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge de l'application des peines rappelle au condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement, mais que, s'il le refuse ou s'il manque à ses obligations, l'emprisonnement prononcé en application de l'article 131-36-1 du code pénal pourra être mis à exécution.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 763-10 du code de procédure pénale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge de l'application des peines rappelle au condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Amendement de repli et de coordination.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer les deux derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 763-10 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Amendement de repli et de coordination.
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par M. Courtois et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 763-14 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée :
Il précise également les conditions d'habilitation des personnes de droit privé auxquelles peuvent être confiées les prestations techniques détachables des fonctions de souveraineté concernant la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile et relatives notamment à la conception et à la maintenance du dispositif prévu à l'article 763-12 et du traitement automatisé prévu à l'article 763-13.
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois
M. Jean-Patrick Courtois. Le rapport de M. Fenech relatif au placement sous surveillance électronique mobile prévoit le choix d'un prestataire de service privé.
Il indique notamment : « A l'instar du placement sous surveillance électronique statique, l'administration n'est pas à même de fournir le matériel de surveillance. En conséquence, le recours à un prestataire de service privé sous contrat chargé de mettre à la disposition des autorités françaises le matériel de surveillance électronique - un logiciel de surveillance, des équipements de surveillance -, d'en assurer la maintenance et de former les agents utilisateurs est donc nécessaire. »
Dans ces conditions, comme le Sénat l'a prévu pour le placement sous surveillance électronique fixe dans la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, il convient de prévoir expressément que des personnes de droit privé habilitées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat pourront intervenir dans la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique.
Afin de respecter totalement les exigences constitutionnelles, il convient de préciser que seules « des prestations techniques détachables des fonctions de souveraineté » pourront être confiées à ces personnes habilitées.
Les conditions d'habilitation de ces personnes et de leurs agents seront similaires à celles prévues par les articles R. 57-23 à R. 57-30 du code de procédure pénale concernant le placement sous surveillance électronique fixe, résultant du décret du 17 mars 2004 pris à la suite de la loi du 9 septembre 2002.
Le rôle des personnes habilitées et de leurs agents sera précisé par le décret d'application des nouvelles dispositions qui est prévu par l'article 763-14. Il convient de rappeler que les dispositions de ce décret qui concerneront le rôle de ces personnes habilitées dans la conception et la maintenance du traitement automatisé nécessaire au fonctionnement du placement seront prises après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, comme le prévoit le deuxième alinéa de l'article 763-14.
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 763-14 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce dispositif entrera en vigueur après que Parlement aura voté les crédits nécessaires à sa mise en oeuvre. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques nos 68 et 103.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 70, qui est un amendement de coordination avec l'amendement n° 66.
L'amendement n° 71 est en partie satisfait par l'amendement n° 23 de la commission ; celle-ci émet donc un avis défavorable.
Elle émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 72.
L'amendement n° 38 rectifié, présenté par M. Courtois, est très intéressant. Il peut en effet être utile de prévoir le recours au secteur privé pour les aspects techniques de la surveillance électronique mobile ; c'est d'ailleurs une possibilité qui est déjà utilisée pour le bracelet électronique fixe.
La rédaction proposée offre toutes les garanties nécessaires puisqu'elle reprend les termes de la décision du 29 août 2002 du Conseil constitutionnel en ce qu'elle réserve aux personnes de droit privé les seules prestations techniques détachables des fonctions de souveraineté. Il nous semble en conséquence assez clair que la pose du matériel, la surveillance et, le cas échéant, les interventions nécessaires incombent à des agents publics. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 73.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 68 et 103.
Il s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques nos 21 et 69.
Il est défavorable aux amendements nos 22 et 70.
Il s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 23 ; il est en conséquence défavorable à l'amendement n° 71.
Il est également défavorable à l'amendement n° 72.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 38 rectifié, dans le respect des décisions du Conseil constitutionnel et, évidemment, pour ce qui ne relève pas du domaine régalien.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 73.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 68 et 103.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ferait beau voir que le Sénat vote différemment sur l'article 8 et sur l'article 7. Ce psittacisme, qui consiste à répéter quasiment la même chose d'abord dans le code pénal, à l'article 7, puis dans le code de procédure pénale, à l'article 8, est extrêmement dangereux. Quel en est l'intérêt ? Cela simplifie-t-il le travail des praticiens ? Ces deux codes ne doivent-ils pas être différents l'un de l'autre ?
Notre premier amendement présente l'avantage de supprimer des dispositions qui, s'il est adopté, ne figureront que dans le seul code pénal.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 68 et 103.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 69.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 22.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Supposez que l'on n'adopte pas cette formulation alors qu'elle figure à l'article 7. De deux choses l'une : ou bien nous supprimons l'article 8 ou bien les articles 7 et 8 étant homothétiques, il faudra prévoir une harmonisation afin que les dispositions ne diffèrent pas
J'aurais aimé que la commission ou le Gouvernement nous réponde sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je ne comprends pas les interventions de M. Dreyfus-Schmidt : il a parfaitement compris que l'article 8 est un article de coordination avec l'article 7 qui le précède. Cela n'a donc pas de sens d'essayer de faire voter le Sénat différemment d'un article à l'autre. En tout cas, on ne peut pas reprocher au Sénat d'émettre des votes cohérents !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi faire figurer la même chose dans les deux codes ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Si vous voulez, nous pouvons voter tous les articles en même temps, cela ira plus vite ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 70 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 71 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 72.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne prenons plus part au vote sur ces articles répétitifs.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 38 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Avant d'arrêter ma position, je souhaite poser une question à M. le garde de sceaux.
S'agissant des prestations qui pourraient être assurées par un opérateur privé, la surveillance est-elle ou non considérée comme une prestation technique ?
Assurer la maintenance d'un matériel est une chose, le faire fonctionner en est une autre tout à fait différente !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'ai déjà répondu à cette question, monsieur Collombat : dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tout ce qui est régalien sera accompli par des agents publics - comme la pose du bracelet - et tout ce qui est de l'ordre de l'entretien pourra être effectué par une entreprise privée !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la surveillance ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 8 bis AA
L'article 763-3 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge de l'application des peines peut également, après avoir procédé à l'examen prévu à l'article 763-10, ordonner le placement sous surveillance électronique mobile du condamné. Le juge de l'application des peines informe le condamné que, s'il ne respecte pas l'obligation de porter l'émetteur prévu à l'article 763-12, l'emprisonnement prononcé en application du troisième alinéa de l'article 131-36-1 du code pénal pourra être mis à exécution. Les dispositions du deuxième alinéa du présent article sont applicables. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 104, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Aux termes de l'article nouveau 8 bis AA, même si la juridiction de jugement n'a pas prononcé le placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines pourrait néanmoins l'ordonner au cours de ce suivi après l'examen d'évaluation de la dangerosité.
Par cohérence avec notre position sur l'article 7, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du texte proposé par cet article pour compléter l'article 763-3 du code de procédure pénale :
« Le tribunal de l'application des peines...
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Aux termes de l'article 8 bis AA, le placement sous surveillance électronique pourrait être décidé par le juge de l'application des peines, dans l'hypothèse où ce placement n'aurait pas été décidé par la juridiction de jugement.
La commission propose de réserver cette compétence au tribunal de l'application des peines, qui présente les garanties d'une juridiction collégiale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah tiens !
M. le président. L'amendement n° 124, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour compléter l'article 763-3 du code de procédure pénale, remplacer le mot :
ordonner
par le mot :
proposer
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. A la suite des éclaircissements apportés tout à l'heure par M. le garde des sceaux et des explications données par les uns et les autres, je retire cet amendement
Dans le texte proposé pour cet article, le terme « ordonner » est donc conservé : le tribunal d'application des peines ordonnera, et ce ne sera pas à la carte !
M. le président. L'amendement n° 124 est retiré.
L'amendement n° 125 rectifié, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi les deux dernières phrases du texte proposé par cet article pour compléter l'article 763-3 du code de procédure pénale :
Le tribunal de l'application des peines avertit le condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement, mais que, s'il le refuse ou s'il manque à ses obligations, l'emprisonnement prononcé en application de l'article 131-36-1 du code pénal pourra être mis à exécution. Les dispositions des articles 712-7, 712-11 (2°) et 712-14 sont applicables.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec les dispositions qui ont été votées à l'article 7.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 104 ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 104.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 24 de la commission, qui confie au tribunal de l'application des peines, et non au juge de l'application des peines, le soin de décider qu'une personne déjà condamnée à un suivi socio-judiciaire pourrait être placée sous surveillance électronique mobile. Il est vrai qu'une telle disposition renforce les garanties judiciaires.
Sur l'amendement n° 125 rectifié, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis AA, modifié.
(L'article 8 bis AA est adopté.)
Article 8 bis A
Après l'article 731 du code de procédure pénale, il est inséré un article 731-1 ainsi rédigé :
« Art. 731-1. - La personne faisant l'objet d'une libération conditionnelle peut être soumise aux obligations qui sont celles du suivi socio-judiciaire, y compris l'injonction de soins, si elle a été condamnée pour un crime ou un délit pour lequel cette mesure était encourue.
« Cette personne peut alors être également placée sous surveillance électronique mobile dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 763-10 à 763-14. »
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Il s'agit d'un amendement de coordination avec les positions que nous avons défendues précédemment.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission maintient la position qui fut la sienne lors de l'examen de ce texte en première lecture : elle est très favorable à l'utilisation du bracelet électronique dans le cadre de la libération conditionnelle.
Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mme Mathon et ses collègues savent-ils que la libération conditionnelle s'accompagne obligatoirement d'un suivi socio-judiciaire ?
Ce suivi socio-judiciaire peut prendre la forme d'une injonction de soins, d'une interdiction d'aller à tel endroit ou d'un bracelet électronique mobile.
En tout état de cause, l'adoption de cet amendement supprimerait la libération conditionnelle. Je ne pense pas, madame Mathon, que telle soit votre intention !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les membres du groupe socialiste votent, non pas systématiquement, mais contre tous les articles qui mettent d'ores et déjà en place un système qui, de l'avis de tous, n'est pas applicable !
Par ailleurs, je crois me rappeler que le suivi socio-judiciaire avait été voté à l'unanimité. Mais qu'ont fait les différents gouvernements depuis 2002 pour fournir les moyens de sa mise en application !
Il est trop facile de critiquer ceux qui n'ont pas eu le temps d'agir, mais qui ont fourni des efforts importants, quoi qu'en ait dit monsieur le garde des sceaux !
M. le président. Nous en revenons à l'article 5 bis, qui avait été précédemment réservé.
Article 5 bis (précédemment réservé)
Après l'article 723-28 du code de procédure pénale, il est inséré une section 9 ainsi rédigée :
« Section 9
« Dispositions relatives à la surveillance judiciairedes auteurs de crimes ou de délits sexuels
« Art. 723-29. - Lorsqu'une personne a été condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, le juge de l'application des peines peut, sur réquisitions du procureur de la République, ordonner à titre de mesure de sûreté et aux seules fins de prévenir une récidive dont le risque paraît avéré, qu'elle sera placée sous surveillance judiciaire dès sa libération et pendant une durée qui ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires dont elle a bénéficié et qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de retrait.
« Art. 723-30. - La surveillance judiciaire peut comporter les obligations suivantes :
« 1° Obligations prévues par l'article 132-44 et par les 2°, 3°, 8°, 9°, 11°, 12°, 13° et 14° de l'article 132-45 du code pénal ;
« 2° Obligations prévues par les articles 131-36-2 (1°, 2° et 3°) et 131-36-4 du même code ;
« 3° Obligation prévue par l'article 131-36-12 du même code.
« Art. 723-31. - Le risque de récidive mentionné à l'article 723-29 doit être constaté par une expertise médicale ordonnée par le juge de l'application des peines conformément aux dispositions de l'article 712-16, et dont la conclusion fait apparaître la dangerosité du condamné. Cette expertise peut être également ordonnée par le procureur de la République.
« Art. 723-32. - La décision prévue à l'article 723-29 est prise, avant la date prévue pour la libération du condamné, par un jugement rendu conformément aux dispositions de l'article 712-6, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. Lors du débat contradictoire prévu par l'article 712-6, le condamné est obligatoirement assisté par un avocat choisi par lui, ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier.
« Le jugement précise les obligations auxquelles le condamné est tenu, ainsi que la durée de celles-ci.
« Art. 723-33. - Le condamné placé sous surveillance judiciaire fait également l'objet de mesures d'assistance et de contrôle destinées à faciliter et à vérifier son reclassement.
« Ces mesures et les obligations auxquelles le condamné est astreint sont mises en oeuvre par le juge de l'application des peines assisté du service pénitentiaire d'insertion et de probation, et, le cas échéant, avec le concours des organismes habilités à cet effet.
« Art. 723-34. - Le juge de l'application des peines peut modifier les obligations auxquelles le condamné est astreint, par ordonnance rendue selon les modalités prévues par l'article 712-8.
« Si le reclassement du condamné paraît acquis il peut, par jugement rendu selon les modalités prévues par l'article 712-6, mettre fin à ces obligations.
« Si le comportement ou la personnalité du condamné le justifie, il peut, par jugement rendu selon les modalités prévues par l'article 712-6, décider de prolonger la durée de ces obligations, sans que la durée totale de celles-ci ne dépasse celle prévue à l'article 723-29.
« Art. 723-35. - En cas d'inobservation par le condamné des obligations et interdictions qui lui ont été imposées, le juge de l'application des peines peut, selon les modalités prévues par l'article 712-6, retirer tout ou partie de la durée des réductions de peine dont il a bénéficié et ordonner sa réincarcération. Les dispositions de l'article 712-17 sont applicables.
« Art. 723-36. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables si la personne a été condamnée à un suivi socio-judiciaire ou si elle fait l'objet d'une libération conditionnelle.
« Art. 723-37. - Un décret détermine en tant que de besoin les modalités et les conditions d'application des dispositions de la présente section. »
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 55 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 96 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 55.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La section que vise à insérer dans le code de procédure pénale l'article 5 bis de la proposition de loi traite des « dispositions relatives à la surveillance judiciaire des auteurs de crimes de délits sexuels ».
En page 50 du rapport, il est écrit : « L'article 723-36 du code de procédure pénale prévoit que la surveillance ne serait pas applicable aux personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire ou bénéficiant d'une libération conditionnelle. En effet, ces deux autres mesures relèvent de régimes juridiques différents. Dès lors, la surveillance judiciaire constituerait une troisième modalité du recours au placement sous surveillance électronique mobile, le champ des infractions considérées restant cependant dans les trois cas similaires. »
On applique donc trois procédures différentes aux mêmes infractions. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à cet article.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 96.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette nouvelle forme de surveillance est surprenante. Elle vise les délinquants et criminels sexuels. Or le suivi socio-judiciaire est déjà une mesure de surveillance des personnes qui ont été condamnées pour une infraction de nature sexuelle.
Par ailleurs, cet article introduit l'obligation, pour le condamné, de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction du jugement, à des mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive.
La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder dix ans en cas de condamnation pour délit ou vingt ans en cas de condamnation pour crime.
Les contraintes qui en découlent sont donc très lourdes. La durée du suivi est extrêmement longue et, en sus de l'injonction de soin qui peut être ordonnée, de nombreuses interdictions existent pour la personne qui y est soumise.
Pourquoi créer, dans ces conditions, un nouveau moyen de surveillance des délinquants sexuels alors que, d'une part, des mesures de suivi existent et que, d'autre part, elles sont pour la plupart inappliquées ?
En réalité, c'est un moyen de faire adopter le placement sous surveillance électronique comme une mesure de sûreté et non comme une modalité de la surveillance judicaire !
En tout état de cause, dans la logique de ce que nous avons dit précédemment, nous sommes défavorables à cet article.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'intitulé de la section 9 du chapitre II du titre II du livre V du code de procédure pénale :
« Dispositions relatives à la surveillance judiciaire des personnes dangereuses condamnées pour crime ou délit.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 723-33 du code de procédure pénale, remplacer les mots :
son reclassement
par les mots :
sa réinsertion
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 9 tend à remplacer le mot « reclassement », qui ne nous paraît pas très heureux, par le mot « réinsertion ».
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 723-34 du code de procédure pénale :
Si la réinsertion du condamné paraît acquise, il peut, ....
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 10 a le même objet que l'amendement n° 9.
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 723-34 du code de procédure pénale, remplacer les mots :
l'article 712-6
par les mots :
la seconde phrase du premier alinéa de l'article 723-32
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 11 rectifié est important. Il tend à prévoir l'assistance obligatoire de l'avocat, non seulement, comme le précise déjà l'article 723-32 du code de procédure pénale, lors de la décision initiale du juge de l'application des peines, mais aussi lorsque ce dernier décide de prolonger la durée de la surveillance. De la sorte, le principe du débat contradictoire sera respecté.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 723-35 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge de l'application des peines avertit le condamné que les mesures prévues aux articles 131-36-4 et 131-36-12 du code pénal ne pourront être mises en oeuvre sans son consentement, mais que, s'il les refuse, tout ou partie de la durée des réductions de peine dont il a bénéficié pourra, en application du premier alinéa, lui être retiré.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 12 vise, par cohérence avec les conditions posées par la commission des lois au recours au placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire, à instaurer l'obligation pour le juge de l'application des peines d'avertir l'intéressé que le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être mis sans son consentement, mais que, s'il le refuse, le juge de l'application des peines peut décider de retirer tout ou partie de la durée des réductions de peines dont il aurait pu bénéficier.
Il s'agit d'un amendement de cohérence avec les dispositions que nous venons de voter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 55 et 96 ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 55 et 96, qui visent à supprimer l'article 5 bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Sur les amendements identiques n°s 55 et 96, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je ne reviens pas sur la suppression du placement sous surveillance judiciaire ; nous en avons déjà parlé pendant de nombreuses heures puisque nous sommes en deuxième lecture.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pourquoi l'article 5 bis a été réservé !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, ce n'est pas pour cela !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous avons déjà longuement discuté du sujet à l'article 7 !
Pour ce qui est de l'amendement n° 8 de la commission, le Gouvernement émet un avis favorable.
En effet, comme l'a fait très justement observer le rapporteur, ces dispositions s'appliqueront non seulement aux crimes ou délits sexuels, mais également aux autres infractions, comme les incendies volontaires. L'intitulé de la section 9 est donc heureusement amendé.
En ce qui concerne l'amendement n° 9, il s'agit, là encore, d'une amélioration rédactionnelle, et le Gouvernement remercie le rapporteur.
Le texte proposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale mentionnait le terme « reclassement », car ce dernier figure à l'article 731 du code de procédure pénale sur la libération conditionnelle. Mais, je l'avoue, le terme « réinsertion » est de loin préférable.
Ces observations valent également pour l'amendement n° 10.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 11 rectifié, car les garanties supplémentaires proposées paraissent justifiées.
S'agissant de l'amendement n° 12, pour les raisons déjà évoquées, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 55 et 96.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi ajouter la surveillance judiciaire au suivi socio-judiciaire, alors que ces dispositions s'appliqueraient exactement aux mêmes cas ? Pour une raison très simple et c'est d'ailleurs pourquoi la réserve de l'article 5 bis avait été demandée : il s'agit d'une trouvaille de M. le garde des Sceaux pour essayer de tourner la règle selon laquelle il n'y a pas d'application immédiate d'un texte qui prévoit une peine. C'est un tour de passe-passe !
C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés à cet article, dont nous demandons la suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 55 et 96.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 8.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite poser une question qui a été évoquée tout à l'heure par M. le garde des sceaux et qui a été abordée dans diverses interventions : dispose-t-on de statistiques sur la récidive des incendiaires volontaires ? Si, en général, ces individus allument une série d'incendies avant d'être pris, sauf erreur de ma part, une fois qu'ils sont arrêtés, ils ne figurent pas parmi les récidivistes les plus notoires.
Cet ajout procède-t-il d'une véritable réflexion ? Par ailleurs, existe-t-il des éléments d'appréciation pour ce genre de criminalité ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je ne peux pas vous donner de chiffres, monsieur Collombat ; je ne sais même pas s'ils existent. Mais quand bien même y aurait-il un seul criminel ayant allumé des incendies volontaires et en état de récidive, lui voir appliquer les présentes dispositions ne me gênerait pas. (M. le président de la commission fait un signe d'approbation.)
De plus, chacun sait que les incendiaires volontaires ont un comportement qui témoigne de troubles psychiques. Ils ont donc parfaitement leur place dans le dispositif que nous votons aujourd'hui.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis, modifié.
(L'article 5 bis est adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE
Article 13 AA
I. - L'article 221-9-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 221-9-1. - Les personnes physiques coupables des crimes prévus par la section 1 du présent chapitre encourent également le suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13. »
II. - Après l'article 224-9 du même code, il est inséré un article 224-10 ainsi rédigé :
« Art. 224-10. - Les personnes physiques coupables des crimes prévus par la section 1 du présent chapitre encourent également le suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13. » (Adopté.)
Article 13 A
I. - Le début de l'article 222-48-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Les personnes physiques coupables de tortures ou d'actes de barbarie ou des infractions... (le reste sans changement). »
II. - A la fin du même article 222-48-1, la référence : « 131-36-8 » est remplacée par la référence : « 131-36-13 ».
III. - A la fin de l'article 227-31 du même code, la référence : « 131-36-8 » est remplacée par la référence : « 131-36-13 ». (Adopté.)
Article 13 B
I. - Après l'article 322-17 du code pénal, il est inséré un article 322-18 ainsi rédigé :
« Art 322-18. - Les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 322-6 à 322-11 peuvent également être condamnées à un suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13. »
II. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 322-5 du même code, les mots : « pendant huit jours au plus » sont remplacés par les mots : « pendant au moins huit jours ». (Adopté.)
Article 13
Après l'article L. 3711-4 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3711-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3711-4-1. - Si la personnalité du condamné le justifie, le médecin coordonnateur peut inviter celui-ci à choisir, soit en plus du médecin traitant, soit à la place de ce dernier, un psychologue traitant dont les conditions de diplôme et les missions sont précisées par le décret prévu à l'article L. 3711-5.
« Les dispositions des articles L. 3711-1 à L. 3711-3 applicables au médecin traitant sont applicables à ce psychologue à l'exception de celles prévues au dernier alinéa de l'article L. 3711-3. » (Adopté.)
Article 13 bis
L'article L. 3711-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il a été agréé à cette fin, le médecin traitant est habilité à prescrire au condamné, avec le consentement écrit et renouvelé, au moins une fois par an, de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la santé et qui entraînent une diminution de la libido, même si l'autorisation de mise sur le marché les concernant n'a pas été délivrée pour cette indication. » (Adopté.)
Article 14
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L'article 706-47 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions sont également applicables aux procédures concernant les crimes de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, les crimes de tortures ou d'actes de barbarie, et les meurtres ou assassinats commis en état de récidive légale. » ;
2° Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 706-53-5, après les mots : « à cette fin », sont insérés les mots : « soit auprès du commissariat ou de l'unité de gendarmerie de son domicile, soit » ;
3° Le quatrième alinéa (3°) de l'article 706-53-7 est complété par les mots : « ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions » ;
4° Le même article 706-53-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les officiers de police judiciaire peuvent également, sur instruction du procureur de la République ou du juge d'instruction ou avec l'autorisation de ce magistrat, consulter le fichier à partir de l'identité d'une personne gardée à vue dans le cadre d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire ou en exécution d'une commission rogatoire, même si cette procédure ne concerne pas une des infractions mentionnées au 2° du présent article. » ;
5° Le II de l'article 216 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cadre de ces recherches, les dispositions du premier alinéa de l'article 78 du code de procédure pénale sont applicables. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 74, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit de nouveau des fichiers ; nous notons d'ailleurs que ceux-ci sont de plus en plus nombreux. Nous avons beaucoup de mal à retenir le nom de chacun, à savoir comment ils se coordonnent entre eux, qui a le droit de les interroger, etc.
Au départ, nous nous étions opposés à la création du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, tel qu'il existe. Or, aujourd'hui, on nous propose de l'étendre encore.
Nous y sommes toujours hostiles, pour toutes les raisons que nous avions exposées à l'époque et dont je vous ferai grâce, compte tenu de l'heure.
Nous demandons donc, par cet amendement, la suppression de l'article 14.
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant le quatrième alinéa (2°) de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Avant l'article 706-53-1, l'intitulé du chapitre II du titre XIX du livre IV est ainsi rédigé : « Du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes »
...° Le début de l'article 706-53-1 est ainsi rédigé : « Le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes constitue... (le reste sans changement) »
L'amendement n° 26, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
6° Les dispositions de l'article 216 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité sont applicables aux auteurs des infractions mentionnées au dernier alinéa de l'article 706-47 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant du 1° du présent article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces deux amendements et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 74.
M. François Zocchetto, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 25 rectifié, dès lors que l'article 14 prévoit l'extension du champ d'application du fichier des auteurs d'infractions sexuelles à d'autres auteurs de crimes, nous proposons une nouvelle dénomination pour ce fichier, à savoir « fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes ».
L'amendement n° 26 tend à apporter une précision nécessaire si l'on veut que les personnes déjà condamnées pour les nouvelles infractions que nous voulons faire verser au fichier donnent lieu à inscription dans ce fichier.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement de suppression n° 74.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 74 puisqu'il tend à supprimer l'article.
Je rappelle que le FIJAIS a été adopté par le Parlement. Il est normal d'améliorer son efficacité en y ajoutant les auteurs de crimes particulièrement graves.
S'agissant de l'amendement n° 25 rectifié, il s'agit de faire en sorte que ces mesures concernent non seulement les infractions sexuelles, mais aussi les crimes de tortures ou d'actes de barbarie, les meurtres, assassinats ou empoisonnements commis en état de récidive. Faut-il pour cela modifier l'intitulé du fichier ? Je n'en suis pas convaincu.
Sur le fond, il n'y a pas de problème : c'est vous qui avez raison, monsieur le rapporteur. Sur la forme, je me demande si l'on gagnerait à changer l'appellation FIJAIS, qui commence déjà à être connue des spécialistes.
Par conséquent, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
En ce qui concerne l'amendement n° 26, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 74.
M. Robert Badinter. Michel Dreyfus-Schmidt s'est largement exprimé à propos de l'extension du fichier. Tout cela était prévisible dès le départ ! Toutefois, s'agissant de la dénomination de ce fichier, trouvez-vous que l'adjectif « violentes » soit adapté lorsqu'il s'agit de crimes atroces tels les meurtres avec réitération ou les meurtres commis avec actes de barbarie ou tortures ? Je ne vais pas me livrer à une énumération, mais ce sont les pires crimes qui soient. Alors, ne banalisez pas !
Il est clair que l'on finira par étendre ces dispositions à toutes les infractions possibles. Utilisez un autre adjectif que « violentes » ou bien ne précisez pas, comme l'a fait remarquer le garde des sceaux. Ou bien encore, proposez l'appellation suivante : « Du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions ». Ainsi, vous ouvrez la voie à l'avenir que vous nous laissez entrevoir.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Articles additionnels avant l'article 15 bis A ou après l'article 15 bis C
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 81, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 15 bis A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la section 2 du chapitre premier du titre III du livre premier du code pénal, il est inséré une sous-section 4 intitulée : « Dispositions relatives au contrôleur général des prisons » comprenant les articles 131-49-1 à 131-49-6 ainsi rédigés :
« Art. 131-49-1. - Il est institué un contrôleur général des prisons, chargé de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, ainsi que les conditions de la vie carcérale et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
« Art. 131-49-2. - Le contrôleur général des prisons est nommé en Conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable. Il est assisté de contrôleurs des prisons, dont le statut et les conditions de nomination sont définis par décret en Conseil d'Etat.
Le contrôleur général des prisons et les contrôleurs des prisons peuvent visiter à tout moment les établissements pénitentiaires. Ils ont accès à l'ensemble des locaux composant un établissement pénitentiaire. Ils peuvent s'entretenir avec toute personne, le cas échéant à sa demande, au sein des établissements pénitentiaires dans des conditions respectant la confidentialité.
« Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général. Les agents publics, en particulier les dirigeants des établissements pénitentiaires, communiquent au contrôleur général toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission.
« Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.
« Art. 131-49-3. - Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.
« Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.
Il porte à la connaissance du garde des sceaux les dysfonctionnements constatés à l'occasion des visites effectuées dans les établissements pénitentiaires.
Le contrôleur général des prisons est informé par le procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un établissement pénitentiaire. A sa demande, le contrôleur général est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également, sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.
« Art. 131-49-4. - Le contrôleur général des prisons peut proposer au Gouvernement toute modification de la législation ou de la réglementation dans les domaines de sa compétence
« Art. 131-49-5. - Le contrôleur général des prisons établit chaque année un rapport sur les résultats de son activité. Ce rapport est remis au Président de la République et au Parlement avec les réponses du garde des sceaux. Il est rendu public.
« Art. 131-49-6. - Les conditions d'application des articles 131-49-1 et 131-49-5 sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte que nous proposons par cet amendement est bien connu du Sénat puisque celui-ci l'avait voté à l'unanimité.
A la suite d'une mission sur les prisons dont le souvenir n'a pas disparu des mémoires et qui était intitulée Prisons : une humiliation pour la République, le Sénat avait proposé d'instituer un contrôleur général des prisons, chargé de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, ainsi que les conditions de la vie carcérale et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
Je me permets de lire l'essentiel de ce texte, que M. le garde des sceaux a complètement oublié - nous en avons parlé lors de la discussion générale - puisque, dans sa réponse, il nous a dit qu'il faudrait lui apporter des explications.
« Le contrôleur général des prisons est nommé en conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable. Il est assisté de contrôleurs des prisons, dont le statut et les conditions de nomination sont définis par décret en Conseil d'Etat.
« Le contrôleur général des prisons et les contrôleurs des prisons peuvent visiter à tout moment les établissements pénitentiaires. Ils ont accès à l'ensemble des locaux composant un établissement pénitentiaire. Ils peuvent s'entretenir avec toute personne, le cas échéant à sa demande, au sein des établissements pénitentiaires dans des conditions respectant la confidentialité.
« Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général. Les agents publics, en particulier les dirigeants des établissements pénitentiaires, communiquent au contrôleur général toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission.
« Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.
« Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.
« Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.
« Il porte à la connaissance du garde des sceaux les dysfonctionnements constatés à l'occasion des visites effectuées dans les établissements pénitentiaires. »
Tel est, monsieur le garde des sceaux, le texte que le Sénat avait voté à l'unanimité. Il a ensuite été soumis à l'Assemblée nationale qui, elle, n'a pas souhaité le retenir.
Par conséquent, il nous paraît nécessaire d'en discuter à nouveau. Or, où le faire plus opportunément que dans la proposition de loi que nous sommes en train d'examiner, de manière que l'Assemblée nationale puisse, une nouvelle fois, réfléchir à cette suggestion, j'y insiste, unanime et répétée du Sénat ?
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 15 bis C, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
TITRE ... .
Du contrôle général des prisons.
L'amendement n° 110, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué un contrôleur général des prisons, chargé de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, ainsi que les conditions de la vie carcérale et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
L'amendement n° 111, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le contrôleur général des prisons est nommé en Conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable. Il est assisté de contrôleurs des prisons, dont le statut et les conditions de nomination sont définis par décret en Conseil d'Etat.
L'amendement n° 112, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le contrôleur général des prisons et les contrôleurs des prisons peuvent visiter à tout moment les établissements pénitentiaires. Ils ont accès à l'ensemble des locaux composant un établissement pénitentiaire. Ils peuvent s'entretenir avec toute personne, le cas échéant à sa demande, au sein des établissements pénitentiaires dans des conditions respectant la confidentialité.
Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général. Les agents publics, en particulier les dirigeants des établissements pénitentiaires, communiquent au contrôleur général toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission.
Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.
L'amendement n° 113, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque le contrôleur général a pris connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du Procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.
Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.
Il porte à la connaissance du Garde des Sceaux les dysfonctionnements constatés à l'occasion des visites effectuées dans les établissements pénitentiaires.
Le contrôleur général des prisons est informé par le Procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un établissement pénitentiaire. A sa demande, le contrôleur général est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également, sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.
L'amendement n° 114, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le contrôleur général des prisons peut proposer au gouvernement toute modification de la législation ou de la réglementation dans les domaines de sa compétence.
L'amendement n° 115, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le contrôleur général des prisons établit chaque année un rapport sur les résultats de son activité. Ce rapport est remis au Président de la République et au Parlement avec les réponses du Garde des Sceaux. Il est rendu public.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je défendrai en même temps les amendements n°s 109 à 115, puisqu'ils procèdent du même esprit.
Je tiens à préciser que nous avions déjà déposé des amendements identiques lors de la première lecture. En réalité, nous profitons de chaque texte ayant trait au droit pénal et à la procédure pénale pour évoquer ce problème, et ce tout simplement parce que, chaque fois, le Gouvernement n'entend pas - ou refuse d'entendre ! - nos propositions. Par conséquent, nous les réitérerons dès que l'occasion se présentera.
Je rappelle qu'elles ne sont en rien révolutionnaires. Elles sont issues d'une proposition de loi émanant de notre actuel président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, qu'il avait cosignée avec M. Guy Cabanel.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parfaitement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par conséquent, cela ne date pas d'hier !
Pour en revenir au fond du débat, en première lecture, au mois de février dernier, notre rapporteur ici présent nous avait fait savoir que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 prévoyait le dépôt d'un projet de loi pénitentiaire avant la fin de la législature. Nous aimerions vraiment vous prendre au mot, monsieur le rapporteur, mais il faudrait se dépêcher !
En outre, compte tenu du fait qu'interviennent sans cesse des modifications de notre droit pénal, il serait souhaitable que nous puissions avoir connaissance du contenu de ce projet de loi pénitentiaire.
Qu'il me soit permis de souligner que le dépôt de nos amendements relatifs au contrôleur général des prisons est parfaitement approprié et que leur adoption revêt même un caractère d'urgence. En effet, nous venons encore récemment d'être montrés du doigt pour l'état de nos prisons. Chaque jour nous apporte ainsi son lot de violences, de problèmes liés à la surpopulation, etc.
A cet égard, le rapport annuel de l'Observatoire international des prisons fait état d'une ambiance de plus en plus délétère, de violences non seulement entre détenus, mais aussi envers le personnel, ou encore d'automutilations, voire de suicides. Cette tension se traduit évidemment par une augmentation des incidents, donc des procédures disciplinaires.
Par conséquent, il est particulièrement regrettable de constater le décalage constant qui existe entre, d'une part, les grandes déclarations du Gouvernement - s'agissant des peines alternatives, par exemple - et, d'autre part, l'action sécuritaire que ce même Gouvernement s'emploie à mener depuis trois ans. Il suffit de prendre l'exemple du texte qui nous est soumis aujourd'hui pour constater que c'est toujours l'emprisonnement qui est privilégié, et l'on ne voit vraiment pas se profiler quoi que ce soit de positif dans le domaine pénitentiaire.
Il serait donc tout à fait souhaitable, selon moi, de suivre aujourd'hui les propositions du président de la commission des lois qui, à l'époque, avait suggéré à juste titre l'instauration d'un contrôleur général des prisons indépendant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Chacun connaît le rôle du contrôleur général des prisons, puisque c'est au moins la sixième fois en l'espace de quelques mois que cette question est abordée !
La proposition qui nous est faite correspond, à peu de choses près, à un texte voté par le Sénat en 2001. J'aimerais donc savoir quelles sont, dans les mois ou les années qui viennent, les intentions du Gouvernement dans ce domaine.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Tout d'abord, je tiens à remercier M. Dreyfus-Schmidt de son intervention. En effet, je n'avais pas connaissance du contenu de son amendement, puisque, à l'époque où il l'avait déposé, je n'étais pas présent. C'est ainsi que j'ignorais votre volonté réitérée, monsieur le sénateur, de créer un poste de contrôleur général des prisons. Toute idée est évidemment respectable et celle-ci l'est sans doute plus que tout autre.
Je ferai simplement quelques observations, tant le problème des prisons est un sujet qui me passionne et sur lequel je travaille personnellement beaucoup.
J'ai déjà dit hier quels étaient les efforts accomplis par le Gouvernement concernant le nombre de places. En outre, je tiens à rappeler la très grande qualité tout à la fois des personnels, des directeurs d'établissements, des directeurs régionaux. Il en résulte que nous disposons à l'heure actuelle d'une multiplicité d'instances de contrôle.
J'évoquerai, tout d'abord, celles qui sont prévues par la loi sur le plan national.
En premier lieu, la loi fait obligation aux magistrats du parquet, aux juges de l'application des peines, aux juges d'instruction, aux juges des enfants ainsi qu'aux présidents de chambre d'instruction de visiter les établissements pénitentiaires ; cela représente tout de même un certain nombre de magistrats !
Par ailleurs - peut-être ne le savez-vous pas - il existe dans chaque établissement une commission de surveillance,...
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... présidée par le préfet du département, et dont la mission consiste à contrôler le fonctionnement de tel ou tel établissement. Cette commission a, bien sûr, tout loisir de communiquer ses observations au ministère de la justice.
Enfin, vous savez qu'est présente à la Chancellerie l'inspection générale des services judiciaires, qui comprend depuis quelques années une inspection des services pénitentiaires, dont le chef est assisté de plusieurs adjoints. Ces inspecteurs se rendent en permanence dans les établissements pénitentiaires afin de vérifier tous les problèmes qui se posent : cela va de la violence à l'état d'esprit du personnel, à la sécurité, ainsi, bien sûr, qu'à la discipline.
Nous disposons donc d'ores et déjà des moyens de faire remonter l'information sur l'ensemble des incidents. Je précise que cela est récent, puisque cette procédure date de seulement trois ans, du temps du prédécesseur de l'actuel directeur de l'administration pénitentiaire Si, naguère, nous n'avions pas connaissance de tels incidents, aujourd'hui, il en va tout différemment et l'on sait même que leur nombre est un peu moins élevé qu'il ne l'était auparavant.
Cette remarque vaut également pour le nombre de suicides qui, certes, est encore trop important, même si nous pouvons noter une certaine diminution.
Tel est l'état des lieux.
Dès lors, faut-il un contrôleur général qui, je suppose, se situerait au-dessus du chef de l'inspection des services pénitentiaires ? Pour l'heure, le Gouvernement n'en voit pas l'intérêt, même si j'admets volontiers que la réflexion mérite d'être poursuivie sur ce sujet.
J'émets donc un avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote sur l'amendement n° 81.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le garde des sceaux, je ne saurais partager votre point de vue.
Hier, répondant en cela à M. Badinter, vous vous êtes vanté des résultats que vous aviez obtenus grâce à la création d'un certain nombre d'établissements pénitentiaires. Or je suis toujours profondément surpris par les difficultés que l'on peut rencontrer au cours de cette longue gestation en vue de concrétiser une idée simple - elle figure d'ailleurs, depuis plusieurs années déjà, dans différents rapports - je veux parler de l'existence d'une autorité indépendante.
Sans être un fanatique de la création d'autorités indépendantes - des problèmes de démantèlement peuvent effectivement se poser eu égard à l'unité de l'Etat - il s'agit, en l'espèce, de mettre en place une institution qui, compte tenu du climat actuel et des rapports qui ont été rédigés dans le passé, peut se révéler intéressante. Par conséquent, je considère, pour ma part, qu'il serait bon d'aller un peu plus loin dans ce sens.
La création de cette autorité indépendante pourrait se faire à travers un simple texte de loi. C'est pourquoi, je le répète, je ne comprends pas votre obstination, monsieur le garde des sceaux, même s'il convient, il est vrai, de tenir compte des rapports de hiérarchie et des contrôles que vous avez évoqués dans le cadre du ministère de la justice.
Ce qui m'intéresse, c'est la présence d'une autorité indépendante qui, bien entendu, grâce à un rapport annuel, pourrait nous instruire grandement sur la réalité carcérale.
C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 15 bis A
I. - L'article 712-7 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« S'il en fait la demande, l'avocat de la partie civile peut assister au débat contradictoire devant le tribunal de l'application des peines pour y faire valoir ses observations, avant les réquisitions du ministère public. »
II. - L'article 712-13 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« S'il en fait la demande, l'avocat de la partie civile peut assister au débat contradictoire devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel statuant en appel d'un jugement du tribunal de l'application des peines pour y faire valoir ses observations, avant les réquisitions du ministère public. »
M. le président. La parole est Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Mon intervention portera sur les problèmes relatifs à la partie civile.
La disposition contenue dans l'article 15 bis A illustre parfaitement le basculement de la logique que tente d'initier le Gouvernement quant à sa conception de la justice.
Nous devons tous le reconnaître : la victime doit être au coeur de notre système pénal. Il convient de mieux l'écouter, de mieux l'assister, tout en lui permettant de participer réellement au procès pénal.
Cette dernière mesure a un double effet. Le premier est bénéfique à la victime, qui pourra ainsi voir facilité le processus de reconstruction psychologique et morale qu'elle a entrepris. Le second profite au condamné qui, confronté à la présence de sa victime, pourra mieux appréhender les causes et les conséquences de ses actes et ainsi entamer une démarche de remise en cause de lui-même.
Cependant, parallèlement à la prise en compte légitime de la victime avant, pendant et après le procès pénal, l'on ne peut accepter de laisser notre justice se dévoyer pour basculer d'une institution fondée sur les principes de défense et de réparation sociales vers une justice de « vengeance sociale » où se succéderaient les surenchères populistes.
Cette disposition est d'autant plus aberrante que cela ne correspond en aucune façon au choix des victimes elles-mêmes. En effet, au cours des auditions auxquelles nous avons procédé en commission des lois, nous avons pu entendre le président de l'association d'aide aux parents d'enfants victimes qui, tout en réaffirmant son opposition à l'allongement des peines et son approbation à la libération conditionnelle, a affirmé à plusieurs reprises que les victimes ne pouvaient être à la fois juge et partie.
Dans notre système judiciaire, la mission de défense de l'intérêt général, et donc des intérêts croisés de la victime, de la société et du condamné, est confiée au parquet. Qu'il en soit fait autrement, et c'est toute une partie des droits et des libertés garantis dans notre pays qui risque d'en pâtir !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 75 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 106 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 75.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 15 bis A comporte deux dispositions dont la première consiste à ajouter à l'article 712-7 du code de procédure pénale un alinéa ainsi rédigé :
« S'il en fait la demande, l'avocat de la partie civile peut assister au débat contradictoire devant le tribunal de l'application des peines pour y faire valoir ses observations, avant les réquisitions du ministère public. »
La seconde disposition tend à compléter l'article 712-13 du même code par un alinéa ainsi rédigé :
« S'il en fait la demande, l'avocat de la partie civile peut assister au débat contradictoire devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel statuant en appel, etc. »
En réalité, il s'agit là de deux dispositions homothétiques, la seconde concernant spécifiquement la cour d'appel.
Bien entendu, cela ne fait aucun doute, les victimes doivent faire l'objet de soins. A cet égard, je rappellerai que c'est sur l'initiative de mon collègue Robert Badinter, ici présent, qu'a été décidée la réparation des préjudices, ce qui, pour les victimes, représente, bien souvent, un élément essentiel.
Cela dit, les parties civiles, qui n'existent d'ailleurs quasiment que dans notre pays, ont la possibilité de se faire entendre à l'audience.
Leur rôle, nous le savons, n'est pas de se prononcer sur la peine infligée ni d'essayer d'obtenir la condamnation la plus lourde possible, comme le font nombre d'avocats, alors que cette tâche revient au ministère public.
En principe, la partie civile peut réclamer seulement l'indemnisation de son préjudice. Certes, dans la pratique, les parties civiles ont souvent pris l'habitude de surenchérir sur les conclusions du procureur de la République. Mais la règle, qui a toujours été respectée jusqu'à présent, veut qu'une fois le jugement rendu, la partie civile ne peut exercer sa vindicte lors de l'application de la peine.
Il est évident que, dans la plupart des cas, l'avocat de la partie civile servira de porte-parole à son ou à ses clients pour s'opposer à toute mesure de réinsertion, et à plus forte raison aux mesures de mise en liberté, fût-ce en liberté conditionnelle ou avec un suivi socio-judiciare.
Cet article est donc véritablement démagogique. Nous devons respecter nos principes : la peine est infligée par la société, son aménagement relève du juge, du tribunal de l'application des peines ou de la chambre d'appel, et ni la victime ni son avocat n'ont leur place dans ce processus. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 106.
Mme Josiane Mathon. Je partage tout à fait le raisonnement de M. Dreyfus-Schmidt. De fait, avec cet article, nous franchissons une étape : aujourd'hui, le droit des victimes devient l'exercice d'une vengeance, ce qui le rend dangereux.
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par MM. Courtois, Lecerf et Goujon, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article 712-7 du code de procédure générale et dans le texte proposé par le II de cet article pour compléter l'article 712-13 du même code, après les mots :
l'avocat de la partie civile
insérer les mots :
ou un représentant d'association d'aide aux victimes ou de victimes mandaté par la partie civile et choisi sur une liste nationale arrêtée par le président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Le ministère d'avocat n'est pas obligatoire pour les victimes, que ce soit devant la juridiction de jugement, devant la juridiction d'instruction ou au cours de l'enquête préliminaire
Bien plus, les articles L. 53-1 et L. 75 du code de procédure pénale prévoient expressément que les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire doivent indiquer aux victimes qu'elles peuvent se faire assister d'un avocat ou « être aidées par un service relevant d'une ou de plusieurs collectivités publiques ou par une association conventionnée d'aide aux victimes ».
Dès lors, cet amendement s'inscrit dans la logique de notre procédure pénale en donnant le choix aux victimes d'infractions de se faire représenter, soit par un avocat, soit par une association d'aide aux victimes, soit par une association de victimes. En effet, de nombreuses victimes ou proches de victimes préfèrent recourir à une association dont certains des membres ont subi souvent un traumatisme comparable et connaissent les problématiques complexes qu'elles doivent affronter.
De même, l'amendement a pour objet d'introduire une garantie supplémentaire en donnant au président de la chambre criminelle la mission de déterminer la liste des associations susceptibles d'être choisies par la victime afin de porter sa parole.
En conséquence, cet amendement ne fera qu'harmoniser le futur texte du code avec la procédure existante. Il donnera à la victime la possibilité de choisir, en fonction de sa situation, la personne qu'elle jugera la mieux à même de la représenter à l'occasion des décisions de mise en liberté conditionnelle, sans pour autant aller jusqu'à se rendre elle-même devant le juge.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Au cours du procès pénal, la victime doit recevoir une grande, une immense considération, mais son rôle doit être cantonné.
Certes, nous avons accepté depuis quelques décennies que le rôle de la victime dans le procès pénal s'accroisse. Toutefois, il n'est pas du tout choquant que, en vertu d'une règle constante de notre droit pénal - le principe du contradictoire - l'avocat de la partie civile puisse, s'il le souhaite, faire valoir ses arguments, tant en première instance, devant le tribunal de l'application des peines, qu'en appel, devant la chambre de l'application des peines. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 75 et 106.
En revanche, il me paraît difficile d'aller plus loin en autorisant les associations d'aide aux victimes à représenter celles-ci devant le juge de l'application des peines ou la chambre d'appel.
En effet, deux difficultés principales ne manqueraient pas de se présenter.
En premier lieu, il ne semble pas opportun de substituer des associations de défense à un avocat qui joue là son rôle et respecte une déontologie. Il est important, à mon avis, que ce soit l'avocat qui continue à intervenir dans le procès pénal, au bénéfice du détenu ou des parties civiles.
En second lieu, il ne faut pas sous-estimer les énormes difficultés que poserait l'établissement d'une liste nationale des associations d'aide aux victimes. Le choix des critères de sélection présenterait, me semble-t-il, des difficultés insolubles. L'opinion ne comprendrait pas que l'on refuse d'inscrire sur la liste une association purement locale, voire familiale, mais créée immédiatement après un événement dramatique. Quid de la légitimité de cette association trois, quatre ou cinq ans après l'événement ? Comment pourrions-nous lui expliquer qu'elle a cessé d'être légitime ?
Je crois que nous ne devons pas nous engager sur cette voie, car nous aurions des difficultés à faire appliquer un tel dispositif. Je suggère donc à M. Courtois de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. le rapporteur me facilite grandement la tâche et me permet d'être fort concis.
Je trouve dommage, et même un peu surprenant, que la gauche, de façon générale, soit défavorable à la présence de l'avocat de la partie civile, alors que celui-ci garantit une liberté, et apporte un point de vue supplémentaire.
Certes, le tribunal de l'application des peines ne serait pas obligé de suivre l'avocat de la partie civile, mais interdire à ce dernier d'être présent au moment où la juridiction prend des décisions aussi importantes qu'une libération conditionnelle ne me paraît pas aller dans le sens du progrès. C'est même réactionnaire, au sens étymologique du terme, sauf à nourrir l'arrière-pensée qu'ainsi les libérations conditionnelles ou les réductions de peine seraient moins nombreuses.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. D'ailleurs, je ne pense pas qu'il en irait ainsi, car, et je vous rétorque votre argument de tout à l'heure, il faut faire confiance aux magistrats ! Ceux-ci écouteront les parties civiles mais resteront, bien sûr, tout à fait indépendants et défendront l'intérêt général.
En effet, monsieur Courtois, si l'on admet la présence de l'avocat, on refuse par voie de conséquence celle de l'association. Or, le premier, par définition, ne véhicule pas la même émotion que la seconde.
Bien sûr, il faut rendre justice à cette émotion, qui peut s'exprimer, mais uniquement par le truchement d'un tiers. La personne concernée, celle qui a elle-même vécu un drame ne s'exprime pas : quelqu'un parle en son nom.
Si nous admettons la présence des associations, une pression beaucoup plus forte s'exercera sur les magistrats, auxquels il sera très difficile de ne pas faire droit aux victimes, sans quoi ils seraient très vite taxés d'insensibilité. Comme l'a souligné justement M. le rapporteur, si l'association est trop récente, elle agit sous le coup de l'émotion, elle ne dispose pas du recul suffisant. Si elle est trop ancienne, est-elle encore représentative ? Comment réactiver sa légitimité ?
Lorsque l'on rencontre les associations de victimes, on se rend compte qu'elles ne souhaitent pas être entendues à l'audience. J'en connais bon nombre dans ce cas. La question est donc loin d'être claire. Je pense qu'une bonne synthèse consiste à permettre à l'avocat de la partie civile d'être entendu et de laisser le tribunal de l'application des peines prendre ensuite sa décision, en toute indépendance.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 75 et 106.
M. Laurent Béteille. Il se trouve que, pendant une trentaine d'années, j'ai exercé le métier d'avocat devant un tribunal de la banlieue parisienne. Or, j'ai reçu très souvent dans mon cabinet des victimes qui venaient me dire que l'auteur de l'infraction qu'elles avaient subie avait été libéré, et qu'elles avaient été confrontées à lui de façon extrêmement pénible.
Je crois que nous ne pouvons pas parler de démagogie, ni de vengeance, à propos de ce texte. Cette disposition de la proposition de loi me paraît extrêmement utile parce qu'elle permettra d'entendre à l'audience un avocat, c'est-à-dire quelqu'un qui n'est pas n'importe qui, mais qui respecte des règles déontologiques et qui pourra expliquer au juge les modalités à prévoir en cas de libération conditionnelle. Ainsi, l'auteur de l'infraction devra éviter certains lieux où la victime pourrait se trouver, soit qu'elle y habite, soit qu'elle y travaille. Car le magistrat ne peut pas deviner cela : quelqu'un doit l'informer.
A l'inverse de ce qui a été soutenu tout à l'heure, je crois que la présence de l'avocat est extrêmement utile. Il me semble que, dans cette profession, nous avons tous une certaine conscience professionnelle. Nous savons qu'il ne nous appartient pas d'être les relais d'une vengeance.
Lorsque un avocat intervient en qualité de partie civile, son travail est de défendre les intérêts de son client, et non ceux de la société ; d'ailleurs, s'il outrepasse son rôle, il n'est pas écouté par le magistrat. Je crois donc que cette disposition est utile et qu'il faut la conserver.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 75 et 106.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Courtois, maintenez-vous votre amendement n° 40 ?
M. Jean-Patrick Courtois. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.
Je mets aux voix l'article 15 bis A.
(L'article 15 bis A est adopté.)
Article 15 bis B
L'article 11 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« A titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes un risque d'une exceptionnelle gravité, la chambre de l'instruction peut ordonner le placement du mineur en centre éducatif fermé pour une durée maximale de quatre mois. La chambre de l'instruction, devant laquelle la comparution personnelle du mis en examen est de droit, est saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article 137-1 du code de procédure pénale, et elle statue conformément aux dispositions des articles 144, 144-1, 145-3, 194, 197, 198, 199, 200, 206 et 207 du même code. Cette décision peut être renouvelée une fois sous les mêmes conditions et selon les mêmes modalités.
« Les dispositions du présent article sont applicables jusqu'à l'ordonnance de règlement. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 27 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 76 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 107 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 27.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'article 15 bis B, dont la commission propose la suppression, a été adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale avec l'avis de sagesse du Gouvernement, à la suite d'un amendement du député Thierry Mariani. Il permet à la chambre de l'instruction, à titre exceptionnel, lorsque les investigations d'un juge d'instruction doivent être poursuivies, d'ordonner le placement d'un mineur en centre éducatif fermé. Cette éventualité se présente lorsque le terme de la période de deux ans d'instruction a été atteint.
La commission des lois ne souhaite pas que cet amendement de l'Assemblée nationale soit maintenu, car il ne lui paraît pas bon, s'agissant de mineurs, que des instructions puissent être poursuivies éternellement. Deux années doivent suffire pour mener une instruction. Quant aux quelques situations, qui à mon avis sont exceptionnelles, pour lesquelles ce délai serait, hélas ! dépassé, des moyens existent déjà qui permettent de retenir les mineurs, en coordination avec les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse.
La commission propose donc de supprimer l'article 15 bis B.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 76.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il nous paraît évident que si le législateur a prévu qu'un mineur de 16 ans puisse être placé en détention provisoire, dans des cas exceptionnels et pour un délai maximum de deux ans, c'est pour que les juges instruisent ces dossiers très rapidement !
Nous disposons de si peu d'éléments d'audit ! On nous explique qu'il existe peut-être de tels cas, mais sans nous en apporter la preuve, sans que cela soit certain.
A l'évidence, s'il était possible, comme y tend l'article introduit par l'Assemblée nationale à la demande de M. Mariani, de maintenir les mineurs enfermés dans un centre de détention pendant deux fois quatre mois, l'on soutiendrait rapidement que cela ne suffit pas encore !
Huit mois de plus ! Le texte initial prévoyait deux ans, on suggère d'ajouter huit mois de plus, c'est-à-dire presque un tiers de la durée de départ ! Et ensuite, on viendra nous dire que cela ne suffit pas, comme on l'a fait au cours de ce débat pour les périodes de sûreté, car il y a aucune raison d'arrêter cette escalade.
C'est pourquoi nous partageons pleinement l'avis de la commission et demandons la suppression de l'article 15 bis B.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 107.
Mme Josiane Mathon. Je ne reviendrai pas sur notre opposition de principe aux centres éducatifs fermés. Vous connaissez d'ailleurs notre avis sur ces établissements pour mineurs, qui sont de véritables prisons même s'ils n'en portent pas le nom.
En matière de délinquance des mineurs, nous regrettons encore une fois que les mesures éducatives appropriées ne soient pas mises en oeuvre, comme c'est d'ailleurs prescrit dans l'ordonnance de 1945. Dans ce domaine, le Gouvernement va toujours de plus en plus loin, en n'excluant pas que le texte s'applique aux mineurs délinquants. La durée de la détention provisoire, qui peut atteindre deux ans, pourrait être ainsi rallongée. Or, mes chers collègues, en toute franchise, ne croyez-vous pas que la durée actuellement prévue est déjà bien suffisante ?
Par conséquent, comme la commission et le groupe socialiste, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par MM. Courtois, Lecerf et Goujon, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour compléter l'article 11 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, après les mots :
placement du mineur
insérer les mots
ou de la personne devenue majeure pendant la durée de la détention provisoire
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Il s'agit d'un amendement de coordination visant à rendre opérant l'article 15 bis B, introduit en deuxième lecture par l'Assemblée nationale. En effet, celui-ci prévoit que, à titre exceptionnel, pour les crimes les plus graves et lorsque la remise en liberté causerait pour la sécurité des personnes un risque d'une exceptionnelle gravité, le juge des libertés et de la détention peut ordonner le placement d'un mineur âgé de plus de seize ans en centre éducatif fermé.
Or, il peut arriver que le mineur en question soit devenu majeur pendant la durée de la détention provisoire. C'est la raison pour laquelle il convient de prévoir qu'une telle disposition peut également s'appliquer aux jeunes majeurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 41 ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission considère que les centres éducatifs fermés, auxquels elle est très attachée, ne sont pas faits pour accueillir des personnes devenues majeures au cours de la détention provisoire.
A fortiori, comme le président de la commission des lois l'a déjà souligné, dans la mesure où il s'agit de détention provisoire, l'adoption d'une telle disposition aboutirait à un mélange des genres qui n'est pas souhaitable, puisque les centres éducatifs fermés sont destinés à accueillir des jeunes qui ont été condamnés.
La commission suggère donc à M. Courtois de retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'ai la joie d'émettre un avis totalement favorable sur les amendements identiques nos 27, 76 et 107.
Sans surprise, je suis beaucoup moins favorable à l'amendement n° 41. A ce sujet, permettez-moi, madame Mathon, monsieur Courtois, de présenter une nouvelle fois la philosophie des centres éducatifs fermés, les CEF.
Ces centres sont destinés à accueillir des enfants, j'oserai dire des gamins, « multi-multirécidivistes », qui désespèrent l'ensemble de la société : tout a été tenté, mais en vain, et personne ne sait plus quoi faire. La seule certitude que nous ayons, c'est que les mettre en prison ne règlera pas le problème.
M. Robert Bret. Bien sûr !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous avons donc inventé une structure très particulière, à savoir un centre, éducatif - j'insiste vraiment sur le terme -, fermé, mais qui n'est pas une prison. Chaque jeune est pris en charge par deux ou trois éducateurs.
J'ai visité plusieurs centres de ce type : ils sont d'une qualité exceptionnelle. Les jeunes qui arrivent après avoir fait moult bêtises sont complètement déstructurés. Au bout de six mois, les animateurs ou les éducateurs qui les entourent sont capables, grâce à un travail formidable, de leur redonner une ambition de vie. Ils essaient de construire, ensemble, un projet de vie, notamment de formation professionnelle.
A cet égard, j'ai une merveilleuse nouvelle à vous annoncer ; elle devrait d'ailleurs faire réfléchir ceux qui s'opposent aux centres éducatifs fermés : un enfant sur deux ne revoit pas le juge. C'est dire le succès d'une telle structure.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite tous à vous rendre dans l'un des CEF, en abandonnant tout a priori idéologique, pour vous faire votre opinion. Si certains centres peuvent fonctionner plus ou moins bien, en général, je le répète, ces structures pour mineurs sont d'une remarquable qualité.
En ce qui concerne l'accueil des jeunes majeurs délinquants, j'ai eu l'occasion d'aborder le sujet hier soir avec M. Badinter. L'idée est de créer des établissements spécifiques pour les courtes peines, afin d'éviter la prison « pourrissoir ». Nous sommes aussi en train d'agir en ce sens.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je souhaite enfin évoquer une autre catégorie : les établissements pour mineurs.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous avons décidé de créer sept structures de ce type, avec quarante places chacune. La première pierre sera posée avant la fin du mois de décembre, pour une inauguration prévue d'ici à environ deux ans, à la fin de 2007 ou au début de 2008.
Chaque établissement pourra recevoir une soixantaine de jeunes. Il y aura donc en gros un « surveillant-éducateur » par enfant. Là encore, la philosophie des CEF s'appliquera, mais avec un soutien pédagogique un peu moins fort.
En effet, je l'ai déjà dit, l'encadrement dans les CEF est extraordinaire, de l'ordre de trois personnes par jeune, jour et nuit, samedi et dimanche compris. C'est vous dire le coût que cela représente pour la société : nous l'acceptons, car nous souhaitons sauver ces jeunes auxquels plus personne ne croyait.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'insiste vraiment sur ce point, n'hésitez pas à vous rendre dans ces CEF. Si vous le souhaitez, je vous indiquerai les meilleurs !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27, 76 et 107.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 bis B est supprimé et l'amendement n° 41 n'a plus d'objet.
Article additionnel après l'article 15 bis B
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par MM. Courtois, Lecerf et Goujon, est ainsi libellé :
Après l'article 15 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 33 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifié :
I. - Au dernier alinéa, après les mots : « le juge des enfants », sont insérés les mots : « ou la juridiction de jugement »
II. Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux alinéas précédents et dans des cas explicitement prévus par la loi, les centres éducatifs fermés peuvent accueillir des jeunes majeurs. »
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, puisque cet amendement vise à rendre opérant l'article 15 bis B, que le Sénat vient de supprimer, il n'a, me semble-t-il, plus de raison d'être.
M. le président. En effet, mon cher collègue, l'amendement n° 41 n'a plus d'objet.
Article 15 bis C
Après l'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, il est inséré un article 21-1 ainsi rédigé :
« Art. 21-1. - I. - Les services et unités de la police et de la gendarmerie nationales chargés d'une mission de police judiciaire peuvent mettre en oeuvre, sous le contrôle des autorités judiciaires, des traitements automatisés de données à caractère personnel collectées au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit portant atteinte aux personnes punis de plus de cinq ans d'emprisonnement ou portant atteinte aux biens et punis de plus de sept ans d'emprisonnement, ou collectées au cours des procédures de recherche de cause de la mort et des causes de disparitions inquiétantes, afin de faciliter la constatation des crimes et délits présentant un caractère sériel, d'en rassembler les preuves et d'en identifier les auteurs, grâce à l'établissement de liens entre les individus, les événements ou les infractions pouvant en mettre en évidence ce caractère sériel.
« Ces traitements peuvent enregistrer des données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées au I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans la stricte mesure nécessaire aux finalités de recherche criminelle assignées auxdits traitements.
« II. - Ces traitements peuvent contenir des données sur les personnes, sans limitation d'âge :
« 1° A l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission d'une infraction mentionnée au premier alinéa du I ; l'enregistrement des données concernant ces personnes peut intervenir, le cas échéant, après leur condamnation ;
« 2° A l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction mentionnée au premier alinéa du I ;
« 3° A l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction mentionnée au premier alinéa du I mais qui sont susceptibles d'apporter des éléments utiles à l'enquête et dont le nom est cité en procédure ;
« 4° Victimes d'une infraction mentionnée au premier alinéa du I ;
« 5° Faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes de la mort, prévue par l'article 74 du code de procédure pénale, ou d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes d'une disparition inquiétante ou suspecte, prévue par les articles 74-1 et 80-4 du même code.
« III. - La durée de conservation des données à caractère personnel enregistrées dans ces traitements est de quarante ans.
« Les dispositions du III de l'article 21 sont applicables aux données à caractère personnel concernant les personnes mentionnées au 1° du II du présent article.
« Les personnes mentionnées au 2°, 3° et 4° du II peuvent demander l'effacement des données enregistrées dans le traitement dès lors que l'auteur des faits a été définitivement condamné, sauf si le procureur de la République compétent en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du traitement, auquel cas elles font l'objet d'une mention.
« IV. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au présent article :
« - les personnels spécialement habilités et individuellement désignés de la police et de la gendarmerie nationales ;
« - les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs, pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis.
« V. - Les dispositions de l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité ne sont pas applicables aux traitements prévus par le présent article.
« VI. - En application de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment les modalités d'habilitation des personnes mentionnées au deuxième alinéa du IV, ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès de manière indirecte, conformément aux dispositions de l'article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée. »
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 108, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Nous nous interrogeons sur le présent article, qui prévoit l'extension du champ d'application des fichiers de police judiciaire et qui élargit donc un peu plus encore les possibilités d'inscription dans ces fichiers de données nominatives et d'informations à caractère personnel.
En l'espèce, il est inquiétant d'autoriser, par le biais d'une dérogation à la loi du 6 janvier 1978, l'inscription de données à caractère personnel faisant apparaître les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, l'appartenance syndicale, ou de données qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle des personnes ainsi fichées.
De surcroît, aux termes mêmes de l'article 15 bis C, ces informations pourraient être collectées à propos de personnes à l'encontre desquelles « il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction [...] mais qui sont susceptibles d'apporter des éléments utiles à l'enquête et dont le nom est cité en procédure ». Autrement dit, il s'agirait de simples témoins.
Ces dispositions constituent une grave atteinte au principe du respect de la vie privée, atteinte d'autant plus grave qu'elle toucherait des personnes qui ne sont même pas suspectées d'avoir commis une infraction.
Il est tout aussi inquiétant, d'ailleurs, que ces informations puissent être conservées durant quarante ans.
M. le président. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Türk et Nogrix, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa (2°) du II du texte proposé par cet article pour l'article 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. L'article 15 bis C vise à insérer dans la loi du 18 mars 2003 un article 21-1 qui prévoit l'enregistrement dans les fichiers SALVAC et ANACRIM de données relatives notamment à des personnes à l'encontre desquelles « il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre » une des infractions visées dans ce même article.
Certes, une telle formulation est utilisée dans le code de procédure pénale afin, notamment, d'étendre les pouvoirs de surveillance, de contrôle d'identité, de placement en garde à vue et de perquisition des officiers de police judiciaire. En revanche, elle n'a jamais permis de définir une catégorie de personnes appelées à figurer dans un fichier de police judiciaire.
Dans certains cas, en effet, il peut être procédé, non pas à une conservation, mais à un rapprochement avec les données du fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, de l'empreinte ADN de la personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis un crime ou un délit. A l'issue de ce rapprochement, les données relatives à cette personne ne doivent pas être conservées.
De la même façon, si la vérification d'identité peut concerner toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a, notamment, commis ou tenté de commettre une infraction, cette vérification ne peut donner lieu à la mise en mémoire sur fichiers si elle n'est suivie d'aucune procédure d'enquête ou d'exécution adressée à l'autorité judiciaire.
L'insertion de cette formulation dans le nouvel article 21-1 constituerait donc un précédent. Compte tenu de la grande subjectivité du critère qu'elle définit, le risque de voir des personnes faire l'objet à tort d'un enregistrement dans des fichiers de police judiciaire, sur la base d'éléments insuffisants, ne pourrait être écarté.
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 28 est ainsi libellé :
I.- Supprimer le quatrième alinéa (3°) du II du texte proposé par cet article pour l'article 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.
II.- En conséquence, dans le dernier alinéa du III du texte proposé par cet article pour le même article, supprimer la référence :
3°
L'amendement n° 126 est ainsi libellé :
Supprimer le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article 21-1de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission a auditionné assez longuement certains membres de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et notamment son président. En effet, malgré les garanties proposées, la rédaction du texte soulève plusieurs incertitudes.
Il en est ainsi concernant les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis des infractions, mais qui sont susceptibles d'apporter des éléments utiles à l'enquête : il ne nous paraît pas très judicieux que les noms de ces personnes puissent être conservés dans le fichier, a fortiori pendant quarante ans.
Cette disposition pourrait avoir pour conséquence que l'on retrouve dans le fichier non seulement des témoins, mais aussi des experts ou des avocats. Un tel élargissement n'est donc pas souhaitable. S'agissant uniquement de ces personnes, contrairement à ce qu'a prévu l'Assemblée nationale, la commission des lois propose qu'elles ne puissent pas figurer dans le fichier. Tel est l'objet de l'amendement n° 28.
L'amendement n° 126 concerne la durée de conservation des informations pour les personnes mises en cause. Le texte prévoit une durée uniforme de quarante ans. Après avoir entendu l'avis d'un certain nombre d'experts, il nous paraît beaucoup plus judicieux de prévoir que la durée de conservation sera fixée par le décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL, tel que c'est prévu pour l'application du nouvel article 21-1.
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Türk et Nogrix.
L'amendement n° 85 rectifié est ainsi libellé :
Après les mots :
Sont applicables
rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 :
à ces traitements.
L'amendement n° 86 rectifié est ainsi libellé :
Compléter le IV du texte proposé par cet article pour l'article 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 par un alinéa ainsi rédigé :
« L'habilitation précise la nature des données auxquelles elle autorise l'accès.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Le deuxième alinéa du III du nouvel article 21-1 renvoie aux dispositions protectrices du III de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, qui sont relatives au contrôle exercé par le procureur de la République sur les fichiers.
En visant expressément les seules données relatives aux personnes à l'encontre desquelles existent des indices graves ou concordants, cet alinéa a donc pour conséquence, dans sa rédaction actuelle, de limiter le rôle protecteur du procureur de la République concernant les données relatives aux autres catégories de personnes identifiées dans les fichiers, qu'il s'agisse de victimes, de témoins, d'experts, d'avocats ou d'autres personnes soupçonnées pour des raisons plausibles.
Le principe du contrôle du procureur sur l'ensemble des données et la faculté d'intervenir d'office pour faire effacer, compléter ou rectifier ces données devraient, à notre sens, être garantis par la loi. Tel est l'objet de l'amendement n° 85 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 86 rectifié, le nouvel article 21-1 désigne les destinataires des données enregistrées dans les fichiers relatifs aux crimes et délits présentant un caractère sériel.
A la différence de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, les dispositions nouvelles ne prévoient pas que l'habilitation définisse la nature des données accessibles au bénéfice des personnels de police et de gendarmerie. Ceux-ci pourraient donc, en l'état, avoir accès à l'ensemble des données enregistrées dans les fichiers SALVAC et ANACRIM, sans examen préalable de la nécessité d'un tel accès.
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début de la seconde phrase du VI du texte proposé par cet article pour l'article 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 :
Il précise la durée de conservation des données enregistrées, les modalités...
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements autres que les siens.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 126 que je viens de présenter.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 108.
Monsieur Nogrix, la commission vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 84 rectifié. En effet, il lui semble judicieux que le fichier puisse inclure des informations concernant des personnes à l'encontre desquelles existent une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. C'est l'objet même de ce fichier.
Quant à l'amendement n° 85 rectifié, il apparaît souhaitable à la commission que le procureur de la République conserve la possibilité d'effacer, de rectifier ou de compléter les données concernant l'ensemble des personnes visées dans ces fichiers. Elle émet donc un avis favorable.
En revanche, elle s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 86 rectifié dans la mesure où les dispositions de la proposition de loi semblent présenter les garanties nécessaires. Toutefois, si la majorité du Sénat pensait que ces dernières sont insuffisantes, elle accepterait de suivre l'argumentaire développé par M. Nogrix.
M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 84 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 84 rectifié est retiré.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 84 rectifié bis.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les auteurs de l'amendement n° 108 n'ont peut-être pas correctement appréhendé le contenu de l'article 15 bis C.
En effet, il s'agit non pas de créer un fichier d'antécédents, comme ceux qui sont visés à l'article 21 de la loi de 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, tels que le STIC ou JUDEX, mais de consacrer l'existence d'un fichier d'analyse criminelle qui procède à des comparaisons entre des procédures afin d'identifier des auteurs de crimes ou de délits en série. Ce type de fichier est utilisé par toutes les polices des démocraties modernes.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Il est également défavorable à l'amendement n° 84 rectifié bis.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 28, il est indispensable que les fichiers d'analyse criminelle, comme SALVAC, qui sont nécessaires à l'identification des auteurs de crimes en série, comportent, à la différence des fichiers relevant de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, des informations relatives aux témoins. Le débat actuel porte bien sur le point de savoir si doivent figurer des témoins dans les fichiers. C'est d'ailleurs pour cette raison que ces fichiers doivent être prévus par la loi.
La nécessité de l'inscription de personnes qui ont été témoins dans certaines procédures résulte de la finalité même de ces fichiers. En effet, le recoupement des affaires qui pourra être réalisé grâce à ces fichiers est susceptible de faire apparaître qu'une même personne se trouve régulièrement comme témoin sur les lieux de certains crimes, sans avoir jamais été suspectée dans chacune des ces procédures, alors que sa présence répétée justifie d'orienter les recherches dans sa direction. Ce cas de figure est assez fréquent lorsque se produisent des incendies criminels.
Par ailleurs, l'inscription de l'identité d'un témoin dans ces fichiers ne peut causer aucun préjudice à l'intéressé - sauf, évidemment, dans l'hypothèse du rapprochement évoqué précédemment - puisque ces fichiers ne pourront pas être utilisés pour connaître les antécédents d'une personne, notamment à des fins de police administrative, cette interdiction étant expressément édictée par la loi.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 28.
Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 126, qui tend à supprimer du texte proposé la précision selon laquelle les données enregistrées seront conservées pendant quarante ans. Ce même délai de conservation est déjà applicable aux informations contenues dans le FNAEG, le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas pareil !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est par symétrie qu'il est prévu de conserver les données pendant quarante ans.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 86 rectifié. Les décrets seront soumis à la CNIL.
Il émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 127, par coordination.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 108.
M. Robert Badinter. Nous partageons tout à fait le point de vue des auteurs des amendements nos 84 rectifié, 85 rectifié et 86 rectifié. Comment peut-on concevoir, en effet, d'instaurer un fichier pour les criminels, pour les personnes suspectées à l'encontre desquelles ont été recueillis des indices graves et concordants... et pour celles envers lesquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ?
On me rétorquera que ces informations sont confidentielles et qu'elles seront utilisées avec prudence. Que nenni ! On sait bien que, à partir du moment où une personne est fichée, elle le demeure.
Alors que, a priori, aucune raison ne justifie l'inscription d'une personne dans un fichier, il n'est pas logique de prétendre conserver les données la concernant au nom de la commodité. Il existe d'autres moyens.
Ce n'est certainement pas dans le fichier comportant des données visant des criminels qu'il faut faire figurer des témoins sur lesquels aucun soupçon ne pèse. Il faut faire preuve d'un peu de prudence dans le recours au fichier.
Je remercie MM. Nogrix et Türk d'avoir déposé les amendements susvisés, que nous voterons.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 84 rectifié bis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai été étonné que M. Nogrix retire cet amendement cosigné par M. Türk, qui est d'ailleurs intervenu à la commission des lois. Pour notre part, nous nous sommes vivement félicité qu'il soit membre de ladite commission parce qu'il connaît bien la question. En effet, il est président de la CNIL, dont l'avis doit être demandé en matière de fichiers. Dès lors, nous connaissons l'avis du président de la CNIL avant même que le texte soit voté, ce qui doit évidemment nous guider !
M. Türk explique parfaitement, dans l'objet de l'amendement n° 84 rectifié, que s'il n'y a pas d'inconvénient à ce que la vérification d'identité concerne « toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, elle ne peut donner lieu à la mise en mémoire sur fichiers si elle n'est suivie d'aucune procédure d'enquête ou d'exécution adressée à l'autorité judiciaire. » Tel était le cas jusqu'à présent, et M. Türk demande qu'il en soit de même dorénavant dans l'extension qui serait faite de ces fichiers multiples dont on a du mal à connaître le nombre, à savoir à qui ils servent et pourquoi ils sont si nombreux.
Le Sénat, qui connaît bien M. Türk, sa maîtrise du sujet dont nous traitons et sa haute conscience, devrait le suivre en votant les amendements qu'il a rédigés.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 bis C, modifié.
(L'article 15 bis C est adopté.)
TITRE III BIS
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 15 bis D
Après le premier alinéa de l'article 378 du code civil, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le crime visé à l'alinéa précédent correspond à l'une des infractions prévues aux articles 222-23 à 222-26 du code pénal, le président de la cour d'assises constate le retrait partiel de l'autorité parentale des condamnés limité au seul mineur victime. Toutefois, la cour, à titre exceptionnel, au regard des circonstances de la cause, des intérêts du mineur et de ceux de la société, peut maintenir l'autorité parentale des coupables sur le mineur victime.
« Si la cour l'estime nécessaire compte tenu des intérêts de la fratrie, elle peut étendre le retrait de l'autorité parentale à tout ou partie des frères et soeurs mineurs de la victime.
« Les décisions de la cour sont spécialement motivées en fait et en droit et sont précédées d'un débat contradictoire au cours duquel la victime ou son représentant légal ou, le cas échéant son avocat, le ministère public et l'avocat des condamnés, ceux-ci ayant la parole en dernier, font connaître leurs observations. »
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. Après l'article 222-31 du code pénal, il est inséré un article 222-31-1 ainsi rédigé :
« Art. 222-31-1.- Lorsque le viol ou l'agression sexuelle est commis contre un mineur par une personne titulaire sur celui-ci de l'autorité parentale, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des dispositions des articles 378 et 379-1 du code civil.
« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et soeurs mineurs de la victime.
« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. »
II. Après l'article 227-28-1 du code pénal, il est inséré un article 227-28-2 ainsi rédigé :
« Art. 227-28-2.- Lorsque l'atteinte sexuelle est commise sur la victime par une personne titulaire de l'autorité parentale, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des dispositions des articles 378 et 379-1 du code civil.
« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et soeurs mineurs de la victime.
« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est favorable à l'introduction, dans la proposition de loi, de l'obligation pour la juridiction pénale de statuer sur la déchéance de l'autorité parentale des parents coupables d'inceste sur leur enfant.
Elle souhaite cependant faire remarquer que cette disposition doit figurer non dans le code civil mais dans le code pénal. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En la matière, le code civil, que les magistrats connaissent, comporte déjà des dispositions. Il dispose notamment que la cour d'appel peut décider le retrait total ou partiel de l'autorité parentale lorsque le viol ou l'agression sexuelle est commis contre un mineur par une personne titulaire. Il précise aussi que ladite cour peut statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et soeurs mineurs de la victime.
Dès lors, je ne vois pas quelles raisons justifieraient, comme le prévoit l'amendement n° 29, lorsque les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, que cette dernière statue seule, sans l'assistance des jurés. Selon moi, la cour d'assises comprend les jurés ; j'aimerais donc obtenir quelques explications sur ce point.
En outre, l'amendement n° 29 fait référence aux dispositions des articles 378 et 379-1 du code civil. Il précise également que la juridiction de jugement « peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et soeurs mineurs de la victime. »
Les mesures visées par l'amendement précité existent déjà et sont mises en oeuvre. Je ne vois pas pourquoi il faudrait en instaurer de nouvelles. De surcroît, je le répète, pourquoi, lorsque la cour d'assises est saisie, autoriser la seule cour à statuer alors que la cour tout entière, y compris les jurés, a parfaitement compétence non seulement pour prononcer une peine mais aussi pour apprécier s'il y a lieu ou non de retirer l'autorité parentale à l'égard d'un ou de plusieurs enfants ?
M. le président. En conséquence, l'article 15 bis D est ainsi rédigé.
Article 15 bis E
L'article 222-24 du code pénal est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Lorsqu'il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d'autres victimes. »
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. L'article 15 bis E tend à faire du viol commis en concours avec d'autres viols une circonstance aggravante. Cette mesure s'inscrit en fait dans le processus actuel de durcissement et d'accroissement des peines, sans que soient prévues des mesures d'accompagnement.
Nous souhaitons donc la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Madame Mathon, je suis défavorable à votre amendement, dans la mesure où l'auteur d'un viol a souvent tendance à agir de manière répétée, et ce dans un court délai. Or, actuellement, il est puni comme s'il avait commis une infraction unique. Cette situation n'est pas normale.
A l'inverse, il paraît tout à fait justifié de considérer le viol commis en concours comme une circonstance aggravante, et de le punir de vingt ans d'emprisonnement au lieu de quinze ans.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 bis E.
(L'article 15 bis E est adopté.)
Article 15 quater A
I. - Après le 5° de l'article 41-1 du code de procédure pénale, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint ou son concubin, soit contre ses enfants ou les enfants de ce dernier, demander à l'auteur des faits de résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, de s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, de faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. »
II. - Après le 13° de l'article 41-2 du même code, il est inséré un 14° ainsi rédigé :
« 14° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint ou son concubin, soit contre ses enfants ou les enfants de ce dernier, résider hors du domicile ou de la résidence du couple, et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. »
III. - Après le 16° de l'article 138 du même code, il est inséré un 17° ainsi rédigé :
« 17° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint ou son concubin, soit contre ses enfants ou les enfants de ce dernier, résider hors du domicile ou de la résidence du couple, et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. »
IV. - L'article 132-45 du code pénal est complété par un 19° ainsi rédigé :
« 19° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint ou son concubin, soit contre ses enfants ou les enfants de ce dernier, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 30 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 118 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 30.
M. François Zocchetto, rapporteur. J'espère que nous allons enfin trouver un accord avec nos collègues du groupe CRC !
Le Sénat s'est déjà saisi de la question soulevée à l'article 15 quater A, qui traite de la lutte contre les violences exercées au sein du couple.
La Haute Assemblée a en effet voté, le 29 mars dernier, une proposition de loi, qui a ensuite été transmise à l'Assemblée nationale. Les dispositions qu'elle prévoit ont été reprises en partie dans la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui, relative au traitement de la récidive des infractions pénales, mais il y manque évidemment une mesure importante, qui n'a pas sa place dans un texte sur la récidive, celle qui concerne l'élévation de quinze à dix-huit ans de l'âge minimum requis pour le mariage des jeunes femmes. Le Sénat est très attaché à cette disposition, pour des raisons qui ont été longuement développées et débattues ici.
Nous sommes naturellement favorables aux dispositions de l'article 15 quater A. Cependant, il nous paraît nécessaire de les supprimer de ce texte sur la récidive, car nous souhaitons que l'Assemblée nationale étudie le plus rapidement possible la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, que nous lui avons transmise.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 118.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le garde des sceaux, nous demandons instamment l'inscription, le plus rapidement possible, de la proposition de loi relative aux violences conjugales, votée au Sénat, à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale, comme Mme Ameline s'y était engagée à l'époque.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission est un peu gênée, monsieur le garde des sceaux, dans la mesure où des dispositions identiques à celles qui sont contenues dans l'article 15 quater A ont déjà été adoptées par le Sénat, à l'unanimité, au mois de mars dernier, lors de l'examen de la proposition de loi relative aux violences conjugales. Ce texte était en grande partie motivé par la nécessité de lutter contre les mariages forcés.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez dit que vous soutiendriez les propositions du Sénat si celles-ci étaient bonnes. Pourriez-vous nous soutenir également auprès du Gouvernement afin que notre proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale ? Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale s'était d'ailleurs montré très attentif aux travaux du Sénat sur ce sujet.
Il manque une mesure essentielle dans le texte sur la récidive que nous examinons, celle qui concerne l'élévation de l'âge du mariage. Nous souhaitons donc que l'Assemblée nationale examine l'ensemble de ce dispositif et c'est la raison pour laquelle, à notre grand regret, nous sommes obligés de repousser l'article15 quater A, bien que, je le répète, ses dispositions, identiques à celles que nous avions votées précédemment, nous conviennent parfaitement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je m'en remets à la sagesse du Sénat. Si cela était en mon pouvoir, croyez bien que l'inscription de la proposition de loi du Sénat à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée serait rapide. Je crains malheureusement de ne pas disposer d'une grande influence en ce domaine !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si !
M. le président. Soyez notre avocat, monsieur le garde des sceaux ! (Sourires.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 et 118.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 quater A est supprimé.
Articles additionnels avant l'article 15 quater
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 15 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article 434-7-2 du code pénal est ainsi modifié :
1° Les mots : « de révéler, directement ou indirectement, ces informations à des personnes susceptibles d'être impliquées » sont remplacés par les mots : « de révéler sciemment ces informations à des personnes qu'elle sait susceptibles d'être impliquées ».
2° Les mots : « est de nature à entraver » sont remplacés par les mots : « est réalisée dans le dessein d'entraver ».
3° Les mots : « cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende » sont remplacés par les mots : « deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ».
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'enquête ou l'instruction concerne un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement relevant des dispositions de l'article 706-73 du code de procédure pénale, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende. »
II. Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale, les mots : « une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public », sont remplacés par les mots : « un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Les amendements nos 31, 32 et 33 concernent tous trois l'exercice de la profession d'avocat et modifient les dispositions de la loi du 9 mars 2004, dite loi Perben II.
Le Sénat, comme d'autres, n'a pas manqué de saluer l'initiative de M. le garde des sceaux qui, dès son installation place Vendôme, a engagé des concertations avec la profession d'avocat, qui s'était émue des dispositions que nous avions adoptées voilà plus d'un an.
Aujourd'hui, le moment est venu de vous présenter trois amendements tendant à corriger les imperfections de ce texte.
Le premier, l'amendement n° 31, concerne le délit de révélation d'une information issue d'une procédure pénale : pour être poursuivi, l'auteur de la révélation, en l'occurrence l'avocat - mais cette profession n'est pas la seule concernée -, devra avoir agi sciemment et dans le dessein d'entraver la procédure.
La peine sera ramenée à deux ans d'emprisonnement, ce qui interdit le recours à des mesures de détention provisoire. Toutefois, elle sera maintenue à cinq ans d'emprisonnement en cas d'infraction relative à la criminalité organisée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je remercie M. le rapporteur d'avoir bien voulu présenter ces amendements, qui constituent un véhicule législatif propre à satisfaire la profession d'avocat.
La loi Perben II est une loi fort importante, composée de près de 250 articles, modifiant 500 articles au moins du code de procédure pénale et du code pénal. Qu'il soit nécessaire de préciser les termes de l'une de ses dispositions, comme vient de le proposer M. le rapporteur sur ma suggestion, n'a rien d'extraordinaire.
L'article 434-7-2 du code pénal, qui a fait couler beaucoup de salive, devrait donc être désormais bien encadré, sauf dans les cas de grande criminalité et de terrorisme.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 15 quater.
L'amendement n° 32, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 15 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 56-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d'une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué par le magistrat. Celui-ci et le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans la décision précitée. Les dispositions du présent alinéa sont édictées à peine de nullité.
« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d'avocat. »
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont également applicables aux perquisitions effectuées dans les locaux de l'ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats. Dans ce cas, les attributions confiées au juge des libertés et de la détention sont exercées par le président du tribunal de grande instance qui doit être préalablement avisé de la perquisition. Il en est de même en cas de perquisition au cabinet ou au domicile du bâtonnier. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. S'agissant des perquisitions effectuées dans le cabinet d'un avocat, cet amendement vise tout d'abord à rendre obligatoire une décision écrite et motivée d'un magistrat, dont le contenu sera porté à la connaissance du bâtonnier.
Cet amendement tend également à interdire la consultation des documents se trouvant sur place par des personnes autres que le magistrat ou le bâtonnier.
Il institue, ensuite, le principe de spécialité de la perquisition en interdisant la saisie de documents qui ne seraient pas en rapport avec l'infraction.
La nécessité du respect de l'exercice de la profession d'avocat est également rappelée, notamment au travers de l'interdiction de placer sous scellés des locaux abritant plusieurs cabinets d'avocats ou plusieurs associés.
Enfin, ces dispositions sont étendues aux perquisitions effectuées dans les locaux de l'ordre et dans ceux des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous nous félicitons qu'un accord ait été recherché et obtenu avec le barreau sur une question qui, en effet, a fait couler beaucoup d'encre.
Je soulèverai cependant un point de détail.
La rédaction suivante a-t-elle vraiment fait l'objet d'un accord avec la profession : « Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué par le magistrat. Celui-ci et le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie » ?
Qui peut me dire quelle est la différence entre la consultation d'un document et le fait d'en prendre connaissance ? Je ne demande qu'à l'apprendre ! Si personne ne peut me le dire et s'il n'y a pas de différence, nous ferions honneur au Sénat en supprimant l'un ou l'autre de ces deux termes.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Vous avez tout à fait raison, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais, comme vous le savez, j'ai créé un groupe de travail pérenne avec des avocats et cette rédaction émane de vos confrères ou ex-confrères !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et des vôtres !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cette rédaction est effectivement redondante, mais si elle leur fait plaisir ... (Sourires.)
M. le président. Je vois que des sourires parcourent l'hémicycle !
Mes chers collègues, il vous est proposé de ne pas modifier la rédaction de cet amendement dans la mesure où il existe un accord entre le barreau et le Gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est donc dans l'intérêt du barreau !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je tiens à préciser que les représentants du barreau tiennent à cette formule redondante, car celle-ci vise, à travers la prise de connaissance de documents, des informations contenues sur des supports informatiques.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 15 quater.
L'amendement n° 33, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 15 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 100-5 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement pose le principe, à peine de nullité, de l'interdiction de transcription des écoutes téléphoniques concernant des avocats lorsqu'elles relèvent des droits de la défense, qu'il s'agisse d'écoutes directes ou indirectes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 33 mentionne des « correspondances ». Or, dans votre intervention, vous avez parlé de conversations téléphoniques ...
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Le mot « correspondances » est un terme générique qui désigne en l'occurrence les écoutes téléphoniques : ce sont des correspondances téléphoniques, si vous voulez.
Encore une fois, ce texte ne vient pas d'être rédigé. Il a fait l'objet de nombreuses discussions entre tous les professionnels concernés. Nous vous le soumettons « en l'état », dans la mesure où il n'est pas susceptible d'être discuté par les personnes intéressées.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie pour ces précisions, monsieur le rapporteur. Il est vrai que l'usage courant du mot « correspondances » renvoie plutôt à des écrits. Pour ma part, il ne me fait pas penser immédiatement à un ensemble incluant les communications téléphoniques.
Il serait donc utile que soit mentionné, dans le compte rendu de nos débats, que le mot « correspondances » désigne toute forme de communications, y compris téléphoniques.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. Sueur a raison de s'intéresser au débat ! (Sourires.)
Je l'informe que l'article 100-5 du code de procédure pénale fait partie d'une sous-section 2 intitulée : « des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications ». Aucune ambiguïté n'est donc possible quant au sens du mot « correspondances ».
M. Jean-Pierre Sueur. Merci, monsieur le garde des sceaux.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 15 quater.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 15 quater
I. - L'article 76 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du dernier alinéa, après les mots : « de l'enquête relative », sont insérés les mots : « à un crime ou » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application des dispositions de l'alinéa précédent, est compétent le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dont le procureur de la République dirige l'enquête, quelle que soit la juridiction dans le ressort de laquelle la perquisition doit avoir lieu. Le juge des libertés et de la détention peut alors se déplacer sur les lieux quelle que soit leur localisation sur le territoire national. Le procureur de la République peut également saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la perquisition doit avoir lieu, par l'intermédiaire du procureur de la République de cette juridiction. »
II à VI. - Non modifiés
VI bis. - L'article 706-92 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application des dispositions des articles 706-89 et 706-90, est compétent le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dont le procureur de la République dirige l'enquête, quelle que soit la juridiction dans le ressort de laquelle la perquisition doit avoir lieu. Le juge des libertés et de la détention peut alors se déplacer sur les lieux quelle que soit leur localisation sur l'ensemble du territoire national. Le procureur de la République peut également saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la perquisition doit avoir lieu, par l'intermédiaire du procureur de la République de cette juridiction. »
VII. - Non modifié
VIII. - A la fin du dernier alinéa de l'article 716-4 du même code, après les mots : « de l'article 712-17 », sont insérés les mots : «, de l'article 712-19 ».
IX. - Dans le dernier alinéa de l'article 721-3 du même code, la référence : « 712-6 » est remplacée par la référence : « 712-7 ».
X. - Dans la première phrase de l'article 723-2 du même code, après les mots : « de la semi-liberté », sont insérés les mots : « ou du placement à l'extérieur ».
XI. - Dans le premier alinéa de l'article 742 du même code, les mots : « ordonnance motivée » sont remplacés par les mots : « jugement motivé ».
XII. - 1° L'article 762 du même code devient l'article 761-1 ;
2° Il est rétabli un article 762 ainsi rédigé :
« Art. 762. - Lorsque le juge de l'application des peines statue en application des dispositions de l'article 754 pour mettre à exécution l'emprisonnement encouru pour défaut de paiement d'un jour-amende, les dispositions de l'article 750 ne sont pas applicables.
« Les dispositions des articles 752 et 753 sont applicables. Pour l'application de l'article 754, une mise en demeure de payer, adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, a les mêmes effets qu'un commandement de payer. »
XIII. - Dans le dernier alinéa de l'article 762-4 du même code, la référence : « 712-5 » est remplacée par la référence : « 712-8 ».
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le X de cet article, insérer un paragraphe X bis ainsi rédigé :
X bis.- 1°.- A la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 733-2 du code de procédure pénale, les mots : « en application du premier alinéa de l'article 131-22 du code pénal », sont remplacés par les mots : « en application des dispositions des deuxièmes alinéas des articles 131-9 et 131-11 du code pénal ».
2°.- Le 2° de l'article 174 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est abrogé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement ne vise qu'à corriger une erreur de référence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 quater, modifié.
(L'article 15 quater est adopté.)
Article 15 quinquies
L'article 712-2 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé:
« Pour le fonctionnement de son cabinet, le juge de l'application des peines est assisté d'un greffier et doté d'un secrétariat-greffe. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 15 quinquies
M. le président. L'amendement n° 80, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 15 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la deuxième phrase de l'article 149 du code de procédure pénale, après les mots : « a pour seul fondement », sont supprimés les mots : « la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, ».
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout le monde, j'en suis sûr, reconnaîtra que nous avons fait en sorte de terminer l'examen de ce texte ce soir. Je le dis parce que j'ai la faiblesse de tenir personnellement à cet amendement, qui a été évoqué très rapidement en commission. Je n'ai pas réussi alors à convaincre mes collègues et j'aimerais y parvenir maintenant.
Nous avons, il y a un certain temps, adopté, avec l'accord de tous, le principe de la réparation intégrale du préjudice causé par une détention provisoire subie à tort. Toutefois, sur ma proposition - et je vous prie de m'excuser d'employer la première personne du singulier -, pour éviter que certains ne prétendent abusivement à réparation, nous avions prévu quelques exceptions : lorsque la personne a bénéficié d'« une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites ».
Ces trois exceptions étaient justifiées, mais nous avions prévu un autre cas, celui de la personne reconnue irresponsable. A l'époque, il m'avait semblé que le juge d'instruction pouvait ne pas savoir au début de l'instruction que l'intéressé serait ensuite déclaré irresponsable, et c'est pourquoi j'avais aussi proposé cette exception.
Or il m'a été fait remarquer depuis, et c'est parfaitement exact, que le fondement de la réparation était non pas que le juge se soit ou non trompé, mais que l'intéressé ait fait à tort l'objet d'une détention provisoire.
C'est à l'évidence le cas de celui qui a été reconnu irresponsable, même s'il a manifestement commis les faits dont il était accusé : il aurait dû être placé en centre psychiatrique, pas en prison ! Et, à supposer qu'il ait été irresponsable au moment des faits et que, ensuite il ait recouvré la raison, il a aussi subi un préjudice.
C'est pourquoi nous vous proposons cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, nous avons étudié avec beaucoup d'attention vos arguments, car vous auriez pu, en effet, révéler une situation tout à fait anormale.
Cependant, après une étude approfondie, il semble difficile à la commission de justifier qu'une personne qui a pu commettre les faits mais qui, en application de l'article 122-1 du code pénal, ne peut être condamnée en raison de l'abolition de son discernement puisse bénéficier d'une réparation à raison de la détention provisoire. C'est pourquoi elle a, vous le savez, émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que l'intéressé ait ou non avoué, en tout état de cause, puisqu'il a été reconnu irresponsable, il n'avait pas à être mis en prison. Pour fonder le droit à réparation, nous avions été unanimes à retenir le critère de la détention provisoire intervenue à tort, et je me permets donc d'insister auprès de nos collègues.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS TRANSITOIRESET RELATIVES À L'OUTRE-MER
Article 16 A
Les dispositions de la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 721 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de l'article 5 de la présente loi, sont applicables aux condamnations mises à exécution après la date d'entrée en vigueur de la présente loi, quelle que soit la date de commission des faits ayant donné lieu à la condamnation.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 35 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 78 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 119 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 35.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec la position adoptée par le Sénat à l'article 5.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 78.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 119.
Mme Josiane Mathon. Cet amendement est également défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35, 78 et 119.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 16 A est supprimé.
Article 16
Les dispositions de l'article 723-29, des 1°, 2° et 3° de l'article 723-30, et des articles 723-31 à 723-37 du code de procédure pénale relatives à la surveillance judiciaire sont immédiatement applicables aux condamnés dont le risque de récidive est constaté après la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
« Toutefois, s'il s'agit de personnes condamnées pour des faits commis avant cette date, les compétences confiées au juge de l'application des peines par les articles 723-29 et 723-31 sont exercées par le tribunal de l'application des peines. Si le condamné demande que l'expertise prévue par l'article 723-31 fasse l'objet d'une contre-expertise, celle-ci est de droit.
« Pour l'application des dispositions de l'article 723-29 aux personnes dont la condamnation a été mise à exécution avant le 1er janvier 2005, il est tenu compte des réductions de peine dont le condamné a bénéficié conformément aux dispositions de l'article 721 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
« Pour l'application des dispositions de l'article 723-29 aux personnes condamnées avant le 1er mars 1994, il est tenu compte de la nature des faits pour lesquels elles ont été condamnées sous l'empire des dispositions du code pénal applicables avant cette date, au regard des qualifications prévues par les dispositions du code pénal applicables à compter de cette date.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 79 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 120 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 79.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 16 a été rétabli en deuxième lecture par l'Assemblée nationale. Il prévoit l'application immédiate du placement sous surveillance électronique mobile aux personnes déjà condamnées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Nous nous opposons à cette rétroactivité parce que nous considérons que le placement sous surveillance électronique mobile est non pas une modalité d'application de la peine déjà prononcée, non plus qu'une mesure de sûreté ou de police, mais - et je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport de M. Fenech - une peine qui, à ce titre, ne peut être rétroactive, d'où notre amendement de suppression de l'article 16. On sait d'ailleurs ce qu'il faut penser des articles 16... (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 120.
Mme Josiane Mathon. Nous avons suffisamment développé nos arguments tendant à démontrer que le placement sous surveillance électronique mobile est une peine à part entière et qu'il ne peut, de ce fait, être appliqué à l'encontre de personnes qui n'encouraient pas une telle peine au moment de leur condamnation.
Nous réaffirmons donc que cet article est contraire au principe de non-rétroactivité de la loi pénale répressive.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Je me suis longuement exprimé hier dans la discussion générale sur le thème de la rétroactivité. Nous avons mené une analyse très approfondie, me semble-t-il, de la question au sein de la commission. C'est ce qui me conduit à émettre un avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je pense m'être moi-même longuement exprimé. Je rappelle que l'article 16 ne prévoit nullement l'application rétroactive d'une peine, mais envisage l'application immédiate d'une modalité d'application d'une peine déjà prononcée par une juridiction de jugement. Il est donc constitutionnel.
Je sais que les groupes de l'opposition du Sénat continuent à débattre ce point, mais que l'on m'explique dès lors pourquoi M. Caresche, député socialiste, propose, dans le même cadre constitutionnel, non pas le bracelet mais l'injonction de soins. Entre l'Assemblée nationale et le Sénat, la vision constitutionnelle de l'opposition n'est pas la même !
M. Pierre-Yves Collombat. C'est possible : nous sommes une anomalie ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne pouvons pas admettre l'argument de M. le ministre. Que tel ou tel de nos collègues, appartenant à tel ou tel groupe, y compris celui qui porte le même nom que le nôtre à l'Assemblée nationale, défende une position...
M. Jean-Pierre Sueur. ...ne nous empêche pas d'en défendre une autre ici. Sinon, on ne voit pas pourquoi il y aurait deux chambres. Et pour ma part, je dois vous le dire, monsieur le ministre, j'ai peu apprécié qu'aujourd'hui, à une heure vingt du matin, vous lanciez un appel vibrant à la communion des votes dans l'unanimité des forces de l'UMP.
C'est, certes, une conception de l'action politique que d'inviter toute l'UMP à se dresser contre la position de la commission des lois du Sénat. Eh bien, nous, nous acceptons une diversité ; nous pensons même qu'elle est utile, et nous réfutons donc cet argument.
En outre, nous ne pouvons pas, alors que nous arrivons à la fin de l'examen du texte, ne pas revenir sur une grave question, déjà largement évoquée : bien des difficultés auxquelles vous êtes confronté viennent de votre refus de dire clairement que ce bracelet électronique, c'est une peine. A vous entendre, tantôt c'est une peine, tantôt ce n'en est pas une. Attendons ce que dira le Conseil constitutionnel.
En l'état actuel des choses, c'est selon : si cela vous arrange, c'est une peine, mais, si cela ne vous arrange pas, cela n'en est pas une. J'ai rapidement pris en note ce que vous venez de dire, monsieur le garde des sceaux, et qui mérite d'être cité : il s'agit, selon vous, de « l'application immédiate d'une modalité d'application d'une peine »...
Je vois ce qu'est une peine, je vois ce qu'est une mesure qui, après la peine, favorise la réinsertion et le suivi de la personne ; en revanche, je ne comprends pas bien cette déclaration en vertu de laquelle il n'y aurait pas rétroactivité parce que ce serait non pas une peine, mais l'application immédiate d'une modalité d'application d'une peine.
C'est vraiment incompréhensible ; en tout cas, moi, je ne comprends pas, je me permets de le dire en toute simplicité. Je pense que le Conseil constitutionnel aura matière à statuer sur cette question...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et qu'il sera très intéressé par cette définition de M. le garde des sceaux.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 et 120.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, je voudrais tout d'abord dire combien nous apprécions qu'aient été adoptés les trois amendements traitant de la situation dans laquelle se sont trouvés un certain nombre d'avocats ; je veux parler de la détention, de la possibilité de perquisitionner dans leurs cabinets et de verser au dossier les écoutes téléphoniques des conversations entre eux et leurs clients. Cela a suscité dans tous les barreaux de France une vive émotion, et il est très bon que nous ayons pu légiférer, d'ailleurs de manière unanime, sur ce sujet.
Nos motifs de satisfaction vont toutefois s'arrêter là.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, on peut, certes, considérer que le Sénat a joué son rôle : le texte, tel qu'il ressort de nos travaux, présente moins de dangers, d'inconvénients, de défauts que celui qui était issu des travaux de l'Assemblée nationale. Cela me paraît clair.
Toutefois, pour nous, ce texte reste marqué par un certain nombre de caractères tout à fait préjudiciables.
C'est ainsi qu'il témoigne, dans son ensemble, d'une certaine suspicion à l'égard des magistrats, lesquels jugent en leur âme et conscience et au nom du peuple français. Ils connaissent les situations de récidive, au vu desquelles ils ont la faculté de prendre les décisions qui s'imposent.
De plus, nous considérons que toutes les dispositions qui accroissent mécaniquement les peines ne vont pas dans le bon sens.
Par ailleurs, l'ensemble des mesures relatives à la réitération contenues dans le texte qui va être adopté sont source de confusion et de difficultés, tant d'interprétation que de mise en application.
Enfin, nous avons clairement dit notre opposition au mandat de dépôt à l'audience, qui risque malheureusement d'être adopté.
Sur trois autres points que je vais évoquer, le Sénat a opté pour des infléchissements bénéfiques.
D'abord, la durée du placement sous surveillance électronique est fixée à deux ans renouvelables, période qui, pour être inférieure à celle qui avait été prévue par l'Assemblée nationale, n'en pose pas moins problème. Nous l'avons dit et j'y reviendrai en conclusion.
Ensuite, deux dispositions ont été adoptées par notre assemblée contre lesquelles le Gouvernement, en votre personne, monsieur le ministre, s'est vivement élevé. Je pense principalement à la limitation du crédit de peine en cas de récidive.
Sur le sujet, la commission des lois était unanime. Je rappelle que, pendant la nuit, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne faut jamais reparler de ce qui s'est passé pendant la nuit !
M. Jean-Pierre Sueur. ... le Gouvernement nous a expliqué que cette disposition, qui excluait la limitation du crédit de peine en cas de récidive, était contraire à la philosophie du texte.
En dépit de cette injonction formulée à l'égard des sénateurs de la majorité, en dépit de vos efforts, monsieur le ministre, nous avons quand même eu la satisfaction de constater que le Sénat a finalement suivi, à une voix de majorité - une voix, certes, mais une voix salutaire et que je tiens à saluer - la commission des lois, son président et son rapporteur, au moment du vote.
Pour ce qui est des fichiers, je salue à nouveau la voix salutaire qui, au Sénat, a permis d'éviter des mesures attentatoires aux libertés et aux droits des personnes. A cet égard, j'espère que, dans la suite du débat, prévaudra le souci de préserver cet acquis sénatorial.
J'en arrive à ma conclusion.
M. le président. Heureusement, car vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes en désaccord sur la philosophie du texte quant au placement sous surveillance électronique mobile, ce pour plusieurs raisons que nous avons amplement exposées et que je me bornerai à rappeler.
Premièrement, la durée : les incertitudes sont nombreuses. Nous le savons, nous l'avons vu, nous avons lu les rapports, y compris celui de M. Fenech.
Deuxièmement, les moyens, sur lesquels nous n'avons pas eu de réponse.
Troisièmement, la question fondamentale de savoir s'il s'agit ou non une peine. Nous, nous acceptons, dans certaines conditions, que cela puisse être une modalité d'exécution d'une peine, mais nous n'acceptons pas ce discours incompréhensible selon lequel tantôt c'est une peine, tantôt c'est autre chose.
Pour en finir, je dirai que cette proposition de loi traduit la volonté, une fois encore, de répondre à l'opinion, de légiférer en fonction d'un certain nombre de faits très douloureux qui se sont produits, mais en méconnaissant la seule réponse efficace à la récidive, à savoir changer les prisons, mieux suivre les personnes détenues, préparer leur libération, les aider, lorsqu'elles sortent de prison, à se réinsérer socialement et professionnellement.
Un travail très concret doit être accompli, car c'est le seul qui permettra, nous le savons bien, d'obtenir des résultats. C'est leurrer l'opinion que de faire croire qu'une simple mesure technique permettra d'atteindre le but recherché. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, je serai très bref.
La diversité des opinions au sein de mon groupe a un avantage, mais elle crée aussi l'inconvénient de devoir réaliser une synthèse difficile au moment des explications de vote.
La participation active qui a été la mienne au cours de ce débat me conduit à faire connaître l'opinion du groupe. Bien entendu, la majorité votera ce texte et une grosse minorité s'abstiendra. Je ne rentrerai pas dans les subtilités et les cheminements qui ont conduit cette minorité à s'abstenir, ce serait trop long !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais intervenir brièvement, au nom du groupe de l'Union centriste.
Lorsque vient en discussion un texte important sur un sujet aussi sensible que celui de la récidive, on s'expose à un certain nombre de risques.
Le premier est de vouloir aller dans le sens de la répression à tout-va. Or, on sait que cela ne marche pas.
Le deuxième consiste à dire, au contraire, que la répression ne marchant pas, mieux vaut être moins dur avec les détenus, qui seront ainsi moins tentés par la récidive. Mais il est tout aussi prouvé que le laxisme ne règle pas les problèmes.
Le troisième risque est de vouloir céder à l'opinion, toujours prompte à s'émouvoir sur les problèmes de récidive, en tentant d'établir une législation qui privilégie l'effet d'affichage sans traiter les problèmes au fond.
Le quatrième, avec lequel on a flirté par moments, consiste à porter atteinte à un certain nombre de grands principes du droit pénal auxquels le Sénat considère unanimement qu'il n'est pas possible de toucher.
Le travail à faire n'était pas simple. Je voudrais féliciter la commission, son président, son rapporteur et l'ensemble des collègues qui ont fait progresser le texte de l'Assemblée nationale dans le sens de l'équilibre, à l'image de ce que nous avions fait en première lecture.
En première lecture, nous avions laissé un certain nombre de points en suspens, notamment la question du placement sous surveillance électronique mobile. Nous avions alors annoncé que nous reprendrions l'examen de ces points une fois que nous aurions eu connaissance du rapport de M. Fenech. Cela a été fait !
Le travail a été poursuivi en respectant l'équilibre et les grands principes du droit pénal, auxquels le Sénat est attaché. C'est donc tout à l'honneur de notre Haute Assemblée.
Bien entendu, tout n'est pas réglé. Dans ce domaine, malheureusement, tout n'est jamais complètement résolu. Mais donnons du temps au texte, qui sera bien évidemment ajusté par la commission mixte paritaire. En effet, il y a parfois eu des désaccords, mais ce n'est pas dramatique, et c'est aussi le fonctionnement du Parlement qui le veut.
Je le répète, il faudra laisser le temps aux mesures nouvelles que nous avons introduites dans ce texte de donner toute leur ampleur. Il faudra également mettre un frein à une pratique trop fréquente depuis quelques années, à savoir la modification du code pénal.
Cela étant, rien ne sera réellement réglé si nous ne nous attaquons pas parallèlement, même si je sais que cette mesure réclame des moyens, à la nécessité de mieux préparer le retour des détenus à la liberté. Ce point a été évoqué sur toutes les travées. Nous en sommes donc tous conscients.
Les textes sont une bonne chose, et nous les avons améliorés, mais il nous faut aussi mettre en place les moyens d'assurer le suivi socio-judiciaire, qui est absolument indispensable afin que le détenu libéré ne soit pas tenté de récidiver. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. A mon tour, je veux dire que le bicaméralisme est une chance pour la démocratie, et que, en son sein, le Sénat y joue un rôle tout particulier. En effet, il est moins confronté à la pression de l'opinion publique, en particulier grâce à un mode de scrutin indirect, souvent décrié, mais qui en est pourtant la principale garantie. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Sensible aux préoccupations de nos concitoyens, le Sénat est néanmoins plus éloigné du prisme médiatique, qui joue parfois le rôle d'un miroir déformant de nos débats. Loin d'être un handicap, cette diversité est une chance, car elle apporte sérénité à nos débats et mesure à nos propositions.
J'insiste tout particulièrement sur cette spécificité, car elle détermine notre résistance à la dramatisation de nos échanges, sans affaiblir pour autant nos convictions.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. Laurent Béteille. En définitive, elle permet de renforcer l'efficacité de notre législation.
Pour en venir au fond de notre débat, je tiens à indiquer, au nom du groupe UMP, notre satisfaction vis-à-vis du texte que nous nous apprêtons à adopter. Il nous semble que les conditions d'un consensus avec l'Assemblée nationale sont maintenant réunies. Chacune des assemblées a fait un pas notable vers l'autre.
Avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement, nous partageons la même finalité depuis le début, à savoir mettre en place, avec détermination, tous les moyens de la procédure pénale dont nous pouvons disposer afin d'améliorer la lutte contre la récidive et contre les crimes les plus monstrueux qui interpellent nos consciences et celles de nos concitoyens.
Nous sommes également en situation, à présent, de nous accorder sur les modalités de mise en oeuvre de ces moyens. Qu'il s'agisse du placement sous surveillance électronique mobile, de la réitération d'infractions, de l'extension du FIJAIS, je ne doute pas que la commission mixte paritaire saura proposer un texte équilibré en respectant le double objectif qui nous anime tous : apporter une réponse pénale effective qui soit adaptée à la situation très particulière des délinquants récidivistes et s'inscrire dans la continuité de notre droit positif dans le respect de toutes les parties et de la hiérarchie des sanctions. Nos compatriotes nous sauront gré de mettre en oeuvre cette amélioration des moyens de notre justice pénale afin d'appréhender ces phénomènes inacceptables dans une société moderne.
Enfin, à l'instar de M. Détraigne, je souhaite conclure mon propos en émettant un voeu.
Monsieur le garde des sceaux, il est temps d'établir un moratoire sur la matière pénale.
M. Jean-Pierre Sueur. On le dit à chaque fois !
M. Laurent Béteille. Cette « récidive » textuelle n'est pas de votre fait. Il s'agit d'une tendance lourde depuis deux décennies. Il faut le rappeler, en vingt ans, le Parlement a été saisi de dix-huit réformes de la procédure pénale et du code pénal.
Cette stratification pose inévitablement des problèmes. Il ne faudrait pas que l'empilement des textes ait pour conséquence, au pire, d'entraîner des vices de procédure ou, au mieux, de rendre encore plus ardue la tâche des magistrats.
Monsieur le ministre, mon groupe votera cette proposition de loi dans sa rédaction équilibrée, issue des travaux de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le garde des sceaux, au cours de cette deuxième lecture au Sénat, vos réponses et vos interventions auront tout particulièrement mis en évidence que cette proposition de loi devait absolument montrer à l'opinion que le Gouvernement et sa majorité n'étaient pas laxistes. Pour ce faire, il a donc fallu augmenter l'arsenal répressif ! Ce choix d'un affichage politique a été propice à une surenchère et à une démesure comme jamais cela ne s'était vu à l'Assemblée nationale.
En première lecture, le Sénat avait bien essayé de mettre un frein à l'emballement des députés en supprimant la majeure partie des articles de la proposition de loi, notamment ceux qui étaient relatifs à la limitation du crédit de réduction de peine, au fichier des irresponsables pénaux ou au bracelet électronique permanent.
La proposition de loi est axée sur le placement sous surveillance électronique, véritable double peine infligée au condamné après sa peine privative de liberté, et l'allongement de la durée d'emprisonnement. Dans ce dernier cas, les députés n'ont pas fait dans la demi-mesure : ils ont allongé la période de sûreté ainsi que la durée d'épreuve à accomplir avant de pouvoir demander une libération conditionnelle, ils ont restreint le droit à la suspension de peine pour les détenus dont le pronostic vital est engagé ou, encore, ils ont augmenté la durée de la détention provisoire pour les mineurs.
Le Gouvernement et sa majorité ont joué bien maladroitement avec les chiffres et sciemment ignoré les recommandations avisées des professionnels judiciaires et pénitentiaires en matière de prévention de la récidive.
La manipulation de l'opinion est constante. Monsieur le garde des sceaux, comment avez-vous pu déclarer sans aucun scrupule, comme vous l'avez fait en introduction de votre intervention dans la discussion générale, que les récidivistes étaient aujourd'hui considérés comme des primo-délinquants et que cette situation devait changer ? Mais relisez donc le code pénal !
De même, il est assez incroyable de dire sans ciller que les textes actuels sont insuffisants, voire inexistants pour prévenir la récidive des grands criminels.
Monsieur le garde des sceaux, la répression existe. Hélas ! elle ne prévient pas totalement la récidive, qui, je le répète, est l'échec du sens de la peine.
En revanche, rien n'est prévu afin d'augmenter les moyens des services pénitenciers d'insertion et de probation ainsi que le nombre de psychiatres. Aucune mesure n'est sérieusement envisagée afin de réduire de manière drastique le nombre de détenus, alors que les prisons sont au bord de l'explosion et représentent à ce titre un facteur important de récidive.
Le bracelet électronique est présenté comme la solution miracle. Quelle illusion ! Le garde des sceaux le reconnaît lui-même : le bracelet alertera les autorités si la personne se rend dans un endroit qui lui est interdit et, lorsqu'un crime sera commis, il permettra de savoir si la personne se trouvait sur les lieux. En résumé, il faudra attendre la commission de l'infraction pour pouvoir arrêter le présumé récidiviste. C'est une drôle de conception de la lutte contre la récidive !
Bref, après l'acceptation par la majorité d'une bonne partie des dispositions que les députés ont réintroduites, voire ajoutées au texte adopté en première lecture au Sénat, le texte est devenu une aberration pénale complètement contre-productive, voire même dangereuse, en matière de récidive.
Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, je tiens à vous remercier tous de votre participation et de la qualité du débat.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
3
Prélèvements obligatoires
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la quatrième année consécutive, le Sénat débat du rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Au nom du Sénat tout entier, vous comprendrez que, sachant traduire les sentiments de l'ensemble des sénatrices et des sénateurs, je m'en félicite.
Prévu par notre nouvelle constitution financière, la loi organique relative aux lois de finances, ce débat a pour origine un amendement conjoint de nos commissions des finances et des affaires sociales, ainsi que peuvent le confirmer leurs présidents, ici présents. Fruit d'une initiative sénatoriale, il permet une approche globale de l'ensemble des prélèvements : Etat, organismes sociaux, collectivités territoriales.
J'ai fait en sorte, messieurs les ministres, que, malgré la lourdeur des travaux parlementaires, ce débat essentiel puisse être maintenu. L'ensemble des sénateurs y tenait beaucoup !
Le fait que le Sénat ne soit saisi qu'après l'Assemblée nationale du projet de loi de finances nous en donne la possibilité. Il convenait d'en saisir l'opportunité.
Ce débat récompense les efforts constants et que je suis à même d'apprécier, comme vous toutes et tous, de nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini, respectivement président et rapporteur général de la commission des finances.
Je tiens à remercier vivement le Gouvernement pour le geste qu'il fait ainsi en direction du Sénat. Nous y sommes très sensibles tout en nous rappelant que, comme le disait Jules Ferry, mon illustre prédécesseur, le Sénat est là pour veiller à ce que la loi soit bien faite.
Ce débat de synthèse, mes chers collègues, nous offre une vision d'ensemble décisive pour définir une stratégie cohérente des finances publiques.
Après l'expérimentation réussie d'une discussion rénovée du projet de loi de règlement, ce débat ne doit pas devenir un simple exercice rituel. Il doit au contraire marquer une nouvelle étape de réflexion et de prospective. Il se situe dans la perspective des temps forts qui vont rythmer notre automne : loi de financement de la sécurité sociale « nouvelle version », loi de finances rénovée et « collectif » de fin d'année Voilà un programme copieux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
La parole est à M. le ministre délégué au budget.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, les discussions autour des prélèvements obligatoires se résument bien souvent à un combat de chiffres : on se focalise sur leur niveau, sur leur évolution, sur les comparaisons à faire avec les autres pays. Il vaut à mon avis sans doute la peine, à l'occasion de notre rencontre de ce soir, de sortir un peu de ce carcan traditionnel pour poser ensemble la question de la finalité, de l'efficacité de nos prélèvements obligatoires.
En effet, ce que les Français attendent de nous, c'est une politique cohérente, au service d'objectifs clairs, notamment en termes d'emploi et de compétitivité, et je n'emploie pas ces mots par hasard : ce sont eux qui structurent la réflexion qui est la nôtre, aujourd'hui.
C'est la raison pour laquelle nous avons voulu mobiliser tous les leviers à notre disposition et bâtir une stratégie globale qui engage tous les acteurs, ainsi que je vais m'efforcer, de même qu'après moi mon collègue et ami Philippe Bas, de vous le démontrer dans mon propos.
Cette stratégie repose sur quatre piliers : une réforme fiscale d'envergure des impôts de l'Etat, la poursuite de la politique d'allégement de charges sociales, la réforme de la gouvernance de nos finances locales et, enfin, la réforme de l'Etat, car personne ne peut imaginer une réforme fiscale qui se traduirait par une baisse des impôts financée à crédit- mais j'aurai l'occasion d'y revenir.
C'est d'abord sur la réforme fiscale que je veux particulièrement mettre l'accent. On prétend souvent qu'il n'est possible d'entreprendre une ample réforme fiscale qu'en début de législature. Pourtant, ces derniers mois, vous l'avez constaté soit pour vous en réjouir, soit pour vous y opposer, nous avons tenté de faire bouger les lignes en matière de fiscalité dans notre pays. Nous allons en effet transformer en profondeur notre paysage fiscal au profit de deux objectifs majeurs : l'emploi d'abord, la justice sociale ensuite.
L'emploi est notre première priorité et, pour tout dire, toutes nos propositions portent une marque de fabrique, qui tient en trois idées : d'abord, le refus d'opposer sans cesse, de manière idéologique, l'économique et le social, et donc, finalement, d'opposer les Français les uns aux autres ;...
M. Guy Fischer. Bien sûr !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ....ensuite, la rupture avec la logique de l'assistance, qui a si longtemps tenu lieu de politique sociale à notre pays ; enfin, l'engagement d'accompagner tout le monde, chacun aussi longtemps qu'il le faut, sur le chemin du retour à l'emploi dans un esprit de responsabilité partagée.
C'est cette logique qui nous a conduits à consacrer la quasi-totalité des allégements d'impôts prévus dans ce budget pour 2006 à l'emploi, avec notamment une revalorisation de la prime pour l'emploi à hauteur de 500 millions d'euros dès 2006, et autant en 2007.
C'est également pour favoriser l'emploi que nous avons décidé des mesures fiscales en faveur de la mobilité géographique, mais aussi une prime de 1 000 euros pour le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi et titulaires de minima sociaux reprenant un travail. A chaque fois, l'idée est la même : creuser l'écart entre les revenus du travail et ceux de l'assistance, renforcer le pouvoir d'achat des Français qui travaillent. C'est là pour nous un objectif majeur qui, bien entendu, sous-tend aussi la réflexion engagée sur la modernisation de notre système des minima sociaux, à laquelle travaillent deux de vos collègues : Michel Mercier et Henri de Raincourt.
Si je tiens à parler tout particulièrement de l'emploi, c'est parce que je veux évoquer avec vous la question de la compétitivité de la France et plus précisément de la délocalisation, ce mot qui nous fait tant de mal et de peur !
Je sais que la pratique combinée de l'injure et de l'amnésie fait particulièrement florès en cette période de préparation du congrès du parti socialiste. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Ça attaque sec !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il serait peut-être temps, ce soir, de participer à l'exercice qui consiste à remettre quelques pendules à l'heure.
Notre objectif est de lutter contre les délocalisations, et ce pour une raison simple : elles constituent un sujet d'inquiétude majeure pour tous les Français qui ont légitimement peur pour leur avenir et pour leur emploi. Or, face à un tel enjeu, le débat ne peut pas se résumer, d'un côté, à la critique systématique et, de l'autre, à l'initiative. A mon sens, il dépasse très largement les clivages politiques traditionnels.
Si je le dis, c'est parce que, parmi les décisions que nous avons prises, il en est une qui a trait à la réflexion concernant l'impôt sur le patrimoine. Je tiens à préciser d'emblée que la suppression de ce prélèvement, qu'il s'agisse de l'impôt de solidarité sur la fortune ou d'autres impositions sur le patrimoine, n'a jamais été envisagée.
Cela n'aurait d'ailleurs aucun sens. En revanche, prendre des mesures en faveur de l'emploi et de la compétitivité de notre pays présente un intérêt.
En effet, personne, à droite comme à gauche, ne peut se réjouir en apprenant par voie de presse le départ de certains à l'étranger ou la vente de fleurons de notre industrie à des groupes étrangers. Chacun a encore en mémoire le cas d'une certaine entreprise de pneumatiques...
M. le président. Monsieur le ministre, vous savez que l'on apprend beaucoup de choses dans les journaux !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est vrai, monsieur le président. On y lit même parfois des informations totalement fausses !
Face aux délocalisations, phénomène dont personne ne peut se satisfaire, nous sommes tous placés devant nos responsabilités.
De ce point de vue, la gauche a montré la voie en 1982, lorsque le président Mitterrand a exigé que les oeuvres d'art soient exclues de l'assiette de l'ISF. Heureusement qu'il l'a fait, autrement l'ensemble de notre patrimoine culturel se trouverait aujourd'hui à l'étranger.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Absolument ! Il a très bien fait !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En 1988-1989, la gauche a montré la voie une seconde fois, en exonérant les biens professionnels de l'ISF, afin que les chefs d'entreprise n'aient pas à payer cet impôt sur leur outil de travail.
Là encore, heureusement qu'une telle mesure a été prise, sinon les chefs d'entreprise auraient quitté la France, laissant les usines vides et les gens au chômage.
Il restait des effets aberrants à corriger ; c'est ce que nous faisons aujourd'hui.
Etait-il normal que certains Français paient jusqu'à 120 % ou 130 % de leurs revenus en impôts ? Non ! C'est pourquoi nous avons mis en place un mécanisme de plafonnement fiscal à 60 % des revenus, mécanisme que nous soumettrons à votre assemblée. Ce taux a été beaucoup discuté et notre choix à été guidé par la volonté de nous adosser à la moyenne européenne, sachant que ce plafonnement concerne en priorité les foyers modestes. C'est une mesure équitable.
Etait-il normal que les patrons conservent indéfiniment la direction de leur entreprise au seul motif qu'ils seraient fiscalement très imposés en passant la main ? Certainement pas ! C'est pourquoi le Gouvernement a accepté un amendement tendant à exonérer à 75 % les parts ou actions détenues par les salariés, dirigeants, anciens salariés et anciens dirigeants, sous réserve de leur conservation pendant six ans.
Etait-il normal que, en cas de transmission d'une entreprise, les héritiers actionnaires soient obligés de vendre leurs parts, le plus souvent à des groupes étrangers ? Non ! C'est pourquoi nous exonérons à hauteur de 75% la détention de parts ou d'actions minoritaires dans le cadre de pactes d'actionnaires.
Etait-il normal que les dirigeants détenant des parts de leur entreprise soient exonérés, mais pas les salariés ? Evidemment non ! Aussi avons-nous étendu aux salariés la mesure prise par la gauche à l'avantage des seuls dirigeants.
En matière d'ISF, ce sont les seules mesures que nous avons prises. De ce point de vue, les procès d'intentions qui nous ont été faits paraissent en total décalage avec le discours de tous les grands partis de la gauche européenne, en Espagne, en Allemagne ou au Royaume-Uni.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela est d'autant plus vrai que le deuxième pilier de notre réforme fiscale est marqué par un souci constant de justice sociale. La justice, c'est en effet le mot-clé de cette réforme.
D'abord, cette réforme est juste parce qu'elle vise les classes moyennes et modestes qui gagnent moins de 3 500 euros par mois. En effet, nous consacrons sur elles près de 70 % du coût de cette baisse d'impôt, soit 2,4 milliards d'euros sur les 3,6 milliards d'euros prévus. En intégrant la prime pour l'emploi, la PPE, ce taux s'élève à 75 %.
En prenant en compte les diminutions d'impôts décidées au cours de l'ensemble de la législature, 3,5 millions de foyers auront profité d'une baisse d'impôt d'au moins 30 % et plus de 90 % d'entre eux ont un revenu inférieur à 24 000 euros par an !
Ensuite, cette réforme est juste parce qu'elle cantonne les gains pour les hauts revenus. Le nouveau taux marginal de l'impôt sur le revenu est fixé à 40 %, alors que l'intégration mécanique de l'abattement de 20 % aurait dû conduire à le fixer à 38 %.
Enfin, cette réforme est juste parce qu'elle propose un mécanisme de double plafonnement. Nous aurons, monsieur le président de la commission des finances et monsieur le rapporteur général, l'occasion d'en parler à nouveau. Il s'agit à la fois de plafonner la charge fiscale à 60 % du revenu et les avantages fiscaux, les fameuses « niches », pour éviter les cumuls abusifs.
Lors de la discussion budgétaire, nous aurons l'occasion d'aborder dans le détail chacun de ces points ; je souhaitais d'ores et déjà vous dire que, dans ces domaines, nous avons souhaité faire bouger les lignes dans une logique de compétitivité, d'attractivité de notre territoire, mais aussi d'emploi, afin d'enrayer les délocalisations.
Il nous reste bien des chantiers à explorer. Je ne mentionnerai que celui de la fiscalité de l'épargne.
Monsieur le rapporteur général, vous proposez à ce sujet des pistes d'améliorations intéressantes ; soyez assuré que le Gouvernement entend travailler en étroite coopération avec vous et la commission des finances, comme il l'avait fait l'an dernier pour l'exonération des plus-values de cessions sur les titres de participation.
Ainsi que M. Thierry Breton l'a indiqué devant la Haute Assemblée, nous proposerons au Parlement, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative, un dispositif qui permettra d'exonérer les plus-values mobilières de manière progressive, à l'issue d'une conservation d'une durée minimale de cinq ans, afin de promouvoir une plus grande stabilité de l'actionnariat de nos entreprises.
J'en viens à présent aux allégements de charges sociales.
Là encore, je crois que nous devons sortir des faux débats. Maintenant que les allégements de charges sont stabilisés, il faut les pérenniser et les rendre plus lisibles pour les entreprises.
De ce point de vue, le Gouvernement avait pris une bonne décision en 2004 en supprimant le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC. Cette véritable boîte noire était en effet une structure opaque entre l'Etat et la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le Gouvernement a également pris une bonne décision en 2005 en affectant les ressources correspondantes à la sécurité sociale. C'était d'autant plus justifié que les allégements de charges constituent bien, pour les entreprises, une diminution de leurs prélèvements obligatoires. Cela n'a donc rien à voir avec de la dépense discrétionnaire. Par conséquent, exclure ces allégements de la norme de dépense est légitime.
C'est un sujet sur lequel M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, reviendra dans son propos et sur lequel nous avons beaucoup travaillé ensemble.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, vous émettez des réserves sur la décision de transférer un panier de recettes à la sécurité sociale pour financer les allégements de charges sociales, et vous proposez de substituer 3,3 points de TVA aux neuf taxes dont nous souhaitons le transfert.
Cette question est très importante et nécessite trois débats.
Le premier débat est celui du financement des allégements de charges : autrement dit, le panier de recettes proposé permet-il de compenser dans de bonnes conditions les allégements de charges ? La réponse est « oui », car, contrairement à ce que j'ai pu lire, ce panier de recettes n'est pas un « inventaire à la Prévert ».
Certes, il se compose de neuf taxes, mais il est justifié. En effet, ces taxes ont un rapport direct ou indirect avec des questions de santé, donc avec les dépenses qu'elles financent.
M. Jean-Jacques Jégou. Même la taxe sur les salaires ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je vais y venir !
Qu'il s'agisse de la taxe sur l'alcool, de la TVA sur les médicaments, de la TVA sur les tabacs, de la taxe sur les primes d'assurance automobile en lien avec le taux d'accidents, ou même de la taxe sur les salaires, qui, je le rappelle, monsieur Jégou, est acquittée à 45 % par les établissements de santé,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et le reste par les banques !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... tous ces prélèvements sont bien en relation avec les questions de santé. Leur dynamisme est globalement en ligne avec celui de la masse salariale du secteur privé au cours des dix dernières années, celle-ci progressant même en moyenne, comme les allégements de charges en régime de croisière.
Ce panier atteint donc parfaitement son objectif, qui est de financer les allégements de charges.
J'ajoute que le partage de la TVA entre l'Etat et la sécurité sociale ne serait pas une option saine pour les finances publiques : d'aucuns pourraient y voir un « droit de tirage » sur le budget de l'Etat, au moment où nous voulons identifier clairement ses dépenses, ainsi que celles de la sécurité sociale.
De plus, si l'on décidait de s'engager dans cette voie, il faudrait s'attendre chaque année à une polémique - est-ce bien utile, alors que nous en avons déjà tellement dans ce pays ? - sur la clé de répartition entre l'Etat et la sécurité sociale pour la TVA. C'est le contraire de la logique de découplage financier que nous essayons de mettre en place.
La deuxième question est la suivante : les allégements de charges sont-ils efficaces par rapport à notre objectif ?
M. Guy Fischer. Non !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ça, c'est autre chose...
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Effectivement !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les allégements de charges augmenteront de 1,8 milliard d'euros en 2006 : certains s'interrogent sur l'opportunité de cet effort supplémentaire, et le ministre du budget que je suis, conscient qu'il y a quelque 19 milliards à décaisser, sait de quoi il s'agit.
Je rappellerai simplement que ces allégements de charges en progression ne tombent pas du ciel. Ils correspondent à des décisions pour certaines antérieures à notre gouvernement, qu'il nous faut nécessairement assumer au nom de la continuité de l'Etat et du respect de la parole donnée.
Ainsi, lorsque nous avons massivement augmenté le SMIC, comme ce fut le cas en juillet 2003 et en juillet 2004, il a naturellement fallu compenser cette hausse pour les entreprises. Personne n'imagine en effet qu'il revient aux entreprises de financer l'augmentation du SMIC ! Parallèlement, le dispositif d'allégement des charges issu de la loi Fillon, pour neutraliser les conséquences de cette augmentation du SMIC, a achevé sa montée en puissance.
Cela étant - et je le dis ici très sereinement -, une évaluation plus précise de l'effet des allégements de charges est certainement nécessaire. Il est vrai que de nombreuses critiques sont émises sur leur efficacité, à gauche comme à droite. L'ampleur de l'effort qu'ils représentent pour les finances publiques justifie parfaitement qu'on s'interroge sur leur efficience. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est engagé à présenter à l'Assemblée nationale un rapport sur ce sujet. J'ai naturellement sollicité les corps d'inspections compétents sur ce point.
Désormais, la question est de savoir si nous devons aller au bout de notre logique ; ce débat n'est pas médiocre, bien au contraire. Devons-nous ou non nous engager dans la voie de la « barémisation » de ces allégements ? Le véritable taux de cotisations patronales pour le SMIC est de quatre points - et non de trente -, et l'ensemble des charges sociales pesant sur les salaires de ce niveau est de vingt points - et non de quarante-six, comme cela est aujourd'hui indiqué sur les feuilles de paie. Autant que cela se voit ! C'est un peu, monsieur le président de la commission des finances, la même opération de transparence qu'avec la suppression de l'abattement de 20 % pour l'impôt sur le revenu.
Présenter au reste du monde - et donc aux investisseurs étrangers présents et futurs - un barème correspondant à la vérité, tant pour les charges sociales que pour l'impôt sur le revenu, est une idée qui mérite sans doute d'être étudiée. En tout cas, nous y travaillons, et un rapport sur ce sujet sera présenté à l'Assemblée nationale et au Sénat.
La troisième question est celle de la modernisation du mode de financement de notre sécurité sociale.
Je suis, pour ma part, favorable à ce que l'on débatte en toute transparence, sans tabou, des voies d'amélioration possibles du financement de la sécurité sociale.
La TVA sociale, sujet abondamment évoqué, est une piste possible. De prime abord, l'idée est séduisante : substituer aux cotisations patronales, assises sur les salaires, une taxe assise sur la consommation, voilà qui donne une impression de modernité. Du coup, on rend plus chers les produits importés et plus compétitifs les produits made in France. Tous ces éléments plaident en faveur de cette formule.
Certes, si les entreprises jouent le jeu intégralement, le système peut très bien fonctionner. Mais le véritable risque est que les entreprises profitent de cette baisse des cotisations patronales et ne les répercutent pas sur les prix de leurs produits. Dans ce cas, la hausse de TVA se traduirait par un dérapage des prix : le véritable perdant serait alors le consommateur.
M. Aymeri de Montesquiou. Dans ce cas, les entreprises n'arriveraient pas à vendre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. D'effet vertueux, on passerait alors à un cercle vicieux. On pourrait s'interroger sur la fiabilité du dispositif.
Le débat sur la TVA sociale, qui est à la fois passionnant et passionné, doit se poursuivre et être élargi à l'ensemble des parties concernées, y compris les entreprises.
Le Premier ministre a d'ailleurs confié à M. Raymond Soubie une étude à ce propos, dont il convient d'attendre les conclusions. Ce sera, me semble-t-il, une contribution majeure à notre débat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument ! M. Soubie est un esprit libre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous devons toutefois garder à l'esprit une priorité : derrière la question de la bonne structure fiscale pointe celle du poids excessif de nos dépenses publiques.
M. Guy Fischer. Ah ! nous y voilà !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tous les dix ans ou vingt ans, il est de bon ton, dans notre pays, de créer une nouvelle assiette au nom de l'efficacité économique, pour faire face à l'envolée des dépenses sociales.
Ainsi, en 1954, la TVA avait été imaginée pour financer la politique familiale. Puis, au début des années 1990, la contribution sociale généralisée, la CSG, a été créée pour financer une partie du revenu minimum d'insertion, le RMI. Aujourd'hui, l'introduction d'une TVA sociale est envisagée pour faire face aux dépenses liées aux évolutions démographiques, notamment au vieillissement de la population. Voilà un sujet lourd sur lequel nous devrons poursuivre nos réflexions.
J'évoquerai maintenant très brièvement la réforme de la gouvernance des finances locales.
Elu local, je suis évidemment très attaché à la libre administration des collectivités locales, ainsi qu'à leur autonomie financière.
Mais, là encore, il ne faut pas se tromper de débat : notre économie vit sans cesse sous la menace de délocalisations. Cela se traduit à chaque fois par des fermetures d'entreprises. Des salariés sont laissés sur le carreau. Les territoires concernés doivent ensuite relever des défis considérables !
Je suis donc de ceux qui pensent qu'on ne peut pas, d'un côté, verser des larmes lorsque nos entreprises se délocalisent et, de l'autre, fermer les yeux sur les hausses des taux de fiscalité locale. Celles que nous avons observées au cours des dernières années étaient parfois excessives.
C'est d'ailleurs pour inciter à la modération fiscale que j'ai proposé que l'Etat et les collectivités locales assument chacun leurs responsabilités, dans le cadre tant de la réforme de la taxe professionnelle que du plafonnement à 60 % des impôts. Ce sujet est évidemment très important.
S'agissant de la taxe professionnelle, j'ai proposé que l'Etat prenne à sa charge les augmentations de taux intervenues entre 1995 et 2004, 2004 devenant alors l'année de référence. Le coût pour l'Etat de cette prise en charge s'élèvera à 1,4 milliard d'euros. Les collectivités locales prendront en charge, à compter de cette année et pour les années futures, les hausses de dégrèvements au titre du plafonnement effectif à 3,5 %.
Nous aurons un débat approfondi sur ce sujet. Je suis évidemment ouvert à la mise en place d'un mécanisme correcteur, et j'examinerai avec vous les clauses de sauvegarde pour éviter que certaines collectivités ne se trouvent dans des situations désespérées. Mais nous en reparlerons.
De la même manière, je suis ouvert à une réflexion sur la mise en oeuvre du plafonnement des impôts locaux à 60 % des revenus. J'ai ainsi entendu l'appel d'Hervé Mariton à l'Assemblée nationale tendant à ce que, si l'Etat est responsable du dépassement de ce seuil, il lui appartient alors de le prendre en charge.
Toutes ces questions devront être évoquées à l'occasion de la conférence annuelle des finances publiques. Cette première conférence, que je souhaite réunir au mois de novembre, sera essentiellement méthodologique.
Elle sera l'occasion d'aborder les perspectives d'évolution de nos finances publiques sur la période 2006-2009, ainsi que les composantes des relations financières entre l'Etat, les collectivités locales et les administrations de sécurité sociale.
Pour terminer, j'évoquerai la réforme de l'Etat, sujet sur lequel la Haute Assemblée travaille beaucoup. Cela ne vous étonnera pas, je suis comme vous déterminé à maîtriser la dépense de l'Etat.
Ce que les Français attendent, c'est non pas une dépense publique en augmentation, mais une dépense publique efficace, le meilleur service public au meilleur coût.
De ce point de vue, le Premier ministre a clairement indiqué que l'objectif pour 2007 serait de tendre vers la stabilisation des dépenses en valeur. Cela signifie que l'Etat doit financer les services rendus à nos concitoyens à dépenses courantes inchangées. En volume, la stabilisation à zéro constituait déjà un progrès ; en valeur, elle représentera un effort majeur de modernisation, qui exigera des gains de productivité.
Dans ce contexte, l'élaboration du projet de budget pour 2007 est déjà entamée. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une nouvelle méthode de travail, grâce à la LOLF. L'ensemble des administrations de l'Etat fera l'objet d'une vague d'audits. Le Premier ministre annoncera demain sur ce sujet des décisions importantes. Ces audits, inspirés par ce qui se pratique au Canada, ainsi que dans les grandes entreprises privées, sont, me semble-t-il, une manière d'engager la modernisation de la dépense publique.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les informations dont je tenais à vous faire part en introduction à cet important débat sur les prélèvements obligatoires.
Sur tous ces sujets, les Français nous demandent de la lisibilité, de la justice, de l'efficacité : de la lisibilité d'abord, parce qu'ils veulent une fiscalité qui soit claire pour tout le monde ; de la justice ensuite, parce qu'ils savent qu'il n'est pas de décision importante et de réforme courageuse si elles ne sont pas d'abord justes ; de l'efficacité enfin, parce que tous les Français veulent en avoir pour leurs impôts.
C'est l'efficacité même du service public qui est en jeu, et c'est à cela que nous allons travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les réflexions de la commission des finances et de la commission des affaires sociales du Sénat ainsi que l'intervention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat ont parfaitement mis en lumière l'importance des enjeux liés à la maîtrise des prélèvements obligatoires.
Je suis heureux qu'un tel débat puisse se tenir ce soir au Sénat, au moment où le Parlement délibère du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
En effet, il est essentiel que la représentation nationale puisse discuter de l'évolution de nos prélèvements obligatoires, en tournant le dos aux approches compartimentées et à tiroirs, ainsi qu'aux cloisonnements qui, trop souvent, empêchent d'affirmer les vues d'ensemble sans lesquelles il n'est pas de bonne politique.
Les comptes sociaux et ceux de l'Etat ne font qu'un dans l'esprit de nos compatriotes, et ce sont ces derniers, bien sûr, qui ont raison. Pour eux, ces comptes sont votés par le Parlement et dépendent, en exécution, du Gouvernement. C'est donc la responsabilité politique qui est en cause.
Quelle que soit la géographie des inscriptions comptables - budget de l'Etat ou comptes de la sécurité sociale -, il s'agit toujours de faire fonctionner des services publics aussi importants que l'école ou l'hôpital. Le fait que l'une soit financée par l'Etat et l'autre par la sécurité sociale est, en définitive, de peu d'intérêt. Ce qui importe avant tout, c'est que les services publics fonctionnent bien.
De même, le fait que les retraites des salariés du secteur privé soient financées par la sécurité sociale tandis que celles des fonctionnaires relèvent du budget de l'Etat est, à l'évidence, moins important que le fait que l'avenir des retraites soit désormais garanti, grâce à la réforme de 2003.
Et puisque vous m'y avez invité, je ne m'attarderai pas sur des considérations de court terme, dans lesquelles le sacro-saint principe de l'annualité budgétaire nous enferme trop souvent.
La question que nous devons nous poser est la suivante : d'ici à cinq ans, à dix ans, peut-être davantage, dans quels secteurs les besoins de financement publics seront-ils les plus importants ? Et, plus précisément, dans quels secteurs ces besoins progresseront-ils le plus vite ?
De la réponse à ces questions dépendent les choix politiques et financiers de l'avenir.
Examinons les différents chapitres en cause, à commencer par celui des dépenses régaliennes. Depuis 2002, sous l'impulsion du Président de la République, un immense effort de rattrapage a été accompli dans ce domaine, en investissement comme en fonctionnement.
Cet effort se traduit chaque année par la mise en oeuvre en loi de finances d'une nouvelle tranche d'exécution des grandes lois de programmation pour la défense, pour la justice et pour la sécurité intérieure. Il était temps de le faire, et on ne dira jamais assez combien le ralentissement de l'effort de défense de la nation entre 1997 et 2002 a retardé, à cette époque, la nécessaire modernisation de nos armées, aujourd'hui relancée au prix d'un effort d'autant plus grand que les retards s'étaient accumulés. Puisque cet effort atteint aujourd'hui un niveau exceptionnel dans tous les domaines concernant notre sécurité intérieure et extérieure, il devra sans aucun doute se poursuivre. Rien n'indique pour autant, compte tenu de son niveau élevé, qu'il devra encore être amplifié à moyen terme.
Examinons maintenant l'école et la recherche. Les besoins dans ces secteurs sont immenses. Le Gouvernement s'efforce d'y répondre en mettant en oeuvre la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, ainsi qu'une amplification sans précédent de nos programmes de recherche. Mais l'évolution de la démographie ne laisse pas prévoir, à moyen terme, une progression irrésistible des crédits que la nation devra consacrer à l'éducation, beaucoup étant déjà fait grâce à un meilleur emploi des moyens très importants que nous consacrons à ce grand service public. C'est l'une des exigences de la politique que conduit le Gouvernement dans ce domaine, sous l'autorité de Gilles de Robien.
La politique de l'emploi mobilise également, sous la conduite de Jean-Louis Borloo, des crédits très importants. Mais il est certain que ces dépenses diminueront avec l'amélioration de la situation de l'emploi et qu'elles seront moins nécessaires dans quelques années, pour des raisons qui tiennent, d'une part, à la politique que mène Dominique de Villepin, dont les premiers résultats sont encourageants, et, d'autre part, à la démographie.
Il en va tout autrement s'agissant des dépenses de santé et de prise en charge des besoins des personnes très âgées. C'est donc à ces secteurs que devront progressivement être affectées les ressources publiques les plus dynamiques, comme le sont déjà la CSG et les cotisations sociales. Il nous faudra à l'évidence continuer de diversifier ces ressources.
D'ici à 2050, le vieillissement de la population pourrait conduire à une augmentation des dépenses publiques comprise entre 3 % et 7 % du PIB. Dans la plupart des Etats membres de l'Union européenne, cet impact budgétaire se fera sentir dès 2010, les répercussions les plus importantes étant attendues entre 2010 et 2030. En outre, la croissance des dépenses de santé devrait se traduire, dans l'ensemble des Etats membres de l'Union, par des augmentations des dépenses publiques comprises entre 1,5 % et 4 % du PIB.
Nous savons donc que ces dépenses augmenteront à moyen et à long terme. Nous voulons qu'elles n'augmentent que dans la mesure strictement nécessaire à la satisfaction des besoins qui relèvent de la solidarité. Pour cela, nous mettons en oeuvre les politiques qui permettent de maîtriser les évolutions en améliorant la gestion de notre système.
Mais nous savons aussi que, pour faire face à ces évolutions, il faudra veiller au dynamisme des recettes sociales et fiscales affectées à la sécurité sociale. La nation devra en effet mettre ses moyens là où les besoins progressent le plus, en restant fidèle au pacte scellé voilà soixante ans lors de la création de notre système de sécurité sociale, sans accepter que la solidarité se désengage. Il y va de notre cohésion sociale, de la confiance des Français en l'avenir et aussi, de ce fait, de notre dynamisme économique à moyen terme.
Le financement de la protection sociale représente - Jean-François Copé vient de le rappeler - la moitié des prélèvements obligatoires dans notre pays, soit 340 milliards d'euros, c'est-à-dire un peu plus d'un cinquième de la richesse nationale. C'est une proportion considérable, qui n'a cessé de croître, reflétant l'aspiration des sociétés modernes à une plus grande protection.
Depuis la mise en oeuvre de notre système de protection sociale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la place des dépenses de protection sociale dans l'économie a progressé régulièrement : alors que celles-ci équivalaient à environ 12 % de notre produit intérieur brut en 1950 - 15 % en 1960, 20 % en 1970, 25 % en 1980 -, elles en représentent aujourd'hui 30 %.
Au cours des années, ces dépenses ont connu une forte progression, du fait non seulement des dépenses consacrées aux retraites et à la santé, mais aussi du poids de l'indemnisation du chômage.
Quand nous nous battons pour l'emploi, pour le pouvoir d'achat et pour une croissance sociale, nous nous battons également pour l'équilibre de nos comptes sociaux. C'est vrai en dépenses comme en recettes.
Notre système social a évidemment un prix, qui nous oblige à faire appel à la responsabilité de tous - assurés sociaux, prescripteurs, industriels, organismes complémentaires - pour maîtriser durablement l'évolution des dépenses, non pas par des mesures conjoncturelles, mais par un changement profond des comportements, y compris en matière de lutte contre la fraude, les abus et les gaspillages.
L'importance des ressources consacrées aux dépenses de sécurité sociale et l'accroissement de la part affectée au financement de ces dépenses dans l'ensemble des prélèvements publics sont bien compréhensibles. Il est en effet naturel que les ressources publiques soient affectées au secteur de la vie nationale dans lequel les besoins sont les plus importants et les plus dynamiques.
Notre choix politique est d'assurer le financement de ces besoins par la solidarité. Celle-ci est en effet au coeur du pacte républicain, auquel nous tenons à demeurer fidèles. Cela impose évidemment de veiller à la qualité et à la maîtrise de la dépense. J'y reviendrai.
Il est bien sûr nécessaire de diversifier, de stabiliser et de dynamiser les recettes sociales, qui sont très dépendantes de la conjoncture économique. C'est pourquoi, même si la part des cotisations sociales demeure prépondérante, ces dernières années ont permis une certaine fiscalisation des prélèvements sociaux, depuis le basculement des cotisations salariales d'assurance maladie et d'allocations familiales sur la CSG.
Ce mouvement de diversification des recettes de la sécurité sociale se poursuivra nécessairement. Au stade où notre prélèvement social en est arrivé, il ne peut peser uniquement sur les cotisations salariales, c'est-à-dire sur le travail.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je voudrais rappeler le choix du Gouvernement de financer, dès 2006, les allégements généraux de cotisations sociales par l'affectation à la sécurité sociale de recettes fiscales, notamment d'une part de la taxe sur la valeur ajoutée, à hauteur de 5 milliards d'euros.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. « Sociale » par destination !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais cette décision participe du même mouvement de diversification et de consolidation des ressources de la sécurité sociale : l'ensemble des recettes destinées à financer les allégements généraux de cotisations sociales - soit 18,9 milliards d'euros en 2006 -, qui affectent directement et en premier lieu la sécurité sociale en la faisant contribuer aux politiques de l'Etat, comprendra ainsi l'essentiel de la taxe sur les salaires, pour 10 milliards d'euros, les droits sur les alcools et, à hauteur de plus de 5 milliards d'euros, la fraction de la taxe sur la valeur ajoutée assise sur les tabacs et les produits pharmaceutiques.
L'affectation d'une partie de la TVA qui s'inscrit pour moi dans une démarche d'avenir, la variété de ces recettes et les garanties entourant leur évolution permettront, dans l'immédiat, d'apporter à la sécurité sociale des ressources dynamiques, ne pesant pas uniquement sur le coût du travail.
Mais au-delà de ces réflexions sur la nature et sur la structure des prélèvements sociaux, la clé de la réussite n'est pas à chercher aujourd'hui dans de nouveaux financements. L'enjeu décisif réside désormais dans notre capacité à maîtriser l'évolution des dépenses.
Aucune perspective de recettes supplémentaires ne nous permettrait d'ailleurs de faire l'économie de cet effort. Ce dernier a été trop longtemps éludé. Je pense, pour être précis, à cette période pas si lointaine où les dépenses de santé galopaient de 5 à 7 % par an alors qu'elles ont depuis lors été ramenées à une progression d'à peine plus de 2 % par an.
La question à cet égard est non pas de débattre sans fin de la ligne de partage entre la solidarité et l'initiative individuelle, mais de mettre en oeuvre une régulation de nos dépenses sociales qui permette d'en contenir l'évolution tout en répondant aux besoins des Français. C'est tout le sens des réformes engagées depuis 2002 pour les retraites et l'assurance maladie.
Le maintien de notre compétitivité, au service de la croissance et de l'emploi, seuls capables de garantir nos droits sociaux et de permettre la satisfaction de nouvelles exigences de solidarité, n'est pas compatible avec la poursuite de la hausse de nos prélèvements, déjà parmi les plus élevés au monde.
Les réformes structurelles qui ont été engagées sont conduites avec détermination par le Gouvernement. C'est notre devoir de les poursuivre et de les approfondir.
La loi portant réforme des retraites a, sans conteste, mis en oeuvre une réforme nécessaire, juste, historique et trop longtemps différée. Les décisions prises devraient ainsi permettre de réduire d'environ un tiers le besoin de financement du régime général de l'assurance vieillesse à l'horizon 2020 - déjà diminué par la réforme de Simone Veil en 1993 - et de moitié celui des fonctions publiques.
La réforme de l'assurance maladie, instaurée par la loi du 13 août 2004, constitue le deuxième pilier de cette politique. Elle a déjà permis d'enrayer la dérive des déficits et de sauvegarder l'assurance maladie. Sans la réforme, le déficit aurait été de 16 milliards d'euros au 31 décembre 2005 ; or il a été ramené, comme l'a indiqué la commission des comptes de la sécurité sociale voilà quelques semaines, à un déficit prévisionnel de 8,3 milliards d'euros.
L'effort est considérable, car, si l'assurance maladie a bénéficié d'un apport de recettes complémentaires de 4 milliards d'euros dans le cadre du plan de redressement, on voit bien que, par rapport à un déficit tendanciel de 16 milliards d'euros, le reste du chemin a été fait grâce à de moindres dépenses, d'autant que nous avons aussi perdu 1,2 milliard de ressources de cotisations sociales en raison d'une croissance insuffisante.
La mise en oeuvre de la réforme se traduit donc par une réelle maîtrise des dépenses, notamment s'agissant des soins de ville.
Pour la première fois depuis des années, et malgré le scepticisme initial de certains observateurs pas toujours bien intentionnés, l'objectif de dépenses d'assurance maladie sera respecté en 2005. Il le sera aussi en 2006.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce défi de la croissance historique des dépenses sociales, nous nous donnons les moyens de le relever ensemble par une réelle maîtrise des dépenses, notamment d'assurance maladie, afin de ramener la progression des dépenses sociales prises en charge par les mécanismes de solidarité nationale à un rythme proche de celui de la croissance économique.
C'est seulement ainsi que nous serons à même de maîtriser l'évolution de nos prélèvements obligatoires pour préserver le pouvoir d'achat et maintenir notre compétitivité, au service de la croissance et de l'emploi. En dépensant mieux, en évitant les gaspillages, en développant l'esprit de responsabilité, nous pourrons continuer d'aider nos concitoyens qui en ont le plus besoin, les malades, les personnes âgées dépendantes, les personnes handicapées, mais aussi bien sûr les familles, parce qu'elles sont l'avenir de notre pays. Et ces progrès, nous les réaliserons en évitant de freiner ou d'entraver tous ceux qui, par leur travail, rendent cette solidarité possible en France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat est un privilège du Sénat, car notre ordre du jour en ce début d'automne nous laisse le temps de la réflexion.
Je voudrais, au début de ce débat et après MM. les ministres, formuler des remarques et quelques propositions.
Monsieur le ministre délégué au budget, il est vrai que le Sénat va bientôt aborder l'examen du projet de loi de finances qui comporte des mesures structurelles sur le plan fiscal : limitation de la charge fiscale des ménages au titre de leurs revenus, réforme globale de l'impôt sur le revenu, dispositions visant à résorber au moins dans une première étape ce qu'il est convenu d'appeler « les niches fiscales ».
Mais nous allons aborder l'examen de ces mesures en nous préoccupant du paysage d'ensemble qui est celui des prélèvements obligatoires. Ces derniers sont encore plus sociaux que fiscaux. La limite entre comptes sociaux et comptes de l'Etat est de plus en plus difficile à tracer. A cet égard, le débat que nous menons concernant les ressources fiscales destinées à compléter la couverture des charges de la sécurité sociale est assurément intéressant.
La commission des finances ne souhaite pas que les changements de portage perturbent trop l'appréciation de la règle du « zéro volume », qui lui semble représenter un minimum pour les dépenses de l'Etat. Elle voudrait aussi que l'affectation de recettes fiscales à la sécurité sociale ne se borne pas à résoudre un problème comptable immédiat, mais qu'elle permette de tracer des perspectives dans une dynamique et pour l'avenir.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, la réflexion fiscale se diffuse dans notre pays, et la commission des finances a étudié avec intérêt - même si les propositions qui en résultent ne sont manifestement pas applicables en l'état - un document de valeur publié récemment par le Conseil d'analyse économique, placé auprès du Premier ministre. Ce rapport, intitulé Croissance équitable et concurrence fiscale, est dû aux professeurs Christian Saint-Etienne et Jacques Le Cacheux. L'an dernier, le document à la mode était le rapport Camdessus,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui posait la question de la viabilité du modèle social français. Cette année, grâce au Conseil d'analyse économique, nous sommes en mesure de réfléchir à la « soutenabilité » de notre modèle fiscal, qui n'est à la vérité que le reflet de notre modèle social.
Or nous pensons - c'est mon deuxième point - que ce modèle fiscal français souffre aujourd'hui de grandes insuffisances et de beaucoup de contradictions. Il comporte même de nombreux effets pervers. Notre tempérament national conduit, au nom du principe d'égalité, à considérer beaucoup de cas particuliers dont on ne saurait dire si on les traite par perfectionnisme ou en raison d'une certaine propension au clientélisme.
Or une telle logique a atteint ses limites. Par ailleurs, plus il est fait droit à des demandes particulières, plus il s'en présente de nouvelles au guichet.
La complexité de notre code général des impôts résulte de toutes ces sédimentations. Bien trop souvent, en matière fiscale, il n'est pas de règle générale qui ne soit aussitôt assortie de nombreux cas particuliers, de nombreuses exonérations, de nombreuses incitations, de nombreux dégrèvements ou de mécanismes analogues.
La conviction des membres de la commission des finances est qu'il faudrait vraiment avoir le courage de porter un regard neuf sur tous ces dispositifs et - pourquoi pas ? - de pratiquer un certain « minimalisme fiscal », c'est-à-dire d'évoluer vers un système dans lequel on ne paye pas forcément moins d'impôts, mais dans lequel les différents régimes fiscaux soient plus simples, plus fonctionnels, moins sophistiqués, plus lisibles.
Certes, mes chers collègues, trop d'impôt tue l'impôt, mais trop d'exceptions dissolvent la règle qui perd alors à la fois efficacité et légitimité.
A la vérité, nous sommes incités à mener cette réflexion par les coups de butoir de la concurrence fiscale, qui est inévitablement de plus en plus intense. Mais, prenons-y garde, la concurrence fiscale et l'attractivité du territoire national s'expriment plus en taux affichés, en taux apparents de la fiscalité, qu'en taux réels. Le Conseil d'analyse économique a fort bien souligné que l'essentiel est la compétitivité fiscale ressentie, et que cette dernière conditionne vraiment les choix de localisation de l'investissement. Dans ce domaine, les agents économiques peuvent être victimes d'une sorte d'illusion nominale : en effet, dans notre dispositif, les taux apparents sont très élevés, souvent contrariés par des dérogations et incitations qui les réduisent dans la réalité, mais, de l'extérieur, ce que voit l'investisseur, c'est l'affichage de taux qui, en vérité, nous défavorisent dans la concurrence internationale.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette concurrence est d'ailleurs beaucoup plus diverse qu'on ne pourrait le croire : il y a tout d'abord la concurrence pour la localisation des activités et de l'emploi, qui fait essentiellement intervenir des facteurs structurels tels que la situation et la taille des marchés, la réalité du savoir-faire, les compétences, la qualité des infrastructures et des biens publics, le dynamisme de la recherche, etc. Ce sont bien là les facteurs essentiels de cette vraie concurrence.
Mais il est une autre concurrence. : la concurrence pour la localisation des bases d'imposition, plus technique, qui dépend directement des régimes fiscaux de chaque pays dans lesquels s'effectue le processus productif. Elle dépend en quelque sorte de la façon dont chaque Etat sait vendre son couple protection-attractivité - attractivité pour l'implantation de nouveaux projets économiques -, son couple services publics-dépenses publiques.
Mais, bien que la concurrence fiscale soit une guerre tout autant psychologique que rationnelle, il faut bien comprendre un aspect essentiel que MM. les ministres ont d'ailleurs souligné tout à l'heure dans leurs propos introductifs : une fiscalité hyper-concentrée sur les facteurs de production les plus mobiles - le capital et les compétences humaines - représente un handicap dans la compétition internationale.
Il faut donc, mes chers collègues, à l'occasion d'un tel débat, tracer des pistes, rechercher des orientations et s'interroger sur la refondation de l'ensemble de notre modèle fiscal qui, un jour, pourrait en résulter.
C'est à ce titre que la commission des finances s'est efforcée, de façon déjà persévérante, de labourer des pistes, de formuler des idées. Permettez-moi d'évoquer rapidement deux d'entre elles : la TVA sociale et la nécessaire rénovation de notre fiscalité de l'épargne.
Ainsi que M. Jean-François Copé l'a rappelé, la problématique de la justice fiscale est essentielle. La recherche de l'équité est un élément essentiel d'une politique économique et fiscale. Mais l'équité est à la fois horizontale et verticale. L'équité horizontale, c'est le fait de traiter de la même façon tous ceux qui sont dans une situation identique, ce qui n'est pas si simple. L'équité verticale, c'est faire une juste part dans les systèmes fiscaux à la proportionnalité et à la progressivité. Il nous faut, sur ces deux plans que sont l'équité horizontale et l'équité verticale, trouver la meilleure combinaison possible.
De ce point de vue, messieurs les ministres, la problématique de la TVA sociale est fondatrice. En quelque sorte, c'est une épine dorsale incontournable du débat fiscal. Jean Arthuis développera tout à l'heure ce sujet avec la conviction et la constance qui sont les siennes.
Vous avez bien perçu, monsieur le ministre délégué au budget, l'esprit dans lequel nous abordons l'article 41 du projet de loi de finances pour 2006 : le cocktail de neuf taxes, d'un côté, et l'affectation d'une quote-part de TVA, de l'autre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous faisons cette proposition pour deux raisons.
La première est d'ordre pédagogique : c'est une façon d'acclimater la TVA comme ressource affectée à la sécurité sociale, ce que l'on a d'ailleurs déjà commencé de faire, ainsi que M. Philippe Bas nous l'a expliqué, mais c'est aussi l'annonce d'une évolution sans doute plus globale et qui serait vraiment facteur de compétitivité.
En d'autres termes, dans la zone euro, on ne peut plus dévaluer,...
M. Aymeri de Montesquiou. Malheureusement !
M. Jacques Blanc. Heureusement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... heureusement et malheureusement, d'une certaine façon : nos produits sont chers, les prix de revient sont grevés de charges fort lourdes qui nous défavorisent dans la compétition internationale.
L'idée de faire contribuer aussi bien les produits importés que les produits réalisés sur place est profondément sociale,...
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... car elle vise à faire contribuer les produits issus de pays qui ne se sont pas dotés du même modèle social que nous...
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et qui entretiennent, et entretiendront encore un certain temps, des systèmes beaucoup moins protecteurs que le nôtre à l'égard de la personne humaine au travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Donc, l'idée de TVA sociale, c'est bien de trouver des marges nouvelles de compétitivité par l'application de cette problématique.
Monsieur le ministre, vous nous dites que les neuf taxes se justifient...
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...en fonction de leur nature. Cela me rappelle un peu certaines démonstrations sur les écotaxes faites voilà quelques années.
Si les taxes qui frappent des comportements contraires à la santé publique ont un avenir, c'est bien de voir leur rendement décroître ! Si l'on veut alimenter les régimes sociaux par une ressource de rendement et une ressource régulière et si l'on veut cultiver l'idée de simplicité, la formule que nous préconisons mérite au moins l'attention, me semble-t-il.
Très brièvement, j'évoquerai aussi, à titre de piste pour l'avenir, la question de la fiscalité de l'épargne.
Nous avons en France une tendance naturelle, structurelle, historique, à préférer l'épargne liquide sans risque, tendance qu'encourage l'Etat à travers ses incitations fiscales, financées en quelque sorte par les contribuables. Le livret A en est la meilleure illustration.
Le livret A est certes affecté au logement social, mais d'autres circuits de financement permettraient de drainer des ressources équivalentes dans tout le système bancaire.
La Caisse des dépôts et consignations, qui centralise cette épargne liquide réglementée, n'est pas en mesure de la consacrer en totalité au logement social. Selon les dernières indications dont nous disposons, 56 % seulement des ressources des fonds d'épargne ont été employées en 2004 au financement du logement social. Pourquoi ? En raison du niveau trop élevé tant des taux de collecte que, par rapport au marché, des taux d'intérêt susceptibles d'être consentis aux organismes d'HLM. C'est une réalité.
Je rappelle que le plafond du livret A est de 15 300 euros, que chaque personne dans un foyer fiscal peut disposer d'un tel livret et qu'il est possible de continuer à le doter au-delà de la limite.
Je citerai simplement quelques chiffres à cet égard : 6 % des détenteurs de livrets enregistraient en 2004, par le jeu des intérêts cumulés, des dépôts supérieurs au plafond : cette toute petite minorité détenait à elle seule plus de 43 % des encours, c'est-à-dire près de 50 milliards d'euros. A ce titre, elle bénéficiait à elle seule de 43 % de la dépense fiscale, qui s'élève au total à 440 millions d'euros.
Mes chers collègues, rappeler ces chiffres, c'est simplement vouloir lutter contre une hypocrisie structurelle de notre système de fiscalité de l'épargne.
Permettez-moi quelques brèves considérations sur les allégements d'impôts.
Monsieur le ministre, nous partageons totalement le propos que vous avez exprimé tout à l'heure : le mouvement général de baisse des taux d'imposition, faciaux et réels, semble irréversible. Toutefois, ce mouvement peut nous placer dans une situation difficile si nous ne savons pas compenser l'impact de ces diminutions par une vraie réduction des charges permanentes du secteur public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) C'est une absolue nécessité, c'est une nécessité arithmétique, car, s'il devait y avoir une asymétrie, c'est la dette qui ferait la différence, et l'on financerait à crédit les baisses d'impôts, ce que nous ne saurions raisonnablement admettre...
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et ce que vous ne ferez certainement pas.
Monsieur le ministre, vous allez nous convier, dans quelques semaines, à travers l'examen du projet de loi de finances, à souscrire à la conception, qui me semble excellente, du bouclier fiscal. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler.
A ce stade, la commission des finances considère que, dans un but pédagogique, il convient de bien prendre en compte l'ensemble des prélèvements sur les revenus et d'y intégrer, au moins pour le raisonnement, la contribution sociale généralisée et son annexe, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, les revenus non taxables en numéraire constituant le dénominateur de la fraction. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
En conclusion, mes chers collègues, l'essentiel est bien, à travers un modèle fiscal, à travers un système de financement du budget de l'Etat et du budget de la protection sociale, d'aboutir, pour l'avenir, au meilleur rapport qualité-prix possible de la dépense publique.
Il n'a jamais été dans les conceptions de la commission des finances du Sénat de remettre en cause en quoi que ce soit la légitimité de l'impôt et de la dépense publique. Mais notre conviction est que le rapport qualité-prix de la dépense publique dans ce pays est très perfectible et que nous parviendrons ensemble à l'améliorer, notamment par le maniement adéquat des indicateurs de performance et des leviers qu'apportera au Parlement la loi organique sur les lois de finances.
Oui, mes chers collègues, le débat sur le modèle fiscal est indispensable, car, si nous ne l'avons pas en toute clarté et devant l'opinion, nous savons bien ce qui continuera à se passer dans notre pays : trop de choix lourds de conséquences résultent en fait de décisions non pensées, d'enchaînements administratifs, voire de lâchetés collectives, c'est-à-dire de questions non posées à la lumière du débat public. Eclairer l'opinion sur les enjeux, permettre à nos concitoyens d'exercer, le moment venu, leur droit de suffrage en toute connaissance de cause, telle est bien la première et la vraie responsabilité d'une assemblée parlementaire, la première et la vraie responsabilité du Sénat de la République. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, intervenant après mon éminent collègue Philippe Marini, rapporteur général du projet de loi de finances, qui lui-même succédait à deux ministres non moins éminents, délégués respectivement au budget et à la sécurité sociale, je doute fort que mes propos apparaissent aussi enthousiasmants que les leurs.
Qui plus est, j'ai noté qu'à chaque fois que nous parlions de la sécurité sociale les travées de notre assemblée avaient tendance à s'éclaircir, alors que, dès qu'il est question de la loi de finances, le rapporteur général et le président de la commission des finances parviennent presque à faire salle comble,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Seulement le dernier soir ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut fondre les deux discussions !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. ... au moins au moment du vote du projet de budget, puisque nous devons être physiquement présents. Ce n'est pas encore le cas s'agissant de la loi de financement de la sécurité sociale !
Cela étant, nous évoquons aujourd'hui les prélèvements obligatoires, dans lesquels, il est vrai, les prélèvements sociaux tiennent une part non négligeable.
La situation de notre pays est connue : le niveau des prélèvements obligatoires y est très élevé. Il devrait s'établir à 43,9 % du produit intérieur brut en 2005, soit une augmentation de 0,5 point par rapport à 2004, et à 44 % du PIB en 2006, soit une variation peu importante par rapport à celle de 2005.
Cette stabilité globale recouvre toutefois des tendances divergentes selon les sous-secteurs. Ainsi - mais ce n'est une découverte pour personne ici, vous connaissez tous parfaitement ces questions -, les prélèvements de l'Etat accusent une baisse, ce dont on ne peut que se féliciter. Les prélèvements sociaux et les prélèvements au profit des collectivités locales continuent, quant à eux, immanquablement leur progression.
M. Guy Fischer. Et voilà le tour de passe-passe !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Le résultat de cette évolution est que, pour la première fois cette année, les prélèvements sociaux devraient constituer à eux seuls plus de la moitié des prélèvements obligatoires, ...
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. ... à savoir 389 milliards sur un total de 775 milliards d'euros, ce qui représente quelque 22 % du PIB, soit le cinquième de la richesse nationale.
L'augmentation des prélèvements sociaux a plusieurs causes.
En 2005, elle est d'abord la conséquence de la réforme de l'assurance maladie et notamment d'une hausse de la CSG, de la taxe sur les salaires - Philippe Bas en a parlé tout à l'heure -, pour un montant total de 3 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent les hausses de cotisations sociales qui, elles, ont été décidées par les partenaires sociaux.
En 2006, la progression des prélèvements sociaux s'accélère encore : ils passent de 20,9 % à 22,1 % du PIB, soit une hausse de 1,2 point du PIB, ce qui, vous le constatez, mes chers collègues, est loin d'être négligeable.
Les raisons de cette hausse sont principalement au nombre de deux : l'effet des mesures nouvelles liées au projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'une part, et la conséquence des transferts importants en provenance du budget de l'Etat, d'autre part.
Parmi les mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous examinerons dans quelques jours plus longuement, figurent quatre mesures que je souhaite en particulier évoquer.
La première mesure consiste en la soumission aux prélèvements sociaux des intérêts produits par les plans d'épargne logement de plus de dix ans, sans attendre leur échéance. Elle devrait rapporter 860 millions d'euros.
La deuxième mesure est une taxe exceptionnelle sur l'industrie pharmaceutique. Je crois que l'Assemblée nationale a prévu d'en modifier le taux, mais on espère un rendement de l'ordre de 300 millions d'euros.
La troisième mesure, c'est l'extension de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés au secteur public relevant du secteur marchand, dont le produit devrait atteindre 140 millions d'euros.
Enfin, la quatrième mesure consiste en la suppression de l'abattement de cotisations pour temps partiel, qui représentera 100 millions d'euros.
Au total, 1,66 milliard d'euros supplémentaires de prélèvements sociaux est attendu, auquel il faut ajouter 1,3 milliard d'euros de hausses de cotisations.
Toutefois, mes chers collègues, c'est surtout un transfert qui justifie la forte augmentation des prélèvements sociaux en 2006. En effet, le financement des allégements généraux de cotisations patronales sera compensé par l'Etat non plus par des crédits budgétaires, mais par une affectation de recettes fiscales, déclinées tout à l'heure par M. Copé puis par M. Marini, qui a évoqué un « panier fiscal » comportant neuf mesures.
Je voudrais m'arrêter un instant sur cette disposition, car elle est, compte tenu des masses budgétaires en jeu, extrêmement importante.
Il existe actuellement deux types d'exonérations de charges : des allégements généraux sur les bas salaires compris entre 1 fois et 1,6 fois le SMIC, issus de plusieurs lois successives, notamment les lois Aubry et la loi Fillon, et des allégements ciblés, concernant par exemple les emplois dans les départements d'outre-mer ou dans les zones franches urbaines.
L'ensemble de ces mesures sont, pour la première fois, précisément recensées et même chiffrées dans une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'annexe 5. C'est là le résultat de dispositions de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale que nous avons adoptée au mois de juillet dernier, la création de cette annexe ayant été - vous vous en souvenez certainement, mes chers collègues - expressément demandée par le Sénat. Je me félicite de son existence, car en permettant d'instaurer une véritable transparence pour l'ensemble des dispositifs, elle autorise un débat objectif et approfondi.
L'ensemble de ces allégements représentent 21,6 milliards d'euros, dont 18,9 milliards d'euros au titre des allégements généraux et 2,7 milliards d'euros pour les allégements ciblés.
Tous ces allégements doivent être compensés par l'Etat : c'est une obligation depuis la loi Veil de 1994, dont quelques gouvernements passés ont tenté, parfois avec succès, de s'affranchir. Il s'agit d'appliquer un principe simple : la sécurité sociale ne doit pas financer la politique de l'emploi. Je crois que chacun en convient, et M. Copé l'a rappelé lui-même tout à l'heure. Il appartient à l'Etat de prendre ses responsabilités - c'est le cas -, et, s'il estime que le niveau des prélèvements sociaux est trop élevé pour permettre aux entreprises d'embaucher alors que sa priorité est d'obtenir une diminution du chômage, ce qui est tout à fait légitime, il doit financer les exonérations de charges qu'il estime utiles et combler le manque à gagner subi par la sécurité sociale.
Jusqu'à présent, les crédits relatifs à cette compensation étaient inscrits au budget du travail pour les allégements généraux et éparpillés entre les différents fascicules budgétaires pour les allégements ciblés. Il n'était pas facile de s'y retrouver et de s'assurer que la compensation intégrale était apportée. D'ailleurs, elle ne l'était pas...
Pour 2006, le Gouvernement propose de remplacer la compensation par crédits budgétaires par le transfert à la sécurité sociale d'un panier de neuf recettes fiscales comprenant principalement la taxe sur les salaires, ainsi que le produit de la TVA sur les produits pharmaceutiques et sur le tabac.
Ce panier est évalué à 18,9 milliards d'euros, soit précisément le montant des exonérations générales de charges à compenser. Une clause de révision en cas de divergence entre le coût des allégements et le rendement des recettes transférées est prévue à l'article 41 du projet de loi de finances. Je me permets d'insister sur ce point et d'appeler l'attention de M. le ministre délégué au budget et des membres de la commission des finances sur cette clause, car elle est importante. Aux yeux de la commission des affaires sociales, il s'agit là d'une disposition essentielle.
On peut espérer que, en 2006, ce mécanisme fonctionnera bien - vous nous le confirmerez, monsieur le ministre délégué au budget -, et qu'une compensation à l'euro près sera assurée. Je sais que M. Philippe Bas s'y est montré particulièrement attentif. Il me semble que, dans le cadre des échanges interministériels, vous avez réussi à aboutir à un accord qui est traduit à l'article 41 du projet de loi de finances. Je ne peux que m'en réjouir.
Pour 2006, donc, nous ne devrions pas a priori avoir trop de soucis. Mais, pour les années suivantes, je ne peux m'empêcher d'être davantage sceptique. En effet, la clause prévue est loin d'offrir une garantie suffisante. Elle prévoit une procédure complexe, avec la remise d'un rapport au Parlement et l'intervention d'une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes et chargée de donner un avis. Elle laisserait en outre, ce qui est à la source de l'inquiétude de la commission des affaires sociales, un écart de 2 % à la charge de la sécurité sociale.
M. Guy Fischer. Et voilà !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cela n'est pas acceptable à nos yeux, et si tel devait être le cas, on s'éloignerait de la compensation intégrale sur laquelle l'Etat s'était engagé. C'est pourquoi je vous proposerai, mes chers collègues, lors de la discussion du projet de loi de finances, et dans la mesure où les membres de la commission des affaires sociales partageront ce point de vue - mais il me semble qu'ils n'en sont pas loin - de supprimer la partie du dispositif concernant les années 2007 et suivantes.
M. Guy Fischer. Vous pouvez compter sur nous !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Comment analyser ces tentatives répétées de remise en cause de la compensation des exonérations de charges ?
La principale motivation me semble être la progression très dynamique et difficilement maîtrisable de ces dépenses. En 2006, on devrait ainsi enregistrer un accroissement de plus de 10 % des crédits de compensation. Pour le budget de l'Etat, qui est par ailleurs soumis à de fortes contraintes - réduction du déficit sans augmentation des impôts, tout en assumant les dépenses incompressibles que sont les charges de personnel et de pensions, la charge de la dette et les dépenses régaliennes -, l'équation est, je l'admets, presque impossible à résoudre.
Le Gouvernement s'y essaie depuis plusieurs années, et peine à trouver la solution qui permette de tendre vers l'équilibre en faisant disparaître le déficit budgétaire de l'Etat, qui représente, je le rappelle, 45 milliards d'euros pour un budget de l'ordre de 290 milliards d'euros, alors que le déficit de la sécurité sociale est de quelque 15 milliards d'euros, à rapporter à un budget de 400 milliards d'euros. Il convient donc de relativiser le déficit de la sécurité sociale au regard de celui de l'Etat, et je pense que nous devons réfléchir ensemble aux moyens de contenir leur évolution.
Quoi qu'il en soit, la tentation est bien entendu forte d'essayer de figer cette masse budgétaire liée à la compensation des exonérations de charges afin d'en limiter la progression dans les années futures, mais cela ne nous paraît pas recevable. Je le redis : la sécurité sociale ne doit pas financer la politique de l'emploi.
C'est d'ailleurs également l'avis des partenaires sociaux. En effet, lorsque j'ai procédé aux auditions de ces derniers, ils ont tous émis un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, non pas en raison des mesures concernant la politique de maîtrise des dépenses, mais parce qu'ils n'avaient pas eu connaissance de l'annexe 5, qui leur aurait permis de savoir comment allaient être compensés les allégements de charges sociales accordés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ils n'avaient donc aucune garantie quant à l'avenir et à la lisibilité de cette compensation, et c'est la raison essentielle qui les a amenés à émettre un avis négatif sur le PLFSS au sein des conseils d'administration des caisses de sécurité sociale. Il faut que le Gouvernement en soit conscient et que nous sachions en tirer des enseignements.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Lors des débats sur la réforme de l'assurance maladie et à l'occasion de l'examen du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, ce n'était pas de gaieté de coeur que j'appelais sans relâche l'attention du Gouvernement sur ces sujets et que je semblais le « titiller » ; c'était parce que je savais pertinemment que le sentiment qui était le nôtre, au sein de la commission des affaires sociales, était très largement partagé dans l'opinion publique, en tout cas parmi les partenaires sociaux.
Cela étant, je comprends le souci de la commission des finances de limiter la progression globale des dépenses,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. ... de dégonfler les masses budgétaires, de réduire le poids des prélèvements de l'Etat, bref de prendre les moyens d'apparaître comme budgétairement vertueuse. Toutefois, cela ne peut se faire au détriment des finances sociales.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ah !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. D'autres solutions ont été proposées pour traiter ces dépenses de compensation et, plus généralement, pour remédier aux difficultés récurrentes du financement de la sécurité sociale.
Il y a d'abord la fameuse « barémisation » - M. Copé en a parlé en exprimant des réserves -, qui consiste à intégrer dans le barème des cotisations sociales les exonérations de charges patronales.
Cette mesure, qui a été présentée par le biais d'un amendement du rapporteur général de l'Assemblée nationale, est apparue d'une grande lourdeur technique à la commission des affaires sociales du Sénat, car sa mise en oeuvre supposerait la modification des logiciels de paye des entreprises afin de prendre en compte la situation individuelle de chaque salarié rémunéré jusqu'à 1,6 fois le SMIC, ainsi qu'une modification des programmes des URSSAF.
On pourrait peut-être, à la rigueur, s'accommoder de cela, mais l'application de cette disposition rendrait en outre plus difficile l'identification des sommes compensées - je crois que M. le ministre délégué au budget n'est pas insensible à cet aspect des choses - et « brouillerait », en quelque sorte, la politique menée par l'Etat en faveur de l'allégement du coût du travail pour les bas salaires. Retenir cette solution ne paraît donc pas opportun.
M. le président. Ce serait une usine à gaz !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cela pourrait en effet le devenir !
Il faut noter que cette proposition s'accompagne désormais de plus en plus souvent d'une remise en cause des exonérations de charges sociales elles-mêmes. Aurait-on atteint aujourd'hui la limite de cette politique ? Vous vous êtes posé vous-même la question tout à l'heure, monsieur le ministre délégué. Une analyse détaillée de l'incidence de ces mesures pourrait le dire, et l'Assemblée nationale a d'ailleurs demandé au Gouvernement de procéder à une évaluation du dispositif. Pour l'heure, toutefois, les économistes s'accordent à reconnaître le rôle joué par les allégements de cotisations dans l' « enrichissement » de la croissance en emplois peu qualifiés. Les résultats sont là, les chiffres parlent d'eux-mêmes à cet égard, et cette politique n'a donc pas été entièrement négative s'agissant de l'emploi.
Une autre piste, chère à M. Jean Arthuis - M. Philippe Marini y a fait référence tout à l'heure -, est celle de la TVA sociale. D'une certaine façon, le Gouvernement contribue à lancer le débat en incluant des produits de la TVA dans le panier de recettes fiscales qu'il transfère à la sécurité sociale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Certes, n'est concernée que la TVA affectant deux catégories de produits bien précises, les produits pharmaceutiques et le tabac, mais il ne s'agit pas moins d'une ouverture.
De fait, la TVA est une recette qui présente une bonne dynamique, assez proche de celle de la masse salariale. Cela répond à votre préoccupation, monsieur le ministre délégué, qui est aussi celle de la commission des affaires sociales, car personne ne pourra affirmer aujourd'hui que nous parviendrons à une croissance nulle des dépenses de santé.
Nous savons bien, en effet, quelle est l'évolution de la recherche et de l'innovation, nous connaissons le coût des nouvelles molécules, des nouveaux médicaments et des nouvelles technologies. Il serait illusoire de penser que nous pourrons soit réduire durablement, soit enrayer totalement la croissance des dépenses en matière de santé. Aucun gouvernement ne saurait, à mon sens, aller dans cette direction.
Il faut donc accompagner cette évolution de recettes dynamiques. L'essentiel est que la progression des recettes puisse compenser la hausse des dépenses, sans pour autant aller au-delà du niveau de prélèvements obligatoires actuellement supporté par les Français, à travers des cotisations supplémentaires ou un alourdissement de l'impôt.
C'est donc la quadrature du cercle ; il s'agit sans doute d'une équation difficile à résoudre, mais nous devons nous y attacher.
Dans cette perspective, je partage le point de vue qui a été développé par les membres de la commission des finances, au travers d'un rapport auquel M. Copé a bien voulu faire allusion, s'agissant des limites d'un panier de recettes fiscales dont certaines ne présentent pas du tout la même dynamique que la TVA.
En effet, monsieur le ministre délégué, vous semblez vous satisfaire de ces recettes, en faisant valoir que, en s'appuyant sur la TVA affectant les produits pharmaceutiques et sur la TVA pesant sur le tabac, on pourra sans aucune difficulté compenser les allégements de charges sociales consentis.
Or la politique de santé publique qui a été définie par le Gouvernement et approuvée par les deux assemblées tend précisément à favoriser une diminution de la consommation de tabac, et l'on essaie en outre depuis plusieurs années d'infléchir l'évolution de la dépense de médicaments. Dès lors, si nous parvenons à atteindre ces objectifs, il est clair que le produit de la TVA pesant sur les médicaments et le tabac ne compensera plus intégralement les allégements de charges sociales.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. C'est la raison pour laquelle la proposition de la commission des finances du Sénat nous paraît beaucoup plus recevable et acceptable que celle que j'ai d'abord évoquée. L'essentiel, c'est la dynamique des ressources.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Bien entendu, on peut nous objecter que la question sera ensuite de savoir où l'on place le curseur en matière de recours à la TVA pour financer la compensation des allégements de charges sociales.
Je crois cependant, monsieur le ministre délégué, que vous n'avez aucun souci à vous faire sur ce point. Si tout le monde est d'accord pour jouer la carte de la transparence et de la sincérité, et puisque la Cour des comptes, conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale que nous avons votée, certifiera les comptes de la sécurité sociale, nous disposerons de tous les éléments d'information nécessaires pour déterminer où s'arrêtera le curseur, sans polémiques inutiles entre la commission des affaires sociales, la commission des finances, le ministre chargé du budget et le ministre chargé de la santé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cela ne m'inquiète en rien : je fais confiance à mes collègues pour que la règle du jeu soit honnête, claire et transparente.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. C'est pourquoi cette solution est sans doute, à mon avis, l'une des solutions vers lesquelles il faut avancer. Il faudra aller beaucoup plus loin. Cela permettra de répondre à l'objectif de TVA sociale que propose M. Jean Arthuis.
Ne nous faisons pourtant pas trop d'illusions quant à la TVA sociale : s'il fallait couvrir la totalité des dépenses de la sécurité sociale grâce à cette TVA, il faudrait que le taux de cette dernière atteigne 50 % ; or nous sommes limités par un plafond, fixé au niveau européen à 25 % - c'est d'ailleurs le taux retenu par la Suède. Je pense, monsieur Arthuis, que telle n'est pas votre volonté ? Il est vrai qu'un peu de TVA permettrait d'accompagner la dynamique de ces dépenses.
Je conclurai en vous rappelant une disposition extrêmement importante incluse dans la loi organique et influant sur les prélèvements obligatoires : dorénavant, tout déficit supplémentaire qui serait transféré à la caisse d'amortissement de la dette publique devra être couvert, à l'euro prêt, par une recette.
Cette mesure place le Gouvernement et le Parlement devant leurs responsabilités. Elle doit amener l'ensemble des partenaires sociaux et des gestionnaires de caisses à un comportement responsable.
Je souhaiterais enfin rappeler, au nom de la commission des affaires sociales, que, pour favoriser la stabilisation et la stabilité des prélèvements sociaux, il faut conforter notre action en faveur d'une maîtrise des dépenses sociales. C'est une nécessité absolue : aucune assiette n'est à même de supporter l'évolution des dépenses constatée au cours de ces dernières années.
Par ailleurs, il me semble important d'éviter la création de nouveaux prélèvements spécifiques et complexes comme il en fut institué ces derniers temps. Je pense ici au fameux jour férié travaillé, dont les recettes viennent alimenter la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.
L'existence de cette caisse a-t-elle sa pertinence ? La commission des affaires sociales a auditionné ce matin le directeur de la CNSA, et j'ai eu le sentiment d'une relative complexité du système mis en place.
Il sera donc difficile de suivre l'évolution des dépenses de cette caisse et d'évaluer la contribution qu'elle apportera aux collectivités locales que sont les départements dans le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et de l'allocation de compensation qui a été prévue.
On se demande d'ailleurs aujourd'hui si les ressources de cette caisse seront suffisantes. On a annoncé aux handicapés une allocation de compensation destinée à compenser intégralement le coût du handicap dont ils souffrent. Ne seront-ils pas déçus ?
Tels sont, mes chers collègues, les objectifs et les préoccupations de la commission des affaires sociales. J'espère que les arguments et les sentiments que j'ai exprimés sont partagés par le plus grand nombre d'entre vous.
L'essentiel, en définitive, n'est-il pas de nous retrouver, tous ensemble, pour travailler, au profit de notre pays, à une meilleure maîtrise des dépenses, à un meilleur équilibre des dépenses et des recettes, pour contenir l'évolution des déficits qui pèsent très lourdement sur la capacité contributive des Françaises et des Français ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord me réjouir de la qualité de ce débat consacré aux prélèvements obligatoires. Il me semble que, d'année en année, ce débat s'enrichit.
Je veux souligner, de plus, la convergence des pensées qui ont sous-tendu les exposés de MM. les ministres, de Philippe Marini et d'Alain Vasselle voilà un instant.
Il est heureux que nous puissions périodiquement conduire une réflexion sur la pertinence de nos prélèvements obligatoires. Nous sommes souvent prisonniers de considérations portant sur des mesures ponctuelles, sur des détails qui, en fait, nous cachent la logique des prélèvements obligatoires.
Demain, les chefs d'Etat ou de gouvernement se réuniront en sommet européen à Hampton Court. Ils s'interrogeront sur les effets de la mondialisation.
MM. les ministres ont souligné à quel point nous étions entrés dans une époque de concurrence fiscale entre Etats. Nous devons tous avoir à l'esprit que la matière imposable, les assiettes sur lesquelles reposent nos impôts et nos prélèvements sont devenues extrêmement volatiles.
Malgré tous les débats possibles, débats marqués par l'idéologie et l'idée que nous nous faisons de la justice, les propositions qui en découlent sont souvent réduites par la puissance de cette concurrence internationale.
Au-delà de la maîtrise des dépenses publiques - dépenses de l'Etat et dépenses de protection sociale -, la question que nous devons nous poser est celle du rythme de croissance soutenu et durable que doit retrouver notre pays. Les prélèvements obligatoires sont-ils des activateurs de croissance ou des freins à cette dernière ? La structure de nos prélèvements obligatoires nous aide-t-elle à créer de la croissance ?
Pour ma part, je pense que les prélèvements obligatoires tendent à activer les délocalisations d'activités et d'emplois.
Puisque Philippe Marini m'a laissé le privilège d'évoquer plus longuement la TVA sociale, je voudrais, quitte à sembler faire preuve d'une excessive constance (Sourires), souligner l'importance cruciale de cet élément de la réforme.
Nous avons consacré au financement de la protection sociale des prélèvements qui pèsent plus lourd que ceux auxquels procèdent l'Etat et les collectivités territoriales.
Le système français était tout entier fondé, à l'origine, sur des prélèvements assis sur les salaires. Est-il légitime pourtant, mes chers collègues, de faire reposer le financement de la santé et de la politique familiale sur des cotisations sociales, sur les salaires ? La santé, la politique familiale concernent l'ensemble des Français. C'est par conséquent la solidarité qui doit s'exercer.
Si nous maintenons ces prélèvements sur les salaires, nous concentrons sur l'emploi en France le poids de la solidarité. Ce sont en quelque sorte des droits de douane à l'envers, que seuls paient ceux qui produisent en France, qu'ils produisent des services ou des biens de consommation.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pouvons-nous maintenir un tel système sans nous rendre suspects d'activer de quelque façon la délocalisation ?
Le Gouvernement souhaite contribuer à l'amélioration du pouvoir d'achat des Français, autrement dit faire baisser les prix. C'est louable. Toutefois, messieurs les ministres, la recherche d'une baisse des prix, d'une part, et la création d'emploi, la lutte efficace contre le chômage, d'autre part, sont-elles compatibles ?
Le modèle français se résume bien souvent à cette formule : moins cher pour moins d'emploi.
Nous connaissons tous dans nos circonscriptions des situations particulièrement préoccupantes d'entreprises qui disparaissent. Ceux qui font du profit sont ceux qui mettent les biens sur le marché. Ceux qui produisent sont au contraire pratiquement condamnés, pour rester compétitifs, à prendre les uns après les autres la voie du nomadisme économique.
La France consacre 47,3 % de l'ensemble des prélèvements obligatoires aux organismes de sécurité sociale, alors que ce taux est de 24 % dans l'ensemble des pays de l'OCDE. Nous sommes donc dans une situation singulière, et, si nous n'y portons pas remède, messieurs les ministres, nous prenons le risque de voir nos prévisions de croissance déçues.
Il nous faut nous demander ce qui peut donner souffle et élan aux entreprises, ce qui peut les mettre en situation de créer de l'emploi et de produire de la croissance.
L'heure me paraît venue de procéder à un nouveau partage des responsabilités.
Il me semble, monsieur le ministre délégué au budget, que, dans une économie qui s'est globalisée, il est vain de présenter le budget en opposant ce que paient les entreprises et ce que paient les ménages. Y a-t-il un seul impôt payé par les entreprises qui, en définitive, ne soit acquitté par les ménages ? Même les « retraites chapeau » des présidents qui prennent congé de certains groupes de distribution sont payées par les consommateurs.
Les Français doivent pouvoir comprendre cette analyse, et c'est tout le sens du débat que nous devons faire vivre devant l'opinion publique.
La sanction des impôts de production est trop souvent la délocalisation des activités et de l'emploi. Cessons donc d'asseoir les cotisations sur la production.
Cette assiette affecte également dans une large mesure la taxe professionnelle. Les responsables des entreprises et les représentants des élus territoriaux ont été entendus par la commission Fouquet. Vous avez vu, monsieur le ministre, à quel point les attentes des uns et des autres s'opposaient frontalement. Les uns, pour rester compétitifs, demandaient que l'on allège substantiellement la taxe professionnelle ; les autres entendaient défendre cette taxe, ressource qui leur permet d'équilibrer les budgets.
Il me semble donc, monsieur le ministre, que le rôle des entreprises doit être la créativité, l'innovation, la création de biens, de services, de richesses et la création d'emploi.
Quant à la cohésion sociale, elle me semble relever de la responsabilité des citoyens, ce qui justifie un impôt de consommation : la TVA.
Si l'on admet que doivent disparaître les impôts de production, qui représentent de larges fractions des impôts acquittés par les entreprises et qui participent du prix de revient de la production, il faut refonder le pacte fiscal, le pacte républicain sur une contribution assise soit sur la consommation, soit sur le revenu, soit sur le patrimoine. Nous connaissons les limites à ne pas transgresser.
Telle serait la répartition des rôles que nous pourrions mettre en place. Il nous reste à programmer la disparition des impôts de production. Il faut mettre un terme à ces droits de douane à l'envers.
D'aucuns avancent qu'un supplément de TVA serait de nature à créer de l'inflation. Je n'y crois pas. Les seuls produits et services qui seront mis sur le marché national à un prix plus élevé sont ceux qui viennent de l'extérieur. En revanche, ce qui est produit sur le territoire national sera produit à un prix hors taxe inférieur à ce qu'il est aujourd'hui, et le supplément de TVA n'entraînera pas d'inflation, toutes taxes comprises.
Certains font observer que l'augmentation de la TVA de 2 % en 1995 a été une expérience malheureuse. Je dois dire qu'à l'époque le plan de communication n'avait pas été des meilleurs. Au surplus, si nous avions imaginé d'augmenter la TVA, c'était non pas pour financer autrement la protection sociale, mais pour combler un déficit. L'exercice, ici, n'est absolument pas le même, vous l'avez compris : il s'agit de substituer à des impôts de production des impôts de consommation.
Puisque seuls les produits et services importés verraient leurs prix augmenter, cette mesure relève peut-être du concept de patriotisme économique, messieurs les ministres. Nous protégerions l'emploi sur le territoire de façon plus satisfaisante, me semble-t-il.
C'est pourquoi, messieurs les ministres, vous nous entendrez souvent évoquer ces schémas. Les déclarations contenues dans votre propos liminaire, monsieur le ministre délégué au budget, sont tout à fait encourageantes. Il semble que ce qui, hier, apparaissait comme un blocage, soit en train de s'estomper.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il nous appartient, aux uns comme aux autres, de faire vivre le débat avec assez de conviction et de demander aux partenaires sociaux d'exprimer également leurs points de vue.
C'est un vrai sujet de débat, au niveau européen. Les Allemands s'en préoccupent, et je ne serais pas étonné qu'ils augmentent prochainement leurs taux de TVA. Je rencontrais récemment un responsable gouvernemental du royaume de Belgique : cette problématique est également d'actualité dans ce pays.
J'ajoute - Philippe Marini et moi-même nous étions rendus au Danemark l'an passé - que les Danois ont supprimé les charges sociales en 1987 et porté la TVA à 25 %. Que je sache, le Danemark connaît le plein emploi, un taux de croissance satisfaisant, et est un pays social-démocrate de chez social-démocrate. (Sourires.)
Dissipons tout malentendu : il peut y avoir là, me semble-t-il, une justice sociale. A ceux qui disent que la TVA est un impôt injuste, je veux préciser que les gens modestes qui consomment l'intégralité de leurs revenus paient des cotisations sociales lorsqu'ils achètent des produits ou des services français mais s'en exonèrent lorsqu'ils achètent des produits étrangers.
Il faut casser le tabou qui affecte la TVA et aller sur un terrain suprapartisan ; voilà quelques semaines, M. Strauss-Kahn lui-même évoquait cette possibilité. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ses propositions, il est vrai, sont variables !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ses propos, manifestement, n'ont pas reçu un accueil très enthousiaste de la part de ses amis du parti socialiste, mais je trouve symptomatique qu'il ait cru pouvoir en parler. Cela signifie que certains tabous sont en train de s'estomper et, pour ma part, je m'en réjouis.
Puisque vous avez besoin, monsieur le ministre, de près de 19 milliards d'euros pour équilibrer le budget de la sécurité sociale, la proposition de Philippe Marini de substituer une fraction de TVA à un inventaire à la Prévert de taxes me paraît bonne. Cette proposition sera probablement soutenue par la commission des finances et par la commission des affaires sociales, ce dont je me réjouis. Nous avons donc rendez-vous, monsieur le ministre, à l'article 41 du projet de loi de finances pour 2006 !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La TVA sociale existait du temps du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, lequel était équilibré très largement par une affectation de TVA.
M. Jacques Blanc. Voilà un président qui connaît bien les dossiers !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Merci ! Je pense donc que l'innovation fiscale sera pleinement au service de la croissance et du développement de notre pays.
Il est temps, je vous l'ai dit, de briser le tabou fiscal qui pèse sur la TVA. A l'heure de la « croissance sociale », osons avancer sur la voie de la TVA sociale. Sans réforme fondamentale de notre modèle des prélèvements obligatoires, nos discours convenus ne seront qu'incantations et nous constaterons chaque jour un peu plus que notre modèle, c'est « moins cher pour moins d'emplois ». (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il me revient l'honneur de clore la première partie de notre discussion, avant de laisser la parole aux orateurs des groupes.
Je ne voudrais pas redire ce qu'ont excellemment évoqué le président et le rapporteur général de la commission des finances, ainsi qu'Alain Vasselle, le rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale. Je souhaite simplement vous faire part d'un certain nombre d'observations.
La première de ces observations est un regret, que notre commission a déjà plusieurs fois exprimé. Le document sur lequel nous débattons est, selon les termes de la loi organique du 1er août 2001, déposé « en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale ». Or, il est imprimé sous forme de « bleu budgétaire », avec l'en-tête du projet de loi de finances pour 2006. Il concerne donc l'ensemble des prélèvements obligatoires, mais il est élaboré, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, par les seuls services de Bercy. (MM. les ministres sourient.) Cela vous fait rire, je dois dire que moi aussi !
Je regrette que les services du ministère chargé de la sécurité sociale ne soient pas associés à sa préparation et qu'il ne soit pas imprimé sous le double sceau des ministères des finances et des affaires sociales.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très juste !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'en aurait, me semble-t-il, que plus de poids.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Peut-être est-ce un voeu pieux, mais j'ose formuler de nouveau le souhait que ce document soit à l'avenir élaboré conjointement par les deux ministères. Cela pourrait notamment contribuer à rendre plus étroites et plus confiantes les relations entre l'Etat et la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je vous rappelle d'ailleurs, mes chers collègues, que notre débat de ce soir est l'unique occasion pour la commission des affaires sociales de dialoguer avec le ministère des finances.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Jean-Jacques Jégou. C'est une blague !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui, c'est vrai !
Or, cette année encore - et la mise en oeuvre de la LOLF n'a semble-t-il rien changé aux pratiques des années précédentes -, nous nous trouvons devant le fait accompli. Les services de Bercy ont, une nouvelle fois, changé la méthode de traitement du financement des allégements de charges. La justification invoquée, « simplifier les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale », ne me paraît pas lumineuse. Elle est en fait, j'en ai peur, un alibi commode pour l'affichage d'une progression nulle des dépenses en volume du budget de l'Etat.
Cette première observation me paraît d'autant plus justifiée que les prélèvements sociaux représentent désormais plus de la moitié des prélèvements obligatoires. A cet égard, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur quelques ordres de grandeur qui permettent de bien resituer les finances sociales dans leur contexte.
Les dépenses sociales représentent une masse de plus de 380 milliards d'euros, soit 100 milliards d'euros de plus que le budget de l'Etat, soit encore un tiers de charges supplémentaires.
Mais le déficit de la sécurité sociale - pardonnez-moi de le rappeler - est inférieur au tiers de celui de l'Etat : 14,4 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes de base et des fonds en 2006 au lieu de 46 milliards d'euros pour le budget de l'Etat,...
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ...déficit qui, en pourcentage, représente 3,8 % des dépenses pour la sécurité sociale et 16,7 % des dépenses pour l'Etat.
Cette comparaison vise à montrer que, si le problème du déficit de la sécurité sociale est bien réel et nécessite des mesures de financement évidentes, il est néanmoins sans commune mesure avec celui du budget.
Qui finance la sécurité sociale ?
Les entreprises assurent près de 40 % du financement des régimes de base, dont 33 % au titre des cotisations patronales. Cette part était, rappelons-le, d'environ 54 % en 1989 et de 46 % en 1995. L'apparition et la montée en charge de nouvelles recettes, notamment la CSG, mais aussi le poids grandissant des exonérations des charges sociales patronales expliquent cette baisse importante.
Les ménages assurent, quant à eux, 32 % du financement des régimes de base et l'Etat employeur, 19 %.
Au total, les cotisations représentent un peu plus de la moitié des ressources - 53 % exactement - et les impôts et taxes affectés 21 %, chiffre en progression constante au cours des dernières années, dont 17 % au seul titre de la CSG.
Il faut désormais ajouter à ces deux grandes masses les cotisations prises en charge par l'Etat, qui représentent 6,2 % du total.
Ces données sont le résultat des deux évolutions majeures de la structure des prélèvements sociaux constatées au cours des dernières années : d'une part, la fiscalisation du financement de la protection sociale, d'autre part, la diminution de la part des entreprises essentiellement au profit de celle de l'Etat.
Dans ce contexte, quelles sont les perspectives d'évolution du mode de financement de la sécurité sociale ?
Les orateurs précédents ont esquissé des pistes, et je n'y reviendrai pas, même si je les approuve. Cela étant, je voudrais vous faire part d'une réflexion.
L'analyse de la situation montre que le déficit social actuel doit plus que celui d'il y a dix ans à l'augmentation des dépenses. Les recettes, en effet, ne se sont pas effondrées et, si l'évolution de la masse salariale est depuis 2002 inférieure à sa tendance de longue période, elle a néanmoins continué à progresser, de l'ordre de 2,5 % par an. Or, dans le même temps, les dépenses, surtout celles de l'assurance maladie, ont augmenté de plus de 5 % par an.
C'est pourquoi l'objet des réformes menées actuellement ne consiste pas simplement, si j'ose dire, à accroître les recettes pour faire face aux dépenses et combler le déficit, mais bien à agir sur les dépenses, de façon à en maîtriser la progression.
La nouveauté est donc d'avoir entrepris de responsabiliser l'ensemble des acteurs - usagers, professionnels de santé, gestionnaires - et d'avoir mis en place les conditions pour que les efforts conjugués de chacun permettent de parvenir à une maîtrise réelle et durable des dépenses.
Une telle politique n'est évidemment pas simple à mettre en oeuvre. Elle produit néanmoins déjà des résultats : pour la première fois depuis 1998 - M. Philippe Bas l'a d'ailleurs souligné -, l'ONDAM sera respecté cette année.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est historique !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les soins de ville sont en nette décélération - 2,7 % en 2005 au lieu de 7 % à 8 % par an sur la période 2000-2003 -, notamment grâce à la poursuite de la baisse des indemnités journalières mais aussi par une inflexion des dépenses de médicaments. Ces bons résultats ne peuvent pour autant être considérés comme acquis et demandent à être confirmés dans la durée.
Ils sont malheureusement compensés par une hausse des versements aux établissements de santé, ce qui montre l'ampleur des efforts qui restent à entreprendre, en particulier auprès de l'hôpital.
Dans ce contexte, pour améliorer et renforcer le pilotage de l'ensemble de la politique publique de sécurité sociale, la loi organique du 2 août 2005 a redéfini dans un sens positif le contenu et la présentation des lois de financement de la sécurité sociale.
Elle a ainsi, en partie sur l'initiative du Sénat et de sa commission des affaires sociales, renforcé la transparence et la sincérité des équilibres financiers, introduit une dimension pluriannuelle dans la présentation des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses, accru l'autonomie financière de la sécurité sociale, introduit une démarche objectifs-résultats dans la gestion des branches, à l'image des programmes de performance de la LOLF.
Ce faisant, le Parlement disposera de moyens plus adaptés pour suivre et contrôler l'ensemble du système, l'évolution des recettes et des dépenses ainsi que le comportement des diverses parties prenantes.
La création d'une MECSS, ou Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, au sein de notre commission aura aussi cette fonction. Elle est pour nous l'instrument indispensable de mise en oeuvre d'une action suivie et approfondie de l'application de la loi de financement de la sécurité sociale qui intervient, comme vous le savez, dans des secteurs aussi variés que parfois très complexes.
Le cadre organique renouvelé des discussions de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, que nous allons appliquer pour la première fois simultanément cette année, ouvre une nouvelle période.
Il serait opportun que, à l'image de ce qui va se passer pour les discussions de ces deux textes majeurs de notre vie publique, nous nous efforcions de moderniser et de dynamiser ce débat sur les prélèvements obligatoires dès l'année prochaine.
Vous le savez, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est le Sénat qui a institué ce débat, grâce à l'initiative de Philippe Marini et de notre ancien collègue Charles Descours. C'est aussi uniquement au Sénat qu'il est organisé, et il se tient aujourd'hui pour la quatrième fois.
Je forme donc le souhait qu'il devienne un moment important de nos travaux, par une mise en perspective du cadre général du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, quelques jours avant leur examen par notre assemblée.
Ce débat doit également constituer le lieu indispensable du dialogue croisé et décloisonné entre les finances sociales et les finances de l'Etat, entre les ministères financiers, les ministères sociaux et le Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, n'ayant que peu de temps pour m'exprimer, j'irai à l'essentiel, d'autant que je partage pleinement ce qui a été dit par le président de la commission des finances et par le rapporteur général.
Mon propos portera sur quatre points : le soutien absolu à la position du président de la commission des finances sur la TVA sociale ; la nécessaire maîtrise de la dépense pour maîtriser les prélèvements ; le rejet, monsieur le ministre délégué au budget, de votre dispositif de bouclier fiscal intégrant les prélèvements opérés par les collectivités, étant entendu que j'offrirai une solution de remplacement ; une proposition de réforme radicale pour que notre société puisse évoluer.
S'agissant de la TVA sociale, le président de la commission des finances en ayant parfaitement décrit le mécanisme, je ne ferai qu'un bref commentaire.
Pour que les choses soient compréhensibles et acceptées, l'allégement des charges pesant sur la compétitivité doit bénéficier, il faut le dire clairement, aussi bien aux entreprises qu'aux salariés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Philippe Adnot. Une part de cet allégement doit être consacrée à l'amélioration de la compétitivité des entreprises, une autre étant destinée à donner du pouvoir d'achat aux salariés. C'est essentiel si l'on veut que cette réforme puisse voir le jour. Pour ma part, j'appuie pleinement les propositions de la commission des finances en la matière.
La maîtrise des prélèvements, messieurs les ministres, passe par la maîtrise de la dépense. Permettez à quelqu'un qui préside depuis quinze ans un conseil général de vous faire part de son expérience. Peut-être pourrez-vous, si vous voulez bien m'écouter, en tirer quelque profit
Aussitôt après avoir été élu à la tête de ce conseil général, je me suis méfié de tous ces rapports sans incidence financière qui sont presque toujours adoptés l'unanimité, mais qui se révèlent finalement, sans qu'on s'en aperçoive, être sources de nouvelles dépenses. Or, une fois que telle décision est prise, force nous est d'en assumer les conséquences.
C'est pourquoi j'affirme que, si l'on veut maîtriser un jour la dépense, il faut arrêter de créer des sources de dépenses. Or c'est ce que le Gouvernement fait tous les jours à travers les dispositions qu'il nous soumet !
C'est ainsi que dernier texte sur le handicap conduira les départements à apporter des financements à des handicapés, mais sans pouvoir tenir compte des ressources de ceux-ci.
Si une personne victime d'un accident de voiture est très bien assurée ou si l'accident est intervenu dans le cadre de son travail, elle percevra une indemnisation considérable ; néanmoins, les départements seront éventuellement amenés à lui verser 5 000 euros par mois, parce qu'ils n'ont pas le droit de tenir compte des ressources de la personne pour l'attribution d'une telle allocation !
Pour maîtriser la dépense, il nous faut commencer par arrêter d'élaborer des lois qui la génèrent sans retenue. C'est un point que vous devez garder présent à l'esprit, messieurs les ministres, si vous voulez qu'on arrête de charger la barque !
J'en viens au dispositif du bouclier fiscal.
Dans la mesure où il intègre les collectivités locales, il ne sera pas tenable. Il récompensera avant tout les mauvais gestionnaires, ceux qui ont augmenté les impôts par le passé. Quant à ceux qui ne les ont pas augmentés, ils se trouveront dans une véritable impasse s'ils doivent faire face à de nouvelles charges. Or, des charges nouvelles, vous nous en donnez !
Pour ce qui concerne mon département, l'impasse de financement se chiffre à 4 millions d'euros pour le RMI, ce qui représente plus de cinq points de fiscalité !
Comment les départements feront-ils, enfermés par les contraintes du bouclier fiscal et du plafonnement de la taxe professionnelle, pour financer de telles impasses ?
La solution ne passe donc pas par l'association des collectivités locales au bouclier fiscal, mais par la mise en place, concernant les collectivités, d'une politique très volontariste et très responsable consistant à encadrer l'évolution des taux, avec un plancher et un plafond.
Un plancher est en effet nécessaire dans la mesure où il n'y a aucune raison pour que les collectivités très riches qui prélèvent peu d'impôts demandent ensuite à bénéficier de la solidarité nationale, au travers de différentes dotations ! S'il leur était fait obligation de prélever un minimum, elles n'auraient plus à demander à bénéficier de certaines dotations et les fonds pourraient être affectés à la solidarité envers celles qui en ont le plus besoin. Tout le monde y trouverait son compte !
Quant aux départements qui ont déjà dépassé le plafond, ils seraient mis dans l'impossibilité de continuer à le crever davantage.
Cela serait beaucoup plus efficace, monsieur le ministre délégué au budget, que de chercher à résoudre la quadrature du cercle grâce au bouclier fiscal !
M. Philippe Adnot. Je vous remercie de le préciser, monsieur le ministre.
M. Philippe Adnot. Pour finir, je veux évoquer une mesure que je souhaite proposer depuis longtemps. Jusqu'à présent, j'avais hésité à le faire, mais, vu le nombre de pays qui progressivement l'adoptent, je me dis que nous serions bien inspirés d'y songer également.
L'avenir d'un pays, mes chers collègues, ne dépend pas de sa capacité à répartir un budget étriqué.
M. Philippe Adnot. Il dépend de sa capacité à créer des richesses.
Dès lors, il faut produire un choc qui libère les énergies, en montrant à nos concitoyens qu'ils peuvent participer pleinement à cette création de richesses. Je propose que, à cette fin, nous adoptions le taux unique d'imposition sur le revenu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Satanas ! (Sourires.)
M. Philippe Adnot. J'entends déjà d'ici les exclamations scandalisées ! Pourtant, l'imposition à taux unique est déjà très largement pratiquée !
La TVA et la taxe intérieure sur les produits pétroliers s'appliquent à tous les citoyens avec le même taux, quels que soient leurs revenus. Il en va de même pour la CSG et pour les droits de mutation. L'essentiel des prélèvements actuels s'opère donc déjà à un taux unique.
Toutefois, ce qui nous manque, c'est un choc psychologique tel que ceux qui, aujourd'hui, renoncent à produire - parce qu'ils considèrent que le fruit de leurs efforts leur échappe ou qu'ils n'en tirent plus un bénéfice suffisant pour continuer - retrouvent de l'intérêt à créer des richesses. Eh bien, je pense que ce choc psychologique peut résider dans l'instauration d'un taux unique d'imposition sur le revenu.
Essayons d'imaginer un instant que toute cette matière grise consacrée à essayer de ne pas payer l'impôt soit consacrée à créer de la richesse. Essayons d'imaginer ce qui se passerait si tous ceux - les meilleurs d'entre nous - qui s'arrêtent de travailler parce qu'ils sont fatigués de le faire pour rien, étaient convaincus qu'il est de nouveau intéressant pour eux de créer de la richesse. Cette libération des énergies permettrait à notre pays de relever les défis qui sont devant lui !
Messieurs les ministres, je vous demande de réfléchir à ces quelques propositions. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
(M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires n'est pas un débat de macroéconomie et de statistiques. C'est d'abord et avant tout un débat de société.
Nous vivons dans une société profondément marquée par les inégalités de revenus, de ressources et de patrimoine. Si l'égalité fait partie des valeurs de notre République, le Gouvernement s'est, quant à lui, lancé depuis 2002 dans une réforme de notre système fiscal, réforme d'une non négligeable, qui « casse » tout ce qui pouvait permettre de prendre en compte les plus fragiles.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !
Mme Marie-France Beaufils. Quelques lignes de force transparaissent dans cette réforme engagée depuis 2002 : allégement sensible de la contribution fiscale des entreprises, avec la suppression de la surtaxe de l'impôt sur les sociétés, les aménagements divers des modalités d'imposition des plus-values ou encore le plafonnement de la taxe professionnelle, proposé pour cette année ; allégement non moins sensible de la contribution des revenus et patrimoines les plus importants, ceux-ci étant les principaux bénéficiaires de la transformation du barème de l'impôt sur le revenu et des multiples mesures d'évasion fiscale.
Qu'il s'agisse de la fiscalité des donations, de celles des successions, de l'impôt de solidarité sur la fortune, de l'imposition des revenus mobiliers, ce sont les patrimoines les plus élevés et les revenus les plus importants qui ont tiré partie de l'essentiel des dispositions votées.
Cette série de mesures s'est accompagnée d'une consolidation des droits et impôts indirects, essentiellement subis par les ménages modestes.
Pour quel résultat ? La croissance se porte-t-elle mieux ? La création d'emplois est-elle au rendez-vous des initiatives prises ?
Mme Marie-France Beaufils. Vous savez bien que non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est quand même pas négligeable, 100 000 emplois !
Mme Marie-France Beaufils. Que nous proposez-vous comme perspective ? Une modification de l'impôt sur le revenu. En fait, une atteinte à la conception progressive de cet impôt pour en faire, à terme, un impôt proportionnel ! C'est d'ailleurs une mesure que le rapporteur général appelle de ses voeux en estimant que l'intégration de la CSG dans l'impôt sur le revenu pourrait commencer à faire adopter la retenue proportionnelle plutôt que progressive sur le revenu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai pas dit ça !
Mme Marie-France Beaufils. C'est du moins ce que j'ai compris en commission !
Vous écrivez dans votre rapport, monsieur le rapporteur général, que le niveau élevé des prélèvements obligatoires résulte du financement de services satisfaits ailleurs, souvent par l'initiative privée.
Vous exprimez ainsi clairement ce que je vous rappelais lors de l'examen du projet de loi de règlement : pour vous, la dépense publique est parée de tous les défauts, ou presque ! Vous voulez la réduire et vous proposez aussi d'en transférer, pour une part, le financement sur la TVA, comme pour les charges sociales. Vous allez même jusqu'à baptiser cette augmentation de la TVA du nom de « TVA sociale » ! Mais je laisse à mon collègue Guy Fischer le soin de revenir sur ce sujet.
Vous voulez nous faire croire que vos propositions sont indolores. Une fois de plus, elles consistent à faire peser un poids toujours plus lourd sur ceux qui ont le moins. Puis, non content, vous estimez nécessaire de réduire les services publics rendus à ces personnes qui, au regard de leurs revenus, n'auraient pas accès à de tels services s'ils n'étaient pas publics !
En mai dernier, les Français ont clairement exprimé leur volonté de voir la puissance publique jouer pleinement son rôle.
En condamnant l'intervention publique, en condamnant l'impôt progressif, vous vous attaquez à une conception de la société à laquelle la majorité des Français sont profondément attachés, ce que même le Premier ministre a reconnu - c'est du moins ce que j'ai cru comprendre - lors de sa première prestation télévisée depuis la rentrée, devant Arlette Chabot !
Au contraire, pour notre part, nous entendons redonner tout son sens à l'action publique, à une juste fiscalité des citoyens selon leurs revenus, à une juste fiscalité sur les sociétés et les revenus financiers, selon leur contribution au développement économique et à l'emploi.
C'est d'ailleurs en ayant à l'esprit cette conception que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, nous vous présenterons des propositions.
J'espère qu'un jour, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, nous pourrons également débattre d'une proposition de modernisation de la taxe professionnelle déposée voilà plusieurs mois par mon groupe sur le bureau du Sénat et qui vise justement à donner plus d'efficacité à cette imposition en termes d'emplois et de dynamique économique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes des parlementaires heureux !
M. Jean-Jacques Jégou. Cette fois, j'ai préféré commencer ainsi, monsieur le ministre !
Nous sommes des parlementaires heureux de débattre sur les prélèvements obligatoires, contrairement aux députés qui, pour des raisons de calendrier, n'ont pu le faire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On est beaucoup mieux au Sénat ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou. Certainement, monsieur le rapporteur général !
Nous allons donc pouvoir nous exprimer sur un sujet éminemment politique, peu de temps avant l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ce sujet est, à l'évidence, éminemment politique dans la mesure où étudier le niveau des prélèvements obligatoires revient à mesurer le poids de la fiscalité sur les forces vives de notre pays. Choisir d'en infléchir ou d'en augmenter le taux devrait répondre à une volonté politique, à un projet économique et à un objectif de compétitivité fiscale. Malheureusement, il ne répond plus qu'à la nécessité de couvrir les dépenses de l'Etat !
Qu'est-ce que cela signifie aujourd'hui ? A quelle situation devons-nous faire face ?
Pour 2005, le niveau des prélèvements obligatoires atteint 43,9 points de PIB. Pour 2006, si l'on accepte, messieurs les ministres, le taux de croissance optimiste de 2,25 % que vous avez retenu - et nous souhaitons tous que, dans l'intérêt du pays, ce taux soit finalement constaté -, il devrait atteindre 44 points de PIB, ce qui nous place dans le peloton de tête, si j'ose dire, des pays industrialisés.
Cette captation de notre richesse nationale devient tout simplement insupportable. Pourtant, de façon très surprenante, personne ne semble s'en émouvoir !
Rappelez-vous, monsieur le ministre délégué au budget, avec quelle force, lorsque nous étions dans l'opposition, nous dénoncions ensemble devant la commission des finances de l'Assemblée nationale les taux trop élevés et, surtout, leur augmentation !
Le débat d'aujourd'hui paraît bien feutré et insuffisant au regard de la progression constante des prélèvements depuis quatre ans, progression qui a absorbé plus de la moitié de la croissance de notre économie pendant cette même période.
Je souhaite maintenant revenir sur la structure des prélèvements obligatoires et l'analyser. Je rappelle que les prélèvements obligatoires représentent la somme des impôts et cotisations sociales reçus par les administrations publiques d'Etat, les collectivités locales et les institutions européennes, déduction faite des impôts et cotisations dus non recouvrés.
Les derniers chiffres que nous possédons aujourd'hui sont ceux de 2004. Cette année-là, le taux des prélèvements obligatoires s'élevait à 43,4 points de PIB. Sur ces 43,4 points, 20,5 points relevaient des organismes de sécurité sociale, 16,3 points de l'Etat, 5,3 points des collectivités locales, et seulement 0,3 point de l'Union européenne.
Ces taux sont élevés en valeur absolue comme en valeur relative. La France continue en effet à enregistrer un niveau de prélèvements obligatoires supérieur à celui de ses partenaires européens ou de l'ensemble des pays de l'OCDE. Ce n'est toutefois pas, ici, le niveau de la dépense publique qui est condamnable, c'est son inefficacité.
Dans des pays comme la Suède ou le Danemark, le poids des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale est plus important qu'en France. L'efficacité des systèmes de protection sociale de ces deux pays y rend toutefois ces dépenses acceptables, d'autant que les salaires y sont plus élevés et les taux de chômage plus faibles.
Avec cette notion de l'efficacité des prélèvements obligatoires, nous touchons le coeur du problème. Si l'on s'intéresse à la partie « Etat » de ces prélèvements - 16,3 % du PIB -, on ne peut s'exonérer d'un débat de fond sur l'efficacité de la dépense publique. Rappelons que notre budget connaît toujours un déficit primaire important. Bien que ce dernier, il faut le reconnaître, ait été réduit cette année, les dépenses des administrations publiques s'élèvent tout de même à 53,5 milliards d'euros, pour des recettes limitées à 49,8 milliards d'euros. Il est évident que ces administrations ne peuvent pas continuer à dépenser 20 % de plus que les recettes dont elles disposent.
D'une façon plus générale, c'est bien tout le système de dépenses des administrations publiques qu'il conviendrait de réformer. Vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, nous sommes tous conscients du fait que les tâches de l'Etat ont changé et que d'importants gains de productivité sont à accomplir.
Alors qu'un important mouvement de départs en retraite se dessine à partir de 2005-2006, n'est-ce pas le moment de redéfinir clairement les besoins de la fonction publique et de redéployer celle-ci, en s'appuyant sur cet outil de gestion rationnel qu'est la LOLF, si tant est qu'on y prête une attention suffisante ?
La question de l'efficacité de la dépense publique doit également être posée en ce qui concerne les prélèvements sociaux ; il en a été largement question. Quand on constate que ces prélèvements constituent la plus grande partie des prélèvements obligatoires - ils en représenteront même plus de la moitié en 2006, soit une hausse de plus d'un point de PIB entre 2005 et 2006 -, on peut carrément parler d'une fuite en avant des dépenses sociales, que les dispositions de la loi portant réforme des retraites ou de la loi relative à l'assurance maladie n'ont guère réussi à maîtriser.
Monsieur le ministre, je suis désolé de vous contrarier, mais je ne crois pas que le chemin qui a été parcouru avec la loi portant réforme des retraites soit suffisant ; nous n'avons fait qu'une partie du chemin ! En tout cas, s'agissant de l'assurance maladie, on n'a toujours pas réussi à maîtriser les dépenses, même si les chiffres de fin d'année sont encourageants, et j'en suis heureux.
Notre système de santé appelle d'indispensables et profondes réformes de structure pour faire face au problème de financement que connaît actuellement la sécurité sociale, et qui concerne désormais toutes ses branches, y compris maintenant la branche vieillesse ; on semble découvrir la fuite en avant et le départ à la retraite de la génération du baby-boom..
Les prélèvements sociaux ne sont plus en mesure de répondre aux besoins des Français, lesquels continueront de progresser avec l'allongement de la durée de la vie et l'amélioration de l'efficacité des soins, ces derniers devenant de plus en plus onéreux. Je ne reviendrai pas sur le débat qui a eu lieu tout à l'heure avec M. Vasselle, qui est à la recherche, semble-t-il, de recettes dynamiques. Je pense qu'il faudrait plutôt s'intéresser à la maîtrise des dépenses hospitalières, où il existe certainement des marges de manoeuvre.
Monsieur le ministre, le ministère de la santé lui-même fixe à plus 40 % le coût d'une opération équivalente entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée. Nous connaissons effectivement quelques raisons des dépenses indues payées par la sécurité sociale en matière de recherche, d'enseignement, mais peut-être conviendrait-il aussi de revoir le fonctionnement traditionnel de l'hôpital public.
La dépense publique n'est plus maîtrisée en matière sociale, je viens de le dire. Il serait temps de chercher de véritables solutions et d'arrêter d'avoir recours à d'inventifs montages d'ingénierie financière ; on l'a bien vu - le rapporteur général et le président de la commission des finances y ont fait allusion - avec ce que l'on a appelé « l'inventaire à la Prévert », qui est tout de même quelque chose d'assez inventif. Nous aurons l'occasion d'en reparler avec vos collègues, monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ayant dressé un tableau un peu catastrophique, j'en suis désolé, mais réaliste de la situation, dans un esprit constructif, puisqu'on le demande souvent à notre famille politique, je vais tenter d'aborder un certain nombre de propositions, qui se recouperont d'ailleurs avec celles qui ont été faites jusqu'à présent par un certain nombre de nos collègues, et singulièrement par le président de la commission des finances.
En premier lieu, on doit se pencher sur une réforme en profondeur de notre système fiscal, notamment de la fiscalité directe, dont l'efficacité et la légitimité se sont peu à peu égarées dans une forêt de niches fiscales faisant croire, par l'illusion des taux nominaux, que nous avions le système le moins compétitif de tous les pays de l'OCDE.
Cela nous permettrait, comme le préconise le Conseil d'analyse économique dans le rapport de MM. Saint-Etienne et Le Cacheux, de passer d'un système reposant sur des bases étroites et des taux élevés à un système reposant sur des bases larges et des taux faibles.
Derrière ce volet technique, une réflexion de fond doit être menée. Je le répète, et nous le répétons souvent au groupe Union centriste-UDF, arrêtons de faire peser sur la production tout notre système de protection sociale. En effet, si accidents du travail, assurance chômage et, dans une certaine mesure, assurance vieillesse relèvent de la taxation des entreprises et des salariés puisqu'ils y sont directement liés, en revanche, maladie et famille - je reprends là ce que nous a dit le président Jean Arthuis - doivent relever de la solidarité nationale. Aujourd'hui, tout repose sur le travail. Or n'est-ce pas une contradiction au moment où celui-ci devient rare et cher ?
C'est dans ce contexte que l'UDF souhaite explorer le principe de la TVA sociale. Ce sujet mérite qu'on y réfléchisse, car il a l'avantage de faire contribuer les importations à la protection sociale des pays qui pratiquent le dumping social.
Je tiens à rappeler au passage qu'aujourd'hui un point de TVA correspond grosso modo à 5,5 milliards d'euros de recettes.
Sur ce point, j'ouvrirai ici une parenthèse concernant l'inventaire à la Prévert dont je parlais tout à l'heure, et qui vise à trouver de nouvelles recettes pour le financement de la sécurité sociale.
Au premier rang de cet inventaire, on retrouve la taxe sur les salaires, ce qui revient à la pérenniser. Tout à l'heure, vous avez dit, monsieur le ministre délégué au budget, que le premier contributeur était l'hôpital. Nous brocardons d'ailleurs d'autres secteurs qui en bénéficient, si j'ose dire : la banque et l'assurance. Vous qui êtes un élu d'Ile-de-France, vous savez combien d'emplois ces secteurs représentent dans notre région ; c'est largement supérieur à l'industrie automobile, et il est important qu'ils ne souffrent pas de distorsion de concurrence par rapport aux autres pays européens.
De la même façon, mais c'est un autre sujet, comment voulez-vous donner confiance au secteur financier français, dont dépend l'équilibre de nos finances publiques, alors que vous effectuez un « casse » - pardonnez le mot - sur le fonds de garantie de l'accession sociale, le FGAS, ou sur les plans d'épargne logement ? Là aussi, nous aurons l'occasion d'en rediscuter.
Monsieur le ministre, c'est dans ce contexte, avec toutes les interrogations mais aussi les solutions que nous venons de vous livrer, que nous comptons aborder l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Nous serons à votre écoute ; j'espère que vous serez à la nôtre. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les débats nationaux et les comparaisons internationales sur le niveau des prélèvements obligatoires ont, dans une certaine mesure, un caractère irréel.
La signification même du concept des prélèvements obligatoires, qui polarise pourtant l'attention du grand public, des investisseurs, et sur lequel la classe politique passe une partie de son temps à débattre, est loin de recueillir un consensus. Reconnaissons que, dans son aspect purement comptable, il interdit de mesurer les contraintes réelles qui pèsent sur l'utilisation du revenu des agents économiques, alors même que c'est le sens qu'on lui prête habituellement.
Chacun sait que, dans les systèmes où les prélèvements obligatoires sont faibles, les agents économiques connaissent d'autres contraintes. Ils sont obligés, dans les faits, d'allouer une partie de leur revenu à des dépenses couvertes par les prélèvements obligatoires dans les pays où ceux-ci sont plus élevés. S'ils en ont les moyens, tant mieux pour eux. Si tel n'est pas le cas, ils sont alors obligés de se passer des biens et services que les prélèvements obligatoires ne financent pas.
Inversement, si les prélèvements obligatoires n'ont pas de contreparties directes, ils ont bel et bien des contreparties indirectes en termes de services publics ou de transferts de revenu dont l'utilité économique et sociale devrait être le véritable objet du débat public.
C'est pourquoi notre débat sur le taux global des prélèvements obligatoires devrait avant tout porter sur les différents modèles possibles d'intervention publique dans le champ de l'économie et du social.
Cette question une fois traitée, je souhaiterais, dans un deuxième temps, discuter de l'opportunité économique et sociale des choix entrepris par votre majorité pour structurer les prélèvements obligatoires.
Au risque de vous surprendre, je dois reconnaître que, malgré les petites tentatives malheureuses, et sans doute malgré de grosses tentations, monsieur le rapporteur général, le rapport sur les prélèvements obligatoires déposé par le Gouvernement témoigne plus de la continuité des grandes options sur la place de l'intervention publique que d'une quelconque rupture.
Manifestement, ce choix crée un malaise dans votre majorité gouvernementale en proie à des contradictions insurmontables.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !
M. Bernard Angels. En guise de rideau de fumée, la majorité gouvernementale a intenté aux collectivités locales le mauvais procès, auquel votre rapport sur les prélèvements obligatoires fait écho, d'augmenter leur fiscalité. Or les choix opérés en ce domaine par les collectivités locales sont responsables, puisque celles-ci ne recourent pas, comme le Gouvernement, aux facilités du déficit systématique, et assumés, puisqu'il s'agit de financer une forte demande de services publics dont l'Etat se désengage ; je n'insisterai pas, car mon collègue Jean-Claude Frécon parlera tout à l'heure de ces problèmes concernant les collectivités locales.
Vous feriez mieux de trouver votre propre voie et de clarifier les choix que vous entendez proposer aux Français. Entre l'engagement de l'UMP de baisser de 6 points de PIB le taux des prélèvements obligatoires, ce qui implique de réduire les dépenses publiques de 9 points de PIB, et les réalisations du Gouvernement ainsi que ses annonces, où est la cohérence ? Il y a un gouffre, lequel est présent au sein de la majorité sénatoriale !
M. Jacques Blanc. Ah bon !
M. Bernard Angels. Entre les propos du président de l'UMP, auxquels le rapporteur général de la commission des finances apporte souvent son soutien, et les positions de cette même commission, quel décalage !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vraiment ! Cela commence à faire beaucoup !
M. Bernard Angels. Je ne peux m'empêcher de citer l'excellent propos du président Jean Arthuis, relatant les conclusions qu'il a tirées d'un récent déplacement au Danemark, effectué d'ailleurs avec vous, monsieur le rapporteur général, dans le rapport sur la mondialisation : « Ce dernier exemple » - celui du Danemark - « est particulièrement intéressant, selon votre commission des finances. Il montre que des pays européens, où le coût du travail est élevé, le poids des prélèvements important, peuvent réussir leur adaptation à la globalisation de l'économie, sans " nivellement par le bas ", à condition que des réformes structurelles déterminées soient réalisées. »
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Bernard Angels. Dès lors, sans partager pleinement la foi du président de notre commission des finances, M. Jean Arthuis, dans un modèle danois qui ne me paraît pas entièrement exportable, on peut être tenté de dresser un premier bilan des crédibilités en présence au sein de la majorité gouvernementale.
Mais, je vous laisse cette tâche,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous nous expliquerez comment cela se passe au parti socialiste !
M. Jacques Blanc. M. Strauss-Kahn veut augmenter la TVA !
M. Bernard Angels. ... et je vous rassure tout de suite : le projet socialiste ne consiste pas à porter les prélèvements obligatoires au niveau exceptionnel atteint au Danemark, le deuxième après la Suède en Europe.
Il nous faut malheureusement observer que, si la situation danoise permet de relativiser les contraintes dues à la concurrence fiscale, elle n'ôte pas toute pertinence aux questions que suscite cette dernière.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le référendum sur la Constitution européenne a reflété le désarroi d'une majorité des votants face à une Europe impuissante à exprimer autre chose qu'un projet monétariste essentiellement libéral dans lequel même les Etats s'évertuent à se concurrencer.
M. Jacques Blanc. Fabius !
M. Bernard Angels. Certes, la concurrence ne doit pas être récusée systématiquement. Toutefois, lorsqu'elle n'est pas soutenable ou qu'elle contredit les objectifs mêmes d'un projet communautaire, comme c'est le cas avec la construction européenne, elle devient condamnable.
La compétition fiscale à laquelle se livrent les Etats européens pose, de ce point de vue, un problème politique aussi aigu que fondamental.
Les propositions ambitieuses d'harmonisation ont toutes, jusqu'à présent, échoué. Ce n'est d'ailleurs pas une raison, monsieur le ministre, pour abandonner ce combat ! Mais pouvez-vous nous dire ce qu'a fait votre gouvernement en ce sens ?
Les régulations a minima, telles que le démantèlement des pratiques fiscales déloyales, sont-elles surveillées ? Où en sommes-nous sur ce plan ?
Non seulement le pacte de stabilité et de croissance, mais aussi le dessein légitime d'éviter des pratiques franchement non coopératives dans une Union européenne marquée par l'interdépendance entre les Etats ainsi que l'ambition de faire prévaloir l'intérêt général, devraient déboucher sur une surveillance systématique des politiques fiscales.
La souveraineté fiscale que défendent les partisans de l'unanimité n'empêche pas d'instaurer un cadre dans lequel le jugement des pairs sur l'ensemble des caractéristiques des systèmes fiscaux nationaux pourrait s'exprimer ! Un pacte européen de surveillance fiscale reste donc à écrire.
Un statut fiscal trop inégal, fondé sur des bases mobiles, n'est pas tenable en Europe, du moins dans les pays à développement et dimension comparables.
Le Gouvernement a-t-il entrepris les démarches indispensables en vue d'une harmonisation de l'impôt sur les sociétés ? N'est-il pas temps de faire en sorte que cet impôt soit affecté à un budget européen redimensionné afin, d'une part, de pouvoir jouer le rôle contracyclique qu'il n'a pas aujourd'hui et, d'autre part, de financer les bases d'une Europe compétitive, celle de l'agenda de Lisbonne ?
Enfin, l'Europe ne devrait-elle pas s'attacher mieux qu'elle ne le fait aujourd'hui à engager ses partenaires de l'OCDE dans la lutte contre les Etats voyous, relais d'une évasion et d'une fraude fiscales qui minent les Etats de droit ?
J'en viens maintenant à l'action du Gouvernement sur le plan national concernant les prélèvements et leur évolution.
En matière de prélèvements obligatoires, cela a déjà été dit, nous devons penser en termes d'efficacité et de justice.
Pour ce qui est de l'efficacité, celle-ci commande d'adapter les prélèvements aux exigences d'une bonne politique financière ainsi qu'à l'impératif de mise en place d'un système d'incitation performant.
Or, sur le premier point, votre échec est patent, monsieur le ministre !
M. Jacques Blanc. Ah bon ?
M. Bernard Angels. En effet, incapables de tenir vos objectifs en matière de dépense publique, vous avez laissé filer le déficit et la dette. Plus grave encore, ce déficit a été subi et n'apporte donc, par conséquent, aucun soutien à l'activité. C'est là l'un des principaux échecs de cette législature.
M. Jacques Blanc. Avec les socialistes, le déficit était volontaire !
M. Bernard Angels. Quant à la structure des prélèvements obligatoires, elle a été déformée, suivant en cela des orientations inadaptées aux exigences du moment.
Le Gouvernement a réduit l'impôt sur le revenu, ce qui, soit dit en passant, ne nous rapproche pas du modèle danois, qui paraît tant vous séduire ! Ce faisant, il a favorisé les catégories sociales dont la propension à consommer est la plus faible, alors que la plupart des ménages ont des besoins de consommation qu'ils ne peuvent satisfaire.
S'agissant de l'aménagement de la prime pour l'emploi, il pourrait être porté à votre crédit s'il n'intervenait pas dans un contexte d'abandon des politiques de croissance et de précarisation du salariat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Qu'entendez-vous par « précarisation du salariat » ?
M. Bernard Angels. Par ailleurs, le transfert vers les ménages ainsi opéré est particulièrement modeste si nous le comparons avec les mesures antiredistributives qui ont été prises par ailleurs.
Quant à la prime pour l'emploi, la PPE, elle devrait coûter un milliard d'euros au budget, alors que la réforme du barème de l'impôt sur le revenu atteint 3,6 milliards d'euros ; au demeurant, cette réforme profitera pleinement aux ménages qui perçoivent des revenus moyens supérieurs, voire très élevés.
M. Bernard Angels. Vous semblez mettre en doute les chiffres que j'avance, monsieur le ministre. Aussi, écoutez bien ce qui suit : un couple avec deux enfants touchant 36 000 euros de revenus annuels ne bénéficie que d'une réduction de 7,03 %, là où un même couple, toujours avec deux enfants mais gagnant cette fois 180 000 euros par an, voit sa facture allégée de 13,7 %. Ces chiffres se passent, selon moi, de tout commentaire !
M. Guy Fischer. Voilà la réalité, en effet !
Mme Marie-France Beaufils. C'est clair !
M. Bernard Angels. Ainsi, inefficace économiquement, votre prétendue réforme fiscale ne fait que prolonger le mouvement vers une flat tax,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes en plein roman !
M. Bernard Angels. ... vers l'abandon de la solidarité fiscale et d'une certaine idée de la justice sociale mise en avant dans les promesses démagogiques des temps de campagne électorale.
Les Français doivent savoir combien cette mesure, précipitée par le calendrier électoral interne à la majorité gouvernementale, constitue un affront à la solidarité fiscale !
Vous prétendez que ce cadeau fiscal n'empêchera pas le pays de réduire les déficits. Mais alors, il vous faudra tailler dans les dépenses publiques, et la redistribution n'y trouvera pas son compte, ou bien vous devrez solliciter d'autres prélèvements qui, par définition, seront moins progressifs.
Par ailleurs, monsieur le ministre, pourquoi n'écouteriez-vous pas les suggestions selon lesquelles il serait bon d'augmenter les impôts indirects, notamment la TVA ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dois-je comprendre que vous souhaitez une augmentation de la TVA ?
M. Bernard Angels. Si vous agissiez ainsi, vous auriez tort, car une telle mesure serait tout à la fois injuste socialement parlant, pénalisante pour le pouvoir d'achat et la consommation et - je le dis car cela est important - choquante au regard de l'impératif de coopération fiscale en Europe.
M. Bernard Angels. Peut-être songez-vous encore à augmenter la contribution sociale généralisée, la CSG, comme vous l'avez déjà fait ? Mais alors l'imposture de la réforme de l'impôt sur le revenu apparaîtra au grand jour et nous pourrons ainsi revenir, d'une part, sur les raisons qui vous ont fait manquer l'occasion de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu et, d'autre part, sur celles pour lesquelles nous souhaitons, nous socialistes, emprunter la voie réaliste et solidaire que j'ai tracée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous occupe est quelque peu surréaliste compte tenu, notamment, de l'heure tardive. Et pourtant, il est essentiel et fait honneur au Sénat grâce à la qualité de toutes les interventions, notamment celles de M. le ministre, du président de la commission des finances et du rapporteur général, ainsi que celles du président et du rapporteur de la commission des affaires sociales.
Si l'on se souvient du débat de l'année dernière, on constate qu'il a permis à un certain nombre de propositions de cheminer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !
M. Jacques Blanc. Quant à la confrontation d'idées entre la commission des finances et la commission des affaires sociales à laquelle nous avions assisté à l'époque, et qui n'était d'ailleurs pas sans intérêt, nous nous apercevons qu'elle tend à s'estomper.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !
M. Jacques Blanc. Pour ma part, je suis fier et heureux de pouvoir m'exprimer ici au nom du groupe UMP, au sein duquel une discussion a lieu sur ce qui, en fait, constitue d'abord une vraie question politique. En effet, le niveau des prélèvements obligatoires détermine la nature même de nos choix politiques.
Ce que veut notre groupe, c'est l'équité, la justice et l'efficacité.
Or nous savons que, si le taux des prélèvements obligatoires dépasse un certain seuil, cela revient à tomber d'un système dans l'autre, alors que, précisément, notre objectif est de promouvoir la solidarité et de mettre en oeuvre une véritable action en faveur des plus démunis : je pense, en particulier, aux handicapés, à tous ceux qui connaissent les plus grandes difficultés.
Cela étant dit, nous souhaitons aussi que ceux qui se retroussent les manches, qui se battent pour créer de la richesse et de l'emploi ne soient pas découragés dans leurs initiatives personnelles.
C'est donc bien à un équilibre entre ces deux perspectives qu'il nous faut parvenir.
En réalité, un tel débat nous permet de progresser quant aux réponses à apporter aux interrogations légitimes que peuvent se poser les uns et les autres.
Il est vrai que nous sommes confrontés à des situations complexes où il faut compter sur le passé, en fait sur l'héritage, et sur l'avenir.
Bien entendu, chacun s'accorde à dire qu'il faut diminuer la dépense afin de pouvoir respecter un certain nombre de critères. Mais pas n'importe quelle dépense !
A cet égard, j'ai présidé cette semaine deux conseils d'administration d'associations importantes qui accueillent des grands handicapés ; en effet, en tant que médecin exerçant au sein de ces associations, je connais bien les problèmes réels qui se posent. Or que s'est-il passé ? Quelles sont les propositions qui nous ont été faites ? Eh bien, il a été prévu de procéder à des augmentations qui vont s'échelonner entre 5 % et 10 % des prix de journée, dont certains seront pris en charge par la sécurité sociale et d'autres par l'aide sociale, c'est-à-dire par les départements.
Comment expliquer une telle situation ? La réponse se trouve dans le cadre des lois Aubry, quand des compensations avaient été décidées qui, aujourd'hui, ne sont plus valables. Il nous faut donc payer l'addition des erreurs des 35 heures !
Dans les établissements dont je viens de parler, il n'existe pas d'autre réponse que l'augmentation des prix de journée, à la charge ou des collectivités ou des travailleurs. Nous y sommes, de fait, en butte à des accords qui sont intervenus lors de certaines modifications de conventions qui, toutes, ont entraîné un certain nombre de dépenses supplémentaires.
On a évoqué la nécessité de réduire les dépenses à l'hôpital - bien sûr, il faut maîtriser la situation dans ce domaine -, mais chacun sait que ces dernières ne diminueront pas. Il nous appartient donc de maîtriser une certaine évolution de ces dépenses tout en assurant les meilleurs soins à chacun. Or, pour conserver un système comprenant à la fois la médecine de ville, la médecine hospitalière, les cliniques privées, associatives et mutualistes, il faudra sans doute faire des comparaisons, mais cela demeure toujours assez complexe.
Certes, cela peut également être stimulant, mais, pour être honnêtes, reconnaissons que les progrès de la médecine comme le vieillissement de la population entraîneront de facto une augmentation des dépenses.
Il en est de même de la dépense publique hors charges sociales. Il est vrai que ce débat a revêtu une grande acuité lorsque le gouvernement Jospin a décidé, grâce à la mise en place de différents « tuyaux », la prise en charge des 35 heures aux dépens des charges sociales.
Par conséquent, nous devons réfléchir à une transparence encore plus grande entre la dépense publique d'Etat et la dépense sociale.
Or - et c'est là que notre discussion est passionnante -, grâce aux initiatives que vous avez prises, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, vous avez osé poser en termes très clairs la possibilité de recourir à un certain pourcentage de la TVA plutôt que de transférer un certain nombre de taxes à la sécurité sociale.
Ainsi, vous n'avez pas hésité à mettre en question la TVA sociale. Il ne s'agit plus d'un sujet tabou, ce qui représente déjà un sacré progrès. Mais, bien sûr, cela ne signifie pas que l'on puisse répondre à toutes les interrogations que suscite une telle disposition.
Dans la logique de votre démarche, monsieur le rapporteur général, vous vous êtes rendu au Danemark pour vous rendre compte de la situation dans ce pays. Mais jamais vous n'avez dit que c'était le modèle idéal : vous vous êtes contenté de dresser un constat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
M. Jacques Blanc. Cela nous a permis d'alimenter notre propre réflexion en comparant ce qui se passe dans les autres pays d'Europe, et du monde en général, afin d'envisager d'autres perspectives susceptibles d'apporter un pouvoir d'achat plus grand aux travailleurs tout en diminuant la part de leur salaire qui est prélevée, et donc en leur offrant un choix supplémentaire.
Sans doute me rétorquera-t-on que cela conduira à une augmentation du coût des produits. Certes, mais cette augmentation pourra être compensée, et le vrai débat est de savoir si, par le jeu de la TVA, il est possible d'augmenter les salaires perçus tout en n'incitant pas les entreprises à augmenter leur marge bénéficiaire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La concurrence fera son oeuvre !
M. Jacques Blanc. Cette question est essentielle : chaque fois que nous pouvions donner plus de liberté aux travailleurs, notamment à ceux qui perçoivent les salaires les plus faibles, nous l'avons fait.
Ainsi, monsieur le ministre, le gouvernement actuel, à l'instar du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui l'a précédé, a augmenté très fortement le SMIC. Si nous pouvions à présent, par le transfert d'une partie des charges sociales vers la TVA, augmenter la rémunération directement perçue par les salariés, leur offrant ainsi du pouvoir d'achat supplémentaire, nous réaliserions une réforme dont la dimension sociale ne pourrait être contestée par personne. Nous devons cesser d'avoir peur de ne pas paraître social parce que nous proposerions qu'une partie des charges sociales soit basculée vers la TVA !
Cette proposition pose de vraies questions, que nous ne devons pas craindre d'aborder au cours de ce débat. Je ne me suis pas fait une religion en la matière et je ne m'appuie pas sur des modèles théoriques, mais il me semble que notre pays a besoin de changement ; peut-être la TVA sociale pourrait-elle répondre à la nécessité d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés, notamment de ceux dont les rémunérations sont les plus faibles, sans pour autant mettre en cause l'équilibre des entreprises. Elle ouvre en tout cas des perspectives tout à fait intéressantes.
Le débat sur la TVA sociale méritait en tout cas d'être ouvert,...
M. Jacques Blanc. ... et je vous remercie de l'avoir provoqué, comme je remercie la commission des affaires sociales d'avoir estimé qu'il était possible, aujourd'hui, d'aborder sans trop de difficultés et de faire progresser cette idée. Quand trouvera-t-elle sa traduction dans le débat budgétaire ? Le plus tôt possible, j'espère !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. A l'article 41 !
M. Jacques Blanc. L'intérêt d'un tel débat est en tout cas démontré.
Pour faire progresser notre analyse, il est indispensable que nous puissions observer ce qui se passe dans les autres pays. En tant que président du comité des régions d'Europe, j'ai eu le privilège de sillonner le continent et de voir que les modalités du financement des systèmes de santé étaient extrêmement diverses.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Jacques Blanc. Dans certains pays, le système de santé est totalement pris en charge par la fiscalité, que ce soit celle des Etats ou celle des régions.
N'ayons pas peur de regarder ce qui se passe dans le reste du monde ! Je me réjouis ainsi, monsieur le ministre, que vous ayez annoncé la création, au sein du ministère chargé du budget et de la réforme de l'Etat, d'un pôle de référence en matière d'études comparatives internationales dans le domaine de la gestion publique, afin de fédérer toutes les structures qui participent aujourd'hui de manière dispersée à cette activité.
Nous devons faire mieux en France que dans les autres pays.
M. Jacques Blanc. L'UMP doit y travailler, avec l'aide de nos amis de l'UDF,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et du parti radical !
M. Jacques Blanc, ... de nos amis radicaux, bien entendu, et de tous ceux qui voudraient en comprendre la nécessité, y compris peut-être certains socialistes qui pourraient éprouver quelques remords...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument ! Ils ont beaucoup à se faire pardonner...
M. Jacques Blanc. ... et qui se rendent bien compte que l'on ne peut plus diriger un pays sans proposer de solution au problème des retraites ou des transferts de charges sociales. N'ayons pas peur à la fois de poser ces questions et d'innover dans les réponses qui peuvent leur être apportées ! Car les socialistes sont tout de même très coupables en la matière, nous ne l'avons pas assez dit.
Le montant des prélèvements sociaux doit être analysé en même temps que celui des prélèvements fiscaux. Et je ne reviendrai pas sur la volonté de la majorité de plafonner un certain nombre d'impôts et d'apporter une réponse aux problèmes qu'ils suscitent. Cessons d'encourager les gens à quitter notre pays !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Jacques Blanc. Un contribuable qui verse 120 % ou 130 % de son revenu en impôt, même s'il possède un patrimoine important, ne peut pas résister ! N'ayons donc pas peur de poser en termes tout à fait objectifs le problème de l'impôt sur la fortune. D'ailleurs, M. Fabius lui-même n'avait pas craint naguère de soustraire les oeuvres d'art à l'impôt sur la fortune !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Oui ! Il l'a bien oublié ! Et à présent il nous insulte ! Il est devenu trotskiste !
M. Jacques Blanc. De nombreuses exonérations avaient été créées à l'époque. N'ayons pas de complexes ! Ne craignons pas cette pensée unique qui nous montre du doigt parce que nous osons affirmer qu'il existe des limites aux capacités contributives des Français ou que ceux qui veulent travailler plus doivent pouvoir gagner davantage. Car c'est ainsi que l'on créera des emplois, au moment où nous avons précisément la volonté de nous mobiliser contre le chômage.
Les socialistes ne peuvent guère nous donner de leçons, d'autant que - et je suis sans doute dans ce pays un des mieux placés, hélas, pour le constater -, nous savons ce qu'ils font quand ils ont la responsabilité de collectivités locales.
M. Jacques Blanc. Oui : 80 % d'augmentation de la taxe professionnelle ou de la taxe sur le foncier bâti en Languedoc-Roussillon ! Et ensuite, ils se plaignent que les gens ne viennent pas s'installer dans notre région,...
M. Jacques Blanc. ... ou qu'ils n'y restent pas, en effet.
Ils prétendent qu'ils font payer les riches ? Mais on s'aperçoit que tout le monde est considéré comme riche !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il n'y a plus de riches en France ! Ils sont tous en Belgique !
M. Jacques Blanc. Ainsi, le petit commerçant, le petit artisan, celui qui a construit sa maison, celui qui possède un peu de patrimoine, paie la taxe sur le foncier bâti et la taxe professionnelle ! Et quand il voit ces impôts augmenter de 80 %, il reçoit un signal négatif, et il est plutôt découragé.
M. Jacques Blanc. Heureusement, il y a des présidents de conseil généraux beaucoup plus sages, beaucoup plus raisonnables, et qui font des efforts de modération budgétaire. N'est-ce pas, monsieur de Raincourt ? Aucun d'entre eux, même quand il se trouve confronté à des situations complexes, même lorsqu'il est nécessaire de prendre des mesures fortes, ne se livre à de tels agissements.
Et les socialistes ont le culot de dire que les augmentations d'impôts auxquelles ils procèdent dans les régions sont de la responsabilité de leurs prédécesseurs !
M. Henri de Raincourt. Quel mauvais goût !
M. Jean-Claude Frécon. Cessez vos larmes de crocodile !
M. Jacques Blanc. Et quand leurs prédécesseurs ont baissé les impôts, on les accuse d'être responsables de ne pas avoir bénéficié des mesures décidées par Lionel Jospin en compensation de la diminution de l'autonomie des régions ! A ce sujet, je me pose d'ailleurs la question : n'y a-t-il pas eu de délit d'initié dans cette affaire ? Ne croyez-vous pas que certains avaient été avertis des mesures qui allaient être prises avant leur adoption ?
Pour revenir aux questions fondamentales, des choix politiques clairs devront être faits. L'UMP s'est engagée franchement dans le débat et entend faire des propositions. Il peut exister des divergences entre nous, mais des discussions ouvertes et démocratiques ont été entamées avec l'ensemble de nos amis, nous en avons eu une merveilleuse démonstration avec les interventions du président et du rapporteur de la commission des finances.
Nous ne devons avoir aucun complexe sur l'exercice de la solidarité, je le dis devant M. Philippe Bas, et je ne prendrai qu'un seul exemple, celui des handicapés : qu'ont fait les socialistes au gouvernement ? J'ai, moi, un titre de gloire, et vous m'excuserez de le rappeler : j'ai été le rapporteur de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapés du 30 juin 1975.
M. Guy Fischer. Cela date !
M. Jacques Blanc. Certes, c'est ancien. Mais figurez vous que, depuis cette époque, les gouvernements socialistes et communistes n'ont rien fait de plus ! Il a fallu attendre le gouvernement actuel pour que l'on améliore le sort des handicapés. Sur un fondement législatif dont nous pouvons tous être très fiers, la reconnaissance de la dignité de tout individu, des politiques sont dorénavant mises en oeuvre qui traduisent cette reconnaissance en actes, pour garantir à chaque handicapé le libre choix de son projet de vie.
M. Guy Fischer. Cela coûte 500 millions d'euros. Où sont-ils ?
Mme Marie-France Beaufils. Où sont les financements ?
M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, j'évoquais tout à l'heure les associations de Lozère qui accueillent de grands handicapés. Quand elles font briller une flamme dans la vie d'un handicapé profond, quand elles lui permettent de créer un nouveau lien social, quand elles assurent son épanouissement ou lui donnent une nouvelle chance, leurs efforts sont pleinement justifiés !
L'action menée par le gouvernement que nous soutenons, celui de Jean-Pierre Raffarin hier et de Dominique de Villepin aujourd'hui, est méritoire. De même, nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait en 1975, quand M. Giscard d'Estaing était Président de la République, Jacques Chirac Premier ministre, Simone Veil ministre et René Lenoir secrétaire d'Etat. Ce fut un grand moment de solidarité.
Nous ne devons donc pas avoir de complexe ! Il est même triste que nous soyons obligés de rappeler ce que nous avons fait en 1975 parce que, depuis, il ne s'est rien passé. Restons les vrais acteurs de la solidarité en faveur des plus démunis !
M. Guy Fischer. Les vrais acteurs de la chasse aux chômeurs !
M. Jacques Blanc. Adoptons des mesures de solidarité et non des mesures d'assistance, traçons des perspectives de travail pour les handicapés comme pour nos autres compatriotes, faisons en sorte que sur tout le territoire national on puisse offrir les soins les meilleurs et les plus sûrs.
M. Guy Fischer. C'est plutôt la matraque sur tout le territoire !
M. Jacques Blanc. Quand on observe le manque de médecins, d'infirmières, de kinésithérapeutes et de personnels de santé, on se rend compte d'ailleurs des insuffisances de notre régime politique hypercentralisé : on a planifié à l'échelle nationale et à présent on manque partout de personnel.
Mme Marie-France Beaufils. Et le numerus clausus ? Qui l'a créé ?
M. Jacques Blanc. On a cru que parce qu'il y aurait moins de médecins on ferait des économies. C'était une vue de l'esprit, que l'on paye cher aujourd'hui.
M. Jean-Claude Frécon. Tout le monde y a participé !
M. Jacques Blanc. Dans ces conditions, mes chers collègues, l'UMP aborde ce débat sans complexe.
Je ne prétends pas avoir épuisé le sujet,...
M. Jacques Blanc. ... et je n'aurais pu le faire dans le temps qui m'est imparti. Mais je prétends que, grâce à la qualité de vos interventions, messieurs les représentants des commissions, vous avez ouvert des perspectives à partir desquelles nous pourrons approfondir notre démarche, proposer au Gouvernement un certain nombre de réformes, avancer dans la seule voie qui vaille, celle de l'équilibre, de la solidarité, de l'équité.
M. Guy Fischer. Ce ne sont que des mots !
M. Jacques Blanc. Il ne faut pas désespérer ceux qui travaillent, qui retroussent leurs manches, qui créent les emplois. Si nous gagnons cette bataille, c'est la France qui gagnera ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, depuis 1981, la France additionne les déficits budgétaires.
M. Jean-Claude Frécon. Ah bon ? Parce qu'il n'y en avait pas avant ?
M. Aymeri de Montesquiou. Véritable plaie au flanc, ils appauvrissent notre pays, obèrent son avenir et affaiblissent sa crédibilité. En raison de sa pérennité, cette situation devient insupportable.
Le Gouvernement ne peut se contenter d'un ralentissement de l'aggravation du déficit. Il doit mettre en place la programmation de sa suppression. Si, en amont, il doit utiliser la LOLF et les audits pour mieux gérer l'argent des contribuables, la suppression du déficit repose sur une alternative : soit augmenter les prélèvements obligatoires, soit diminuer les dépenses publiques.
Le premier terme de l'alternative est donc l'augmentation des prélèvements obligatoires : elle semblerait avoir été choisie puisque leur taux devrait atteindre 44 % du PIB en 2006, contre 43,9 % en 2005.
Certains assurent qu'une telle augmentation permettrait de réduire le déficit public. Or tout démontre que cet argument n'est pas recevable. D'abord, les prélèvements sont en quelque sorte « dévoyés », puisqu'ils financent d'abord le fonctionnement de l'Etat, infiniment plus que l'investissement. Plus encore, les citoyens doivent savoir que 80 % du produit de l'impôt sur le revenu sont consacrés à payer les intérêts de la dette. En outre, toutes les données le confirment, à long terme, l'augmentation des prélèvements ne réduit pas les déficits, mais génère des augmentations de dépenses publiques : elle est donc détournée de sa vocation initiale pour financer de nouvelles dépenses.
Les statistiques établies sur vingt-cinq ans démontrent que les liens sont évidents entre le niveau élevé de nos prélèvements et nos mauvaises performances économiques.
N'entrons pas ici dans un débat idéologique, travaillons sur la base de ces chiffres. Les prélèvements augmentent, la performance économique baisse. Ainsi, à la fin 2004, pour pouvoir bénéficier de taux d'imposition situés entre 5 % et 10 %, treize multinationales ont délocalisé leur siège européen en Suisse. Aujourd'hui, la France a rétrogradé et se trouve en dix-septième position pour le PIB par habitant parmi les pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économique.
A la simple lecture de ces données, nous constatons que les taux de travail productif sont d'autant plus élevés que les prélèvements obligatoires sont bas. A contrario, cela signifie simplement que l'activité est étouffée en France par le poids de la fiscalité.
S'agissant du taux de travail productif, nous nous retrouvons à l'avant-dernière place des vingt plus grands pays de l'OCDE. En ramenant notre taux de prélèvements obligatoires au niveau de la moyenne communautaire avant l'élargissement, le taux de travail productif augmenterait de 3,5 points, ce qui aurait un effet supérieur sur les recettes. De plus, notre capacité de travail, dont la sous-utilisation est déprimante pour tous les acteurs économiques, évoluerait vers un environnement beaucoup plus propice.
Par exemple, alors que nous devons vendre de plus en plus de technicité, de savoir-faire, d'intelligence, si nous additionnons les cotisations sociales, la CSG et l'impôt sur le revenu, nous nous rendons compte qu'un cadre français, selon sa situation familiale, peut coûter à l'entreprise jusqu'à 50 % de plus qu'aux Etats-Unis, 40 % de plus qu'au Royaume-Uni et 15 % de plus qu'en Allemagne.
Heureusement, des marges de progrès existent. En effet, notre productivité est excellente, mais il faut convaincre les Français, par des mesures fiscales, que travailler davantage leur permet non seulement de gagner plus, mais aussi de financer leurs avantages sociaux par un PIB supérieur.
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Aymeri de Montesquiou. Aujourd'hui, nos concitoyens cumulent tous les handicaps par rapport à leurs « partenaires », ou plutôt leurs « concurrents » : entrée dans la vie active plus tardive, périodes d'inactivité plus longues, durée hebdomadaire du travail plus faible, pré-retraite, âge de la retraite plus précoce. Tout démontre que, si les durées de travail étaient les mêmes, le niveau des taux de prélèvements en France baisserait pour atteindre celui des Etats-Unis, et le pouvoir d'achat augmenterait : nous entrerions enfin dans un cercle vertueux.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons faire l'impasse sur une réforme de l'ISF. Il convient toutefois d'analyser cet impôt à partir de ses effets, pour éviter de nous laisser emporter par des pulsions idéologiques. A cet égard, je souhaiterais que vous confirmiez ou infirmiez les affirmations de M. le rapporteur général selon lesquelles la fuite de capitaux induite par cet impôt s'inscrit dans une fourchette allant de 10 milliards d'euros à 15 milliards d'euros entre 1997 et 2001.
M. Aymeri de Montesquiou. Si vous partagez cette analyse, quelle en est la conséquence en termes de pertes d'emplois ?
M. Aymeri de Montesquiou. Vous devriez le savoir, puisqu'il existe des simulations ! (M. le ministre délégué s'exclame.) En effet, le Gouvernement dispose de suffisamment de rapports sur la fiscalité, en particulier celui de notre ancien collègue socialiste Michel Charzat.
Vous devez communiquer et débattre pour informer les Français sur la réalité économique : s'il est tout à fait compréhensible que les chômeurs, les RMIstes ou les plus modestes puissent être révoltés par les baisses d'impôt consenties aux contribuables les plus nantis, ils doivent néanmoins savoir que c'est l'ensemble des Français qui vivraient mieux sans cette fuite de capitaux.
En tout état de cause, exclure de l'assiette de l'ISF la résidence principale pour une valeur inférieure à 400 000 euros semble une mesure de bon sens, puisqu'une telle résidence n'est pas assimilable à un investissement spéculatif.
En mettant en place la réforme de l'impôt sur le revenu et la création d'un « bouclier fiscal » à 60 %, le Gouvernement semble intégrer progressivement les conséquences d'un niveau trop élevé de prélèvements obligatoires.
La courbe de Laffer, économiste reconnu par tous - y compris par François Mitterrand -, selon lequel « trop d'impôt tue l'impôt », détermine le niveau de taxation au-delà duquel le rendement de l'impôt diminue. Ainsi, le taux maximum d'imposition des hauts revenus ne devrait pas dépasser 65 %. Nous y voilà enfin ! Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la France était tout de même le seul pays au monde où certains pouvaient payer plus d'impôt qu'ils n'avaient de revenus : le rapport pouvait atteindre 130 % !
La baisse de l'impôt sur le revenu participe également à une plus grande incitation au travail, comme le montrent des études qui concluent sur les effets mécaniques de la fiscalité sur l'activité : une baisse générale de 1 % du taux marginal de taxation des revenus incite les ménages à augmenter en moyenne de 0,4 % leur activité et, partant, leur revenu.
Je dirai également quelques mots sur la TVA.
La consommation est un élément important de la croissance. Il faut faire en sorte que cette consommation profite aux entreprises françaises car, dans le cas présent, elle génère un déséquilibre de notre balance commerciale et provoque du chômage. Une baisse des charges compensée par une augmentation de la TVA serait neutre pour les consommateurs et nos entreprises affronteraient la mondialisation avec un handicap moindre. Ce handicap n'est pas aujourd'hui compensé par la remarquable productivité de notre main-d'oeuvre. La TVA sociale est le pendant indispensable à une incitation à la consommation.
L'augmentation des prélèvements obligatoires, hormis la TVA, ne peut donc être une piste raisonnablement suivie. La nécessité de baisser les impôts pour relancer l'activité, réduire le chômage et restaurer les grands équilibres se confirme. La fiscalité doit redevenir un outil pour générer de la croissance et créer des emplois, et non un pis-aller pour parer au plus pressé.
Le déficit ne peut être comblé par une augmentation des prélèvements obligatoires, dont nous avons vu les effets négatifs ; à cette fin, seule une baisse des dépenses est envisageable. Il n'est plus temps de limiter seulement les dépenses en volume au rythme de l'inflation : il faut engager une nette réduction des dépenses publiques.
Comment procéder ? Il faut agir essentiellement sur le plus gros poste de dépenses, qui reste la fonction publique : son augmentation est mécanique, par le cumul des actifs et des retraités. Les départs à la retraite sur les dix prochaines années représentent près de 50 % des effectifs actuels, chacun le sait, certains le soulignent, d'autres veulent l'ignorer. Nous comprenons mal que seuls 7 392 postes de fonctionnaires ne soient pas renouvelés en 2005. Pire, le Gouvernement n'avait initialement prévu aucune réduction de postes pour 2006 au regard des 77 000 départs à la retraite. C'est absolument incompréhensible ! Certes, les parlementaires ont déjà obtenu le non-renouvellement de 5 318 emplois au minimum, mais, à ce rythme, il nous faudrait cent soixante ans pour retrouver le niveau de nos partenaires européens !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas mal !
M. Aymeri de Montesquiou. Avons-nous encore besoin de 180 000 agents à la Direction générale des impôts, alors que les Français ont rempli 4 millions de déclarations de revenus par Internet ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous prenez comme exemple le ministère qui diminue le plus ses effectifs ! Vous pourriez tout de même le saluer !
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait, monsieur le ministre, mais je souhaite que de tels efforts se multiplient.
Les marges de manoeuvre existent, sans craindre de choc social : rappelons que la simple décision de recouvrer la redevance audiovisuelle au sein de la procédure de la taxe d'habitation économisera 1 500 postes.
L'Etat pourrait s'inspirer des entreprises : tout en optimisant déjà la gestion de leurs effectifs beaucoup mieux que lui, ces dernières font des analyses, tous les trois ans en moyenne, à partir d'une baisse virtuelle de 20 % débouchant sur des réductions réelles possibles de 3 %. Avec une baisse des dépenses publiques, il sera alors possible de repenser le système des prélèvements obligatoires de manière globale, les assiettes, les taux, ainsi que le système de redistribution.
Selon les données fournies par Eurostat, si le niveau de nos dépenses publiques se situait dans la moyenne européenne, celles-ci diminueraient de 100 milliards d'euros. Dans ces conditions, notre budget ne serait plus déficitaire et nous pourrions lancer la dynamique de remboursement de la dette.
Monsieur le ministre, en juin dernier, certains avaient considéré M. le ministre des finances comme un imprécateur lorsqu'il avait déclaré que la France vivait au-dessus de ses moyens. Qu'il passe outre ces remarques ! Monsieur le ministre du budget, avec M. Breton, faites vivre la France à la hauteur de ses moyens, moyens que vous pourrez d'ailleurs augmenter en redonnant aux Français le goût de conquête qui a fait de la France un grand pays ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, à quelques jours de l'examen, ici même, du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je m'appesantirai plus particulièrement sur ce dernier, car il me semble important de faire un point sur son mode de financement.
En effet, le montant des prélèvements effectués au profit de la sécurité sociale est aujourd'hui supérieur à celui des prélèvements effectués au profit du budget de l'Etat : ils représentent près de la moitié de l'ensemble des prélèvements obligatoires.
Pourtant, le déficit de la sécurité sociale, qui atteint 13 milliards d'euros cette année, a quasiment été multiplié par quatre depuis 2002. Le déficit n'est pas seulement persistant, il est aggravé par les réformes du Gouvernement.
Même si le débat sur notre protection sociale est à la fois très technique et très politique, il convient de faire référence à des éléments plus concrets, que la majorité de nos concitoyens comprendra facilement. Ainsi, pour les assurés sociaux, tout cela se traduit par une baisse de la qualité des prestations, mais aussi par une réduction de l'étendue de leur couverture face aux risques de la vie.
En définitive, quels sont les principaux axes des réformes du système de protection sociale engagées par la majorité ?
Il s'agit d'abord de culpabiliser les assurés sociaux, accusés d'être tantôt des gaspilleurs irresponsables, tantôt des fraudeurs. Cette volonté transparaît particulièrement dans la « chasse » aux chômeurs ou aux allocataires de minima sociaux que mène le Gouvernement. Je serais d'ailleurs très curieux de connaître les conclusions de la mission menée par MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt, car ils se prononceront sans doute pour une réduction des minima sociaux.
Il s'agit aussi de réduire le montant des prestations versées et, dans le sens contraire, d'augmenter le recours au ticket modérateur pour les soins. J'insiste sur ce point, car c'est le sens de mon intervention : ce sont encore les assurés sociaux qui, dans leur vie quotidienne, subiront les conséquences pratiques de tels choix. Au reste, lorsqu'il était intervenu sur le sujet à la fin du mois dernier, le ministre de la santé n'avait pas osé annoncer la franchise de 18 euros non remboursables sur les soins les plus coûteux. Cela accentue, à notre avis, la dérive vers le modèle américain d'une protection obligatoire réduite au minimum, assortie d'une assurance santé de plus en plus individualisée et inégalitaire.
Il s'agit, enfin, de recourir de plus en plus aux assurances complémentaires, ce qui remet en cause les fondements démocratiques du système de protection sociale et porte atteinte au principe fondamental de l'égalité d'accès aux soins.
Bien évidemment, cette politique de destruction de notre système de solidarité nationale s'accompagne d'une politique de prélèvements obligatoires largement inégalitaire et de plus en plus en défaveur des plus modestes d'entre nous.
J'illustrerai mon propos avec deux points.
Le premier concerne la fiscalisation croissante du système de protection sociale. A cet égard, les propositions qui ont été formulée ce soir montrent bien une quasi-unanimité au sujet de la TVA sociale. La fiscalisation du système touche la branche maladie, largement alimentée par la CSG, et c'est depuis longtemps déjà le cas de la branche famille.
Cette année encore, l'Etat souhaite principalement augmenter le budget de la protection sociale par des mesures ciblées sur la CSG, à savoir l'élargissement de l'assiette et le relèvement des taux, à hauteur de 860 millions d'euros.
Un tel recours croissant à la fiscalité s'appuie aussi sur le mécanisme inévitable des transferts de charges aux collectivités territoriales. Ce débat a été esquissé notamment par notre collègue Philippe Adnot. Ainsi, le département doit prendre de plus en plus en charge des transferts qui traduisent de toute évidence le désengagement de l'Etat, ce qui accroît la pression fiscale locale sur les citoyens, sans pour autant que le département puisse garantir un niveau équivalent de prestations.
Pour résumer, au début des années quatre-vingt, la totalité des dépenses de la sécurité sociale étaient financées par les cotisations sociales, hors contributions publiques. Aujourd'hui, ces cotisations ne couvrent plus qu'un quart des recettes, un autre quart étant presque entièrement pris en compte par la CSG.
Le second point que je souhaite aborder concerne précisément cette politique de cotisations sociales, menée largement en faveur des entreprises.
A cet égard, monsieur le président de la commission des finances, vous avez très clairement dit qu'il fallait complètement exonérer la production de toute taxation, de toute cotisation.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour la santé et la famille !
M. Guy Fischer. En effet, non seulement le Gouvernement prolonge le mouvement de réduction de la part des cotisations patronales dans le financement de la sécurité sociale, engagé depuis plus de vingt ans, mais il l'accélère largement par une politique d'exonérations de charges dangereuse et contre-productive, on le constate encore une fois très clairement avec les négociations relatives à la répartition de la hausse des cotisations de la branche vieillesse.
On nous dit que ces réformes sont incontournables. Pourtant, des alternatives au financement par la fiscalité et au désengagement des entreprises sont possibles dans le système de solidarité nationale.
Aujourd'hui, de très nombreuses études confirment le faible impact des politiques d'exonérations de charges sur l'emploi. De surcroît, les récents rapports de l'OCDE reconnaissent qu'il n'y a pas de lien direct, au regard des comparaisons européennes - notamment avec la Suède -, entre le taux de prélèvements obligatoires et le niveau de l'emploi. Au contraire, la faiblesse de l'activité qu'induisent des prélèvements élevés pèse durablement sur les rentrées fiscales.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ils ont de la TVA !
M. Guy Fischer. Il faut donc solliciter davantage les revenus du capital des entreprises. Mais je sais que nous ne serons pas d'accord sur ce point.
Il ne s'agit pas de refuser les réformes, mais il faut choisir d'aller vers une modulation des cotisations prélevées sur les employeurs en fonction de la politique de l'emploi et des salaires menée par les entreprises. Car, de toute évidence, à l'heure actuelle, il s'agit de faire pression sur les salaires.
Ce ne sont pas les assurés sociaux, nos concitoyens, que l'on doit obliger à tout prix à prendre leurs responsabilités, mais, au contraire, ce sont les entreprises qu'il faut responsabiliser à nouveau, afin qu'elles assument pleinement, par leurs contributions, leur devoir en matière de solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans ce débat relatif aux prélèvements obligatoires, je me contenterai pour ma part d'évoquer les difficultés, voire les inquiétudes auxquelles peuvent être confrontés les citoyens contribuables, ainsi que la situation des budgets locaux.
Débattre des prélèvements obligatoires permet de mesurer non seulement les défaillances et les atouts de notre système fiscal, mais aussi et surtout le poids de la fiscalité, qu'il faut mettre en parallèle avec les objectifs que ces prélèvements doivent permettre de mener à bien.
Autrement dit, dans un contexte de croissance économique morose, il s'agit de bien prélever tout en devant faire face à une certaine difficulté, tant les marges de manoeuvre sont étroites. Il convient également d'utiliser correctement les prélèvements obligatoires.
En lisant attentivement le rapport du Gouvernement relatif au niveau des prélèvements obligatoires et à leur évolution, j'ai été frappé par certaines conclusions, notamment celles qui portent sur la structure des prélèvements obligatoires.
Je souhaite tout d'abord évoquer leur niveau.
Si le rapport affirme que « le taux de prélèvements obligatoires, qui atteignait 43,8 % du PIB en 2001, a ainsi diminué de 0,4 point sur la période 2002-2004 », il prévoit aussi que ce taux devrait atteindre 43,9 % en 2005 et 44 % en 2006, ce qui représente une augmentation assez importante.
J'en viens maintenant à la structure.
Notons une diminution du taux des prélèvements obligatoires à destination de l'Union européenne, une quasi-stabilité de celui des prélèvements pour l'Etat et les organismes de sécurité sociale, et enfin une augmentation pour ce qui concerne les organismes divers d'administration centrale, les ODAC, mais aussi et surtout pour les administrations publiques locales.
Concernant les ODAC, la hausse s'explique aisément par l'alourdissement des prélèvements sociaux. En revanche, je souhaiterais m'attarder quelques instants et examiner un peu plus précisément l'augmentation du taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques locales.
Entre 2002 et 2004, il a enregistré une augmentation de 0,4 point, dont une moitié est due à la hausse de la fiscalité et l'autre moitié au dynamisme des assiettes des impôts. Pour 2005, vous prévoyez, monsieur le ministre, une hausse considérable de 0,3 point, qui résulte exclusivement de la seule augmentation des taux de la fiscalité locale, s'élevant à 3,5% en moyenne.
Ces taux ont augmenté pour plusieurs raisons. Tout d'abord, si les transferts de compétences sont compensés à l'euro près, parfois, les recettes assurant cette compensation ne sont pas aussi dynamiques que la charge transférée. Je pense notamment, en l'espèce, au transfert du RMI.
De plus, certains choix politiques sont propres aux collectivités concernées.
Enfin, les collectivités les plus défavorisées et dont les bases imposables sont les plus réduites ou les moins dynamiques supportent des contraintes importantes.
La fiscalité locale pèse donc de plus en plus sur le revenu et sur le patrimoine des ménages et des entreprises, alors que l'Etat semble se « payer » certains allégements de charges aux frais des collectivités locales. Autrement dit, on a bien l'impression que la fiscalité locale augmente au moment où l'Etat allège la sienne.
Au bout du compte, le résultat est neutre pour le contribuable, puisque le niveau global des prélèvements reste le même. En revanche, on ne peut pas en dire autant pour les collectivités territoriales, qui ne peuvent plus garantir le minimum nécessaire lorsqu'elles prennent les décisions financières relatives à leur propre impôt.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, c'est donc bien une réforme en profondeur de la fiscalité locale, et non un détricotage permanent, que nous souhaitons.
Les propositions qui ont été faites tout à l'heure méritent toute notre attention, la vôtre en particulier.
Les contribuables attendent non seulement que les deniers publics soient employés avec une réelle efficacité - ce que nous tentons de mettre en oeuvre grâce à la réforme de l'Etat et à la mise en place de la LOLF -, mais aussi que l'impôt fasse tout autant preuve d'une réelle efficacité, dans le souci de respecter certains équilibres, notamment en termes de justice sociale, de neutralité économique, ou encore de respect de l'autonomie financière des collectivités.
Cette dernière a été considérablement mise à mal à l'occasion des derniers transferts de compétences. En effet, les assiettes des impôts locaux se sont réduites comme peau de chagrin au fur et à mesure de la mise en place d'exonérations diverses et variées et de la suppression de taxes qui ont conduit à la concentration de l'imposition sur certaines autres taxes locales, tout particulièrement la taxe d'habitation.
Ce ne sont pas les allégements proposés ici ou là, qu'ils concernent la taxe sur le foncier non bâti ou la réforme de la taxe professionnelle, qui permettront de régler les problèmes. On réduit les bases, on plafonne les taux, c'est-à-dire qu'on restreint la liberté consentie aux collectivités de fixer leurs revenus par l'impôt, alors même que les dotations transférées par l'Etat aux collectivités ne sont pas modulables.
Il serait d'ailleurs grand temps que les dotations de l'Etat fassent l'objet d'une réelle péréquation afin d'assurer une certaine compensation et d'équilibrer les recettes de nos collectivités territoriales entre les villes et les zones rurales le plus équitablement possible. C'est un sujet que j'ai évoqué à plusieurs reprises à cette tribune !
Dans ce contexte, monsieur le ministre, j'espère que l'examen du projet de loi de finances pour 2006 nous permettra de trouver une solution plus équilibrée. Les membres du groupe UC-UDF travailleront dans ce sens et seront très attentifs, comme ils le sont ce soir. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a annoncé tout à l'heure mon collègue et ami Bernard Angels, mon intervention concernera surtout les problèmes que rencontrent les collectivités locales.
Monsieur le ministre, dans le « bleu » que nous avons examiné, vous indiquez que les prélèvements obligatoires de l'Etat baisseraient, entre 2001 et 2006, de 16,2 % à 14,8 %, tandis que les prélèvements obligatoires des collectivités locales augmenteraient, eux, de 5 % à 5,8 %.
Permettez-moi de vous dire une nouvelle fois dans cette enceinte que c'est trop facile, trop simple !
Ces dernières années, un certain nombre de transferts de compétences ont eu lieu. Je n'en citerai que quelques-uns, opérés sous des gouvernements de tendance politique différente : l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, le RMI-RMA, les services départementaux d'incendie et de secours, les conséquences de la réduction du temps de travail...
M. Jean-Claude Frécon. J'ai dit que je n'éluderai aucun problème : il n'y a donc aucune raison pour que je n'évoque pas ces conséquences. Permettez-moi cependant de vous faire remarquer, monsieur le ministre, que vous indiquez bien dans votre document que certains allégements de charges sociales ont été réalisés à titre de compensation pour les entreprises.
M. Jean-Claude Frécon. Les collectivités territoriales ont-elles eu droit à de tels allégements de charges ?
M. Jean-Claude Frécon. Il ne faut donc pas s'étonner si elles ne peuvent pas absorber toutes ces dépenses supplémentaires.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le mieux aurait été de ne pas les engager avec les 35 heures !
M. Jean-Claude Frécon. Le développement des services publics locaux fait aussi partie des compétences nouvelles mises à la charge des collectivités locales.
Permettez-moi de faire remarquer en cet instant que certains articles de presse, certaines déclarations, qui se sont fait l'écho d'un côté d'un Etat vertueux et de l'autre de collectivités locales laxistes, ont été très relayés par certains réseaux d'opinion. Mais ces observations ne correspondent pas à la réalité ! Et, lorsque je dis cela, je m'appuie sur les déclarations de l'ensemble des grandes associations d'élus, que vous connaissez bien, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Frécon. Face à cette situation, quelles réponses peut-on apporter ?
M. le rapporteur général du budget a cité, dans son rapport d'information, le document établi par MM. Christian Saint-Etienne et Jacques Le Cacheux dans le cadre du Conseil d'analyse économique, le CAE.
Ces deux experts, dont, chacun le sait ici, les orientations politiques respectives sont différentes, proposent une réforme d'ensemble, conséquente et cohérente de la fiscalité directe : ayant analysé la situation, ils ont estimé qu'il fallait la faire évoluer.
Comme notre collègue Guy Fischer, nous ne sommes pas opposés à toute évolution. Nous souhaitons simplement qu'il soit tenu compte de la situation non seulement de certains contribuables, mais de la totalité des contribuables.
Je citerai à cet égard quatre mesures contenues dans le projet de budget pour 2006.
La première concerne le « bouclier fiscal ».
Celui-ci doit-il intégrer les impôts locaux dont la charge sera répercutée ensuite sur les collectivités locales ? Cette méthode s'apparenterait à un droit à restitution !
Permettez-moi de prendre un exemple pour illustrer ma remarque : mis en place au début de l'année 2007, ce bouclier fiscal concernera les trois années civiles 2005, 2006 et 2007. En effet, au cours de l'année 2007, il fera l'objet d'une régularisation tenant compte de la différence entre les impôts payés en 2006 - dont certains concernent d'ailleurs les revenus de 2005 - et les revenus perçus en 2005. Ce processus est quelque peu complexe !
Avec cette mesure, vous espérez récupérer une somme d'environ 400 millions d'euros, dont seuls 10 % seraient véritablement imputables sur les collectivités locales. Dans ces conditions, monsieur le ministre, étant donné le montant modeste de la part d'impôts locaux concernés, est-il nécessaire de mettre en oeuvre un système de recouvrement aussi complexe ?
Par ailleurs, le fait d'imposer aux collectivités locales une retenue sur des impôts qu'elles auront pu fixer librement constitue-t-il une bonne application du principe de l'autonomie financière et fiscale ?
La deuxième mesure que je souhaite évoquer - et que vous nous aviez annoncée à la fin du mois de juin, monsieur le ministre -, concerne le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée.
Pour ma part, j'ai fait partie de plusieurs des délégations que vous avez reçues, notamment au sein du Comité des finances locales, fin juin, et de l'Association des maires de France, début juillet. Or, depuis le début du mois de juin et au cours des audiences que vous leur avez accordées en juillet et en août, monsieur le ministre, toutes les associations d'élus vous ont demandé de leur fournir des simulations. Et vous nous présentez à nouveau cette mesure dans le projet de budget pour 2006, mais nous n'avons toujours pas eu connaissance de ces simulations !
Plusieurs d'entre nous, sur diverses travées de cette assemblée, vous ont également réclamé ces simulations : celles-ci sont-elles si difficiles à établir ? Pourtant, une telle prévision ne doit pas être totalement impossible à faire, puisque vous citez, dans le « bleu » que vous avez publié, le chiffre de 1,4 milliard d'euros pour l'horizon 2007.
M. Jean-Claude Frécon. Ce chiffre provient-il de simulations que vous auriez faites mais dont nous ne disposons pas encore, ou bien d'une évaluation très grossière sur l'exactitude de laquelle on peut émettre des doutes ?
Monsieur le ministre, avec cette mesure de plafonnement de la taxe professionnelle, vous choisissez d'affaiblir considérablement l'attrait de l'intercommunalité à taxe professionnelle unique. Ce choix ne concorde pas avec les déclarations que l'Etat a faites depuis plusieurs années, sous des gouvernements différents, selon lesquelles l'intercommunalité à TPU doit être encouragée !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'était la loi Chevènement ! Mais peut-être était-ce une mauvaise loi ?
M. Jean-Claude Frécon. Mais la loi Chevènement a été appliquée et amplifiée par les gouvernements suivants ! Or, maintenant, c'est l'inverse : vous tapez sur l'intercommunalité à TPU ! Ce n'est pas très cohérent !
Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, même si cela peut vous paraître anecdotique ou insignifiant, que vous alimentez ainsi la course à l'augmentation des taux.
Je citerai ainsi un exemple, qui est sans doute moins valable pour les grandes villes que pour les petites communes qui accueillent seulement quelques entreprises assujetties à la taxe professionnelle : dans ces dernières, les élus locaux pourront facilement voir si, oui ou non, lesdites entreprises ont déjà atteint le seuil de 3,5 % de valeur ajoutée. Et si, dans ces communes, les élus municipaux se disent qu'en augmentant leur taux immédiatement ils ne dépasseront pas le seuil de 3,5 %, évitant ainsi toute retenue, ils augmenteront alors leurs impôts tout de suite et laisseront les autres collectivités locales augmenter les leurs ensuite, et ce sont ces dernières qui se verront imposer les retenues, car le seuil de 3,5 % de valeur ajoutée sera alors dépassé. Nous assisterons à une véritable course entre les collectivités territoriales pour tenter de dépasser ce seuil fatidique !
Je ne crois pas, monsieur le ministre, que ce soit ce que vous recherchez. Mais, surtout, cela ne correspond pas au principe de l'autonomie financière des collectivités locales, que vous avez fait inscrire dans la Constitution en 2003.
Quant à l'année de référence retenue, 2004, les élus locaux vous ont déjà dit ce qu'ils en pensaient. Encore une fois, la taxe professionnelle va servir de variable d'ajustement.
La troisième mesure que je citerai concerne les niches fiscales.
Je ne m'étendrai pas sur ce principe, qui sera abordé à l'occasion du débat de fond sur le projet de budget pour 2006. Mais je dois vous dire, monsieur le ministre, que de nombreuses collectivités locales sont actuellement très inquiètes, notamment celles qui possèdent sur leur territoire des secteurs sauvegardés ou des zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager, des ZPPAUP.
Le plafonnement des niches fiscales, à ces endroits-là et pour cette raison, serait un très mauvais coup pour l'aménagement de ces zones !
Mon dernier point reprendra certains des écrits de M. le rapporteur général et de M. président de la commission des finances. Il concerne la suppression partielle de la taxe foncière sur le foncier non bâti. Cette amputation, déjà déplorée dans un communiqué de presse de la commission des finances en date du 7 juillet dernier, est fort inopportune !
En conclusion, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rappeler les termes des communiqués établis au cours des deux derniers mois par toutes les grandes associations d'élus, quelle que soit leur sensibilité politique : toutes ont manifesté leur inquiétude au vu de certains points de votre projet.
Enfin, monsieur le président, je ne peux pas quitter cette tribune sans déplorer en quelques mots le ton particulièrement agressif de notre collègue Jacques Blanc. Tout ce qui est excessif est insignifiant et, s'il était présent, je le lui rappellerais volontiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous dirons la même chose à M. Angels !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention se limitera à la question des prélèvements sociaux, qui atteindront, en 2006, la somme inégalée de 390 milliards d'euros, représentant plus de la moitié des prélèvements obligatoires dans notre pays.
La présente discussion ne peut pas être déconnectée de notre prochain débat sur le déficit de la sécurité sociale, déficit qui atteint lui aussi, toutes branches confondues, un chiffre record.
Il est vrai que, dans ce contexte, les prélèvements sociaux obligatoires ne sauraient être diminués. Cet exercice se révélerait d'ailleurs d'une extrême difficulté ! C'est donc plutôt à une augmentation des prélèvements sociaux que vous avez procédé en 2005 : environ 6,5 milliards d'euros supplémentaires ont été prélevés - ce qui n'a d'ailleurs pas eu pour effet de combler le déficit de la sécurité sociale - afin de financer une série de mesures, sans doute opportunes, destinées aux handicapés, aux personnes âgées, etc.
Cela montre bien que les ponctions fiscales à la charge des assurés se sont multipliées : hausse du forfait hospitalier, franchise de 1 euro sur les consultations, forfait de 18 euros demain sur tous les acte lourds - annoncé évidemment au dernier moment -, déremboursements multiples. La CSG elle-même n'a pas été épargnée, puisque son assiette sera calculée sur 97 % et non plus sur 95 % des salaires et des allocations chômage, ce qui correspond à une augmentation de son taux de 0,16 points.
Après la réforme des retraites, qui conduira à une diminution des pensions de 20 % à 30 %, les retraités imposables connaîtront une nouvelle baisse de leur pouvoir d'achat, due à l'augmentation du taux de la CSG de 6,2 % à 6,6 %. Dans le même temps, l'augmentation de cet impôt sur les revenus du patrimoine, des placements et des jeux représentera 2,29 millions d'euros supplémentaires environ.
S'agissant de l'effort demandé aux Français pour financer la sécurité sociale, on peut le constater, les salariés sont moins bien traités que les entreprises. En effet, si l'on tient compte de la hausse du forfait hospitalier et de la contribution de 1 euro sur les actes, la différence entre la contribution des entreprises et celle des ménages représente un écart de un à quatre. Ce chiffre est clair, et l'on peut imaginer à combien s'élèvera ce rapport une fois intégré le forfait supplémentaire de 18 euros sur les actes lourds, annoncé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui est actuellement en discussion à l'Assemblée nationale !
A l'accroissement de ces inégalités s'ajoute l'annonce de la prochaine répartition de la hausse des cotisations vieillesse, avec la mise en application en 2006 de la loi Fillon. On nous dit que ces cotisations augmenteraient de 0,20 point au 1er janvier 2006 et que le Gouvernement aurait décidé de relever de 0,15 point les cotisations retraite des salariés, contre 0,05 point pour celles des employeurs. (M. le ministre délégué s'exclame.)
Monsieur le ministre, vous hochez la tête : nous savons en effet que cette mesure a provoqué une vive réaction de la part des organisations syndicales, avec lesquelles le Gouvernement a été finalement obligé de discuter. De plus, des pressions supplémentaires ne cessent de raviver la question lancinante de la réforme des cotisations patronales, qui est loin d'être réglée. Au demeurant, la hausse des cotisations patronales provoque des craintes même chez les salariés, ceux-ci redoutant que les employeurs ne la répercutent.
En revanche, le débat sur la modification profonde de l'assiette des cotisations patronales est beaucoup plus serein et ne provoque pas la même inquiétude. L'étendre à tout ou partie de la valeur ajoutée remédierait à certains inconvénients. Cela permettrait en outre une augmentation du salaire disponible, une évolution de l'assiette qui suivrait celle du produit intérieur brut, et une parfaite neutralité de la combinaison des facteurs de production.
Au regard de la situation sans précédent des comptes de la sécurité sociale, nous estimerions donc opportun que le Gouvernement se penche sur cette question. Nous pensons en effet que l'effort doit être partagé. A cet égard, la décision du Gouvernement de prolonger la CRDS est inadmissible. Elle ne fait que reporter la charge de la dette sur les générations futures.
Pour garantir un bon niveau de soins et de confort pour tous, il faut un système de financement durable. En réalité, ce sont les réformes de structure qui font défaut à notre système de sécurité sociale : les plans menés par les ministres qui se sont succédé depuis 2002 - MM. Jean-François Mattei, Philippe Douste-Blazy et, aujourd'hui, Xavier Bertrand - n'ont pas résolu le problème.
La réforme des cotisations patronales serait de nature à alléger le poids des prélèvements, qui reposent aujourd'hui presque exclusivement sur les revenus du travail, et elle renforcerait l'assiette financière de la sécurité sociale.
Il convient également de noter et de dénoncer à l'occasion de ce débat la multiplication des exonérations de cotisations sociales qui n'ont jamais été pleinement compensées, situation qui explique d'ailleurs très largement le déficit considérable de cette année et dont ont déjà souvent débattu la commission des affaires sociales et la commission des finances.
L'an passé - et il l'a d'ailleurs redit à peu près dans les mêmes termes aujourd'hui -, notre collègue Alain Vasselle concluait que, dans le contexte actuel, les pouvoirs publics n'avaient plus d'autre choix que d'exercer leur « créativité » au service de la maîtrise des comptes sociaux plutôt que de céder à la tentation d'accroître sans arrêt les prélèvements obligatoires.
Peut-être est-il plus simple de céder à cette tentation, ou serait-ce que vous manquez de « créativité », messieurs les ministres ?
En tout état de cause, la conclusion de notre collègue Alain Vasselle nous convient assez bien. Depuis longtemps, le groupe socialiste dénonce en effet l'absence de réforme structurelle. Il ne sert à rien de mettre des pansements sur des plaies qui se rouvrent et se creusent davantage d'année en année !
La dérive des comptes atteint, on le sait, des records sans précédent. Les réformes à l'emporte-pièce qui ont été adoptées depuis trois ans et qui continuent d'ailleurs à nous être proposées, notamment dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, ne remédieront pas au déficit de notre système de protection sociale.
La garantie de la pérennité de ce système passe par la définition de priorités, par une gestion rigoureuse et par des ressources. Le financement de la dépendance, la solidarité envers les handicapés, la correction des inégalités de santé publique imposent, certes, de mobiliser des moyens importants, mais votre gouvernement, messieurs les ministres, s'est contenté de mesures d'urgence, injustes et inefficaces, et il s'est appliqué à réduire la part de la dépense collective affectée à la santé en renvoyant le financement de l'assurances maladie vers les assurés et vers les assurances complémentaires.
Or, et Jean-Pierre Davant vient de le rappeler, on sait aujourd'hui que les assurances complémentaires ne pourront plus continuer à intervenir, comme cela leur est demandé, de manière neutre pour les assurés. Quant au recours à des assurances privées, votre clientèle électorale en est peut-être friande, mais la nôtre non !
Afin de stopper le démantèlement de notre système de protection sociale, il faut une alternative à cette politique qui l'a accentué.
Cela passe par la définition d'objectifs clairs et de priorités en matière de prévention et d'éducation à la santé, ainsi que par une meilleure organisation et une meilleure coordination de l'offre des soins.
Cela passe aussi - mais vous vous refusez à le faire - par la mise en place d'incitations à l'installation des professionnels de santé dans les zones désertées. Comment fonctionnerait l'éducation nationale si tous les enseignants voulaient enseigner dans le sud de la France ? C'est pourtant ainsi que fonctionne aujourd'hui notre système de protection sociale et de médecine, et ce n'est plus possible !
Cela passe également par le dépassement du seul mode du paiement à l'acte : il ne favorise pas la prévention, alors qu'une politique de santé publique est avant tout une politique de prévention, et il ne favorise pas non plus la maîtrise des dépenses.
Il faut certes instaurer des modes de contrôle et d'information indépendants et des modes de financement adaptés à notre régime actuel, mais, en vérité, c'est d'une réforme profonde que notre système a besoin. En aucun cas, l'augmentation des prélèvements sociaux que vous nous proposez ne s'impose ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mon collègue Philippe Bas et moi-même avons écouté attentivement les interventions depuis le début de ce débat fiscal, qui constitue une intéressante préfiguration des débats auxquels donneront lieu le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'à cette heure tardive nous y répondions assez brièvement.
Je voudrais, pour ce qui me concerne, insister sur quelques points.
Monsieur Marini, vous avez évoqué les carences de notre système fiscal et bien voulu souligner que je m'efforçais d'y porter quelques remèdes. J'aurai en la matière, je n'en doute pas, votre soutien enthousiaste !
Vous avez aussi abordé le sujet de la fiscalité de l'épargne, sur lequel nous aurons un important débat. Nous nous rejoindrons sur l'idée que vous évoquez - moins avantager l'épargne liquide et sans risque, avantager plus l'épargne à risque - et nous ferons des propositions très fortes en la matière.
S'agissant du financement de la protection sociale, sur lequel Philippe Bas reviendra naturellement, j'ai eu l'occasion de donner mon point de vue sur la TVA sociale et de dire quelles étaient mes inquiétudes concernant le risque inflationniste.
Concernant le financement des allégements de charges, monsieur Arthuis, je peux tout à fait comprendre les critiques relatives au panier de recettes. Malgré tout, je n'en démords pas, l'assiette proposée est bien composée de recettes fiscales corrélées aux dépenses de santé, comme je me suis efforcé d'en faire la démonstration tout à l'heure : les assiettes sont clairement attribuées à un secteur unique, la sécurité sociale, elles sont débattues dans un texte unique, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et elles sont dynamiques puisque, pour l'essentiel d'entre elles, elles évoluent comme la masse salariale, c'est-à-dire comme les allégements de charges.
Madame Beaufils, vous avez souligné l'importance d'une approche concrète de la question des prélèvements obligatoires. C'est un point sur lequel je vous rejoindrai, même si, pour le reste, nous ne sommes pas tout à fait sur la même longueur d'onde.
Je veux insister de nouveau auprès de vous sur le fait que la justice sociale a été notre grande préoccupation. Près de 80 % des baisses d'impôt sur le revenu et la prime pour l'emploi vont aller aux classes moyennes et aux Français modestes, c'est-à-dire à ceux qui se situent dans une tranche de revenus de 1 000 à 3 500 euros par mois et par personne. Des membres des professions intermédiaires, des instituteurs, des techniciens commerciaux vont prioritairement bénéficier de ces mesures, tandis que 90 % des foyers modestes seront les bénéficiaires du plafonnement à 60 % que nous proposons d'instaurer.
Monsieur Jégou, je partage votre analyse sur la nécessité de mesurer l'efficacité de la dépense publique. C'est tout l'enjeu de la LOLF. C'est aussi tout l'enjeu de l'action que je mène en tant que ministre de la réforme de l'Etat. J'ai engagé une première vague d'audits dont je rendrai le résultat public. Ce sera l'occasion d'un grand débat, auquel je souhaite de tout coeur que vous participiez en tant que témoin engagé, comme ce sera aussi, je l'espère, le cas lors de l'examen du projet de loi de finances.
Monsieur Angels, vous avez été très dur avec la majorité,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Trop dur !
M. Bernard Angels. La situation est grave !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...alors que je vous ai parfois connu plus indulgent.
Notre stratégie repose sur une double exigence : des comptes publics maîtrisés et une politique de baisse d'impôt au service de la croissance. Vous le constaterez tout au long de cette année, pour une bonne part, les résultats seront au rendez-vous.
La croissance s'améliore, les indicateurs dont nous disposons le montre, et la baisse du chômage au cours de ces derniers mois est plutôt encourageante. Je ne dis pas que cette baisse est le produit de la politique économique que nous menons, mais qu'entendrait-on si par malheur le chômage augmentait alors que nous menons ladite politique ! Dans quelques mois, nous nous reparlerons, et peut-être trouverez-vous alors des mots sinon doux du moins indulgents à l'égard d'une politique économique qui apporte des résultats correspondant aux attentes des Français.
Monsieur de Montesquiou, vous avez, comme d'habitude, fait un exposé très complet de vos analyses sur ces questions économiques et sociales. Vous avez insisté, à juste titre, me semble-t-il, sur la nécessité de mieux mobiliser le travail pour renforcer notre potentiel de croissance. Sachez que, de ce point de vue, nous travaillons bien dans la même direction, qu'il s'agisse d'inciter au retour à l'emploi, en particulier par le biais de la prime pour l'emploi, de récompenser les efforts de ceux qui travaillent, avec la réforme de l'impôt sur le revenu, ou encore d'enrayer les délocalisations, en revoyant la taxe professionnelle ou la taxation du patrimoine. Ce sont là autant de sujets sur lesquels je serai très heureux de prolonger le débat avec vous dans le cadre du projet de loi de finances.
Monsieur Fischer, vous avez employé une formule terrible : « la chasse aux chômeurs » ! Monsieur Fischer, c'est un des nombreux points qui nous séparent, mais tout l'objectif de la modernisation du service public de l'emploi est de promouvoir le travail, de veiller à ce que chacun fasse l'objet d'un accompagnement personnalisé pour retourner vers l'emploi et de marquer une véritable différence entre les revenus du travail et les revenus de l'assistance. Je tiens à dire à ce propos que nous attendons beaucoup de la mission parlementaire sur les minima sociaux conduite par MM. de Raincourt et Mercier.
Monsieur Biwer, avec raison, vous avez appelé de vos voeux une réforme en profondeur de la fiscalité locale. Nous en reparlerons ensemble, car le projet de loi de finances comporte un grand volet de fiscalité locale. La responsabilité partagée constituera un sujet majeur. Nous évoquerons aussi la question de la péréquation car, en la matière aussi, certaines mesures ont été prises l'an dernier et nous pouvons aujourd'hui en mesurer les résultats.
Monsieur Frécon, il n'a jamais été dans mon intention de mettre en accusation les collectivités locales. J'ai juste dit que certaines d'entre elles avaient trop appuyé sur le champignon des hausses d'impôts. Si vous avez été choqué de l'entendre dire par Jacques Blanc, j'espère que vous me trouverez quelque objectivité si, moi qui ne suis pas directement concerné par la région Languedoc-Roussillon, je dénonce ce fait.
En Languedoc-Roussillon, les impôts locaux n'ont pas augmenté, ils ont explosé ! C'est une réalité que tous ceux qui ont le malheur d'être contribuables dans cette région peuvent constater sur leur feuille d'impôts. Je dis simplement qu'il faut mettre en place des warnings. Chacun doit prendre conscience qu'il n'y a pas un droit de tirage illimité sur le contribuable local, sauf à avoir à en payer, à un moment ou à un autre, le prix politique !
Sur le reste - réforme fiscale, politique économique... -nous avons aussi bien des différences, mais je vous donne rendez-vous pour en parler lors du débat sur le projet de loi de finances.
Enfin, monsieur Michel, vous ne pouvez pas dire que la politique de notre gouvernement pénalise le pouvoir d'achat des Français !
J'espère avoir répondu à toutes les questions. En tout état de cause, ce débat passionnant aura eu l'énorme avantage de nous permettre de sentir la température qui sera celle de la discussion budgétaire, que je pressens passionnante, passionnée et fructueuse, au service des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je veux m'associer au propos de mon collègue et ami Jean-François Copé sur l'intérêt de ce débat qui, comme vous l'avez d'entrée de jeu vous aussi souligné, monsieur Marini, permet d'aborder les prélèvements obligatoires dans leur totalité, c'est-à-dire à la fois sous l'angle fiscal et sous l'angle social.
Vous avez également souligné, monsieur Marini, l'abondance des niches et des exonérations. S'agissant de la sécurité sociale, il est vrai que l'on compte aujourd'hui une cinquantaine de mesures d'exonération de cotisations sociales et que, si l'on n'y prenait pas garde, les dispositifs de dérogation auraient une propension irrépressible à s'étendre ! C'est pourquoi il est important de se fixer des règles de discipline et de transparence.
Discipline, c'est la règle de la compensation des exonérations de charges sociales en vigueur depuis 1994, règle bien nécessaire car, à l'époque, 50 % des exonérations de cotisations sociales ne faisaient pas l'objet de compensation tandis qu'aujourd'hui 90 % du corps des exonérations de cotisations sociales est compensé.
Discipline, disais-je, mais aussi transparence : la loi organique du 2 août 2005 a donné au projet de loi de financement de la sécurité sociale un monopole pour créer des exonérations, monopole qui a pour origine un amendement de M. Alain Vasselle.
La diversification de la fiscalité a progressé ces dernières années, grâce notamment à l'introduction de la CSG, dont l'importance mérite d'être soulignée aujourd'hui, mais aussi grâce à l'évolution de l'assiette de cette dernière et à l'affectation d'une part de TVA à la sécurité sociale dans le cadre du panier de recettes qui lui est attribué par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Arthuis m'a demandé s'il était légitime de fonder le financement de la sécurité sociale uniquement sur les salaires. Convaincus de la nécessité de diversifier les recettes, nous nous sommes engagés dans la voie de cette diversification : sur 364 milliards d'euros de recettes en 2006, les recettes fiscalisées correspondent en effet à 63 milliards d'euros au titre de la CSG et à 30 milliards d'euros de recettes fiscales affectées, soit un total de près du quart si l'on y ajoute les revenus sur le capital.
La question de la TVA sociale, qui a été au coeur de nombreuses interventions, est tout à fait essentielle, même si nous mesurons les difficultés techniques de la mise en oeuvre d'une telle réforme, dont l'ambition est considérable.
Il faut se poser la question de la compatibilité avec le droit communautaire, mais aussi celle des solutions à apporter au problème du transfert de charges entre secteurs d'activités si le mouvement devait être massif, question qui intéresse au premier chef le dynamisme de notre économie. Toutefois, sous cette réserve, la réflexion sur ce sujet me paraît tout à fait intéressante, et j'ai été particulièrement attentif, monsieur Arthuis, à votre exposé sur ce sujet.
La « barémisation », question que M. Vasselle et quelques autres ont abordée, se heurte effectivement à des obstacles techniques importants. Cette question complexe devra faire l'objet d'études approfondies avant toute décision.
Monsieur Jégou, je ne partage pas votre relatif scepticisme sur l'évolution des dépenses sociales : l'assurance maladie a vu son déficit ramené à 8,3 milliards d'euros, alors que les prévisions antérieures à la réforme le chiffraient à 16 milliards d'euros ; l'ONDAM est respecté pour la première fois en 2005, alors que, depuis 1997, cela n'avait pas été le cas ; enfin, la loi de financement de la sécurité sociale est assortie de l'engagement d'une baisse de 25 % du déficit du régime général en 2006.
Monsieur About, vous regrettez que le rapport sur les prélèvements obligatoires soit élaboré uniquement par le ministère des finances. Permettez-moi de souligner qu'il existe désormais une cohérence entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale, cohérence qui doit naturellement être encore accrue mais qui a le mérite d'avoir déjà beaucoup progressé : le rapport sur les perspectives pluriannuelles annexé au PLFSS est tout à fait en cohérence avec le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances.
Monsieur Fischer, il ne faut pas confondre culpabilisation et appel à la responsabilité. C'est tout autre chose ! Nous entendons faire aujourd'hui appel à la responsabilité de tous pour sauvegarder une protection sociale qui est notre bien commun et à laquelle nous sommes, les uns et les autres, profondément attachés.
Monsieur Michel, vous trouverez les réponses à vos remarques sur les déficits des branches de la sécurité sociale dans celles que j'ai données aux orateurs qui vous ont précédé.
Pour conclure sur les diverses interventions, je soulignerai avec M. le président Arthuis, M. le président About, M. le rapporteur général Marini et M. le rapporteur Vasselle, que l'affectation de 5 milliards d'euros de TVA à la sécurité sociale est un geste fort, gage d'un nouveau financement diversifié et dynamique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 55 et distribuée.
4
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-866 du 28 juillet 2005 transformant le groupement d'intérêt public dénommé « Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies » en société anonyme et modifiant le code de la santé publique.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 54, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
5
DÉPÔT DE PROPOSITIONs DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Claude Carle une proposition de loi relative à l'accessibilité des locaux aux élèves handicapés.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 48, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Georges Othily, une proposition de loi tendant à modifier les conditions d'attribution de la nationalité française et à lutter contre les abus liés à l'immigration clandestine dans le département de la Guyane.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 56, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
6
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE résolution
M. le président. J'ai reçu de Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Philippe Dominati, Jean-Louis Masson, Bruno Retailleau et Alex Türk une proposition de résolution modifiant le règlement du Sénat pour les questions orales avec débat portant sur des sujets européens.
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 47, distribuée et renvoyée à commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Claude Lise, Louis Le Pensec, Serge Larcher et Jacques Gillot et des membres du groupe socialiste et rattachés une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du conseil concernant les taux de droit applicables aux bananes (n° E-2957).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 49, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision-cadre du Conseil relative à l'échange d'informations en vertu du principe de disponibilité.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2981 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission : Résultat de l'examen des propositions législatives en instance devant le législateur.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2982 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre rectificative n° 1 à l'avant-projet de budget 2006 - Etat général des recettes - Etat des recettes et des dépenses par section - Section III - Commission.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2983 et distribué.
8
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée (n° 346, 2004 2005).
Le rapport sera imprimé sous le n° 51 et distribué.
J'ai reçu de M. Xavier Pintat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre les Gouvernements de la République française, de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et du Royaume des Pays Bas, relatif à la coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation (n° 40, 2005 2006).
Le rapport sera imprimé sous le n° 52 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Peyrat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la décision des représentants des Gouvernements des Etats membres, réunis au sein du Conseil le 28 avril 2004, concernant les privilèges et immunités accordés à ATHENA (n° 387, 2004 2005).
Le rapport sera imprimé sous le n° 53 et distribué.
9
DÉPÔT D'UN avis
M. le président. J'ai reçu de M. Joël Bourdin un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation agricole (n° 26, 2005-2006).
L'avis sera imprimé sous le n° 50 et distribué.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 27 octobre 2005, à neuf heures trente et à quinze heures :
1. Discussion des conclusions du rapport (n° 29, 2005-2006) de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de M. Michel Thiollière (n° 224,2004 2005), relative au renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité nationale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 31, 2005-2006) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de résolution (n° 10, 2005-2006) de MM. Josselin de Rohan, Henri de Raincourt, André Dulait et des membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
3. Discussion de la question orale avec débat européenne n° 1 de M. Jean Bizet à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur sur la position de l'Union européenne dans les négociations au sein de l'organisation mondiale du commerce avant la conférence de Hong Kong.
M. Jean Bizet interroge Mme la ministre déléguée au commerce extérieur sur la position de l'Union européenne dans les négociations au sein de l'organisation mondiale du commerce avant la conférence de Hong Kong.
4. Discussion des conclusions du rapport (n°28, 2005-2006) de M. Jean-Claude Carle fait au nom de la commission des affaires culturelles sur :
- la proposition de loi (n° 483, 2004-2005) de Mme Annie David, MM. Ivan Renar, Jack Ralite, Jean-François Voguet, François Autain, Mmes Eliane Assassi, Marie France Beaufils, MM. Pierre Biarnès, Michel Billout, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon et M. Bernard Vera tendant à modifier l'article 40 de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école relatif au lieu d'exercice des délégués départementaux de l'éducation nationale ;
- la proposition de loi (n° 511, 2004-2005) de MM. Jean-Claude Carle, Jacques Valade, Christian Demuynck, Alain Dufaut, Louis Duvernois, Jean-Paul Emin, Hubert Falco, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mmes Christiane Hummel, Lucienne Malovry, M. Pierre Martin, Mme Colette Melot, MM. Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Philippe Richert, Pierre Bordier, Denis Detcheverry, Ambroise Dupont, Soibahaddine Ibrahim et Jacques Legendre relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale ;
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
5. Débat de contrôle budgétaire sur la gestion de la dette dans les États de l'Union européenne.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation agricole (n° 26, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 31 octobre 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 28 octobre 2005, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 27 octobre 2005, à une heure cinquante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD