sommaire
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
2. Dépôt de rapports en application de lois
tnt et réception de france 3 limousin
Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Jean-Pierre Demerliat.
accès à la télévision numérique en haute-loire
Question de M. Adrien Gouteyron. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Adrien Gouteyron.
application de la loi littoral
Question de M. André Trillard. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; André Trillard.
Question de M. Bernard Fournier. - MM. François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Bernard Fournier.
lutte contre les offres non sollicitées par les consommateurs
Question de M. André Rouvière. - MM. François Loos, ministre délégué à l'industrie ; André Rouvière.
situation des entreprises du paysage
Question de M. Bernard Cazeau. - MM. François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Bernard Cazeau.
situation préoccupante de l'emploi en gironde
Question de M. Philippe Madrelle. - MM. François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Philippe Madrelle.
pérennisation du taux réduit de tva sur les travaux dans les bâtiments anciens
Question de M. Jean Bizet. - MM. François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Jean Bizet.
situation de l'industrie de la chaussure en France
Question de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
gel des crédits de fonctionnement de l'enseignement supérieur agricole
Question de M. Christian Gaudin. - MM. François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Christian Gaudin.
conditions de commercialisation des médicaments génériques
Question de M. Gilbert Barbier. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Gilbert Barbier.
régime de prévoyance et de retraite des élus salariés en suspension de contrat de travail
Question de Mme Catherine Procaccia. - M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Mme Catherine Procaccia.
mesures en faveur des communes forestières de meurthe-et-moselle
Question de M. Daniel Reiner. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Daniel Reiner.
Question de M. Jean Boyer. - MM. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Jean Boyer.
situation du tribunal du contentieux de l'incapacité de strasbourg
Question de M. Philippe Richert. - MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Philippe Richert.
enquête sur l'attentat de karachi du 8 mai 2002
Question de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Jean-Pierre Godefroy.
augmentation constante du trafic sur l'a7
Question de M. Alain Dufaut. - MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Alain Dufaut.
réorganisation des services de la dde du gers
Question de M. Aymeri de Montesquiou. - MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Aymeri de Montesquiou.
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Philippe Richert
MM. Michel Billout, le président.
5. Traitement de la récidive des infractions pénales. - Discussion d'une proposition de loi en deuxième lecture
Discussion générale : MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois ; Nicolas Alfonsi.
Demande de réserve de l'article 5 bis. - MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le garde des sceaux.
La réserve est ordonnée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Laurent Béteille, Charles Gautier, Alain Fouché, le président de la commission, Robert Badinter, Jean-René Lecerf, Hugues Portelli, Philippe Goujon.
M. le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Adrien Gouteyron
Motion no 87 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Motion no 36 de M. Robert Badinter. - MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 37 de M. Robert Badinter. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur. - Rejet.
Article additionnel avant l'article 1er
Amendement no 88 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Article additionnel avant l'article 1er ou avant l'article 1er bis
Amendements nos 43 de M. Robert Badinter et 89 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Rejet des deux amendements.
Amendement no 116 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 44 de M. Robert Badinter et 90 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements identiques nos 1 de la commission et 45 de M. Robert Badinter ; amendements nos 46 de M. Robert Badinter et 2 de la commission. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-René Lecerf. - Rejet des amendements nos 44, 90 et 46 ; adoption des amendements nos 1, 45 et 2.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 3 de la commission, 47 de M. Robert Badinter et 91 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le garde des sceaux, le président de la commission. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Amendements nos 122 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 4 de la commission. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 122 ; adoption de l'amendement no 4.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 92 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements identiques nos 5 de la commission et 48 de M. Robert Badinter. - Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, Jean-Pierre Sueur, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement no 92.
Reprise de l'amendement no 92 rectifié par M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Laurent Béteille, le rapporteur. - Rejet de l'amendement no 92 rectifié ; adoption des amendements nos 5 et 48.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 49 rectifié de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Pierre-Yves Collombat. - Rejet.
Amendement no 82 de M. Yves Détraigne. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur. - Retrait.
Reprise de l'amendement no 82 rectifié par M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 50 de M. Robert Badinter et 93 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements nos 6 de la commission, 39 de M. Jean-Patrick Courtois et 51 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, Jean-René Lecerf, le garde des sceaux, le président de la commission, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Pierre Fauchon. - Rejet des amendements nos 50 et 93 ; adoption de l'amendement no 6 rédigeant l'article, les amendements nos 39 et 51 devenant sans objet.
Amendements identiques nos 52 de M. Robert Badinter et 94 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements nos 123 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 53 de M. Robert Badinter. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des quatre amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 54 de M. Robert Badinter et 95 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements nos 121 de M. Laurent Béteille et 7 de la commission. - M. Pierre-Yves Collombat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Laurent Béteille, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, le président de la commission, Hugues Portelli, Jean-René Lecerf, Jean-Pierre Sueur. - Rejet des amendements nos 54 et 95 ; retrait de l'amendement no 121.
Suspension et reprise de la séance
MM. Pierre-Yves Collombat, Michel Dreyfus-Schmidt, le président de la commission, Jean-René Lecerf. - Adoption de l'amendement no 7.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
6. Transmission de projets de loi
7. Dépôt de propositions de loi
8. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
10. Dépôt de rapports d'information
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉPÔT DE RAPPORTS en application de lois
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport 2005 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, établi en application de l'article 5 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ; ainsi que le rapport d'audit contractuel 2004-2005 relatif à la gestion active de la dette et de la trésorerie de l'Etat, conformément à l'article 8 de la loi de finances rectificative n° 2000-1353 du 30 décembre 2000.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie les comptes prévisionnels de la Caisse pour l'année 2006, en application de l'article L. 14-10-3 du code de l'action sociale et des familles.
Acte est donné de ces dépôts.
3
Questions orales
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
tnt et réception de france 3 limousin
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, auteur de la question n° 820, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord me féliciter du lancement de la télévision numérique terrestre, la TNT, qui est d'ores et déjà un grand succès. L'offre gratuite de programmes se trouve ainsi considérablement élargie.
Au moment même où une deuxième série d'émetteurs TNT est en cours d'installation, je souhaite vous interroger sur les problèmes qu'induit l'arrivée partielle de la TNT dans le Limousin.
A l'heure actuelle, 70 000 habitants du nord, de l'ouest et du sud-ouest de la Haute-Vienne peuvent recevoir ces programmes. Tout cela serait donc parfait si ces téléspectateurs pouvaient continuer à recevoir également les programmes de France 3 Limousin. Or, tel n'est malheureusement pas le cas.
En effet, l'émetteur qui permet aux habitants concernés de profiter de la TNT est situé à Maisonnay, dans les Deux-Sèvres, en Poitou-Charentes, et relaie donc, tout naturellement, les programmes de France 3 Poitou-Charentes. Ces habitants sont alors confrontés à un dilemme : soit ils renoncent à recevoir les programmes de France 3 Limousin pour bénéficier de la TNT, soit ils renoncent à la TNT pour continuer à recevoir France 3 Limousin.
Monsieur le ministre, il semble tout simplement que l'implantation des émetteurs TNT ait été guidée avant tout par des considérations d'ordre économique et financier plutôt que par le souci de proposer aux téléspectateurs une offre cohérente.
Ainsi, lorsque le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, a été interrogé sur l'opportunité d'installer un émetteur TNT sur le site des Cars, près de Limoges, d'où la couverture de la Haute-Vienne pouvait être entièrement assurée, il a été répondu que la région Limousin « n'avait pas un potentiel de population suffisant pour justifier un tel investissement ».
Pourtant, un émetteur TNT est bel et bien installé sur le site des Cars, mais il est uniquement destiné à compléter le dispositif de réception de la TNT pour la région Aquitaine et, plus particulièrement, pour la partie du département de la Dordogne limitrophe de la Haute-Vienne.
Monsieur le ministre, vous comprendrez donc mon étonnement, à l'heure où l'aménagement du territoire est prétendument une priorité du gouvernement auquel vous appartenez.
Si, actuellement, ce problème concerne seulement 70 000 habitants de la Haute-Vienne, il risque de toucher demain l'ensemble de la région Limousin. Le programme de déploiement d'émetteurs TNT publié par le CSA ne laisse, en effet, aucun doute quant aux perspectives de couverture du territoire régional. Seuls les habitants des villes de Limoges, dans la Haute-Vienne, de Brive et d'Ussel, en Corrèze, et de Guéret, dans la Creuse, pourront, demain, recevoir la TNT avec les programmes de France 3 Limousin. Comprenez, monsieur le ministre, l'inquiétude des téléspectateurs limousins et de leurs élus.
Certes, jusqu'en 2010, le numérique et l'analogique hertziens cohabiteront, mais est-ce à dire que, après cette date, hors les villes précitées, tout le reste du Limousin sera privé des programmes de France 3 Limousin ? Si tel devait être le cas, l'avenir de la station régionale serait gravement menacé, ce qui est absolument inacceptable.
La TNT devait offrir un plus vaste choix de programmes télévisés. C'est, ou ce sera, le cas. Malgré tout, cette nouvelle technologie ne doit pas réduire l'accès à l'information régionale, information à laquelle les téléspectateurs sont particulièrement attachés, comme le prouve son audience considérable.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est toute simple : qu'allez-vous faire pour que tous les habitants de la région continuent à avoir accès aux programmes de France 3 Limousin ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Demerliat, en vous écoutant, j'ai songé au cri d'Antigone : « Je veux tout, tout de suite, ou alors je refuse ! »
Je le dis solennellement devant la Haute Assemblée : tous les Français, sans exception, ont le droit de recevoir la télévision par le biais de la télévision numérique terrestre ; ils pourront accéder à cette offre télévisuelle élargie sans changer de poste de télévision, mais en achetant un adaptateur.
De ce point de vue, permettez-moi de vous le dire, en prenant à témoin les sénateurs de la majorité qui, eux, en sont conscients, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et le Gouvernement ont été au rendez-vous, dans le respect de leurs prérogatives respectives, pour faire en sorte que cette technologie soit mise à la disposition de nos concitoyens.
La TNT a été lancée en France le 31 mars dernier, avec les chaînes gratuites. Cette nouvelle offre triple le nombre de chaînes en clair qui sont accessibles aux téléspectateurs recevant la télévision avec la fameuse antenne « râteau ».
La TNT connaît un très vif succès puisque nombreux sont les adaptateurs qui sont achetés ou loués par nos concitoyens.
Parallèlement, l'offre de chaînes s'étoffe. De nouvelles chaînes gratuites sont ou vont être disponibles. Ainsi, i>télé et Europe 2 TV sont diffusées en TNT depuis respectivement le 15 octobre et le 17 octobre derniers. Gulli, la nouvelle chaîne pour la jeunesse faite en partenariat entre France Télévision et le groupe Lagardère notamment, et BFM Info le seront au mois de novembre. Ce sera ensuite le tour des offres payantes commercialisées, probablement avant la fin de l'année.
A son démarrage, au mois de mars dernier, le taux de couverture de la TNT était de 35 % de la population. Depuis le 15 octobre, un Français sur deux est en mesure de recevoir les programmes de la TNT.
Monsieur le sénateur, vous m'avez posé une question spécifique qui a trait à la diffusion de France 3. Certains habitants de la Haute-Vienne ne peuvent pas regarder les programmes habituels de cette chaîne. En effet, ils reçoivent les programmes diffusés depuis l'émetteur de Niort. Or, à ce jour, France 3 ne dispose que d'un canal de diffusion sur ce site et il en est de même d'ailleurs de tous les sites de la TNT.
Cet émetteur desservant majoritairement la région Poitou-Charentes, ce sont les programmes de France 3 Poitou-Charentes qui y sont diffusés. En conséquence, les habitants de la Haute-Vienne qui sont en zone de réception de l'émetteur de Niort ne reçoivent pas l'édition régionale de France 3 Limousin qui leur est destinée.
La topographie de notre pays est complexe et la couverture par le réseau hertzien terrestre des régions obéit à des règles qui ne sont pas strictement celles du découpage administratif. Sur ce point, la topographie a beaucoup d'importance.
Je regrette cette situation pour laquelle, je vous le confirme, des solutions sont recherchées. Le réseau analogique de France 3 est le résultat d'un déploiement sur plus de trente ans. La TNT est née en mars dernier et j'entends favoriser la mise en oeuvre rapide des mesures techniques afin d'assurer rapidement la réception des bons décrochages de France 3.
D'abord, la couverture de la TNT en Haute-Vienne sera significativement élargie lors de la mise en service de l'émetteur de Limoges, prévue entre le 15 juillet et le 15 octobre 2006. Ainsi, monsieur le sénateur, ce seront non pas quelques villes de votre région qui seront couvertes par la TNT, mais l'intégralité des agglomérations, au fur et à mesure du développement des émetteurs. L'émetteur de Limoges diffusera, naturellement, les programmes de France 3 Limousin.
Ensuite, pour les foyers de la Haute-Vienne couverts par l'émetteur de Niort, sera mise en place une diffusion spécifique des programmes de France 3 avec les programmes de France 3 Limousin. Plusieurs solutions techniques sont en cours d'examen.
Je tiens, par ailleurs, à préciser que la solution mise en oeuvre pour les foyers de la Haute-Vienne a vocation à être étendue à l'ensemble des zones de notre territoire où un mauvais décrochage de France 3 est reçu en TNT.
France Télévision a étudié l'ensemble des sites concernés et j'assumerai toutes les responsabilités qui m'incombent en fonction des études techniques afin d'assurer l'adéquation des décrochages de France 3 avec les bassins auxquels ils sont destinés.
Ainsi, progressivement, c'est l'ensemble du territoire national qui recevra la TNT. Les citoyens de chaque région ont bien évidemment droit à l'information régionale diffusée par France 3.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le ministre, je suis entièrement d'accord avec vous, la TNT, comme je l'ai dit, représente un progrès considérable.
Mon inquiétude, que vous n'avez que très partiellement levée, concerne des informations émanant du CSA.
Vous avez évoqué l'émetteur de Limoges, mais il ne couvrira que cette très grande ville du Centre Ouest. Or il n'est pas prévu que les zones rurales soient desservies. Je vous ai indiqué qu'à l'horizon 2010 seules les villes de Limoges, Tulle, Brive et Guéret seraient couvertes.
Certes, vous avez fait remarquer que des solutions étaient à l'étude. En revanche, vous n'avez pas donné de date, ni de délai. Pendant les années, sinon les décennies à venir, les habitants des zones rurales seront privés de leur station régionale à laquelle ils sont très attachés. En effet, France 3 Limousin bénéficie d'un taux d'audience de 40 %, taux le plus fort pour ce qui concerne les stations régionales de France. Ses émissions ont un intérêt culturel et sportif sur le plan local. En cas de phénomènes météorologiques graves, d'inondations par exemple, c'est le seul moyen de transmettre les informations.
Monsieur le ministre, ne laissez pas les zones rurales, qui sont déjà relativement enclavées, privées de ce vecteur de culture et d'information.
Accès à la télévision numérique en Haute-Loire
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, auteur de la question n° 744, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Adrien Gouteyron. A mon tour, monsieur le ministre, je veux vous interroger sur la télévision numérique terrestre. Vous avez affirmé à deux reprises que la totalité de notre territoire sera couverte par la TNT. Dont acte ! Mais permettez-moi d'évoquer mon département.
On connaît les avantages non négligeables de la TNT que vous avez rappelés, comme le nombre de chaînes, la qualité de l'image, du son et une possibilité d'interactivité.
Vous avez dit également que l'on pouvait disposer de la TNT en achetant simplement un adaptateur relativement bon marché, ce qui est un autre avantage important.
J'ai relevé, moi aussi, les prévisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel selon lesquelles, dès le mois de mars 2005, plus de 30 % du territoire sera couvert ; ce taux s'établira à 50 % au mois de septembre de la même année, à 65 % au premier semestre 2006 et à 85 % en 2007. A ce propos, le président du CSA a affirmé qu'il fallait impérativement trouver la solution pour garantir aux habitants des zones de montagne ou des régions frontalières qu'ils recevront la TNT. C'est aussi ce que vous venez d'indiquer, monsieur le ministre. Il faut donc trouver les moyens techniques d'assurer cette diffusion.
Pour mon département, on me dit que la région située à l'ouest sera assez rapidement couverte dans le courant de l'année 2006 grâce à l'émetteur de Clermont-Ferrand. J'aimerais en avoir confirmation. La couverture du bassin du Puy-en-Velay serait prévue pour 2007. Je souhaiterais obtenir de plus amples indications sur ce point.
Par ailleurs, M. Estrosi a déclaré avec beaucoup de force qu'il faudrait trouver les moyens technologiques afin d'assurer une couverture totale de notre territoire d'ici à 2007. Or, selon les chiffres dont j'ai connaissance concernant cette dernière année, le taux de couverture s'élèverait à 85 % du territoire. Par conséquent, 15 % de notre territoire ne serait pas desservi, ce qui représente quelque neuf millions d'habitants. Monsieur le ministre, quelles mesures vont être prises afin de remédier à cette situation ? Et je ne doute pas de la volonté du Gouvernement.
Avant le lancement de la TNT ou au début de sa mise en oeuvre, on entendait ou on lisait parfois dans la presse des propos sceptiques. Je constate que de telles remarques sont singulièrement dépassées, démenties par les faits, et je m'en réjouis. C'est une raison supplémentaire pour donner des assurances aux départements comme le mien.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, chacun définit des objectifs. Quant à moi, il m'appartient, sous l'autorité du Premier ministre, de les mettre en oeuvre concrètement tout en tenant compte de la répartition du travail et des prérogatives du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Je vous le répète, chaque Française, chaque Français a le droit de recevoir la télévision grâce à la TNT. Le système sera opérationnel.
Le Gouvernement a su respecter un certain nombre de rendez-vous. Personne ne pensait qu'il aurait le courage et la capacité politique d'arbitrer pour que les normes technologiques soient retenues et pour que le dispositif soit opérationnel au jour dit, soit le 31 mars dernier, ce qui a été vérifié.
J'ai le même objectif que vous, à savoir que la TNT soit diffusée sur l'ensemble du territoire national. Les habitants de la ville de Tours ne recevant pas encore la TNT, je partage votre sentiment. (Sourires.) Comme vous le constatez, les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés !
Ainsi que vous me le faites remarquer, la Haute-Loire ne fait effectivement pas partie des zones couvertes actuellement par la TNT.
Toutefois, le 19 juillet dernier, le CSA a fixé la date d'ouverture du site TNT du Puy-en-Velay entre le 15 juillet et le 15 octobre 2006. Ainsi, l'arrivée de la TNT en Haute-Loire interviendra dès 2006.
L'accès aux services nouveaux proposés par la TNT est attendu par tous. C'est pourquoi, alors que 85 % de notre territoire devait être desservi par la TNT à la fin de l'année 2007, dès le mois d'avril dernier, le Premier ministre a souhaité que le calendrier de déploiement soit accéléré et que des solutions qui permettront, dès cette échéance, à tous les Français de recevoir une offre gratuite de service de télévision en numérique, soient mises en place.
Dans cette perspective, un groupe de travail conjoint entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Direction du développement des médias, c'est-à-dire le Gouvernement, a été mis en place. L'ensemble des acteurs impliqués dans la TNT ont pu collaborer aux travaux de ce groupe.
A l'occasion de la mise en service officielle de quinze nouveaux émetteurs pour la TNT le 15 octobre dernier, le Premier ministre a appelé les acteurs de la télévision numérique à se rassembler pour que l'ensemble des Français puissent recevoir les dix-huit chaînes gratuites offertes par la TNT. Il a aussi demandé d'accélérer le déploiement de la TNT afin que 100 % des Français puissent y avoir accès à la fin de l'année 2007.
Pour ce faire, le Premier ministre a annoncé une série de mesures.
Tout d'abord, les moyens mis à la disposition du fonds de réaménagement du spectre seront renforcés.
Par ailleurs, pour régler les questions complexes spécifiques aux zones frontalières, en raison de la présence de partenaires et de questions parfois liées à la défense, il a demandé au ministre délégué à l'industrie d'engager avec nos voisins des discussions sur les fréquences utilisables. Mais nous savons parfaitement que, dans certaines régions, le système classique ne pourra pas être mis en oeuvre.
Dans ces régions frontalières dans lesquelles la pénurie de fréquences disponibles rendra vraisemblablement nécessaire le recours aux innovations technologiques les plus performantes, le Premier ministre a également décidé la création d'un fonds d'accompagnement du numérique dès 2006. Autrement dit, lorsque nous allons être obligés de mettre en place un système technologiquement spécifique, il faudra le financer afin qu'il reste gratuit pour tous nos concitoyens.
L'ensemble de ces mesures contribuera à assurer rapidement un accès au service de la TNT étendu et généralisé.
En conclusion, je veux indiquer que deux catégories de responsabilités doivent être assumées. Tout d'abord, le dispositif technologique doit permettre d'irriguer l'ensemble du territoire. Par ailleurs, pour qu'une telle desserte représente un progrès, sont en cause non seulement la technologie, mais aussi le contenu des programmes. Comme vous, je souhaite que tous les créateurs de télévision soient au rendez-vous.
Je préfère constater l'impatience ; c'est bon signe. Cela signifie que les programmes sont attractifs et que chacun veut les voir.
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le ministre, je vous exprime toute ma satisfaction.
Vous avez ainsi indiqué que tout le territoire serait couvert par la TNT à la fin de l'année 2007, même si l'on doit faire appel à un fonds qui permettra de mettre en oeuvre des technologies particulières. Je me réjouis de cette confirmation.
Vous avez ajouté que les « tuyaux » ne suffisaient pas et que les programmes devaient être satisfaisants. J'espère qu'ils seront à la hauteur des efforts technologiques et des investissements financiers réalisés.
application de la loi littoral
M. le président. La parole est à M. André Trillard, auteur de la question n° 795, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. André Trillard. Monsieur le ministre, le vote à l'unanimité des parlementaires de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi littoral, témoignait du consensus existant autour de l'urgence qu'il y avait à prendre des dispositions pour sensibiliser les acteurs locaux et l'opinion à la préservation d'un capital de plus en plus menacé, cela sans renoncer pour autant aux impératifs du développement économique.
Si, aujourd'hui, l'unanimité demeure plus que jamais s'agissant des objectifs fixés par ce texte, tous les élus concernés s'accordent à reconnaître que cette loi, souvent imprécise et dont plusieurs décrets d'application ont été tardifs, incomplets et contestés, a donné lieu à une jurisprudence génératrice de situations aberrantes, voire explosives.
Cette loi a donc eu pour conséquence des situations aberrantes, dans la mesure où les propriétaires de terrains jusque là constructibles, au terme de règlements d'urbanisme avalisés par l'administration, se voient brusquement privés de toute possibilité d'édifier quelque construction que ce soit, individuelle ou professionnelle, parfois en raison de l'interprétation restrictive donnée par les services de l'Etat au mot « village ».
Pire encore, des permis de construire délivrés le plus régulièrement possible se voient frappés de nullité à la suite d'un arrêt de la jurisprudence administrative interprétant a minima un article trop imprécis.
La loi littoral a également eu pour conséquence des situations explosives. Indépendamment des légitimes réactions des particuliers ou des professionnels concernés, chez les élus désavoués, l'incompréhension engendre une colère justifiée.
Je bornerai ici mon propos aux difficultés auxquelles se trouvent aujourd'hui confrontés les agriculteurs des zones rurales littorales, en particulier en raison de l'application de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme.
Cet article prévoit une dérogation permettant de construire en discontinuité pour les seuls cas d'installations classées. Or nombreuses sont les exploitations proches du littoral qui, telles les serres, ne sont pas considérées comme des installations classées et qui ne peuvent, par conséquent, pas bénéficier d'une dérogation.
Dans le seul département de la Loire-Atlantique, 34 communes sont concernées par les problèmes d'application de la loi littoral : 19 communes littorales maritimes, 9 estuariennes, mais aussi les 6 communes riveraines du lac de Grand Lieu, sur le pourtour duquel 90 exploitations agricoles sont également concernées.
Les effets pervers de la loi littoral ont été amplement exposés lors de la discussion au Sénat de la loi relative au développement des territoires ruraux, en janvier dernier : gel du développement des exploitations agricoles, frein à l'installation des jeunes agriculteurs, engorgement des circuits administratifs et contentieux, insécurité juridique pour les maires qui délivrent des permis de construire susceptibles d'être annulés après intervention du juge administratif.
Lors de la discussion de cette loi, le précédent gouvernement avait annoncé, d'une part, la parution d'une circulaire explicitant les conditions dans lesquelles doit être appliquée la loi, en prenant en compte l'ensemble des évolutions récentes de la jurisprudence et en particulier l'arrêt du Conseil d'Etat « Mme Barrière » du 3 mai 2004. Les élus devaient, en outre, être destinataires d'une plaquette d'explication de la circulaire, dont le texte aurait dû être élaboré avant l'été 2005.
Le Gouvernement avait annoncé, d'autre part, la création d'un Conseil national du littoral, qui devait être saisi très rapidement des propositions contenues dans les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat, notamment celui de MM. Patrice Gélard et Jean-Paul Alduy de juillet 2004.
Le Gouvernement s'était engagé à ce que les dispositions réglementaires nécessaires soient prises rapidement afin que les dispositions de la loi puissent être réellement applicables dans les meilleurs délais. Or, force est de constater, dix mois plus tard, que nous n'avons été informés d'aucune mesure.
Ma question, dès lors, est simple : le Gouvernement va-t-il tenir les engagements pris et mettre en oeuvre rapidement les moyens annoncés ?
En effet, monsieur le ministre, préciser certains points de la loi littoral pour éviter les dérives jurisprudentielles contraires à l'esprit du législateur, ce n'est pas porter atteinte à un texte dont personne ne nie le bien-fondé : c'est au contraire le conforter en le mettant à l'abri des critiques justifiées, nées d'interprétations ayant pour origine une méconnaissance des réalités du terrain.
A cet égard, quelle suite donnerez-vous à une proposition très concrète, consistant à réunir au plus tôt un groupe de travail composé notamment d'élus et de représentants des professionnels concernés, afin de faire les propositions d'aménagement qui s'imposent et de ne pas laisser au seul juge administratif l'interprétation de la portée des dispositions qualifiant les espaces proches du littoral ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je vous répondrai au nom de M. Dominique Perben, qui n'a pu être présent ce matin.
Votre question est très importante, car elle porte sur la compatibilité entre, d'une part, le développement de l'activité économique et agricole et, d'autre part, la protection nécessaire de l'environnement et du littoral.
Elle est aussi utile, dans la mesure où vous nous faites part des retards que vous avez pu constater dans l'application de la loi littoral. Il est donc normal que l'on se mobilise autour de cette question.
Le Gouvernement a affirmé, lors du débat sur la loi relative au développement des territoires ruraux, sa volonté de ne pas remettre en cause la loi littoral, qui assure un juste équilibre entre les impératifs de protection du littoral et les nécessités, tout aussi légitimes, de développement de ce dernier.
Comme vous l'avez observé, un certain nombre de dispositions de la loi littoral, parce qu'elles sont exprimées dans des termes généraux, créent des difficultés d'interprétation pour les communes littorales, et nous le reconnaissons.
L'article L.146-4 du code de l'urbanisme, et plus particulièrement la notion d'« espaces proches du rivage » qu'il contient, est source de difficultés juridiques. Néanmoins, l'évolution récente de la jurisprudence a permis de clarifier cette notion.
Par ailleurs, la loi relative au développement des territoires ruraux précise que le paragraphe I de l'article L.146-4, selon lequel l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, soit en continuité des agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, « ne fait pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d'origine animale ne soient pas accrus ».
Ces évolutions devraient permettre d'assurer la pérennité et le développement des exploitations agricoles dans les communes littorales.
M. Gilles de Robien, alors ministre de l'équipement, avait demandé à ses services de préparer une circulaire explicitant de façon plus précise les conditions dans lesquelles doit être appliquée la loi.
Cette circulaire, dont la parution est urgente et que vous attendez, est en cours de rédaction. Elle prendra en compte l'ensemble des évolutions récentes de la jurisprudence et sera accompagnée d'une plaquette d'explication à l'usage des élus.
Elle s'inscrit parfaitement dans les orientations fixées par le Président de la République à La Rochelle, le 18 juillet dernier, lors du trentième anniversaire du Conservatoire du littoral.
Enfin, comme vous l'avez rappelé, la loi relative au développement des territoires ruraux a créé un Conseil national du littoral. Le décret fixant sa composition est en cours de signature. C'est dans le cadre de ce conseil qu'une réflexion sur les questions de gestion intégrée du littoral pourra être utilement menée.
Vous pouvez compter sur moi, monsieur le sénateur, pour faire part à Dominique Perben, qui en est d'ores et déjà parfaitement conscient, de l'urgence que vous estimez requise pour l'installation de ce conseil, ainsi que pour la parution de la circulaire et l'édition de la plaquette d'explication.
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Monsieur le ministre, vous m'avez rassuré. Je souhaite simplement que la loi littoral connaisse le même succès que la loi montagne, qui, très riche en apports, a dû être adaptée à un moment donné. En effet, en tant que législateurs, nous ne pouvons pas confier l'avenir de nos territoires à la seule jurisprudence.
financement des RN 7 et RN 82
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 800, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport en France, l'AFITF, et ses incidences sur le financement de l'aménagement des routes nationales 7 et 82. En effet, cette question constitue un dossier à la fois crucial et douloureux pour le département que je représente.
Il s'agit, tout d'abord, d'un dossier crucial. Dans un contexte d'accroissement considérable du trafic routier, l'aménagement des routes nationales 7 et 82 est un véritable enjeu en matière d'infrastructure de transports, tant à l'échelle du territoire français dans son ensemble, puisqu'il offre une alternative à l'autoroute A6, parvenue à saturation, que pour le département de la Loire, dont il assurera le désenclavement et favorisera le développement.
C'est également un dossier douloureux, car les manques d'aménagement sur de nombreuses portions de cet axe et les discontinuités de largeur de la voie sont hautement accidentogènes. Plus de 150 morts sont à déplorer sur ces tronçons depuis 1992, un nombre qui ne peut que soulever l'indignation et le désarroi.
Diverses avancées ont été accomplies à ce sujet depuis la mise en place en 1989 du Programme spécifique d'accélération, le PSA, qui reconnaissait à cette route la qualité d'axe structurant à l'échelle nationale. Il importait également que la portion entre Cosne-sur-Loire et Balbigny soit aménagée dans son ensemble et non tronçon par tronçon.
Le 1er février 2005, M. Pascal Clément, président du conseil général de la Loire, a rencontré M. Gilles de Robien, alors ministre de l'équipement et des transports. Un nombre important de points problématiques furent traités lors de cette entrevue, ce qui a permis d'apporter certaines réponses à des demandes longtemps demeurées insatisfaites : tout d'abord, le déblocage de 1,2 million d'euros dans le cadre du nouveau programme « sécurité des usagers sur les routes existantes », SURE, pour effectuer les aménagements de sécurité les plus urgents ; ensuite, celui de 32 millions d'euros, qui devrait permettre de faire avancer les travaux de la déviation à deux fois deux voies « La Pacaudière-Changy ».
En outre, devant l'importance des acquisitions foncières nécessaires au doublement de l'ensemble de l'axe concerné, le conseil général de la Loire a consenti à accompagner financièrement l'Etat pour accélérer le processus.
Parallèlement au dossier de l'axe RN 7-RN 82, d'autres développements sont également venus apporter des satisfactions substantielles au besoin de désenclavement de la Loire. Ainsi, je ne puis que saluer les efforts accomplis par le Gouvernement auprès de la Commission européenne et qui ont permis l'adossement du tronçon Balbigny-Lyon à la concession Autoroutes du Sud de la France, ASF, de l'autoroute A 89.
L'ouverture de cette voie apportera une légère amélioration de la situation du trafic sur l'axe RN 7-RN 82, toutefois nettement insuffisante au vu de l'importance du trafic et de son accroissement futur.
La création officielle de l'AFITF permettait d'espérer des arrivées de crédits plus régulières. Cependant, la récente décision du Gouvernement de procéder à la cession des parts de l'Etat dans les sociétés immobilières, dont les dividendes devaient servir à alimenter le budget de l'AFITF, laisse planer de sérieuses craintes quant à la capacité future de cette agence à financer les travaux.
Entre-temps, de nouveaux accidents meurtriers nous rappellent l'urgence d'accomplir tous les efforts possibles pour achever les déviations entamées et effectuer les autres aménagements nécessaires sur l'ensemble de l'axe afin de sécuriser les trajets de nos concitoyens.
En conséquence, et au vu de ces nouveaux éléments, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir m'expliquer comment le Gouvernement entend honorer les engagements financiers qu'il a pris à diverses reprises concernant l'axe RN 7-RN 82.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir excuser Dominique Perben, qui m'a demandé de vous répondre en son nom.
L'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, a été créée par décret en novembre 2004. Il s'agit là d'une étape très importante dans l'application des décisions prises lors du CIADT, comité interministériel d'aménagement du territoire, du 18 décembre 2003. Cette agence, qui va financer les infrastructures de transport, a en effet un rôle essentiel à jouer pour l'avenir de notre pays.
Sa mission consiste à concourir, aux côtés des autres co-financeurs et dans un objectif de développement durable, au financement de grands projets d'infrastructures ferroviaires, routières, fluviales ou portuaires, ainsi que des autoroutes de la mer.
Le CIADT du 18 décembre 2003 avait prévu que l'AFITF finance un certain nombre de projets, les recettes de l'agence provenant des dividendes et de la redevance domaniale des sociétés concessionnaires d'autoroutes, ainsi que de dotations budgétaires de l'Etat.
A partir de 2006, l'AFITF continuera à recevoir le produit des redevances domaniales des sociétés concessionnaires d'autoroutes. A la suite de la cession du capital de ces dernières par l'Etat, l'AFITF sera dotée de nouvelles recettes : la taxe d'aménagement du territoire, la TAT, prélevée sur les concessionnaires d'autoroute, ainsi qu'une fraction, soit 40 %, du produit des amendes des radars. L'AFITF bénéficiera, en outre, d'une dotation budgétaire.
De plus, le Premier ministre a décidé de préparer l'avenir en favorisant l'investissement, notamment dans le domaine des infrastructures de transport. Pour cela, l'AFITF recevra une dotation exceptionnelle de 4 milliards d'euros, issue de la privatisation des sociétés concessionnaires et bénéficiera donc de toutes les ressources nécessaires pour financer les objectifs qui lui ont été fixés par le CIADT du 18 décembre 2003.
M. Dominique Perben est conscient des enjeux majeurs que représente l'aménagement à deux fois deux voies de l'axe RN 7-RN 82 en termes de trafic et de sécurité. Le Gouvernement a d'ailleurs eu l'occasion d'affirmer tout l'intérêt qu'il lui portait lors de ce comité interministériel de 2003.
L'AFITF apporte son financement à cet aménagement.
Dès cette année, la quasi-totalité des financements nécessaires à la réalisation de la déviation de La Pacaudière-Changy sera mise en place.
Dès cette année aussi, près de 8,5 millions d'euros de crédits de l'Etat seront affectés à ces sections de la RN 82 dans le département de la Loire, dont 6,8 millions d'euros pour la section entre la RN 7 et la déviation de Neulise.
La relance des contrats de plan décidée par le Premier ministre ainsi que les dotations dont bénéficie et bénéficiera l'AFITF permettront donc de donner un nouvel élan à ces aménagements.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m'apporter, en réponse notamment aux inquiétudes que je manifestais à la suite de l'accident de ce bus transportant des enfants qui a fait la une des journaux voilà quelques mois et plongé dans le drame de nombreuses familles. Nous n'en resterons pas moins très vigilants à l'avenir.
lutte contre les offres non sollicitées par les consommateurs
M. le président. La parole est à M. André Rouvière, auteur de la question n° 803, transmise à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les formes de pression développées par certains organismes à l'égard de leurs clients ou de leurs adhérents.
L'opérateur Orange vient ainsi d'adresser à certains de ses clients une carte « Orange Premier » accompagnée d'une lettre où il est écrit : « Vous êtes libre d'arrêter cette offre à tout moment sur simple appel à votre service client. Sinon vous continuerez bien sûr à profiter de cette offre : il ne vous en coûtera que 10 euros par mois. »
Autre exemple, voilà quelques jours, un particulier signalait à la radio qu'une société immobilière dont il était adhérent l'avait prévenu qu'elle prélèverait tous les mois un euro sur le compte de ses clients pour les verser à des oeuvres caritatives sauf s'ils faisaient connaître leur désaccord.
Ainsi, sans avoir rien sollicité, le client ou l'adhérent reçoit une proposition payante qu'il doit annuler s'il ne veut pas l'accepter. Il s'agit là, monsieur le ministre, d'une sorte de pression qui, si elle continue à se développer, risque d'obliger les particuliers à réagir continuellement et à faire preuve d'une vigilance contraignante.
Il me paraît tout à fait anormal d'avoir à refuser une offre non sollicitée. Monsieur le ministre, ne devrait-on pas non seulement interdire les offres de ce type - je le sais, elles le sont déjà - mais surtout prévoir des sanctions suffisamment dissuasives pour faire cesser ces pratiques ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous l'avez dit vous-même, ces pratiques sont interdites.
Dans son article L. 122-3, le code de la consommation dispose ainsi que « la fourniture de biens ou de services sans commande préalable du consommateur est interdite lorsqu'elle fait l'objet d'une demande de paiement ».
Au cas d'espèce, l'envoi d'une offre de service non sollicitée entre dans le champ d'application de cet article et s'apparente à ce que l'on appelle communément une « vente forcée » dès lors que la proposition ne résulte pas d'une commande expresse et fait l'objet d'une demande de paiement.
Au surplus, toujours selon les termes de l'article L. 122-3 du code de la consommation, « aucune obligation ne peut être mise à la charge du consommateur qui reçoit un bien ou une prestation de service en violation de cette interdiction ». Par conséquent, en l'absence d'utilisation de l'offre, il ne peut être exigé du consommateur qu'il manifeste sa volonté de l'annuler, toute somme indûment perçue par le prestataire devant, bien sûr, être restituée, éventuellement augmentée d'intérêts, en application de ce même texte.
La législation est claire et il ne nous semble donc pas utile de prendre des mesures spécifiques allant au-delà des dispositions générales du code de la consommation, ce type d'offres étant déjà prohibé.
Cela étant dit, ces offres existent, raison pour laquelle la poursuite des pratiques commerciales illicites concernant le démarchage et la vente forcée fera partie des orientations prioritaires des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour l'année 2006, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'annoncer lors de la table ronde entre opérateurs de communications électroniques et consommateurs qui s'est tenue le 27 septembre dernier. La DGCCRF va donc mener une action spécifique ciblée sur ces pratiques interdites en 2006.
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais le code de la route serait-il aussi bien respecté depuis quelque temps s'il ne prévoyait pas d'amendes ?
Il est vrai que les pratiques que je dénonce sont interdites, mais il faut assortir ces interdictions de sanctions. Aujourd'hui, il s'agit non pas seulement d'envois d'objets mais de prélèvements opérés directement sur les comptes des clients, comme dans les deux exemples que j'ai cités. Il faut donc faire preuve d'une grande vigilance et, si on n'est pas d'accord, saisir la justice, mais je connais beaucoup de gens pour qui saisir la justice est une montagne à franchir !
Pour empêcher le développement de ces pratiques et faire respecter l'interdiction, il faut, monsieur le ministre, prévoir dans la loi des sanctions réellement dissuasives.
situation des entreprises du paysage
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 782, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des entreprises dites « entreprises du paysage ».
Ces entrepreneurs, artisanaux ou même industriels, qui s'occupent de l'aménagement paysager et des travaux importants dans les jardins et, parfois, dans les massifs forestiers doivent en effet faire face à des problèmes de concurrence liés à la réglementation des services à la personne récemment mise au point par votre collègue M. Borloo.
Cette réglementation a permis la création d'associations ou d'entreprises de services à la personne dont l'objet exclusif est la réalisation de prestations de petit jardinage à l'attention des particuliers, ces associations bénéficiant d'une réduction d'impôt et d'un taux de TVA réduit. Toutefois, certains prestataires semblent avoir détourné la réglementation afin d'effectuer dans ce cadre des travaux extrêmement importants.
Les entreprises du paysage souffrent de cette concurrence déloyale. Les distorsions mettent les petites entreprises en situation délicate et obligent même certaines d'entre elles à licencier.
Je souhaite connaître les dispositions que le Gouvernement compte prendre pour mettre fin à ces pratiques illicites et de faire appliquer strictement la loi sur les services à la personne.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, les prestations que vous visez dans votre question sont parfois assurées par des associations ou par des entreprises de services à la personne que vous soupçonnez de ne pas assumer la totalité des charges qui incombent normalement aux entreprises traditionnelles du secteur, à savoir les entreprises du paysage.
Les associations peuvent tout à fait légalement exercer des activités commerciales. Elles sont alors soumises au droit commun du code de commerce et ont, en outre, l'obligation spécifique, conformément à l'article L. 442-7 du code de commerce, de mentionner dans leurs statuts, si tel est le cas, l'exercice habituel de leurs activités marchandes.
Sur le plan fiscal, les associations exerçant à titre habituel une activité lucrative sont assujetties à l'impôt sur les sociétés, à la taxe professionnelle et à la TVA dans tous les cas où elles exercent leur activité sur un marché concurrentiel et où elles fonctionnent comme des entreprises purement commerciales.
Seules les associations réservant leurs prestations à un public spécifique et exerçant une activité sociale sans but lucratif bénéficient d'un régime d'exonération fiscale.
En outre, tous les organismes assurant des prestations de jardinage à titre professionnel doivent être titulaires, pour certaines de ces prestations, d'un agrément phytosanitaire.
Les services fiscaux et l'inspection du travail sont habilités à recevoir les plaintes, si plaintes il y a, des professionnels concernant les manquements aux réglementations précitées.
Les services locaux de la DGCCRF peuvent intervenir pour leur part dans les cas de publicité trompeuse, en application de l'article L. 121-1 du code de la consommation, ou d'infraction aux dispositions sur le démarchage à domicile.
Enfin, plus généralement, toute entreprise qui s'estimerait victime localement de concurrence déloyale de la part d'associations pourrait engager une action contentieuse devant le juge civil sur la base des articles 1382 et 1383 du code civil. Il importe dans ce cas que l'entreprise puisse démontrer la réalité du dommage subi en termes de réduction d'activité et le lien de causalité entre l'activité de l'association et le dommage.
Tels sont donc les moyens dont disposent les entreprises du paysage pour faire face à la concurrence que vous mentionnez.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, il s'agit non pas d'un « soupçon », mais d'une réalité qui, dans mon département comme dans d'autres, se manifeste dans les difficultés que rencontrent nombre d'entreprises du paysage.
Il ne faut pas confondre le pragmatisme, c'est-à-dire l'utilisation du chèque-emploi-service pour que tout un chacun puisse faire entretenir par un jardinier son petit lopin de terre et la concurrence déloyale qui met en danger les salariés des entreprises.
Vous avez évoqué la législation, monsieur le ministre, mais vous n'avez pas dit si des mesures complémentaires pouvaient être prises pour réduire les déviances. A cet égard, l'exemple scandinave fournit un bon modèle : il a montré qu'il était possible de créer des emplois sociaux et des emplois d'aide à la personne dans différents secteurs et, dans le même temps, de préserver les entreprises, artisanales et industrielles, appelées à faire des travaux plus importants.
Je souhaiterais donc une réflexion sur ce sujet. Le Gouvernement doit faire preuve d'efficacité et de volonté dans ce domaine.
situation préoccupante de l'emploi en gironde
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 790, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, je tiens à vous alerter sur la situation fort préoccupante de l'emploi en Gironde, situation illustrée par la récente dégradation de deux sites industriels très importants.
S'agissant tout d'abord de l'entreprise des Fonderies du Bélier, située à Vérac, dans le Libournais, et spécialisée dans la fonderie et l'usinage des pièces d'aluminium, 86 emplois salariés sur les 530 que comptait cette usine viennent d'être supprimés de façon arbitraire. Quid des procédures de licenciement ? Déjà, à l'automne dernier, on a enregistré le départ de 220 intérimaires, et il n'en reste donc plus que 30.
Que compte faire le Gouvernement pour éviter le démantèlement de ce site industriel ?
J'en viens à la situation des usines Ford, implantées depuis 1973 à Blanquefort, dans la banlieue de Bordeaux. Le 17 octobre dernier, la direction a confirmé la suppression de 400 emplois, alors que ce site, avec 3 350 salariés, est le premier employeur industriel d'Aquitaine.
Selon les chiffres publiés par la chambre de commerce et d'industrie, Ford, c'est 645 millions d'euros d'impact économique en 2002 et 43 millions d'euros de taxe professionnelle versés en 2003.
Avec la sous-traitance, les activités de cette entreprise génèrent 15 000 emplois dans la région. Si je vous cite tous ces chiffres, monsieur le ministre, c'est pour vous montrer l'importance de ce site, tant en Gironde qu'en Aquitaine.
Plus grande usine de transmission Ford en dehors des Etats-Unis, l'établissement situé à Blanquefort a été scindé en 2001 en deux sociétés : d'une part, Getrag Ford Transmission, ou GFT, d'autre part, Ford Aquitaine Industries, ou FAI.
La société GFT, qui est la plus petite unité, est contrôlée à 50 % par Ford et à 50 % par le groupe allemand Getrag ; spécialisée dans la fabrication de boîtes manuelles équipant les modèles européens du constructeur - Fiesta, Focus, Ka -, cette usine emploie 900 salariés.
La société FAI est la plus grande unité ; cette usine, qui fabrique des transmissions automatiques pour des modèles comme le pick-up Ranger, la Mustang et le 4x4 Explorer, emploie 2 650 salariés.
La plus petite unité a certes subi, en 2005, une baisse d'activité due à la concurrence des véhicules Diesel - 2 100 boîtes par jour au lieu de 2 600 en 2004 -, GFT ne fabriquant des transmissions que pour les véhicules à essence.
La plus grande usine, ou FAI, enregistre une baisse très importante de production des boîtes de vitesse : alors que le nombre de boîtes produites s'élevait, en 2002, à 800 000 boîtes, il n'était plus, en 2005, que de 470 000, l'objectif pour 2006 étant fixé à 500 000.
Cette baisse de production s'explique bien évidemment par la hausse du prix du carburant et la chute consécutive de près de 46 % de la vente des 4x4 - le 4x4 Explorer était le troisième modèle le plus vendu aux Etats-Unis, et le pick-up Ranger le septième -, sans oublier la concurrence des modèles asiatiques.
Sur les 400 emplois supprimés, 250 départs prendront la forme de préretraite pour les ouvriers de plus de cinquante-cinq ans, 150 ouvriers étant concernés par des mesures d'incitation au départ. Jamais les usines de Blanquefort n'avaient subi un plan de « départs volontaires » aussi important...
Monsieur le ministre, vous imaginez l'émoi suscité en Gironde par l'annonce de ce plan de suppressions d'emplois. C'est l'avenir et l'équilibre économique et social de toute une région qui sont menacés !
Au-delà des emplois, 150 entreprises locales - fournisseurs et sous-traitants - sont concernées dans le domaine de la maintenance des machines, de l'outillage, de l'entretien, des fournitures ; certaines PME locales doivent à Ford entre 40 et 50 % de leur activité !
Même si la direction annonce des plans de charge assurés jusqu'en 2010, voire 2012, l'avenir du site industriel de Blanquefort devient préoccupant et exige des pouvoirs publics - Etat et collectivités locales - une réponse adaptée.
Il faut savoir, monsieur le ministre, que ce site, unité de production très performante au niveau tant de la capacité de production que de l'innovation sociale, a déjà bénéficié de nombreuses aides financières, techniques et logistiques.
L'absence de perspectives industrielles et d'investissement dans les nouvelles technologies, l'inexistence d'un véritable pôle mécanique en Gironde posent le problème de la mise en place de moyens nécessaires à la conquête de nouveaux marchés, comme, par exemple, la boîte de vitesse à six rapports à destination des pays européens ou le moteur hybride...
Faute de nouveaux investissements dans les prochaines années, on assistera à des plans sociaux à répétition dont la région Aquitaine subira les conséquences dramatiques.
Monsieur le ministre, tous ces éléments doivent suffire, je pense, à vous faire prendre conscience de la gravité de la situation actuelle des usines Ford. Êtes-vous en mesure de nous donner aujourd'hui des assurances quant à la pérennité de ce site ? Ne pensez-vous pas qu'il serait opportun de lancer une étude prospective relative à la recherche d'une nouvelle stratégie industrielle à même de diversifier, et donc de consolider, l'avenir de ce site ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président du conseil général de Gironde, un déplacement à Bordeaux la semaine dernière m'a permis de constater les succès et les atouts des entreprises de votre département, mais aussi les difficultés que vous avez évoquées.
S'agissant des Fonderies du Bélier, à Vérac, une réduction de 86 emplois salariés sur les 530 que compte cette entreprise a été effectivement annoncée.
En fait, il appartient aujourd'hui aux dirigeants des Fonderies du Bélier d'apporter la justification économique de ces suppressions d'emplois par rapport aux textes existants, et, surtout, de proposer des solutions de reclassement aux salariés dans le cadre de la négociation en cours avec les partenaires sociaux.
Je tiens cependant à signaler que cette unité industrielle a enregistré des pertes en 2004 : elle a ainsi perdu 7 millions d'euros sur un chiffre d'affaires de 188 millions d'euros sans que la pérennité de cet établissement soit pour autant véritablement compromise, semble-t-il.
Plus généralement, cette entreprise rencontre un succès éclatant dans le secteur automobile. Créée en 1961 à partir d'une fonderie artisanale, elle est passée en vingt ans au stade d'une moyenne, puis d'une grande entreprise. Elle s'est développée à l'étranger pour suivre des clients et emploie, au-delà des 530 personnes mentionnées à Vérac, 3 000 personnes dans le monde.
D'une certaine façon, les négociations en cours avec les syndicats sont donc la meilleure réponse aux préoccupations dont vous faites part.
S'agissant des usines Ford, la suppression de 400 emplois dans les usines de Blanquefort, qui fabriquent des boîtes de vitesse et emploient au total 3 300 personnes, a été annoncée le 17 octobre dernier.
J'ai eu à Bordeaux l'occasion de parler de cette situation directement avec M. Claus, président de Ford Aquitaine Industries. Ce dernier m'a confirmé que son objectif est bien zéro licenciement. Son groupe a apporté l'argent nécessaire pour financer à 100 % la mise en préretraite de 250 salariés et encourager le départ volontaire de 150 autres salariés en facilitant leur reclassement dans un rayon de moins de cent kilomètres.
Certes, l'entreprise a subi récemment un certain nombre de difficultés, faute d'avoir remporté tel ou tel marché. C'est ainsi que la boîte de vitesse n'a pas rencontré aux Etats-Unis le succès escompté sur les 4x4.
Ce sont des choses qui arrivent dans la vie d'une entreprise. Elles ont été, en l'occurrence, aggravées par une importante différence de taux de change, qui a amoindri la compétitivité de l'euro face au dollar. S'y sont ajoutées la baisse du marché américain et, comme vous l'avez rappelé vous-même, monsieur le sénateur, la concurrence asiatique.
Toutes ces difficultés, c'est vrai, se sont conjuguées ces derniers temps. Mais la société Ford a apporté les moyens nécessaires afin que ces 400 suppressions d'emploi interviennent dans de bonnes conditions pour les personnes concernées, sans aucun licenciement.
Contrairement à certaines usines d'assemblage de véhicules du groupe Ford situées hors de France, la pérennité du site de Blanquefort ne nous semble menacée ni à court terme ni à moyen terme.
Il faut, en revanche, que les pouvoirs publics, c'est-à-dire l'Etat comme les collectivités locales, s'unissent et améliorent ensemble rapidement, comme nous avons su le faire dans le passé, les conditions du développement futur de Ford en Aquitaine. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que mes services et le préfet de région sont, depuis déjà plusieurs jours, mobilisés sur ce sujet. Différentes pistes de travail ont déjà été identifiées avec l'entreprise, et nous les étudions ensemble.
Au-delà du soutien accordé à ces deux sociétés, je rappelle que le Gouvernement s'est fortement engagé en faveur du développement économique de la région Aquitaine : trois candidatures ont été labellisées cet été « pôles de compétitivité », dont l'un au niveau mondial, l'aéronautique, conjointement avec la région Midi-Pyrénées.
Si l'on ajoute à cela le renforcement des infrastructures de transport - tramway, modernisation du port, nouveau terminal pour l'aéroport, ligne TGV -, cela donne plutôt le sentiment d'une politique extrêmement active et favorable pour le département de la Gironde, pour la création d'emplois dans l'industrie, mais aussi dans tous les secteurs connexes, tels les transports ou les pôles de compétitivité de la région.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je pense néanmoins qu'une mobilisation et une action immédiate du Gouvernement et des services de l'Etat en direction des responsables américains et européens de Ford s'imposent pour consolider la santé de cette entreprise, et donc sauver ces usines. En l'absence de nouveaux marchés et de soutien par un projet d'investissement, je crains que l'on ne coure à la catastrophe.
pérennisation du taux réduit de tva sur les travaux dans les bâtiments anciens
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 804, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean Bizet. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les préoccupations exprimées par les professionnels du bâtiment à propos de la pérennité du taux de TVA réduit applicable aux travaux de rénovation dans les bâtiments anciens.
En effet, la directive communautaire du 29 octobre 1999 a autorisé l'application du taux réduit de TVA uniquement jusqu'au 31 décembre 2005.
Force est de constater que, avec la création de plus de 53 000 emplois, dont 40 000 dans le bâtiment, et une augmentation du montant des travaux de 3,8 milliards d'euros par an, cette mesure a eu de larges effets bénéfiques en matière de dynamisme économique et de lutte contre le travail au noir.
Elle a fortement favorisé l'amélioration de l'habitat ancien, s'agissant notamment des travaux de mise en sécurité et d'économie d'énergie.
Il est donc primordial que cette disposition puisse être maintenue au-delà de la date fixée par l'Union européenne.
Je souhaite par conséquent que me soient précisées les initiatives prises par le Gouvernement en vue de maintenir ce taux réduit pour ce secteur d'activité, générateur de plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
Je vous rappelle, monsieur le ministre - mais vous le savez mieux que quiconque -, qu'une telle décision nécessite l'unanimité des vingt-cinq Etats membres. Au-delà des expériences conclues en 2002, en 2003 et en 2004, il serait pertinent d'améliorer la lisibilité pour ce milieu artisanal, avec l'application définitive du taux de TVA réduit pour les travaux de rénovation dans le bâtiment.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous soulevez un point extrêmement intéressant, sur lequel il convient en effet de rassurer les artisans concernés et les acheteurs potentiels, en leur donnant des assurances sur le taux de TVA applicable à partir de l'année prochaine.
Comme nous l'avons déjà dit, nous faisons tout pour que le système du taux réduit de TVA sur les travaux dans les bâtiments anciens soit maintenu l'année prochaine afin de perpétuer la création d'emplois probablement très importante - environ 50 000 emplois - dont cette mesure est à l'origine.
On peut aussi estimer que la baisse du taux de TVA a provoqué une forte diminution du travail au noir.
En outre, cette disposition, en permettant d'améliorer le cadre de vie de l'habitat, a un effet très bénéfique sur la rénovation du logement ancien.
Au total, on peut chiffrer le surcroît d'activités correspondant à ces 50 000 emplois à environ 2 milliards d'euros par an.
Si nous avons établi les simulations budgétaires en intégrant le maintien de cette mesure, vous avez néanmoins raison, monsieur le sénateur : formellement, il faut que nos collègues de l'Union européenne approuvent la mesure. C'est exactement dans dix jours que cette décision pourra être prise par Ecofin.
Je suis persuadé, compte tenu de toutes les assurances que nous avons pu obtenir, qu'il n'y aura aucun problème à cet égard. Par conséquent, il nous est possible, dès aujourd'hui, de rassurer à la fois les artisans et les acheteurs potentiels quant au maintien du taux de la TVA à 5,5 %.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Cela étant, la grande confiance que je vous porte, ainsi qu'à l'ensemble du Gouvernement, n'exclut pas une certaine méfiance de ma part à l'égard des autres Etats membres. Je pense notamment à l'Allemagne qui, dans ses dernières propositions, avait envisagé de relever l'ensemble des taux de TVA sur son territoire ; or l'Allemagne était tout de même l'un de nos partenaires les plus fiables en la matière. C'est la raison pour laquelle je suis malgré tout un peu méfiant.
Je tiens à rappeler - j'ai d'ailleurs toute confiance dans le gouvernement français sur ce point - que cette situation concerne quelque 335 000 entreprises artisanales et que cela va de concert avec l'action menée par le Gouvernement à travers la mise en place du contrat nouvelle embauche.
situation de l'industrie de la chaussure en france
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 827, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation de la chaussure en France en général, mais aussi dans le bassin de Romans en particulier, dont la production de chaussures de luxe ne manque pas de clients.
Quelques jours après le dépôt de bilan de Kélian, l'une des trois marques présentes sur le site, intervenu à la fin du mois d'août, l'entreprise Jourdan a été mise en redressement judiciaire. Or, si Jourdan devait effectivement fermer, 800 salariés, sous-traitants compris, se retrouveraient sans travail, alors que le taux de chômage dans l'agglomération de Romans atteint déjà 16,7 %, ce qui est considérable. C'est ainsi que les 342 derniers emplois de Jourdan - je rappelle que l'entreprise en comptait 2 000 en 1971 - seraient menacés.
Bien évidemment, une telle situation ne va pas sans difficultés, et l'émotion est grande parmi les salariés, les élus et la population, l'industrie de la chaussure ne manquant pas de clients. En fin de compte, l'entreprise a pris l'engagement de céder la marque à tout repreneur pour une somme comprise entre 500 000 et 1 000 000 euros, ce qui constitue un premier pas. En fait, l'entreprise a accepté que la marque soit rapatriée ! Mais je ne m'appesantirai pas sur ce point.
Quant à l'entreprise Kélian, ses effectifs sont passés de 620 dans les années quatre-vingt-dix à pratiquement zéro aujourd'hui, ce qui, cette fois encore, ne va pas sans émotion, sans mobilisation.
Le procureur de la République a finalement décidé, le 16 septembre dernier, l'ouverture d'une enquête préliminaire sur les conditions de liquidation judiciaire de Kélian, enquête qui doit être menée à son terme.
Or, monsieur le ministre, si je vous interroge, c'est non pas pour vous demander d'influer sur la justice, mais parce que les pouvoirs publics ne nous semblent pas prendre les mesures nécessaires pour inverser ce cours des choses pour le moins néfaste.
Comme ce fut le cas pour Hewlett-Packard, se pose la question du remboursement des sommes encaissées au titre des fonds publics.
Par ailleurs, au vu de la situation et dans le cadre d'un sauvetage de l'entreprise Jourdan, ne faudrait-il pas intégrer aux résultats de cette société le produit de la vente de ses magasins de Romans et de Paris Champs-Elysées, qui rapportent beaucoup, comme chacun le sait.
A cette fin, l'organisation d'une table ronde ou tout au moins d'une réunion associant l'ensemble des partenaires dont, en premier lieu, les salariés de ce secteur nous paraît urgente et constituerait un signe du bon vouloir du Gouvernement.
Enfin, je souhaiterais savoir à quelles fins les fonds du comité interministériel d'aménagement et de compétitivité du territoire, le CIACT, affectés au bassin romano-pégeois sont mobilisés. Selon mes informations, 300 000 euros seulement seraient destinés aux actions de la filière chaussure, ce qui, si cela était avéré, serait fort regrettable. En effet, nous devons tout de même avoir à coeur, me semble-t-il, de défendre le savoir-faire de l'industrie de la chaussure française.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Madame la sénatrice, vous venez d'évoquer la situation de l'industrie de la chaussure en France, en particulier dans le Romanais et, notamment, la régression historique de l'emploi dans cette région.
Dès l'annonce, les 22 et 24 août, de la liquidation de la société Stéphane Kélian, puis de l'ouverture de la période de redressement judiciaire de Charles Jourdan, le Gouvernement s'est mobilisé. D'ailleurs, le 25 août, soit le lendemain de l'annonce concernant la société Charles Jourdan, je me suis rendu, à la demande du Premier ministre, dans la Drôme avec mes collègues Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher afin de rencontrer les élus et les représentants des personnels.
Nous avons, sans attendre, annoncé aux acteurs locaux la préparation d'un contrat de site en faveur du bassin d'emplois de Romans et du nord de la Drôme, pour tenir compte des trop nombreuses réductions d'effectifs sur ce territoire et accélérer la création de nouveaux emplois ; il s'agissait là d'un premier élément indispensable. A cet effet, un sous-préfet a été rapidement nommé, qui est chargé de mission auprès du préfet de la Drôme, dans le but de coordonner l'élaboration de ce contrat de site.
Lors du comité interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires qui s'est réuni le 14 octobre dernier, c'est-à-dire voilà seulement quelques jours, le contrat de site a été décidé de manière formelle.
Ce contrat de site comportera trois volets - un volet « emploi », un volet « industrie-recherche » et un volet « politique de la ville » -, tous dotés de dispositifs d'intervention et faisant l'objet d'actions très précises envisagées dès maintenant.
Tout d'abord, le volet « emploi » mobilisera, dans le cadre d'une plate-forme de reclassement et de reconversion, l'ensemble des dispositifs d'intervention disponibles. Un accord de principe a ainsi déjà été donné pour la création d'une maison de l'emploi. Dans ce cadre, il est ainsi prévu de proposer aux salariés licenciés de bénéficier d'un appui personnalisé et d'actions de formation renforcées - convention de reclassement personnalisée du plan de cohésion sociale. De plus, des actions en faveur des sous-traitants des entreprises de la chaussure en difficulté sont d'ores et déjà prévues.
Par ailleurs, le volet « industrie-recherche » devrait comporter notamment des actions collectives pour la filière cuir-chaussure. De plus, la zone d'emplois de Romans est concernée par cinq pôles de compétitivité, et bénéficiera, pour deux d'entre eux, du zonage recherche et développement sur une partie de son territoire.
Enfin, le volet « politique de la ville » vise à renforcer les opérations urbaines existantes et à mettre en place de nouvelles interventions.
En résumé, nous avons très rapidement mis en oeuvre les instruments susceptibles d'apporter dans le domaine de la chaussure, mais aussi, bien évidemment, dans d'autres secteurs, des réponses aux inquiétudes que connaît ce département.
Par ailleurs, le tribunal de commerce de Rouen examine en ce moment les candidatures à la reprise de l'entreprise Charles Jourdan. Pour ce faire, il auditionnera le 26 octobre, c'est-à-dire demain, les différentes candidatures. Le Gouvernement, pour sa part, appuiera les options qui reprendront le plus grand nombre de personnels. Nous serons évidemment très attentifs à la condition de la disponibilité de la marque ; cela dit, je le répète, l'affaire est pendante devant le tribunal de commerce.
Au-delà du contrat de site, des décisions du tribunal de commerce et du soutien que l'Etat pourra apporter aux repreneurs, il faut, bien entendu, voir ce que l'on peut faire pour l'industrie de la chaussure en général. A cet égard, dès le 5 septembre dernier, j'ai reçu le président de la fédération française de la chaussure - il a également été reçu par mon collègue Gérard Larcher -, et nous sommes convenus de nous revoir pour approfondir certains points.
Cela dit, dès le 5 septembre, j'ai pu assurer le président de cette fédération du financement du comité interprofessionnel de développement des industries du cuir de la maroquinerie et de la chaussure, le CIDIC, et du centre technique du cuir, le CTC, organismes qui permettent de soutenir la présence des entreprises françaises du secteur sur les salons étrangers, de développer la création et de financer des actions d'innovation dans le secteur. Ce financement avait, il faut le dire, connu quelques interruptions ; notre volonté est de le relancer afin que les actions envisagées puissent se poursuivre dans les meilleures conditions.
Nous avons également prévu dans le projet de loi de finances pour 2006 une amélioration du crédit d'impôt création, le CIC, qui donnera droit dès l'année prochaine non seulement aux entreprises du cuir mais aussi à celles du textile et de l'habillement à une réduction d'impôt de 10 % de leurs dépenses en faveur de la création - cette réduction était jusqu'à présent de 5 % -, ce qui pourra évidemment leur permettre de faire la différence par rapport à leurs concurrents.
De la même façon, nous avons précisé que la défense de la propriété des dessins et modèles ferait partie de cette assiette.
Par conséquent, madame la sénatrice, il existe des dispositions spécifiques à la profession, et qui sont importantes pour le département, sans oublier le soutien clair du Gouvernement en faveur des différentes options de reprise de l'entreprise Charles Jourdan.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je sais bien évidemment que de nombreux membres du Gouvernement se sont rendus dans la Drôme ; mais il en a fallu beaucoup pour en arriver là !
Certes, l'histoire de la chaussure ne date pas d'hier et le gouvernement auquel vous appartenez n'est donc pas responsable de tout.
Cela dit, les différentes propositions de reconversion ou de plan social ne correspondent évidemment pas au souhait de la population, laquelle sait parfaitement ce qui risque de se passer au bout de quelques mois. J'ajouterai que les gens sont, à juste titre, attachés au maintien de l'industrie de la chaussure française.
Vous avez tracé quelques pistes pour l'avenir, monsieur le ministre. Pour ma part, je suis très méfiante à cet égard, et il me semble - je me fais d'ailleurs en cela le porte-parole des élus et de la population concernés - qu'il faut vraiment tout faire pour conserver ce savoir-faire, afin de satisfaire les clients qui, n'en doutons pas, existent.
Ce n'est pas le coût du travail dans l'industrie de la chaussure qui pose des problèmes, celui-ci n'étant pas très important. Ce qu'il faut, c'est que l'Etat s'investisse pour conserver cette industrie.
Vous savez que Charles Jourdan est aujourd'hui une véritable nébuleuse qui ne compte pas moins de dix-sept sociétés. L'entreprise a été scindée en plusieurs sociétés et filiales, ce qui, en réalité, a facilité un véritable dépeçage de cette entreprise.
Il me semble donc nécessaire de prendre toutes les mesures pour prévenir, combattre et sanctionner de telles attitudes prédatrices qui entraînent des catastrophes sur l'emploi, donc sur la population tout entière.
Il est vrai que nous saurons le 26 octobre, c'est-à-dire demain, quel sera le repreneur de Charles Jourdan. A cette occasion, je le répète, monsieur le ministre, le Gouvernement doit prendre toutes les mesures destinées non seulement à défendre l'intérêt des salariés, mais aussi à assurer l'avenir de cette branche industrielle française.
gel des crédits de fonctionnement de l'enseignement supérieur agricole
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, auteur de la question n° 811, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Christian Gaudin. Voilà quelques semaines, les chefs d'établissements de l'enseignement supérieur agricole public apprenaient la mise en oeuvre d'une décision de gel de crédits de fonctionnement de la part de leur ministère de tutelle, ce qui, bien évidemment, a aussitôt suscité de lourdes inquiétudes.
Ainsi, pour l'Institut national d'horticulture, l'INH, situé à Angers, dans mon département, cette mesure porte sur une restriction des moyens de 211 000 euros, soit 16,5 % de la subvention de fonctionnement.
Une telle décision, si elle devait être confirmée, serait difficilement supportable pour cet établissement déjà faiblement doté, du fait de sa création récente. Elle obligerait en fait l'INH à un recentrage prioritaire sur les tâches d'enseignement.
De plus, cette restriction budgétaire pénaliserait durablement cet établissement public, qui, pourtant, est appelé à participer à la dynamique de recherche et d'innovation du pôle de compétitivité du végétal spécialisé de l'Anjou, qui vient d'être récemment labellisé par le Gouvernement.
En conséquence, pouvez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer le montant des crédits affectés à l'enseignement supérieur et à la recherche, rattachés au ministère de l'agriculture, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2006 ?
En conclusion, je rappellerai qu'une baisse des crédits de fonctionnement par rapport à la précédente loi de finances serait en contradiction avec la priorité du Gouvernement de développer la recherche et l'innovation, notamment au sein des pôles de compétitivité.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, m'exprimant ce matin au nom de M. Dominique Bussereau, j'ai la chance de pouvoir vous annoncer de bonnes nouvelles.
S'agissant des crédits de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur agricoles, je voudrais immédiatement vous rassurer : le ministère de l'agriculture et de la pêche a certes fait preuve de solidarité gouvernementale et contribué à maîtriser la dépense publique. Mais cet effort budgétaire a été moindre pour ce qui concerne l'enseignement supérieur agricole : j'ai ainsi le plaisir de vous informer que les établissements d'enseignement supérieur, dont l'Institut national d'horticulture d'Angers, viennent de recevoir les ressources nécessaires à la poursuite de leur activité.
Au-delà de ce rétablissement de crédits, je souhaite, au moment où la Haute Assemblée engage les travaux d'examen du projet de loi de finances pour 2006, vous confirmer que le Gouvernement conforte son appui à l'enseignement supérieur et à la recherche dans le domaine de compétences du ministère de l'agriculture et de la pêche.
L'enseignement supérieur et la recherche agricoles sont clairement identifiés dans un programme rattaché à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », dont les crédits progressent de 11 % en 2006 par rapport à 2005. Cette augmentation traduit dans les chiffres notre volonté politique de faire progresser ces secteurs.
Cet effort permettra de soutenir la dynamique engagée par l'enseignement supérieur agricole, qui a entrepris de se structurer en pôles de compétences de formation et de recherche attractifs et performants à l'échelle mondiale. Certains de ces ensembles, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, travaillent en synergie avec les pôles de compétitivité mis en place récemment par M. le Premier ministre et confirmés lors du dernier comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires.
Notre recherche et notre enseignement supérieur agricoles sont reconnus et contribuent pleinement à garantir la qualité et les innovations dans tous les secteurs liés à la production agricole. Ils méritent assurément de travailler de manière sereine et efficace. Soyez donc sûr, monsieur le sénateur, que nous utiliserons l'ensemble des dispositifs institués par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances pour préserver leur budget des mesures de régulation.
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le ministre, je vous remercie de ce rétablissement de crédits. La répartition des postes de recherche entre les pôles de compétitivité a en effet été décidée lors du comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires du 14 octobre 2005. Elle est bien sûr de niveau stratégique. Je souhaite vivement que le rétablissement des moyens financiers s'accompagne de l'affectation effective de ces postes.
conditions de commercialisation des médicaments génériques
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, auteur de la question n° 781, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. Gilbert Barbier. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, j'avais attiré l'attention du ministre de la santé sur d'éventuelles dérives dans la commercialisation des médicaments génériques. N'ayant pas reçu de réponse satisfaisante sur le fond, je me permets de reprendre aujourd'hui mon propos.
Comme vous le savez, l'article L. 5121-10 du code de la santé publique rend possible l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché pour un médicament générique deux ans avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle qui s'attachent à la spécialité de référence.
Cette disposition, introduite en décembre 2003, permet un accès plus rapide des médicaments génériques au marché.
Certains, jouant les Cassandre, nous assuraient voilà quelques années que le médicament générique ne marcherait jamais. Les chiffres démontrent qu'ils ont eu tort : son taux de pénétration est en progression constante dans notre pays !
L'article L. 5121-10 du code de la santé publique devrait renforcer encore cette tendance. Cependant, en prévoyant l'inscription de la spécialité générique dans le répertoire des groupes génériques dès l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché, il favorise aussi le risque de commercialisation illicite.
En effet, les fabricants peuvent avoir la tentation - et il semble que certains y succombent assez facilement - de commercialiser leurs produits sans attendre l'expiration des brevets. Cela leur est d'autant plus facile que l'inscription au répertoire rend possible la substitution sans considération de la validité des brevets.
N'ayant pas les moyens de vérifier cette validité, les pharmaciens peuvent ainsi se rendre complices malgré eux de contrefaçons, en exerçant leur droit de substitution.
Vous le savez, face à de telles dérives, les titulaires de brevets ont bien des difficultés à faire valoir leurs droits devant les tribunaux, en raison de l'inefficacité des procédures de référé, de la longueur des actions en contrefaçon et de l'incertitude qui pèse sur l'issue des procès.
Il me paraît primordial de garantir à ces titulaires de brevets une exploitation paisible de leurs produits. Le médicament princeps et le générique ont tous deux leur place dans le système de santé, comme le soulignent de nombreuses discussions relatives au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le développement de l'un ne doit pas pénaliser l'autre.
Certains proposent la création d'un registre des brevets des médicaments, à l'instar de l'Orange book américain. Hébergé par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et vérifié par l'Institut national de la propriété industrielle, celui-ci permettrait à toutes les parties d'avoir accès facilement aux informations relatives à la validité des titres de propriété intellectuelle et de pouvoir agir en connaissance de cause.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre opinion sur cette proposition. Il me semble que la création d'un registre des brevets ne ralentirait en rien l'arrivée sur le marché des génériques : aux Etats-Unis, où ce registre existe, une boîte de médicaments sur deux contient des génériques !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les conditions actuelles de commercialisation des médicaments génériques. Je tiens d'abord à souligner que le développement de ces derniers est à l'évidence une nécessité économique, qui concilie les exigences de santé publique et notre préoccupation commune de garantir l'avenir de l'assurance maladie. En maîtrisant les dépenses de médicaments, nous dégageons les moyens d'admettre au remboursement de nouveaux produits nés des innovations thérapeutiques de l'industrie pharmaceutique.
Certes, se pose la question de l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché, pour des médicaments génériques, deux ans avant l'expiration du brevet protégeant la spécialité de référence issue de la recherche et du développement de l'industrie. Si l'on veut que cette recherche se poursuive en France, il faut, bien sûr, protéger les brevets et éviter qu'avant leur expiration les médicaments génériques ne puissent effectivement être commercialisés en violation de toutes nos règles de droit.
A ce sujet, je tiens tout d'abord à vous préciser que la vérification de l'exploitation d'un brevet ne relève pas de la compétence de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé : les objectifs de l'agence sont avant tout la sécurité sanitaire au service de la santé publique et la gestion des autorisations de mise sur le marché. L'agence s'efforce de faciliter la mise sur le marché de tous les médicaments pouvant profiter à la santé publique, qu'il s'agisse de génériques ou de médicaments sous brevets.
Je voudrais également vous indiquer qu'autorisation de mise sur le marché ne signifie pas droit de commercialiser. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé peut être amenée, pour permettre la commercialisation d'un médicament générique dès le jour de l'expiration du brevet, à autoriser sa mise sur le marché antérieurement à sa commercialisation effective, afin que les industriels puissent anticiper sur la commercialisation en fabriquant les médicaments et en préparant leur distribution pour le jour J.
Ce dispositif a été mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Il avait été observé, en effet, que le conditionnement de l'autorisation de mise sur le marché à la fin de la période de protection du brevet pouvait entraîner des délais de plusieurs mois avant que les génériques ne soient effectivement disponibles sur le marché. Nous avions voulu à l'époque, avec la représentation nationale, éviter ces retards, parce que nous souhaitions le développement effectif des génériques.
Le souci de permettre la commercialisation des médicaments génériques dans les meilleurs délais ne doit toutefois pas porter préjudice au droit de propriété intellectuelle détenu par les fabricants des molécules princeps.
Pour cela, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé informe systématiquement le fabricant de la molécule princeps avant de l'inscrire au répertoire des groupes génériques. Cela permet au laboratoire, s'il s'y croit fondé, de saisir le juge pour commercialisation illicite d'un générique. Les cas de ce type sont d'ailleurs très rares : à ce jour, un seul nous a été signalé. Nous resterons bien sûr très vigilants pour qu'il continue à en aller ainsi.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le ministre, votre réponse est satisfaisante en théorie. Mais vous savez bien qu'une procédure judicaire engagée contre une contrefaçon exercée avant l'expiration du brevet durera deux, trois, quatre, voire dix ans.
Ester en justice dans ce type d'affaire est très difficile, d'autant que la procédure du référé est rarement utilisée. Certains laboratoires ont tenté de faire juger leur affaire en référé, seule procédure susceptible d'arrêter la commercialisation du médicament. Cela leur a toujours été refusé, au motif que les contrefaçons ne menaçaient pas fondamentalement les laboratoires.
Il serait intéressant d'améliorer l'information du public et des pharmaciens à cet égard : la protection offerte par les brevets permet en effet aux laboratoires, en particulier aux laboratoires français, de réaliser des recherches et des investissements financiers pour développer de nouvelles molécules.
régime de prévoyance et de retraite des élus salariés en suspension de contrat de travail
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 805, transmise à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Procaccia. L'article L. 122-24-2 du code du travail permet à un salarié d'obtenir, à sa demande, la suspension de son contrat de travail lorsqu'il est élu au Sénat ou à l'Assemblée nationale et qu'il justifie auprès de son employeur d'une ancienneté minimale d'une année.
Cet article, dans son dernier alinéa, dispose qu'un décret fixera les conditions dans lesquelles les salariés conserveront leurs droits durant la durée de leur mandat, notamment en matière de prévoyance et de retraite.
A l'approche des renouvellements des assemblées parlementaires en 2007 et en 2008, il m'apparaît important, monsieur le ministre, que vous puissiez faire le point sur la situation et nous indiquer en particulier comment vous comptez favoriser un accès des salariés aux fonctions de parlementaires. En effet, j'ai compté parmi les sénateurs seulement 16,3 % de salariés, dont tous ne sont peut-être plus encore en activité.
Je souhaiterais donc connaître précisément les dispositions s'appliquant en matière de retraite et de prévoyance à ces salariés qui voient leur contrat de travail suspendu pendant cinq ou six ans et ne peuvent pas ensuite renouveler leur demande de suspension.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, il faut bien entendu tout faire pour éviter que des salariés élus ne soient pénalisés dans leurs droits à retraite du fait de leur élection.
Vous avez appelé mon attention sur les droits à retraite et à prévoyance des membres des assemblées parlementaires dont le contrat de travail est suspendu pendant la durée de leur mandat. Vous mentionnez l'article L. 122-24-2 du code du travail qui prévoit, dans son dernier alinéa, qu'un décret fixe les conditions dans lesquelles ces droits sont conservés pendant la durée du mandat parlementaire.
Je souhaite revenir un instant sur la genèse de cette disposition.
Le dernier alinéa de l'article L. 122-24-2 du code du travail a été introduit lors de la discussion de la loi du 2 janvier 1978, portant dispositions particulières applicables aux salariés candidats ou élus à l'Assemblée nationale ou au Sénat, à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par la commission des affaires sociales du Sénat.
A la lecture des débats, il ressort que la commission des affaires sociales du Sénat visait les régimes conventionnels de protection sociale. La commission s'inquiétait, à juste titre, du risque pour des élus de se voir priver d'avantages que les conventions conclues par les partenaires sociaux auraient réservés aux salariés dont le contrat de travail n'était pas rompu ou suspendu au moment de leur adoption.
Le ministre du travail de l'époque avait alors souligné que le renvoi à une disposition réglementaire était problématique, puisque ce point relevait pleinement du champ de compétence des partenaires sociaux, donc de la convention. Par conséquent, le décret prévu au dernier alinéa de l'article L. 122-24-2 du code du travail n'a pu être pris.
Néanmoins, s'agissant de l'acquisition de droits à retraite durant un mandat parlementaire, permettez-moi de vous rappeler quelles sont les dispositions en vigueur.
Tout d'abord, les points acquis auprès des régimes complémentaires par les députés et par les sénateurs, antérieurement à leur mandat, sont intégralement conservés durant leur mandat électoral.
Ensuite, les députés et sénateurs sont affiliés durant leur mandat auprès des régimes des assemblées.
Enfin, le régime général prend en compte les périodes d'assurance validées par les députés et par les sénateurs auprès des régimes des assemblées afin de déterminer le taux de la pension servie par le régime général.
Aussi, bien que le décret prévu par l'article L. 122-24-2 du code du travail n'ait jamais été publié, il apparaît que les droits à retraite et à prévoyance des élus sont préservés.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre.
Nous avons effectivement, mais en vain, cherché ce décret qui avait été prévu en 1978.
Vous nous confirmez que les points acquis par les députés et par les sénateurs antérieurement à leur mandat auprès des régimes complémentaires sont intégralement conservés. Heureusement ! Imaginez que, après trente ans d'activité, ces droits soient perdus : voilà qui inciterait encore moins les salariés à solliciter un mandat parlementaire !
Il n'en demeure pas moins que plusieurs systèmes cohabitent : le salarié relève d'un régime, avant de passer sous le régime parlementaire, puis d'être réintégré dans le précédent régime. Le cumul des points acquis sous les différents régimes ne se fait pas toujours très facilement. Fort heureusement, l'Assemblée nationale et le Sénat prévoient un régime d'assurance vieillesse, qui n'est d'ailleurs pas forcément plus performant que celui des salariés des entreprises.
Je regrette que les salariés d'une entreprise ne puissent pas cotiser à titre complémentaire, sur la base du volontariat, pour assurer leur retraite. En effet, lorsque l'on a cinquante ans et que l'on est élu pour six ans, on peut se dire que l'on pourra tout abandonner à l'issue de son mandat. En revanche, lorsque l'on a vingt-cinq ou trente ans, que l'on entame un mandat - et aujourd'hui, aucun élu ne peut croire qu'il restera parlementaire jusqu'à soixante ans -, la reprise d'activité peut être difficile. Pour de jeunes salariés, s'engager dans la vie parlementaire sans disposer de toutes les garanties quant à leur régime de retraite constitue un véritable challenge.
M. le président. N'oublions pas non plus que, contrairement à une idée largement répandue dans l'opinion publique, les ministres ne perçoivent aucune retraite !
mesures en faveur des communes forestières de meurthe-et-moselle
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 766, adressée à M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les suites de la tempête de 1999, dont les conséquences se font toujours sentir, même après six ans, et sur l'exercice de la solidarité nationale en faveur des communes les plus touchées à l'époque.
La Meurthe-et-Moselle a été le troisième département le plus touché en volume, après la Gironde et les Vosges. Il a même été le plus affecté en parts de volume de bois sur pied -près de 30 %, toutes espèces confondues - et, sur les deux cents communes les plus sinistrées de France par cet événement climatique, cinquante sont situées dans mon département, notamment dans le sud du Toulois et dans le Piémont vosgien.
Les rentrées financières que certaines de ces communes retiraient de la vente de bois représentaient jusqu'alors les trois quarts de leurs recettes totales.
Dans sa réponse du 7 août 2003 à l'une de mes questions sur ce sujet, le ministre en charge de ce problème m'avait indiqué que le Gouvernement envisageait de resserrer progressivement son dispositif d'aide sur les communes les plus touchées - cela semble cohérent -, ajoutant qu'il lui semblait préférable d'adapter chaque année les dispositifs à la situation réelle des communes plutôt que d'arrêter de façon pérenne des modalités qui se révéleraient peut-être rapidement obsolètes. Une circulaire du 8 mars 2005 a effectivement reconduit une enveloppe de près de 12 millions d'euros pour aider les treize départements concernés.
Cependant, une récente étude, commandée par le conseil général de Meurthe-et-Moselle à un organisme indépendant, montre clairement que cinquante communes vont connaître de très graves difficultés budgétaires et que, sans visibilité à moyen et à long terme sur les aides de l'Etat, elles vont se trouver dans des situations financières inextricables.
Paradoxalement - mais on le comprend bien -, nombre de ces communes n'ont pas été aidées par l'Etat dans un premier temps, du fait des recettes exceptionnelles qu'elles ont retirées de la vente des chablis. Il convient toutefois de reconnaître que la répartition des subventions a été améliorée au fil des années.
Il nous paraît donc essentiel de préserver, sur le long terme, un système d'aides pour les communes les plus touchées. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre ? C'est l'objet de ma première question.
Une seconde question essentielle tient à la reconstitution des forêts sinistrées. Cette reconstitution tarde, faute de moyens, et les élus s'inquiètent de la révision à la baisse des barèmes des aides.
Alors qu'il est prioritaire, pour accélérer la régénération des forêts, de trouver de nouveaux débouchés aux produits forestiers, y compris les bois de petite taille, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, semble laisser entendre à plusieurs maires qu'il y aura une réduction des moyens qu'elle consacre au soutien des projets de bois-énergie. En période de pétrole cher, cette perspective nous semble contradictoire.
Je souhaite donc connaître les engagements du Gouvernement en faveur des communes les plus sinistrées, s'agissant aussi bien de la pérennisation des aides budgétaires au-delà de 2006 que du soutien à l'investissement forestier, notamment la reconstitution des forêts.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, comme vous l'avez rappelé à juste titre, les ministres ne doivent pas oublier que leur situation est par définition précaire et provisoire : il convient donc de se préoccuper de leur avenir !
Monsieur Reiner, M. Nicolas Sarkozy, ne pouvant être parmi nous aujourd'hui, m'a demandé de répondre aussi précisément que possible à vos interrogations.
Comme vous l'avez rappelé, les tempêtes de décembre 1999 ont fortement déséquilibré la situation budgétaire des communes qui tiraient habituellement des ressources substantielles de l'exploitation des forêts. Elles ont particulièrement touché les communes forestières du département de Meurthe-et-Moselle.
Un dispositif gouvernemental a été mis en place à compter de 2000 pour venir en aide aux communes forestières sinistrées. Ce dispositif s'est appuyé à la fois sur des aides budgétaires, des prêts bonifiés pour le stockage des bois, des aides à la sortie et à la valorisation des chablis, ainsi que sur la possibilité de placer en bons du Trésor les recettes exceptionnelles tirées de la vente des chablis.
Vous vous interrogez en particulier sur l'avenir des aides budgétaires aux communes forestières sinistrées, d'une part, et sur le soutien à l'investissement forestier, d'autre part. Vous souhaitez par ailleurs obtenir des précisions quant au soutien qu'apporte l'ADEME aux petits projets de bois-énergie.
S'agissant des aides budgétaires, de 2000 à 2004, une enveloppe globale cumulée de plus de 53 millions d'euros a été dégagée sur les crédits du ministère de l'intérieur. Pour 2005, près de 8,9 millions d'euros ont de nouveau été délégués dans les départements où subsistent des communes forestières en difficulté.
Ces crédits sont destinés aux communes dont les recettes forestières représentaient au moins 10 % des recettes de fonctionnement totales, en moyenne, sur la période 1996-1998, et qui, du fait de la baisse de leurs recettes forestières, connaissent un déséquilibre budgétaire.
Cette aide temporaire est attribuée sous la forme d'une contribution à l'équilibre budgétaire des collectivités. Elle ne constitue pas une indemnisation pour perte de recettes - cette précision est utile - et elle n'est donc pas destinée à compenser l'intégralité des pertes de recettes forestières des collectivités bénéficiaires.
Bien entendu, le département de Meurthe-et-Moselle est particulièrement concerné par ce dispositif. Ainsi, le montant des crédits délégués pour 2005 s'élève à 1,35 million d'euros, soit 15% de l'enveloppe totale. Cette enveloppe permettra d'aider une centaine de communes de votre département, monsieur Reiner. Je vous précise d'ailleurs que, s'agissant de la Meurthe-et-Moselle, le montant des crédits a été maintenu au niveau de l'année 2004.
Vous avez souligné, monsieur le sénateur, que la situation de certaines communes reste malgré tout particulièrement fragile. Le Gouvernement en est conscient et c'est pourquoi, dans une circulaire du 8 mars dernier, il a été demandé aux préfets d'accorder une priorité aux communes dont le volume de chablis représente au moins cinq années de production.
Cette orientation suit exactement les conclusions de la mission interministérielle d'évaluation et de prospective sur la situation des communes forestières sinistrées lors des tempêtes de décembre 1999 : un resserrement progressif du dispositif sur les communes les plus touchées par les tempêtes est préconisé.
Enfin, vous m'interrogez sur la pérennisation du dispositif. Sur la base de l'analyse de la mission interministérielle, le Gouvernement a estimé qu'il était préférable d'adapter chaque année le dispositif d'aides budgétaires plutôt que de le fixer de façon pérenne. Ce pilotage au plus fin permettra à l'avenir de s'adapter à la situation réelle des communes qui connaissent les plus grandes difficultés, contrairement à un dispositif pluriannuel qui se révélerait sans doute assez rapidement obsolète. Je peux d'ores et déjà vous annoncer - et c'est une information importante - que ce dispositif d'aides sera reconduit pour 2006.
La politique du soutien à l'investissement forestier relève de la compétence du ministre de l'agriculture et de la pêche, qui a d'ailleurs fait une communication en conseil des ministres sur ce sujet. Il a ainsi rappelé l'engagement pris par l'Etat d'affecter 915 millions d'euros, sur une période de dix ans, au nettoyage et à la reconstitution des parcelles forestières sinistrées.
Nous sommes actuellement à mi-parcours du plan qui a été établi. Celui-ci restera une priorité de l'action de l'Etat. Ainsi, malgré un contexte budgétaire contraint, chacun le reconnaît, les crédits destinés à la reconstitution des forêts ont été concrètement préservés en 2005.
En outre, je vous précise que la création du fonds d'épargne forestière permettra aux communes de constituer une épargne mobilisable pour les investissements forestiers. Selon les termes du décret du 13 avril dernier, relatif au fonds d'épargne forestière, les investissements forestiers réalisés dans le cadre du fonds par les collectivités territoriales pourront bénéficier d'une prime d'épargne versée par le ministre chargé des forêts. M. le ministre de l'agriculture et de la pêche pourra vous apporter plus de précisions sur ce sujet.
Enfin, monsieur le sénateur, vous faites état d'une éventuelle baisse des crédits de l'ADEME au profit des petits projets de bois-énergie. Sachez que la filière bois-énergie n'est pas du tout délaissée par le Gouvernement. En effet, depuis le 1er janvier 2005, les dépenses pour les équipements de production d'énergies renouvelables peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt de 40% dans l'ancien comme dans le neuf, sous réserve de respecter des critères de performance énergétique et environnementale.
Ainsi, le total de crédits consacrés à la forêt et au bois reste aujourd'hui largement supérieur à celui des crédits mis en place avant 1999.
Tels sont les éléments qu'au nom du ministre d'Etat je souhaitais vous apporter en matière d'aide aux communes forestières touchées par les tempêtes de 1999. J'espère avoir répondu à votre préoccupation. Sachez, monsieur le sénateur, que le Gouvernement reste pleinement et solidairement mobilisé.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. J'espère que votre réponse, dont je vous remercie, rassurera les maires des communes les plus touchées par les tempêtes de 1999. L'une des questions essentielles est, vous l'avez bien compris, monsieur le ministre, la visibilité des budgets sur plusieurs années.
J'entends bien qu'il faut adapter chaque année le dispositif à la situation réelle des communes, et qu'un dispositif pluriannuel d'aides deviendrait rapidement obsolète. Mais, pour être en mesure de préparer leurs projets d'investissement, les maires souhaiteraient y voir clair au moins sur quelques années, afin d'établir raisonnablement des budgets ; or une subvention en cours d'année ne leur permet pas cela, et c'est bien là toute la difficulté !
Enfin, s'agissant du bois-énergie, j'ai cru comprendre que le crédit d'impôt ne s'adressait qu'aux particuliers. Mais il s'agit également de projets communaux. Or, en la circonstance, l'aide de l'ADEME semble faire défaut aux projets communaux dans ce domaine.
avenir des communes
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 798, adressée à M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, je me permets d'attirer votre attention sur l'avenir de nos communes face au développement des structures de coopération intercommunale. Nos maires ont pourtant la chance de bénéficier d'une écoute attentive, grâce à la présence au sein du Gouvernement - je le dis sincèrement - d'un brillant ministre délégué aux collectivités territoriales, donc à nos communes. (Marques d'approbation sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mais, dans notre paysage institutionnel, la commune s'efface peu à peu devant des structures juridiques multiples et variées, parfois complexes. Je veux évoquer les communautés de communes, les pays, sans oublier les communautés d'agglomération ou les syndicats à vocation multiple, les schémas de cohérence territoriale, les agences locales de tourisme. Vous connaissez bien cela en Auvergne, monsieur le ministre !
Ces structures sont certes nécessaires, mais toutes leurs actions empiètent sur les actions communales ! Les maires sont inquiets car, ils le savent, l'Europe compte 98 508 communes, et la France seulement 36 000, soit quelque 32 % du nombre des communes européennes.
La commune pourra-t-elle continuer de jouer un rôle et apporter des réponses de proximité à nos concitoyens ?
La commune s'appuie sur une vie fédératrice, génératrice de solidarité humaine et de relation permanente. Non seulement elle est le creuset de la démocratie, mais elle apporte également une vitalité différente des autres échelons, certes mieux organisés, plus structurés, mais souvent plus éloignés des réalités et des besoins.
Oui, une commune symbolise l'expression d'une certaine liberté locale, mais aussi celle d'une véritable citoyenneté. Or l'évolution intercommunale éloigne de plus en plus les décisions des hommes et des femmes qui vivent « au pays ».
Si l'action communautaire s'inscrit dans une certaine rationalité, une nécessaire optimisation des moyens, il n'en reste pas moins que la commune demeure et continuera de demeurer un repère fondamental dans l'esprit de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la mairie est le lieu naturel et privilégié des relations humaines, vous le savez tous, mais c'est aussi un lieu d'expression facilement identifiable, où chacun peut aisément venir s'exprimer ou tout simplement trouver une porte ouverte.
Je souhaite savoir comment le Gouvernement entend maintenir cet échelon de proximité et lui donner les moyens de remplir ses missions essentielles au service de toutes nos populations.
Oui, serviteurs de l'ombre, prompts à remplir souvent une tâche désintéressée et imprévue, particulièrement dans le monde rural, les maires incarnent la pleine dimension humaine et sociale de l'élu de proximité prêt à répondre à toutes les attentes.
Ils sont inquiets, monsieur le ministre, car les investissements réalisés sur leurs communes dépendront de plus en plus de décisions centralisées en amont. Ils sont inquiets, car ils redoutent de devenir des officiers d'état civil, des policiers ou même simplement des présidents d'association... Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Un sénateur de l'UMP. Vous avez raison !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous évoquez à juste titre le rôle fondamental que jouent les communes dans la vie démocratique de notre pays, contribuant notamment à la formation d'une véritable citoyenneté. Leur rôle dans la vie quotidienne de nos concitoyens, par les services de proximité qu'elles assurent et que le Gouvernement s'efforce de défendre, fait également d'elles un niveau irremplaçable de notre organisation administrative.
Le Gouvernement partage votre analyse, et rien dans ses projets ne se fera qui mettrait en cause cette cellule de base de notre vie administrative et démocratique que constituent les 36 000 communes françaises.
Le nombre de communes que vous avez cité est celui de la répartition d'ensemble sur l'Europe. Mais il existe une image sans doute encore plus parlante : c'est la référence à l'Europe des Quinze avant l'élargissement au 1er mai 2004, qui comptait autant de communes que la France en recensait à elle seule !
Pour autant, monsieur le sénateur, avec l'acte II de la décentralisation, et surtout le développement rapide de l'intercommunalité, l'évolution de notre paysage institutionnel impose effectivement de veiller à ce que nos communes ne soient pas « délégitimées », voire « déstabilisées ».
L'intercommunalité ne saurait être remise en cause, comme vous l'indiquez vous-même, car elle constitue une réponse adaptée à la mise en oeuvre rationnelle et optimisée de certaines compétences pour lesquelles l'échelon communal peut s'avérer trop étroit. N'en doutez pas une seule seconde, monsieur le sénateur, à la suite des rapports parlementaires qui ont été rendus publics et dans l'attente du rapport de la Cour des comptes, nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet et de le développer.
Toutefois, pour que le partage des rôles entre les communes et leurs groupements ne se fasse pas au détriment des premières, pour que nos concitoyens continuent d'identifier clairement les différents niveaux de décision, car c'est finalement ce qui importe et ce qui est essentiel à leurs yeux, une rationalisation progressive du paysage intercommunal est nécessaire.
Les instruments juridiques existent depuis la loi du 13 août 2004 : des procédures de fusion simplifiées, par exemple, et surtout - c'est sans doute là l'élément principal, en tout cas celui auquel je crois le plus - l'obligation de définir, dans un délai de deux ans, l'intérêt communautaire au sein de chaque compétence, c'est-à-dire la ligne de partage entre ce qui incombe à la communauté et ce qui continue de relever de l'échelon communal. La définition de l'intérêt communautaire permet non seulement de clarifier les responsabilités respectives des EPCI et de leurs communes membres, mais aussi de conforter ces dernières dans la conduite des politiques de proximité qu'elles sont seules à pouvoir décider de façon pertinente. Il a été demandé aux préfets, en partenariat avec les élus, qui restent naturellement les principaux acteurs en dernier ressort, de mettre en oeuvre de façon active ces démarches pour simplifier et rationaliser notre paysage administratif local.
Vous l'avez observé, le fait que le Gouvernement ait décidé d'accorder jusqu'au 18 août la possibilité de définir l'intérêt communautaire s'inscrit précisément dans cette perspective. Quelle que soit la décision concernant l'intérêt communautaire, soyez certain que les communes se verront réaffirmées dans leur rôle pivot de cellule de base de la vie démocratique. Leur capacité de contrôle des groupements auxquels elles appartiennent, que la loi a prévu par des dispositions instaurant des comptes rendus obligatoires, doit également être confortée.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement entend être attentif au maintien des communes actives et pleinement capables d'assumer le rôle qu'elles jouent dans notre démocratie depuis toujours. Cela s'étend bien sûr aux moyens financiers dont elles pourront disposer, dont le maintien fait partie du pacte entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Pour ma part, monsieur le sénateur, une citation d'Alexis de Tocqueville dicte ma conviction concernant le rôle des collectivités locales, tout particulièrement des communes : « Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple; elles lui en font goûter l'usage paisible et l'habituent à s'en servir. »
La commune, là où bat le coeur des hommes ! Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir rappelé, avec votre question, qu'il doit battre durablement et fortement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, merci de votre réponse, dont la conclusion était particulièrement belle. Je sais que, en Auvergne, vous êtes un homme de proximité. Je l'ai été aussi et je pense le demeurer. C'est quand on est maire que l'on est vraiment en communication avec ses citoyens. Je sais que vous l'avez compris, et vous avez d'ailleurs remarquablement traduit cette analyse collective : l'attachement des communes à leur maire et du maire à leur commune.
Mais, monsieur le ministre, un maire ne sera-t-il pas quelque peu démobilisé s'il ne peut, au cours de son mandat, marquer son passage - c'est fondamental, nous le savons tous - par un projet d'assainissement ou encore une construction ? Je sais que vous avez bien perçu ce sentiment.
M. le président. Je vous remercie, monsieur Jean Boyer, vous qui associez volontiers les élus de la France rurale et ceux qui sont issus du bitume ! (Sourires.)
situation du tribunal du contentieux de l'incapacité de strasbourg
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, auteur de la question n° 787, adressée à M. le garde des Sceaux, ministre de la justice.
M. Philippe Richert. Monsieur le garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur la situation du tribunal du contentieux de l'incapacité, ou TCI, de Strasbourg, qui rencontre actuellement un très grand retard dans le traitement des dossiers qui lui sont soumis, en raison d'une sous-dotation en effectif administratif.
Actuellement, il reste plus de 4 500 affaires à traiter, ce qui représente une charge de travail de trente-six mois, pour un flux d'entrée nul, au rythme actuel de sa production.
La situation n'est pas près de s'améliorer, au contraire ! En effet, la moyenne mensuelle des entrées se situe à deux cent vingt dossiers pour cent dix-sept sorties. En clair, la liste continue par conséquent de s'allonger !
Une réponse doit être apportée de toute urgence à cette situation, qui rend impossible l'application du délai raisonnable de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Il convient par ailleurs de souligner la lourdeur du fonctionnement des audiences en raison de la présence obligatoire de quatre assesseurs. Ne pourrait-on prévoir un fonctionnement en formation restreinte ?
Le secret médical opposé aux TCI complique leur tâche et rend difficile la manifestation de la vérité, notamment en ce qui concerne les recours introduits par les employeurs.
C'est de la théorie, mais c'est surtout, vous l'avez compris, beaucoup de pratique. Je pense à toutes ces personnes, femmes et hommes, pour qui le passage de leur dossier en TCI représente l'espoir d'obtenir réparation.
Permettez-moi de vous citer l'exemple d'un salarié du conseil général, dont l'état de santé après passage en COTOREP s'est considérablement aggravé en raison d'un accident vasculaire cérébral, dont vous imaginez les conséquences. Or, après cet accident, son nouveau passage en COTOREP s'est traduit par un taux d'incapacité moindre ! Il a fait un recours devant le TCI. Malheureusement, on connaît les délais d'attente : trois ans, quatre peut-être, seront nécessaires pour que son dossier puisse être examiné !
Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de bien vouloir nous faire connaître votre avis sur cette question. J'espère que les dispositions que vous entendez prendre pour améliorer les conditions de fonctionnement et les moyens du TCI de Strasbourg seront de nature à nous rassurer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, le témoignage que vous venez de nous apporter nous émeut, bien évidemment, et nous avons du mal à comprendre certaines situations.
Vous avez bien voulu attirer mon attention sur la situation du tribunal du contentieux de l'incapacité de Strasbourg et sur le retard dans le traitement des dossiers qui lui sont soumis.
De manière générale, la juridictionnalisation du contentieux technique de la sécurité sociale a effectivement entraîné un allongement de la durée des procédures.
Conformément aux articles L. 144-5, R. 143-36 et R.144-10 du code de la sécurité sociale, le fonctionnement des tribunaux du contentieux de l'incapacité, dans leurs modalités matérielles, relève, pour le régime général, de la compétence du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité ainsi que du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées et, pour le régime agricole, de la compétence du ministère de l'agriculture et de la pêche, et non de celle du ministère de la justice.
Par une note en date du 18 avril 2005, j'ai attiré l'attention du directeur de la sécurité sociale sur la situation de certains tribunaux du contentieux de l'incapacité, dont celui de Strasbourg.
Par ailleurs, un arrêté, modifiant l'arrêté du 14 août 2003, qui fixait le nombre de formations du tribunal du contentieux de l'incapacité de Strasbourg à huit, dont une formation agricole, est en cours d'élaboration. Ce nouveau texte, qui a reçu un avis positif du ministère de l'agriculture et de la pêche et qui reste dans l'attente de l'avis du directeur de la sécurité sociale, porterait le nombre de formations à dix, afin de faire face au stock d'affaires à résorber.
Je puis vous informer que l'ordonnance du 8 juin 2005 relative aux règles de fonctionnement des juridictions de l'incapacité a, d'une part, modifié l'article L. 143-2 du code de la sécurité sociale, en diminuant de quatre à deux le nombre des assesseurs des tribunaux du contentieux de l'incapacité, et, d'autre part, ajouté un article L. 143-2-3 à ce code, qui permet au président, après renvoi, de statuer seul, en cas d'absence des assesseurs régulièrement convoqués.
De plus, le décret du 29 septembre 2005 a modifié l'article R. 143-5 du code de la sécurité sociale, en autorisant le président de la juridiction à changer en cours d'année judiciaire l'ordonnance de roulement, pour assurer notamment le traitement du contentieux dans un délai raisonnable. L'ensemble de ces nouvelles dispositions va donc dans le sens d'une amélioration du délai de traitement des affaires.
Enfin, s'agissant du secret médical, celui-ci est institué en faveur de la personne qui est concernée par les informations médicales.
C'est la raison pour laquelle l'article 104 du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale indique que le médecin chargé du contrôle ne doit fournir à l'organisme qui fait appel à ses services que ses conclusions sur le plan administratif. Si le tribunal du contentieux de l'incapacité ne s'estime pas suffisamment informé par ces conclusions, il conserve la faculté d'ordonner une expertise judiciaire. Le médecin chargé de réaliser cette mesure d'instruction doit alors procéder à toutes les recherches utiles pour connaître exactement l'état de santé de l'intéressé. Ainsi sont conciliées, d'une part, l'exigence de secret, qui évite des divulgations prématurées et sans doute préjudiciables, et, d'autre part, l'exigence d'efficacité, qui permet au tribunal de statuer en connaissance de cause.
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.
M. Philippe Richert. Je tiens tout d'abord et avant tout à remercier M. le garde des sceaux de l'attention qu'il porte à ce dossier.
Certes, nous le savons, ce dossier n'est qu'un dossier parmi tant d'autres mais, lorsque des personnes fragilisées sont en cause, il importe que nous apportions rapidement des réponses à leur situation.
Au travers de vos propos, vous avez montré, monsieur le garde des sceaux, votre intention - tout comme celle du Gouvernement - de faire en sorte que le dossier avance. J'espère qu'il en sera ainsi.
Par ailleurs, je me félicite de la possibilité que nous avons de poser au Gouvernement des questions orales. En effet, j'avais déjà envoyé un courrier à ce sujet aux services de votre ministère et la seule réponse que j'aie obtenue a été un accusé de réception... La réponse à ma question orale est nettement plus complète ! (Sourires.)
enquête sur l'attentat de karachi du 8 mai 2002
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 802, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Pierre Godefroy. Avant de poser ma question, je tiens d'abord à rappeler l'hommage rendu dans cet hémicycle par M. le président du Sénat et l'ensemble des sénateurs, le 11 octobre dernier, aux 40 000 victimes du séisme qui s'est produit au Pakistan, et j'assure la délégation pakistanaise présente à Cherbourg de notre profonde tristesse et de notre totale solidarité. Souhaitons que la solidarité internationale se manifeste et soit à la hauteur du drame vécu et, malheureusement, des autres drames à venir dans cette partie du monde.
Monsieur le garde des sceaux, ma question concerne un autre drame qui a eu lieu, le 8 mai 2002 : je veux parler de l'attentat qui a coûté la vie à onze salariés ou sous-traitants de la Direction des constructions navales, la DCN, et en a blessé douze autres, dans l'explosion de leur bus, à Karachi, la capitale de ce pays.
Trois ans et demi se sont écoulés depuis. Le chef de l'Etat et le Gouvernement ont toujours su exprimer leur solidarité et leur soutien aux familles touchées. Des efforts importants ont été réalisés pour couvrir les besoins de ces dernières et répondre à leurs inquiétudes quant à l'avenir, même si leur situation s'est fragilisée après l'annonce du désengagement du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme, l'entreprise DCN ayant été reconnue coupable d'avoir commis une faute inexcusable.
Si ce dossier semble évoluer positivement depuis quelques jours, j'espère qu'il pourra aboutir rapidement dans les meilleures conditions possibles pour les victimes. De plus, comme il en est fait obligation en matière d'accident du travail, je souhaite qu'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail extraordinaire soit convoqué et qu'une enquête interne soit diligentée.
Aujourd'hui, ces familles ont également besoin de connaître les responsables de cet attentat. Or elles n'ont aucune information quant à l'état d'avancement de l'enquête et se sentent tenues à l'écart.
Du côté pakistanais, l'enquête menée par la police locale a conduit à l'arrestation de deux personnes, directement liées à l'attentat, qui auraient été, depuis, remises en liberté - je parle au conditionnel, car les informations parcellaires dont je dispose ne sont pas claires.
Du côté français, il semble que le juge du pôle antiterroriste chargé de l'affaire n'ait toujours pas délivré la commission rogatoire internationale nécessaire au bon déroulement de l'enquête. Les familles n'ont été reçues qu'une seule fois, le 9 mai 2003 et, depuis, elles n'ont plus aucune information.
Tout à fait respectueux du principe de la séparation des pouvoirs, je me permets de vous interroger, monsieur le ministre, car, vous le comprendrez, pour se reconstruire, les victimes et leurs familles ont besoin de voir l'enquête avancer en toute transparence.
Je me permets donc de vous demander comment se déroule aujourd'hui la coopération entre la France et le Pakistan dans la conduite de cette enquête et quels sont les derniers développements de cette dernière.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler l'attention du Gouvernement sur l'évolution de la procédure judiciaire relative à l'attentat terroriste perpétré à Karachi, au Pakistan, le 8 mai 2002, qui a coûté la vie à onze salariés français de la Direction des constructions navales et en a blessé douze autres.
Je tiens à vous assurer que, à l'instar du chef de l'Etat et du Gouvernement, je partage la douleur des victimes et de leurs familles et reste attaché à ce que les auteurs et les complices de cet attentat soient traduits en justice.
A cet effet, une information judiciaire a été ouverte dès le 27 mai 2002 devant le tribunal de grande instance de Paris, information judiciaire dont le déroulement est depuis lors suivi très attentivement par mes services. Je peux aussi vous informer que de longues et minutieuses investigations sont conduites par les magistrats instructeurs chargés de ce dossier.
Des commissions rogatoires internationales ont notamment été délivrées, afin d'entendre les personnes interpellées dans le cadre de la procédure pakistanaise, de rechercher des témoins de l'attentat et d'identifier les personnes en fuite.
Cependant, ces investigations sont conditionnées à un déplacement des juges d'instruction au Pakistan, afin de se faire remettre les copies de l'ensemble des pièces des investigations diligentées par les autorités pakistanaises, déplacement qui, en l'état, n'a pu avoir lieu, le gouvernement pakistanais n'ayant pas encore donné son accord.
Une fois ce déplacement effectué, ce qui devrait être possible, nous l'espérons, dans les prochaines semaines, les magistrats instructeurs pourront utilement progresser dans leurs investigations et en informer les victimes de ce drame.
Par ailleurs, vous savez, monsieur le sénateur, que trois personnes ont été jugées et condamnées à mort au Pakistan, le 30 juin 2003, pour avoir organisé cet attentat.
Je suis particulièrement attaché à l'élucidation, dans les meilleurs délais, de cette affaire, qui est survenue dans des circonstances dramatiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le garde des sceaux. Toutefois, les personnes concernées ont un peu le sentiment - à tort ou à raison, d'ailleurs - qu'il faudra beaucoup de temps pour connaître les responsables de l'attentat de Karachi, contrairement à ce qui s'est passé pour les attentats du 11 septembre 2001 à New York, et pour ceux de Londres et de Madrid. Or, à mon sens, l'identification des coupables aide beaucoup les familles de victimes à faire leur deuil. Dans l'attente de pouvoir connaître leurs bourreaux, les victimes de Karachi et leurs familles ressentent un profond malaise.
Je veux vous dire, monsieur le ministre - mais je suis certain que vous partagez mon sentiment -, que l'attente est destructrice pour ces familles, et très douloureusement vécue : ces familles doivent savoir qui est responsable de la mort de ceux qui sont revenus dans un cercueil, alors qu'ils étaient au service de la France.
Je comprends certes que cette enquête soit difficile à mener cette enquête dans la mesure où le gouvernement pakistanais doit notamment donner son autorisation.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre, de votre réponse, car elle prouve que nous n'oublions pas ces victimes et que tout sera fait pour élucider ce drame qu'elles vivent malheureusement encore dans leur chair.
augmentation constante du trafic sur l'a 7
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, auteur de la question n° 799, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Alain Dufaut. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sur les conséquences de l'augmentation constante du nombre de véhicules sur l'autoroute A7, dans la vallée du Rhône, en particulier sur le tronçon situé entre Valence et Orange.
Cette hausse est particulièrement inquiétante si l'on prend en considération le pourcentage des poids lourds, lequel s'établit à 18 % du trafic total sur cet axe autoroutier. De plus, certains poids lourds transportent des matières dangereuses.
Avec des pointes à près de 120 000 véhicules par jour en été, une catastrophe est désormais prévisible. Tous mes collègues élus des départements concernés et moi-même ne pouvons plus nous satisfaire de l'attente d'études ne débouchant sur aucune proposition concrète. Une unanimité semble se dégager contre tout projet d'élargissement à deux fois cinq voies de l'A 7 dans la vallée du Rhône, c'est-à-dire les trois voies actuelles plus deux voies latérales qui seraient réservées aux poids lourds, solution proposée par la direction des routes, qui n'aurait pour effet que d'intensifier les nuisances de ce véritable goulet d'étranglement de l'axe Nord-Sud traversant, de Montélimar à Orange, des zones urbanisées très densifiées. A titre personnel, je suis radicalement opposé à ce projet.
Nous privilégions plutôt une solution alternative : le bouclage définitif de l'A 51 à l'Ouest pour accéder à la Côte d'Azur et, au-delà, à l'Italie, et la création de l'A 79, dite « la Cévenole », qui permettrait un délestage par l'Est, c'est-à-dire par Aubenas, des trafics se dirigeant vers le Languedoc et, au-delà, vers l'Espagne.
Dans cet esprit, l'ouverture immédiate d'un vaste débat public est nécessaire. Celui-ci devra ensuite déboucher sur un plan d'aménagement rapide d'itinéraires de détournement. A cet égard, les « financements innovants » évoqués par M. le Premier ministre dans la déclaration de politique générale de son gouvernement pourraient constituer une solution pour faire face au coût important de ces travaux.
Afin de diminuer rapidement et de manière significative le trafic des poids lourds dans la journée et, partant, de réduire le risque d'accidents graves, pourquoi ne pas accepter, pour les poids lourds, la gratuité du péage la nuit, de vingt-deux heures à quatre heures du matin, par exemple, afin de les inciter à rouler en dehors des créneaux horaires les plus chargés ?
Je souhaitais vous sensibiliser sur cette situation, monsieur le ministre, et connaître tant votre avis sur les propositions formulées que les intentions de l'Etat en la matière.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous répondre au nom de M. Dominique Perben.
Le couloir rhodanien et son prolongement en direction de l'Espagne en Languedoc-Roussillon constituent en effet un des axes majeurs du transport ferroviaire, fluvial et routier dans notre pays. Son bon fonctionnement est une condition nécessaire du développement de l'économie nationale.
La Commission nationale du débat public a décidé, le 6 juillet dernier, d'organiser un débat public sur la problématique actuelle et future des transports le long de cet axe. Cette décision intervient à l'issue d'une consultation des parlementaires et des principales collectivités territoriales concernées que sont les régions, les départements et les grandes agglomérations. Cette consultation a été mise en place par le ministre des transports entre les mois d'octobre 2004 et de mars 2005.
Ce débat permettra à l'ensemble des acteurs concernés de faire part de leurs contributions, afin d'éclairer les pouvoirs publics sur les choix à effectuer. Il se tiendra dans le courant du premier semestre de 2006 et sera l'occasion d'examiner l'ensemble des propositions.
S'agissant de votre suggestion visant à réduire le trafic des poids lourds dans la journée, j'attire votre attention, monsieur le sénateur, sur le fait que les modulations de tarification pour les poids lourds font l'objet d'une directive européenne qui les limite. En effet, la directive Eurovignette permet non pas d'assurer la gratuité des tarifs au péage, mais de moduler ces derniers.
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je le sais, un débat public est organisé ; ces questions seront examinées au début de l'année 2006, et des décisions seront peut-être prises à la fin du premier trimestre ou avant l'été.
Toutefois, le danger demeure, car le trafic ne fait que s'accentuer. De plus, on le sait, entre la décision de créer une infrastructure autoroutière et sa mise en service, dix à quinze ans s'écoulent. Pour ma part, je suis convaincu que ce sera trop tard et, malheureusement, un drame important interviendra certainement sur le tronçon de l'autoroute A 7 que je vous ai signalé.
réorganisation des services de la dde du gers
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, auteur de la question n° 819, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, l'un des objectifs de la décentralisation est la recherche d'une plus grande efficacité. Or ce qui est proposé pour la direction départementale de l'équipement du Gers va tout à fait à l'encontre de cette demande et de l'esprit du service public, en éloignant les maires des unités territoriales.
On ne peut imaginer que la logique mise en oeuvre dans le cadre de la décentralisation amène à pénaliser les zones rurales en les privant de leurs centres de référence.
Or, si la réforme proposée est mise en oeuvre, c'est le résultat auquel on aboutira. Aussi, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur les projets de réorganisation des services de l'Etat de la DDE du Gers.
Tout d'abord, je ne comprends pas que la maîtrise d'ouvrage et l'ingénierie « routes nationales », sise à Auch, qui comprend seize agents, soit éventuellement transférée à Toulouse. La très faible diminution du réseau routier national dans le Gers - 33 kilomètres - consécutive à la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ne justifie aucunement ces transferts de personnel. Le différentiel est d'ailleurs de seulement 3 kilomètres si l'on compare à la situation de 2003.
La mise en oeuvre des opérations d'investissement restantes entre Auch et Toulouse, soit 170 millions d'euros, peut être parfaitement réalisée par des services qui ont déjà prouvé leur compétence sur place. Je vous rappelle que le Gers, avec 243 kilomètres de routes nationales, comprend 28 % du total des routes de la direction interrégionale des routes Sud-Ouest, ou DIR Sud-Ouest.
Cette délocalisation est donc doublement inacceptable. De plus, j'insiste sur le risque que comporte le projet de disparition de la subdivision de Gimont pour l'avenir de l'est du département.
Le pays « Porte de Gascogne », qui regroupe près du tiers des communes du Gers, bassin de vie le plus important du département, serait alors privé d'une implantation de la DDE.
Cette zone géographique connaît le plus fort développement économique du département avec des conséquences très fortes sur l'urbanisation des chefs-lieux de canton et un accroissement soutenu de la population de toutes les communes.
Cette unité territoriale remplit de multiples missions, indispensables aux maires des communes rurales de la zone : maîtrise d'oeuvre, assistance à maîtrise d'ouvrage, conseil aux collectivités, application du droit des sols, assistance technique fournie par l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, etc.
Je vous demande donc, monsieur le garde des sceaux, que la nouvelle organisation des services dans le département du Gers, qui sera définie à la fin de l'automne, garantisse le maintien d'un service d'ingénierie « routes nationales » à la DDE d'Auch ainsi qu'une unité territoriale à Gimont.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Dominique Perben.
Dans le cadre de la nouvelle étape de décentralisation et de réforme de l'Etat, le ministère s'est résolument engagé dans une « stratégie ministérielle de réforme ». Il s'agit de repositionner le service public dans une logique de résultats et de performance, en cohérence avec le développement territorial et avec une mise en oeuvre réalisée dans la concertation.
Les directions départementales de l'équipement sont ainsi appelées à se refonder sur quatre piliers : la connaissance des territoires, l'aménagement et l'urbanisme ; l'habitat, le logement, la politique de la ville et les constructions publiques ; l'environnement et les risques ; la politique des transports, la sécurité des transports, particulièrement la sécurité routière, la sûreté ainsi que l'ingénierie et la gestion des crises.
Dans ce cadre, l'organisation territoriale du ministère de l'équipement va connaître une évolution très importante. Celle-ci est indispensable compte tenu du transfert des effectifs routiers des implantations territoriales vers les conseils généraux et de la création des nouveaux services en charge du réseau routier structurant conservé par l'Etat.
Le projet de nouvelle configuration prévoit des districts qui seront les structures pivots de la mise en oeuvre de la politique d'entretien et d'exploitation. Le Gers conservant un fort kilométrage de routes nationales, Auch serait le siège de l'un des quatre districts de la DIR Sud-Ouest. Situé au carrefour de deux itinéraires nationaux - RN 21 et RN 124 -, sa compétence s'étendrait sur ces deux itinéraires non seulement sur le département du Gers mais aussi sur les départements des Hautes-Pyrénées, des Landes, de la Gironde, ainsi que partiellement sur le département de la Haute-Garonne.
L'essentiel des études concernant les futures opérations est confié à une maîtrise d'oeuvre privée. En revanche, l'entretien et l'exploitation des itinéraires nationaux, dans le département du Gers, devraient nécessiter l'utilisation par les services routiers de l'Etat des centres d'exploitation d'Auch et de l'Isle-Jourdain.
Enfin, la concertation avec les personnels est l'une des composantes majeures de la démarche en cours et a donné lieu à la mise en place d'un dispositif spécifique par la direction générale des routes. Cette concertation sera menée aux niveaux départemental, interrégional et national afin de répondre au mieux aux souhaits d'affectation des agents.
Au niveau infradépartemental, la refonte du réseau actuel des subdivisions est nécessaire afin de l'adapter aux enjeux des territoires et aux besoins locaux.
Comme vous l'avez fort bien souligné, monsieur le sénateur, l'est du Gers est effectivement un territoire en plein développement aux franges de la métropole toulousaine. Mais l'intervention de la DDE évolue et évoluera dans un souci de service rendu aux usagers, et en premier lieu aux élus.
A ce stade, le projet de service de la DDE du Gers prévoit de rattacher la subdivision située à Gimont au territoire actuel de la DDE d'Auch.
Toutefois, des études complémentaires sont en cours pour mesurer les avantages qu'il y aurait à conserver une antenne à Gimont, compte tenu des moyens dévolus à cette direction.
Dominique Perben a demandé au préfet de votre département de vous tenir personnellement informé des suites qui seront données à cet examen complémentaire.
S'agissant de l'avenir du service d'ingénierie routière de la DDE du Gers, la DIR Sud-Ouest, qui doit être prochainement créée, sera chargée du réseau des routes nationales de votre département. Les réflexions sur la constitution de la DIR Sud-Ouest sont en cours, et son organisation n'a pas encore été arrêtée.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Si j'ose dire, monsieur le garde des sceaux, vous laissez la route ouverte. (Sourires.)
Il est satisfaisant que la gestion de la RN 124 et de la RN 21 reste à Auch.
S'agissant de l'est du département, Gimont, en tant que siège du pays « Porte de Gascogne », est au centre de 155 communes. Monsieur le garde des sceaux, l'élu local que vous êtes sait combien il est important que les maires ne soient pas à une trop grande distance d'un tel centre. Or, si l'unité de Gimont est transférée à Auch, certains maires devront alors parcourir plus de 100 kilomètres aller-retour pour se rendre dans cette administration. Ce n'est pas acceptable ! J'espère donc que M. le préfet du Gers prendra en compte ces éléments et que sa décision ira dans le bon sens.
M. le président. Mon cher collègue, votre ancêtre le maréchal d'Artagnan ne se déplaçait qu'à cheval ; aujourd'hui, nous disposons de moyens plus rapides pour franchir de telles distances... (Sourires.) Néanmoins, nous avons bien entendu votre propos.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour un rappel au règlement.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une nouvelle fois, le Premier ministre, Dominique de Villepin masque par des effets de communication la réalité de sa politique ultralibérale au service des catégories sociales les plus aisées et des grands investisseurs.
M. Laurent Béteille. Pas du tout !
M. Michel Billout. Qui peut croire un instant que brader EDF après les sociétés d'autoroute et la SNCM, biens appartenant à la nation, constitue un objectif social ?
L'annonce faite aujourd'hui par le Premier ministre de privatiser partiellement EDF confirme la volonté du Gouvernement d'exposer l'entreprise à une stratégie de rentabilité financière, au détriment de la préservation de ses missions de service public.
Cette décision suscite une grande émotion et d'importantes interrogations. Le Gouvernement s'attaque en effet à l'un des symboles d'une certaine idée du service public à la française. Cela relève d'un dogmatisme étroit qui nie la montée des aspirations antilibérales dans le pays et qui fait fi de l'attachement de notre peuple à l'un des principaux outils de son développement.
Le Parlement doit donc être saisi de cette importante question, comme je l'ai déjà demandé au président de la commission des affaires économiques, alors que, au sein même de la majorité, des voix s'élèvent pour critiquer la lourde décision gouvernementale.
Au nom d'un besoin urgent d'investissements, le Gouvernement ouvre au capital privé une entreprise dont la situation financière s'est pourtant considérablement améliorée. Ainsi, la direction d'EDF espère augmenter son bénéfice net de 10 % chaque année, tout en reversant la moitié aux actionnaires.
L'entreprise publique a les moyens de faire face à ses missions, qui sont d'assurer la péréquation tarifaire, la continuité du service de l'énergie et la sécurité, notamment en matière nucléaire. L'engagement de sa privatisation va au contraire la fragiliser dans l'exécution de ses tâches. Contrairement à ce qu'affirme le Premier ministre, on peut s'attendre à de nouvelles augmentations du tarif de l'électricité, comme c'est actuellement le cas pour le gaz, sous la pression certaine des actionnaires qui vont posséder, dans un premier temps, 15 % du capital.
EDF va être confrontée à la loi du marché, qui annihilera les dispositions en faveur des plus démunis qui sont affichées aujourd'hui par le Premier ministre.
Pour cette raison, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen réitèrent leur franche opposition à toute ouverture du capital d'EDF et appellent à un grand débat public sur l'avenir de l'entreprise et du service de l'énergie. Ils s'associent aujourd'hui à toutes les mobilisations pour contrer ce mauvais coup porté à notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
5
Traitement de la récidive des infractions pénales
Discussion d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au traitement de la récidive des infractions pénales (nos 23, 30).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd'hui en deuxième lecture la proposition de loi relative au traitement de la récidive, que vous avez adoptée en février 2005 et qui a été modifiée, voilà deux semaines, par l'Assemblée nationale.
Cette question de la récidive présente évidemment à mes yeux une particulière importance puisque, dans mes précédentes fonctions de président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, j'ai été à l'origine à la fois de la création de la mission d'information sur le traitement de la récidive et de l'élaboration de cette proposition de loi. Et j'ai aujourd'hui la responsabilité de suivre ce texte au nom du Gouvernement, en tant que garde des sceaux.
C'est un sujet grave, complexe et douloureux.
C'est un sujet grave, parce que notre droit pénal n'est pas adapté à l'évolution de la délinquance. Si cette dernière a baissé de manière importante ces trois dernières années, il reste aujourd'hui un noyau dur de multirécidivistes pour qui la loi n'est plus dissuasive. Ces délinquants d'habitude commettent plus d'un délit sur trois ! Lutter contre la récidive doit donc permettre de faire baisser durablement la délinquance, notamment celle qui frappe quotidiennement nos concitoyens.
Pouvons-nous tolérer les violences urbaines récurrentes ou des vols répétés ? Pouvons-nous accepter la banalisation des infractions ? Bien sûr que non !
Aujourd'hui, la loi interdit cette forme de délinquance, mais elle ne l'empêche pas, et je vous demande solennellement de donner au Gouvernement les moyens juridiques de combattre la récidive.
C'est également un sujet complexe parce que les textes actuels sont insuffisants, voire inexistants, pour prévenir la récidive des grands criminels. Pouvions-nous assister sans rien faire aux récidives annoncées de condamnés pervers et violents ? Pouvions-nous tolérer des sorties « sèches » de prison, alors que tout le monde sait qu'elles ne peuvent que favoriser la récidive ? Le Gouvernement est responsable ; il a donc pris ses responsabilités.
Il s'agit, enfin, d'un sujet douloureux. A chaque récidive, il y a une ou plusieurs victimes qui souffrent. Que demandent-elles ? Que d'autres n'endurent pas les mêmes souffrances...
Contrairement à ce qui a été dit par certains, ce texte n'est pas un texte de circonstance ; il est même plutôt équilibré, puisqu'il a mûri pendant plus de deux ans.
Cette proposition de loi répond à l'attente des Français, qui souhaitent non seulement que la justice réprime ceux qui récidivent sciemment, mais aussi qu'elle accompagne les personnes condamnées vers la réinsertion. Nous éviterons ainsi la récidive !
Pour gagner la bataille de la délinquance, nous devons rendre les sanctions plus dissuasives, ce qui signifie que les récidivistes seront traités différemment que les primo-délinquants. J'en suis persuadé, il faut sanctionner plus sévèrement ceux qui n'ont pas tenu compte des premiers avertissements de la justice.
C'est pourquoi le nombre de sursis avec mise à l'épreuve pouvant être prononcés successivement sera limité.
C'est pourquoi aussi les peines seront aggravées en cas de viols multiples.
C'est pourquoi également les crédits de réduction de peine dont bénéficient les récidivistes devront être divisés par deux : je souhaite, en effet, rétablir l'effectivité de la peine pour les récidivistes.
C'est pourquoi, de plus, la récidive pourra être relevée par le tribunal même si elle n'a pas été visée par le parquet.
C'est pourquoi, enfin, les peines d'emprisonnement ferme prononcées à l'encontre des récidivistes violents devront être exécutées immédiatement, sauf décision contraire du tribunal.
Cette volonté de mieux prendre en compte la dangerosité des criminels les plus violents se retrouve dans deux autres dispositions : le suivi socio-judiciaire sera étendu aux incendiaires et aux criminels dangereux, et le temps d'épreuve sera porté de quinze à dix-huit ans pour les condamnations à la réclusion criminelle à perpétuité, et à vingt-deux ans en cas de récidive.
Si l'emprisonnement des criminels dangereux est nécessaire, il n'est pas suffisant. Pour cette raison, je souhaite que les mesures de suivi et de contrôle de ces condamnés soient renforcées.
Ce sera tout d'abord le cas sur le plan médical.
La possibilité de recourir aux traitements inhibiteurs de la libido dans le cadre du suivi socio-judiciaire sera rappelée. Afin de favoriser le développement de cette mesure, les médecins coordonnateurs pourront agréer des psychologues, et non plus seulement des psychiatres, pour soigner les délinquants sexuels. Enfin, les personnes détenues seront, par le biais des réductions de peine, incitées à suivre des soins en prison.
Je veux également renforcer les mesures d'alerte et de suivi nécessaires pour prévenir la récidive. J'ai donc décidé, parallèlement à ce texte, de créer une commission d'analyse et de suivi de la récidive, présidée par le professeur Jacques-Henri Robert, directeur de l'Institut de criminologie de l'université Paris II. Cette commission pluridisciplinaire sera chargée de définir des outils fiables de mesure de la récidive et de proposer des instruments adaptés pour prévenir le renouvellement des infractions.
Je vous propose également d'étendre le fichier des auteurs d'infractions sexuelles aux criminels violents. Ces derniers seront désormais soumis aux mêmes obligations de déclaration que les délinquants sexuels.
Mais la disposition de contrôle la plus innovante est sans conteste le placement sous surveillance électronique mobile.
A la différence du bracelet électronique actuel, le bracelet électronique mobile n'interdira pas au condamné de se déplacer, mais il alertera les autorités si la personne se rend dans un endroit qui lui est interdit : lorsqu'un crime sera commis, le bracelet électronique permettra de savoir si elle se trouvait sur les lieux.
Dans son principe, il s'agit donc d'un instrument particulièrement efficace de lutte contre la récidive.
Le placement sous surveillance électronique mobile pourra être prononcé dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une libération conditionnelle.
Les seules divergences qui subsistent désormais entre les deux assemblées portent sur les modalités pratiques de la mise en oeuvre de ce bracelet électronique. Mais je suis certain qu'un accord pourra être trouvé, aussi bien sur la durée de la mesure qu'au sujet des personnes concernées par ce nouveau dispositif.
Je voudrais maintenant évoquer la création d'une nouvelle mesure de suivi, la surveillance judiciaire.
J'ai reçu récemment les victimes d'un violeur en série. Elles m'ont dit qu'elles savaient, avant même qu'il ne sorte de prison, qu'il allait récidiver. Elles l'avaient signalé et les autorités médicales et judiciaires avaient fait passer le même message. Or rien n'a été fait, parce que rien ne pouvait être fait.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire : je ne veux plus assister, impuissant, à la chronique d'une récidive annoncée. La récidive de criminels sexuels n'est, heureusement, pas très fréquente, mais elle est trop grave pour que nous ne la considérions que comme un risque statistique.
Dans ce contexte, j'ai proposé un nouveau régime juridique, la surveillance judiciaire, qui permet d'utiliser le temps des réductions de peine pour aménager la sortie de prison des personnes condamnées à des peines supérieures ou égales à dix ans.
Cette surveillance judiciaire doit permettre non seulement le placement sous surveillance électronique mobile, mais aussi le respect d'autres obligations, comme celle de suivre un traitement médical.
En cas de non-respect de ces obligations, le juge pourra ordonner le retrait des réductions de peine et la réincarcération du condamné. Il sera alors constitutionnellement possible de prévoir l'application immédiate du placement sous surveillance judiciaire aux condamnations en cours d'exécution.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On verra ! (M. Robert Badinter sourit.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si ! C'est tout le débat !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... mais d'une modalité d'application d'une peine. Les obligations imposées au condamné ne présentent pas un caractère de sanction, mais elles sont uniquement destinées à éviter une récidive.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lisez Georges Fenech !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Lisez Guy Carcassonne !
Quoi qu'il en soit, je suis très heureux de constater que la commission des lois du Sénat partage cette analyse,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tous les membres de la commission ne la partagent pas !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... et je suis persuadé qu'il en sera de même pour la grande majorité des sénateurs.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, cette deuxième lecture sera l'occasion d'approfondir un débat particulièrement riche, qui met en évidence la complémentarité des initiatives parlementaires et gouvernementales pour trouver une solution à ces questions de société.
Je tiens à féliciter le rapporteur, François Zocchetto, la commission des lois et son président, Jean-Jacques Hyest, de l'excellence de leur travail, et je me réjouis de constater que les dispositions essentielles de ce texte sont aujourd'hui sur le point de recueillir un large consensus.
Certes, la loi - aussi perfectionnée qu'elle puisse être - et les acteurs de l'institution judiciaire - aussi motivés et compétents qu'ils soient - ne pourront jamais empêcher toute récidive. Il est cependant de notre responsabilité de faire le maximum, dans les limites d'un Etat de droit soucieux de respecter la dignité de la personne et les libertés individuelles, pour réduire autant que possible le risque de récidive.
Nous le devons aux Français, notamment aux victimes, dont la défense des intérêts doit rester l'un des soucis constants du législateur et du Gouvernement.
Cela suppose que la justice fasse preuve de la fermeté nécessaire à l'égard des récidivistes ; cela nécessite que la justice mette en place, dès lors qu'un risque de récidive est avéré, les mesures de surveillance et de contrôle appropriées, après la libération des personnes ; et cela exige que la justice utilise pleinement les progrès de la science, sur le plan tant médical que technique.
Tel a très précisément été l'objet de la loi du 17 juin 1998, qui a instauré le suivi socio-judiciaire et l'injonction de soins. Et c'est très précisément l'objectif de la présente proposition de loi, avec, notamment, le placement sous surveillance électronique mobile et, comme je le propose maintenant, le placement sous surveillance judiciaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui est issue des travaux de l'Assemblée nationale et dont une paternité toute particulière revient à M. Pascal Clément. (Sourires.)
Je formulerai aujourd'hui six observations.
Premièrement, de profondes divergences sont apparues en première lecture entre les deux assemblées. En effet, sur dix-huit articles, le Sénat en a supprimé onze et modifié trois.
Les modifications que nous avions proposées, qui n'exprimaient pas une position de principe, procédaient d'une analyse approfondie et partagée par les uns et les autres.
De tels désaccords, je souhaite le rappeler d'emblée, ne doivent pas faire l'objet de malentendus : les sénateurs partagent en effet avec les députés la préoccupation de lutter plus efficacement contre la récidive.
Le Sénat a enrichi le texte, en première lecture, de plusieurs dispositions. Je pense en particulier à l'extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire et à la possibilité pour le médecin traitant, dans le cadre de l'injonction de soins, de prescrire, avec l'accord du détenu, des médicaments limitant la libido alors que, jusqu'à présent, cette pratique, qui était officieuse, s'opérait « sous le manteau ».
Cependant, le Sénat avait exprimé plusieurs réserves sur certaines dispositions de la proposition de loi initiale, en particulier sur sa mesure sans doute la plus novatrice qui tendait à faire du bracelet électronique mobile une mesure de sûreté destinée à s'appliquer après l'accomplissement de la peine : nous nous étions interrogés sur le régime juridique retenu pour la mise en oeuvre de ce procédé et, surtout, sur son caractère rétroactif.
Il est important de souligner que le Sénat n'avait pas contesté l'intérêt de la technique de la surveillance mobile. Notons à cet égard que la Haute Assemblée est à l'origine du bracelet électronique fixe, qui est aujourd'hui considéré comme une modalité très utile de l'application de la peine. Et je profite de cette occasion pour rappeler que le Sénat souhaite le développement de son utilisation.
Néanmoins, toute extension de la mesure que constitue le bracelet électronique mobile paraissait requérir une expertise juridique et technique plus approfondie et, dans cette perspective, il nous avait semblé utile d'attendre les conclusions du rapport confié par le Gouvernement à M. Georges Fenech, député, ainsi que les résultats de la mission « santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive », présidée par M. Jean-François Burgelin, procureur général honoraire près la Cour de cassation.
Deuxièmement, je reviendrai donc sur les enseignements des rapports Fenech et Burgelin.
Ces deux rapports, dont les conclusions ont été connues avant l'été dernier, ont confirmé l'intérêt de la surveillance électronique mobile. Ils s'accordent également sur la nécessité du consentement de l'intéressé.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. François Zocchetto, rapporteur. Comme l'a expliqué M. Georges Fenech lors de son audition par la commission des lois, la mesure, ne serait-ce que par ses modalités pratiques de fonctionnement, implique la participation active de la personne et, par conséquent, son accord.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je vous ai apporté, mes chers collègues, un bracelet électronique (M. le rapporteur montre ledit bracelet), qui peut s'attacher au poignet, au bras, ou à la cheville. Vous pouvez constater vous-même que cet objet est relativement léger !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la batterie ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Oui, mon cher collègue, pour que ce dispositif fonctionne, il faut effectivement que l'intéressé porte un émetteur-récepteur, lequel s'accroche à la ceinture et est effectivement un peu plus lourd...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et qu'il le porte pendant trente ans !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il y a une autre solution, où tout est regroupé dans le même appareil !
M. François Zocchetto, rapporteur. Il existe en effet un autre modèle - ce type d'objet est fabriqué par deux ou trois fabricants - qui réunit ces deux parties. Cependant, monsieur le garde des sceaux, le modèle que j'ai dans les mains nous a semblé plus pratique d'utilisation, même si je ne préjuge pas du choix qui sera effectué si le présent texte est adopté.
Par ailleurs, le rapport de M. Georges Fenech préconise une durée de placement limitée à deux ans. Cette conclusion est le fruit d'expériences aussi bien étrangères - je pense au Royaume-Uni, dans la région de Manchester, ou à la Floride, aux Etats-Unis - que françaises, avec l'actuel bracelet électronique fixe. En effet, la capacité de supporter ce dispositif et les contraintes qu'il implique ne valent que pour une période relativement brève, au-delà de laquelle les incidents tendent à se multiplier : il faut en effet observer une certaine discipline et recharger la batterie tous les soirs.
Troisièmement, je souhaite noter les améliorations très significatives du texte issu de la deuxième lecture de l'Assemblée nationale.
Les députés ont en effet tenu compte, pour une large part, des observations du Sénat. A cet égard, il est assez frappant de constater que l'Assemblée nationale n'a maintenu en l'état aucune des dispositions qu'elle avait initialement proposées, et qu'elle a suivi le Sénat sur plusieurs points importants.
Ainsi, elle a renoncé à intégrer les irresponsables pénaux dans le fichier des délinquants sexuels et, surtout, elle n'a pas repris le dispositif tendant à faire du bracelet électronique mobile une mesure de sûreté autonome applicable après l'exécution de la peine et dont l'application aurait été rétroactive.
Le texte proposé par l'Assemblée nationale comporte donc des aspects très positifs.
Le placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM, pourrait être utilisé, comme M. le garde des sceaux vient de le rappeler, selon trois modalités juridiquement encadrées, qu'il me paraît important de rappeler.
Tout d'abord, le bracelet pourrait être utilisé, comme l'avait prévu le Sénat en première lecture, dans le cadre de la libération conditionnelle.
Ensuite, il pourrait y être recouru dans le cadre du suivi socio-judiciaire, en tant que mesure d'accompagnement permettant la sortie progressive du détenu du système carcéral.
Enfin, le bracelet pourrait entrer dans le cadre de la surveillance judiciaire, qu'a évoquée le garde des sceaux et qui permettrait de soumettre le condamné, après sa libération, à certaines mesures de contrôle, pour une durée n'excédant pas celle des réductions de peine qu'il a pu obtenir. Par exemple, si une personne condamnée à vingt ans de réclusion par une cour d'assises est libérée par anticipation après treize ans grâce à une réduction de peine, elle pourra alors faire l'objet d'une mesure de surveillance judiciaire pendant une période de sept années. Tel est d'ailleurs le cas aujourd'hui, puisque le juge de l'application des peines a la possibilité, durant cette période, de prononcer certaines interdictions ou mesures de coercition à l'encontre d'une personne libérée prématurément par rapport à la décision prononcée par la juridiction d'origine.
Par ailleurs, plusieurs mesures nouvelles émanant de l'Assemblée nationale peuvent concourir efficacement à la répression ou à la prévention de la récidive.
Il s'agit tout d'abord de la prise en compte, au titre de la récidive, des condamnations prononcées par les juridictions des autres Etats membres de l'Union européenne. Nous nous félicitons, monsieur le garde des sceaux, de cette avancée que nous appelions de nos voeux il y a quelques semaines, au moment où nous avons examiné un projet de loi portant diverses transpositions du droit communautaire. Ainsi, demain - car cette décision a été prise plus rapidement que nous ne le pensions -, les condamnations prononcées en Belgique ou en Allemagne pourront être prises en compte lorsqu'un récidiviste sera condamné par des juridictions françaises.
Il s'agit ensuite de la possibilité de prononcer un sursis avec mise à l'épreuve pour les récidivistes qui seraient condamnés à dix ans d'emprisonnement au maximum, et non pas à cinq ans seulement comme c'est le cas aujourd'hui.
Il s'agit enfin du renforcement du dispositif incitant le détenu à accepter un traitement médical pendant la détention, de l'extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire à de nouvelles catégories d'infractions ou encore de l'aggravation de la peine encourue pour les auteurs de viols en série.
Quatrièmement, je souhaite rappeler brièvement la position du Sénat : il convient d'élaborer un dispositif visant à lutter efficacement contre la récidive, sur le fondement des convergences de vues apparues avec l'Assemblée nationale, dans le respect des principes de notre droit.
Nous vous proposons tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, de tenir compte des conclusions des rapports Fenech et Burgelin, s'agissant du dispositif relatif au placement sous surveillance électronique mobile, en exigeant le consentement de l'intéressé. Au demeurant, cela paraît aller de soi : en effet, si celui-ci s'oppose à une telle mesure, il lui suffit d'une paire de ciseaux pour se débarrasser du bracelet ! Une telle précision ne me paraît donc pas extrêmement novatrice.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cependant, il est important de le souligner, le défaut de consentement doit pouvoir conduire le juge à prononcer l'incarcération, ce dont l'intéressé sera averti au préalable.
Par ailleurs, la commission des lois suggère de limiter à deux ans, renouvelables une fois, le port du bracelet électronique mobile.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela fait quatre ans !
M. François Zocchetto, rapporteur. Le recours au placement sous surveillance électronique mobile serait réservé aux personnes condamnées à une peine supérieure ou égale à dix ans d'emprisonnement ; en revanche, son application serait exclue pour les mineurs. A bien y réfléchir, au demeurant, il est difficile d'imaginer dans quelles circonstances des mineurs pourraient porter ce bracelet : en effet, les mineurs condamnés à une peine de dix ans, voire de cinq ans d'emprisonnement ne peuvent l'être avant l'âge de quinze ans ; à leur sortie de prison, ils sont donc nécessairement majeurs et ils relèvent alors du droit commun.
La commission des lois préfère cependant que cette précision figure dans la loi.
M. François Zocchetto, rapporteur. Ensuite, la commission des lois propose de maintenir la position adoptée par le Sénat en première lecture sur deux points.
En premier lieu, il s'agit de donner au juge la faculté de prononcer un mandat de dépôt à l'audience, y compris pour les peines inférieures à un an d'emprisonnement, alors que, jusqu'à présent, pour que cela soit possible, la peine devait être au moins égale à un an d'emprisonnement.
La commission des lois vous demande de ne pas retenir à cet égard la position de l'Assemblée nationale, qui oblige le juge à ordonner un mandat de dépôt dans certains cas de récidive. En effet, il ne nous semble pas bon d'inverser l'un des principes fondamentaux de notre droit pénal, selon lequel la liberté doit demeurer la règle et la détention l'exception. Cela n'empêche d'ailleurs en aucun cas le magistrat de prononcer une peine de détention !
En second lieu, il s'agit de supprimer le dispositif limitant le crédit de réduction de peine pour les récidivistes. La commission des lois est, en effet, favorable à un dispositif clair et simple. Le récidiviste - dois-je le rappeler ? - encourt déjà le doublement de sa peine, et il ne faut pas que les juges l'oublient.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils le savent !
M. François Zocchetto, rapporteur. Le doublement de la peine semble donc préférable à un calcul complexe d'anticipation des crédits de réduction de peine, selon que le condamné est récidiviste ou non.
Enfin, la commission des lois souhaite compléter -comme nous l'avons déjà fait en première lecture - la proposition de loi en procédant à quelques améliorations de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004, dite loi « Perben II », en introduisant des mesures qui intéressent les avocats et les droits de la défense. Il s'agit d'ajuster l'article 434-7-2 du code pénal - qui a, ces derniers temps, fait couler beaucoup d'encre -, en encadrant plus rigoureusement l'incrimination de divulgation d'une information durant une instruction, notamment par un avocat, ainsi que le dispositif relatif aux perquisitions et aux écoutes téléphoniques dans les cabinets d'avocats.
Cinquièmement, je crois utile de m'attarder quelque peu sur la question de la rétroactivité. En effet, dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, le bracelet électronique mobile est qualifié de « mesure de sûreté ». Faut-il pour autant en conclure que, à la différence d'une sanction pénale, cette mesure pourrait s'appliquer immédiatement aux personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi ? Il n'y a pas de réponse simple à cette question.
Dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel avait établi que le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère valait non seulement pour l'incrimination ou la peine, mais aussi pour « toute sanction ayant le caractère d'une punition ». Il avait ainsi été conduit à censurer, en 1986, la possibilité d'une application rétroactive des périodes de sûreté. En conséquence, la qualification du bracelet mobile comme « mesure de sûreté » n'emporte pas ipso facto, selon nous, la possibilité d'une application rétroactive.
Nous devons nous interroger sur le caractère punitif de cette mesure et, pour cela, l'analyser au travers d'un faisceau d'indices tenant plus particulièrement compte de la gravité de la contrainte exercée et de ses modalités d'application.
Ces critères font apparaître que, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, le placement sous surveillance électronique mobile présente bien le caractère d'une peine. En effet, ce dispositif serait susceptible de s'appliquer après l'exécution de la condamnation, pour une période pouvant aller jusqu'à dix ans en matière criminelle. Dans cette hypothèse, l'application rétroactive du bracelet électronique mobile semble donc devoir être écartée. La proposition de loi ne l'envisage d'ailleurs pas. Il n'y a donc pas lieu de s'étendre sur ce point.
En revanche, dans le cadre de la surveillance judiciaire, le placement sous surveillance électronique mobile pourrait être immédiatement mis en oeuvre pour les personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi, et l'article 16 de la proposition de loi prévoit explicitement cette application instantanée.
L'application rétroactive s'appuie alors sur deux arguments. D'une part, la période correspondant aux réductions de peine s'assimile à une période d'application de la peine ; si je reprends l'exemple que j'ai cité tout à l'heure, cette période durerait sept ans : vingt ans de condamnation auxquels seraient soustraits les treize ans de peine effectivement accomplis. D'autre part, les lois définissant les modalités d'application de la peine peuvent déroger au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. La surveillance judiciaire peut donc s'accompagner d'une mise en oeuvre immédiate du PSEM.
A ce sujet, monsieur le garde des sceaux, un débat s'est engagé au sein de la commission des lois sur le bien-fondé de l'assimilation de la période correspondant aux réductions de peine à une période d'application de la peine. A titre personnel, je pense que des arguments militent en ce sens. C'est pourquoi je soutiens sans hésiter ce dispositif que, dans le contexte actuel, je considère extrêmement utile.
Ainsi, le condamné est déjà soumis, après la fin de la détention et pendant la période correspondant aux réductions de peine obtenues, à certaines obligations, telles que l'interdiction de rencontrer la victime. Le fait d'être libéré par anticipation ne le rend donc pas pour autant libre de tout ! Le bracelet électronique mobile pourrait être ainsi considéré, dans le cadre de la surveillance judiciaire, comme une modalité d'application de la peine, dont la durée ne saurait évidemment excéder celle qui correspond aux réductions de peines obtenues.
Néanmoins, la commission des lois entend apporter un certain nombre de précisions, s'agissant notamment de la limitation de la durée du placement sous bracelet électronique mobile ou de l'exclusion des mineurs de cette mesure, afin de renforcer le caractère constitutionnel du dispositif que vous avez proposé par amendement à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, monsieur le garde des sceaux.
Sixièmement, enfin, j'évoquerai - et j'espère que vous ne m'en voudrez pas, monsieur le garde des sceaux - la question cruciale des moyens, même si elle ne relève pas du domaine juridique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elle est essentielle !
M. François Zocchetto, rapporteur. La lutte contre la récidive passe aussi par la prévention, ce qui implique une forte mobilisation de moyens humains.
Sont plus particulièrement sollicités, dans le cadre de cette action, les juridictions de l'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation, dont les effectifs actuels apparaissent très nettement insuffisants.
Il n'existe, je le rappelle, que 310 juges de l'application des peines - soit seulement 7,5 % des effectifs des magistrats du siège - alors que les tâches qui leur incombent ont été accrues ces dernières années. Sans doute faudrait-il se fixer l'objectif de doubler le nombre de juges de l'application des peines...
De même, la charge de travail dévolue aux 2 500 agents d'insertion et de probation, qui doivent suivre chacun, en moyenne, plus d'une cinquantaine de dossiers en milieu ouvert, a considérablement augmenté. Dans ces circonstances, ces derniers devraient bénéficier d'un renforcement de leurs moyens.
Enfin, je ne peux conclure sur la faiblesse des effectifs sans évoquer le manque chronique de médecins, même si, je le sais, cette question n'est pas seulement budgétaire. En effet, le système judiciaire français compte de moins en moins de médecins psychiatres alors que ceux-ci doivent suivre de plus en plus de condamnés, dont les problèmes psychiatriques sont de plus en plus importants. Une récente étude a ainsi montré que 80 % des hommes qui étaient placés en détention souffraient de problèmes psychiques. Je rappelle d'ailleurs que, en première lecture, le Sénat a proposé que des psychologues référencés sur une liste nationale puissent assurer le suivi psychique des détenus, afin de pallier la pénurie de médecins.
Plusieurs des mesures envisagées par la présente proposition de loi concourront sans doute à accroître encore la charge de ces différents services. Je pense en particulier à l'extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire, ou à la mise en oeuvre du bracelet électronique mobile. Le coût de ce dernier, que certains estiment à 60 euros par jour, dépendra de nombreux paramètres. Il est donc nécessaire, monsieur le garde des sceaux, que vous nous apportiez des éclaircissements à ce sujet.
Combien de personnes seront potentiellement concernées par le placement sous surveillance électronique mobile ? Quel sera le mode de surveillance retenu ? Un mode actif, c'est-à-dire permanent, - je ne le pense pas - ou, plus vraisemblablement, semi-actif ? Dans cette dernière hypothèse, seuls les manquements aux obligations liées au port du bracelet donneraient lieu à des alarmes. Envisagez-vous de recourir à des opérateurs privés pour la surveillance ? Cette solution nous paraît devoir être retenue, et la commission des lois présentera un amendement en ce sens.
Enfin, sur la mise en oeuvre des moyens, monsieur le garde des sceaux, nous souhaiterions avoir des indications supplémentaires sur les services chargés d'assurer le suivi du bracelet électronique. Est-il possible d'envisager une responsabilité partagée entre l'administration pénitentiaire et certains services de police ? Cette nouvelle administration sera-t-elle codirigée par le garde des sceaux et le ministre de l'intérieur ?
Vous le voyez, monsieur le garde des sceaux, nous nous interrogeons encore sur la faisabilité pratique du dispositif. Mais je ne doute pas que vous nous apporterez toutes les réponses que nous attendons.
Je conclurai en soulignant que ce texte n'épuisera pas le sujet. En matière de récidive, notamment pour les infractions sexuelles, le risque zéro n'existe pas, et il n'existera jamais. Il est de notre devoir de législateurs de le répéter : avec le bracelet électronique mobile, avec les autres mesures qui sont prévues dans ce texte, nous souhaitons réduire considérablement les risques de récidive, mais qu'il soit bien clair que, malheureusement, il ne sera jamais possible de les éliminer totalement.
C'est pour cette raison que la commission des lois s'intéresse à une disposition du rapport de la mission « Santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive », qui s'inspire des expériences allemande et néerlandaise. Ainsi, les centres fermés de protection sociale, qui, chez nos voisins européens, sont réservés à des individus particulièrement dangereux ayant commis des faits criminels d'une gravité singulière, pourraient s'adresser, en France, aux individus particulièrement dangereux - ils ne sont que quelques dizaines - qui présentent un risque de récidive extrêmement prononcé. Ces derniers ne seraient placés dans ces centres que sur décision prononcée par des juridictions collégiales, avec le maximum de garanties et pour des durées limitées.
Une telle disposition n'est pas prévue dans le texte dont nous entamons l'examen en deuxième lecture aujourd'hui. Je la mentionne simplement pour signaler que nous serons amenés, probablement par le biais de missions d'information ou de missions parlementaires, à discuter de nouveau de ce problème très sérieux et malheureusement omniprésent pour nos concitoyens qu'est la récidive. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour discuter, en deuxième lecture, d'un texte qui suscite l'émotion.
Des événements récents ont en effet montré à quel point la prévention de la récidive doit être une préoccupation permanente du législateur. Nous pensons aux victimes, à l'inquiétude et à l'incrédulité de leurs familles, à la colère permanente de l'opinion face à des événements qu'il est difficile de comprendre. Nous devons, par conséquent, examiner ce texte avec un grand sérieux et beaucoup de dignité.
Mais nous devons en même temps faire preuve de réserve et travailler dans la sérénité, cette sérénité qui est la marque du Sénat : n'est-il pas plus préservé de l'opinion publique que l'Assemblée nationale ?
Je formulerai à cet égard quelques observations. En effet, cette sérénité semble avoir été mise à mal au début de l'été, à la suite d'un événement douloureux : M. le ministre de l'intérieur n'a-t-il pas déclaré que les juges devaient « payer » ? De tels propos sont inacceptables pour la communauté judiciaire tout entière ! La décision que prend le juge de l'application des peines...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Collégialement, qui plus est !
M. Nicolas Alfonsi. ... est toujours entourée d'un certain nombre de garanties. Quelles conditions supplémentaires faudrait-il donc pour que le juge n'ait pas à « payer » ? Tout cela n'est pas très raisonnable !
Mais je dois reconnaître, monsieur le garde des sceaux, que vous y avez mis bon ordre. J'ai eu l'occasion de vous le dire à l'occasion d'une question d'actualité, au mois de juillet dernier : par des propos particulièrement mesurés et équilibrés, vous avez défendu les magistrats qui, il faut le rappeler, statuent au nom du peuple français.
Toutefois, vous avez quelque peu rechuté, au mois de septembre,...
M. Pierre Fauchon. C'est un récidiviste ! (Sourires)
M. Nicolas Alfonsi. ... lorsque, compte tenu du risque d'inconstitutionnalité de certaines dispositions qui leur étaient alors proposées, vous avez demandé aux parlementaires de ne pas courir ce risque et d'éviter les recours inconsidérés devant le Conseil constitutionnel. Au demeurant, je pense que vous étiez alors de bonne foi et, après cette petite rechute, vous vous êtes aussitôt repris. Il est vrai que vous étiez sans doute inspiré par la photo de Michel Debré appuyant le sceau de la République sur notre loi fondamentale, devant laquelle vous passez tous les matins ! (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, je ne crois pas aux accusations d'affichage : il ne faut pas dire que nous légiférons sous la pression de l'opinion publique, d'une opinion publique dont il faut d'ailleurs se méfier. Au demeurant, monsieur le garde des sceaux, le rapport que vous avez signé avec M. Léonard, ainsi que ceux qui ont été établis par MM. Fenech et Burgelin, ont démontré que nous nous étions préoccupés de cette question bien avant que certains événements douloureux ne se produisent.
Ainsi, le débat qui a lieu aujourd'hui n'est pas la conséquence de faits extérieurs : il est l'illustration, vous l'avez d'ailleurs dit, qu'il faut toujours se méfier des récidives annoncées.
Mais que les choses soient claires : notre groupe ne vous fera pas de procès d'intention, monsieur le garde des sceaux, puisque le RDSE a été le premier à évoquer le concept de bracelet électronique,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !
M. Nicolas Alfonsi. ... sur l'initiative, voilà quelques années, de notre ancien collègue Guy Cabanel.
Mais j'en viens à la proposition de loi proprement dite.
Le Sénat avait largement remanié ce texte en première lecture, notamment en ce qui concerne la surveillance électronique, et la nouvelle version qui a été adoptée par les députés s'est efforcée de mieux tenir compte des réserves de notre assemblée.
Certaines modifications constituent des avancées dont nous prenons acte. Ce texte apporte, en effet, des réponses graduées à la délinquance. Toutefois, les dispositions qui ont été retenues par l'Assemblée nationale vont souvent dans le sens d'un durcissement des peines au lieu de favoriser le suivi et la réinsertion.
Il s'agit avant tout d'apprécier l'efficacité des méthodes employées. Nous rappelons qu'en cas de récidive la loi prévoit déjà le doublement des peines prononcées. Dans ces conditions, nous considérons qu'il ne faut pas nous limiter à la sanction, alors que la mission de la justice pénale inclut la prévention et la réinsertion.
Notre groupe a partagé l'esprit de la commission des lois en souhaitant maintenir les positions que le Sénat avait prises en première lecture, notamment en ce qui concerne l'encadrement de l'usage du bracelet électronique. Celui-ci doit être utilisé avec précaution, mais il serait absurde de se priver de ce moyen, tout comme il serait aberrant de considérer qu'il va donner des résultats exceptionnels.
Le groupe du RDSE, dans sa majorité, adhère à la proposition de la commission des lois, laquelle a approuvé le recours au bracelet mobile selon les trois modalités qui ont été excellemment rappelées par notre collègue François Zocchetto dans son rapport.
Notre groupe approuve les conclusions du rapport relatif au placement sous surveillance électronique mobile de M. Fenech, qui exige le consentement de l'intéressé et limite la durée du placement à deux ans, renouvelables une fois.
Ces mesures vont dans le bon sens.
De même, nous sommes sensibles au fait que la commission des lois ait limité le recours au bracelet mobile aux personnes condamnées à une peine d'emprisonnement de dix ans, dans le cadre du suivi socio-judiciaire et de la libération conditionnelle, et qu'elle ait exclu son application aux mineurs.
Il était opportun de supprimer la limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes, dans la mesure où ces derniers encourent déjà le doublement de la peine. Nous estimons en effet que la limitation du crédit de réduction de peine aurait pour effet de raccourcir la durée de la surveillance judiciaire que le Gouvernement nous propose d'instituer comme instrument de prévention de la récidive.
De même, monsieur le garde des sceaux, nous souhaiterions, avec la commission des lois, que vous précisiez votre position sur un certain nombre de points : le régime des peines applicables en matière de réitération, le maintien de la période de sûreté de vingt-deux ans, ainsi que la suppression de la possibilité de placement des mineurs en centre éducatif fermé au-delà des deux ans de la période de détention provisoire qui doit permettre d'achever l'instruction.
Nous attendons vos réponses s'agissant des amendements qui concernent la représentation des victimes devant le tribunal de l'application des peines et la création d'un contrôleur général des prisons, mesure que, pour notre part, nous approuvons.
Nous souhaiterions également connaître votre sentiment concernant l'encadrement plus rigoureux de l'incrimination des révélations, s'agissant notamment des avocats : la discussion, ponctuée de vives polémiques, qui a eu lieu sur ce point devrait nous éclairer.
Enfin, monsieur le garde des sceaux, je ne vous ferai pas de procès d'intention sur les moyens. Deux approches totalement différentes nourrissent le débat : celle qui prétend que tous les problèmes peuvent être réglés par des moyens supplémentaires en personnels, en experts, en médecins et en conseillers, et celle qui estime qu'il faut simplement s'en tenir à votre texte pour que tous les problèmes soient résolus.
En réalité, ces deux approches paraissent assez artificielles. Nous savons qu'il faut de nouveaux textes compte tenu de l'évolution de la société, mais aussi des moyens supplémentaires. Toutefois, monsieur le garde des sceaux, je vous donne bien volontiers acte que, même si vous disposiez de ces moyens, le personnel ne serait pas toujours suffisant, compte tenu de la réalité judiciaire, pour combler les postes vacants. Il convient donc aussi, dans ce domaine, de faire preuve de quelques nuances.
En conclusion, je dirai que le Sénat, dans sa sagesse, a fait oeuvre utile. Et, si un doute pouvait subsister sur la pérennité de notre existence, ce débat digne en serait la meilleure démonstration : nous sommes loin de partager, les uns et les autres, le sentiment d'une candidate virtuelle à la présidence de la République, qui estime avec d'autres que le Sénat est une anomalie insupportable ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Demande de réserve
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, la commission des lois considère qu'il convient de réserver l'examen de l'article 5 bis, relatif à la surveillance judiciaire, jusqu'après l'examen des articles 7 et 8, qui prévoient le recours au placement sous surveillance électronique mobile.
L'article 5 bis pourrait ainsi être examiné après l'article 8 bis A, ce qui redonnerait au débat toute sa cohérence. Sinon, nous risquons de discuter trois fois du même sujet !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « nous devons tout faire pour lutter contre la récidive ». Oui ! Mais comment, et avec quels moyens ? Voilà la question !
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a déjà une histoire, et celle-ci n'est pas flatteuse pour la représentation nationale. Elle est jalonnée d'annonces médiatiques - à l'origine, les peines automatiques, puis la rétroactivité des peines, autant d'entorses à notre loi pénale -destinées, d'une part, à tester les professionnels de la justice et, d'autre part, à faire de l'affichage politique pour apaiser l'opinion à chaque sordide fait divers, largement médiatisé.
L'aboutissement de ces péripéties, c'est-à-dire le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale, n'est pas acceptable. Les députés de la majorité ont confirmé leurs choix : un texte de circonstance, poudre aux yeux pour l'opinion, grave de conséquences.
Chers collègues, nous sommes le législateur : nous devons légiférer en toute sérénité, et la loi que nous élaborons doit avoir une certaine pérennité.
Je vous le rappelle, par cinq fois depuis 2001, nous avons alourdi l'arsenal répressif au gré des circonstances.
Regardons la réalité en face au moment même où - mauvaise coïncidence, sans doute - le rapport annuel de l'Office international des prisons, publié le 20 octobre, nous montre du doigt : nous avons en effet constaté nous-mêmes, députés et sénateurs, au terme d'enquêtes parlementaires sérieuses menées il y a cinq ans, l'état encore sordide de nos prisons, la surpopulation et la promiscuité qui y sévissent, l'absence de suivi psychiatrique, et bien d'autres horreurs...
Depuis, les quelques améliorations qui en étaient résulté ont été anéanties, parce que vous n'avez cessé de remplir les prisons par une frénésie d'inflation pénale. Le nombre des détenus pour courte peine a ainsi augmenté, et les longues peines ont été accrues ; par ailleurs, huit détenus sur dix, M. le rapporteur vient de le dire, présentent au moins un trouble psychiatrique. Les établissements sont donc de plus en plus des lieux de violence pour les détenus et le personnel.
Pour une grande part à l'origine de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, les délinquants sexuels, qui représentent le pourcentage déjà élevé de 22 % des détenus - et non pas 40 %, comme vous l'avez laissé dire pour les besoins de votre cause, monsieur le garde des sceaux - « font fonction de boucs émissaires, attirant sur eux une bonne part de la violence en prison », selon le triste constat de l'OIP.
La récidive est un échec, l'échec de la peine.
Aurons-nous, oui ou non, le courage d'affronter cette réalité, de réfléchir sur le sens de la peine, de nous doter des moyens nécessaires par une loi pénale et des conditions de détention, de soins et de réinsertion dignes d'un pays civilisé ?
Sinon, jusqu'où nous mènera cette fuite en avant carcérale ? L'année dernière, quarante-huit députés sont allés jusqu'à demander le rétablissement de la peine de mort ! Seront-ils plus nombreux à l'avenir ? Monsieur le garde des sceaux, j'ose penser que vous ne soutiendriez pas aujourd'hui vos amis dans ce sens !
J'ai la conviction - et certains élus de votre majorité le pensent aussi - que la lutte contre la récidive se prépare en prison. Je refuse une nouvelle loi pénale qui ne traite que de « l'après » et ne vise qu'à incarcérer plus facilement, plus longtemps, en manipulant l'opinion.
Il y a manipulation des chiffres, pour faire peur. A croire que tous les délinquants sexuels seraient de futurs récidivistes ! Une seule récidive, pour un seul crime, est insupportable. Pourquoi en rajouter ? Vous connaissez la réalité : le taux de récidive, qui est en moyenne de 2,4 %, atteint 8,2 % en matière de vol aggravé et descend à 1,1 % dans les cas de viol.
La surenchère a des effets pervers. Nourrissant l'excitation médiatique autour des faits divers, elle brouille les repères et les responsabilités et conduit à prôner, bien entendu, l'aggravation pénale comme seul remède au problème de la récidive.
Il y a manipulation quant au supposé laxisme des magistrats. Au fil des années, les peines s'allongent et, aujourd'hui, un tiers des condamnés à perpétuité sont détenus au moins vingt ans, ce qui était rarissime voilà seulement quinze ans.
Il y a manipulation de l'opinion sur les solutions, puisqu'on laisse planer l'illusion que la seule aggravation des peines réglerait le problème de la récidive. La menace de la peine de mort empêche-t-elle le crime ? Il suffit d'observer la situation aux Etats-Unis à cet égard !
Lutter contre la récidive, c'est avant tout, vous en conviendrez, prévenir.
Certes, la prévention a ses limites, en particulier en matière de crimes et délits sexuels : la preuve en est le nombre de bons pères de famille qui sont délinquants sexuels. Cependant, les travaux scientifiques et les expériences ont largement démontré que l'individualisation de la peine, la préparation individuelle à la réinsertion diminuent les risques de récidive. Ce sont les libérations conditionnelles, les suspensions et fractionnements de peines, les peines alternatives, le suivi socio-judiciaire humain qui sont efficaces.
La mission d'information sur le traitement de la récidive des infractions pénales, qui avait été mise en place par votre prédécesseur en préalable au texte dont nous discutons aujourd'hui, avait émis des propositions dans ce sens. Ce n'est pas ce que, avec votre majorité, vous en avez vous-même retenu, monsieur le garde des sceaux.
Le rapport Burgelin, dont seules les références concernant l'enfermement ont été citées, insistait sur la nécessité de se donner les moyens de mieux évaluer la dangerosité des personnes détenues. Mais, là encore, il est urgent d'attendre...
Evidemment, ces propositions ont un coût financier. Or, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre pays dépense moins que la plupart des grands pays européens pour sa justice. En outre, il s'attache surtout à construire des prisons et à prévoir des effectifs de surveillance plutôt que d'affecter des postes supplémentaires autres catégories de personnels qui, nous le savons, sont nécessaires pour que la peine ait des conséquences positives.
Quoi qu'en dise notre rapporteur, les députés ont voté à nouveau les dispositions que le Sénat avait largement critiquées : introduction de la réitération, aggravation des peines incompressibles, limitation du crédit de réduction des peines, incarcération dès le prononcé de la peine. De surcroît, ils ont ajouté des mesures visant à durcir les conditions de la libération conditionnelle, à élargir le cadre de la récidive légale ainsi que les conditions d'inscription au fichier des délinquants sexuels.
La philosophie qui sous-tend leurs options est claire : il s'agit d'incarcérer plus vite, plus facilement et plus longtemps les récidivistes, y compris les mineurs. Mais ils ne prévoient rien pour la prévention de la récidive !
Je me limiterai à quelques commentaires sur ces mesures.
S'agissant de la réitération, quel est le sens de la codification de cette notion ? En effet, sans avoir de traduction législative, la réitération correspond néanmoins à une réalité : il y a réitération lorsqu'une personne déjà condamnée définitivement pour un crime ou délit commet, après un certain laps de temps, une nouvelle infraction dont la nature et le délai ne répondent pas aux conditions de la récidive légale. Cette définition peut se trouver dans tout manuel de droit pénal !
En cas de réitération, le magistrat prend en compte les antécédents de l'auteur de l'infraction. Et, si le fait de la réitération n'exerce aucune influence, en droit, sur la mesure de la peine applicable à la seconde des infractions, celle-ci devant être traitée comme une infraction isolée, dans les faits, la condamnation afférente à la première infraction étant connue de la juridiction qui juge la seconde - en raison notamment de la consultation du casier judiciaire - il est fort probable que ce précédent exercera une influence défavorable sur la peine qui sera prononcée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il peut même arriver que la première condamnation, si elle n'a pas d'incidence légale sur la mesure de la peine, empêche le juge d'assortir la peine prononcée pour la seconde infraction du bénéfice du sursis simple à l'exécution. En effet, l'article 132-30 du code pénal prévoit que le juge ne peut décider qu'il sera sursis à l'exécution de la peine qu'il prononce si le prévenu a déjà été condamné dans les cinq ans précédant les faits à une peine d'emprisonnement.
Vous pouvez donc constater que le code pénal n'est pas spécialement laxiste en cas de pluralité d'infractions. A quoi sert donc l'introduction de la réitération aujourd'hui dans le code pénal ? Je voudrais bien le savoir !
Par ailleurs, les diverses mesures d'allongement des peines de sûreté nous éloignent d'un principe fondamental de notre droit pénal - à savoir l'individualisation des peines - et nous rapprochent des peines automatiques, ou peines plancher, véritable dérive à l'américaine dont on connaît les effets en matière de prévention : je vous invite à regarder de près la justice américaine !
Les conditions actuelles de la détention offrent une illustration de tout ce qui contribue à rendre impossible la réinsertion, la prise en charge réelle des personnes, et donc à fabriquer de la récidive.
S'agissant des dispositions de la proposition de loi concernant les mineurs, elles sont honteuses ! Encore une fois, la spécificité de la justice des mineurs est mise en cause, insidieusement, en contradiction avec nos principes constitutionnels et nos engagements internationaux.
Quant au placement des mineurs en centre éducatif fermé, la solution existe déjà ! Que voulez-vous prouver en l'introduisant dans le présent texte ? J'ose espérer que, au moins sur ce point, concernant les mineurs, la sagesse l'emportera !
Au surplus, les députés ont restreint les conditions d'application de la loi de 2002 sur les droits des malades, qui permet de suspendre la peine des détenus dont le pronostic vital est atteint ou dont l'état de santé est incompatible avec le maintien en détention. Chacun peut le vérifier, cette loi est appliquée de façon très restrictive, et presque exclusivement pour des malades en fin de vie : jusqu'à présent, seul Maurice Papon se porte encore aujourd'hui très bien après avoir été libéré !
Les conditions qui ont été ajoutées par l'Assemblée nationale - avec votre bénédiction, monsieur le garde des sceaux -, à savoir le trouble exceptionnel à l'ordre public ou le risque particulièrement élevé de récidive, sont de nature à détruire le sens de la loi « Kouchner » et à jeter le doute sur la crédibilité des experts médicaux et des juges. J'ose espérer que la sagesse l'emportera sur ce point également !
Enfin, le battage médiatique autour du bracelet électronique GPS ne fait pas avancer, hélas ! le débat sur la lutte contre la récidive. Laisser croire à l'opinion publique que ce dispositif est la panacée, alors que l'expérimentation en est si limitée, relève de la pure démagogie. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir pourquoi si peu de personnes sont placées sous bracelet électronique fixe à l'heure actuelle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trois cents !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sept cent cinquante !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est très contesté !
M. Charles Gautier. Qui dit mieux ? (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui plus est, nos collègues de l'Assemblée nationale ne semblent tenir aucun compte des réserves émises dans le rapport Fenech sur l'utilisation et le coût du dispositif. Ma collègue Josiane Mathon reviendra sur ce point en défendant la motion que nous avons déposée tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
En conclusion, j'indique que nous n'adhérons absolument pas à la philosophie du présent texte, que nous jugeons non seulement opportuniste mais dangereux, et que nous voterons résolument contre.
Je précise cependant que nous soutiendrons, comme nous l'avons fait en première lecture, tout ce qui peut, un tant soit peu, le rendre moins toxique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans mon intervention à cette tribune en première lecture, je m'étais félicité, au nom du groupe UC-UDF, que le Parlement se penche sur la question de la récidive - sujet auquel nos concitoyens sont sensibles à juste titre -, mais j'avais également indiqué qu'il était de notre devoir de veiller au respect des grands principes qui régissent le droit pénal français.
J'avais notamment souligné notre attachement au principe de l'individualisation des peines et notre souhait que ne soit pas remis en cause le pouvoir d'appréciation des juges. J'avais également rappelé que la décision de placer un condamné sous surveillance électronique mobile ne devait pas intervenir après la condamnation et constituer, en quelque sorte, une double peine, et j'avais réaffirmé notre opposition à ce que l'on porte atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi.
Notre assemblée avait d'ailleurs montré son attachement au respect de ces principes en suivant les propositions faites par la commission des lois et son rapporteur.
Mais, si nous sommes à l'évidence sensibles au sujet de la récidive et à la nécessité de lutter contre ce phénomène inacceptable, nous demeurons cependant méfiants face à la tentation de légiférer en réaction aux faits divers qui mobilisent l'opinion publique.
Il nous semble que ce n'est pas toujours rendre service à nos concitoyens que d'élever la loi au rang de « remède magique », si j'ose dire, à tous les maux de notre société.
Il n'est évidemment pas question pour nous de refuser toute avancée ou amélioration de notre législation. Mais, s'agissant du sujet qui nous occupe aujourd'hui, ne conviendrait-il pas déjà d'appliquer les dispositifs existants ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Eh oui !
M. Yves Détraigne. Différents rapports ont montré que les mesures existantes étaient peu ou mal appliquées, voire pas appliquées du tout. Nous pourrons donc toujours légiférer, rien ne changera si les moyens ne suivent pas.
A l'issue de la seconde lecture de ce texte devant l'Assemblée nationale, je constate comme le rapporteur - non pas comme Mme Borvo Cohen-Seat, il est vrai - que les députés ont largement tenu compte des réserves et des observations qu'avait exprimées la Haute Assemblée.
Le texte de la proposition de loi, dans sa version actuelle, nous paraît donc aller dans la bonne direction pour l'essentiel, les amendements proposés par la commission des lois pour cette seconde lecture devant permettre d'apporter les améliorations qui nous paraissent nécessaires.
Si je ne veux pas vous infliger de commentaires sur chacune des dispositions contenues dans le texte, vous me permettrez cependant d'évoquer deux d'entre elles.
En ce qui concerne, tout d'abord, le placement sous surveillance électronique mobile, notre groupe approuve les deux premières hypothèses retenues par l'Assemblée nationale, à savoir les cas de libération conditionnelle, comme l'avait proposé le Sénat en première lecture, et les cas de suivi socio-judiciaire prononcés par la juridiction de jugement ou le tribunal d'application des peines.
En revanche, la troisième hypothèse, relative à l'utilisation du bracelet électronique dans le cadre de la surveillance judiciaire, c'est-à-dire pendant une période correspondant à celle où le détenu a été libéré en raison des réductions de peine obtenues, soulève quelques interrogations, notamment au regard de la rédaction actuelle de l'article 721 du code de procédure pénale.
Ce dernier prévoit en effet, dans son premier alinéa, que « chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée, à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et de sept jours par mois ».
En clair, un individu condamné à dix ans de détention est libéré au bout de sept ans par le simple jeu des réductions de peine automatiques. Au regard de la loi, on peut donc se demander s'il n'a pas purement et simplement purgé sa peine au bout de sept ans, et à quel titre il devrait encore faire l'objet d'une surveillance au delà de cette période.
Imposer à un condamné qui purge actuellement une peine d'emprisonnement le placement sous surveillance électronique mobile pendant les futurs trois ans correspondant aux réductions de peine automatiques ne revient-il pas à prononcer une nouvelle peine ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr que si !
M. Yves Détraigne. Nous souhaitons donc que les amendements proposés par la commission, notamment celui qui vise à subordonner la mise en oeuvre de cette disposition au consentement du condamné, permettent d'éviter cet écueil.
De même, au regard des principes auxquels nous sommes attachés, nous approuvons l'amendement de la commission qui tend à supprimer à nouveau l'obligation faite au juge de délivrer un mandat de dépôt à l'audience pour les récidivistes en matière de violence ou d'infraction à caractère sexuel.
En effet, si ces cas de récidive sont particulièrement graves et doivent être indéniablement sanctionnés, il n'en demeure pas moins qu'une telle obligation faite au juge reviendrait à mettre en place une automaticité des peines et à supprimer la liberté d'appréciation du magistrat. La disposition satisferait sûrement l'opinion publique, mais elle soulèverait certainement une difficulté de principe.
L'amendement proposé par la commission qui tend à inverser le dispositif nous semble donc le bienvenu.
Nous sommes conscients que, du fait des amendements qu'elle propose, la commission des lois - et, derrière elle, l'ensemble du Sénat s'il suit son rapporteur, ce que je souhaite - risque d'être taxée de laxisme, comme cela s'est déjà produit à l'issue de la première lecture, au travers d'un certain nombre de courriers que plusieurs d'entre nous ont reçus.
Je voudrais sur ce point rappeler qu'aucun élément de droit comparé ne permet d'affirmer de manière certaine que les pays les plus répressifs sont ceux qui connaissent les taux de récidive les plus faibles. Nous pensons au contraire qu'un détenu qui n'a pas d'espoir de réinsertion est plus dangereux pour la société qu'un détenu qui a l'espoir de s'en sortir. Encore faut-il que l'on se donne les moyens de préparer cette sortie ! Ce qu'a révélé la mission de recherche « Droit et justice » est à ce titre éloquent : 85 % des surveillants et des détenus considèrent la prison comme un lieu violent ; 50 % des surveillants et 67 % des prisonniers estiment aussi qu'elle est un lieu dangereux. Comme dès lors imaginer qu'une personne puisse en sortir en ayant de son côté toutes les chances de réinsertion ?
Je crains fort que ce ne soit là que le bât blesse, plutôt que sur l'inadaptation des peines prononcées au regard des crimes ou délits perpétrés. A quoi servirait, chers collègues, d'allonger la durée de détention dans un tel cadre d'insécurité ? C'est à ce titre que nous soutiendrons la proposition du rapporteur de ramener la durée de la période de sûreté à vingt-deux ans. La surenchère n'est pas la solution !
L'adoption de la proposition de loi que nous examinons améliorera et modernisera sans aucun doute notre droit pénal. Cependant, le dispositif n'atteindra toute son efficacité que si l'on se donne réellement les moyens humains et financiers de préparer les détenus à leur sortie et à leur réinsertion, et d'assurer un vrai suivi socio-judiciaire à ceux qui en ont besoin.
Le rapport de l'Observatoire international des prisons, qui vient d'être rendu public, le montre bien : la France compte seulement vingt-six services médico-psychologiques régionaux pour environ cent quatre-vingt-dix établissements pénitentiaires, qui prennent en charge 40 % de la population carcérale. Sans une véritable volonté politique de donner les moyens suffisants aux différents services judiciaires, pénitentiaires, médicaux et sociaux, nous pourrons toujours mettre les gens en prison, allonger leur durée de détention, leur mettre tous les moyens technologiques à la cheville : à la sortie, ils n'en seront pas moins dangereux.
Le placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM, doit être considéré comme un « outil nouveau d'aménagement des peines privatives de liberté », ainsi que l'écrit le député Georges Fenech dans son rapport, mais il ne doit pas se substituer à une véritable politique de réinsertion. Analysant les expériences étrangères, M. Fenech indique d'ailleurs que le PSEM « s'est déjà avéré être un mode d'exécution de la peine qui, doublé d'un accompagnement social fort, permet au condamné de bénéficier d'une rééducation vers la reprise en main de sa vie en société ».
Je suis conscient que l'état de nos finances publiques ne permettra pas forcément de combler au rythme qui serait souhaitable l'insuffisance des postes consacrés, dans la chaîne pénale, à la préparation du détenu à sa libération et au suivi de ses premiers pas hors de prison.
Pourtant, s'il est une fonction qui n'appartient qu'à l'Etat, c'est bien celle de rendre la justice. Cela ne se réduit pas à condamner les coupables et à assurer aux victimes la réparation qui leur est due ; c'est aussi se donner les moyens d'une véritable réinsertion du détenu qui a purgé sa peine pour, précisément, réduire le risque de récidive.
Aussi, monsieur le garde des sceaux, le groupe de l'Union centriste suivra la commission des lois sur ce texte, en formant cependant le voeu que, au-delà de l'adoption et de la promulgation de cette loi, dont vous avez été l'un des auteurs, l'Etat se donne réellement les moyens de préparer et d'assurer la réinsertion de chaque détenu. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il est urgent de traiter de la récidive, c'est de celle dont font preuve le Gouvernement - celui d'aujourd'hui comme celui d'hier - et sa majorité. Ce sont même des multirécidivistes !
De grandes voix autorisées, les présidents Debré, Monory, Poncelet, Mazeaud, se sont joints à nous pour dénoncer l'inflation législative et affirmer que trop de lois tuent la loi.
Or l'escalade reste sans limite.
A peine le code de procédure pénale a-t-il été bouleversé de fond en comble que le Gouvernement et ses soutiens les plus réactionnaires repartent à l'assaut. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
La proposition de loi que nous examinons est arrivée au Sénat en première lecture avec 17 articles : elle nous revient en deuxième lecture avec 38 articles !
Comme, au surplus, nos perpétuels escaladeurs préconisent des procédures de plus en plus complexes - voilà maintenant qu'à la libération conditionnelle et au suivi socio-judiciaire s'ajouterait la surveillance judiciaire, et ce n'est là qu'un exemple parmi tant d'autres -, si cette proposition de loi était adoptée, plus personne ne s'y reconnaîtrait : ni le public, ni les auteurs d'infraction, ni les praticiens, qu'ils soient magistrats ou avocats.
Les parlementaires dignes de leurs responsabilités se doivent de refuser l'intégralité du texte.
Continue à occuper une grande part des débats une technologie tellement nouvelle qu'elle n'est pas encore au point : le PSEM, le placement sous surveillance électronique mobile. Un tel procédé doit être rapidement expérimenté !
Je me bats personnellement en faveur d'un condamné détenu depuis vingt et un ans et qui, bien entendu, préférerait être suivi pas à pas, électroniquement, plutôt que de rester enfermé. Force est pourtant de constater que rien n'est en place pour permettre de recourir à ce procédé d'une manière courante.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Déjà, le phénomène de la récidive est si mal connu que, le 10 octobre, notre nouveau garde des sceaux a annoncé la création d'une « commission d'analyse et de suivi de la récidive » pour, aux termes de son communiqué de presse, « pouvoir lutter efficacement contre ce phénomène mal connu et en évaluer l'ampleur ».
Je relève au passage que nous persistons à préférer la mise en place d'un « observatoire de la récidive », et nous continuerons à la réclamer, par voie d'amendement. Je note d'ailleurs, monsieur le garde des sceaux, que vous avez indiqué à l'Assemblée nationale une composition différente que celle qui figure dans votre communiqué. Mais nous en reparlerons...
Quoi qu'il en soit, à aucun égard nous ne sommes éclairés sur ce que devrait être un placement sous surveillance électronique mobile : M. Fenech montre dans son rapport qu'il n'est guère supportable longtemps...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et préconise une durée maximale de deux ans, alors que l'Assemblée nationale, qui, en première lecture, avait décidé une durée de placement de vingt ans pour un délit et de trente ans pour un crime, a, en seconde lecture, ramené ces durées respectivement à six et à dix ans, tandis que la commission des lois du Sénat préconise maintenant quatre ans !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que de grands écarts !
En vérité, la plupart des condamnés à de longues peines ne doivent plus être les mêmes après des années de détention. Sinon, à quoi une longue détention servirait-elle ? Si elle ne sert à rien, si elle est une école du crime, il faut renoncer immédiatement à toute incarcération et placer aussitôt que possible tous les délinquants et tous les criminels sous surveillance électronique mobile...
A mon sens, deux mois, six mois au grand maximum, suffiraient pour constater si l'intéressé n'est pas ou n'est plus dangereux.
Quoi qu'il en soit, outre qu'il faut, selon M. le ministre, deux ans pour mettre en place le PSEM, outre que le coût en est en vérité encore inconnu, nous ne disposons absolument pas, actuellement, des moyens nécessaires à son fonctionnement, et notre rapporteur l'écrit et le décrit de manière absolument convaincante sous le titre : « La question cruciale des moyens ».
Il l'a dit, il l'a répété, nous manquons cruellement de médecins coordinateurs, de médecins experts, de juges de l'application des peines, de greffiers, de personnels dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation... Or, à notre connaissance, rien n'est prévu dans le budget pour 2006 et, en tout état de cause, nul ne peut nous dire quand nous disposerions des moyens suffisants indispensables à la mise en place généralisée du PSEM. D'ici là, nous avons le temps de réfléchir aux modalités de cette mise en place.
A titre subsidiaire, nous avons déposé un amendement tendant à ce que le Parlement décide de la mise en application de ce procédé quand les moyens en seront réunis.
D'ores et déjà, des dispositions ont été votées conformes par les deux assemblées. Ainsi, la notion de « récidive » a été élargie, et la notion floue de « réitération », pourtant supprimée, précisément en raison de son flou, en... 2004, a été remise en place.
D'ores et déjà, il a été porté atteinte à la liberté d'appréciation du juge par la prétention à limiter à deux, voire à un, le nombre de sursis avec mise à l'épreuve.
Il a même été voté conforme, au moment où la proposition de loi comportait 11 articles, que la loi s'appliquerait aux collectivités d'outre-mer, alors qu'elle en compte pour l'instant... 38 ! On n'en connaît pas encore le contenu exact, mais on a déjà décidé qu'elle s'appliquerait !
Enfin, il est encore possible de limiter les dégâts, soit à la marge, comme le propose la majorité de la commission des lois, soit complètement, comme nous le proposons nous-mêmes.
La commission exige que les placés sous surveillance électronique mobile ne le soient que pour un maximum de quatre ans, et à condition qu'ils y consentent. Elle refuse qu'un mandat de dépôt puisse être proposé de droit. Elle refuse que soit limité le crédit de réduction de peine des récidivistes, déjà largement plus condamnés que les autres. Elle refuse que des mineurs en détention provisoire puissent y rester plus de deux ans. Bref, la commission des lois sauvegarde quelque peu l'honneur du Parlement...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le « quelque peu » est de trop !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... en se souvenant que notre droit repose sur des principes généraux à certains desquels elle affirme son attachement. Nous lui en donnons acte.
M. François Zocchetto, rapporteur. Merci !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour notre part, nous proposerons la mise en place d'un observatoire de la récidive, la mise en place, déjà votée par le Sénat unanime, d'un contrôleur général des prisons, ainsi que la correction d'une erreur en matière de réparation du préjudice des détenus provisoires à tort.
Pour le reste, nous proposerons au Sénat de retenir l'irrecevabilité de la proposition de loi. Si notre proposition n'est pas retenue, nous demanderons au Sénat de voter la question préalable. Si cette dernière n'est pas votée, non plus que la motion de renvoi à la commission, nous proposerons alors la suppression de quasiment chaque article.
Subsidiairement, je l'ai déjà évoqué, nous proposerons que le PSEM n'entre en vigueur qu'après que le Parlement aura voté les crédits nécessaires à sa mise en oeuvre.
Enfin, et vous l'aurez compris, nous voterons contre l'ensemble de la proposition de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et pour les enfants !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, en matière de récidive, les juges n'ont pas besoin d'être tenus en laisse ; ils avisent en conscience et n'ont jamais eu besoin du fatras dans lequel vous voulez les enfermer pour tenir compte et du cumul idéal d'infractions et de la récidive.
On nous rétorque qu'il leur arrive d'ignorer que, dans telle espèce, il y a cumul d'infractions, ou qu'il y a récidive. Il est vrai que les procédures accélérées - et peu nombreux sont ceux qui y échappent aujourd'hui - rendent plus difficile encore qu'avant la tenue au jour le jour du casier judiciaire. Mais, à l'époque où nous sommes, l'électronique - encore elle ! - doit permettre de le faire, sans dépense excessive.
De grâce, monsieur le ministre, commencez par là ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, alors que nous nous apprêtons à examiner cette proposition de loi en deuxième lecture, je souhaiterais préalablement revenir sur les dispositions à propos desquelles notre groupe a entamé sa réflexion.
Nous avons en effet entendu ici et là que nos deux assemblées avaient des vues radicalement différentes sur ce texte. Telle n'est pas mon analyse. Bien au contraire, il me semble que nous n'avons pas de divergences fondamentales avec nos collègues députés.
Notre objectif est rigoureusement le même : il consiste à apporter une réponse pénale effective et adaptée à la situation très particulière des délinquants récidivistes.
Si de nombreuses réponses ont été apportées à nos concitoyens en matière de lutte contre l'insécurité, le phénomène de la récidive persiste, et tend même à s'ancrer.
Nous partageons donc la volonté d'améliorer notre procédure pénale pour apporter des réponses efficaces contre ces récidivistes qui contribuent très largement au sentiment d'insécurité qui habite encore certains de nos compatriotes les plus fragiles.
La méthode avec laquelle nous avons souhaité engager notre réflexion sur cette proposition de loi, aussi bien en première lecture qu'aujourd'hui, est donc très simple.
En premier lieu, il s'agissait de vérifier que les dispositions proposées, au-delà du caractère pédagogique de la sanction, sont réellement de nature à lutter contre la récidive en dissuadant le délinquant ou le criminel concerné de recommencer.
En second lieu, il s'agissait de vérifier que les mesures qui nous sont soumises ne répondent pas à une éventuelle surenchère et s'inscrivent dans la continuité de notre droit positif, dans le respect de toutes les parties et de la hiérarchie des sanctions.
Ainsi, je ne souscris pas à l'analyse qui a pu être faite selon laquelle il résulterait des lectures de l'Assemblée nationale un texte uniquement répressif. A contrario, je m'inscris également en faux contre celle qui ferait de la version du Sénat soit pour les uns un texte laxiste soit pour les autres un texte seulement plus respectueux des libertés publiques que celui des députés.
J'en veux pour preuve le fait que certaines de nos propositions vont plus loin que celles de nos collègues députés. Je pense en particulier à l'article 4 quater, relatif aux conditions complémentaires à la mise en oeuvre d'une suspension de peine pour raison médicale, ou à l'article 14, qui étend la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle à d'autres types d'infractions.
En revanche, toujours avec cette double exigence à l'esprit, nous avons souhaité supprimer d'autres dispositions dont le seul caractère répressif ne nous semblait pas apporter une utilité particulière à l'objectif de lutte contre la récidive. Je pense à l'article 4, prévoyant l'incarcération dès le prononcé de la peine des prévenus en état de récidive légale, ou à l'article 5, limitant le crédit de réduction de peine pour les récidivistes.
Ces précisions liminaires étant apportées, je souhaite développer notre position sur les points les plus saillants du texte.
C'est le bracelet électronique qui a le plus largement retenu l'attention de nos concitoyens, et je souhaite donc commencer par ce point.
Je salue l'effort des députés pour concilier leurs convictions fortes avec les exigences constitutionnelles qui s'imposent évidemment au législateur. Les bases d'un consensus sont à présent réunies, puisque la copie de la première lecture a été largement corrigée.
Rappelons qu'il avait été envisagé de permettre le port d'un tel bracelet à titre de mesure de sûreté, pour une durée qui aurait pu être portée jusqu'à trente ans.
De surcroît, la question de la rétroactivité a été tranchée par la définition du régime de la surveillance judiciaire, qui ne pourra s'appliquer à ceux qui ont été condamnés antérieurement à la promulgation de la loi que dans le cadre de la durée correspondant au crédit de réduction de peine, sans dépasser la durée de la peine prononcée.
De la sorte, le risque d'inconstitutionnalité pour rétroactivité me semble levé, puisqu'il ne s'agit plus ni d'une peine complémentaire ni d'une mesure de sûreté qualifiée également comme une peine par la chambre criminelle de la Cour de cassation, mais bel et bien, à présent, d'une modalité d'application de la peine.
Il convient toutefois de donner toutes les garanties de constitutionnalité au triple dispositif retenu. Aussi, nous souscrivons aux conclusions de la commission des lois, qui a su prendre en compte les recommandations du rapport de Georges Fenech, député du Rhône, sur le placement sous surveillance électronique mobile.
Je rappelle que nous souhaitions prendre connaissance de ce rapport avant de nous prononcer en première lecture, ce qui explique la position adoptée par la commission des lois.
Ainsi, nous partageons la nécessité de recueillir le consentement du condamné pour le placement sous surveillance électronique mobile, afin de garantir la constitutionnalité du dispositif. Cependant, il nous semble effectivement souhaitable de préciser qu'en cas de refus le condamné devra effectuer la peine d'incarcération à laquelle il était condamné.
Nous sommes également favorables à l'extension de l'usage du bracelet à l'ensemble des condamnés dangereux, et non plus seulement aux délinquants sexuels ou auteurs de violences les plus cruelles. En effet, si la délinquance sexuelle est celle qui touche souvent le plus nos concitoyens en raison de l'horreur de ces actes, il convient d'appréhender le problème de la récidive dans sa globalité. Or le bracelet électronique est également très adapté à d'autres formes de délinquance.
C'est la raison pour laquelle il est souhaitable de concentrer son action en fonction plus du quantum de la peine que de la nature de l'infraction. Ainsi, il peut être préférable d'élargir les catégories d'infractions tout en portant de cinq à dix ans le seuil de peine prononcé permettant la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique.
Par ailleurs, il nous semble tout à fait légitime d'exclure les mineurs du dispositif. La délinquance des mineurs répond à des règles bien souvent très différentes que celle des adultes. L'existence même de l'ordonnance de 1945 dans notre corpus législatif rappelle cette spécificité, avec laquelle il convient de ne pas rompre.
Enfin, si nous ne doutons pas de la pertinence de l'extension de l'usage du bracelet électronique, il nous semble judicieux de ne pas nous tromper de débat. Si la surveillance électronique est un moyen très efficace de lutte contre la récidive, elle n'est pas non plus la panacée et ne réglera pas demain tous les problèmes.
Le PSEM doit s'intégrer dans un arsenal juridique global de lutte contre la récidive. A ce sujet, nous avons introduit, en première lecture, sur l'initiative de notre rapporteur, un dispositif de traitement médicamenteux des délinquants sexuels, afin de donner une base légale à ces expérimentations.
Enfin, je rejoins les observations d'un certain nombre d'entre nous, en particulier du président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, sur la nécessité de mener une réflexion sur la gestion des individus les plus dangereux et contre lesquels aucune mesure ne peut s'avérer efficace.
La commission « Santé-justice », présidée par Jean-François Burgelin, a fait une proposition extrêmement novatrice en ce sens. Il s'agirait de prendre modèle sur l'Allemagne et les Pays-Bas, Etats qui ne sont pas spécialement réputés pour leur extrême sévérité pénale, pour créer des centres fermés de protection sociale afin de protéger définitivement la société des criminels les plus dangereux. Le placement dans une telle structure pourrait intervenir soit à l'issue de l'exécution de la peine, soit pour ceux qui auraient été déclarés irresponsables pénalement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a des hôpitaux psychiatriques pour cela !
M. Laurent Béteille. Il s'agit, me semble-t-il, d'un important débat dont le Parlement ne pourra s'exonérer dans les prochaines années.
Ainsi que je l'indiquais, la volonté de notre groupe n'est en aucun cas de faire dans la permissivité. Il convient dès lors de ne pas hésiter à renforcer certaines dispositions prévues par l'Assemblée nationale, lorsque cela peut améliorer la lutte contre la récidive.
Ainsi, nous nous félicitons de la précision apportée à l'article 4 quater sur le « risque grave de renouvellement de l'infraction ». En effet, limiter l'interdiction de la suspension de peine pour raison médicale dans le seul cas de « trouble exceptionnel à l'ordre public » ne permet pas de lutter contre toutes les formes de récidive, plus particulièrement contre celle qui concerne les leaders d'organisations criminelles qui, même diminués physiquement, pourraient reprendre leur activité.
De la même manière, alors que nous étions défavorables à l'extension du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles aux irresponsables pénaux en première lecture, nous souscrivons à l'extension de ce fichier aux délinquants et criminels les plus dangereux afin de ne pas le limiter aux seuls délinquants sexuels. De plus, nous souhaitons que les personnes déjà condamnées pour les nouvelles infractions donnant lieu à une inscription dans le fichier soient effectivement enregistrées et soumises aux obligations qui y sont liées.
En revanche, avec la même volonté de discernement nous partageons la position de la commission des lois et de notre excellent rapporteur, M. François Zocchetto, sur le maintien de notre désapprobation concernant certaines dispositions réintroduites par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Ainsi, faire du mandat de dépôt la règle semble inopportun. En effet, comme notre rapporteur l'a souligné, cette disposition est contraire à l'un des principes fondamentaux de notre droit pénal selon lequel la liberté est la règle et la détention l'exception. De plus, à mon sens, cette disposition n'apporte pas grand-chose, puisque le juge peut toujours s'y soustraire s'il l'estime nécessaire.
De la même manière, il ne nous semble pas non plus raisonnable, dans notre grande majorité, de prévoir un barème de crédit de réduction des peines propre aux récidivistes, et ce pour deux raisons au moins. En premier lieu, parce que cela pourrait paraître redondant dans la mesure où, en amont, le récidiviste encourt déjà un doublement de la peine au moment du prononcé. Il ne conviendrait donc pas, en aval, de lui appliquer un nouveau barème plus contraignant. En second lieu, parce que ce dispositif irait, me semble-t-il, à l'encontre du processus de réintégration du récidiviste dans la société. En effet, comment peut-on vouloir à la fois lutter contre la récidive et donner à ce délinquant moins de chance qu'aux autres de bénéficier de cette incitation à la bonne conduite ? A vrai dire, cela nous semble presque contreproductif !
Enfin, l'un des principaux problèmes que nous rencontrons est celui de la non-exécution des peines. Rappelons que 40 % des peines ne sont pas exécutées. La position de principe qui invite à allonger la durée effective d'une peine méconnaît la réalité, puisque cela aurait pour effet induit d'augmenter encore la proportion de non-exécution de la peine pour d'autres condamnés.
Je conclurai en indiquant notre totale approbation avec les dispositions proposées aussi bien par l'Assemblée nationale pour renforcer les droits de la partie civile que par notre Haute Assemblée pour renforcer ceux de la défense, et plus particulièrement pour protéger l'exercice de la profession d'avocat.
Ainsi, la possibilité pour l'avocat de la partie civile de faire valoir ses observations devant la juridiction de l'application des peines permettra de mieux prendre en compte l'intérêt des victimes au moment d'une libération éventuelle du condamné.
De la même manière, il était souhaitable de revenir sur la rédaction de l'article 434-7-2 du code pénal, dont l'interprétation extensive avait conduit au placement en détention provisoire d'un avocat, et de préciser les règles de perquisition dans les cabinets d'avocats ainsi que les règles relatives à leur écoute téléphonique. Ces dispositions étaient très attendues par la profession, et nous nous réjouissons qu'elles aient trouvé dans notre enceinte un écho favorable.
Fort de cet équilibre qu'a su trouver la commission des lois, le groupe UMP votera ce texte qui répond, tel qu'il est issu de nos travaux, à cette double exigence de lutte contre la récidive et de respect des principes fondamentaux de notre droit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la récidive - et plus largement la criminalité - est une préoccupation forte des Français. Cette situation est liée à l'émotion très légitime soulevée régulièrement par l'extrême souffrance de victimes de crimes graves ainsi qu'à la lassitude face à une criminalité difficile à combattre. De sinistres exemples couvrent les Unes de nos journaux. Il s'agit donc de ne pas de traiter ces questions avec légèreté ou, pis, de ne pas les traiter du tout.
Je rappellerai tout d'abord que, en tant que législateurs, notre devoir est de ne pas répondre à l'actualité dans la précipitation, par la démagogie. On légifère mal dans l'émotion.
M. Jean-Pierre Sueur. Exactement !
M. Charles Gautier. Or il n'y a aujourd'hui aucune urgence particulière à légiférer,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah bon ?
M. Charles Gautier. ... aucune crise particulière à juguler,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr que non !
M. Charles Gautier. ... aucune aggravation à stopper.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certainement pas !
M. Charles Gautier. Une nouvelle réforme législative votée dans la précipitation, dans le détestable climat actuel entretenu par la démagogie et les propos outranciers, serait la pire des choses.
Ce texte est présenté comme la solution miracle à la récidive des infractions pénales.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Charles Gautier. Il préconise notamment la mise en place du bracelet électronique mobile.
Avec la loi du 19 décembre 1997, le législateur avait déjà entériné la première forme de surveillance électronique : le placement sous surveillance électronique. Dans ce dispositif, le condamné, dont le consentement est requis pour l'application de cette peine, a l'interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le juge de l'application des peines en dehors des périodes fixées par celui-ci.
Une telle idée n'est ni de droite ni de gauche, même si elle a été avancée pour la première fois dans le rapport Bonnemaison, publié en 1989, et officialisée sous un gouvernement socialiste. Il s'agit simplement de la mise en oeuvre d'une modalité technique dans le domaine des sanctions.
Le projet de bracelet électronique présent dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est une forme de placement mobile, permettant de suivre le détenu où qu'il aille. Elle repose sur la technologie GPS, qui présente l'avantage de localiser à distance la personne avec précision, en tout lieu et à toute heure du jour et de la nuit.
En première lecture, nous nous étions opposés fortement à la proposition de loi, qui nous semblait nettement inconstitutionnelle. La rédaction en avait été d'ailleurs largement remaniée par le Sénat. Après quelques déclarations hasardeuses et d'incessants changements, le texte qui nous est finalement soumis est devenu un peu plus souple.
Ainsi, M. le garde des sceaux a accepté que le placement sous surveillance électronique mobile s'applique dans le cadre du suivi socio-judiciaire et a abandonné l'idée d'étendre cette mesure à certains détenus ayant effectué l'intégralité de leur peine.
Il subsiste néanmoins dans la rédaction actuelle nombre de dispositions inadmissibles.
Le Gouvernement nous présente le placement sous surveillance électronique mobile comme la solution idéale, qui aurait à la fois un effet dissuasif et préventif. Cela prête à sourire, car ce dispositif, n'ayant aucun effet préventif, ne peut être considéré comme une mesure de sûreté.
En réalité, notre collègue député Georges Fenech reconnaît lui-même dans son rapport que le PSEM est un très intéressant outil complémentaire d'enquête. Il a, de plus, l'honnêteté de constater que cette forme de placement s'assimile plus à une peine qu'à une mesure de sûreté, et il propose donc d'en limiter la durée.
De plus, nous ne connaissons pas bien le système qui nous est proposé, trop de zones d'ombre subsistent. Il serait illusoire de penser que le placement sous surveillance électronique mobile permet une surveillance permanente, le coût tant financier qu'humain en serait d'ailleurs trop élevé. Il permet juste de déclencher une alerte en temps réel en cas de violation d'une interdiction, et tout démontre que la faisabilité technique d'un tel dispositif reste une illusion.
Il apparaît, en conséquence, que le placement sous surveillance électronique mobile doit impérativement faire l'objet d'études et d'expérimentations sérieuses complémentaires avant d'être, éventuellement, généralisé.
C'est pourquoi nous demandons qu'une telle expérimentation soit accompagnée d'une évaluation sur trois ans et qu'elle fasse ensuite l'objet d'un réexamen devant le Parlement.
Enfin, nous considérons que l'instrument proposé ne peut faire l'objet d'une contrainte. Le consentement de l'intéressé doit donc être une condition de sa mise en oeuvre.
Mes chers collègues, la précipitation actuelle a quelque chose de suspect. Là encore, les promoteurs de cette réforme essaient de faire croire au dynamisme d'une certaine politique répressive, alors qu'ils négligent les précautions élémentaires en matière non seulement de liberté, mais aussi de technique pure.
Certes, le placement sous surveillance électronique mobile peut être un outil utile, mais nous devons impérativement y appliquer les limites d'usage.
Il faut aussi cesser de faire croire aux victimes que cet instrument empêchera, comme par magie, toute récidive.
De plus, nous ne pouvons pas écarter la pression psychologique qu'entraînera le PSEM et celle qu'entraîne déjà le placement sous surveillance électronique. C'est la raison pour laquelle nous devons d'abord exclure que cette mesure s'applique aux mineurs et, ensuite, veiller à ce qu'elle s'applique pour une durée maximale de deux ans.
Michel Dreyfus-Schmidt l'a dit tout à l'heure, le bracelet électronique sera toujours préférable à la prison, mais pas sans accompagnement, pas sans mesures concrètes contribuant à la réinsertion.
Mes chers collègues, il existe des solutions qui ne sont toujours pas appliquées. Il est encore possible d'améliorer largement le système actuel en appliquant déjà les lois existantes plutôt que de faire de la surenchère législative. Ainsi le suivi socio-judiciaire est-il une mesure très prometteuse, mais qui n'a pas donné toute la mesure de son efficacité car les moyens ne suivent pas.
Il faut rappeler que les textes existants, du fait du principe de non-rétroactivité en droit français, ne s'appliquent pas aux cas sordides évoqués et auxquels les auteurs du présent texte tentent de trouver une solution. C'est un principe protecteur de notre droit que jamais nous ne devons contourner.
Les professionnels du droit pénal nous demandent une pause dans les réformes qui ne cessent de se succéder. Nous devons également tenir compte des résultats des recherches dont la récidive fait l'objet depuis longtemps et qui sont effectuées en France et à l'étranger. Ce serait une bonne idée d'écouter l'avis des chercheurs lorsqu'ils affirment que, pour lutter contre la récidive, le fait de favoriser l'aménagement des peines est la seule politique pénale dont l'efficacité est reconnue.
La lutte contre la récidive doit relever avant tout d'une politique globale contre la délinquance.
Le bracelet électronique n'est pas une solution miracle. Ce n'est qu'un outil dont nous devons nous saisir, tout en encadrant juridiquement son utilisation et en écoutant les professionnels du droit. Il n'est point besoin de loi pour cela ! C'est pour toutes ces raisons que, vous n'en serez pas surpris, nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme tout le monde a pu le constater, la question de la récidive a pris une dimension tragique lors de récentes affaires, et l'opinion publique, à juste titre, s'est étonnée de l'incapacité de l'appareil juridique à protéger la société et les victimes.
Dans ce domaine, les statistiques sont révélatrices. Avec 31 % de récidivistes, qui peut nier l'impérieuse nécessité de traiter le phénomène ? Il ne faut pas perdre de vue, en particulier, que les infractions sexuelles ont subi un accroissement considérable depuis vingt ans : les condamnations criminelles ont augmenté de 200 %, les condamnations correctionnelles de 250 %.
Ainsi, un pourcentage important de détenus sont des délinquants sexuels et plus de cinq mille condamnés aujourd'hui incarcérés sont des violeurs. Sans suivi adapté, nous le savons tous, certains d'entre eux sont de vrais « dangers à retardement », car ils ont de fortes chances de récidiver.
A ce titre, le texte qui nous est soumis est équilibré et illustre notre volonté de protéger la société tout en assurant la réinsertion de ceux qui ont purgé leur peine.
Monsieur le ministre, au cours de cette deuxième lecture, cet équilibre doit incontestablement être maintenu. A cet égard, je voudrais saluer le travail du rapporteur de la commission des lois, notre collègue François Zocchetto.
Personne ne pourra le rappeler mieux que vous, monsieur le ministre, cette proposition de loi est le fruit d'une réflexion approfondie, fondée sur un diagnostic solide et incontesté, dont l'Assemblée nationale et vous-même, alors président de sa commission des lois, ont eu l'initiative.
Au centre du dispositif de lutte contre la récidive était envisagé le bracelet électronique, qui fait beaucoup parler aujourd'hui, dans sa version mobile. Et c'est sur la base du rapport de la mission confiée par le Premier ministre de l'époque, M. Raffarin, à notre collègue député Georges Fenech que nous pouvons aujourd'hui adopter le placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté.
Certaines questions liées notamment aux modalités du placement sous surveillance électronique mobile font encore débat. Malgré tout, je suis certain que notre assemblée trouvera la solution la plus appropriée au regard, en particulier, de la protection des victimes, qui doit toujours rester au coeur de nos préoccupations.
C'est ce qui me conduit à concentrer mon propos sur deux points qui me paraissent essentiels en matière de récidive : l'érosion des peines, et la protection de notre société contre les criminels « les plus dangereux des dangereux », si je peux m'exprimer ainsi.
S'agissant des peines, notre pays a aboli la peine de mort - c'était une grande mesure - et l'a remplacée par la réclusion ou la détention criminelle à perpétuité. Or il ne s'agit que d'une perpétuité de principe, ce qui nourrit l'incompréhension et, parfois même, l'exaspération de l'opinion.
En fait, par le jeu de la grâce, des réductions de peine et de la libération conditionnelle, il n'existe pas d'enfermement définitif. Ainsi, depuis de nombreuses années, on a pu recenser une quinzaine de criminels qui, condamnés soit à mort soit à perpétuité mais ultérieurement libérés, ont commis de nouveaux meurtres. Et je ne parle pas de tous ceux, malheureusement plus nombreux, qui, après avoir été d'abord condamnés à des peines à temps puis libérés, ont récidivé en commettant des crimes.
Devant cette situation, certains se sont préoccupés de réintroduire une perpétuité réelle à l'encontre de certains types de criminels dont le passé rendait la récidive hautement probable.
Cette réforme a été réalisée par la loi Méhaignerie du 1er février 1994, mais cette dernière ne concernait qu'une hypothèse très particulière de crime atroce, à savoir le meurtre d'un mineur de quinze ans accompagné de viol ou d'actes de torture. Dans ce cas, une disposition de l'article 720-4 du code de procédure pénale permet de porter la période de sûreté à trente ans, au lieu des dix-huit ou vingt-deux ans habituellement infligés en matière de réclusion criminelle à perpétuité.
Par conséquent, monsieur le ministre, je souhaiterais, que vous puissiez nous indiquer le bilan de l'application de cette loi et, plus particulièrement, nous préciser s'il ne vous paraîtrait pas souhaitable d'étendre la perpétuité réelle à d'autres types de criminels.
Bien évidemment, se pose alors la seconde question : que faire des récidivistes particulièrement dangereux ?
Une mesure de sûreté devant être adaptée à la personnalité et à la dangerosité de l'individu qui en fait l'objet, la commission Burgelin a, à ce titre, envisagé la création de nouveaux établissements, qui pourraient être dénommés « centres fermés de protection sociale ».
Ni hôpitaux ni prisons, ces établissements seraient des lieux d'hébergement fermés et sécurisés, dotés d'équipes spécialisées dans la prise en charge des individus qui, bien qu'ayant purgé leur peine, demeurent dangereux pour autrui.
En la matière, je souhaiterais donc savoir si la France compte à l'avenir s'inspirer - et, si oui, de quelle manière - des expériences allemande et néerlandaise, lesquelles n'ont jamais été jugées contraires à la Convention européenne des droits de l'homme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, la création de centres fermés de protection sociale ayant été évoquée à plusieurs reprises dans ce débat, je crois utile, en cet instant, de compléter l'information du Sénat.
Ainsi qu'en a décidé son bureau, la commission des lois va créer en son sein un groupe de travail sur les mesures de sûreté concernant les personnes considérées comme dangereuses. Cette initiative nous permettra d'aller prendre connaissance des expériences allemande et néerlandaise, notamment, ainsi que de réfléchir à la proposition figurant dans le rapport Burgelin et tendant à créer lesdits centres fermés.
Cette précision méritait d'être apportée à ce stade du débat, car la commission des lois pense que la proposition de loi que le Sénat examine actuellement n'épuisera pas le sujet des personnes dangereuses : il faudra donc poursuivre la réflexion.
En tout cas, je remercie notre collègue M. Fouché de ses propos, qui vont exactement dans le sens de ce que souhaite la commission des lois du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le sujet qui est abordé aujourd'hui dans cet hémicycle n'est pas nouveau, c'est le moins que l'on puisse dire : je ne connais aucun législateur qui, depuis deux siècles, soit resté indifférent au problème de la récidive. Non seulement l'histoire judiciaire mais aussi l'histoire législative sont émaillées de réactions faisant suite à des crimes atroces qui ont saisi l'opinion publique.
Cependant, s'agissant du problème posé lui-même - comment lutter contre la récidive ? -, il est impossible de ne pas tenir compte du fait que depuis deux siècles, depuis les premiers travaux de la Société royale des prisons jusqu'à ceux qui ont été menés récemment et qui ont été évoqués, s'est progressivement élaboré, dans ce domaine, un corps de doctrines, pour ne pas dire un corps d'évidences.
Le traitement de la récidive est une préoccupation essentielle et le problème s'est toujours posé dans les mêmes termes : on constate toujours que, quelque forme qu'ait prise l'emprisonnement au cours des deux siècles écoulés, celui-ci entraîne la récidive.
La prison, telle qu'elle est, non pas dans la vision irénique que certains en ont, mais dans sa réalité, sa triste réalité française, faite de promiscuité entre les multirécidivistes et les jeunes qui viennent d'être incarcérés, entre les condamnés et ceux qui sont emprisonnés « à titre provisoire », dit-on, entre les criminels chevronnés et les jeunes délinquants - et cette promiscuité-là est une constante de la prison française -, a toujours nourri la récidive.
Cette constatation devrait dominer toutes les autres, car, à partir de cette longue et cruelle expérience, on a pu observer que, dans l'arsenal législatif, tout ce qui permettait d'éviter le recours à l'emprisonnement, moyennant les indispensables précautions, bien sûr, s'est systématiquement révélé utile dans la lutte contre la récidive.
Ai-je besoin de rappeler que, voilà un siècle, s'opposaient déjà deux grands courants doctrinaires ?
Les uns, comme Waldeck-Rousseau, ne rêvaient que de transportation pour les multirécidivistes ; ceux qui avaient été condamnés à quatre reprises étaient envoyés mourir à Cayenne. La suspension du dîner me permettra de rentrer chez moi et de vous en rapporter, monsieur le ministre, une photographie : celle du casier judiciaire d'un de ces hommes qui ont fini là-bas après quatre condamnations pour vagabondage.
Et il y avait les autres. Dans cette assemblée, le grand Bérenger, contre vents et marées, a fait adopter le sursis. Ensuite a été institué le sursis avec mise à l'épreuve. On a vu que c'était dans cette direction-là qu'il fallait aller. Toujours !
M. Robert Badinter. Et c'est d'ailleurs au même Bérenger que l'on doit la libération conditionnelle. Ne vous ai-je pas souvent dit, monsieur le président de la commission des lois, que notre salle devrait porter son nom ?
Quoi qu'il en soit, à ce premier constat s'en est ajouté un second. Ce qui est aussi source de récidive, outre les conditions de détention, ce sont les conditions de la sortie de prison. On sait que ce que l'on appelle, avec un néologisme déplaisant, une « sortie sèche », c'est-à-dire sans mesure d'accompagnement, nourrit la récidive. On sait que la libération conditionnelle, sous réserve que les mesures prises soient effectives et non pas théoriques, permet très souvent de prévenir la récidive.
Or, quelles sont les priorités qui se dessinent à travers les propositions qui nous sont soumises ?
Je le rappelais, tout ce qui permet d'éviter l'emprisonnement ou d'en réduire la durée, à condition que des mesures d'aménagement soient prévues, est bénéfique et donc souhaitable. Nous l'avons dit lorsque nous avons examiné et difficilement fait passer le dispositif du bracelet électronique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !
M. Robert Badinter. Cette mesure s'est d'ailleurs révélée positive.
La question de la surveillance mobile par l'intermédiaire d'un bracelet électronique, qui a déjà donné lieu à d'excellents propos, est complexe, très délicate. En effet, indépendamment du problème de la rétroactivité, nous nous trouvons en présence de situations telles que l'atteinte à la personnalité, à la dignité, à l'intimité de l'être humain. Ce sont là des valeurs premières de notre société, et elles sont directement en question.
En la matière, nous ne devrons avancer qu'avec la plus extrême prudence et seulement, en ce qui nous concerne, dans la mesure où, toutes garanties prises, la justification du placement sous surveillance électronique sera de ne pas maintenir ou d'éviter la détention, car on en revient toujours là.
Face à ces constats que j'ai rappelés, faisons-nous ce que nous devons ? Dans les textes, certainement, et nous n'en manquons pas. J'ai été frappé par la réaction si forte, et singulièrement unanime pour une fois, des associations de magistrats et d'un certain nombre d'associations des personnels judiciaires : toutes combattent cette proposition de loi, qu'elles considèrent comme inutile. Disons-le franchement : nous ne manquons pas de dispositions sévères pour lutter contre la récidive, depuis le drastique doublement de la peine jusqu'à l'accroissement des périodes de sûreté.
J'évoque au passage un point qui me préoccupe énormément et sur lequel nous reviendrons : ce que l'on appelle la « surveillance post-condamnation », c'est-à-dire une mesure qui viendrait s'ajouter à la peine exécutée, au nom d'une dangerosité que des psychiatres décréteraient. Cela me paraît relever de la pensée de la première école de défense sociale, non celle d'Ancel, mais celle qu'a inspirée Lombroso : on en viendrait à considérer la dangerosité comme concept fondamental de dispositions répressives.
Voilà un instant, ont été évoqués des « camps » - j'ai entendu prononcer ce mot -, dans lesquels seraient placés des gens ayant purgé leur peine, au nom d'une dangerosité décelée par des psychiatres, à l'instar de ce qui se pratique dans certains Etats du sud des Etats-Unis où l'on demande à des psychiatres si la dangerosité du condamné doit conduire jusqu'à son exécution capitale.
Je mets en garde la Haute Assemblée vis-à-vis de ces tentations. Que d'autres sociétés y cèdent, soit, mais nous, montrons-nous à cet égard extrêmement attentifs et prudents. Il existe des risques qu'une société ne doit pas prendre.
Reprenant le fil de mon intervention dans cette discussion générale, je veux dire avant tout que cette proposition de loi ne tient pas compte des vraies priorités. Alors que nous savons, par cette expérience bi-séculaire, que tout ce qui maintient ou, a fortiori, étend le champ de l'emprisonnement est source et foyer de récidive, ce texte va néanmoins dans cette direction.
L'élargissement du concept légal de récidive, le concept juridiquement flou de réitération sont autant de sources d'emprisonnements à venir. Et que dire de l'extension de la période de sûreté, de la tendance à la réduction du sursis avec mise à l'épreuve ? On doute des magistrats, comme si tous les cas n'étaient pas individuels ! Tout va dans la même direction, et cette direction est carcérale.
Or, quelle est la réalité carcérale ? La France est véritablement dans une situation d'humiliation, que nous avons dénoncée, que tous les parlementaires ont dénoncé. Deux importants rapports ont été publiés en 2000. Qu'en est-il advenu ? Mes chers collègues, nous sommes stigmatisés, et j'utilise à dessein ce terme, pour ce qu'est la réalité de la condition carcérale en France ! Allez à Strasbourg, écoutez ce qui se dit au Conseil de l'Europe, au comité de prévention de la torture, au sujet de l'état de nos centres de détention, de nos maisons d'arrêt - lieux de promiscuité s'il en est - ou simplement des centres de rétention !
Lisez le rapport sur l'état de nos prisons que va remettre M. Gil-Robles, homme éminent et que je salue, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, ou reprenez le texte de l'Observatoire international des prisons qui vient d'être publié.
Je n'hésite pas à le dire, la France se trouve dans une situation d'indignité nationale ! Nous ne pouvons plus continuer dans cette voie ! Si nous voulons vraiment lutter contre la récidive, commençons par nous donner les moyens de cette lutte ! Il ne s'agit pas d'adopter des textes faciles à forger. Laissez à des juristes du temps, et ils vous feront toujours des textes !
Le problème est ailleurs. Tant que, dans les maisons d'arrêt, régneront la surpopulation et la promiscuité, nous ne pouvons rien attendre d'autre que l'accroissement de la récidive. Et ce n'est pas le bracelet électronique qui permettra d'y parer !
M. Robert Badinter. Au moment de la libération conditionnelle, le suivi nécessaire des personnes remises en liberté n'est pas satisfaisant, car le nombre de juges d'application des peines est trop faible. En effet, ces derniers doivent traiter des centaines de dossiers, voire plus d'un millier selon certains. Les agents de probation sont, eux aussi, trop peu nombreux : ils sont approximativement 2 300, mais ce n'est rien au regard du nombre de décisions à prendre.
Ainsi, aujourd'hui, les trois quarts des personnes qui quittent les prisons françaises ne bénéficient d'aucune mesure d'accompagnement !
Et, après ça, on vient nous dire : « Nous luttons contre la récidive » ! Non ! La priorité des priorités, au point où nous en sommes, c'est de procéder à une véritable révolution culturelle en ce qui concerne notre approche de la prison.
Souvent, ici ou là, en telle occasion dramatique, conscience se fait que nous avons devant nous une cause nationale, et des mesures sont alors prises. Eh bien moi, monsieur le garde des sceaux, en cet instant, je vous affirme qu'il y a une cause nationale et qu'elle s'inscrit dans la lutte contre la récidive. Cette cause nationale, c'est la nécessaire mise en oeuvre des moyens d'accompagnement, la nécessaire transformation en profondeur du traitement dans les prisons et hors des prisons. C'est seulement lorsque cette nécessaire humanisation sera accomplie que vous verrez diminuer le taux de récidive, pas avant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Hugues Portelli applaudit également. )
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avant même d'aborder au fond les problèmes soulevés par cette proposition de loi et de m'interroger sur la pertinence des réponses qu'elle leur apporte, qu'il me soit permis de dire un mot sur le cheminement et sur le caractère exemplaire du travail parlementaire accompli en cette occasion.
Tout d'abord, alors qu'il est politiquement correct de déplorer le crépuscule de l'institution parlementaire, et notamment le quasi-monopole du Gouvernement dans l'initiative législative, une constatation s'impose : nous sommes bien en présence, sur ce sujet dont nul ne conteste l'importance, d'une initiative parlementaire. Qui plus est, loin d'être une réaction épidermique, dictée par l'émotion, l'indignation et l'écoeurement que suscitent dans l'opinion nombre d'exactions sordides perpétrées par des récidivistes, cette proposition de loi est le fruit d'un long et minutieux travail de la mission sur le traitement de la récidive des infractions pénales.
Et, puisque « sans la liberté de blâmer, il n'est pas d'éloge flatteur », rappelons que les conclusions du rapport furent partagées de façon très consensuelle, le groupe socialiste faisant quant à lui état de son « abstention constructive ». (M. Charles Gautier sourit.)
Il est bien difficile, dans ces conditions, d'accorder davantage qu'une attention polie aux diatribes et aux accusations - il est vrai fort rares - de populisme, d'affichage ou de démagogie.
Quant au morceau de bravoure de Noël Mamère vous reprochant, monsieur le ministre, « de faire courir plus de risques à notre démocratie que les récidivistes à notre société », j'avoue que l'on n'avait pas fait aussi bien depuis longtemps, du moins si l'on oublie certains propos tenus lors du dernier congrès d'un important syndicat de magistrats.
Mais revenons à l'essentiel : le déroulement de la navette parlementaire inflige un sévère camouflet aux détracteurs et aux détractrices du bicamérisme en général et du Sénat en particulier.
Il est vrai que la première lecture devant le Sénat s'éloignait largement du texte adopté par l'Assemblée nationale. Mais c'est bien cette confrontation des opinions qui permet l'amélioration de la réforme.
La deuxième lecture à l'Assemblée a d'ores et déjà permis de rapprocher considérablement les points de vue et nous ne sommes désormais guère éloignés d'un accord. Encore faut-il signaler que certaines positions apparemment inconciliables, en particulier à propos du bracelet électronique mobile, reposaient au moins en partie sur le souhait des sénateurs de disposer du rapport de notre collègue député Georges Fenech.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Jean-René Lecerf. L'insertion de ce remarquable rapport dans la navette parlementaire a permis un approfondissement qualitatif de notre réflexion et je n'ose imaginer l'embarras qui serait aujourd'hui le nôtre si notre vote avait été conforme sur ce point.
Je sais gré à M. Fenech d'avoir su déborder le cadre strict de la mission qui lui avait été confiée par le Premier ministre - celle-ci ne concernait que « le placement sous surveillance électronique mobile des criminels les plus dangereux qui ont purgé leur peine » - pour appréhender globalement l'ensemble des services que ce nouvel outil technologique pourrait rendre à la justice et démontrer son utilité pour des profils criminels très différents.
Bien sûr, le bracelet électronique mobile n'est pas la panacée, la réponse universelle aux risques de récidive, notamment en ce qui concerne les auteurs d'infractions sexuelles. Mais qui a, un jour, prétendu cela ?
Bien sûr, le port de ce bracelet n'est supportable, si l'on veut préserver les chances de réinsertion, que pendant une durée limitée. Et la réussite de cette mesure dépendra largement de l'adhésion du condamné, de son profil et de la structuration de sa personnalité.
Bien sûr, le placement sous surveillance électronique mobile aura un coût important, lié au prix de la technologie elle-même - les évaluations sur ce point demeurent assez contrastées -, et surtout à la part importante que devront prendre à cette innovation les travailleurs sociaux du ministère de la justice. Mais il y a longtemps que, sur des matières aussi complexes, plus personne ne peut croire sérieusement à des remèdes miracle.
Le bracelet électronique mobile n'est qu'un outil supplémentaire dans le panel des solutions que nous devons utiliser pour protéger la société, tout en préservant les chances de réinsertion de ceux qui y seront astreints.
Ce n'est que cela, mais c'est déjà beaucoup, et sans doute la fiabilité et la pertinence croissante de cet outil permettront-elles, demain, d'en envisager d'autres utilisations.
Je me félicite donc qu'un accord semble avoir été trouvé sur un point essentiel, celui des trois modalités de mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile : dans le cadre de la libération conditionnelle, dans celui du suivi socio-judiciaire et, enfin, dans celui de la surveillance judiciaire. Seule cette dernière modalité serait immédiatement applicable aux personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi, dans la stricte limite des réductions de peines obtenues.
Cette dernière disposition devrait clore le débat sur le risque de violation du principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi. Certes, il ne s'agit pas ici d'une loi pénale plus douce, mais, sans même entrer dans les subtilités de la distinction entre peine et mesure de sûreté - peut-être certaines incertitudes juridiques subsistent-elles dans ce cadre -, il nous faut constater que la surveillance judiciaire devient une simple modalité d'application de la peine, susceptible à ce titre d'une application immédiate.
Le débat a cependant été tellement outré sur ce point ...
M. Jean-René Lecerf. ... que le chef du Gouvernement pourrait opportunément annoncer son intention de saisir le Conseil constitutionnel après le vote de la loi afin de lever, définitivement cette fois, toute appréhension, même chez les disciples, fort respectables par ailleurs, de saint Thomas.
La poursuite de la discussion parlementaire permettra d'opérer les choix difficiles qui restent en débat.
Le consentement de l'intéressé est-il nécessaire, sachant que les conséquences de son refus peuvent être lourdes ? Comme pour l'injonction de soins, il s'avère toujours souhaitable de convaincre. Sans doute est-ce dans la durée que l'on peut obtenir une véritable participation à l'exercice de la mesure, même si celle-ci est imposée au départ.
Les mineurs peuvent-ils être concernés ? Une récente émission de télévision présentait le témoignage d'un jeune Américain soumis à un placement sous surveillance électronique mobile le stigmatisant, et qui semblait pourtant convaincu des vertus éducatives de cette mesure et de l'aide qu'elle lui apportait dans sa volonté de réinsertion. Il est vrai que le bracelet était utilisé dans son cas comme une alternative à l'incarcération.
Faut-il réserver ce dispositif aux personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans, sachant qu'une durée de sept ans semble être aujourd'hui le quantum de peine habituellement appliqué pour les viols aggravés ?
Mais j'anticipe sur la discussion des amendements, en regrettant d'avoir donné jusqu'ici l'impression de réduire l'intérêt de cette proposition de loi au bracelet électronique, alors que cette dernière mesure représente seulement son aspect le plus médiatique. Je n'abuserai pas de votre patience en reprenant, sur d'autres thèmes, mais avec moins de talent, les propos de notre rapporteur.
Je souhaite simplement aborder, pour conclure, la question des moyens matériels, financiers et bien évidemment humains qui permettront de lutter plus efficacement contre la récidive et de donner au législateur la certitude qu'il ne s'est pas bercé de mots et d'illusions, mais au contraire que son travail a réellement renforcé à la fois la protection de nos concitoyens et la réadaptation sociale des délinquants, car l'une ne va pas sans l'autre.
J'ai lu dans le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale de violentes critiques, également entendues au Sénat, liées à la surpopulation de nos prisons, à leur vétusté et aux troubles psychologiques qui en résultent pour les condamnés. La prison serait donc elle-même criminogène et facteur de récidive.
M. Jean-René Lecerf. Je ne doute pas qu'il soit nécessaire de réaliser des efforts considérables en ce domaine, mais je souhaite dire ici qu'au cours de mes récentes visites d'établissements pénitentiaires j'ai trouvé des raisons de croire à un avenir meilleur.
A la prison de la Santé, j'ai vu un service hospitalier fonctionner dans des conditions satisfaisantes, permettant aux détenus de consulter très rapidement médecin, psychologue ou psychiatre.
A la maison d'arrêt de Loos-lès-Lille, dans mon département, où j'avais pu observer voici quelques années des conditions de détention indignes, j'ai pris acte d'une amélioration considérable, l'ouverture de la prison de Séquedin ayant permis de mettre fin à la situation de surpopulation carcérale qui prévalait à Loos. En parlant avec des détenus, j'ai également compris que l'encellulement individuel était très loin de correspondre à un souhait unanime et que, si notre objectif devait être de pouvoir le proposer, il ne fallait sûrement pas l'imposer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est ce que nous avions dit, mon cher collègue !
M. Jean-René Lecerf. Quant au taux de détention observé en France, serait-il inconvenant de rappeler qu'il est huit fois plus faible qu'aux Etats-Unis, mais surtout qu'il s'avère notablement moins élevé qu'en Angleterre ou en Espagne et moindre qu'en Italie ou aux Pays-Bas ? (M. Robert Badinter fait un signe de dénégation.)
La véritable question est sans doute moins celle d'une population carcérale trop importante dans l'absolu que la rénovation ou la construction de places de prison adaptées et respectueuses de la dignité de chacun. Il me semble que, sur ce point, le Gouvernement a pris ses responsabilités en lançant la réalisation d'un programme de 13 200 places.
Ces remarques étant faites, je n'en suis que plus à l'aise, monsieur le garde des sceaux, pour rejoindre notre rapporteur lorsqu'il recense la faible utilisation du suivi socio-judiciaire, en partie liée au faible nombre de médecins coordinateurs, l'insuffisance du nombre de juges d'application des peines, même si des progrès ont été réalisés, et surtout la faiblesse des effectifs des services de probation et d'insertion.
Ce serait faire preuve de mauvaise foi que d'ignorer l'effort budgétaire consacré à la justice depuis 2002. Il reste que celui-ci doit impérativement être non seulement maintenu mais approfondi.
Enfin, si cette proposition de loi pouvait influer durablement sur le comportement des délinquants et éviter ainsi tant de drames et de vies brisées, il resterait encore à s'interroger sur le cas, sans doute très rare, d'individus dont l'extrême dangerosité ne serait affectée ni par la détention ni par la prise en charge et pour lesquels il faudra bien trouver les voies et moyens susceptibles d'en protéger la société.
L'ensemble des explications de vote données à l'issue de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, y compris celles des députés socialistes, démontrent combien le travail parlementaire y a été constructif, dans le respect des convictions de chacun. Je ne doute pas qu'il en ira de même au Sénat et que nous aurons tous, ici aussi, le souci d'élaborer un texte dont l'équilibre conditionnera l'efficacité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis le siècle des Lumières, le droit pénal reste l'un des plus sûrs témoins du degré de civilisation d'une société.
Droit régalien soucieux d'une exigence d'exemplarité et d'efficacité, mais aussi droit qui, s'appliquant à la personne, doit respecter le principe de dignité de la personne humaine - ce qui vaut pour les victimes, bien sûr, mais aussi pour les coupables -, celui-ci doit donc en permanence établir un équilibre entre deux exigences contradictoires. C'est à l'aune de ces principes qu'il convient d'apprécier le texte qui nous est soumis en deuxième lecture.
Tout d'abord, un constat s'impose.
Depuis vingt ans, le Parlement ne cesse d'être saisi de projets de loi en matière pénale. A peine une loi est-elle votée, et avant même que ses décrets d'application soient rédigés, qu'un nouveau texte est déposé, qui rend plus complexe, voire annihile le texte précédent.
Les alternances à répétition ne sont pas les principales responsables de cette inflation. La réaction précipitée à une opinion publique dûment sollicitée par les médias à l'occasion de crimes odieux ou spectaculaires est souvent à l'origine de ce phénomène, tout comme la volonté d'élaborer des textes sans être certain de leur réalisation effective.
Pourtant, au cours des dernières années, les cas ont été légion de lois non normatives censurées par le Conseil constitutionnel, de lois sans effectivité faute de décrets d'application ou, plus grave encore, faute de moyens pour les mettre en oeuvre.
Dans un domaine aussi sensible que le droit pénal, la prudence rédactionnelle et normative s'impose. La politique pénale est un travail à long terme, qui exige continuité dans l'action, respect sourcilleux des droits fondamentaux, éducation - et non soumission aux instincts spontanés de l'opinion -, formation permanente des juges et de ceux qui les entourent, pour connaître non seulement le droit mais surtout l'évolution de la société et des comportements des individus qui la composent.
Le droit de la récidive serait-il le grand oublié du code pénal, nécessitant qu'une loi spécifique lui soit consacrée ? Non, bien entendu !
La récidive est au coeur du droit pénal : le code pénal comme le code de procédure pénale lui consacrent d'ailleurs de longs développements. Elle fait, depuis deux siècles, l'objet de débats permanents, oscillant entre un traitement purement répressif, marqué par des échecs retentissants - la relégation, hier ; la tutelle pénale, plus récemment -, et une attitude sociale, dont le suivi socio-judiciaire est l'expression la plus récente et la plus novatrice.
En quoi cette proposition de loi améliore-t-elle le droit en vigueur ? En quoi permettra-t-elle de changer la situation actuelle ? Tels sont les deux points que je traiterai successivement.
S'agissant de l'amélioration du droit en vigueur, tout d'abord, qu'en est-il des dispositions nouvelles ?
Nous savons qu'il existe plusieurs types de récidives : celles qui sont la conséquence de dépendances fortes, comme la toxicomanie ou l'alcoolisme, celles qui sont liées à des perversions sexuelles, ou à des pathologies psychiatriques, ou encore à des activités de délinquance organisée, celles enfin qui résultent de situations de précarité.
Cette diversité justifie qu'il ne puisse y avoir de réponse unique à la récidive : l'individualisation des peines doit donc être la règle. C'est d'ailleurs pour mettre en oeuvre cette individualisation que le juge d'application des peines a été créé.
Cette proposition de loi avait pour but initial de répondre au problème posé par la récidive en matière criminelle et notamment en matière de crimes à caractère sexuel.
Si certaines de ses dispositions relèvent de cette problématique, la plupart s'attachent à la récidive en général. Elles se caractérisent par un durcissement systématique du dispositif de sanctions - je pense à la limitation des crédits de réduction de peine et à l'allongement du temps nécessaire pour l'octroi de la liberté conditionnelle -, ainsi que par l'introduction de procédures à caractère expéditif, comme l'absence de motivation des décisions.
En ce qui concerne le suivi socio-judiciaire, la proposition de loi a pour objet de diversifier les peines complémentaires. Elle introduit surtout le recours au bracelet électronique mobile, considéré, dans le rapport Fenech de même que dans la loi Perben 2 du 9 mars 2004, comme une peine complémentaire, mais que la proposition de loi traite comme une mesure d'application d'une mesure de sûreté ad hoc, la surveillance judiciaire, créée aux seules fins de permettre une éventuelle application rétroactive.
En ce qui concerne le rôle des différents acteurs judiciaires, la proposition de loi étend encore le rôle du juge de l'application des peines en le faisant intervenir dans l'octroi des peines et non plus simplement dans leur application.
Ces dispositions complètent le code pénal et le code de procédure pénale. Elles ne rendent pas ces codes plus précis puisqu'elles ne permettent pas de clarifier la typologie des récidives, qu'elles ne distinguent pas les peines et les mesures de sûreté, qu'elles ne spécifient pas les missions des différents organes juridictionnels. Elles ne constituent donc pas un progrès dans la technique pénale.
Examinons maintenant la constitutionnalité et la « conventionnalité » de ces dispositions : la proposition de loi respecte-t-elle les principes fondamentaux tels que mentionnés par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'homme ?
Je commencerai par le principe de la non-rétroactivité des lois pénales, principe énoncé à l'article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, qui s'applique aux peines mais aussi aux mesures de sûreté et qui a été conforté par la jurisprudence de la Cour de cassation tirant les conséquences des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, notamment dans l'arrêt du 10 novembre 2004 Achour contre France, comme par celle du Conseil constitutionnel, dans sa décision du 30 décembre 1982.
L'article 16 bis de la proposition de loi, qui prévoit « l'application immédiate de la surveillance judiciaire », notamment du placement sous surveillance électronique mobile, aux personnes déjà condamnées à la date d'entrée en vigueur de la loi est contraire à ce principe.
Le principe de la motivation des décisions de justice, qui découle du principe du droit à un procès équitable, est lui aussi reconnu par la Convention européenne des droits de l'homme.
Or l'article 6 bis de la proposition de loi, qui prévoit de supprimer l'obligation de motiver la peine d'emprisonnement pour une personne en état de récidive légale, contrevient à ce principe en restreignant les fondements de l'appel.
Quant au principe d'individualisation des peines, qui découle du principe de nécessité et de proportionnalité - je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 22 juillet 2005 -, il est remis en cause par l'absence de distinction suffisante entre les différents types de récidive.
M. Robert Badinter. Très juste !
M. Hugues Portelli. Le principe de la présomption d'innocence est, lui, remis en cause par le mandat de dépôt obligatoire en cas de récidive pour des délits de violence.
Enfin, le principe de la liberté du juge d'apprécier la peine est également remis en cause par le mandat de dépôt obligatoire, alors que l'émission d'un mandat de dépôt reste, à ce jour, une possibilité laissée à l'appréciation du juge.
Sur ces différents points, il est donc permis de s'interroger quant à la conformité de la proposition de loi aux principes généraux du droit reconnus par la Constitution et par le Conseil de l'Europe.
Voyons à présent si le nouveau dispositif législatif est susceptible de modifier la situation actuelle. Je me livrerai d'abord à un rapide état des lieux.
La situation actuelle de la récidive en France, au-delà des controverses statistiques, se caractérise par quelques éléments non discutables que j'emprunterai aux statistiques du ministère de la justice.
La récidive est, globalement, un phénomène en baisse. Le nombre de personnes ayant des antécédents condamnées chaque année est passé de 105 625 en 1996 à 100 977 en 2003. Parmi les récidivistes jugés, 80 % retournent en prison. Quant aux criminels récidivistes, ils constituent 0,5 % du total ; il y a eu 133 condamnations criminelles de personnes ayant des antécédents criminels en 1993, 57 en 2003.
On n'assiste donc pas à un accroissement spectaculaire des récidives. C'est même la tendance inverse qui est constatée.
Par contre, plusieurs phénomènes favorisent le développement de la récidive, à commencer par l'état déplorable du système pénitentiaire, rappelé par plusieurs d'entre nous.
Après les rapports élaborés au sein de nos deux assemblées, c'est le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Alvaro Gil-Robles, qui a dénoncé, jeudi dernier, l'état déplorable des prisons françaises, au terme d'une mission menée dans trente-deux Etats européens, mission au cours de laquelle il a passé seize jours en France et qui donnera lieu à la remise d'un rapport en novembre.
Les prisons françaises ont ainsi été classées parmi les pires d'Europe. Les conditions de vie dans les prisons sont d'ailleurs dénoncées périodiquement : surpopulation carcérale - le taux était de 110,7 % au 1er septembre -, violences, problèmes psychiatriques et viols sont la règle.
Viennent ensuite les difficultés d'application du suivi socio-judiciaire. Outre son caractère récent, qui ne permettra qu'une application progressive, le suivi socio-judiciaire se heurte à une insuffisance de moyens : carence en psychiatres, en médecins coordinateurs, formation insuffisante des personnels...
Enfin, le recours, pour les infractions plus légères, aux peines de substitution est insuffisant, alors que ces peines évitent d'aggraver la situation des délinquants, notamment des jeunes délinquants, placés au sein du milieu carcéral, première école de formation à la délinquance et à la récidive.
Dans ces circonstances, que changerait donc la proposition de loi ?
Le durcissement de la répression induit par les dispositions du texte conduira immanquablement, faute d'un développement des peines de substitution, à un accroissement de la population carcérale.
L'insuffisance patente des moyens mis en oeuvre, alors que les besoins sont massifs, notamment en personnels qualifiés tels que psychologues, psychiatres ou médecins, ne rendra pas possible avant longtemps l'application des dispositifs de suivi socio-judiciaire.
Faute d'harmonisation entre les dispositifs législatifs des différents Etats européens, la prise en compte des condamnations dans les autres Etats sera très aléatoire.
Le changement perpétuel des dispositions des codes rendra encore plus difficile le travail des magistrats et nécessitera une formation permanente, formation déjà notoirement insuffisante aujourd'hui.
L'équilibre interne de la magistrature entre juges d'instruction, parquet, juges du siège et juges de l'application des peines continuera à se déplacer fortement en faveur du parquet et du juge de l'application des peines.
Enfin, en guise de conclusion, je dirai que les modifications de la législation pénale qui nous sont proposées soulèvent davantage d'interrogations qu'elles ne proposent de réponses équilibrées au difficile problème de la récidive.
Lors de la première lecture, le Sénat a, me semble-t-il, trouvé le juste équilibre entre la demande d'une efficacité accrue et le respect des principes fondamentaux du droit.
Les propositions de la commission des lois et de son excellent rapporteur sur le texte soumis en deuxième lecture à notre assemblée restent fidèles à cette volonté d'équilibre, mais aussi de réalisme. Elles n'ont cependant pas corrigé toutes les approximations juridiques contenues dans ce texte.
Il serait souhaitable que notre assemblée aille au bout de cette démarche et qu'elle utilise pleinement le pouvoir législatif qui est le sien, surtout à propos de ce qui demeure une « proposition » de loi. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Bodein, Fourniret, Gateau ou Trémeau sont autant de noms qui symbolisent dramatiquement la criminalité la plus sauvage, laissant dans son sillage d'innocentes victimes, des victimes de la barbarie, des victimes de la récidive.
L'intense émotion suscitée ces dernières années dans l'opinion par des crimes impliquant des récidivistes récemment libérés a ravivé le débat récurrent sur l'action à mener pour empêcher que de tels drames continuent à nourrir l'incompréhension des familles des victimes comme celle de l'opinion publique et bafouent la notion même de justice.
Aussi, soucieux de répondre à l'attente légitime et forte de nos concitoyens, le Gouvernement et le législateur ont cherché à appréhender la question générale de la récidive, à l'origine, dans notre pays, d'un tiers des délits.
Dans le droit fil du rapport Cabanel, Pour une meilleure prévention de la récidive, réalisé en 1995 à la demande du Premier ministre Edouard Balladur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a présenté, en juillet 2004, un rapport d'information à partir duquel a été déposée la proposition de loi dont nous débattons.
Depuis l'examen de ce texte en première lecture, la réflexion s'est enrichie du rapport sur le placement sous surveillance électronique mobile, rapport dans l'attente duquel notre commission avait proposé de différer l'adoption de ce dispositif.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Tout à fait !
M. Philippe Goujon. A cela est venu s'ajouter le rapport Burgelin de la commission Santé-Justice.
Ce bref rappel historique a pour seul objet de démontrer, mais nul ne saurait le contester, que, au-delà d'une actualité hélas abondante, le texte que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture est le fruit d'un long processus de maturation auquel a largement contribué, et je veux le saluer, le rapporteur de la commission des lois, notre excellent collègue François Zochetto.
Reste, en ce domaine bien particulier de la récidive, une zone d'ombre, qui concerne l'évaluation de la dangerosité des détenus à leur sortie de prison. C'est là le coeur du problème, et nous en avons tous bien conscience. Aussi le Premier ministre envisage-t-il, avec raison, de confier à un parlementaire une mission sur ce sujet d'importance. Je m'en félicite d'autant plus que cette démarche va dans le sens du double souci de notre majorité de mettre la société à l'abri des individus dangereux et d'assurer l'insertion ou la réinsertion sociale de ceux qui ont effectivement purgé leur peine.
La commission des lois a bien traduit cette préoccupation en approuvant le placement sous surveillance judiciaire des personnes dangereuses condamnées pour crime ou délit, élargissant ainsi cette procédure aux délinquants autres que les seuls délinquants sexuels, à l'encontre desquels le Sénat a, par ailleurs, eu raison d'autoriser en première lecture la prescription de médicaments inhibiteurs de la libido.
Cette orientation démontre notre volonté de tout mettre en oeuvre pour faire reculer la récidive, même si, bien entendu, comme plusieurs orateurs l'ont rappelé, le risque zéro n'existe pas.
Cet élargissement des moyens auxquels il sera désormais possible de recourir ne doit pas pour autant nous conduire à adopter des dispositions qui n'ont pas de lien direct avec le présent texte. C'est pourquoi le rapporteur nous propose, à juste titre - et ce point me tient à coeur -, de supprimer les dispositions renforçant la lutte contre les violences conjugales, démarche qui a recueilli l'assentiment de l'orateur du groupe de l'UMP que j'étais lors de l'examen en première lecture de ce texte.
Le Sénat ayant adopté cette proposition de loi dans des termes conformes à l'attente de l'ensemble des groupes, nous ne pouvons qu'enjoindre l'Assemblée nationale de l'examiner rapidement et intégralement.
Il est important que le placement sous surveillance électronique mobile puisse être prononcé dans le cadre aussi bien d'une libération conditionnelle que d'un suivi socio-judiciaire, car il n'est pas fait pour punir, mais pour réinsérer et éviter la récidive.
Dès lors qu'une technologie permettant de limiter la récidive existe et que son intérêt est démontré - l'exemple de la Floride est à cet égard probant -, il serait incompréhensible de priver la justice d'un outil efficace. C'est dans cet esprit que le législateur a, auparavant, prévu l'utilisation du bracelet fixe, initiative qui revient d'ailleurs au Sénat.
Je comprends parfaitement la position du rapporteur, qui, soit pour des raisons de technique juridique, soit par attachement à des convictions qui l'honorent, soit encore en raison d'un doute sur l'application effective de certaines mesures, n'a pas cru devoir proposer à la commission de retenir certaines des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.
Soyons cependant attentifs, mes chers collègues, à ne pas décevoir l'immense attente de nos concitoyens sur une question prioritaire qui, si elle n'est pas traitée à fond, risque, vous le savez, de décrédibiliser la justice et de déstabiliser nos institutions. C'est bien l'impunité qui fait le lit des démagogues !
C'est la raison pour laquelle relever à dix ans au minimum la peine d'emprisonnement à laquelle la personne doit avoir été condamnée pour que le PSEM puisse être ordonné à son encontre ne me paraît pas opportun, car, entre cinq et dix ans, nous ne sommes plus dans la petite délinquance, surtout quand il s'agit, comme ici, de récidivistes.
Quant au consentement du condamné, ne cédons pas aux travers de la doctrine de la « défense sociale », qui, discutable quant à l'efficacité de la mesure, conduirait paradoxalement à priver le détenu d'une opportunité non négligeable de réinsertion.
Ne restreignons pas non plus les possibilités d'action des juges de l'application des peines : mettons à leur disposition les outils nécessaires, les laissant ensuite libres de les utiliser ou non.
Qui plus est, en maintenant la possibilité d'ordonner un PSEM à l'encontre d'une personne condamnée à une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement, on fait tomber, en partie au moins, l'argument - c'en est un - selon lequel le PSEM des mineurs ne pourrait pas trouver application.
Supprimer le PSEM pour les mineurs reviendrait à rétrécir encore la palette des mesures envisageables. Lors de son audition par la commission, Georges Fenech, qui a été abondamment cité par les orateurs, a, en se fondant sur les exemples étrangers, insisté sur le fait que le PSEM pouvait « induire des changements de comportement, notamment chez les mineurs ».
S'agissant de la durée du PSEM, pourquoi, là encore, se lier les mains en limitant son renouvellement à une seule fois alors qu'il pourrait peut-être convenir plus longtemps dans certains cas ?
Les durées adoptées par l'Assemblée nationale restent limitées et n'occultent pas le fait que le caractère évolutif du dispositif et l'accompagnement socio-éducatif qu'il requiert sont étroitement liés.
J'observe d'ailleurs que la durée maximale du suivi socio-judiciaire, lequel a été établi par la loi du 17 juin 1998, a été allongée par la loi du 9 mars 2004, qui prévoit même la possibilité d'un suivi sans limitation de durée, en répression des crimes punis de la réclusion criminelle à perpétuité.
Bien sûr, la mise en oeuvre d'une peine aussi spécifique que le suivi socio-judiciaire nécessite que les juges de l'application des peines et les conseillers d'insertion et de probation soient en nombre suffisant, même s'il faut rappeler que ce nombre est passé de 1 500 à 2 000 depuis 2002.
Vous comprendrez bien que, en tant que rapporteur pour avis du budget de l'administration pénitentiaire, je me soucie, à l'instar de certains autres orateurs, des moyens qui seront affectés à ce projet et je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de nous apporter des précisions sur l'éventuelle création d'une Agence nationale de la surveillance électronique et d'un corps d'agents spécialisés et de répondre aux excellentes questions de notre rapporteur sur les moyens et dispositions envisagés pour organiser le PSEM.
La meilleure des préventions de la récidive reste encore la certitude de la peine. Le délinquant tenté de récidiver doit savoir qu'une peine plus sévère lui sera appliquée de façon certaine, c'est-à-dire qu'il ne bénéficiera pas du traitement réservé à un primo-délinquant.
C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'à l'origine, et sur l'initiative de nos collègues députés, en particulier Christian Estrosi, puis de vous-même, monsieur le ministre, nous avons commencé plus récemment à débattre de ces sujets. Et c'est dans cet esprit que se situe l'intérêt de réduire d'un tiers la première année, de la moitié les années suivantes, le crédit des réductions de peine, instauré par la loi du 9 mars 2004, dont peuvent bénéficier les récidivistes.
Dissuasive, cette mesure présente également l'avantage d'encourager les libérations conditionnelles qui, par nature, évitent les sorties sèches de prison et, partant, contribuent à prévenir la récidive. C'est ici l'exemple type de la bonne combinaison de la protection des victimes par la dissuasion des délinquants et de la réinsertion des condamnés.
Toutefois, il est des criminels, véritables prédateurs, pour lesquels la peine n'a aucun effet dissuasif. Dans ce cas, pour protéger la société le plus longtemps possible, une période de sûreté d'au moins vingt-cinq ans me paraît devoir être rétablie : c'est toujours ça !
Un enfermement à vie étant inenvisageable, la troisième voie esquissée par la commission Burgelin est très prometteuse, avec le projet des centres fermés de protection sociale, ni hôpitaux ni prisons, mais lieux sécurisés d'hébergement spécialisé dans la prise en charge des individus dangereux, à l'instar de ce qu'ont fait l'Allemagne ou les Pays-Bas ; je me réjouis à cet égard de la création d'une mission d'étude sur ces centres.
Cependant, sans même attendre le rapport à venir d'un parlementaire en mission sur la dangerosité de certains criminels, il est de notre devoir de protéger au plus tôt les victimes potentielles, objectif que cette proposition de loi nous permet d'atteindre.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'opinion publique attend beaucoup de nous. Aussi, en faisant en sorte que l'efficacité de la lutte contre la récidive ne soit pas affaiblie et qu'avec ce texte, par lequel on considère désormais un individu dans sa propension à la violence, ajoutant ainsi, par une nouvelle approche, une démarche criminologique à une démarche exclusivement juridique, nous démontrerons notre volonté de placer réellement les victimes au centre de nos préoccupations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs les sénateurs, à voir le nombre des orateurs, la qualité de leurs interventions et la passion qu'ils y ont mise, un observateur extérieur pourrait croire que ce texte vient d'être présenté en première lecture au Sénat. Or, comme nous le savons tous, il n'en est rien ! Cela montre, à l'évidence, l'importance de ce texte.
Notre tâche à nous, législateur, consiste à faire une loi qui corresponde à ce que veut le peuple français à un moment donné, sans pour autant jamais perdre de vue l'équilibre qu'exige l'intérêt général.
Avant de m'adresser aux uns et aux autres, je voudrais, en guise d'introduction, répondre globalement à deux interventions, celle du rapporteur et celle de Robert Badinter, lequel s'est placé sur un terrain plus général.
Après Robert Badinter, je ferai à mon tour un peu d'histoire, et vous allez le voir, ce que je vais rappeler n'est pas franchement à l'honneur de notre pays.
Permettez-moi de vous donner, d'abord, un chiffre. Savez-vous combien de places de prison ont été créées en France 1900 et 1986 ? En près d'un siècle, seulement 14 500, et pour l'essentiel dans les années soixante, principalement à Fleury-Mérogis. Autrement dit, au cours des soixante premières années du XXe siècle, nous n'avons pratiquement pas construit de places de prison ! Cela explique notamment que, aujourd'hui, plus de la moitié des prisons ait plus de cent ans !
Je vous livrerai quelques autres chiffres qui sont proprement effarants. Je ne le ferai pas dans un esprit partisan, mais j'aimerais que tout le monde se pose des questions par rapport à ses propres choix politiques.
Depuis 1980, il y a eu trois programmes de création de places de prison. Le premier, le plus important, lancé à l'instigation de M. Albin Chalandon, portait sur 15 000 places. Il a été réduit à 13 000 places par M. Arpaillange, qui n'y était pas très favorable. Le deuxième programme, de 4 000 places, nous le devons à M. Pierre Méhaignerie ; celui-ci a été intégralement réalisé. Le troisième programme, de 13 200 places, a été décidé par mon prédécesseur immédiat, M. Dominique Perben.
Aucune place créée, depuis 1980, sous les législatures autres que celles que je viens d'évoquer ! Alors, on peut raconter tout ce que l'on veut en matière d'insertion, parler de prisons pourrissoirs, de prisons qui seraient le contraire de ce qui serait souhaitable dans une société développée ! Si, comme le disait le professeur Portelli, on juge une société à son droit pénal, eh bien, effectivement, c'est une honte pour la France ! Et le rapport sénatorial, qui date des années 2 000, avait bien raison de le souligner.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas le problème !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Bon sang, il est tout de même bon de s'interroger sur les responsabilités que nous avons prises, collectivement, certes, mais que certains ont peut-être plus que d'autres !
Comme toujours, ce sont les belles âmes qui font des commentaires ou qui donnent des leçons !
M. Robert Badinter. La construction de prisons ne fait pas une politique pénitentiaire !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Voilà les vérités, tristes vérités, qu'il me semblait utile de rappeler en introduction aux réponses aux interventions.
Pour être complet, j'ajouterai que des progrès ont néanmoins été réalisés : nous ne nous sommes pas contentés de construire des prisons. C'est ainsi que nous avons, par exemple, aménagé, sous l'égide de M. Méhaignerie, des cellules individuelles. Encore faut-il prendre garde, comme l'a souligné l'un d'entre vous, à ne pas faire que cela, car, c'est vrai, la cellule individuelle ne correspond pas une demande systématique des détenus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De toute façon, on en est loin !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. De même ont été construits des miradors surélevés ainsi que des appartements pour les familles. Cette dernière tâche, nous allons la poursuivre, car ces unités d'habitation pour les familles sont extrêmement importantes en termes de réinsertion. Nous avons également mis en place des salles de travail et de pédagogie.
En matière de sécurisation des prisons, au cours de la période récente, il faut le savoir, tout a été lancé par Mme Lebranchu. En effet, celle-ci ayant été confrontée à une révolte de quelque importance, juste avant l'alternance de 2002, elle a demandé qu'un plan de sécurité des prisons soit mis en place. Il a été appliqué avec beaucoup de conscience par le directeur de l'administration pénitentiaire qu'elle avait elle-même nommé et qui est resté en poste jusqu'en 2004.
Qu'on arrête donc de crier au sécuritaire ! C'est méconnaître la question et c'est ignorer l'histoire récente de nos prisons.
Je veux bien que l'on pousse tout à coup des cris effrayés et effrayants, mais encore faut-il rappeler simplement qui a fait quoi. Et ici, je l'ai dit, personne n'est de gauche ou de droite. Nous sommes, vous, des parlementaires, nous, le Gouvernement, décidés à avoir ce qu'il y a de plus humanisé possible en matière de prison. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.) Mais qu'on ne vienne pas m'expliquer, comme certains l'ont fait ici, qu'il faut n'y envoyer personne !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est en gros ce que vous m'avez dit ! Il est évidemment nécessaire que nous ayons des prisons !
Monsieur le rapporteur, vous m'avez posé des questions qui ne sont pas commodes tant il est vrai, je le reconnais avec modestie, que je n'ai pas réponse à tout !
Les quelques éléments chiffrés que je vais vous donner me permettront de répondre au passage à ceux qui feignaient de croire que la création des bracelets se ferait au détriment de celle des conseillers d'insertion et de probation. Ces chiffres, incontestables, qui relèvent d'ores et déjà de notre bilan, vous montreront que nous ne nous contentons pas de faire du « sécuritaire ».
Au 31 décembre 2002, il y avait 16 550 travailleurs sociaux dans les prisons, dont 1 216 conseillers d'insertion et de probation et 434 assistantes sociales.
A ce jour, on compte 300 travailleurs sociaux de plus, avec 1 511 conseillers d'insertion et de probation au lieu de 1 216.
En outre, 489 élèves conseillers d'insertion et de probation suivent actuellement les cours de l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire. Ils seront 189 à en sortir en 2006, et 300 l'année suivante.
Voilà pour l'indispensable encadrement du suivi socio- judiciaire. Car, s'il est une bonne loi, c'est celle qu'a fait voter Mme Guigou. Malheureusement, cette loi n'a pas du tout été « animée » : on l'a votée, mais ... on l'a laissée dans un tiroir ! C'est, si j'ose dire, pis encore que de ne pas prévoir les moyens correspondants !
Or, au vu du nombre de condamnés privés de suivi socio-judiciaire, ce que je recommande, moi, devant la Haute Assemblée, c'est d'assortir toute condamnation d'un suivi socio-judiciaire. Car c'est la sortie sèche qui est la mère de la récidive ! En fin de compte, l'objectif de toute la proposition de loi dont nous sommes en train de débattre, c'est d'éviter la sortie sèche !
Alors, je vous l'accorde, monsieur Badinter, on peut discuter de la durée des peines. A titre personnel, je suis plutôt contre les longues périodes de prison. Pour moi, ce n'est pas l'essentiel. Ce qui est essentiel, c'est l'effectivité de la peine. Et là où nous sommes peut-être en désaccord, c'est que vous semblez oublier qu'à pouvoir enchaîner dix sursis avec mise à l'épreuve, c'est le sursis avec mise à l'épreuve lui-même qu'on met en question !
Ce sont peut-être des exceptions, mais cela arrive et cela explique pourquoi nous voulons effectivement que, au bout de cinq fois, on puisse, de temps en temps, penser à mettre quelqu'un en prison.
Cela étant, il est indispensable de prévoir que toute la prison est orientée sur l'insertion, du premier au dernier jour, et que le suivi socio-judiciaire, ce sont des moyens d'insertion, à travers les conseillers, et des juges de l'application des peines.
Monsieur le rapporteur, nous manquons beaucoup, selon vous, de juges de l'application des peines. Le chiffre que j'aurais bien voulu vous entendre citer, c'est moi qui vais le donner. Depuis trois ans que notre majorité est au pouvoir, nous avons augmenté de 76 % le nombre de juges de l'application des peines. Qu'il en manque, je veux bien en convenir, mais commençons par souligner l'effort consenti ! Qui peut prétendre avoir fait autant dans les années précédentes ?
Qu'on ne réduise pas le débat entre, d'un côté, le vilain sécuritaire, et, de l'autre, la belle et généreuse défense de l'insertion. Une telle présentation est mensongère et je tiens, au contraire, à rappeler tout ce qui a été réalisé : cela m'est d'autant plus facile que c'est un hommage que je rends à mon prédécesseur.
Je répondrai maintenant, éventuellement de façon un peu brève, qu'ils m'en excusent, aux autres orateurs.
Je remercierai d'abord M. Alfonsi de sa délicatesse et de son amabilité à mon égard, même si, je l'admets bien volontiers, je ne suis pas exempt de toute critique.
Je pense, comme lui, que les réponses à la délinquance, notamment les actions de réinsertion, doivent être graduées, variées et développées. Ce que je viens de dire à l'instant devrait vous le prouver, c'est une motivation fondamentale et permanente chez nous : oui, tout va dans le sens de l'insertion, et deux exemples me viennent à l'esprit pour illustrer ce fait.
Vous savez, monsieur le sénateur, que nous avons décidé de construire sept établissements pour mineurs, les EPM, qui compteront chacun soixante places.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas ça qui va régler le problème !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les premières pierres sont d'ores et déjà posées, et ces établissements seront inaugurés en 2007-2008. Soixante jeunes, un surveillant, un éducateur par personne : en d'autres termes, l'orientation, la pédagogie et, à la sortie, le travail et la réhabilitation.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Très bien !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Par ailleurs, et M. Badinter l'a dit à juste titre, il convient de veiller à ne pas mêler les courtes peines aux autres. Or que faisons-nous d'autre en décidant de créer des établissements pour les courtes peines ? Je ne puis, à l'instant même, vous en dire le nombre, mais je le ferai au cours du débat.
En tout cas, c'est une intuition que nous partageons : en effet, il ne s'agit pas de mêler les délinquants qui relèvent du grand banditisme ou les malfrats et le malheureux primo-délinquant qui ne sera jamais récidiviste. Car, grâce au ciel, la plupart des primo-délinquants ne seront jamais récidivistes.
Madame Borvo, nous sommes d'accord au moins sur un point - j'y insiste, car c'est assez rare -, à savoir qu'il faut lutter contre la récidive.
Hélas ! par la suite, les choses se gâtent entre nous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Effectivement, cela se gâte !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. En effet, vous êtes contre la peine puisque, si vous reveniez au pouvoir, vous n'envisageriez pas de construire la moindre place de prison. Du moins ne vous ai-je pas entendue dire qu'il était important d'en construire.
De la même façon, vous vous prononcez contre le bracelet électronique. J'espère que vous comprenez que le bracelet électronique est l'une de modalités du suivi socio-judiciaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je constate que vous m'entendez bien mal !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Serais-je un peu sourd ?
Quoi qu'il en soit, je me permets de rappeler que, dans le suivi socio judiciaire, outre le bracelet électronique, entrent aussi l'injonction de soins, l'interdiction de fréquenter tel ou tel lieu ou telle ou telle personne, des rendez-vous avec des psychologues ou des psychiatres d'une manière fréquente, bref, des obligations plus ou moins coercitives et qui sont indispensables en vue de la réinsertion.
Il convient donc de ne pas faire preuve d'angélisme ni d'oublier que la réinsertion des condamnés est en réalité notre souci commun.
Monsieur Détraigne, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le texte que nous examinons ensemble n'est pas une proposition de loi de circonstance. Chacun l'a souligné : elle est née il y a près de deux ans par le biais d'une mission d'information de l'Assemblée nationale. Or, ainsi que cela a été rappelé tout à l'heure, le groupe socialiste s'était à l'époque abstenu sur les conclusions de cette mission.
En fait, c'est le débat récent qui a fait que tout le monde s'est passionné pour cette question et a pris parti. Cela dit, je suis persuadé qu'une fois la « mousse » retombée, on découvrira qu'il s'agit d'une très bonne idée.
En définitive, ceux qui sont contre le bracelet électronique mobile sont ceux-là mêmes qui, naguère, étaient contre le bracelet fixe et qui, aujourd'hui, réclament l'utilisation de ce dernier ! J'ai d'ailleurs cru comprendre que Mme Borvo elle-même- mais peut-être ai-je mal entendu ! - réclamait une utilisation plus large de ce dispositif. Elle prétend qu'il n'y a que 300 bracelets fixes. Pour ma part, j'en ai chiffré le nombre à 1 000, mais je veux bien reconnaître que c'est encore insuffisant et que nous pouvons faire mieux.
J'ai même entendu certains dire que le bracelet électronique mobile ne saurait empêcher le violeur de commettre son acte puisque, par définition, l'impulsion de celui-ci est telle que rien au monde ne peut l'arrêter. Force m'est de préciser que, si je ne suis pas moi-même psychiatre, j'ai rencontré des psychiatres qui affirment hautement le contraire. Certes, on pourra me rétorquer qu'il arrive que les psychiatres ne s'accordent pas entre eux. Toutefois, une chose est sûre : doit-on, au motif qu'un tel dispositif pourrait, selon certains, se révéler inefficace, refuser de tenter de sauver la vie de femmes ou d'enfants ?
Ce qui nous est proposé aujourd'hui consiste précisément à trouver, grâce à la technologie, les moyens de prévenir un certain nombre de viols et, quand bien même seuls quelques-uns d'entre eux pourraient être évités, cela représenterait un succès. Dès lors, qui oserait prétendre qu'il ne souhaite pas parvenir à un tel résultat ?
Monsieur Détraigne, puisque vous émettez quelques réserves quant à la nouvelle mesure de surveillance judiciaire, j'espère que ces quelques mots vous auront au moins partiellement convaincu.
S'agissant de l'une des modalités d'application de la peine d'emprisonnement prononcée par la juridiction de jugement, comme vous, je suis soucieux d'éviter les sorties sèches et tel est bien, je le répète, l'objet de cette proposition de loi. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que soit mise en place une nouvelle mesure de surveillance pour les condamnés ne bénéficiant ni d'un suivi socio-judiciaire ni d'une libération conditionnelle, alors même que les risques de récidive sont connus.
Je tiens d'ailleurs à attirer l'attention du Sénat tout entier sur le fait que la libération conditionnelle constitue la meilleure chance de réinsertion pour un détenu. Par conséquent, je suis heureux de le rappeler ici, fût-ce de manière un peu brutale, on peut être de droite et néanmoins extrêmement favorable à la libération conditionnelle.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Tout à fait !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. En effet, la libération conditionnelle est le meilleur moyen pour un détenu de « s'acheter » une conduite grâce à un dialogue permanent avec les psychiatres, les psychologues et les conseillers d'insertion et de probation. Dès lors, encore une fois, la solution n'est certainement pas dans la prison à vie. La solution réside dans la certitude de la peine, en même temps que dans les efforts de réinsertion dans la société.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous souhaitez une expérimentation du PSEM. Cependant, votre raisonnement est pour le moins bizarre, je suis navré de vous le dire, puisque, selon vous, il faudrait d'abord faire le test pour, ensuite, voter la loi. Or, à mon avis, il faut d'abord légiférer pour disposer de l'outil !
S'agissant de ce dernier, vous savez fort bien, vous qui ne cessez de vous référer à notre ami Fenech, que ce dernier s'est rendu à Miami et en Angleterre, autrement dit là où cet outil fonctionne.
Il est bien clair qu'à partir du moment où nous disposerons du dispositif législatif, nous pourrons nous occuper de ce problème. Par conséquent, monsieur Dreyfus-Schmidt, la loi est absolument nécessaire en la matière.
M. Jean-Pierre Sueur. M. Fenech dit que cela pourra fonctionner pendant deux ans.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Alors, M. Fenech, est tout simplement formidable ! Car comment sait-il tout cela ? A partir de quoi affirme-t-il que le bracelet ne pourra pas être supporté au-delà de deux ans ?
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez dit qu'il avait rédigé un excellent rapport !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Peut-être, mais ce n'est pas parce qu'un rapport est excellent qu'il ne comporte pas certains éléments discutables. Or vous savez comme moi, monsieur le sénateur, qu'un bon rapport est celui qu'on discute ; en l'espèce, c'est le cas !
Certes, comparaison n'est pas raison, mais quand on dit que l'on ne pourrait pas supporter le bracelet pendant plus de deux ans, je ne peux m'empêcher de songer au téléphone portable que presque tout un chacun porte désormais en permanence sur soi et qui, paraît-il, permet de nous suivre à la trace !
Par conséquent, monsieur le sénateur, si vous prétendez que le bracelet n'est plus supportable au bout deux ans, alors débarrassez-vous de votre téléphone portable, car vous êtes suivi !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne le porte pas à la cheville ! (Sourires.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est, j'en conviens, une comparaison un peu boiteuse !
Quoi qu'il en soit, je puis affirmer que ce suivi sera non pas un suivi permanent, mais un suivi semi-actif. En d'autres termes, le bracelet signalera seulement la présence de la personne concernée dans les endroits où elle n'a pas le droit d'aller ; le reste du temps, le suivi sera passif.
S'agissant du taux de récidive, monsieur Dreyfus-Schmidt, vous nous reprochez l'absence de statistiques précises. C'est là un vrai débat, en effet. Quand j'ai commencé à m'intéresser à ce problème, au sein de la commission des lois de l'Assemblée nationale, les personnalités que nous auditionnions nous fournissaient des statistiques. Or, après avoir quitté l'Assemblée nationale pour devenir garde des sceaux, il m'a été dit que ces statistiques n'étaient plus disponibles ! Ainsi, voilà un an, il y avait des statistiques et, aujourd'hui, il n'y en a plus ! J'avoue avoir du mal à comprendre cette situation, mais force m'est d'en faire le constat. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a des récidivistes et qu'il y en plein les journaux ; cela, c'est un fait avéré ! C'est pourquoi il nous faut éviter, autant que faire se peut, le phénomène de la récidive.
Pour ce qui me concerne, je le dis très simplement, j'ai tenu à mettre en place, avec le professeur Robert, une commission, afin que nous ayons un dispositif qui ne soit ni lourd ni coûteux. Chacun sait que le fait de créer je ne sais quel observatoire nécessite des locaux, des permanents, ce qui coûte tout de même beaucoup d'argent. Certes, je sais que la France adore ce genre de structures, mais si l'on peut trouver quelque chose de plus souple et de peu onéreux, ainsi que je le suggère, eh bien, ne nous gênons pas ! J'espère, sur ce point, recueillir votre adhésion.
Quant à l'idée consistant à mettre en place un nouveau fonctionnaire chargé de surveiller les surveillants et les magistrats, j'avoue ne pas avoir saisi tout à fait ce que vous vouliez dire, mais sans doute reprendrez-vous la parole sur ce sujet. En tout cas, il va vous falloir déployer quelques efforts pour commencer à me convaincre !
Cela dit, je tiens globalement à vous remercier de votre intervention, d'autant qu'à un moment donné vous avez fait savoir que vous « suiviez » un détenu, si j'ai bien compris, et vous avez eu cette phrase qui m'a beaucoup frappée : « Je suis sûr qu'il préférerait être libre avec un bracelet qu'en détention. » Merci d'être d'accord avec moi !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans le cadre de l'accomplissement de la peine !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Béteille, vous avez souligné l'absence de divergences fondamentales entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Entendre de tels propos me fait vraiment plaisir, car j'en profère souvent de tels, tout en faisant observer que la richesse du bicaméralisme consiste précisément en des rapprochements entre des positions qui ne sont pas tout à fait identiques.
Il existe, pour décrire cela un mot très chic : oxymore. Si l'Assemblée nationale et le Sénat en viennent à faire ensemble des oxymores, je ne peux que m'en féliciter ! (Sourires.)
Par ailleurs, vous nous avez dit que la lutte contre la récidive était un sujet trop important pour faire l'objet de jeux politiciens ; nous en sommes tous, je crois, convaincus.
Comme vous, je considère que le bracelet électronique n'est pas la panacée et, bien entendu, je ne prétends pas que ce dispositif permettra d'éliminer tout risque de récidive. Toutefois, s'il est efficace dans certains cas, alors nous aurons fait oeuvre utile.
En revanche, monsieur Béteille, je ne partage pas les réserves que vous avez émises concernant la diminution du crédit de réduction de peine pour les récidivistes, diminution qui permet de renforcer l'effectivité des peines.
Je pense qu'il convient de distinguer le primo-délinquant du récidiviste. En effet, si les peines et les réductions de peine sont identiques pour les récidivistes et pour les primo-délinquants, qui pourra se targuer de comprendre le droit pénal français ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce ne sont pas les mêmes peines !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mais c'est tout de même toujours la prison.
Par conséquent, monsieur Béteille, je ne suis pas bien votre raisonnement.
En ce qui concerne la création de centres fermés de protection sociale proposés par la commission Santé-Justice, nous en sommes au stade de la réflexion. Rien n'est décidé ni ne le sera, à mon avis, avant un certain temps. D'ailleurs, cette question relève surtout de la compétence de mon collègue Xavier Bertrand.
Pour ma part, je compte sur le Sénat pour progresser dans ce domaine. Tout à l'heure, M. Jean-Jacques Hyest a annoncé la création d'une mission de réflexion sur ce sujet. Eh bien, que le Sénat fasse avancer la réflexion et, ensemble, nous verrons si nous devons prendre des décisions à cet égard.
Monsieur Gautier, vous avez raison, les Français sont inquiets face à la délinquance et à la récidive, et c'est bien ce qui explique notre présence ici ce soir.
En revanche, quand vous laissez entendre que nous légiférons sous la pression de l'actualité, je ne partage votre point de vue, ainsi que je m'en suis déjà expliqué. Je rappellerai simplement que l'Assemblée nationale et le Sénat réfléchissent à ce problème depuis un peu plus de deux ans. En tout état de cause, ce n'est pas parce que nous sommes face à une actualité difficile qu'il ne faut pas y répondre.
En fait, il semble que l'on passe d'un excès à l'autre. Si nous ne nous occupions jamais d'actualité, les gens auraient beau jeu de se demander pourquoi ils élisent des parlementaires. A l'inverse, si nous ne réagissions que face à tel ou tel événement, nous nous verrions reprocher un manque de distance, une absence de prise en considération de l'intérêt général. Il faut tenir compte des deux termes de l'alternative. C'est ainsi que nous nous devons de répondre à l'actualité, et ce avec assez de distance pour ne jamais perdre de vue l'intérêt général. C'est ce que nous tentons de faire tous ensemble depuis deux ans. Mais, j'en suis bien conscient, rien n'est jamais parfait !
Bien entendu, monsieur Gautier, aucune loi n'est miraculeuse. Au demeurant, des miracles, je n'en connais pas beaucoup, surtout dans ce domaine !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous en connaissez dans d'autres ? (Sourires.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Fouché, vous soulignez l'explosion du nombre de condamnations correctionnelles et criminelles en matière sexuelle et vous avez raison de rappeler ces chiffres que certains veulent ignorer.
Je pense comme vous que l'érosion des peines doit être limitée pour les récidivistes, notamment les criminels dangereux.
Pour répondre plus précisément à votre question, je vous indique qu'il y a actuellement 530 condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité dans les prisons françaises.
Monsieur Lecerf, je vous remercie d'avoir rappelé que le groupe socialiste s'était abstenu lors des travaux de l'Assemblée nationale. Je vous remercie aussi d'avoir affirmé très clairement que la surveillance judiciaire était une modalité d'application de la peine d'emprisonnement et non une peine supplémentaire. Je sais que ce point fait l'objet d'un débat : nous verrons bien ce qu'en dira le Conseil constitutionnel.
Vous l'avez compris, je partage pleinement votre analyse de la situation carcérale en France.
S'agissant du suivi socio-judiciaire, que j'ai évoqué tout à l'heure, j'ai écrit à mon collègue Xavier Bertrand pour lui demander de pourvoir les postes de médecin coordonnateur qui restaient inoccupés, de placer sous l'autorité de ces médecins des psychologues, tout de même plus faciles à recruter, pour remplacer les psychiatres, et enfin d'augmenter la rémunération des vacations de ces derniers.
Nous disposons actuellement de 180 psychiatres en équivalent temps plein. Certes, il en faut plus, mais un calcul rapide montre que chacun des 57 000 détenus peut voir un psychiatre pendant une demi-heure par mois. Cela signifie que M. Léonard et moi-même avons largement exagéré dans notre rapport le sous-effectif de la psychiatrie dans ce pays puisque nous avions annoncé qu'il manquait 800 postes de psychiatres. Renseignements pris, études faites, ce chiffre se révèle faux. Nous l'avions retenu parce que nous avions rencontré deux « experts » qui nous avaient dit la même chose. Or il suffit qu'une erreur soit répétée pour qu'elle devienne une vérité ! Cela étant, les rapports sont faits pour être discutés. Dès lors que l'on exerce des responsabilités, on cherche à s'informer et ce que l'on trouve ne correspond pas toujours à ce que l'on affirmait la veille... Je vous remercie de votre indulgence ! (Sourires.)
Monsieur le professeur Portelli, vous nous avez rappelé la nécessité de ne pas oublier le principe fondamental de la protection de la personne humaine. Vous avez raison, et je crois avoir démontré que je tenais compte de cet impératif ou, du moins, que le Gouvernement mettait tout en oeuvre pour le respecter.
Vous vous êtes interrogé sur la nécessité de légiférer contre la récidive. Je pense que c'est inévitable, car notre droit est encore trop virtuel en ce domaine, faute d'avoir prévu les moyens indispensables, notamment pour accompagner les condamnés ayant commis des infractions de nature sexuelle.
L'adoption de ce texte et nos choix budgétaires permettront, me semble-t-il, de combler les manques, notamment pour éviter les sorties sèches de personnes dangereuses, ce qui, nous le savons, constitue l'enjeu l'essentiel.
Monsieur Goujon, vous avez raison, le Gouvernement ne pouvait rester sans réaction face aux crimes insupportables commis ces derniers mois,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous y voilà ! Bel aveu !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. ...même si les réflexions du Parlement sur cette question sont bien antérieures.
Comme vous l'avez rappelé, la meilleure prévention de la récidive est encore la certitude de la peine. C'est l'objectif de la proposition de loi, notamment à travers la diminution du crédit de réduction des peines pour les récidivistes.
S'agissant des modalités pratiques de mise en oeuvre du bracelet électronique mobile, nous sommes en train d'y travailler et je vous promets que j'informerai la représentation nationale de l'état d'avancement de nos réflexions.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quand ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Enfin, je tiens à souligner devant la Haute Assemblée que personne, en tout cas ni le garde des sceaux ni les auteurs de la proposition de loi, n'a jamais prétendu détenir de solution miracle pour empêcher la récidive, particulièrement en matière de crime sexuel. Ce que je sais, c'est que les Français sont très attentifs à ce que les hommes politiques se servent de tous les nouveaux moyens techniques afin d'empêcher, notamment, ce type de récidive. Voilà notre devoir, qui est somme toute modeste.
Autant j'admets que nous puissions engager des polémiques sur les durées de détention ou sur la prise en compte législative de la réitération - ce sont là des querelles de juristes -, autant les Français ne comprendraient pas que, pour des raisons impénétrables pour eux, nous ne puissions nous mettre d'accord lorsqu'il s'agit d'éviter des crimes, surtout quand ils sont commis par les mêmes auteurs. Nous serions alors condamnables, et serions d'ailleurs condamnés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 87, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au traitement de la récidive des infractions pénales (n° 23, 2005-2006).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Josiane Mathon, auteur de la motion.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la récidive n'est ni un problème anodin, car la récidive est synonyme d'échec, ni un problème qu'il faut traiter précipitamment ou dans un remue-ménage médiatique peu propice à la sérénité qui doit empreindre des débats ayant trait au droit pénal.
Malheureusement, que ce soit en première ou en deuxième lecture, ce texte a été placé sous les feux des projecteurs à la suite de faits divers tragiques, le Gouvernement l'ayant exhibé comme étant la réponse immédiate à la récidive.
La solution, nous a-t-on dit, existe et se présente sous la forme d'un bracelet électronique mobile, permettant de suivre à la trace les récidivistes potentiels ou les potentielles récidives
Avant de formuler un certain nombre d'objections, je tiens à rappeler que le Sénat avait prudemment reculé sur les dispositions relatives au bracelet électronique et avait manifesté le plus grand doute quant à son application. Les députés ne semblent pas avoir véritablement tenu compte des interrogations émises dans notre assemblée puisque le texte nous revient profondément modifié et durci.
En effet, nous critiquions déjà vivement les dispositions remettant en cause toutes les mesures d'aménagement des peines et permettant un allongement de la durée de détention que nous estimons totalement contreproductif en termes de lutte contre la récidive.
Aujourd'hui, nous constatons à regret que la liste de ces dispositions répressives s'est allongée et que, malgré l'accroissement de la durée d'emprisonnement, le Gouvernement et la majorité maintiennent leur volonté d'imposer une surveillance électronique mobile après la sortie de prison.
Le placement sous surveillance électronique mobile pourrait être ordonné soit dans le cadre du suivi socio-judiciaire, soit dans celui de la libération conditionnelle, soit enfin dans celui de la surveillance judiciaire.
Certes, la durée du placement sous surveillance électronique mobile a été nettement diminuée par rapport à ce qui était proposé en première lecture. Désormais, dans le cadre du suivi socio-judiciaire et de la libération conditionnelle, cette durée ne pourra plus excéder six ans - trois ans renouvelables une fois - en matière correctionnelle et dix ans - cinq ans renouvelables une fois - en matière criminelle, contre vingt et trente ans dans la première version du texte. Néanmoins, elle reste importante, ce qui n'est pas sans conséquences et ne s'accorde pas avec le rapport Fenech.
D'abord, le placement sous bracelet électronique mobile est une mesure totalement déshumanisée, qui prive, aussi longtemps qu'elle s'applique, l'ex-détenu du contact nécessaire avec un agent de probation ou encore un travailleur social. Il est étonnant de laisser sous le seul contrôle de la technique des personnes qui sont déstructurées psychologiquement et qui auraient besoin d'un accompagnement humain strict et encadrant.
Le bracelet électronique ne permet pas l'individualisation de la prise en charge de ces personnes, alors que l'accompagnement humain autorise justement une personnalisation du traitement ou de la mesure coercitive en fonction de l'évolution dans le temps du comportement de l'ex-détenu.
Ensuite, l'impact psychologique d'une telle mesure est particulièrement fort sur celui à qui elle est appliquée. A ceux qui diraient que les personnes susceptibles d'y être soumises ont commis des infractions graves, je répondrais simplement qu'elles auront déjà effectué leur peine de prison, que cette dernière aura été longue - davantage encore si ce texte est voté en l'état -, que, dès lors, la sanction qu'elles auront subie aura déjà rempli ses fonctions de sanction afflictive et infamante, qu'il nous faudra bien, un jour ou l'autre, réfléchir et « repenser » le sens de la peine.
L'impact psychologique du port du bracelet électronique n'est pas anodin puisque la surveillance s'effectuera 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Je me contenterai de citer le rapport de Georges Fenech, député de votre majorité, sur le placement sous surveillance électronique mobile, car son commentaire se suffit presque à lui-même : « Les études sur le placement sous surveillance électronique démontrent que cet aménagement de peine peut rarement durer plus de 4 à 5 mois. Au-delà, la pression devient telle que les personnes placées sous surveillance électronique mobile ont tendance à commettre des violations de leurs obligations. »
Les durées prévues par la proposition de loi, même réduites par rapport au texte initial, restent disproportionnées, et l'efficacité d'un placement aussi long n'est absolument pas assurée.
Enfin, l'application du bracelet électronique constitue une entrave majeure à la liberté d'aller et venir. La surveillance est constante et peut durer une dizaine d'années. En ce sens, le port du bracelet exerce une contrainte physique importante sur la personne qui y est astreinte et constitue peut-être même une atteinte à l'intégrité physique.
Nous considérons bien évidemment que le placement sous surveillance électronique est assimilable à une peine et non à une mesure de sûreté.
Par conséquent, nous ne pourrions tolérer que ce placement s'applique à des personnes déjà condamnées et qu'il ait donc une portée rétroactive.
Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, défini par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 - « Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit,... » - garantit le principe de sûreté et est ainsi un des piliers de notre Etat de droit. Portalis a d'ailleurs écrit : « Partout où la rétroactivité serait admise, non seulement la sûreté n'existerait plus, mais son ombre même... ».
Pourtant, avant l'examen du texte par l'Assemblée nationale, la Chancellerie prévoyait bien d'appliquer de manière rétroactive le placement sous surveillance électronique mobile, tout en reconnaissant le risque d'inconstitutionnalité d'une telle mesure et en menaçant les parlementaires, en cas de saisine du Conseil constitutionnel, de les rendre responsables du premier drame impliquant un récidiviste.
Demander à la représentation nationale de fermer les yeux sur un principe constitutionnel, qui, de plus, est une garantie pour nos concitoyens d'échapper à l'arbitraire, est tout simplement scandaleux.
M. Laurent Béteille. C'est ce que vous avez fait la semaine dernière à propos de la vente à la découpe !
Mme Josiane Mathon. Les réactions ne se sont d'ailleurs pas fait attendre et, ce qui est rarissime, le président du Conseil constitutionnel, pourtant proche de la majorité, a lui-même tenu à rappeler : « Le respect de la Constitution est non un risque mais un devoir. »
Il a donc fallu trouver une astuce sémantique pour échapper à la censure constitutionnelle. Ainsi, le port du bracelet électronique ne serait plus une peine mais une mesure de sûreté, applicable dans le cadre des remises de peine. C'est ainsi qu'il fait son apparition dans les mesures de « surveillance judiciaire ».
Le dispositif est, pour la Chancellerie, imparable. Grâce aux réductions de peine, un détenu peut être libéré quelques années avant le terme de sa peine initialement prononcée. Or, avec ce nouveau dispositif de surveillance judiciaire, il pourrait être astreint par le juge de l'application des peines au port du bracelet électronique, mais uniquement pendant la durée égale aux remises de peine.
Pour justifier le fait que ce bracelet serait une mesure de sûreté, vous rangez l'obligation de le porter au même niveau que d'autres obligations, qui sont effectivement des mesures de sûreté, comme, par exemple : répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné ; prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ; se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation ; ne pas se livrer à l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ; ne pas fréquenter les débits de boissons ; s'abstenir de paraître en tout lieu ou toute catégorie de lieux spécialement désignés, et notamment les lieux accueillant habituellement des mineurs.
A la lecture de ces diverses mesures de sûreté, l'argument selon lequel le placement sous surveillance électronique n'en serait qu'une nouvelle ne tient pas. Et ce n'est pas le simple fait de nommer, à l'article 7 comme à l'article 8, de nouveaux titre et sous-section du code pénal et de procédure pénale « Du placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté » qui peut vous exonérer des règles de droit.
Les mesures de sûreté que j'ai énumérées sont, certes, contraignantes, mais vous ne pourrez pas sérieusement prétendre qu'elles le sont autant que le port du bracelet électronique.
Dans le dispositif présenté aujourd'hui, la contrainte physique est bien plus grande. La personne sera surveillée en permanence. Elle pourra être soumise à d'autres obligations, comme celles qui découlent du suivi socio-judiciaire, par exemple. Sa liberté d'aller et venir est ici fortement compromise.
Vous envisagez de pouvoir cumuler suivi socio-judiciaire et placement sous surveillance électronique. Mais le suivi socio-judiciaire est lui-même assimilé à une peine qui, comme l'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 2 septembre 2004, ne peut être prononcée que pour des infractions commises après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 1998.
Le principe de non-rétroactivité déborde même le domaine strictement pénal, car il s'étend à tout texte prévoyant ou accentuant une répression. Il s'applique, par exemple, à la période de sûreté, alors qu'il s'agit d'une mesure relative à l'exécution de la peine et non d'une peine en elle-même, comme l'a admis le Conseil constitutionnel dans sa décision du 3 septembre 1986.
Le port du bracelet électronique, cela ne fait aucun doute pour nous, est bien une peine. Mais, apparemment, cela ne fait également aucun doute pour Georges Fenech, qui l'écrit très clairement dans son rapport :
« Force est de constater que le placement sous surveillance électronique mobile constitue une mesure fortement restrictive de la liberté d'aller et venir. Il a en outre un impact sur la vie de famille et de ce fait présente le caractère d'une peine, non seulement au regard des principes du droit français, mais également au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme.
« Il résulte de la plupart des auditions réalisées par la mission que le placement sous surveillance électronique mobile, bien qu'ayant un aspect préventif, ne peut pas être conçu comme une simple mesure de sûreté et qu'il doit être clairement rattaché à la notion de peine ».
Par conséquent, plusieurs dispositions de cette proposition de loi sont manifestement inconstitutionnelles.
En vertu de l'article 16, la surveillance judiciaire prévue à l'article 5 bis serait d'application immédiate. Etant donné qu'elle peut comprendre une obligation de porter le bracelet électronique et que cette mesure est assimilée à une peine, cette application immédiate est contraire au principe de non-rétroactivité de la loi pénale répressive.
Le même constat peut être fait à la lecture du nouvel article 131-36-9 du code pénal, puisque la juridiction qui prononce un suivi socio-judiciaire pourrait également ordonner le placement sous surveillance électronique mobile, alors que cette peine n'était pas encourue lors de la condamnation.
Enfin, l'article 8 bis A prévoit, dans son premier alinéa, que la personne faisant l'objet d'une libération conditionnelle peut être soumise aux obligations du suivi socio-judiciaire si elle a été condamnée pour un crime ou un délit pour lequel cette mesure était encourue. Dans son second alinéa, il prévoit que cette personne pourrait alors être placée sous surveillance électronique mobile. Mais c'est tout simplement impossible puisqu'il est clair dans le texte que cette peine n'était pas encourue au moment de la condamnation. A moins que l'article 8 bis A, ou tout du moins son second alinéa, ne puisse pas être d'application immédiate, mais alors, là encore, le principe de non rétroactivité n'a pas été respecté.
Bref, nous récusons le principe du bracelet électronique mobile tant sur le fond que sur la forme. Nous le jugeons inefficace en matière de lutte contre la récidive. A nos yeux, le recours à des dispositifs techniques de surveillance ne peut remplacer un réel accompagnement et un suivi humain. Et la situation est pire encore si le délinquant est un mineur.
Ensuite, on nous propose l'application immédiate de ce dispositif, ce qui n'est pas conforme à la Constitution, je pense l'avoir amplement démontré.
En conclusion, je ne peux que dresser un sombre portrait du texte qui nous est proposé aujourd'hui.
En effet, la présente proposition de loi ouvre la voie à une justice automatique. Si le Gouvernement a décidé, fort opportunément, de ne pas accepter les propositions de l'actuel ministre de l'intérieur en matière de peines planchers, il n'en reste pas moins que ce texte favorise une certaine automaticité des sanctions. J'en veux pour preuve l'incarcération immédiate et obligatoire des récidivistes ou encore la limitation de la possibilité offerte au juge de prononcer des sursis avec mise à l'épreuve.
Ensuite, cette proposition de loi laisse planer l'illusion qu'un enfermement toujours plus long est un moyen de lutter efficacement contre la récidive. Ainsi, le texte qui est issu des travaux de l'Assemblée nationale a-t-il été considérablement durci : allongement des périodes de sûreté et du temps d'épreuve de la libération conditionnelle ou encore impossibilité d'accorder une libération conditionnelle à un condamné récidiviste parent d'un enfant de moins de dix ans.
Toutes les études démontrent que l'emprisonnement, long et sans accompagnement, est désocialisant et facteur de récidive. Dès lors, la question se pose de savoir si le Gouvernement souhaite réellement lutter contre la récidive.
Mais il est vrai que donner aux services d'insertion et de probation les moyens d'accompagner les détenus pendant et après leur détention, mettre l'accent sur la réinsertion et sur tout ce qui peut effectivement avoir des effets positifs sur la prévention de la récidive, est beaucoup moins médiatique que ce texte.
C'est pourquoi nous soumettons au Sénat cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Il est vrai qu'en première lecture le Sénat avait émis des réserves quant à la constitutionnalité de deux aspects de la proposition de loi : d'une part, l'obligation faite au juge de décerner un mandat de dépôt à l'audience et, d'autre part, l'application immédiate du bracelet électronique tel qu'il était alors envisagé, à savoir une mesure de sûreté applicable après l'exécution de la peine.
Parvenu au stade de la deuxième lecture, je tiens à formuler deux observations.
En premier lieu, la modification qui a été proposée par le Sénat à l'article 4 permet, conformément à la décision que nous avions prise en première lecture, de donner au juge la faculté de délivrer un mandat de dépôt à l'audience et non de lui en faire obligation.
En second lieu, le dispositif relatif au placement sous surveillance électronique mobile a, vous le savez, été profondément modifié par les députés. L'application de cette mesure n'est plus envisagée que dans le cadre de la surveillance judiciaire, c'est-à-dire pendant la durée correspondant au crédit de réduction de peine.
J'ai déjà longuement expliqué dans la discussion générale les raisons qui, aux yeux de la commission, justifient dans ce cadre l'application du placement sous surveillance électronique mobile des personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi.
La commission, considérant que les doutes relatifs à la constitutionnalité du dispositif peuvent être levés, invite le Sénat à repousser cette motion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, je serai bref puisque nous avons déjà eu tout loisir de nous expliquer au cours de la discussion générale sur la constitutionnalité de ce texte.
Chacun aura constaté l'évolution juridique qui s'est produite entre la première et la deuxième lecture. La commission des lois et le Sénat dans son ensemble étaient très sensibles à la précision, à l'identité dans le temps entre, d'une part, les réductions de peine et, d'autre part, le port du bracelet électronique.
Je n'ai rien à ajouter. Toutes les précautions ont été prises, ce qui permet à tout le monde, d'un seul élan, de repousser cette motion.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne pouvons qu'admirer les certitudes de M. le ministre, qui, dans sa réponse aux orateurs, a fait preuve d'une grande modestie en reconnaissant qu'il lui était souvent arrivé de se tromper. Nous constatons qu'il le fait une fois encore, même si nous lui laissons bien entendu le bénéfice de la bonne foi.
Nous avons eu, en commission, une longue discussion sur la constitutionnalité du dispositif concernant le placement sous surveillance électronique mobile. D'ailleurs, plusieurs amendements visent à supprimer l'affirmation selon laquelle il s'agit d'une mesure de sûreté. Cela signifie que le problème reste entier et que la commission n'est absolument pas convaincue. Je pense même que la plupart de ses membres sont persuadés du contraire.
Dès lors, il serait plus simple de voter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. C'est en tout cas ce que fera le groupe socialiste.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 87, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 36, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au traitement de la récidive des infractions pénales (n° 23, 2005-2006).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la motion.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour les auteurs originels de la présente proposition de loi, tous ceux qui doutent de l'efficacité de leurs remèdes simples sont de « belles âmes », autant dire les complices des violeurs et des assassins, prêts à sacrifier femmes et enfants pour un accroc fait aux principes du droit ou à la Constitution. Ne souhaitant pas plus leur laisser le monopole du coeur que celui du souci de l'efficacité, c'est de ce dernier point de vue que je me placerai dans cette intervention.
La première condition de l'efficacité d'une politique, c'est la continuité. A cet égard, on a vu mieux ! On nous demande en effet d'adopter aujourd'hui le contraire de ce que le Parlement a voté voilà un an.
En mars 2004, la loi Perben 2 fixait la règle d'or de l'exécution des peines : favoriser « l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ». Elle précisait que « l'individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter ainsi une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ». Or le coeur de la présente proposition de loi, c'est l'emprisonnement et la surveillance généralisés.
Il convient de se demander si les présupposés qui sont à l'origine de ce changement des principes résistent à une confrontation avec les faits ?
Premier présupposé : il y a des solutions générales à la récidive, phénomène générique.
Or les formes et, probablement, les mécanismes déclencheurs de la récidive sont très divers. Quel rapport peut-on établir entre la récidive massive de jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans condamnés pour vol avec violence et celle de criminels de sang, dont le taux de récidive est de l'ordre de 0,5 %, ou encore celle des délinquants sexuels, chez qui le taux de récidive est de 1 % pour les crimes ? D'ailleurs, parler de délinquance sexuelle en général a-t-il un sens ? Des spécialistes tels que Xavier Lameyre en doutent.
Cela explique, monsieur le garde des sceaux, les difficultés que vous éprouvez avec les chiffres.
Qui est visé par votre texte ? Les récidivistes en général, et parmi eux les plus dangereux, ou seulement les délinquants sexuels, qui ne sont pas, tant s'en faut, tous dangereux ? A moins que vous ne visiez-vous que certains d'entre eux ? On s'y perd, et vous aussi, visiblement !
Le 27 septembre 2005, vous déclariez : « Ce sont 600 à 800 détenus qui, une fois dehors, pourraient commettre un nouveau crime sexuel. » De méchants examinateurs ayant ramené le résultat de vos calculs à une quarantaine de détenus, vous reteniez le chiffre de 70 devant l'Assemblée nationale : 40 ? 800 ? Ou encore 6 000, chiffre qu'a évoqué Hervé Morin devant l'Assemblée nationale ? De qui parle-t-on ? Selon la réponse, on change la nature du problème et des solutions à lui apporter. A problèmes différents, solutions différentes !
Deuxième présupposé : la solution générale, c'est l'alourdissement systématique des peines et la limitation des possibilités laissées au juge de les aménager.
Peu importe que la durée moyenne de la détention ait déjà quasiment doublé en vingt ans, que les récidivistes soient déjà condamnés, en moyenne, deux fois plus lourdement que les primo-délinquants, que le viol soit désormais autant, sinon plus, sanctionné que l'homicide, que les prisons soient surpeuplées, violentes et dans un état qui n'est pas à l'honneur de la France : incarcérer toujours plus, voilà la solution !
Qu'importe que, selon toutes les études, même pour les condamnations les plus lourdes, les taux de récidive soient plus faibles en cas de libération conditionnelle qu'en cas de sortie en fin de peine, lorsque la peine est aménagée que lorsqu'elle ne l'est pas.
Allonger le temps d'exécution des peines en prison, c'est réduire d'autant les possibilités d'aménagement et d'individualisation, donc augmenter le risque de récidive.
Les propagandistes de la proposition de loi l'ignorent si peu que leur discours reprend abondamment ce thème, sans en tirer, évidemment, aucune conséquence.
Voir du laxisme dans l'aménagement des peines, qui est d'ailleurs refusé par de nombreux condamnés, est un contresens. Rigidifier un peu plus le régime de cet aménagement, comme le fait le texte, ce n'est pas protéger la société, c'est la rendre encore plus vulnérable.
Que les mécanismes de réductions de peine créent des problèmes, c'est une évidence. Mais, plutôt que d'apporter un début de solution, le texte ajoute de nouvelles difficultés. Qu'en est-il, en effet ?
Au fil du temps, sous la pression de la surpopulation carcérale, les réductions de peine, de possibilité sont devenues un dû, de moyen d'individualisation un automatisme, de moyen éducatif une possible sanction, d'outil de l'application des peines un instrument de gestion des prisons. La loi Perben 2 n'a fait que théoriser une pratique imposée par l'état calamiteux des prisons françaises.
Désormais, dès son incarcération, le condamné voit calculer officiellement son temps de détention, sauf mauvaise conduite. C'est ce temps que prendront en compte le procureur, dans ses réquisitions, les juges et les jurés : c'est le monde à l'envers et l'on comprend que le public ne comprenne pas !
Comme l'écrit le président de l'Association nationale des juges de l'application des peines, dans le numéro de mars 2005 de Actualité juridique Pénal, « en pratique, les services de l'application des peines doivent parfois se livrer à une véritable course contre le temps pour aménager un emprisonnement que décrets de grâce, crédits de peine et réductions supplémentaires de peines viennent rapidement rogner ».
Le présent texte, au lieu de s'attaquer à cette difficulté, par exemple en donnant plus de place aux crédits de peine supplémentaires accordés au titre de l'article 721-1 du code de procédure pénale, les seuls à caractère vraiment éducatif, se contente de rogner sur les crédits automatiques des récidivistes.
Troisième présupposé : le processus psychologique au terme duquel un individu renonce à la délinquance est différent chez un primo-délinquant et chez un récidiviste. Inutile et dangereux, donc, de laisser au second les mêmes chances de s'amender qu'au premier !
Pourtant, cela ne correspond pas à l'expérience des professionnels : l'exception, c'est non pas le condamné qui évolue, mais celui qui n'évolue pas. Définir une politique de lutte contre la récidive à partir de l'exception, c'est la condamner à l'inefficacité.
Quatrième présupposé : la délinquance, comme les choix économiques de la vieille théorie libérale, procède d'un arbitrage rationnel des avantages et des coûts. Comme le souligne le ministre de l'intérieur, en charge de la justice : il faut que les récidivistes « comprennent que le risque qu'ils prennent n'en vaut pas la chandelle ».
Si ce principe s'applique à certaines formes de délinquance, c'est loin d'être le cas de la majorité, notamment de celles qui procèdent de la misère économique ou morale, de l'absence de maîtrise pulsionnelle.
D'ailleurs, si le « délinquant standard » se livrait à ce calcul, c'est non pas la dernière version du code pénal qu'il consulterait avant de passer à l'acte, mais les statistiques des affaires élucidées, lesquelles lui donneraient une idée des chances, non négligeables d'ailleurs, qu'il a de ne pas se faire prendre. Globalement, le taux d'élucidation des crimes et délits est de l'ordre de 30 %, ce qui nous place en queue du peloton européen. Lorsqu'on connaît la signification de ces chiffres, on n'est pas vraiment rassuré par le taux d'élucidation, supérieur à 75%, des homicides et des viols.
En conjecturant que, tout compte fait, la chance de passer à travers les mailles du filet est de l'ordre d'une sur deux plutôt que de trois sur quatre, je pense approcher de la réalité.
On se prend dès lors à penser que l'efficacité dans la lutte contre la récidive des crimes et délits, les plus légers comme les plus graves, passe plus par l'amélioration du taux d'élucidation réelle des affaires que par l'alourdissement des peines.
Cinquième présupposé : la peine idéale n'a pas de fin. Comment expliquer autrement l'occultation du fait que toute peine, aussi longue soit-elle, aura une fin ?
On ne l'avoue pas mais le modèle de la peine, c'est la surveillance à perpétuité. Un pays a porté ce modèle à sa perfection : les USA. C'est dans ce pays, qui détient le record mondial de l'incarcération avec 1 prisonnier pour 140 habitants - mieux que la Chine et la Russie ! - que l'on va chercher des leçons de lutte contre la délinquance.
C'est dans l'Etat de Floride qui pour 13 millions d'habitants compte plus de prisonniers que la France, qui rétablit la loi du Far West en autorisant à tirer le premier, que nous allons chercher nos modèles de lutte contre la récidive. Peut-être demain y prendrons-nous des modèles de fraude électorale ? (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
A tant faire que de donner dans l'exotisme, pourquoi ne pas regarder aussi du côté du Canada ?
« Nous savons, disait en 1995 le solliciteur général du Canada, qu'il ne sert à rien d'adopter des lois plus vastes et plus strictes et d'incarcérer toujours plus de gens pour des périodes plus longues. Il suffit de voir ce qui se passe aux Etats-Unis pour voir où mène ce genre de stratégie. »
Sixième présupposé : il y a des solutions technologiques aux problèmes de société.
L'avantage est que l'on évite ainsi les questions qui fâchent. On pourra donc, sans contradiction et dans un même mouvement, pourchasser avec toujours plus de rigueur la délinquance sexuelle et encourager la pornographie ou l'exploitation marchande des enfants à la télévision, installer des radars automatiques sur le bord des routes et continuer à produire des bolides.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Allons, cela n'a aucun rapport !
M. Pierre-Yves Collombat. Le placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM, serait donc la solution technologique à la récidive.
Les précautions oratoires du type « Ce n'est pas une panacée » n'y changent rien. Ce que l'on fait miroiter, c'est que l'on tient là le moyen de localiser à chaque instant les individus dangereux, et donc de s'en protéger.
Enveloppées d'un discours confus, les dispositions que prévoit la proposition de loi sont pourtant en contradiction avec les enseignements de l'expérience.
Le placement sous surveillance électronique mobile est d'abord un objet juridique mal identifié. C'est, selon les besoins, une mesure de sûreté, voire une « mesure de police » nous dit le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée ; une mesure complémentaire de la peine, sinon une double peine, ou encore une modalité d'application de la peine, une mesure de surveillance judiciaire. Comme précision juridique, on devrait pouvoir trouver mieux.
Dans tous les pays, mais également dans le rapport Fenech, le placement sous surveillance électronique mobile est une peine spécifique ou une modalité d'application de la peine. Ici, c'est d'abord une mesure de sécurité et, accessoirement, tout ce que l'on voudra.
A qui faut-il appliquer cette mesure, et pour quelle durée ?
Selon les termes de la proposition de loi, il faudrait appliquer cette mesure aux personnes condamnées à plus de cinq ans d'emprisonnement que l'on juge dangereuses, pour des durées pouvant aller jusqu'à dix ans. Dans la proposition de loi initiale, il était même question d'une durée de vingt à trente ans.
Nulle part, même en Floride, les individus les plus dangereux ne sont placés sous surveillance électronique. Cette surveillance concerne plutôt les condamnés présentant de faibles risques, pour des durées moyennes de quelques mois, et pas toujours en continu.
Comme l'indique clairement le rapport Fenech, le placement sous surveillance électronique n'est supportable que par des personnalités suffisamment structurées - ce qui est rarement le cas des individus que la proposition de loi est censée viser en priorité - et pour deux ans au maximum.
Le placement sous surveillance électronique mobile est paré de toutes les vertus : il sert à tout : protéger les victimes potentielles, rééduquer et réinsérer, lutter contre la surpopulation carcérale, retrouver plus facilement les criminels.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je n'entrerai pas dans le détail...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est dommage !
M. Pierre-Yves Collombat. Protéger par une surveillance permanente les victimes potentielles est, selon le rapport Fenech, une illusion, à laquelle aucun pays n'a succombé, pour des raisons techniques et financières. Il y a quelque temps, en Grande-Bretagne, le meurtre d'une bijoutière par un jeune homme placé sous surveillance électronique mobile a d'ailleurs montré les limites des solutions technologiques.
Quant aux effets sur la population carcérale, ils sont contestés.
Que le placement sous surveillance électronique mobile soit une mesure de rééducation et de réinsertion, on peut en douter. On en doutera d'autant plus que cette mesure n'est pas associée à un « accompagnement social fort », pour reprendre les termes du rapport Fenech. On peut également en douter compte tenu des possibilités réelles d'accompagnement. En Floride, Etat humaniste s'il en est, chaque agent de probation chargé du suivi d'un placement sous surveillance électronique mobile s'occupe de quinze ou vingt condamnés avec lesquels il est en contact quasi quotidien et qu'il voit au moins deux fois par semaine. Vous connaissez les statistiques concernant les moyens dont on dispose en France, même si, comme M. le garde des sceaux l'a fait remarquer, ceux-ci ont été augmentés.
Le seul bénéfice, donc, à attendre du placement sous surveillance électronique mobile, c'est une amélioration du taux d'élucidation des crimes et délits. C'est loin d'être négligeable, mais on est très éloigné de l'objectif de prévention et de protection qui est à l'origine de cette proposition de loi.
A quel prix ? On est ici dans le brouillard. Les estimations de coût fournies dans le rapport Fenech varient de 1 à 18. Certains orateurs chiffrent cette mesure à plusieurs centaines de millions d'euros, si elle était généralisée. Pour ma part, je n'en sais rien.
En tout état de cause, on développe une mesure dont on ignore véritablement le coût financier et, surtout, on risque de rogner les moyens de l'accompagnement tel qu'il existe.
On nous dit qu'il faut se saisir de toutes les possibilités permettant de lutter contre la récidive. C'est tout à fait exact, à condition que la technique soit assortie des moyens financiers adéquats. Si, pour faire fonctionner ce dispositif, on ponctionne les maigres moyens affectés à l'accompagnement, l'effet sera contraire à l'objectif visé.
Selon le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée, « la proposition de loi est le fruit d'une réflexion approfondie, fondée sur un diagnostic solide et incontesté ». Je pense avoir montré que la réflexion était superficielle, que le diagnostic était fragile et contesté par ceux-là même qui étaient censés l'étayer.
Il convient donc de remettre l'ouvrage sur le métier, d'où cette motion tendant à opposer la question préalable.
Aux amateurs de procédures expéditives, de solutions simples et générales aux problèmes complexes, je livre en conclusion ce témoignage du juge Gilbert Thiel.
Evoquant la dernière comparution de Guy Georges devant la juridiction correctionnelle avant que celui-ci bascule dans le crime en série, le juge écrit : « Devant cette juridiction correctionnelle, Guy Georges consent à passer des aveux de manière extrêmement sommaire, en prenant grand soin de présenter l'agression dont il reconnaît désormais être l'auteur comme ayant obéi à des mobiles d'ordre exclusivement pécuniaires. Dépassant les réquisitions du parquet, le tribunal correctionnel de Paris inflige à Guy Georges une peine de trente mois d'emprisonnement ferme pour violence sous la menace d'une arme en état de récidive légale. Car Guy Georges, son casier judiciaire l'atteste, a déjà été condamné pour des agressions. Et notamment pour des agressions à caractère sexuel... La juridiction répressive décerne de surcroît à l'audience un mandat de dépôt contre le prévenu.
« Voilà de la justice rapide, qui fait face sans délai à l'événement : agression le 25 août, arrestation le 8 septembre, jugement le 9 septembre et prison le même jour. »
Rapidité de la réponse pénale, prise en compte de l'état de récidive, lourdeur des peines, mandat de dépôt à l'audience : c'est tout ce que prévoit la présente proposition de loi. Pour quel résultat ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Par cette motion tendant à opposer la question préalable, vous voulez montrer qu'il n'y aurait pas lieu de débattre sur le thème de la récidive. C'est vraiment nier l'évidence, monsieur le sénateur : tous vos développements montrent qu'il y a matière à réfléchir et à décider.
En effet, la récidive est un phénomène réel, massif et inacceptable. Il est donc normal que le législateur se saisisse de cette question, qu'il ait engagé une réflexion. Une mission parlementaire a été mise en place sur ce sujet ; la navette parlementaire a duré plusieurs mois : il est donc normal que nous légiférions. C'est pourquoi je ne comprends pas le sens de votre motion tendant à opposer la question préalable.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il est assez surprenant de refuser de légiférer sur la récidive au motif que le Gouvernement a créé une commission d'analyse et de suivi de la récidive.
Je vous rappelle en effet que cette commission permettra de mieux connaître le phénomène et d'examiner comment la justice y répond, en application non seulement des textes existants mais également de ceux qui résulteront de la proposition de loi.
Puis-je encore vous rappeler, monsieur le sénateur, que ni l'Assemblée ni le Sénat n'ont, à l'époque, refusé d'adopter la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, dite « loi Guigou », qui instituait le suivi socio-judiciaire destiné, selon les termes de l'article 131-36-1 du code pénal, à prévenir la récidive, au motif que le phénomène de la récidive n'était pas suffisamment analysé à l'époque par les pouvoirs publics.
C'est bien dire que, là encore, il s'agit non pas de s'appuyer sur des statistiques, mais de faire en sorte que la récidive soit évitée.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le garde des sceaux, j'ai tenté de montrer toutes les difficultés et les contradictions de cette proposition de loi. Je constate que vous ne m'avez pas répondu sur le fond.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voterai évidemment en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable.
Elle s'applique au texte dont nous discutons. Monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas de savoir s'il faut débattre de la récidive, il s'agit de savoir si cette loi permettra de réduire le nombre de récidives, lesquelles ne sont pas, contrairement à ce que vous avez dit, un phénomène massif.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 36, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 37, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44 alinéa 5 du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, la proposition de loi adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au traitement de la récidive des infractions pénales (n° 23, 2005-2006).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à Mme Boumediene-Thiery, auteur de la motion.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi au préalable de dire que personne au sein de cet hémicycle n'est insensible à la douleur des victimes de crime ou d'agression sexuels et de leurs familles.
Cependant, la douleur, aussi légitime soit-elle, ne peut en aucun cas justifier des mesures illégitimes.
Pourquoi demander un renvoi à la commission ? Plusieurs membres de cette assemblée vous feront remarquer que la commission des lois a très largement débattu de cette question,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est sûr !
Mme Alima Boumediene-Thiery. ...et le rapporteur a d'ailleurs fait un excellent travail, et je l'en remercie.
Je suis pourtant convaincue que toute politique pénale, notamment en ce qui concerne un sujet aussi complexe et grave que la récidive, doit être élaborée en tenant compte de tous les éléments scientifiques et statistiques indispensables.
Cette politique doit être la plus raisonnée, la plus pondérée possible ; on se doit d'en débattre le plus possible.
Une politique pénale de prévention de la récidive doit exclure toute instrumentalisation polémique, toute inflation populiste et toute surenchère démagogique.
Traiter de la récidive suppose qu'un débat d'envergure nationale soit lancé.
Tout le monde doit être entendu : les victimes et leurs familles, les magistrats, les avocats, les membres de l'administration pénitentiaire, les médecins et les psychologues, les scientifiques, les associations et les ONG qui oeuvrent dans le domaine judiciaire et pénitentiaire et les condamnés, oui, éventuellement aussi les condamnés.
Traiter de la récidive suppose qu'on lance un vrai débat national dans lequel soient abordées des questions de fond.
Comment mieux prendre en compte la victime dans le processus pénal ? Quelles sont les missions dévolues à la prison ? Parmi ces missions, comment peut-on renforcer la mission de réinsertion ? Comment recueille-t-on des données scientifiques fiables quant à la récidive ? Quels sont les moyens dévolus à la justice et à l'administration pénitentiaire ? Quelle évaluation a-t-elle été faite de la mise en oeuvre de la première mesure de surveillance électronique fixe, instaurée par la loi de 1997 ? Quel est le bilan de la mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire instauré par la loi de 1998 ? Doit-on faire évoluer la notion même de peine ? Quel sens donner alors à la peine ? Quels moyens consacre-t-on aux peines alternatives ? Jusqu'où doit-on utiliser l'évolution technique pour surveiller, contrôler, sanctionner ? Malheureusement, à l'heure où nous abordons ce sujet pourtant important, il nous est impossible de répondre à toutes ces questions.
Nous ne discernons aucune cohérence crédible dans les chiffres annoncés. Pour certains, comme M. le garde des sceaux, la proportion de personnes détenues pour délits ou crimes sexuels s'élèverait à 40 % et le taux de récidive criminelle, sur cinq ans, atteindrait 2,5 %. Une étude du ministère de la justice, effectuée par des universitaires pour la direction de l'administration pénitentiaire, estime au contraire que la proportion de détenus condamnés pour délits ou crimes sexuels serait de 20 % et le taux de récidive de moins de 1 %. Qui dit vrai ? Qui instrumentalise les chiffres pour accroître la peur, comme si la gravité du problème ne suffisait pas ?
Reste que ce 1 %, qui « devrait récidiver » dans les cinq ans, représente un défi pour l'appareil judiciaire et pour l'ensemble de notre société, d'autant qu'un seul récidiviste peut faire nombre de victimes, l'actualité l'a prouvé. Je vous l'accorde, même ce 1 % est inacceptable.
Compte tenu de cette bataille de chiffres, il me semble important de retourner en commission pour savoir exactement où nous en sommes. Selon le garde des sceaux, même les rapports des commissions font état de chiffres qui sont faux ! Par conséquent, il serait temps, et même urgent, de reprendre ce travail. Nous ne pouvons pas faire l'économie de plus de précisions, car nous n'avons pas le droit de jouer avec les peurs. Nous ne pouvons pas légiférer uniquement sur l'émotion des victimes.
Ce Gouvernement - et pas seulement M. Sarkozy, qui en constitue l'avant-garde médiatico-politique - joue du populisme sur l'ensemble des sujets et à tous les niveaux de la vie des Français. Ainsi, malheureusement, c'est par populisme pénal qu'on refuse de lancer ce débat d'envergure nationale, pour ne pas entendre les vraies réponses à de vraies questions !
Dans cette course effrénée à la démagogie et à l'instrumentalisation des drames, M. le garde des sceaux, supposé oeuvrer à la garantie de nos libertés et de nos droits fondamentaux, est allé jusqu'à appeler au viol de notre loi la plus fondamentale : la Constitution, en mettant au défi les parlementaires, afin qu'ils n'utilisent pas leur droit de saisine du Conseil constitutionnel. Pourtant, tout le monde le sait, non seulement ce principe de non-rétroactivité est constitutionnel, mais il s'inscrit dans l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Cette question va bien au-delà de la récidive elle-même : elle touche à l'essence même de notre justice et de notre démocratie. C'est l'une des raisons pour lesquelles je demande le renvoi de ce texte à la commission.
Il conviendrait de mettre en oeuvre les meilleures conditions, afin de rétablir quelques vérités aux yeux des Français.
Tout d'abord, contrairement à ce que l'on voudrait faire croire, le régime existant appliqué aux récidivistes en France est beaucoup plus sévère que partout ailleurs en Europe. Qu'il s'agisse du prononcé de la peine, de la détention avant, pendant ou après le procès, des conditions de libération et des mesures de contrôle, après la libération, les détenus qualifiés de récidivistes sont traités beaucoup plus strictement que les autres condamnés.
Ensuite, à la différence de tout ce qui a été avancé par le Gouvernement, les cas de récidive, notamment les plus violents, concernent un très petit nombre de personnes et la récidive est globalement en sensible recul en France.
C'est justement parce que le traitement actuel de la récidive est déjà des plus sévères et que - les données existantes le démontrent - le nombre de récidivistes est restreint, voire en recul, que nous ne pouvons pas, comme vous l'avez fait, monsieur le garde des sceaux, accuser les juges de laxisme judiciaire !
Contrairement à ce que tente de faire croire M. Sarkozy en jetant les juges en pâture lorsqu'il s'empare de chaque nouveau drame de violences ou de meurtres, ces derniers appliquent la loi, ce qui n'est pas encore interdit dans notre pays !
Toutefois, dans le champ d'application de la loi, et exclusivement dans ce champ préalablement défini, les juges disposent d'une certaine liberté.
Cette liberté se fonde notamment sur des principes tels que l'individualisation des peines, la liberté pour principe et la détention pour exception, ainsi que la réinsertion du condamné comme corollaire à la condamnation-réparation.
La liberté des juges permet de tenter de prendre en compte la spécificité du parcours de chaque prévenu, sa personnalité, et de prononcer la peine la plus juste, à la fois pour la victime, pour sa famille, pour la société et pour le condamné lui-même, tout cela alors que les magistrats sont de plus en plus démunis en termes de moyens humains et financiers.
Que valent les beaux discours sur la lutte contre la récidive lorsque les tribunaux ne disposent pas assez de juges, d'assistants de justice ou de greffiers, de salles convenables et sécurisées, d'ordinateurs et tout simplement de temps, notamment pour consulter le casier judiciaire du prévenu avant le prononcé de la peine ?
Ces discours cachent à peine la volonté du Gouvernement d'automatiser les peines ! Puisque les juges appliquent la loi, le Gouvernement la change, la transforme, la dévoie de son rôle premier de « sanction - réparation » pour un rôle de « sanction-vengeance ». Mais la justice, ce n'est pas la vengeance !
Dans ce système que l'on nous propose, la larme à l'oeil et les mains avidement posées sur les bulletins de vote des électeurs du Front national, tout est fait pour que les juges, nouveaux « supergreffiers », ne soient plus là que pour enregistrer des peines plancher qui ne veulent pas dire leur nom.
Dans une stratégie réfléchie d'offensive contre nos libertés et nos droits fondamentaux, il convient, d'une part, de ne pas oublier les atteintes portées aux droits de la défense, en particulier aux avocats par les lois Perben, et, d'autre part, de vous alerter sur le danger du renversement des principes subit actuellement par notre justice et par notre droit. La liberté, qui était la règle, devient l'exception, et la privation de liberté, qui était l'exception, deviendra la règle !
Oui, c'est l'équilibre que nous devons rechercher car, malheureusement, nous avons encore du mal à le trouver.
Les ministres changent, mais la politique du « tout - répressif » reste.
Dois-je vous rappeler que la justice suppose la quête d'un équilibre ?
D'abord un équilibre entre les droits de la victime et ceux du condamné, et c'est la prise en compte de ces deux types de droits qui alimente les droits et les garanties pour la société tout entière.
Ensuite un équilibre entre la sanction et la réparation, réparation pour la victime qui induit la réparation pour la société, laquelle induit une possibilité de réparation pour le condamné lui-même.
L'une des autres vérités que le Gouvernement tente de cacher aux Français, c'est que cette quête d'équilibre relatif caractérise le régime actuel du traitement de la récidive des infractions pénales.
A la répression, la loi du 17 juin 1998 a apporté une mesure de renforcement à la prévention : le suivi socio-judiciaire. Cette mesure a pour objet d'appréhender de manière globale la question de la récidive en amont, c'est-à-dire dès l'apparition du risque, et non pas uniquement lorsque ce risque s'est concrétisé.
Grâce à cette disposition, à sa sortie de prison, le condamné n'est pas livré à lui-même. Il peut bénéficier du suivi d'une série de professionnels du monde judiciaire, social et médical, qui vont, pour lui et avec lui tout d'abord, mais également pour ses victimes et le reste de la société, travailler pour sa réinsertion sociale et professionnelle.
Le suivi socio-judiciaire, qui est, comme le rappelle la Cour de cassation, une « peine complémentaire », suppose également la mise en oeuvre des mesures de contrôle et de surveillance.
En effet, le condamné doit répondre aux convocations du juge ou du travailleur social, se soumettre à des visites, prévenir de ses changements d'adresse, suivre des soins, voire une psychothérapie. S'il ne respecte pas cette série d'obligations, il peut se voir placer de nouveau en détention.
La loi de 1998 instaurant le suivi socio-judiciaire est l'exemple d'une mesure intelligente, qui a commencé à démontrer son efficacité pour l'intérêt général comme pour les intérêts particuliers des victimes et des condamnés.
Mais le Gouvernement n'a rien fait pour résorber les obstacles qui empêchent une meilleure mise en oeuvre de ce suivi socio-judiciaire. Il s'agit pourtant, je le rappelle, d'une mesure progressive dont le rayonnement optimal n'a pas encore été atteint. Le nombre de suivis socio-judiciaires prononcés par les tribunaux reste encore très limité. Il n'était que de 795 en 2003 ; il n'est que de 426 au 1er janvier 2005.
Alors que nous devons aujourd'hui légiférer afin de trouver une solution pour lutter contre la récidive, ce sur quoi tout le monde peut être d'accord, le Gouvernement s'est refusé à mettre en oeuvre l'évaluation de cette disposition. Pourquoi ? Parce qu'il aurait peut-être fallu reconnaître le manque de moyens !
Tous les magistrats rencontrés nous ont confirmé les résultats positifs d'une telle mesure. Pourquoi n'avons-nous pas pu étudier son renforcement par plus de moyens ? Voilà ce que nous aurions dû également faire en commission !
Ce Gouvernement n'a rien fait pour pallier l'absence considérable de moyens financiers, laquelle rend l'absence de moyens humains encore plus inacceptable ! Il se contente de mettre à mort non seulement les mesures de suivi socio-judiciaires, mais aussi tout un pan de la politique pénale en France. Cette mise à mort s'illustre notamment à travers la mesure phare de cette proposition de loi qu'est le placement sous surveillance électronique mobile.
Le bracelet électronique mobile n'est pas, comme certains ont pu le dire, une fausse bonne idée. C'est tout simplement un concept dangereux pour les victimes, dangereux pour les condamnés, dangereux aussi pour notre justice et notre démocratie.
Oui, cette mesure est dangereuse pour les victimes, car vous l'avez présentée comme « la » solution miracle, alors qu'il est reconnu que ce GPS pénitentiaire ne peut, à lui seul, empêcher la récidive.
Le fait d'avoir un GPS au pied et un radio-émetteur à la taille n'empêchera pas certains de commettre des crimes ou des délits, notamment ceux qui sont animés par des pulsions d'autant plus incontrôlables que la justice manque de moyens pour suivre ces individus sur le plan psychologique lorsqu'ils sont hors des murs de la prison.
Au mieux, et seulement si le système fonctionne correctement, cette mesure aidera la police à appréhender les prévenus. Dans ce cas, assumez ce dispositif pour ce qu'il est, à savoir une mesure de police, et non une mesure de justice, et discutons-en à ce niveau-là !
Le bracelet électronique mobile est également dangereux pour les condamnés, car il s'agit avant tout d'une peine, une peine complémentaire peut-être, mais certainement pas une mesure de sûreté ! Notre travail en commission n'a d'ailleurs pu confirmer votre vision, monsieur le garde des sceaux. Voilà une raison de plus pour revenir sur ce débat.
Ce bracelet électronique mobile constitue donc une double peine pour le condamné : une peine au-delà de la peine, au-delà des murs de la prison, une peine qui peut aller jusqu'à dix ans et qui, contrairement à tout ce qui est dit par le Gouvernement, n'empêchera pas de stigmatiser les condamnés.
En effet, dans notre société de plus en plus sécurisée, où des portiques de sécurité sont installés partout - dans les mairies, les écoles, les centres de recherche d'emploi, les magasins, les gares, les aéroports - et où il faut même parfois se déshabiller pour passer, les condamnés porteurs de ce bracelet seront tout de suite stigmatisés par d'éventuels employeurs, par des collègues, par des voisins, ou par le reste de la population.
Ce bracelet est également dangereux pour notre justice, non seulement parce qu'il consacre une américanisation de notre système, mais aussi parce qu'il remet en cause l'équilibre entre répression et prévention.
Enfin, il est surtout dangereux parce qu'il va parasiter une très grande partie du budget de la justice, budget déjà insuffisant. Même adoptée, cette mesure ne pourra être appliquée, faute de crédits.
Comme pour les chiffres sur la récidive, M. le garde des sceaux nous a orchestré, pour la mise en oeuvre de ce bracelet, une danse des prix, qui vont de 11 euros à plus de 60 euros par détenu ! La commission n'a pu obtenir une évaluation financière sérieuse. Nous devons retourner en commission pour obtenir des chiffres cohérents et un véritable budget !
Il n'est pas nécessaire de se laisser entraîner dans cette fausse polémique pour dire que la mise en oeuvre de ce bracelet coûtera. Oui, elle coûtera ! M. Hervé Morin, président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, a estimé son coût à 153 millions d'euros par an, soit 2,5 % du budget actuel de la justice.
Cette somme exorbitante va vicier une partie du fonctionnement de la justice tout entière, qui a pourtant besoin de plus de moyens pour les mesures de réinsertion et de plus de moyens humains, comme les juges de l'application des peines et les agents de suivi et de probation. Monsieur le garde des sceaux, tout à l'heure vous nous demandiez des chiffres : il manque aujourd'hui à la justice 800 agents de probation.
Enfin, la logique de ce bracelet est dangereuse pour la démocratie française. En effet, cette politique pénale suppose une pratique pénale qui aboutit à la violation, lente mais continue, de nos libertés et droits fondamentaux les plus essentiels.
A cela, il convient d'ajouter qu'au-delà du débat sur la mise en oeuvre de ce bracelet nous devons nous demander s'il est éthique de l'utiliser.
Tous les défenseurs de ce système rétorquent continuellement qu'il ne faut pas avoir peur de ce qui n'est qu'un moyen technique comme les autres pour juguler la délinquance. Or ce n'est pas vrai. Le bracelet électronique mobile n'est pas un simple moyen technique. Avec cette mesure, le Gouvernement réalise le tour de force : rétablir à la fois la flétrissure, la relégation et la tutelle pénale.
Mais, surtout, devons-nous continuellement céder à la tentation technologique, avec notamment pour objectif d'atteindre une société parfaite ? Que ferons-nous lorsque la science et la technique nous donneront la possibilité d'implanter des puces dans le corps des personnes afin de suivre non seulement leurs déplacements, mais également leurs taux d'adrénaline, d'endorphine ou encore de testostérone ? Franchirons-nous alors le pas et accepterons-nous tous ensemble, en adoptant une loi, de basculer dans une société où triompherait le règne d'un certain « fascisme technologique » ?
La réponse des Verts est claire, ferme et définitive : c'est non !
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas faire l'économie d'un véritable débat de fond, d'un véritable examen des chiffres, du budget. C'est pourquoi je demande le renvoi à la commission de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Je peux admettre que Mme Alima Boumediene-Thiery soit opposée à certaines, voire à toutes les dispositions du texte, et qu'elle les combatte, mais j'ai beaucoup plus de mal à comprendre qu'elle demande un renvoi à la commission pour défaut d'informations !
Cela fait un peu plus d'un an qu'au sein de la commission des lois du Sénat nous étudions ce texte. Cela fait plus de trois mois que nous connaissons la deuxième version amorcée par l'Assemblée nationale et présentée devant sa commission des lois au tout début du mois de juillet. Au Sénat, nous nous sommes réunis à de nombreuses reprises en commission des lois pour l'examen en deuxième lecture de ce texte et nous avons procédé à des auditions publiques, auxquelles vous avez pu participer. S'il est un texte sur lequel le passage en séance a été préparé, c'est bien celui-ci !
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cette motion de renvoi à la commission.
M. Laurent Béteille. Très bien !
M. le président. Le Gouvernement souhaite-t-il s'exprimer ?...
Je mets aux voix la motion n° 37, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de lois, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉCIDIVE, À LA RÉITÉRATION ET AU SURSIS
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le troisième alinéa (2°) de l'article 143-1 du code de procédure pénale, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Notre amendement, j'en suis bien consciente, n'a a priori pas de rapport direct avec la présente proposition de loi. Cependant, il existe un lien entre détention provisoire, surpopulation carcérale et récidive.
Le nombre de personnes en détention provisoire n'est pas admissible. Il représente plus d'un tiers de la population carcérale, ce qui est considérable, étant donné que ces personnes sont toujours présumées innocentes.
Le recours à la détention provisoire est malheureusement un peu trop systématique : c'est ainsi que les prisons se retrouvent complètement engorgées et que des détenus provisoires se mêlent aux condamnés dans un climat violent et criminogène.
Cette surpopulation carcérale est également un facteur de récidive puisque l'accompagnement des détenus durant leur peine est quasiment impossible.
Aussi, notre proposition consiste à limiter le recours à la détention provisoire. Actuellement, l'article 143-1 du code pénal prévoit que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si la personne mise en examen encourt une peine criminelle ou une peine correctionnelle d'au moins trois ans. Nous proposons de porter ce minimum à cinq ans, le contrôle judiciaire pouvant toujours être ordonné pour les personnes encourant une peine correctionnelle inférieure à cinq ans.
Cette proposition ne peut laisser le Gouvernement indifférent compte tenu des déclarations que vous avez faites, monsieur le garde des sceaux, au début du mois de septembre, lors de l'installation des nouveaux membres de la commission nationale de suivi de la détention provisoire. Vous vous étiez alors dit préoccupé par l'ampleur du recours à la détention provisoire. Selon vous, celle-ci « doit être contenue dans les limites strictement nécessaires, au regard notamment du principe de la présomption d'innocence. »
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Josiane Mathon. Quelques jours plus tard, vous jugiez positive la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme sur ce sujet, estimant que la détention provisoire « est souvent devenue un réflexe qui n'est pas fatalement bon ».
Nous vous donnons aujourd'hui la possibilité de concrétiser vos paroles et de permettre la limitation du recours à la détention provisoire. Aussi, nous espérons que vous émettrez un avis favorable sur notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Madame Mathon, vous proposez de relever de trois ans à cinq ans la durée de la peine encourue permettant le placement en détention provisoire.
Vous avez dit vous-même que cette question n'avait pas de relation directe avec le thème de la récidive. C'est une première raison pour émettre un avis défavorable.
Aujourd'hui, la détention provisoire peut s'accomplir dans un cadre assez équilibré. Je partage votre point de vue, et je ne suis certainement pas le seul ici, selon lequel il importe que la détention provisoire soit utilisée avec discernement. Cette mesure reste néanmoins nécessaire pour mettre un terme à certaines infractions, pour empêcher tout simplement l'auteur des faits de s'échapper, voire pour protéger le prévenu lui-même dans certaines circonstances.
Il n'y a donc pas lieu de modifier l'article du code de procédure pénale sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er ou avant l'article 1er bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 43, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 230-5 du code de procédure pénale, il est ajouté un chapitre II intitulé : « De l'observatoire de la récidive », comprenant un article ainsi rédigé :
« Art.... - Un observatoire de la récidive des infractions pénales est institué. Il est placé auprès du ministre de la justice.
« Il est composé de deux représentants du Parlement, d'un magistrat de la Cour de cassation, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un professeur de droit, d'un avocat et d'un organisme de recherche en sciences sociales.
« Avec la collaboration d'un secrétariat scientifique, il est chargé de centraliser les données juridiques, statistiques, criminologiques concernant la récidive, en France, à l'étranger, de mettre ces informations à disposition de tout intéressé et de les actualiser en permanence.
« Ces données portent sur la mesure de la récidive, l'étude des conditions du nouveau passage à l'acte ainsi que l'étude du prononcé des mesures et sanctions pénales, des conditions juridiques et sociologiques de leur application en milieu fermé comme en milieu ouvert, et les conditions de fin de placement sous main de justice.
« Il se fait communiquer tout document utile à sa mission et peut procéder à des visites et à des auditions.
« Il publie, dans un rapport annuel, une synthèse des données en sa possession, régionales, nationales et internationales, sur la récidive ainsi que la présentation des différentes politiques mises en oeuvre.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Depuis longtemps, avant même que M. Pascal Clément ne devienne garde des sceaux, de nombreux parlementaires - dont beaucoup de nos collègues ici présents, y compris sur le banc des commissions - et de nombreuses organisations ont réclamé la mise en place d'un observatoire de la récidive des infractions pénales.
J'aimerais vous faire part d'une lettre rédigée par M. le Premier président de la Cour de cassation à l'attention de M. Pierre Tournier, directeur de recherche au CNRS : « J'ai pris connaissance avec grand intérêt de votre envoi du 4 août dernier me transmettant copie de la proposition faite à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de la création d'un observatoire de la récidive des infractions pénales. Votre projet présente le grand avantage de recueillir des données objectives et une réflexion informée sur un sujet qui, devenant sensible, est trop souvent exploité de manière polémique. Pour être utile, un tel instrument de connaissance et d'études devra être accompagné d'une politique de prévention de la récidive dotée des moyens appropriés pour répondre aux objectifs que se sont données les réformes pénitentiaires successives depuis 1945, dont il apprécierait périodiquement les résultats. Il va sans dire que si la Cour de cassation était consultée dans le cadre de la discussion de la loi sur la récidive des infractions pénales en cours d'élaboration, elle ne manquera pas de prendre en compte votre projet. »
Et puis, par un communiqué du 10 octobre 2005, M. le garde des sceaux a fait part de sa décision de créer une commission d'analyse et de suivi de la récidive.
A cette occasion, il a d'ailleurs indiqué que la présidence de cette commission avait été confiée - je ne sais par quelle décision ; y a-t-il eu un décret, un arrêté ?- à M Jacques-Henri Robert, professeur des universités, la commission comprenant notamment un chef de juridiction, un avocat et un médecin psychiatre.
Or, le 12 octobre, devant l'Assemblée nationale, monsieur le garde des sceaux, vous avez annoncé que cette commission, présidée par le directeur de l'Institut de criminologie de l'université de Paris, comprendra, non plus un chef de juridiction, mais un juge de l'application des peines, et exit l'avocat
Il faudrait savoir ! Tout à l'heure, dans la discussion générale, j'ai vu que vous tiquiez, monsieur le garde des sceaux, lorsque j'ai dit que vous n'étiez pas fixé et que vous aviez donné deux compositions différentes. J'ai vu aussi que vous recherchiez à vos côtés des précisions. Je viens de vous les donner.
Votre commission, ce n'est pas la même chose qu'un observatoire de la récidive tel que nous le proposons. Je rappelle notre proposition.
« Un observatoire de la récidive des infractions pénales est institué. Il est placé auprès du ministre de la justice.
« Il est composé de deux représentants du Parlement, d'un magistrat de la Cour de cassation, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un professeur de droit, d'un avocat et d'un organisme de recherche en sciences sociales.
« Avec la collaboration d'un secrétariat scientifique, il est chargé de centraliser les données juridiques, statistiques, criminologiques concernant la récidive, en France et à l'étranger, de mettre ces informations à disposition de tout intéressé et de les actualiser en permanence.
« Ces données portent sur la mesure de la récidive, l'étude des conditions du nouveau passage à l'acte, ainsi que l'étude du prononcé des mesures et sanctions pénales, des conditions juridiques et sociologiques de leur application en milieu fermé comme en milieu ouvert, et des conditions de fin de placement sous main de justice.
« Il se fait communiquer tout document utile à sa mission et peut procéder à des visites et à des auditions.
« Il publie, dans un rapport annuel, une synthèse des données en sa possession, régionales, nationales et internationales, sur la récidive ainsi que la présentation des différentes politiques mises en oeuvre.
« Un décret du Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
A l'Assemblée nationale, vous avez répondu que ce n'est pas la peine de dépenser de l'argent. Ce n'est pas sérieux ! Le problème de la récidive est tout de même assez grave pour qu'on lui consacre les quelques subsides nécessaires. Si votre propre commission d'analyse et de suivi ne peut rien faire, si elle ne peut ni recevoir ni visiter des gens, à quoi bon la créer ?
Voilà la raison pour laquelle nous demandons la création de cet observatoire, réclamé par de très nombreux parlementaires, par M. Hervé Morin, par d'autres, par nous-mêmes à l'Assemblée nationale et encore ici ce soir.
Nous avons formulé notre demande de création d'un tel observatoire avant que vous n'ayez cette idée baroque de créer vous-même cette commission. Vous avez tout de même reconnu, et c'est intéressant, qu'il s'agit de lutter efficacement contre ce phénomène mal connu. Cela ne vous empêche pas de décider d'ores et déjà de mesures pouvant entraîner des peines allant de deux ans de prison - comme M. Georges Fenech et nous-mêmes le proposons - à trente ans de prison, comme cela avait été retenu par l'Assemblée nationale en première lecture.
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Un observatoire de la récidive des infractions pénales est institué. Il est placé auprès du ministre de la justice.
Il est composé de deux représentants du Parlement, d'un magistrat de la Cour de cassation, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un professeur de droit, d'un avocat et d'un représentant d'un organisme de recherche judiciaire.
Avec l'aide d'un secrétariat scientifique, il est chargé de réunir les données juridiques, statistiques et criminologiques concernant la récidive, en France et à l'étranger, de mettre ces informations à disposition et de les actualiser en permanence.
Ces données portent sur la mesure de la récidive, l'étude des conditions du nouveau passage à l'acte, mais aussi l'étude du prononcé des mesures et sanctions pénales, des conditions juridiques et sociologiques de leur application en milieu fermé comme en milieu ouvert, ainsi que des conditions de fin de placement sous main de justice.
Il se fait communiquer tout document utile à sa mission et peut procéder à des visites ou à des auditions.
Il publie, dans un rapport annuel, une synthèse des données les plus récentes, nationales et internationales, sur la récidive ainsi que la présentation des différentes politiques mises en oeuvre.
Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Il s'agit de disposer de données fiables, lisibles et objectives sur la récidive.
Je ferai deux remarques concernant les réponses qui ont été faites à l'Assemblée nationale à la suite des propositions de création d'un observatoire de la récidive des infractions pénales.
Le président de la commission des lois s'est débarrassé de la question en arguant qu'une telle proposition relevait du domaine réglementaire. Est-il nécessaire de rappeler que cet argument est utilisé à chaque fois que la majorité veut se défaire d'un problème de fond ? Par ailleurs, combien de commissions ou autres instances le Gouvernement met-il en place à travers ses projets de loi ?
Sur le fond, le rapporteur de l'Assemblée nationale a cru bon de rappeler que nous disposions déjà d'études et d'analyses sur la récidive et sur les moyens de la prévenir. Il a cité, à titre d'exemple, le rapport de la mission d'information sur la récidive, qu'il a cosigné avec vous-même, monsieur le garde des sceaux.
Nous proposons de créer un observatoire qui rendrait des conclusions objectives et indépendantes. Nous connaissions avant même la parution de votre rapport les positions du Gouvernement en matière de lutte contre la récidive. Cette proposition de loi et les dispositions très répressives qu'elle contient ne nous étonnent donc guère.
C'est pourquoi, puisque les réponses qui ont été faites à l'Assemblée nationale sur cette question ne nous satisfont pas, et je crains qu'il n'en soit de même s'agissant des réponses à venir, nous avons déposé cet amendement, qui, je l'espère, sera adopté par le Sénat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Je remercie M. Dreyfus-Schmidt d'avoir apporté lui-même la réponse à sa question. Il a indiqué que le garde des sceaux avait pris l'initiative de créer une commission d'analyse et de suivi de la récidive. Il a même annoncé le nom de son président et sa composition.
Je ferai simplement une remarque à l'attention de M le garde de sceaux. Concernant cette composition, il nous paraît opportun de la compléter par deux représentants du Parlement, étant précisé que cela pourrait se faire par la voie réglementaire sans que le Sénat - en tout cas la commission des lois dans sa majorité - n'y trouve à redire.
L'avis est donc défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le rapporteur vient de rappeler que cela relevait du domaine réglementaire, et je ne peux le contredire.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur Dreyfus-Schmidt, j'ai créé, et cela semble vous choquer, une commission d'analyse et de suivi de la récidive, effectivement présidée par le professeur Jacques-Henri Robert, directeur de l'Institut de criminologie de l'université de Paris. Puisque cela semble vous intéresser, je vous confirme que cette commission dont la composition n'est pas définitivement fixée comprend un chef de juridiction ainsi qu'un juge d'application des peines - les deux sont prévus -, un avocat, un médecin psychiatre, un sociologue, un directeur d'établissement pénitentiaire, un commissaire de police nationale et un officier de la gendarmerie nationale. Mais ce n'est pas limitatif. Il s'agit de pistes de réflexion permettant d'établir cette commission.
La commission s'attachera à déterminer les outils fiables pour mesurer la récidive, à analyser l'évolution de celle-ci et à formuler des préconisations pour la combattre. A cette fin, elle réunira des données juridiques, statistiques et pénitentiaires qui seront utiles à sa mission, procédera aux auditions ou visites nécessaires et recueillera les avis des experts reconnus.
Cette commission élaborera un rapport annuel, qui devra être remis au cours du deuxième trimestre de chaque année et fera l'objet d'une publication officielle. Cependant, compte tenu de l'urgence, un premier rapport d'étape sera remis le 15 janvier 2006.
Dans ces conditions, il est inutile de vouloir créer par la loi une telle instance, qui nécessiterait ensuite un décret d'application.
De plus, monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez quelque peu travesti ma pensée en indiquant que je ne souhaitais pas dépenser d'argent.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous l'avez dit tout à l'heure !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. En effet, telle n'est pas la question. Je ne vois pas pourquoi nous dépenserions de l'argent si c'est pour ne pas faire mieux !
Cette commission présente, de par sa composition, toutes les garanties pour aboutir au résultat que nous recherchons tous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il serait souhaitable d'y associer des représentants du peuple !
M. Charles Gautier. Qu'en est-il des parlementaires ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Concernant les parlementaires, la commission des lois présentera sans doute un amendement auquel je serai favorable. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s'agit d'une simple proposition de notre part puisqu'il n'y a pas de texte.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 43.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, vous avez dit : « j'ai créé un organisme ». Mais une décision quelconque a-t-elle été prise en la matière, dont nous pourrions avoir connaissance ? Visiblement, tel n'est pas le cas puisque la composition de cette commission ne semble pas être encore définitivement arrêtée.
M. Robert Bret. Ce n'est pas mûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous devons donc vous faire confiance, monsieur le garde des sceaux !
Cela relève du domaine réglementaire si c'est le garde des sceaux qui créé une commission mais c'est du domaine législatif si c'est nous qui créons un observatoire.
M. Robert Bret. Et cela a une autre portée !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De plus, je ne vois pas comment le rapporteur pourrait présenter un amendement à une décision réglementaire ! Ce n'est pas sérieux !
Pour notre part, nous voulons que la composition de cette instance comporte des parlementaires. L'amendement que nous présentons le prévoit. Si vous le votez, mes chers collègues, des parlementaires siégeront donc au sein de cette commission. Si vous ne le votez pas, nous ne connaîtrons pas sa composition puisque, comme M. le garde des sceaux l'a dit, celle-ci n'est pas encore définitivement arrêtée.
M. Robert Bret. Pourquoi remettre à demain ce que nous pouvons faire aujourd'hui ?
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pierre Fauchon. Il est en effet adorable !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mais n'exagérons rien. Lorsque j'ai parlé d'amendement, j'ai simplement voulu dire que je ferai droit à la suggestion du Parlement de prévoir la présence de parlementaires au sein de cette commission, parce que le Parlement et le Gouvernement dialoguent et réfléchissent ensemble à la mission de cette instance. Mais, la disposition concernée étant de nature réglementaire, ce n'est pas ledit amendement qui changera son caractère.
La méthode de suggestion du Parlement, c'est le dépôt d'amendements. Mais il est vrai que vous ne vous en étiez pas encore aperçu, monsieur Dreyfus-Schmidt !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Parlement suggère maintenant ?
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Puisque la parole du ministre vaut certitude, des parlementaires siégeront au sein de cette commission et la question me semble réglée.
Je formulerai une très modeste suggestion, monsieur le garde des sceaux. S'agissant du grave problème de la récidive, M. Portelli ferait admirablement bien l'affaire puisqu'il appartient à la majorité et aurait la confiance de l'opposition. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er bis
I. - Après l'article 132-16-2 du code pénal, il est inséré un article 132-16-6 ainsi rédigé :
« Art. 132-16-6. - Les condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un Etat membre de l'Union européenne sont prises en compte au titre de la récidive conformément aux règles prévues par la présente sous-section. »
II. - L'article 442-16 du même code est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article 132-16-2 du code pénal, après les mots :
de l'Union européenne
insérer les mots :
, à la condition que la législation de ces Etats dispose d'une qualification juridique similaire à celle de la France des notions de récidive et
d'infractions ;
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement devrait permettre de combler une lacune.
En effet, l'article 1er bis tel qu'il est proposé est tout simplement inapplicable en l'état actuel du droit français et du droit européen.
En effet, dans la pratique, les juges français font état d'une grande difficulté à avoir accès, jusqu'au jour du jugement, aux antécédents judiciaires des personnes condamnées en France, notamment au moyen du casier judiciaire national, et ce d'autant que la communication d'antécédents judiciaires entre les Etats membres repose actuellement pour l'essentiel sur les dispositions de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959. Le système d'échange d'informations a démontré, en France, toutes ses limites. En effet, en 2002, huit demandes d'extrait de casier judiciaire seulement ont été adressées à l'Allemagne pour 424 condamnations prononcées à l'encontre de ressortissants de ce pays.
Tant qu'un casier judiciaire européen n'aura pas été constitué, la mise en oeuvre de cette disposition se heurtera à ce premier obstacle infranchissable, auquel s'en ajoute un second : la différence de qualification des notions de délit, de crime et de récidive au sein de l'ordre juridique des autres Etats membres de l'Union européenne.
En effet, il ne suffit pas de mettre en place un registre européen des condamnations, encore faut-il que les Etats qualifient de la même manière tel ou tel acte, pour que le juge du for français puisse prendre en compte les condamnations préalables.
Dans le cas contraire, nous risquons d'assister, en France, à des disproportions radicales dans le prononcé des peines, qui risquent de croître.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Madame Boumediene-Thiery, vous proposez de subordonner la prise en compte, au regard de la récidive, des condamnations prononcées par les juridictions pénales des autres Etats membres de l'Union européenne à l'identité des qualifications juridiques des infractions. Vous acceptez donc l'idée selon laquelle la prise en compte de ces condamnations représente un grand progrès. Nous avons tous présents à l'esprit des exemples de crimes particulièrement douloureux, qui ont été commis des deux côtés de la frontière, voire dans trois ou quatre pays.
Compte tenu de la rédaction de l'article 1er bis du texte que nous examinons, qui renvoie aux règles applicables en droit interne, la reconnaissance des condamnations pénales prononcées par les juridictions européennes implique en effet une qualification juridique identique. M. le garde des sceaux n'aura aucune difficulté à nous confirmer ce point, car je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Néanmoins, nous lui saurions gré de bien vouloir compléter cette interprétation, à savoir que la qualification juridique doit être identique dans chacun des deux pays pour que les faits soient retenus comme les deux termes de la récidive.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est important de le préciser !
M. Robert Bret. Cela ira mieux en l'écrivant dans la loi !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. La précision que vous proposez, madame Boumediene-Thiery, est soit infondée, soit inutile.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Elle est infondée en ce qui concerne l'exigence d'une législation étrangère similaire en matière de récidive. Ce qui compte ici, c'est la définition française de la récidive.
Supposons qu'un Etat étranger n'assimile pas les violences et les vols avec violence au regard de la récidive. Il n'y a pas de raison pour autant qu'une personne condamnée pour violence à l'étranger et qui commet en France un vol avec violence ne soit pas considérée comme récidiviste.
Cette précision est inutile en ce qui concerne l'exigence de qualifications similaires quant à la définition des infractions. Il est en effet évident que s'il n'est pas possible de recouper les qualifications, la récidive ne pourra pas s'appliquer. Il n'est donc pas nécessaire de l'écrire.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je tiens à vous dire mon immense perplexité.
Je suis absolument partisan d'une justice européenne, mais tel n'est pas ici le problème. Par cet article, je crains que nous ne nous jetions dans des difficultés juridiques dont vous ne mesurez pas totalement l'étendue.
Nous travaillons actuellement sur un projet de directive-cadre concernant la question de l'uniformisation des casiers judiciaires au sein de l'Union européenne. Lorsque ce sera fait, il n'y aura plus de problème. Toutefois, si vous n'attendez pas, nous allons nous trouver dans une situation extraordinaire. En effet, pour respecter la loi relative à la récidive, le magistrat français devra apprécier ce qu'est exactement l'infraction en droit étranger. Il devra voir s'il se trouve en présence d'une infraction dont les éléments constitutifs sont identiques au droit français. Il devra ensuite savoir si cette infraction est considérée ou non à l'étranger comme facteur de récidive, s'en inspirer pour décider de l'application de la peine et entraîner par là même le contrôle obligatoire de la Cour de cassation sur l'analyse qu'il aura faite.
Or, à la vérité, nous nous accordons à dire, monsieur le garde des sceaux, qu'il serait souhaitable que les magistrats disposent d'une information pour savoir à qui ils ont affaire et tiennent compte, dans le prononcé de la condamnation, du passé judiciaire étranger de la personne qu'ils ont à juger.
Toutefois, je ne suis pas certain qu'il faille nous lancer dans le contrôle juridique de la mise en oeuvre de la récidive selon la loi étrangère pour en tirer une conséquence obligatoire en droit français. A vouloir à tout prix pourchasser le récidiviste, on risque de courir au désastre judiciaire.
Il est souhaitable que le parquet veille à avoir le maximum d'informations, car il ne sera pas facile d'en obtenir dans certains Etats de l'Union européenne, qui devront faire des efforts en la matière. Toutefois, considérant l'état d'avancement de la construction de l'Union européenne, il n'est pas souhaitable, à mon sens, de vouloir en tirer, devant les juridictions françaises, des conséquences juridiques obligatoires, car cela revient tout de même à entraîner une aggravation très forte de la sanction.
La prudence commande de ne pas aller aussi loin ; il faut, au contraire, attendre au moins l'unification des casiers judiciaires européens. Je rappelle d'ailleurs que certains Etats d'Europe ne reconnaissent pas à l'heure actuelle la contumace. La question est alors de savoir si l'on prendra en compte ou non une telle décision.
Je considère que cet article présente vraiment d'immenses difficultés comparé à son avantage que j'estime être, pour ma part, nul, car les magistrats apprécieront, je le sais, la personnalité plus ou moins dangereuse de celui qu'ils auront à juger au regard des renseignements dont ils disposeront.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre collègue Robert Badinter vient de nous convaincre que le mieux serait de supprimer purement et simplement l'article 1er bis de la proposition de loi, mais personne ne l'a proposé ! Nous examinons, en revanche, un amendement y afférent et nous nous demandons si nous devons voter en sa faveur ou non.
M. Badinter vient de démontrer que la prudence consisterait à voter en faveur de cet amendement. En effet, vous ne nous avez pas du tout rassurés tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux, lorsque vous avez dit que la peine dépendrait aussi de la condamnation prévue dans tel ou tel pays. Je vous le concède, vous essayer de vous mettre d'accord, avec vos collègues des autres pays européens, sur une définition de la récidive qui soit la même que la vôtre. En attendant, la mise en place du casier judiciaire européen sera une bonne chose.
Toutefois, il n'est pas possible de s'en tenir à prévoir que « les condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un Etat membre de l'Union européenne sont prises en compte au titre de la récidive » si la définition de celle-ci n'est pas la même.
Actuellement, tant que cette proposition de loi n'est pas adoptée, la récidive est le fait de recommencer à commettre le même délit ou le même crime. Or, vous compliquez les choses, monsieur le garde des sceaux, en voulant assimiler plusieurs délits ou crimes pour constituer la récidive. Les autres pays ne le font certainement pas et, de ce fait, nous ne pourrons pas appliquer cette disposition.
En l'état actuel, à moins que vous-même, monsieur le garde des sceaux, ou la commission, ne proposiez de supprimer cet article, nous devons voter en faveur de l'amendement proposé par Mme Boumediene-Thiery, si nous ne voulons pas être confrontés à de grandes difficultés, comme M. Badinter l'a souligné tout à l'heure.
En parlant de l'amendement n° 116, vous avez évoqué, monsieur le garde des sceaux, une qualification juridique « similaire », mais un amendement rectifié fait état d'une qualification juridique « identique ».
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Dès lors qu'il s'agit d'élargir la réflexion au cadre européen, nous sommes toujours confrontés à la difficulté que pose l'unification en cours. Celle-ci étant par définition imparfaite, on ne peut espérer légiférer de manière entièrement satisfaisante, ainsi que nous le ferions dans le traditionnel cadre national.
Pour autant, faut-il ignorer le contexte européen ? Doit-on ne pas tenir compte de la ou des condamnations prononcées à l'étranger, dans des conditions qui ne sont pas totalement connues, à l'encontre de quelqu'un, contrairement à ce que prévoit ce texte ? C'est ridicule ! N'avons-nous nous pas été confrontés à une telle situation avec la Belgique ? Il est évident qu'il faut tenir compte des condamnations antérieures. Nous nous accordons tous sur ce point. Que ce texte ne soit pas absolument parfait, j'en conviens. Que l'harmonisation de la législation européenne soit encore loin d'être achevée, j'en conviens aussi. Robert Badinter et moi-même tentons, vaille que vaille, chacun de notre côté, d'oeuvrer en la matière. Dieu sait que les choses n'avancent pas ! Ce n'est toutefois pas une raison pour ignorer les réalités. En matière criminelle, ce n'est pas dans dix ans ou quinze ans que nous serons confrontés à la récidive : nous le sommes dès aujourd'hui. Ce texte, si imparfait soit-il, doit être conservé. Personne ne propose de le supprimer. En vérité, je ne vois pas le rapport entre le remède que propose Mme Boumediene-Thiery et la question.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Pierre Fauchon. A quoi cela nous avancerait-il de subordonner la prise en compte des condamnations antérieures prononcées par les juridictions pénales d'un Etat membre de l'Union européenne à la présence dans la législation de ces autres Etats « d'une qualification juridique similaire à celle de la France des notions de récidive et d'infractions » ? Le cas échéant, nous entrerions, chère collègue, dans un processus dont nous ne verrions pas l'aboutissement. A quoi nous servirait-il de savoir comment on punit ou on traite la récidive dans les pays voisins ? Dès lors qu'une condamnation a été prononcée, elle doit être prise en compte. Qu'il ne puisse être totalement exclu que le contexte juridique dans lequel elle a été prononcée n'est pas identique au nôtre, c'est une question secondaire. Pour apprécier la peine et la sanction, l'essentiel est de savoir qu'une condamnation antérieure a été prononcée et de prendre celle-ci en compte.
Le présent texte, si l'on considère que l'harmonisation européenne est en train de se réaliser et que l'on ne peut donc légiférer de manière parfaite, est non seulement utile mais nécessaire. Dès lors, l'amendement de Mme Boumediene-Thiery me paraît hors sujet.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je regrette que personne n'ait proposé de supprimer cet article.
Contrairement à ce que vous semblez penser, monsieur Fauchon, votre intervention me conforte dans l'idée qu'il faut à tout le moins voter cet amendement. Vous avez raison de dire que les choses sont en construction et donc imparfaites. Effectivement, on ne connaît pas très bien les différentes qualifications d'un pays à l'autre. C'est précisément la raison pour laquelle il nous faut essayer de poser la condition de similitude de la qualification juridique des notions de récidive et d'infractions. La question est suffisamment grave !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 2
Les sous-sections 3 et 4 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal deviennent les sous-sections 4 et 5, et, après la sous-section 2, il est inséré une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Des peines applicables en cas de réitération d'infractions
« Art. 132-16-7. - Il y a réitération d'infractions pénales lorsqu'une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale.
« La juridiction saisie prend en considération l'existence de la précédente condamnation du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime.
« Les peines prononcées lors de la précédente condamnation se cumulent sans limitation de quantum et sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion avec les peines prononcées pour l'infraction commise en réitération. »
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 44 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 90 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 44.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne suis pas très sûr que nous devions continuer à essayer de convaincre. Même lorsque c'est clair comme le jour, nos collègues de la majorité ne nous suivent pas et lèvent la main avec la discipline qu'on leur connaît.
L'article 2 traite la question de la réitération. Cette dernière a été supprimée en 2004 sur proposition du Premier ministre M. Jean-Pierre Raffarin, au motif que c'était une notion floue. Elle a été d'ores et déjà rétablie par un vote conforme du Sénat et de l'Assemblée nationale. Mais nous n'en restons pas là ! En effet, la réitération d'infractions pénales serait matérialisée dès lors qu'une personne a déjà été condamnée définitivement sans que les conditions de la récidive légale soient remplies. Les peines prononcées pour des infractions commises en situation de réitération se cumuleraient sans limitation du quantum et sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion.
Le code pénal ne prévoit un régime spécifique des peines en cas de pluralité d'infractions que dans deux hypothèses : le concours d'infractions et la récidive. Les autres cas relèvent de la réitération, qui, compte tenu du silence de la loi sur ce point, n'est pas définie pour l'institution judiciaire et est appréhendée de manière empirique par les services de police.
La présente proposition de loi vise à définir cette notion. La définition qu'elle en donne recouvre des situations très différentes. La définition du concours d'infractions est donnée par l'article 132-2 du code pénal, lequel dispose qu' « il y a concours d'infractions lorsqu'une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction ». Le dispositif proposé dans le présent texte aboutirait à des résultats différents selon que l'on utilise une poursuite unique ou des poursuites séparées, avec cumul de peines sans confusion possible. Cela constituerait à la fois une inégalité fondée sur le mode de poursuite et le début d'une justice à l'anglo-saxonne où toutes les peines se cumulent.
Dans le cas de répétition d'infractions au-delà du délai de récidive, la disposition prévoyant que les peines prononcées pour les infractions commises en situation de réitération se cumulent sans limitation du quantum et sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion sera sans objet puisque les peines seront forcément définitives entre elles et donc non susceptibles de confusion facultative.
Enfin, dans les cas où les infractions ne sont pas assimilées entre elles au regard de la récidive, il aurait été préférable que le Gouvernement affiche sa détermination et étende la définition de la récidive plutôt que d'introduire une notion bâtarde. Les juges tiennent déjà compte de la multiplicité d'infractions. Par ailleurs, une amélioration du système du casier judiciaire avec une inscription en temps réel permettrait d'apporter une réponse plus efficace sans pour autant renoncer à notre principe de non-cumul des peines. La réitération est moins grave que la récidive. En matière de récidive, il n'y aurait pas de cumul automatique de peines ; en matière de réitération, il y en aurait : c'est une inégalité de plus. C'est pourquoi nous vous demandons la suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 90.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'ai déjà dit dans mon intervention au cours de la discussion générale combien cette notion de réitération était inutile et floue. D'ailleurs, si elle était floue quand elle a été supprimée en 2004, elle continue d'être floue aujourd'hui. C'est une raison supplémentaire de la supprimer. Il est dangereux de créer des dispositifs dont l'application serait pour le moins difficile.
Par ailleurs, il n'est pas précisé si le présent texte s'applique à des infractions commises en réitération de même nature ou de nature différente. Il ne suffit pas de dire qu'il y a réitération quand la récidive légale ne s'applique pas. Il est également dangereux d'introduire une confusion entre les infractions relatives aux biens et les infractions concernant les personnes. Ce n'est pas la même nature délictuelle !
L'objectif de cette nouvelle législation est de durcir les peines : je le répète, dans les faits, c'est déjà le cas, puisque l'article 132-30 du code pénal prévoit déjà un durcissement de la sanction en cas de réitération. En effet, « en matière criminelle ou correctionnelle, le sursis simple ne peut être ordonné à l'égard d'une personne physique que lorsque le prévenu n'a pas été condamné, au cours des cinq années précédant les faits, pour crime ou délit de droit commun, à une peine de réclusion ou d'emprisonnement. »
Enfin, l'argument souvent utilisé par le Gouvernement selon lequel les juridictions prononcent de faibles peines en raison de la non-transmission ou de la transmission tardive du casier judiciaire et, partant, de leur ignorance des antécédents du prévenu, ne tient pas.
Le casier judiciaire est directement relié au service de l'état civil situé à Nantes. Il peut être transmis par fax et, depuis peu, par Internet. Les juges ne prennent pas de décisions sans avoir pris connaissance du casier judiciaire du prévenu.
Cet article est non seulement inutile mais facteur d'insécurité juridique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est pourquoi nous serions avisés de le supprimer.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 45 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-16-7 du code pénal.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. François Zocchetto, rapporteur. En matière de réitération, il me paraît important de rappeler que nous légiférons ce soir à droit constant. Il n'est donc pas question de d'innover. Au cours de la première lecture, nous étions convenus qu'il était intéressant que le code pénal donne une définition précise de la réitération. Jusqu'à présent, une telle définition n'existait pas, contrairement aux notions de concours d'infractions ou de récidive, qui, pour leur part, sont très clairement définies.
Aussi, vouloir supprimer l'article est une mauvaise idée. Néanmoins, il n'est pas nécessaire de trop en faire et de complexifier davantage le code pénal. C'est la raison pour laquelle je propose, au nom de la commission, de supprimer le deuxième alinéa de l'article 2. Cette mention apparaît redondante avec le principe de personnalisation des peines posé par l'article 132-24 du code pénal. La prise en compte de la « personnalité » de l'auteur des faits implique, à l'évidence, celle de son passé pénal.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 45.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-16-7 du code pénal.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-16-7 du code pénal prévoit que les peines prononcées pour des infractions commises en situation de réitération « se cumulent sans limitation de quantum et sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion. » S'agissant de personnes qui, déjà condamnées définitivement, commettent une nouvelle infraction, le texte conduit, comme c'est le cas aujourd'hui, à additionner sans possibilité de confusion la peine prononcée pour la première infraction avec celle qui a été prononcée pour la seconde. Le réitérant se trouve ainsi dans une situation moins favorable que le prévenu qui n'a pas fait l'objet d'une condamnation définitive. En revanche, il est traité de manière plus favorable que le récidiviste qui encourt la peine doublée.
Pour le réitérant qui, après une première condamnation définitive, commet plusieurs nouvelles infractions, le dispositif proposé prête à confusion. Il faut avoir en mémoire que le dispositif ne concernera pas exclusivement la grande délinquance. En effet, les taux de récidive sont respectivement de 25 % pour la délinquance routière et de 23 % en matière d'escroquerie.
Nous proposons donc également la suppression de ce dernier alinéa.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-16-7 du code pénal :
« Les peines prononcées pour l'infraction commise en réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la condamnation précédente. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 44 et 90, ainsi que sur l'amendement no 46.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement no 2 a pour objet d'améliorer la rédaction proposée au dernier alinéa de l'article 2. En effet, le texte adopté par les députés en deuxième lecture peut encore prêter à certaines confusions. Aussi, je vous propose de prévoir que les peines prononcées pour l'infraction commise en situation de réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les peines prononcées lors de la condamnation précédente, à condition que celle-ci soit devenue définitive.
Compte tenu des précisions qui sont apportées par les amendements nos 1 et 2, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 44 et 90, ainsi que sur l'amendement no 46.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Contrairement à ce que disent les auteurs des amendements de suppression nos 44 et 90, l'article 2 est très utile pour clarifier une question complexe et, surtout, mal comprise. C'est d'ailleurs pour cette raison que, dans le rapport d'information déposé en juillet 2004 par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le traitement de la récidive des infractions pénales, il avait été proposé que le code pénal traite expressément la réitération. Les auteurs de ce rapport avaient constaté qu'il n'était pas satisfaisant que cette notion importante de notre droit, intermédiaire entre celle du concours d'infractions et celle de la récidive d'infractions, ne fût pas, à la différence des deux autres, définie par le législateur.
Les débats que cette disposition a suscités sont la démonstration de la nécessité qu'il y a à légiférer sur le sujet, surtout s'il s'agit de légiférer à droit constant.
S'agissant des amendements identiques nos 1 et 45, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Je reconnais que le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 132-16-7 du code pénal n'est pas indispensable, car il affirme plus un principe général qu'une règle de droit précise. Ce qui compte, c'est la définition de la réitération, à savoir le premier alinéa, et les précisions sur le cumul des peines et l'impossibilité de confusion, c'est-à-dire le troisième alinéa.
Par ailleurs, si les dispositions du deuxième alinéa, selon lesquelles, pour fixer la peine, le juge prend en considération l'existence de la précédente condamnation du prévenu sont justifiées sur le fond et - je le précise pour les orateurs socialistes - évidentes, elles figurent également dans la nouvelle rédaction de l'article 132-24 du code pénal sur l'individualisation de la peine que l'article 2 bis de la proposition de loi prévoit de compléter à cette fin.
En ce qui concerne l'amendement n° 46, le Gouvernement émet un avis défavorable pour deux raisons. D'une part, parce qu'il est favorable à l'amendement de réécriture de la commission des lois. D'autre part, parce que les auteurs de l'amendement n'ont pas compris le texte, qui ne change rien au droit actuel. Il ne prévoit nullement le cumul des peines prononcées pour plusieurs infractions commises en réitération et générerait ni inégalité ni répression excessive.
Je prendrai un exemple : une personne commet des violences et est condamnée à deux ans de prison.
Après cette condamnation définitive - mais non encore mise à exécution -, elle commet : un vol pour lequel elle est condamnée à trois ans d'emprisonnement ; une escroquerie pour laquelle elle est condamnée, par un autre tribunal, à quatre ans d'emprisonnement.
Par rapport aux violences, le vol et l'escroquerie sont commis en réitération, car ils ont eu lieu après la condamnation définitive pour violences.
Mais le vol et l'escroquerie sont, entre eux, des délits en concours - il n'y a pas eu de condamnation définitive -, car l'escroquerie a été commise avant que la condamnation pour vol ne soit définitive.
Les peines du vol - trois ans - et de l'escroquerie - quatre ans - ne pourront donc dépasser le maximum de la peine la plus sévère qui est encourue, c'est-à-dire cinq ans pour l'escroquerie : elles vont donc se cumuler jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, et non sept ans. Et le condamné pourra demander leur confusion, notamment au second tribunal, à hauteur, par exemple, de quatre ans d'emprisonnement. C'est l'article 132-4 du code pénal qui prévoit ces deux règles - cumul limité au maximum légal et possibilité de confusion - pour les délits en concours.
Mais la peine de quatre ans résultant de la confusion va se cumuler avec celle de trois ans pour les violences, soit sept ans en tout. Et la personne ne pourra pas demander de confusion entre ces quatre et trois ans, pour ramener les sept ans à six ou cinq ans par exemple. En effet, l'article 132-4 du code pénal n'est pas applicable.
Le nouvel article 132-16-7 ne fait que rappeler clairement ces règles. (Marques de perplexité.)
Autrement dit, il n'y a réitération que s'il y a condamnation définitive entre deux actes délictueux ; sinon, il y a confusion. Voilà le résumé le plus clair possible de l'état du droit. A vouloir être plus précis, on risque de lasser la Haute Assemblée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Jamais !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Concernant l'amendement n° 2, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je précise simplement que l'amendement n° 45 est satisfait par l'amendement n° 1.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 et 90.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 1 et 45.
M. Jean-René Lecerf. Mon intervention pas à proprement parler une explication de vote. Il s'agit d'une tentative destinée à obtenir une explication susceptible d'éclairer mon vote et, à ce titre, elle peut sans doute être acceptée.
J'avoue avoir un peu de mal à comprendre les amendements de M. le rapporteur, notamment celui qui tend à supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 132-16-7 du code pénal.
Si je comprends bien, cet alinéa est supprimé, d'une part, parce qu'il ne fait que répéter le principe d'individualisation de la peine qui devrait aller de soi, et, d'autre part - si j'ai bien lu le rapport de M. Zocchetto -, parce qu'il semble incohérent que la juridiction saisie ne prenne en considération que l'existence de « la » précédente condamnation alors qu'il pourrait y avoir plusieurs condamnations et, dans ce cas, il faudrait prendre en compte globalement les condamnations précédentes.
L'amendement n° 2, quant à lui, tend à rédiger comme suit le texte adopté par l'Assemblée nationale : « Les peines prononcées pour l'infraction commise en réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la condamnation précédente. »
En l'occurrence, je me demande si, dans ce dernier alinéa de l'article 2, la référence à « la » condamnation précédente n'est pas aussi paradoxale qu'elle l'était dans l'alinéa que l'amendement n° 46 vise à supprimer.
Enfin, je m'étonne un peu du caractère redondant de l'expression « les peines définitivement prononcées », alors que, si l'on se réfère au début de l'article 132-16-7 du code pénal, « il y a réitération d'infractions pénales lorsqu'une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit ». Si elle a été condamnée définitivement pour un crime ou un délit, on se doute bien que les peines sont définitivement prononcées !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. La rédaction de cet article nous a beaucoup occupés et nous avons peiné à trouver une rédaction compréhensible et la plus simple possible.
M. Jean-Pierre Sueur. Pauvres magistrats !
M. François Zocchetto, rapporteur. Cela ne signifie pas qu'il ne fallait pas tenter l'exercice.
L'amendement n°1, vous l'avez bien compris, tend à éviter une redite, à formuler différemment ce qui est déjà très bien dit à l'article 132-24 du code pénal. Ce point ne soulève donc pas trop de difficulté.
Dans l'amendement n°2, ce qui importe, c'est le caractère définitif de la condamnation. Tant que la condamnation n'est pas définitive, elle n'a pas à être prise en compte dans le cadre de la réitération. Si cela vous paraît insuffisamment clair, je le regrette ; mais il est exact que le terme « définitivement » apparaît deux fois.
M. François Zocchetto, rapporteur. J'hésite à le faire parce que l'article est difficilement compréhensible s'il n'est pas précisé que la condamnation est devenue définitive. Je reconnais que la rédaction est sans doute un peu lourde.
Je suggère de laisser à la commission mixte paritaire le soin de trouver la rédaction optimale dont nous ne sommes pas très éloignés !
M. Jean-René Lecerf. Soit !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 45.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis
L'article 132-24 du code pénal est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Elle tient compte, s'il y a lieu, de l'existence d'une ou plusieurs précédentes infractions pour lesquelles la personne a déjà été condamnée, qu'il y ait réitération ou récidive, afin d'apprécier la sévérité de la sanction. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la punition du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l'amendement du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 47 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 91 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'article 2 bis tend à compléter l'article 132-24 du code pénal afin, d'une part, de prévoir que la juridiction tient compte des condamnations antérieures pour apprécier la sévérité de la sanction et, d'autre part, de rappeler les finalités de la peine.
Sur le premier point, la commission formule les observations qui ont été faites à l'amendement n° 1. La mention du passé pénal apparaît redondante avec le principe de personnalisation de la peine. Il est bien évident que les juges, lorsqu'ils apprécient la personnalisation de la peine, tiennent compte notamment du passé pénal.
Sur le second point, l'article 707 du code de procédure pénale introduit par la loi du 9 mars 2004 dite « loi Perben II » prévoit déjà que : « l'exécution de peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ». Faut-il répéter ces dispositions sous une autre forme dans le code pénal ? Cela ne semble pas indispensable.
Aussi, la commission propose de supprimer l'article 2 bis.
Je précise que, si l'amendement n° 3 était adopté, les amendements nos 47 et 91 seraient satisfaits.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est tout de même extraordinaire que l'on nous demande de répéter ce qui a déjà été dit l'an dernier.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit tout à l'heure qu'il s'agissait d'un bon travail et que l'on parle de ce sujet depuis longtemps. La vérité, c'est que la commission a travaillé la semaine dernière. Les provinciaux n'ont même pas pu retirer votre rapport à la distribution : ils ont dû recourir à Internet et de travailler tout le week-end, le délai limite pour le dépôt des amendements ayant été fixé à dix-sept heures lundi. Libre à vous de penser que c'est cela travailler longtemps sur un texte et dans de bonnes conditions.
Si le Gouvernement est favorable à l'amendement de la commission, j'espère qu'il voudra bien accepter le nôtre, qui est identique.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 91.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes satisfaits que la commission soit d'accord avec nous pour supprimer une disposition redondante et inutile. Nous aurons au moins un amendement adopté... (Sourires.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Dreyfus-Schmidt, votre premier argument m'émeut. Habiter la province, loin de Paris, je connais cela !
Votre second argument est le suivant : nous avons déjà vu cela en première lecture. C'est bien sûr le même texte, sinon ce serait préoccupant. Nous sommes en deuxième lecture. Le fait que vous ayez parlé de première lecture, c'est plutôt bon signe et je suis rassuré : nous parlons des mêmes choses.
Ce texte définit pour la première fois dans notre droit les finalités de la peine, en s'inspirant d'un considérant du Conseil constitutionnel de 1994.
Or une des critiques souvent formulées à l'encontre du nouveau code pénal, qui se voulait pourtant plus expressif, était précisément cette absence de définition. Celle-ci existe pourtant dans la plupart des codes pénaux étrangers. Il en est ainsi en Allemagne et en Italie, où il est rappelé également que le juge prend en compte les précédentes condamnations de la personne poursuivie.
Il existe donc des arguments sérieux en faveur du maintien de l'article 2 bis.
Cela étant dit, je m'en remets à la sagesse de votre assemblée, étant précisé que, du point de vue de la philosophie pénale, la suppression de cet article serait regrettable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi de vous dire que cette disposition ne figurait pas dans le texte que nous avons examiné en première lecture : il s'agit d'un ajout effectué par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les ajouts successifs au fil des lectures rendent parfois les textes difficilement compréhensibles.
Il existe néanmoins dans notre droit des dispositions définissant la peine, qui résultent de la loi du 9 mars 2004 et qui figurent non pas dans le code pénal, mais dans le code de procédure pénale. L'article 707 de ce code dispose : « Sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais. L'exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive. A cette fin, les peines peuvent être aménagées en cours d'exécution pour tenir compte de l'évolution de la personnalité et de la situation du condamné. »
Certes, il peut être intéressant d'affiner ces dispositions tous les ans, mais ce n'est pas indispensable.
S'agissant des conditions de travail, monsieur Dreyfus-Schmidt, le rapport de la commission était disponible dès jeudi, à quatorze heures trente, sur Internet, que vous pouvez tous consulter en province. Nous avons donc fait un travail sérieux, dans de bonnes conditions.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Un travail rapide !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Dreyfus-Schmidt, la commission connaît bien ces sujets qu'elle étudie depuis longtemps !
D'ailleurs, mon cher collègue, vous avez vous-même bien travaillé puisque vous avez déposé un amendement de suppression. Cela démontre que vous avez été eu la possibilité de faire un travail utile.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas dit que nous n'avions pas travaillé, j'ai dit que nous avions travaillé dans la précipitation !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Tout d'abord, M le président de la commission a raison : il s'agit effectivement d'un ajout résultant d'un amendement de son homologue à l'Assemblée nationale, M. Philippe Houillon.
Ensuite, quitte à faire figurer la philosophie pénale quelque part, il vaut mieux que ce soit dans le code pénal plutôt que dans le code de procédure pénale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On aurait peut-être dû l'introduire à ce moment-là !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 47 et 91.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 bis est supprimé.
Article 2 ter
I. - Le premier alinéa de l'article 132-41 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la personne est en état de récidive légale, il est applicable aux condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée de dix ans au plus. »
II. - Le premier alinéa de l'article 132-42 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsque la personne est en état de récidive légale, ce délai peut être porté à cinq ans. Ce délai peut être porté à sept ans lorsque la personne se trouve pour la seconde fois en état de récidive légale. »
III. - Le dernier alinéa du même article 132-42 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette partie ne peut toutefois excéder cinq ans d'emprisonnement. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 122, présenté par Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ces dispositions, qui visent à étendre le champ d'application du sursis avec mise à l'épreuve et le délai d'épreuve pour les récidivistes, vont à l'encontre d'une lutte efficace contre la récidive.
En effet, en augmentant le plafond de cinq ans d'emprisonnement et en allongeant le délai d'épreuve auquel peut être soumis le récidiviste, ces dispositions aboutiraient in fine à un accroissement de la population carcérale et handicaperaient davantage la réinsertion et donc l'avenir du récidiviste.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le II de cet article pour compléter le premier alinéa de l'article 132-42 du code pénal, remplacer les mots :
pour la seconde fois
par les mots :
à nouveau
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 122.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 4 est d'ordre rédactionnel.
S'agissant de l'amendement n° 122, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 122 et 4 ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je me demande s'il n'y a pas un contresens de la part de l'auteur de l'amendement n° 122. Avec cet article, une personne qui serait condamnée à neuf ans d'emprisonnement pourrait bénéficier de deux ans de sursis avec mise à l'épreuve. Si vous refusez cette disposition, madame Boumediene-Thiery, le condamné devra purger neuf ans de prison. L'article vise donc à réduire la durée d'emprisonnement. Or votre amendement tend à l'augmenter. Je ne crois pas que ce soit là votre idée.
Aussi, le Gouvernement est bien sûr défavorable à cet amendement.
Quant à l'amendement n° 4, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 122 est-il maintenu ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. L'article 2 ter prévoit bien un allongement du délai, porté à dix ans pour l'emprisonnement et à cinq ans puis à sept ans pour le sursis d'épreuve, ce que nous contestons. Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 ter, modifié.
(L'article 2 ter est adopté.)
Article 4
Après l'article 465 du code de procédure pénale, il est inséré un article 465-1 ainsi rédigé :
« Art. 465-1. - Lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, le tribunal peut, par décision spéciale et motivée, décerner mandat de dépôt ou d'arrêt contre le prévenu, quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement prononcée.
« S'il s'agit d'une récidive légale au sens des articles 132-16-1 et 132-16-4 du code pénal, le tribunal délivre mandat de dépôt à l'audience, quel que soit le quantum de la peine prononcée, sauf s'il en ordonne autrement par une décision spécialement motivée. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 92, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Nous sommes cohérents puisque nous avions déjà déposé cet amendement en première lecture.
L'article 4, tel qu'il a été rétabli par l'Assemblée nationale, impose au juge de décerner un mandat de dépôt dès lors que la personne est en état de récidive pour des délits à caractère sexuel.
Même si le premier alinéa de l'article 4 a été un peu modifié et a retiré le caractère automatique de la délivrance du mandat de dépôt, il n'en demeure pas moins que l'esprit reste le même.
La détention est, une fois encore, considérée comme la règle, et la liberté, l'exception, ce qui n'est pas possible dans un Etat de droit.
Par ailleurs, nous comprenons bien l'attachement du Gouvernement à cette disposition. En termes d'affichage, il est intéressant de dire que les prévenus seront immédiatement envoyés en prison après le prononcé de leur peine.
Mais concernant la lutte contre la récidive, cet article aura une portée insignifiante. Une fois encore, la priorité est donnée à des mesures médiatiques, mais peu efficaces en termes de prévention de la récidive.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 4.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 48 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 465-1 dans le code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission ne remet pas en question le premier alinéa du texte proposé pour l'article 465-1 du code de procédure pénale. Il s'agit en effet d'une bonne disposition que nous avions introduite en première lecture et qui vise à permettre de délivrer un mandat de dépôt à l'audience même si la peine d'emprisonnement prononcée est inférieure à un an. A l'heure actuelle, cette faculté n'existe que pour les peines au moins égales à un an, ce qui conduit parfois des magistrats à prononcer des peines de un an uniquement afin de pouvoir émettre le mandat de dépôt à l'audience. Ce n'est donc pas forcément une bonne façon de rendre la justice.
En revanche, nous nous sommes déjà opposés au second alinéa, lors de la première lecture, car il contrevient à un principe général de notre droit, selon lequel la liberté est la règle et la détention, l'exception.
Aussi, conservons le système existant, comme le souhaite la quasi-totalité des magistrats, ce qui ne les empêchera nullement de délivrer des mandats de dépôt à l'audience.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous adhérons aux propos que vient de tenir M. le rapporteur.
En première lecture, notre assemblée a ouvert au juge la faculté d'émettre, en cas de récidive, un mandat de dépôt à l'audience, par une décision spécialement motivée, quels que soient l'infraction commise et le quantum de la peine prononcée.
L'Assemblée nationale a rétabli une disposition qu'elle avait adoptée en première lecture, qui prévoit, pour les personnes en état de récidive légale ou pour des faits de violence, quel que soit le quantum de la peine encouru, l'obligation pour le juge de délivrer un mandat de dépôt à l'audience, sauf s'il en décide autrement par une décision spécialement motivée.
On peut s'interroger sur la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a limité ces dispositions aux seuls crimes sexuels ou de violence, excluant tous les autres actes graves.
De surcroît, ces dispositions pourraient être inconstitutionnelle au regard des principes de la liberté individuelle, de la présomption d'innocence, et parce qu'elle contredit la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
De nombreuses dispositions du texte adopté par l'Assemblée nationale donnent le sentiment d'une sorte de suspicion à l'égard des magistrats - qui doivent pouvoir apprécier les cas d'espèce -, comme s'il fallait toujours les encadrer par le biais de textes toujours plus détaillés.
Comme nombre de nos collègues, je participe chaque année à la séance solennelle de la Cour d'appel dans la ville où je suis élu. Systématiquement, j'y entends parler de l'inflation des textes législatifs. Ainsi, le code pénal ne cesse de changer et, une fois encore, nous allons le modifier, notamment à la suite de ce débat extrêmement complexe sur la réitération. Les changements législatifs perpétuels finissent par décourager les magistrats. Aussi, nous devons veiller à éviter ces excès, préjudiciables à leur activité.
M. Jean Arthuis. C'est vrai !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 92, la commission émet un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 48, elle considère qu'il est satisfait par l'amendement n° 5, si ce dernier est adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 92.
Il est également défavorable aux amendements identiques nos 5 et 48. Vous comprendrez aisément, monsieur le rapporteur, monsieur le sénateur, que je ne peux être d'accord avec ces amendements.
En effet, le texte qui vous est soumis vise à rétablir chez les récidivistes violents la crainte de la loi, en renforçant la certitude de la sanction.
Nombre de nos concitoyens ne comprennent pas qu'un prévenu puisse sortir libre d'un tribunal qui vient de le condamner à de l'emprisonnement ferme...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. ...alors qu'il s'agit d'un délinquant d'habitude, violent, et non pas d'un primo-délinquant, comme on le laisse entendre au Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. Le juge peut décider !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'y viens !
Par cet article, il s'agit simplement d'affirmer que lorsqu'une peine d'emprisonnement ferme est prononcée à l'encontre d'un récidiviste violent ou de l'auteur d'infractions sexuelles, elle doit être exécutée immédiatement.
Ce texte rappelle une règle de bon sens, qui est réclamée par nos concitoyens et, je le sais, par beaucoup d'entre vous. Je le répète : les peines prononcées doivent être exécutées.
J'ajoute, pour essayer de vous convaincre, monsieur Sueur, qu'il n'y aura aucune automaticité, puisque le juge restera libre de ne pas délivrer le mandat de dépôt, par une décision spécialement motivée.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un argument qui peut se retourner !
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Monsieur le président, nous retirons l'amendement n° 92.
M. le président. L'amendement n° 92 est retiré.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 92 rectifié.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour le défendre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Votre premier mouvement, celui qui vous a poussée à déposer cet amendement, était le bon, chère collègue !
Je voudrais tout d'abord revenir sur le second alinéa de l'article 465-1 qu'il s'agirait d'introduire dans notre code de procédure pénale, et répondre ce faisant à M. le ministre.
En fait, on s'en remet ici à la surcharge de travail des magistrats, qui leur fera préférer le mandat de dépôt décerné à l'audience et renoncer à la liberté par crainte de devoir prendre le temps d'une décision spécialement motivée. N'est-ce pas extraordinaire ? C'est pourtant exactement le raisonnement qui a été tenu ! Or, sur ce point, la commission des lois a été unanime à suivre le rapporteur : la règle, c'est la liberté, et c'est seulement le contraire, le mandat de dépôt, qui est l'exception et qui doit conduire à une décision spécialement motivée. Nous sommes donc, nous, sénateurs socialistes, évidemment d'accord avec la proposition du rapporteur.
Mais nous sommes également d'accord avec la proposition que nous venons de reprendre sous la forme de l'amendement n° 92 rectifié. Relisons ensemble le texte proposé pour le premier alinéa de l'article 465-1. Il s'agit, mes chers collègues, de délits passibles de seulement un an de prison : rien à voir, donc, avec la grande délinquance, avec les délits ou les crimes sexuels ou encore avec les tueurs en série ! Est-ce que désormais il pourrait y avoir mandat de dépôt à l'audience quelle que soit la peine ? Y a-t-il vraiment urgence ? N'est-il pas possible qu'il y ait appel et que, éventuellement, la cour d'appel se prononce ?
Non, vraiment, l'arrestation à l'audience doit être exceptionnelle et réservée aux cas les plus graves : elle ne peut concerner une personne qui se présente à l'audience sans crainte et que ses enfants attendent peut-être à la maison. Il n'y a vraiment aucune raison de changer !
Le rapporteur nous indique que des juges n'hésitent pas à condamner à plus d'un an afin de pouvoir décerner mandat de dépôt à l'audience, mais il ne nous a donné aucun exemple. Jadis, pour un projet de loi, on demandait une étude d'impact. Evidemment, comme c'est une proposition de loi que nous examinons, il n'y a pas d'étude d'impact, si bien que l'on peut nous affirmer n'importe quoi puisque l'on ne peut rien prouver !
Pour toutes ces raisons, nous reprenons l'amendement, et nous demandons la suppression totale de l'article 4.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous ne pouvez pas à la fois prôner la liberté du juge et lui interdire de décerner mandat de dépôt quand la peine d'emprisonnement est inférieure à un an de prison !
Au surplus, on se plaint beaucoup de l'inexécution d'un certain nombre de décisions pénales. Or ce sont justement les courtes peines qui, le plus souvent, ne sont pas exécutées.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Laurent Béteille. Il peut être très utile de décerner mandat de dépôt lorsqu'il s'agit d'individus que, sans cela, on ne retrouvera jamais. Avec certaines catégories de personnes, notamment les gens du voyage - et ce n'est pas les stigmatiser que de l'évoquer -, on peut être à peu près certain que, sans mandat de dépôt, les peines ne seront jamais exécutées.
En outre, je reprendrai volontiers l'argument fort justement avancé par le rapporteur : les magistrats, qui ont bien conscience que l'individu va leur échapper, prononcent dans ces cas-là une peine supérieure à un an parce que c'est le seul moyen dont ils disposent aujourd'hui pour pouvoir prononcer un mandat de dépôt ; sinon, la peine aurait été moins élevée.
Il faut donc conserver cette possibilité introduite par l'article 4.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je remercie M. Béteille d'avoir confirmé tout l'intérêt qu'il y a à maintenir le premier alinéa de l'article.
Nous avons bien entendu les arguments développés par le garde des sceaux tout à l'heure. Malheureusement, je ne pense pas que la rédaction qu'a retenue l'Assemblée nationale change beaucoup les choses dans la mesure où, même si nous l'adoptions, le juge pourrait déroger comme il le voudrait à l'obligation de décerner un mandat à l'audience.
M. François Zocchetto, rapporteur. Qui plus est, elle introduirait un risque au regard de nos principes, notamment constitutionnels, que certains pourraient peut-être invoquer pour tenter de faire disparaître cet article.
La commission des lois a étudié de façon très approfondie toutes ces questions, et je confirme sa position, qui a été votée à la quasi-unanimité, sinon à l'unanimité.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 48.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 4 bis
I. - L'article 717-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Dans le dernier alinéa, les mots : « pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur de quinze ans précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou pour toute infraction visée aux articles 222-23 à 222-32 et 227-25 à 227-27 du code pénal » sont remplacés par les mots : « pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice des dispositions de l'article 763-7, le juge de l'application des peines peut proposer à tout condamné relevant des dispositions de l'alinéa précédent de suivre un traitement pendant la durée de sa détention, si un médecin estime que cette personne est susceptible de faire l'objet d'un tel traitement.
« Les dispositions des articles L. 3711-1, L. 3711-2 et L. 3711-3 du code de la santé publique sont applicables au médecin traitant du condamné détenu, qui délivre à ce dernier des attestations de suivi du traitement afin de lui permettre d'en justifier auprès du juge de l'application des peines pour l'obtention des réductions de peine prévues par l'article 721-1. »
II. - L'article 721-1 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : « d'une formation », sont insérés les mots : «, en suivant une thérapie destinée à limiter les risques de récidive » ;
2° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins, et qui refusent de suivre un traitement » sont remplacés par les mots : « pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru et qui refusent de suivre le traitement qui leur est proposé ». - (Adopté.)
Article 4 ter
I. - Dans le premier alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale, après les mots : « de formation professionnelle », sont insérés les mots : « ou générale ».
II. - Le deuxième alinéa du même article 717-3 est ainsi rédigé :
« Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande. »
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Dans le texte proposé par le paragraphe II de cet article pour le deuxième alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale, après les mots :
une formation professionnelle ou générale
insérer les mots :
, une activité culturelle ou une formation à la citoyenneté
II. - Compléter le même texte par une phrase ainsi rédigée :
Dans ces cas, la personne bénéficie d'une rémunération.
III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les conséquences financières entraînées par la rémunération des activités des détenus sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaiterais tout d'abord rectifier cet amendement, monsieur le président. En effet, la commission a tenu ce matin un débat intéressant au cours duquel il nous a été reproché de demander une rémunération quelle que soit l'activité des intéressés en prison. Nous retirons donc le II et, le III n'étant que le gage du II, nous le retirons également.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, qui est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le paragraphe II de cet article pour le deuxième alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale, après les mots :
une formation professionnelle ou générale
insérer les mots :
, une activité culturelle ou une formation à la citoyenneté
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le deuxième alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale, dans la rédaction actuelle de l'article 4 ter, dispose : « Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande. »
Nous posons une question : le garde des sceaux sera-t-il responsable si, la loi étant, par hypothèse, votée et applicable, les dispositions ne sont pas prises pour que ceux qui sont en prison, tous ceux qui sont en prison, puissent exercer une activité professionnelle, recevoir une formation professionnelle ou générale ? On parle beaucoup de certaines responsabilités, celles des magistrats, des médecins, de tout le monde, sauf des responsabilités de ceux qui sont appelés à faire appliquer la loi. La question est très sérieuse, mes chers collègues : à quoi sert-il d'inscrire dans la loi une disposition d'application immédiate alors que l'on sait très bien que l'on n'a pas les moyens de la mettre en oeuvre ?
Mais, puisqu'il s'agir de prévoir cette « formation professionnelle ou générale » que nous appelons de nos voeux et le plus tôt possible, nous ajoutons, car les deux notions ne se recouvrent certainement pas, « une activité culturelle ou une formation à la citoyenneté ».
M. Pierre Fauchon. La formation générale comprend tout, sans exception !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La formation est bien générale en ce qu'elle comprend le calcul et la grammaire, mais pas assez générale pour aller jusqu'à la culture, qui est tout de même une notion particulière, et encore moins jusqu'à la formation à la citoyenneté, qui, malgré son extrême importance, n'est pas du tout prévue dans une formation générale.
M. Jean Arthuis. C'est faire insulte à l'éducation nationale !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non, mon cher collègue ! Simplement, l'éducation nationale est comme la justice : elle n'a pas suffisamment de moyens, vous le savez bien ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Et vous lui en avez enlevé encore pas mal cette année même !
Le problème, on le sait, c'est l'existence d'un illettrisme important. Quant à la formation des citoyens, le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'est pas toujours parfaite.
Voilà pourquoi nous proposons cet amendement, que nous avons rectifié pour tenir compte des remarques qui ont été formulées ce matin en commission, non sans quelque raison.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Je suis très heureux, monsieur Dreyfus-Schmidt, que mes collègues et moi-même ayons pu vous convaincre de l'utilité de retirer une partie de votre amendement. Malheureusement, vous ne l'avez pas retiré dans sa totalité. (Sourires.)
D'ailleurs, est-ce bien la peine de prolonger le débat ? Tant que nous y sommes, monsieur Dreyfus-Schmidt, pourquoi ne pas proposer aussi de compléter l'article par une formation à la vie en collectivité ou par une formation à la vie de famille, ou encore par une activité sportive ?... (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre Fauchon. Pourquoi pas une formation à la délinquance !
M. François Zocchetto, rapporteur. Le texte prévoit « une formation professionnelle ou générale », cela suffit !
L'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. On a le sentiment que M. Dreyfus-Schmidt tient absolument à déposer des amendements. Vraiment, tout est clair dans le texte, et, s'il est utile de prévoir la formation professionnelle et la formation générale, mentionner une « activité culturelle » qui, au demeurant, existe déjà dans les prisons, est assez gratuit, pour ne pas dire ludique.
Quant à la formation à la citoyenneté, si l'on devait entrer dans cette logique, on disposerait en effet de 53 formations possibles pour compléter l'article !
Du moins pouvons-nous nous réjouir, monsieur le sénateur, que vous ayez renoncé à demander une rétribution pour les détenus qui font des études. Car cela figurait dans le texte initial de votre amendement !
Vraiment, monsieur Dreyfus-Schmidt, on peut s'interroger, car tout cela n'est pas bien raisonnable !
M. Pierre Fauchon. C'est même franchement comique !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne pouvons pas laisser dire, en personnalisant comme vient de le faire M. le garde des sceaux, que nous nous amusons, que je m'amuse à déposer des amendements.
Le groupe socialiste a l'habitude de travailler collectivement, et les sénateurs qui le composent ont mûrement réfléchi les amendements qui sont déposés en son nom. Et vous aurez beau dire, monsieur le garde des sceaux, une formation générale est une chose, une formation à la citoyenneté en est une autre. Si vous estimez qu'il n'est pas besoin de les dispenser aux personnes incarcérées, libre à vous, mais nous ne vous permettons pas de nous ridiculiser pour autant !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Comme nous prenons toujours nos modèles aux Etats-Unis en général, et en Floride en particulier, nous n'allons pas jusque chez les Canadiens, ce qui est fort dommage, car, précisément, ces derniers ont inclus la rééducation et l'apprentissage des valeurs dans leur programme de lutte contre la récidive et leur ont affecté des budgets spécifiques.
Ici, on se focalise sur le seul problème de la répression, et on laisse de côté ce qu'a de positif...
M. Pierre Fauchon. Mais non !
M. Pierre-Yves Collombat. C'est ainsi ! Au point qu'il paraît complètement exotique de se préoccuper de ces formations. Certains programmes visent même à amener les récidivistes à renoncer à valoriser leur attitude de délinquants. Mais cela semble ici tellement étrange que notre amendement en paraît absurde.
M. Pierre Fauchon. Tout au moins pittoresque !
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne sais pas qui est absurde, dans cette affaire.
M. Charles Gautier. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. Détraigne, est ainsi libellé :
A la fin du texte proposé par le II de cet article pour le deuxième alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale, supprimer les mots :
qui en font la demande.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. L'article 4 ter inscrit dans le code de procédure pénale le principe selon lequel les établissements pénitentiaires doivent assurer pour les détenus une activité, ou une formation.
La rédaction actuelle de l'article soulève un problème. En effet, cette formation, ou cette activité, doit être assurée pour les détenus « qui en font la demande ». Or il y a fort à parier que les publics les plus fragiles en prison, ceux qui auraient le plus grand besoin d'être aidés pour ne pas sombrer et pour être en mesure de se réinsérer lorsqu'ils seront libérés, ne feront pas cette demande.
C'est pourquoi je propose, par cet amendement, de supprimer les mots « qui en font la demande », afin que l'offre de formation ou d'activité vaille pour tous les détenus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission a étudié avec beaucoup d'attention l'amendement présenté par M. Détraigne. Néanmoins, s'il était adopté, le travail deviendrait obligatoire et, en l'état actuel de notre droit, il n'est pas possible d'imposer à un détenu de travailler. Par conséquent, la commission demande à M. Détraigne de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 82 est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. M. le rapporteur ne m'a pas tout à fait convaincu. Ne dit-on pas que l'oisiveté est mère de tous les vices ? Et, en prison, il y a déjà tant d'occasions de succomber !
Cela dit, je comprends qu'il s'agit aussi d'une question de moyens, je vais donc retirer mon amendement, mais j'espère que l'on reviendra sur cette question lors d'un prochain texte parce que le travail est aussi un moyen de réinsertion, personne ne peut dire le contraire.
M. Pierre Fauchon. Le travail, c'est la liberté !
M. le président. L'amendement n° 82 est retiré.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le reprends !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. En reprenant cet amendement, M. Dreyfus-Schmidt me donne raison : la preuve est faite qu'il cherche à déposer des amendements.
Pour aller dans le sens de M. le rapporteur, je précise qu'il existe plusieurs conventions internationales, dont nous sommes signataires, qui interdisent le travail obligatoire. Si M. Dreyfus-Schmidt l'ignorait, je suis heureux de le lui apprendre.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si j'ai repris cet amendement, c'est parce que je n'avais pas eu le temps d'intervenir avant son retrait et qu'il me semblait utile de prolonger un instant le débat.
Il existe différentes formes de travail. Il n'est pas ici question de revenir aux travaux forcés, et je n'ai pas besoin des leçons de M. le garde des sceaux pour savoir que ce ne serait pas possible. Il s'agit en l'occurrence de la formation générale dispensée par l'école qui devrait être en principe laïque - elle ne l'est pas toujours -, gratuite - elle ne l'est pas toujours - et obligatoire, ce qu'elle est en tous les cas, et cela ne choque personne.
Dès lors, convaincre ceux qui n'ont pas eu la chance de réussir leur parcours scolaire de la nécessité de suivre, en prison, une formation générale ne serait ni illégal ni anormal.
J'ai repris cet amendement pour pouvoir donner cette explication, mais preuve, monsieur le garde des sceaux, que nous ne nous déposons pas des amendements pour nous amuser, je retire celui-ci.
M. le président. L'amendement n° 82 rectifié est retiré.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 ter.
(L'article 4 ter est adopté.)
Article 4 quater
Le premier alinéa de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale est complété par les mots : « et hors les cas où cette suspension de peine est susceptible de provoquer un trouble exceptionnel à l'ordre public ou s'il existe un risque particulièrement élevé de récidive du condamné ».
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 93 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 50.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous connaissons tous l'article de loi Kouchner aux termes duquel la suspension de peine peut être ordonnée lorsque le condamné est atteint d'une pathologie engageant le pronostic vital ou si son état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention. La suspension de la peine est alors subordonnée à deux expertises médicales dont les conclusions doivent concorder.
La décision est prise par le tribunal de l'application des peines quand la peine d'emprisonnement dépasse dix ans ou lorsque, quel que soit le quantum de la peine, la peine restant à subir dépasse trois ans. Dans les autres cas, elle est prononcée par le juge de l'application des peines. Le juge de l'application des peines peut, à tout moment, ordonner une expertise médicale à l'égard du condamné ayant bénéficié d'une telle mesure et ordonner qu'il soit mis fin à la suspension si les conditions de celle-ci ne sont plus réunies.
L'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a modifié cet article pour préciser que cette mesure ne s'applique pas si la libération du condamné peut provoquer un « trouble exceptionnel à l'ordre public », une notion que nous connaissons bien, qui permet d'empêcher l'application d'une loi de bon sens et de dignité !
Il est évident - c'est d'ailleurs le sens de ce que propose la commission - qu'en tout état de cause, il y a lieu de supprimer cette référence à l'ordre public. L'opinion doit parfaitement comprendre qu'il n'est pas choquant de permettre à un détenu dont l'état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention ou, pire, qui est atteint d'une pathologie engageant le pronostic vital, de finir sa vie dans la dignité.
Mais on est allé plus loin en précisant : « ou s'il existe un risque particulièrement élevé de récidive. » Pourquoi « particulièrement élevé » ? Ou il y a un risque de récidive ou il n'y en a pas. Il me paraît curieux de préciser « particulièrement élevé de récidive ». Les juges ont toute latitude pour prendre leur décision, ils n'ont pas d'obligation.
Avec le texte tel qu'il est en vigueur, il est parfaitement possible de revenir sur une décision ; on en a connu un cas. C'est pourquoi nous proposons de supprimer purement et simplement cet article 4 quater.
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 93.
Mme Eliane Assassi. Je défendrai en même temps les amendements n °s 93 et 94 qui portent respectivement sur les articles 4 quater et 4 quinquies, tous deux étant destinés à encadrer très étroitement les conditions de mise en oeuvre des suspensions de peine pour raison médicale.
Ces amendements introduits par l'Assemblée nationale en deuxième lecture restreignent considérablement le droit, prévu par l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, d'obtenir une suspension de peine pour raison médicale, ce que nous ne pouvons accepter.
Comme le rappelle à juste titre le pôle Suspension de peine constitué d'associations et d'organisations diverses qui luttent, depuis l'adoption de la loi Kouchner du 4 mars 2002, pour que les droits des détenus gravement malades soient respectés, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, les libérations accordées dans le cadre de l'article 720-1-1 l'ont été au compte-gouttes et non automatiquement, comme l'a pourtant affirmé Gérard Léonard, le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale.
Je citerai quelques chiffres.
Selon l'administration pénitentiaire, au second trimestre de l'année 2005, 191 détenus ont bénéficié d'une suspension de peine pour raisons médicales. Or, par comparaison, ce sont chaque année 120 personnes qui décèdent pour ces mêmes raisons.
Nous ne sommes donc pas confrontés à un afflux massif de détenus libérés pour des raisons médicales.
Les conditions de détention sont déplorables - l'Observatoire international des prisons vient d'ailleurs de le constater une nouvelle fois dans son rapport du 20 octobre dernier - et, de ce fait, complètement inadaptées à la détention de personnes en fin de vie.
Pourtant, vous prévoyez de maintenir ces personnes en détention en restreignant les conditions de leur libération. Désormais, une suspension de peine peut être accordée « hors les cas où cette suspension est susceptible de provoquer un trouble exceptionnel à l'ordre public ou s'il existe un risque particulièrement élevé de récidive du condamné ».
Jusqu'à présent, pour accorder une suspension de peine, le juge de l'application des peines se fondait sur deux expertises médicales. Avec cet article, il devra prendre sa décision en prenant en compte le passé pénal du détenu, reléguant au second plan les expertises scientifiques et médicales.
Par ailleurs, l'article 4 quinquies, qui prévoit la mise en place d'une expertise médicale tous les six mois pour tous les bénéficiaires d'une suspension de peine condamnés à une peine criminelle, risque d'avoir des effets pervers.
Des personnes malades pourront interrompre tout traitement à l'approche de l'expertise semestrielle afin de pouvoir continuer à bénéficier de leur suspension de peine.
L'article 720-1-1 du code de procédure pénale n'a pas eu pour effet de libérer des centaines de détenus. Il a eu simplement le mérite d'introduire un peu d'humanité dans le monde carcéral. Il correspond au principe de respect de la dignité humaine. C'est pourquoi nous demandons la suppression des articles 4 quater et 4 quinquies, qui remettent en cause des dispositions fondées sur la générosité et l'humanisme.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Au début du premier alinéa de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, sont ajoutés les mots : « Sauf s'il existe un risque grave de renouvellement de l'infraction ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission reprend une proposition qu'elle avait déjà formulée lors de l'examen de la loi du 9 mars 2004 et qui, à l'époque, n'avait pas été retenue.
Néanmoins, le moment semble venu de compléter l'article 720-1-1 du code de procédure pénale relatif aux suspensions de peine pour raison médicale en indiquant que, s'il y a un risque grave de renouvellement de l'infraction, cette suspension de peine ne peut pas être acceptée.
Il est difficile d'imaginer tous les cas possibles, mais il y en a un qui est relativement classique et qui a déjà été observé non seulement en France mais dans d'autres pays que nous avons visités : imaginez le chef d'un réseau criminel qui, bien que gravement malade, continue à diriger les opérations. A l'évidence, dans ce cas de grande criminalité organisée, il y a lieu de s'interroger sur la suspension de la peine.
Par conséquent, plutôt que de retenir la rédaction de l'Assemblée nationale, qui évoquait la notion, assez floue, de « trouble exceptionnel à l'ordre public », la commission vous propose de retenir la notion de « risque grave de renouvellement de l'infraction ».
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par MM. Courtois, Lecerf et Goujon, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le deuxième alinéa de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, est complété par les mots « et hors les cas où il existe un risque particulièrement élevé de récidive du condamné ».
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Cet amendement est satisfait par l'amendement n° 6 de la commission. Je signale d'ailleurs que les amendements nos 6, 39 et 51 sont identiques sur le fond. Le seul problème concerne le point d'insertion de la modification, les auteurs de l'amendement estimant que, introduite à la fin du deuxième alinéa, elle facilite la compréhension du texte. En outre, cela évite d'alourdir le premier alinéa de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale.
Quoi qu'il en soit, nous laissons à M. le président de la commission des lois, à M. le rapporteur et à M. le garde des sceaux le choix de l'endroit le plus judicieux.
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour compléter le premier alinéa de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale :
et hors le cas où il existe un risque particulièrement élevé de récidive du condamné.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. A ce stade des débats, je suggère d'en rester à ce qui a été arrêté au sein de la commission des lois et de considérer que, pour le moment, les amendements nos 39 et 51 sont satisfaits par l'amendement n° 6.
Quant aux amendements de suppression nos 50 et 93, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. S'agissant des amendements nos 50 et 93, le Gouvernement émet un avis défavorable, compte tenu du fait qu'il est favorable à l'amendement n° 6.
Je ne l'ai pas caché, je m'en étais remis à la sagesse de l'Assemblée nationale avec une certaine réticence sur cette disposition qui excluait les suspensions de peine pour raisons médicales en cas de risque soit de trouble à l'ordre public, soit de récidive.
La commission ne retient que le risque grave de renouvellement de l'infraction, ce qui me paraît justifié. J'ai en effet entendu un certain nombre d'observations qui m'ont semblé légitimes. Il s'agit d'être plus précis, pour éviter de laisser croire que nous souhaitons revenir sur la loi Kouchner qui, je tiens à le dire, est une bonne loi.
M. Pierre Fauchon. D'autant, monsieur le ministre, que la disposition concernée n'est pas de M. Kouchner : elle est de nous !
M. Charles Gautier. C'est la loi Fauchon !
M. Pierre Fauchon. Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Fauchon, le patronage de M. Kouchner est très honorable : vous devriez être fier d'avoir contribué à cette loi !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je tiens à rassurer le Sénat : cette loi était bonne du temps de M. Kouchner, elle est excellente du temps de M. Fauchon ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous sommes en mesure de garantir la bonne application de ce texte, à la condition que nous soyons raisonnables et que nous prenions en compte, outre le respect de la dignité humaine, la nécessité de protéger la société contre les grands criminels récidivistes.
Au reste, en pratique, dans les cas où l'état de santé de certains condamnés se révèle incompatible avec la détention, s'agissant notamment de personnes atteintes du sida et qui seraient en fin de vie, les cas dans lesquels existerait un risque de récidive seront tout à fait exceptionnels.
Cette modification devrait ainsi avoir un impact très réduit sur le nombre de suspensions de peine accordées. Elle ne devrait concerner que les grands pervers ou les personnes condamnées pour avoir dirigé des groupements mafieux ou terroristes et qui, bien que gravement malades, pourraient reprendre leurs activités si elles étaient libérées.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vous remercie de vos propos, monsieur le garde des sceaux, car il faut effectivement ramener les choses à leur juste proportion : depuis la mise en application de la loi, en 2002, il y a eu 165 suspensions de peine ; un seul cas a posé problème,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On est revenu dessus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne cessons de le répéter !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...et il a été réglé. C'est pour cela que j'y fais référence, car il faut bien prévoir l'éventualité de cas exceptionnels.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est déjà le cas !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non ! Il est donc légitime de le prévoir dans la loi.
Cela étant, paternité pour paternité, cette mesure figurait dans le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur les prisons, publié en 2000.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas du Fauchon, c'est du Hyest ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'était pas une initiative personnelle. Le mérite en revient à tous les membres de la commission d'enquête.
M. Charles Gautier. Remarquablement présidée !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons rencontré en prison des personnes en fin de vie, notamment des personnes âgées qui, souffrant de maladies dégénératives, ne pouvaient pas être maintenues en détention.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comment va Papon ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par conséquent, toutes ces mesures étaient les bienvenues. Vous l'avez souligné avec raison, monsieur le garde des sceaux, il est normal de continuer aujourd'hui dans la voie tracée par la loi Kouchner, qui a été votée, je le souligne, à l'unanimité.
Efforçons-nous d'avoir une position stable et cohérente et ne votons pas des mesures contradictoires, car, sinon, plus personne ne comprendra quoi que ce soit à notre procédure pénale. Cela nous permettra d'agir en toute sérénité.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 50 et 93.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tous les orateurs l'ont laissé entendre : en réalité, la loi Kouchner est appliquée avec une très grande parcimonie. (M. le président de la commission des lois s'exclame.)
Telle est la réalité six ans après la commission d'enquête ! L'amendement Fauchon a été adopté dans le cadre de la loi Kouchner.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sur l'initiative du Sénat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or il s'agissait tout de même d'une loi sur le droit des malades, qui n'avait rien à voir avec une loi pénale. Elle a d'ailleurs été votée en effet à l'unanimité.
Pour autant, il y a encore en prison de nombreux détenus très malades, alors que leur traitement est incompatible avec le maintien en détention.
A en croire certains, si nous ne nous préoccupons pas de traiter les éventuels cas de récidive, nous prendrons le risque de voir libérer énormément de monde. Entendons-nous bien, la disposition porte sur la suspension de peine : à tout moment, les personnes peuvent ainsi être réincarcérées.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or la plupart des condamnés dont la peine a été suspendue meurent dans les trois mois qui suivent. Quant aux « tontons flingueurs », c'est depuis la prison même qu'ils peuvent continuer, même très malades, à diriger leurs activités mafieuses. Par conséquent, les raisons invoquées sont absolument inacceptables.
La loi Kouchner est une loi de santé. Il faut tout de même prendre conscience de la situation des détenus très malades qui sont en fin de vie. En prison, rien n'est prévu pour subvenir à leurs besoins. Aujourd'hui, l'application de cette loi pose vraiment problème, car, en général, des deux possibilités, seule la première, relative au pronostic vital, est retenue, alors que la compatibilité avec le maintien en détention n'est pas prise en compte.
On en fait trop, et il serait sage de revenir au texte initial.
M. Charles Gautier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Je ferai une brève mise au point puisque nombre de nos collègues ne siégeaient pas ici à l'époque : c'est effectivement à l'occasion de la discussion de la loi Kouchner, qui était incontestablement la bienvenue, que j'ai cru pouvoir reprendre une proposition figurant dans un rapport du Sénat. Cette proposition a été votée à l'unanimité, et j'en assume volontiers la paternité, d'autant qu'elle est en général appliquée correctement.
Lors de ce débat, j'avais pris soin de bien préciser la situation visée, à savoir celle d'un condamné atteint d'une pathologie engageant le pronostic vital ou dont l'état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention. J'avais indiqué que le fait d'atteindre un grand âge ne pouvait être assimilé en soi à une telle situation. Toutefois, je ne suis pas persuadé que ces considérations aient été toujours respectées et que certains ne s'en soient pas écartés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour Papon, c'est vrai que les choses se sont passées différemment...
M. Pierre Fauchon. Quoi qu'il en soit, au point où nous en sommes et à la lumière de ce qui s'est passé, il me semble important, comme le disait Mme Borvo il y a un instant, d'en rester à une appréciation aussi technique que possible. C'est une question d'expertise médicale : il faut pouvoir déterminer, au regard de ce qui est prévu dans la loi, si la situation médicale est désespérée ou, du moins, très difficile.
Cela étant, j'admets que le risque de récidive n'est pas à négliger. A ce propos, c'est moi qui ai évoqué en commission la scène de ce fameux film, Les Tontons flingueurs, que je ne me lasse pas de raconter, tant elle est pittoresque : sur son lit de mort, un grand criminel très âgé a convoqué ses complices ; il cache ses bras sous les draps : c'est qu'il tient dans chaque main un revolver ! In articulo mortis, il était donc toujours aussi dangereux !
Certes, en matière de criminalité organisée, certaines personnes peuvent encore arriver à « tirer les ficelles » depuis leur cellule. Mais, jusqu'à nouvel ordre, il faut tout de même admettre que c'est encore plus facile pour elles une fois en liberté.
En tout état de cause, la décision d'introduire une telle exception pour la récidive était assez raisonnable. D'après mes souvenirs, c'est le Sénat qui en avait d'ailleurs pris l'initiative.
Tout au contraire, la situation risque de devenir ingérable si nous acceptons la référence à l'ordre public, une notion en effet pratiquement indéfinissable, car trop vague et, de surcroît, en contradiction avec la conception même de la loi : il s'agit de porter une appréciation médicale, ce qui permet d'obtenir des certitudes. Je le concède, il peut exister un risque élevé de récidive, mais c'est naturellement au juge qu'il reviendra, au final, d'apprécier la situation.
Au demeurant, la décision prise en la matière peut toujours être annulée ; elle n'a qu'un caractère provisoire. Dans ces conditions, vouloir faire référence à l'ordre public, c'est introduire un élément d'incertitude qui est contraire au principe même ayant présidé au vote de cet amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tarte à la crème !
M. Pierre Fauchon. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vos propos sont toujours du meilleur goût !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 et 93.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 quater est ainsi rédigé et les amendements nos 39 et 51 n'ont plus d'objet.
Article 4 quinquies
I. - Avant le dernier alinéa de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si la suspension de peine a été ordonnée pour une condamnation prononcée en matière criminelle, une expertise médicale destinée à vérifier que les conditions de la suspension sont toujours remplies doit intervenir tous les six mois. »
II. - Les dispositions du présent article sont applicables aux suspensions en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, quelle que soit la date de commission des faits ayant donné lieu à la condamnation.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 52 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 94 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 52.
M. Pierre Fauchon. Tarte à la crème !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sans revenir sur les multiples aveux ou désaveux en paternité, je tiens cependant à préciser que la loi Kouchner n'a pas été votée à l'unanimité. Deux sénateurs, en particulier, ont voté contre : M. Fauchon et moi ! (Exclamations amusées sur plusieurs travées.) Nous avions refusé l'ajout d'une disposition liée à l'affaire Perruche.
M. Pierre Fauchon. Hélas ! Episode épouvantable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour une fois, nous étions parfaitement d'accord !
Je reviens sur les termes de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, qui a été introduit par la loi Kouchner : « Le juge de l'application des peines peut à tout moment ordonner une expertise médicale à l'égard d'un condamné ayant bénéficié d'une mesure de suspension de peine en application du présent article et ordonner qu'il soit mis fin à la suspension si les conditions de celles-ci ne sont plus remplies. Il en est de même si le condamné ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées en application des dispositions de l'alinéa précédent. » C'est d'ailleurs ce qui a permis de revenir sur un cas précis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais je n'insisterai pas plus longuement sur ce point.
Alors que nous manquons déjà d'experts et de moyens, voilà que l'article 4 quinquies prévoit d'ajouter à l'article 720-1-1 une condition supplémentaire : « Si la suspension de peine a été accordée pour une condamnation prononcée en matière criminelle, une expertise médicale destinée à vérifier que les conditions de la suspension sont toujours remplies doit intervenir tous les six mois. »
A quoi cela rime-t-il ? Puisqu'il a été décidé de permettre au juge d'ordonner une expertise à tout moment, pourquoi donc prévoir une expertise systématique, surtout pour les cas où il n'y a aucun doute sur l'extrême gravité de l'état de santé du malade, qui se trouve donc dans l'incapacité de faire quoi que ce soit ?
Il n'y a vraiment aucune raison de légiférer ainsi. Si nous ne sommes pas véritablement opposés sur le fond, nous ne comprenons vraiment pas, sur la forme, l'intérêt d'une telle précision.
C'est la raison pour laquelle nous demandons également la suppression de cette disposition.
M. le président. L'amendement n° 94 a été précédemment défendu.
L'amendement n° 123, présenté par Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le I de cet article pour insérer un alinéa avant le dernier alinéa de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, après les mots :
toujours remplies
insérer les mots :
et qui tient compte de la spécificité du caractère évolutif de certaines maladies
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit, en fait, d'un amendement de repli, qui tend à garantir la mise en oeuvre de soins palliatifs et de conditions d'accompagnement des personnes en fin de vie.
La loi du 4 mars 2002 permet aux détenus dont le pronostic vital est engagé ou l'état de santé durablement incompatible avec le maintien en détention de bénéficier d'une suspension de peine. Ce texte devait permettre de libérer des détenus souffrant de pathologies graves telles que le diabète, le sida et les différentes formes de cancer ou de maladies de dégénérescence. Ces dernières touchent les détenus d'un grand âge, qui sont de plus en plus nombreux dans nos prisons.
Selon des sources récentes, sur 60 000 détenus dans nos établissements pénitentiaires, 470 seraient âgées de plus de soixante-dix ans, dont dix de plus de quatre-vingts ans. Pour eux, la prison est totalement inadaptée, à la fois en termes de soins et d'aménagements intérieurs. Or la majorité des détenus présentant de telles conditions d'âge ou souffrant de ces pathologies très graves à caractère évolutif ne bénéficient pas, en pratique, des dispositions de la loi du 4 mars 2002.
Les libérations accordées au titre de ce texte l'ont été au compte-gouttes. Dans les faits, la loi est appliquée avec une telle rareté qu'elle reste dans l'ensemble ineffective.
A l'heure actuelle, un nombre très important de condamnés se retrouvent derrière les barreaux de nos prisons sans soins palliatifs adéquats, et ce alors que certains états pathologiques exigent de façon inconditionnée un arrêt de la détention et que nous constatons que le milieu clos carcéral ultrasécurisé, encore plus surpeuplé, violent et insalubre influe de façon nécessairement pathogène sur l'ensemble de la vie, tant psychique que somatique, de ceux qui sont enfermés.
Les condamnés dans cette situation se trouvent alors victimes d'une double, voire d'une triple peine. A leur condamnation à l'incarcération s'ajoute celle de souffrir terriblement, voire de mourir dans des conditions indignes de notre système carcéral et de notre République.
Le présent article ne fait que renforcer l'impératif de répression qui domine l'ensemble des dispositions de cette proposition de loi et qui contredit directement l'exigence de soins qu'impliquent de telles pathologies et situations.
Ce n'est pas en maintenant des personnes plus longtemps en prison, en refusant de suspendre la peine de celles qui souffrent de pathologies évolutives et en remettant derrière les barreaux celles qui, justement du fait de leur libération, iraient mieux ou moins mal, que l'on lutte efficacement contre la récidive.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le paragraphe II de cet article.
Qui le soutient ?...
Je considère qu'il est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements en discussion commune ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Pour ce qui concerne l'expertise médicale intervenant tous les six mois afin de vérifier si les conditions de la suspension de la peine sont toujours réunies, deux cas de figure doivent être envisagés.
Dans un premier cas, malheureux, l'individu décède au bout de six mois, car son pronostic vital était très compromis. L'abandon ou le maintien de la mesure susvisée n'aura donc pas d'incidence dans cette hypothèse.
Dans un second cas, plus heureux, l'état de santé de la personne ayant bénéficié d'une réduction de peine connaît une évolution favorable. Il est alors normal que l'on puisse s'interroger sur le maintien de la suspension de peine. Je reconnais qu'il peut être délicat de devoir annoncer à la personne tout à la fois la bonne nouvelle de sa santé recouvrée et la mauvaise nouvelle de sa réincarcération prochaine, mais c'est la loi, et c'est la vie aussi.
La commission estime qu'une expertise médicale tous les six mois est une bonne mesure. Elle émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 52 et 94.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 123, car la précision que propose d'apporter Mme Boumediene-Thiery apparaît redondante dès lors que l'expertise médicale a précisément pour objet d'évaluer l'évolution de la maladie.
La commission émet le même avis défavorable sur l'amendement n° 53.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 52 et 94, ainsi qu'aux amendements nos 123 et 53.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 et 94.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 53.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, cet amendement n'a pas été défendu !
M. le président. Mon cher collègue, j'ai interrogé l'assemblée pour savoir qui le défendait.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai été distrait par M. le président de la commission, mais je tiens à apporter quelques explications.
Cela étant, je suis sûr que mon intervention ne modifiera en rien le sens du vote des membres de la majorité sénatoriale, qui s'apprêtaient à voter contre cet amendement sans savoir même de quoi il s'agissait.
Le paragraphe II de l'article 4 quinquies prévoit le caractère rétroactif de la mesure envisagée, à savoir l'expertise médicale tous les six mois. Quel élément justifierait la rétroactivité en l'espèce ?
En matière pénale et en matière de procédure pénale, nous sommes a priori contre la rétroactivité, surtout lorsqu'il s'agit de rendre systématique tous les six mois une expertise alors que, d'ores et déjà, une telle expertise peut être ordonnée à tout moment.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne craint pas de se répéter !
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 quinquies.
(L'article 4 quinquies est adopté.)
Article 5
L'article 721 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « suivantes et » sont insérés les mots : «, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, » ;
2° Le même alinéa est complété par les mots : « ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut toutefois excéder deux mois. » ;
3° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le crédit de réduction de peine est calculé à hauteur de deux mois la première année, d'un mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de cinq jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux cinq jours par mois ne peut toutefois excéder un mois. Il n'est cependant pas tenu compte des dispositions du présent alinéa pour déterminer la date à partir de laquelle une libération conditionnelle peut être accordée au condamné, cette date étant fixée par référence à un crédit de réduction de peine qui serait calculé conformément aux dispositions du premier alinéa. » ;
4° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le retrait prévu par le troisième alinéa du présent article est alors de deux mois maximum par an et de cinq jours par mois. » ;
5° Dans l'avant-dernier alinéa, les mots : « du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « du premier ou du deuxième alinéa » et les mots : « du deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « du troisième alinéa ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 95 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 54.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous abordons le difficile problème du système de réduction de peine régi essentiellement par les articles 721 et 721-1 du code de procédure pénale.
La loi Perben II avait déjà limité les possibilités de réductions de peine supplémentaires au titre de l'article 721-1. Aujourd'hui, il nous est proposé de réduire de nouveau ces possibilités au titre de l'article 721 du même code.
Sauf à considérer que les récidivistes ont moins de capacités à se réinsérer - pourquoi alors élaborer tant de lois ? -, aucune raison ne justifie l'introduction de difficultés supplémentaires dans leur processus de réinsertion.
Par conséquent, nous proposons la suppression de l'article 5 qui rendrait encore plus difficile la réinsertion.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 95.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. A la suite du rétablissement par l'Assemblée nationale de l'article 5 précédemment supprimé en première lecture par le Sénat, il est nécessaire de répéter que limiter les réductions de peine revient ipso facto à maintenir plus longtemps les personnes condamnées en prison, et l'on sait ce qu'il en est de l'emprisonnement !
Vous savez que les condamnations prononcées, notamment à l'encontre des récidivistes, sont de plus en plus lourdes. L'aménagement de leur peine est également plus difficile à obtenir. Le postulat selon lequel notre justice serait laxiste est donc complètement erroné. Historiquement, on peut d'ailleurs le constater.
Dans le même temps, plusieurs études ont démontré les méfaits non seulement de la prison sur la récidive, mais aussi des « sorties sèches » sans qu'aucun aménagement ou accompagnement soit proposé au détenu durant ou après sa peine d'emprisonnement.
Je propose que ce soir la Haute Assemblée réitère son vote de première lecture.
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par M. Béteille, est ainsi libellé :
I - Rédiger ainsi le 1° de cet article :
1° - Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Chaque condamné peut bénéficier d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois la première année, de deux mois pour les années suivantes et pour une peine de moins d'un an ou par la partie de peine inférieure à un an de sept jours par mois. Pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux cinq jours par mois ne peut excéder deux mois. Elle est accordée par le juge de l'application des peines. »
II - En conséquence, supprimer le 2° de cet article.
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Il y a un certain paradoxe à ce que les juridictions de jugement, tribunaux correctionnels ou cours d'assises, prononcent des condamnations à une certaine durée d'emprisonnement et qu'avant même de connaître le comportement du détenu en prison, on puisse immédiatement ramener cette durée de douze mois à neuf mois, par exemple.
C'est la raison pour laquelle je propose de revenir à un dispositif qui existait auparavant pour considérer que, même si chaque condamné peut bénéficier d'un crédit de réduction de peine, une telle réduction doit être accordée eu égard à sa bonne conduite par un juge de l'application des peines.
Le dispositif gagnerait à la fois en clarté, car chacun doit pouvoir comprendre la décision prononcée par la juridiction pénale, et en pédagogie.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer les cinq derniers alinéas (3° à 5°) de cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 54 et 95, ainsi que sur l'amendement n° 121.
M. François Zocchetto, rapporteur. En première lecture, nous avions fait observer que, en l'état du droit, plusieurs dispositions rendaient d'ores et déjà moins favorable le régime de détention des récidivistes, ce qui est fort heureux. J'en veux pour preuve que le récidiviste encourt un doublement de la peine prévue.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. François Zocchetto, rapporteur. Ce point mérite d'être rappelé, car les juges oublient peut-être un peu trop souvent cette faculté, qui devrait rester la règle de base.
La commission ne souhaite pas compliquer le dispositif. En effet, un système d'anticipation des crédits de réduction de peine dès le prononcé de la peine pourrait susciter des condamnations que l'opinion publique ne comprendrait pas : le juge, sachant que le récidiviste ne bénéficierait pas des crédits de réduction de peine, pourrait prononcer à son égard la même sanction que celle qu'il destinerait à un primo-délinquant. C'est une très mauvaise solution en termes d'affichage et de lisibilité pour l'opinion.
La commission propose de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture, qui limite le dispositif du crédit de réduction de peine, tout en maintenant les deux premiers alinéas de l'article 5, tels qu'ils résultent des travaux de l'Assemblée nationale, parce qu'ils apportent un complément d'information utile. En effet, il semblerait que la loi du 9 mars 2004 comporte une imprécision, situation qui, exploitée par les avocats de certains détenus, conduit à une interprétation abusive dudit texte.
La commission est donc défavorable aux amendements identiques nos 54 et 95 qui tendent à supprimer tout l'article 5, alors que la première partie de ce texte est indispensable pour éviter toute ambiguïté.
Je salue le dépôt de l'amendement n° 121, dans la mesure où il reflète une discussion importante qui a eu lieu au sein de la commission des lois voilà quelques jours.
Concernant le système du crédit de réduction de peine lui-même, nous nous sommes interrogés, un peu tardivement, il faut bien le reconnaître, sur les raisons pour lesquelles nous avions voté ce dispositif dans le cadre de la loi du 9 mars 2004.
Je crois utile de rappeler que, dans le système antérieur à ladite loi, les réductions de peine étaient accordées en pratique à tous les détenus, dès leur entrée en prison, ce qui leur permettait de calculer la durée prévisible de leur incarcération. Par conséquent, la loi du 9 mars 2004 n'a pas modifié en profondeur le dispositif.
Partant de ce constat, notre collègue député M. Warsmann avait suggéré la mise en place d'un crédit de réduction de peine qui avait l'avantage de faciliter le travail du greffe pénitentiaire.
Par ailleurs, l'automaticité du crédit de réduction de peine connaît un tempérament dans la mesure où le juge de l'application des peines peut décider du retrait de ce crédit en cas de mauvaise conduite du condamné.
Enfin, en pure opportunité, il paraît assez difficile aujourd'hui de supprimer brutalement ce système de réduction de peine sans créer de fortes tensions dans le milieu carcéral. C'est pourquoi, monsieur Béteille, la commission vous suggère, une fois que vous aurez entendu les explications de M. le garde des sceaux, de retirer l'amendement n° 121, car, même si ce dispositif doit être profondément modifié, les conditions ne sont pas réunies ce soir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements en discussion commune ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je suis défavorable à l'amendement n° 54 pour les mêmes raisons que M. le rapporteur. Votre « erreur de plume », monsieur Dreyfus-Schmidt, a fait couler beaucoup d'encre : alors qu'il faut absolument régler le problème de la récidive, vous supprimez l'article entier d'un trait ! Il m'est impossible de vous suivre.
Je suis naturellement défavorable à l'amendement identique n° 95.
S'agissant de l'amendement n° 121, M. Laurent Béteille souhaite que les crédits de réduction de peine soient calculés en fonction du comportement des personnes condamnées.
Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur le principe même du crédit de réduction de peine, adopté en 2004 et entré en vigueur en janvier 2005 ; il souhaite simplement le limiter pour les récidivistes.
Le crédit de réduction de peine doit demeurer une mesure accordée de plein droit à toute personne condamnée, qui peut lui être retirée en cas de mauvaise conduite. Ce principe ne fait que consacrer les pratiques antérieures. En effet, les réductions de peine pour bonne conduite, qui ont été remplacées par le crédit de réduction de peine, étaient systématiquement accordées par les juges de l'application des peines : ceux-ci ne les refusaient qu'en cas d'incident survenu au cours de la détention. L'article 5 ne fait que clarifier et simplifier le système.
Par ailleurs, les JAP n'hésitent pas, si cela s'avère nécessaire, à supprimer les crédits de réduction de peine en cas de mauvaise conduite du condamné. Cependant, ce mécanisme ne datant que de quelques mois, nous ne disposons pas encore de statistiques précises.
J'ajoute que le Gouvernement est partisan, comme l'Assemblée nationale, et à la différence de la commission des lois du Sénat, d'une limitation de la durée du crédit de réduction de peine pour les récidivistes.
Enfin, je le dis très clairement, je suis totalement défavorable à l'amendement n° 7 de la commission. En effet, si vous adoptiez cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est l'ensemble de la proposition de loi qui s'effondrerait sur sa base, dans la mesure où toute différence de traitement entre les primo-délinquants et les récidivistes est supprimée d'un trait de plume.
Je le répète, je suis fermement opposé à la suppression de ces alinéas. Je sais que la tradition consiste à suivre la commission. Si tel devait être le cas, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne discuterions plus du même texte, mais d'un autre !
Cet amendement supprime en effet toute différence de traitement entre les primo-délinquants et les récidivistes en matière de crédit de réduction de peine.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La peine est déjà doublée !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Or, comme je l'ai rappelé dans mon propos introductif, le Gouvernement cherche à rétablir l'effectivité des peines. La diminution du crédit de réduction de peine pour les récidivistes participe de cet objectif, au même titre que la limitation des sursis avec mise à l'épreuve.
Cette différence de traitement entre récidivistes et primo-délinquants existe de la même façon en matière de réduction de peines complémentaires : l'article 721-1 du code de procédure pénale dispose que celles-ci ne peuvent excéder « deux mois par année d'incarcération ou quatre jours par mois lorsque la durée d'incarcération restant à subir est inférieure à une année », et ce pour un récidiviste, contre respectivement trois mois et sept jours pour un primo-délinquant.
Sur cet amendement n° 7, je demande donc au Sénat de ne pas suivre, exceptionnellement, sa commission des lois.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 54 et 95.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par notre amendement n° 54, nous proposions de supprimer la totalité de l'article 5. Nous allions donc beaucoup plus loin que la commission.
Selon nous, en effet, la suppression totale des réductions automatiques de peine et la mise en place d'un dispositif d'aménagement systématique des peines en fonction de la personnalité du condamné, de sa conduite et des actes qu'il est susceptible de commettre, seraient infiniment préférables.
Mais je souhaite réagir aux propos, incroyables, que vient de tenir M. le garde des sceaux.
Je ne sais pas si M. Clément réussira à convaincre les membres de la commission des lois qui appartiennent à la majorité, mais je tiens à dire ici que la commission des lois, unanime, avait admis qu'il existait une différence essentielle de traitement entre les récidivistes « nouvelle manière » - ce ne sont plus exactement des récidivistes - et les primo-délinquants : le doublement possible de la peine. Pire encore, dans les cas les plus graves, il ne peut plus y avoir qu'un seul sursis avec mise à l'épreuve et, dans les autres cas, deux sursis avec mise à l'épreuve. On nous a parlé de cas de multirécidivistes condamnés dix fois à un sursis avec mise à l'épreuve : je mets au défi quiconque de nous apporter la preuve d'une telle décision judiciaire !
La différence de traitement entre récidivistes et primo-délinquants est donc déjà énorme.
Et l'article 5 prévoit en plus de limiter le crédit de réduction de peine pour les condamnés récidivistes. Il s'agit là d'une double peine, puisque l'on punit deux fois pour les mêmes faits ! Ce n'est pas cela, la justice, c'est de la mauvaise justice ! C'est pourquoi, en commission, j'y insiste, la majorité et nous-mêmes étions unanimes pour refuser cette peine supplémentaire.
M. le garde des sceaux prétend que la proposition de loi tout entière va s'écrouler. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
Si le Sénat devait suivre la commission, le Gouvernement ne pourrait pas retirer ce texte, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi. Je lui suggère néanmoins de s'abstenir de l'inscrire à l'ordre du jour des travaux parlementaires. Mais ce n'est qu'une suggestion...
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54 et 95.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Béteille, l'amendement n° 121 est-il maintenu ?
M. Laurent Béteille. Mon intention n'est pas de revenir sur le principe actuel selon lequel la réduction de peine est la règle et le refus de l'accorder, l'exception.
J'accepte de retirer mon amendement, mais je maintiens que, pour des raisons d'affichage et de compréhension des décisions de justice, en particulier de celles qui sont rendues par les jurys populaires, il est tout à fait regrettable de ne pas matérialiser cette réduction de peine - prononcée effectivement de façon presque systématique - par un écrit signé du juge de l'application des peines. Une telle démarche aurait traduit la volonté d'appliquer cette décision de justice telle qu'elle a été prononcée.
Si je comprends les raisons invoquées par M. le garde des sceaux, je prends date dans cette affaire et j'attends avec intérêt les premières statistiques qu'il a évoquées. J'espère que nous pourrons en prendre connaissance bientôt et je n'hésiterai pas à en formuler la demande devant la Haute Assemblée.
Pour l'heure, je retire l'amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous nous sommes interrogés en commission sur les réductions automatiques de peines. M. le rapporteur a très bien expliqué que celles-ci existaient d'ores et déjà dans la réalité et qu'elles avaient été simplement traduites dans la proposition de loi.
Pour ma part, je comprends la position de M. Laurent Béteille et j'aurais tendance à préférer moi aussi des réductions de peine après examen du dossier à des réductions accordées de façon automatique.
J'ai lu trois fois la rédaction de l'Assemblée nationale et je ne suis pas certain de l'avoir bien comprise. Elle était claire en première lecture, mais beaucoup moins en deuxième ...
Ainsi, le 3° de l'article 5 prévoit d'ajouter un alinéa au sein de l'article 721 dont la dernière phrase est ainsi libellée : « Il n'est cependant pas tenu compte des dispositions du présent alinéa pour déterminer la date à partir de laquelle une libération conditionnelle peut être accordée au condamné, cette date étant fixée par référence à un crédit de réduction de peine qui serait calculé conformément aux dispositions du premier alinéa ».
Si je comprends bien, dans un premier temps, on ne tient pas compte de ces dispositions, mais on en tient compte après !
Monsieur le garde des sceaux, je comprends votre opposition. Vous estimez, et c'est normal, que l'amendement n° 7 de la commission remet complètement en cause l'esprit du texte. Cependant, il ne faut pas exagérer : cette proposition de loi contient bien d'autres mesures, et heureusement !
La commission des lois du Sénat a adopté une position. Je comprends que celle-ci puisse poser problème, mais nous aurons une commission mixte paritaire dans quelques jours.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si !
Je tiens à vous le dire, monsieur le garde des sceaux, certains de nos collègues députés ont eu des mots extrêmement désagréables sur le travail du Sénat et ont déformé la position de notre assemblée en première lecture.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils ont même dit que vous étiez d'accord avec eux, monsieur Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J'étais effectivement d'accord sur un certain nombre de points ! Et j'essaie en général de faire en sorte que les choses avancent.
Certes, mes collègues sont libres de voter comme ils l'entendent, mais nous sommes aussi tenus par la décision prise par la commission des lois.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De toute façon, monsieur le garde des sceaux, vous obtiendrez satisfaction.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président de la commission, tous les arguments de fond sont respectables, mais je n'apprécie pas l'argument tactique qui consiste à renvoyer la discussion à une négociation ultérieure en commission mixte paritaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n'ai pas dit cela !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cela revient à peu près au même !
Je vous le dis franchement, si cette proposition de loi était d'origine sénatoriale, je demanderais avec vigueur à l'Assemblée nationale d'admettre la philosophie du Sénat, comme aujourd'hui je vous demande de respecter celle de l'Assemblée nationale. A moins que vous n'apparteniez pas à la même majorité que vos collègues députés ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes pas d'accord, un point c'est tout !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il se trouve que cette proposition de loi a été déposée par l'Assemblée nationale. Demain, un autre texte viendra peut-être du Sénat.
Tout l'esprit de la proposition de loi de l'Assemblée nationale peut être résumé dans cette phrase : on ne traite pas un récidiviste comme un primo-délinquant. Si vous décidez de traiter de la même manière ces deux types de délinquant, je maintiens que c'est tout le texte qui s'écroule.
Je demande donc que l'on respecte l'esprit de la proposition de loi de l'Assemblée nationale. Prendre une position contraire signifierait qu'il existe un vrai désaccord dans la majorité entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Vous ne me ferez pas croire que vous pourrez, dans ces conditions, trouver un accord en commission mixte paritaire ! Ce débat se conclura donc à l'Assemblée nationale, et par un vote non conforme: voilà ce que vous êtes en train de préparer !
Je trouve cette position extrêmement préoccupante sur le plan politique, voire grave, et je vous demande d'y renoncer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a plus de Parlement !
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Monsieur le garde des sceaux, je suis désolé de devoir le préciser, nous examinons en cet instant une proposition de loi qui a été modifiée à de multiples reprises.
Si j'ai bien lu le texte figurant en annexe du rapport de M. Zocchetto, les dispositions dont la commission demande la suppression ne figuraient pas dans le document soumis en première lecture au Sénat. Il n'y a donc pas de conflit entre la proposition de loi déposée en première lecture à l'Assemblée nationale et le texte dont nous débattons ce soir, qui est constitué de dispositions ajoutées avant la deuxième lecture.
Il n'y a donc pas plus de conflit entre le Sénat et l'Assemblée nationale dans la mesure où il s'agit, en fait, d'un autre texte !
Le problème, persistant depuis le début de la discussion de cette proposition de loi, réside plutôt dans le fait qu'entre le texte dont nous avons débattu au Sénat en première lecture, et qui a fait l'objet d'un vote assez large, et celui que nous examinons en deuxième lecture, toute une série de modifications sont intervenues, sur la teneur desquelles j'ai quelques doutes.
Il convient donc de conforter la commission des lois dans la position qu'elle a adoptée et qui n'est nullement attentatoire au texte de première lecture !
M. Hugues Portelli. Monsieur le garde des sceaux, je ne fais que lire les textes qui nous sont soumis et que j'ai votés !
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je ne voterai pas l'amendement que présente M. Zocchetto au nom de la commission des lois.
Je fais partie de cette commission, mais je n'étais pas présent - pardonnez-moi, mes chers collègues - lorsque cet amendement a été discuté...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dommage !
M. Charles Gautier. Ponce -Pilate !
M. Jean-René Lecerf. ...et je n'ai donc pas l'impression de revenir sur une opinion que j'aurais pu émettre.
Pourquoi ne voterai-je pas l'amendement n° 7 ?
D'abord, je ne comprends pas l'intervention de mon collègue Hugues Portelli. Il est professeur d'université et je ne suis qu'assistant, mais, lorsque je lis le tableau comparatif des textes adoptés au fil des différentes lectures, je dois bien constater que le seul point important dont nous discutons en ce moment, à savoir la limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes, était déjà inscrit dans la proposition de loi initiale.
Sur ce point, donc, il n'y a eu aucun changement entre la proposition de loi initiale et le texte dont nous sommes saisis à l'issue de la deuxième lecture par l'Assemblée nationale.
M. Hugues Portelli. Non !
M. Jean-René Lecerf. Certes, des précisions ont été apportées, mais l'essentiel, c'est-à-dire la limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes, figurait bien dans la proposition de loi initiale.
Ce qui nous oppose n'est en rien un problème de positionnement politique.
Ainsi, en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, la réintroduction de la limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes avait fait l'objet de deux amendements, présentés l'un par le rapporteur de la proposition de loi, M. Gérard Léonard, l'autre par le porte-parole du groupe socialiste, M. Christophe Caresche.
Il se trouve en outre que l'amendement de M. Caresche, qui était plus large, a modifié de manière particulièrement opportune le dispositif initialement proposé,...
M. Jean-René Lecerf. ...de sorte que le Sénat n'aurait même pas à se récuser par rapport à sa première appréciation s'il venait à approuver les dispositions votées en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.
Cet amendement tel qu'il a été adopté apporte en effet une précision qui me paraît tout à fait fondamentale et sur laquelle je suis extrêmement fier d'attirer l'attention du président de la commission des lois. Alors que, d'habitude, c'est lui qui comprend des choses que je ne comprends pas, j'ai, tout à fait exceptionnellement, l'impression de comprendre ici un point à propos duquel il a dit tout à l'heure éprouver un sentiment de confusion.
L'Assemblée nationale a ainsi précisé qu'il ne serait pas tenu compte des dispositions relatives à la limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes si la personne en situation de récidive - qui ne devrait donc pas bénéficier d'une réduction de peine si nous suivons l'Assemblée nationale -sollicitait une libération conditionnelle, libération conditionnelle que, collectivement, nous ne pouvons par ailleurs que souhaiter encourager puisque nous estimons que c'est l'une des meilleures garanties contre la récidive.
Autrement dit, voilà une disposition qui va réellement dans le sens de la lutte contre la récidive puisqu'elle fournira des arguments particulièrement intéressants pour engager des personnes qui préféreraient épuiser totalement la peine à laquelle elles ont été condamnées, de façon à ne pas s'embarrasser des charges de la libération conditionnelle, à solliciter cette dernière. Une telle disposition accroîtrait les chances d'éviter des récidives qui seraient, sinon, à redouter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas dans le texte !
M. Jean-René Lecerf. Je crois donc que l'on peut ne pas voter l'amendement de M. Zocchetto sans pour autant être en contradiction avec le vote du Sénat en première lecture.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Chacun ici a pu s'en rendre compte, je ne comprends sans doute pas grand-chose au droit,...
M. Jean-René Lecerf. J'ai dit le contraire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...mais je n'en remercie pas moins M. Lecerf de l'explication qu'il vient de donner sur ce complément relatif aux libérations conditionnelles apporté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. C'est en effet très intéressant, et peut-être ne sommes-nous pas allés jusqu'au bout du raisonnement en ce qui concerne ce texte.
En conséquence, monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes pour fixer, avec certain de mes collègues, notre position, et je tiens à préciser, monsieur le garde des sceaux, que ce sont les propos de M. Lecerf, et aucune autre raison, qui me conduise à formuler cette demande.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il fallait renvoyer le texte en commission !
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le président de la commission, mais, auparavant, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends assez mal le discours de M. le ministre et la justification de la forte pression qu'il s'emploie à faire peser sur notre assemblée.
Mes chers collègues, dans un régime bicaméral comme le nôtre, chacune des deux assemblées est libre de déterminer ses positions. Le Sénat est ainsi libre de déterminer ses positions sur la proposition de loi initiale ainsi que sur les textes issus de la première lecture de l'Assemblée nationale, de la première lecture du Sénat et de la deuxième lecture de l'Assemblée nationale.
Ce sont autant d'éléments d'appréciation que nous avons examinés en commission ; le rapport de M. François Zocchetto traduit la position de celle-ci dans son ensemble. Or, en page 48 de ce rapport, je relève cette citation : « Le Sénat avait observé qu'en l'état du droit plusieurs dispositions rendaient d'ores et déjà moins favorable le régime de détention des récidivistes - ne serait-ce que par le fait même que le récidiviste encourt en principe un doublement de la peine pour l'infraction en cause. »
Monsieur le garde des sceaux, vous ne pouvez donc pas dire, en appelant à l'unité de l'UMP comme vous le faites, que la position du rapporteur ne doit pas être suivie, car ce n'est pas la position du rapporteur : c'est la position de la commission des lois du Sénat.
Vous ne pouvez pas davantage dire que, si la position de la commission des lois du Sénat était suivie par le Sénat, toute distinction entre les récidivistes et ceux qui ne le sont pas serait abolie, puisque le doublement de la peine encourue est déjà prévu et qu'il n'est pas remis en cause.
Par ailleurs, je rappelle que la commission avait considéré la limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes comme une mesure inopportune. Permettez-moi de poursuivre ma citation : « Le Sénat s'était en outre interrogé sur l'opportunité de cette mesure alors même que l'augmentation régulière de la population pénitentiaire reste un sujet de préoccupation. Ces considérations avaient conduit notre assemblée à supprimer cet article. Ces considérations ont conservé toute leur pertinence. En outre, la limitation du crédit de réduction de peine aurait pour effet automatique de raccourcir la durée de la surveillance judiciaire que le Gouvernement propose d'instituer comme un instrument de prévention de la récidive et dont la durée maximale correspond précisément au crédit de réduction de peine. »
La commission a donc mené un travail approfondi, raison pour laquelle j'ai été quelque peu étonné, monsieur le président de la commission, par votre première intervention. Vous avez certes défendu la position de la commission, et je vous en remercie, mais votre conclusion était assez sibylline. Vous avez en effet conclu en disant : « De toute façon, monsieur le ministre, vous aurez satisfaction ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne comprends pas : ou vous défendez la position de la commission des lois et, pour les raisons de fond qui ont été exposées, M. le garde des sceaux n'aura pas satisfaction sur ces quelques alinéas, ou vous ne la défendez pas.
Je conclus donc mon intervention - en vous priant d'excuser sa longueur, mais le sujet est, on le voit, d'une importance considérable - en m'adressant à vous, monsieur le président de la commission : vous venez de demander une interruption de séance pour procéder à des consultations, mais cette affaire concerne toute la commission des lois et j'ai donc l'honneur de vous demander de bien vouloir réunir celle-ci.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiens cette demande !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n'ai pas demandé à réunir la commission des lois, j'ai demandé une suspension de séance. Point !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 26 octobre 2005, à une heure dix, est reprise à une heure quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la suite des explications de vote sur l'amendement n° 7, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Il s'agit ici d'un problème essentiel : dans la mesure où le régime des réductions de peines est parfaitement incompréhensible de l'extérieur, il faudrait, en effet, le revoir entièrement. Si l'on voulait être cohérent, il faudrait écrire : « Toute la peine est exécutée » avec, pour complément, « Toutes les peines font l'objet d'un aménagement ».
Dans la mesure où il n'y a pas plus de 80 % des peines qui sont aménagées, durcir encore le dispositif revient à le rendre encore plus inefficace. Donc, dans l'attente de cette refonte, il est bon de suivre les propositions de M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On aurait tout de même aimé savoir où en était M. le président de la commission des lois de sa réflexion !
La commission des lois a, en connaissance de cause, voté un amendement ; c'est celui qu'elle vous propose ici. M. Lecerf, qui nous a beaucoup manqué au cours de nos travaux en commission, nous dit en séance publique des choses qui ne sont pas du tout dans le texte : je ne lis nulle part que la liberté conditionnelle sera accordée à ceux qui la demanderont.
M. Jean-René Lecerf. Je vais vous lire le texte !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas dans le texte !
En tout cas, si M. le président de la commission des lois a l'intention de modifier l'amendement ou de proposer une modification, il se doit de réunir la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne l'ai pas proposé et je ne le propose pas!
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais moi, je le demande fermement ! Il y a un amendement de la commission des lois. Si la commission des lois veut revenir sur sa position, elle en a le droit, mais qu'elle le décide au grand jour ! A défaut, monsieur le président de la commission des lois, on va déclarer votre empêchement et demander qu'un vice-président convoque la commission des lois.
C'est absolument inadmissible !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous en prie !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je le répète, si le président de la commission des lois entend modifier une position adoptée par la commission des lois, il est absolument inadmissible qu'il le fasse en catimini et sans même nous dire la position qu'il a finalement arrêtée après avoir consulté ses amis et sans même réunir ladite commission.
C'est tout à fait scandaleux, et je tiens à le dénoncer hautement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n'ai pas à réunir la commission des lois puisque l'amendement est maintenu. Mais il appartient au Sénat de se prononcer compte tenu des explications qui ont été données. Cela a toujours été le cas, monsieur Dreyfus-Schmidt, c'est l'assemblée qui vote, éclairée par tous les échanges.
Il revient au Sénat, maintenant éclairé, de se prononcer en toute liberté sur l'amendement de la commission des lois. Et nous verrons bien quel sera le résultat du vote.
Il n'y a pas de scandale, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous verrons si vous le votez !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n'y a pas de scandale, monsieur Michel Dreyfus-Schmidt !
M. le président. C'est ce que j'essayais de faire entendre à notre collègue, monsieur le président de la commission.
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, j'ai été mis en cause, et je demande la parole pour un fait personnel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, les mises en cause, c'est en fin de séance !
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. On m'accuse d'avoir, pour obtenir une décision qui n'est pas souhaitée par M. Dreyfus-Schmidt, menti sur le contenu du texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Je serai plus bref que M. Sueur, qui nous a lu tout à l'heure une partie du rapport de M. Zocchetto.
Il est écrit noir sur blanc dans le texte adopté par l'Assemblée nationale : « Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le crédit de réduction de peine est calculé à hauteur de deux mois la première année (...). Il n'est cependant pas tenu compte des dispositions du présent alinéa pour déterminer la date à partir de laquelle une libération conditionnelle peut être accordée au condamné, cette date étant fixée par référence à un crédit de réduction de peine qui serait calculé conformément aux dispositions du premier alinéa. » Autrement dit, dans ce cas-là, la réduction est calculée de manière classique.
Donc, je n'ai pas menti. C'est écrit noir sur blanc !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne veut pas dire du tout ce que vous en avez conclu !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ni le président de la commission ni le rapporteur ne votent l'amendement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'êtes pas très assuré, monsieur Lecerf !
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. Je rappelle que l'article 5 bis a été réservé jusqu'après l'article 8 bis A.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
TRANSMISSION De PROJETs DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 39, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre les Gouvernement de la République française, de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord et du Royaume des Pays-Bas, relatif à la coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 40, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (ensemble trois annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 41, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif aux ensembles de lancement et aux installations associées de l'agence au Centre spatial guyanais (ensemble trois annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 42, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de MM. Thierry Repentin, Jean-Pierre Plancade, Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Bricq, MM. André Lejeune, Daniel Percheron, Roland Courteau, Jean Besson, Jean-Pierre Caffet, Bernard Piras, Jean-Marc Pastor, Yves Krattinger, Pierre-Yvon Trémel, Michel Teston, Jean-Pierre Masseret, Mmes Bariza Khiari, Odette Herviaux, Catherine Tasca, MM. Serge Lagauche, Roger Madec, David Assouline, André Vantomme, Jean-Claude Peyronnet, Bertrand Auban, Bernard Frimat, Jean-Marc Todeschini, Mmes Patricia Schillinger, Josette Durrieu, Jacqueline Alquier, Gisèle Printz, Michèle San Vicente, MM. Jean-François Picheral, Simon Sutour, Robert Badinter, Roland Ries, Daniel Raoul, François Marc, Mme Sandrine Hurel, MM. André Vézinhet, Jean-Pierre Sueur, Claude Lise, Serge Larcher, Louis Le Pensec, Mme Marie-Christine Blandin et les membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi portant mesures d'urgence en faveur du logement pour tous.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 38, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Claude Biwer une proposition de loi visant à diminuer les prix des carburants en supprimant la TVA s'appliquant à la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 43, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
8
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord de partenariat entre la Communauté européenne et les Etats fédérés de Micronésie concernant la pêche dans les Etats fédérés de Micronésie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2979 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre Vert : Améliorer la santé mentale de la population : Vers une stratégie sur la santé mentale pour l'Union européenne.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2980 et distribué.
9
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de M. Gérard César un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation agricole (n° 26, 2005-2006).
Le rapport sera imprimé sous le n° 45 et distribué.
10
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre Masseret un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat sur les travaux de la Délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au cours de la troisième partie de la session ordinaire de 2005 de cette Assemblée, adressé à M. le président du Sénat, en application de l'article 108 du règlement.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 44 et distribué.
J'ai reçu de M. Henri Torre un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le rapport de la Cour des comptes relatif aux fonds octroyés aux organisations non gouvernementales (ONG) françaises par le ministère des affaires étrangères.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 46 et distribué.
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ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 26 octobre 2005 :
A quinze heures :
1. Suite de la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n° 23, 2005-2006), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
Rapport (n° 30, 2005-2006) de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A vingt et une heures trente :
2. Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Michel Thiollière relative au renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale (n° 224, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 26 octobre 2005, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution de MM. Josselin de Rohan, Henri de Raincourt, André Dulait et des membres du groupe UMP tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine (n° 10, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 26 octobre 2005, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles sur les propositions de loi de :
- Mme Annie David et plusieurs de ses collègues tendant à modifier l'article 40 de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école relatif au lieu d'exercice des délégués départementaux de l'éducation nationale (n° 483, 2004-2005) ;
- MM. Jean-Claude Carle, Jacques Valade et plusieurs de leurs collègues relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale (n° 511, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 26 octobre 2005, à dix-sept heures.
Débat de contrôle budgétaire sur la gestion de la dette dans les Etats de l'Union européenne ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 26 octobre 2005, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à une heure vingt.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD