Art. 4
Dossier législatif : projet de loi de sauvegarde des entreprises
Art. 5

Article additionnel avant l'article 5

M. le président. L'amendement n° 378, présenté par Mmes Assassi,  Mathon,  Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 421-1 du code du travail sont supprimés.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement vise à supprimer le seuil des onze salariés en deçà duquel l'élection de représentants du personnel dans une entreprise n'est pas obligatoire.

Il est en effet urgent de briser le tabou de la représentation des travailleurs au sein des très petites entreprises, les TPE. Le dialogue social, en grande partie stimulé par la présence d'interlocuteurs élus qui servent de relais entre employeur et employés, est facteur d'efficacité pour l'entreprise.

En l'état actuel de la loi, il n'est pas permis aux employés des TPE de bénéficier des mêmes droits à la représentation que leurs collègues des entreprises plus importantes. Ce double dispositif, lésant les salariés des TPE, crée une situation inégalitaire flagrante. Ce ne sont pas moins de 2,1 millions de TPE qui sont concernées.

L'article L. 421-1 du code du travail, qui institue ce carcan du seuil des onze salariés, doit être dépassé, car il est un frein au dialogue social. Des millions d'employés sont ainsi privés d'une voix qui leur permettrait de faire entendre leurs revendications, leurs conseils et leurs avis.

A titre d'exemple, le présent projet de loi prévoit que les représentants du personnel puissent être consultés par leurs dirigeants ainsi que, si nécessaire, par le tribunal en cas de difficulté au sein de l'entreprise. Qu'en est-il dans les TPE ? Ne serait-il pas légitime que des représentants élus aient aussi leur mot à dire si la situation de l'entreprise dans laquelle ils travaillent est compromise ?

Cessons donc de considérer les salariés comme des adversaires de l'entreprise. Dans bien des cas, ils ont des conseils légitimes et pertinents à prodiguer, dans l'intérêt de tous.

Ne passons pas à côté de cette occasion. Donnons leur chance aux salariés de pouvoir être entendus et considérés, dans le propre intérêt de l'entreprise.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement est relatif à des dispositions générales du code du travail sans lien réel avec l'objet du projet de loi. Bien entendu, il y aurait beaucoup à dire sur les modifications de ces dispositions du code du travail, mais je ne ferai pas de plus amples commentaires !

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet amendement est hors champ !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 378.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel avant l'art. 5
Dossier législatif : projet de loi de sauvegarde des entreprises
Art. 6 (début)

Article 5

Les articles L. 611-3 à L. 611-6 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 611-3. - Le président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance peut, à la demande du représentant de l'entreprise, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission.

« Art. L. 611-4. - Il est institué, devant le tribunal de commerce, une procédure de conciliation applicable aux personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale, lorsqu'elles éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.

« Art. L. 611-5. - Cette procédure de conciliation est également ouverte aux personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, à l'exception des agriculteurs. Pour l'application du présent article, le tribunal de grande instance est compétent et son président exerce les mêmes pouvoirs que ceux attribués au président du tribunal de commerce.

« La procédure de conciliation n'est pas ouverte aux agriculteurs qui bénéficient de la procédure prévue par les articles L. 351-1 et suivants du code rural.

« Art. L. 611-6. - Le président du tribunal est saisi par une requête du débiteur exposant sa situation financière, économique et sociale, ses besoins de financement ainsi que les moyens d'y faire face.

« Outre les pouvoirs qui lui sont attribués par le second alinéa du I de l'article L. 611-2, le président du tribunal peut charger un expert de son choix d'établir un rapport sur la situation économique, sociale et financière du débiteur et, nonobstant toute disposition législative et réglementaire contraire, obtenir des établissements bancaires ou financiers tout renseignement de nature à donner une exacte information sur la situation économique et financière de celui-ci.

« La procédure de conciliation est ouverte par le président du tribunal, qui désigne un conciliateur pour une période n'excédant pas quatre mois mais qu'il peut, par une décision motivée, proroger d'un mois au plus à la demande de ce dernier. Le débiteur et les créanciers peuvent proposer un conciliateur à la désignation par le président du tribunal. A l'expiration de cette période, la mission du conciliateur prend fin de droit.

« La décision ouvrant la procédure de conciliation est communiquée au ministère public. Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est protégé, la décision est également communiquée à l'ordre professionnel ou à l'autorité compétente dont, le cas échéant, il relève.

« Le débiteur peut récuser le conciliateur dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat. »

M. le président. L'amendement n° 181, présenté par M. C. Gaudin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 611-3 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque l'entreprise est une entreprise artisanale immatriculée au répertoire des métiers, le mandataire ad hoc peut être choisi sur une liste établie par la chambre de métiers et de l'artisanat.

La parole est à M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis. Un décret du 2 novembre 2004 a complété le code de l'artisanat par une disposition aux termes de laquelle les chambres des métiers participent à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises artisanales, en liaison avec les services financiers de l'Etat, les organismes de recouvrement des cotisations sociales et toutes les personnes morales, publiques ou privées concernées.

Il paraît donc normal que les chambres des métiers aient la possibilité de dresser des listes d'experts choisies par elles pour assister les artisans qui connaissent des difficultés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous sommes très sensibles, bien entendu, à l'action des chambres des métiers en matière de prévention. Néanmoins, je rappelle que c'est le président du tribunal qui désigne le mandataire ad hoc.

Par ailleurs, dès lors que l'on appliquerait aux chambres des métiers de telles dispositions, on devrait les appliquer à d'autres catégories, et l'on ne s'en sortirait plus.

Il me paraît préférable de laisser une totale liberté de choix à la juridiction.

Je comprends bien votre souci que soient désignées comme mandataires des personnes qui connaissent le monde de l'artisanat. Mais offrir un monopole de désignation aux chambres des métiers, aux chambres de commerce ou encore, demain, aux représentants des professions libérales, c'est, me semble-t-il, aller trop loin et leur confier une mission qui n'est pas la leur. Ce pouvoir appartient non pas aux chambres consulaires, mais à la juridiction.

Le président du tribunal peut désigner des mandataires ad hoc issus du monde des métiers, s'agissant d'une entreprise artisanale. Mais laissons cette liberté à la juridiction.

C'est pourquoi, monsieur Gaudin, je vous demande de retirer cet amendement ; sinon, je serais au regret d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Autant j'avais fait de grands compliments au rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur son précédent amendement, autant, sur cet amendement n °181, je suis réservé.

Pourquoi, monsieur le rapporteur pour avis, voulez-vous supprimer toute liberté s'agissant du choix du mandataire ad hoc, alors que, la plupart du temps, c'est un administrateur, un avocat, un chef d'entreprise à la retraite qui est désigné par le président du tribunal? Laissez donc au président la liberté du choix ! Je ne vois absolument pas l'intérêt de modifier cette procédure, sauf à faire faussement plaisir aux élus consulaires, qui, à mon avis, n'en demandent pas tant.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si, hélas !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Si c'est vraiment le cas, alors c'est dommage !

En tout cas, je souhaite, comme M. le rapporteur, le retrait de cet amendement.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur le rapporteur pour avis ?

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis. Mon amendement n'a pas de caractère obligatoire puisqu'il y est écrit que le mandataire ad hoc « peut être choisi » sur une liste établie par la chambre de métiers et de l'artisanat.

Tout à l'heure, j'ai évoqué la responsabilisation des entreprises, qui va dans le sens de ce projet de loi, et qui vaut, selon moi, pour la représentation de ces entreprises dans les chambres consulaires.

Toutefois, compte tenu des éléments apportés par la commission et par le Gouvernement, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 181 est retiré.

L'amendement n° 4, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 611-4 du code de commerce, remplacer les mots :

applicable aux personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale, lorsqu'elles

par les mots :

ouverte à l'égard des personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale qui

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est un amendement de précision.

Le texte proposé pour l'article L. 611-4 du code de commerce concerne les conditions d'ouverture de la procédure de conciliation et non son champ d'application.

En effet, il ne faudrait pas comprendre de la rédaction actuelle que la procédure doit cesser dès que la période de quarante-cinq jours après la cessation des paiements est dépassée, d'où la nécessité d'ajouter cette précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui prévient toute interprétation erronée en précisant la condition posée, c'est-à-dire l'ouverture de la conciliation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 345, présenté par MM. Badinter,  C. Gautier,  Yung,  Frimat et  Peyronnet, Mme Bricq, MM. Charasse et  Guérini, Mme M. André, MM. Collombat,  Courrière,  Dreyfus-Schmidt,  Mahéas,  Sueur,  Sutour et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

A la fin du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-4 du code de commerce, après les mots :

en cessation des paiements

supprimer les mots :

depuis plus de quarante-cinq jours

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Indépendamment de son orientation libérale et du déséquilibre qu'elle présente, cette réforme des procédures collectives est mal construite.

La création de la procédure de conciliation, qui remplace maladroitement le règlement amiable, crée de l'incertitude juridique là où précisément il fallait clarifier les procédures.

Or le projet de loi prévoit que la procédure de conciliation est applicable à l'entreprise lorsque celle-ci est en difficulté et lorsqu'elle est en cessation des paiements depuis moins de quarante-cinq jours. Quelle est la cohérence de ce délai ? La procédure de conciliation, dont l'objet est d'éviter la cessation des paiements, ne peut pas être ouverte alors que l'entreprise est déjà en cessation des paiements depuis un mois et demi !

Il importe, par conséquent, de rationaliser les conditions d'ouverture de la procédure de conciliation en excluant l'hypothèse de la cessation des paiements depuis quarante-cinq jours. La conciliation doit être ouverte à condition que l'entreprise ne soit pas en cessation des paiements, comme cela est prévu pour le règlement amiable.

La conciliation doit être une mesure de prévention de la cessation des paiements ; elle doit donc cesser lorsque la cessation des paiements est avérée. Dans l'hypothèse où le débiteur en conciliation est déjà en cessation des paiements, il appartient au juge de reporter la date d'ouverture de la procédure de conciliation et d'ouvrir une nouvelle procédure collective plus adéquate.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'adoption de cet amendement aurait pour conséquence de supprimer l'une des avancées importantes du projet de loi : la liberté laissée au débiteur d'opter, lorsque la cessation des paiements est intervenue depuis moins de quarante-cinq jours, pour un règlement amiable ou, si besoin est, pour un traitement judiciaire plus drastique, le redressement.

Cette souplesse que permet le choix constitue un atout pour les entreprises en difficulté. Comme je l'ai dit dans mon propos initial, en cas de cessation des paiements, il faut que la procédure de conciliation, si elle est déjà engagée, puisse se poursuivre. Il serait complètement ridicule d'imposer l'arrêt immédiat de la procédure en cours pour en engager une autre.

La commission est donc défavorable à cet amendement, qui va à l'encontre de l'objectif du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je m'étonne un peu de cet amendement de la part du groupe socialiste.

M. Badinter nous a reproché de compliquer les choses au lieu de les simplifier. Nous ne cherchons ni à simplifier ni à compliquer ; simplement nous constatons que la procédure de conciliation réussit le plus souvent précisément quand il y a déjà cessation des paiements.

L'idée générale qui sous-tend ce projet de loi, c'est d'utiliser tout ce qui donne des résultats. Or, monsieur Gautier, vous voulez justement ce qui, aujourd'hui, fonctionne dans la plupart des cas. Votre proposition est donc malvenue, mais sans doute a-t-elle pour origine une méconnaissance de la procédure.

Par ailleurs, en ne laissant à l'entreprise que la procédure de redressement judiciaire, vous lui ôtez toute chance de se redresser.

Votre proposition est donc extrêmement négative. Parce que l'entreprise est en cessation des paiements, vous ne lui laissez pas la moindre chance de se redresser. Et, dans le même temps, vous tenez un discours sur le thème « aidons les ouvriers et les salariés » !

Alors, de grâce, ne modifiez pas cette procédure, qui est celle qui existe actuellement, et qui marche ! Laissez-la vivre !

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 345.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 345.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début de la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-5 du code de commerce :

La procédure de conciliation est applicable, dans les mêmes conditions, aux personnes morales de droit privé...

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est un amendement de précision.

Contrairement à l'article L. 611-4, l'article L. 611-5 du code de commerce déterminerait le champ d'application personnel de la procédure de conciliation et non ses conditions d'ouverture.

Par ailleurs, il est nécessaire de prévoir que l'ouverture de la procédure à l'égard de ces professionnels se fait dans les mêmes conditions que celles qui sont visées à l'article L  611-4.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

A la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-5 du code de commerce, supprimer les mots :

, à l'exception des agriculteurs

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer la mention de l'exclusion des agriculteurs de la procédure de conciliation, mention superflue compte tenu de la rédaction du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 611-5.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-5 du code de commerce :

« La procédure de conciliation n'est pas applicable aux agriculteurs, qui bénéficient de la procédure prévue aux articles L. 351-1 à L. 351-7 du code rural.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est un amendement de précision, en cohérence avec les amendements présentés antérieurement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 8, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-6 du code de commerce :

Le président du tribunal est saisi par une requête du débiteur exposant sa situation financière, économique et sociale ainsi que ses besoins de financement.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l'obligation, prévue au premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 611-6 du code de commerce, selon laquelle le débiteur doit porter à la connaissance du président du tribunal les moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour couvrir ses besoins de financement.

En effet, à ce stade de la procédure, le président n'a pas à apprécier, d'une quelconque manière, l'opportunité ou la nature des moyens envisagés par le débiteur pour sortir de ses difficultés. Cette question est, à ce stade, du ressort du débiteur et de ses créanciers, aidés par la suite par le conciliateur qui sera désigné en vertu de cette disposition.

M. le président. L'amendement n° 217, présenté par Mmes Assassi,  Mathon,  Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-6 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :

Ce droit de saisine est également ouvert aux salariés ou à leurs représentants.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. L'article 5 est relatif à la procédure de conciliation, qui vient remplacer l'actuel règlement amiable. En ce sens, elle reste un traitement extrajudiciaire des difficultés d'une entreprise, qui doit permettre à celle-ci de parvenir à un redressement amiable.

La procédure est ouverte aux entreprises éprouvant des difficultés juridiques, économiques ou financières et qui ne se trouvent pas en état de cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours. Cette dernière condition est une nouveauté par rapport à la législation actuelle, puisque, dans le cas du règlement amiable, l'entreprise ne pouvait en aucun cas être en cessation des paiements.

Le premier problème inhérent à cette procédure, et que nous tentons de régler par cet amendement, est qu'elle est ouverte à la seule demande du chef d'entreprise. Imposer une telle condition est, en quelque sorte, nier la réalité.

En effet, le chef d'entreprise n'est pas toujours apte à analyser la situation économique et financière de son entreprise. Dans ce cas, il lui sera difficile de déterminer s'il doit choisir la voie amiable ou la voie judiciaire. Cette difficulté est renforcée par le fait que la conciliation peut être demandée même si l'entreprise est en cessation des paiements, ce qui, à notre sens, brouille encore davantage les critères d'ouverture des procédures.

Par ailleurs, il n'est pas exclu qu'un chef d'entreprise, afin d'éviter une procédure judiciaire, négocie un accord amiable avec ses créanciers qui pourrait s'avérer très désavantageux tant pour lui que pour les salariés.

Ces derniers ont pourtant la possibilité de connaître la situation économique et financière de leur entreprise en amont. Ne pas leur accorder la faculté de saisir le tribunal en vue de l'ouverture d'une procédure de conciliation nous semble inopportun.

Nous proposons donc de prévoir que les salariés disposent, eux aussi, d'un droit de saisine du tribunal de commerce afin d'ouvrir une procédure de conciliation.

Cet amendement a été repoussé à l'Assemblée nationale, au motif que le droit d'alerte figure déjà dans le code du travail.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ce qui est exact !

Mme Eliane Assassi. Certes, mais il s'agit ici non pas d'un simple droit d'alerte, mais bien de la possibilité de saisir directement le tribunal.

Par ailleurs, le droit d'alerte est conféré aux représentants du personnel, spécialement au comité d'entreprise, qui doit être mis en place dès lors que l'entreprise compte plus de cinquante salariés, conformément aux dispositions de l'article L. 432-5 du code du travail. Si une telle entreprise ne s'est pas dotée d'un comité d'entreprise, le droit d'alerte est conféré aux délégués du personnel, comme le prévoit l'article L. 422-4 de ce même code.

Malheureusement, il résulte de la combinaison de ces deux articles que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les délégués du personnel, s'ils existent, ne peuvent exercer ce droit d'alerte.

C'est pourquoi cet amendement a pour objet de permettre aux salariés de toutes les entreprises, quelle qu'en soit la taille, de saisir directement le tribunal en vue de bénéficier d'une procédure de conciliation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 217?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement est contraire à la philosophie du projet de loi, qui tend à laisser au débiteur la responsabilité de recourir à la procédure de conciliation, d'essence contractuelle, je le rappelle.

En revanche, les dirigeants de l'entreprise, comme vous l'avez dit, madame Assassi, devront nécessairement informer les représentants des salariés des difficultés que connaît l'entreprise en application de l'article L. 432-1 du code du travail. J'ajoute que la mesure que vous proposez n'existe pas aujourd'hui ni dans les procédures collectives actuelles ni dans les procédures de prévention.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 8 et 217 ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'amendement n°8 est frappé au coin du bon sens.

En effet, lorsqu'un débiteur qui rencontre des ennuis financiers va frapper à la porte du président du tribunal de commerce pour exposer sa situation, ce dernier ne va pas lui demander quels moyens il envisage pour redresser son entreprise, alors que les créanciers n'ont pas été réunis et qu'il ne dispose pas de tous les éléments. Il s'agit là d'une simple question de bon sens et le Gouvernement est évidemment très favorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement no 217, j'aimerais pouvoir vous convaincre, madame Assassi, mais je crains que cela ne soit un peu un rêve.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Qu'est-ce, en effet, que la procédure de conciliation ?

Je répondrai, d'abord, que deux voies sont possibles, dont l'une est totalement discrète.

Elle consiste, pour le chef d'entreprise qui prend peur  - on imagine une facture impayée - à se rendre discrètement, de préférence à une heure de la journée où personne ne le verra, chez le président du tribunal de commerce afin de lui faire part de ses inquiétudes. Cette procédure, qui prévoit la réunion éventuelle des créanciers, et ce dans la plus grande discrétion vis-à-vis des fournisseurs et des clients, permet d'essayer de redresser l'entreprise avant qu'il ne soit trop tard.

Or que proposez-vous, madame Assassi ? Que tout le monde le sache ; que les salariés donnent leur avis ! Mais, madame la sénatrice, ce faisant, vous tuez l'entreprise ! Il faut bien comprendre que moins de gens seront au courant, plus les chances de sauver l'entreprise seront grandes.

En revanche, si le chef d'entreprise ne fait pas son métier, il existe dans le code du travail, vous l'avez rappelé vous-même, le droit d'alerte.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Dans ce cas, la situation est tout à fait différente. Je souhaiterais que vous compreniez bien la différence, madame Assassi.

En conséquence, le Gouvernement est tout à fait défavorable à cet amendement, qui va à l'encontre de la philosophie de ce texte.

Mme Eliane Assassi. Ce que vous venez de dire sera peut-être utile un jour, monsieur le garde des sceaux, mais, pour l'heure, je ne suis pas d'accord avec vous !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 217 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 182, présenté par M. C. Gaudin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I - Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-6 du code de commerce, après les mots :

Le débiteur

supprimer les mots :

et les créanciers

II - En conséquence, dans la même phrase, remplacer le mot :

peuvent

par le mot :

peut

La parole est à M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis. L'Assemblée nationale a adopté une disposition permettant aux débiteurs et aux créanciers de proposer un conciliateur qui sera désigné par le président du tribunal.

En effet, pas plus dans le droit en vigueur que dans le projet de loi, les créanciers n'ont qualité pour saisir le président du tribunal en vue de la désignation d'un conciliateur ; seul le débiteur est habilité à présenter une requête visant la désignation d'un conciliateur ou d'un mandataire ad hoc.

C'est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques propose de supprimer la référence au créancier dans la disposition concernée et, par là même, de remplacer le mot : « peuvent » par le mot : « peut ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission des affaires économiques souhaite ici revenir au texte initial du projet de loi, ce qui me paraît tout à fait opportun. La commission des lois est donc tout à fait favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est d'accord avec M. le rapporteur pour avis : il n'est évidemment pas question que le créancier puisse imposer le conciliateur de son choix. Que ce soit le débiteur ou le président du tribunal qui le suggère, c'est égal.

Cet amendement rappelle, à juste titre, cet élément fondamental : attention aux pressions !

C'est pourquoi le Gouvernement y est tout à fait favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

A la fin de la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-6 du code de commerce, remplacer les mots :

prend fin de droit

par les mots :

et la procédure prennent fin de plein droit

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que l'expiration de la période de conciliation fixée par le tribunal emporte non seulement la fin de la mission du conciliateur mais également la fin de la procédure elle-même.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Remplacer la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-6 du code de commerce par deux phrases ainsi rédigées :

La décision ouvrant la procédure de conciliation n'est pas susceptible de recours. Elle est communiquée au ministère public.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rendre impossible la contestation juridictionnelle de la décision ouvrant la procédure de conciliation. Cette mesure permet d'éviter que la mise en place de cette procédure ne soit bloquée inutilement, limitant de ce fait les chances de sauver l'entreprise en difficulté.

En revanche, la décision refusant l'ouverture pourrait, elle, faire l'objet d'un recours dans les conditions du droit commun.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 183, présenté par M. C. Gaudin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Remplacer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-6 du code de commerce par sept alinéas ainsi rédigés :

« Le débiteur peut, dans les huit jours, récuser le conciliateur si ce dernier se trouve, à l'égard d'un ou de plusieurs de ses créanciers, dans l'une des situations suivantes :

« 1° - Il a, lui même ou son conjoint, un intérêt personnel au déroulement de la procédure ;

« 2° - Il est, lui même ou son conjoint, créancier ou débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'un des créanciers ;

« 3° - Il est, lui même ou son conjoint, parent ou allié de l'un des créanciers jusqu'au quatrième degré inclusivement ;

« 4°- Il existe un lien de subordination entre le conciliateur ou son conjoint et l'un des créanciers ou son conjoint ;

« 5° - Il y a amitié ou inimitié notoire entre le conciliateur et l'un des créanciers ;

« 6° - Il est dans l'une des situations d'incompatibilité visées à l'article L. 611-13. »

La parole est à M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis. Selon l'article 341 du nouveau code de procédure civile, la récusation d'un juge n'est admise que pour les causes déterminées par la loi.

Le présent amendement vise à transposer ce principe au conciliateur en fixant un délai et en énumérant un certain nombre de cas de récusation s'inspirant de ceux que prévoit, s'agissant des juges, l'article L. 731-1 du code de l'organisation judiciaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le texte du projet de loi prévoyait le renvoi à un décret en Conseil d'Etat. Cependant, faire figurer ces éléments principaux dans la loi peut se justifier. C'est pourquoi la commission des lois est favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. La statue du grand Portalis, que je contemple en cet instant, me rappelle que la loi doit être concise. Or ce dont nous discutons est du domaine strictement réglementaire. Si la loi se met, en plus, à faire du règlement, où allons-nous ? (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela fait longtemps qu'elle ne s'en prive pas !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cette méthode de travail me paraît tout simplement mauvaise.

C'est la raison pour laquelle je demande à l'auteur de cet amendement de bien vouloir retirer ce dernier.

A chacun son métier : le législateur fait la loi, le Gouvernement fait le règlement, et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles !

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, retirez-vous l'amendement ?

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis. Je le maintiens, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En fait, certaines incompatibilités se trouvent souvent dans les textes de loi, même s'il est, certes, tout à fait possible de renvoyer à un décret. C'est pourquoi, monsieur le garde des sceaux, cette disposition ne m'a pas choqué.

En revanche, le délai de huit jours me paraît insuffisant et il conviendrait donc, monsieur le rapporteur pour avis, que vous rectifiiez l'amendement n° 183 afin de remplacer les mots : « huit jours » par les mots : « quinze jours ».

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Si cela permettait d'accorder les points de vue des plaideurs (Nouveaux sourires), je serais prêt à prendre l'engagement auprès de M. le rapporteur pour avis, compte tenu de la suggestion apportée par M. Hyest, à reprendre dans le décret l'ensemble des critères de récusation, avec le délai de quinze jours au lieu de huit.

Cela devrait, me semble-t-il, vous rassurer, monsieur le rapporteur pour avis, et permettrait à chacun de faire son métier, ce qui est pour le moins souhaitable.

M. le président. Qu'en est-il finalement de l'amendement, monsieur le rapporteur pour avis ?

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 183 est retiré.

Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, vous en conviendrez, c'est bien la première fois que j'assiste à un débat sur les domaines respectifs de la loi et du règlement ! (Sourires ironiques.)

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Certes, monsieur le président !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est vrai que nous faisons tellement de lois ne relevant que du domaine législatif ! (Nouveaux sourires.) Mais je comprends parfaitement l'attachement du garde des sceaux aux articles 34 et 37 de la Constitution !

Puisse-t-il communiquer son enthousiasme à certains de ses collègues du Gouvernement ainsi, bien sûr, qu'aux parlementaires !

M. Jean Arthuis. Très bien !